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Droit des collectivités territoriales

T HÉMIS
COLLECTION FONDÉE ET DIRIGÉE PAR MAURICE DUVERGER
THÉMIS DROIT PUBLIC
SOUS LA DIRECTION DE DIDIER TRUCHET
P r o f e s s e u r à l'Université de P a r i s I I

JACQUES BOURDON
Professeur à l'Université d'Aix-Marseille

JEAN-MARIE PONTIER
Professeur à l'Université d'Aix-Marseille

JEAN-CLAUDE RICCI
Professeur, Directeur de l'Institut
d'études politiques d'Aix-en-Provence

Droit
des collectivités territoriales

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE


DES MÊMES AUTEURS
Institutions et droit administratifs, Textes et documents, Presses Universitaires de France, « Thémis »,
1980.
La V' République, Economica, 21 éd., 1988.
Droit constitutionnel et institutions politiques, Economica, 41 éd., 1998.
Lexique de termes politiques, Dalloz, 6e éd., 1992.
Institutions et droit administratifs. Biens, expropriation, travaux publics, Presses Universitaires de
France, « Thémis », 2e éd., 1995.
Droit de la culture, Dalloz, 2e éd., 1996.

DE JACQUES BOURDON
Le personnel communal, Berger-Levrault, 1974.
Administration et monde rural, LGDJ, 1981.
Les associations, Presses Universitaires de France, 6e éd., 1997.

DE JEAN-MARIE PONTIER
L'État et les collectivités territoriales, LGDJ, 1978.
Les calamités publiques, Berger-Levrault, 1980.
Introduction à la politique, Dalloz, 4e éd., 1995.
La société française, Dalloz, 3e éd., 1995.
Les constitutions de la France, Dalloz, 3, éd., 1996.
Les services publics, Hachette, Les Fondamentaux, 1996.
Libertés publiques, Hachette, Les Fondamentaux, 1997.
Droit de la langue française, Dalloz, Connaissance du droit, 1997.

DE JEAN-CLAUDE RICCI
Les mercredis de Paul VI, Presses Universitaires de France, 1975.
Le pouvoir discrétionnaire de l'administration fiscale, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 1997.
Contentieux administratif, Dalloz, 6e éd., 1994.
Introduction à l'étude du droit, Hachette, Les Fondamentaux, 1994.
Mémento de la jurisprudence administrative, Hachette, Les Fondamentaux, 1995.
Droit administratif Hachette, Les Fondamentaux, 1996.

ISBN 2 13 049579 6
ISSN 0768-0910

Dépôt légal — lre édition : 1987


2e édition mise à jour : 1998, septembre
0 Presses Universitaires de France, 1987
108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
à Françoise
Sommaire

AVANT-PROPOS 1

PREMIÈRE PARTIE
THÉORIE GÉNÉRALE DU DROIT
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

CHAPITRE 1. — Les principes de la décentralisation 5

1 / La notion de décentralisation 5
1 1 Les données de la décentralisation 5
2 1 La décentralisation et l'organisation du pouvoir 8
A / La décentralisation et le fédéralisme 8
B / La décentralisation et la déconcentration 11
2 / Le développement historique de la décentralisation 14
1 1 L'Ancien Régime 14
2 1 La période révolutionnaire décentralisatrice 17
A / Les principes de la réorganisation 17
B / Les structures communales et départementales 18
3 1 Le retour à la centralisation : la révolution conventionnelle et l'Empire . 20
A / La centralisation conventionnelle 20
B / La centralisation impériale 21
4 1 Le développement de la décentralisation 22
A / Les débuts de la décentralisation 22
B / Le régime provisoire de 1870-1875 et la IIIe République .................. 24
C / La période contemporaine .................................................................... 28
3 / La réforme des collectivités territoriales 34
1 1 Nécessité, justification et difficultés d'une réforme 34
2 1 Les domaines de la réforme 36
A / La réforme des structures 36
B / La réforme des procédures 37
C / La réforme des compétences 39
D / La réforme des finances locales 41
E / La réforme des personnels 43

BIBLIOGRAPHIE 46

CHAPITRE 2. — La notion de collectivité territoriale 49

1 / Définition de la collectivité territoriale 49


1 1 Conditions juridiques constitutives de la notion 49
A / La personnalité juridique 50
B / Les affaires propres 53
C / L'autonomie à l'égard du pouvoir central 54
D / Un pouvoir de décision 55
2 1 Collectivité territoriale et établissement public 56
A / Collectivité territoriale et établissement public traditionnel 57
B / Collectivité territoriale et établissement public territorial 59
3 1 Le contrôle des collectivités territoriales 61
A / La notion de contrôle 61
B / Les modalités de contrôle 63

2 / Éléments constitutifs de la collectivité territoriale 66


1 1 Le nom 66
2 1 Le territoire 67
A / La délimitation du territoire 67
B / Le chef-lieu du territoire 69
3 1 La population 70
A / Données générales 70
B / La population des communes 71

BIBLIOGRAPHIE 72

CHAPITRE 3. — Le droit constitutionnel local 75

1 / Les règles constitutionnelles relatives à l'organisation des collectivités


territoriales 75
1 1 La création des collectivités territoriales 76
A / La création par la Constitution ............................................................ 76
B / La création par la loi ............................................................................ 77
2 1 La structure des collectivités territoriales 79
A / Un organe collégial élu 79
B / L'unité catégorielle 85
3 1 La représentation des collectivités territoriales par le Sénat 88
2 / Les règles constitutionnelles d'administration des collectivités territoriales . 90
1 1 La nature législative des conditions de la libre administration 90
A / Une compétence de principe 90
B / Une compétence subordonnée 99
2 1 Le contenu de la libre administration 107
A / La libre administration par rapport à l'État 107
B / La libre administration par rapport aux autres personnes publiques . 115
3 1 Le contrôle de la libre administration 121
A / Un contrôle obligatoire 121
B / Un objet précis 123
C / Des modalités variées 125
BIBLIOGRAPHIE 127

CHAPITRE 4. — L'applicabilité de principe d u droit administratif général aux


collectivités territoriales 131
1 / La soumission des actes, documents et fichiers administratifs des collectivités
territoriales au droit administratif général 132
1 1 Les actes unilatéraux locaux 133
A / La nature juridique des actes unilatéraux locaux 133
B / L'édiction des actes unilatéraux locaux 134
C / La force juridique des actes unilatéraux locaux 135
2 1 Les contrats administratifs passés par les collectivités territoriales 136
A / L'identification du contrat local comme contrat administratif 137
B / Le régime juridique du contrat administratif local 138
3 1 Le régime des documents et fichiers administratifs locaux 140
2 / La soumission des moyens d'action des collectivités territoriales au droit
administratif général 141
1 1 Lesservices publics locaux 141
A / Les catégories de services publics locaux 141
B / Les modes de gestion des services publics locaux 142
C / Les conditions de création et de fonctionnement des services publics
locaux 142
2 1 L'exercice du pouvoir local de police 143
A / Les différentes catégories de police locale 144
B / L'étendue du pouvoir local de police 144
C / L'exercice du pouvoir local de police 145
3 1 Le régime des biens des collectivités locales 147
A / Les principes généraux de la domanialité locale 147
B / Le domaine public des collectivités territoriales ................................. 154
C / Le domaine privé des collectivités territoriales .................................. 169
4 1 Les travaux publics des collectivités territoriales 172
5 1 Le recours des collectivités territoriales à l'expropriation pour cause
d'utilité publique 175
3 / La soumission de la responsabilité extra-contractuelle des collectivités
territoriales au droit administratif général 176
1 1 Les conditions de mise en jeu de la responsabilité des collectivités
territoriales 177
A / Le fondement dualiste de la responsabilité locale 177
B / Le lien de causalité 180
C / Le préjudice 181
D / La réparation du préjudice 183
2 1 La responsabilité civile et la protection des agents et élus locaux 185
A / La responsabilité civile des agents locaux 186
B / La situation des élus locaux en matière de responsabilité civile 188
C / La protection des agents et élus locaux contre les menaces et
attaques, et l'obligation de réparer leurs conséquences 191
4 / L'alignement du régime contentieux des actes locaux sur celui des actes
étatiques 193
1 1 Les moyens de contrôle des actes administratifs locaux par le juge 194
A / La légalité externe des actes administratifs locaux 194
B / La légalité interne des actes administratifs locaux 196
2 1 L'intensité du contrôle des actes administratifs locaux par le juge 199

CHAPITRE 5. — Le contrôle sur les collectivités territoriales 201

1 / Organisation du contrôle juridictionnel sur les collectivités territoriales 201


1 1 La juridiction compétente 202
2 1 La procédure 203
A / La représentation en justice 203
B / La qualité pour agir en justice 204
C / Les délais d'action 206
3 1 Les voies de recours 207

2 / Le contrôle de la légalité 208


1 1 Le champ d'application du contrôle de légalité 209
A / Le caractère exécutoire des actes des collectivités territoriales 209
B / Les conditions du caractère exécutoire des actes des collectivités
territoriales 210
C / Attestation de non-recours .• 215
2 1 La saisine du juge 215
A / Conditions de saisine relatives au réclamant ,215
B / Conditions de saisine relatives à l'acte contesté 229

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 231


CHAPITRE 6. — Les administrateurs locaux 233

1 / Le statut des administrateurs élus 233


1 1 Les conditions d'accès au mandat 233
A / L'éligibilité 234
B / Les incompatibilités 237
2 1 Les conditions d'exercice du mandat 240
A / La formation des élus 241
B / La disponibilité 242
C / L'indemnisation 244
D / La responsabilité 245
E / La protection des élus 250
F / Les moyens d'exercice du mandat 251
2 / Les agents des collectivités territoriales 254
1 1 L'apport du statut général 255
2 1 Les institutions de la fonction publique territoriale 257
A / Les institutions de gestion 258
B / Les institutions consultatives 262
C / L'institution de formation : le Centre national de la fonction publique
territoriale 265
3 1 L'accès à la fonction publique territoriale 268
A / Les conditions d'accès 268
B / Les procédures de recrutement 270
C / Le recrutement d'agents non titulaires 272
4 1 La carrière du fonctionnaire territorial 273
A / La qualité de fonctionnaire 273
B / Les garanties statutaires 276
C / La sortie de carrière 278
5 1 Les droits et les obligations des fonctionnaires territoriaux 278
A / La mise en œuvre des droits et obligations 278
B / La sanction des obligations 279

BIBLIOGRAPHIE 280

CHAPITRE 7. — Budgets et comptabilités des collectivités territoriales 283

1 / Les budgets locaux 283


1 1 La notion de budget local 284
2 1 La présentation des budgets locaux 285
3 1 Le vote des budgets locaux 287
4 1 Les incidents dans l'adoption des budgets locaux 288
2 / La comptabilité publique locale 298
1 1 La comptabilité en « M 14 » 299
A / Principes généraux de l'instruction M 14 ........................................... 299
B / L'apparition de nouvelles opérations comptables 301
C / L'apparition de nouveaux comptes 304
D / L'apparition de nouvelles annexes 305
2 1 Les opérations et les documents comptables 306
A / Les opérations comptables 307
B / Les documents comptables 310
3 / Le contrôle sur les budgets et les comptabilités des collectivités territoriales . 313
1 1 Le contrôle exercé par le juge administratif de droit commun 314
A / Le contrôle sur les dépenses des collectivités territoriales 315
B / Le contrôle sur les recettes des collectivités territoriales 316
C / Le contrôle sur le budget et la comptabilité des collectivités
territoriales 317
2 1 Le contrôle exercé par certaines autorités administratives 318
3 1 Le contrôle exercé par les chambres régionales des comptes 319
A / L'organisation des chambres régionales des comptes 320
B / Les attributions des chambres régionales des comptes 321
C / Le contrôle de gestion exercé par les chambres régionales des
comptes 325
4 / Les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales 331
1 1 Un enjeu purement politique 332
A / La querelle du « moins d'État » 332
B / La montée en puissance du « local » 333
C / L'enjeu du troisième millénaire 333
2 1 Le recours aux dotations globales 334
A / La dotation globale de fonctionnement 335
B / La dotation globale d'équipement 337

BIBLIOGRAPHIE 339

CHAPITRE 8. — Le système relationnel des collectivités territoriales 343

1 / Les relations internes 343


1 1 La coopération institutionnelle 344
A / L'intercommunalité, forme privilégiée de la coopération 344
B / Les syndicats 345
C / Les districts 346
D / Les communautés 347
E / L'administration des villes nouvelles 355
F / La coopération interdépartementale et interrégionale 357
G / Les syndicats mixtes 359
H / La pré-institutionnalisation ou la post-institutionnalisation : les pays . 361
2 1 La coopération contractuelle 362
A / Les relations contractuelles entre l'État et les collectivités locales ... 362
B / Les relations contractuelles entre les collectivités locales .................. 364
2 / Les relations externes 365
1 1 La coopération décentralisée 366
A / Le principe de la coopération décentralisée 366
B / Les modalités de la coopération décentralisée 367
2 1 Les collectivités locales et l'Europe 368
A / La coopération transfrontalière 368
B / Les collectivités locales et l'Union européenne 369

BIBLIOGRAPHIE 370

DEUXIÈME PARTIE
LES RÉGIMES JURIDIQUES SPÉCIFIQUES
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

CHAPITRE 1. — La commune 375

1 / Les organes de la commune 376


1 1 Le conseil municipal 377
A / L'élection du conseil municipal 377
B / Le fonctionnement du conseil municipal 386
C / Les compétences du conseil municipal 397
2 1 Le maire 399
A / L'élection de la municipalité 400
B / Le statut de la municipalité 406
C / Les compétences de la municipalité 409
2 / Les compétences de la commune 415
1 1 Les principes directeurs des compétences des communes 415
A / La clause générale de compétence 416
B / Les principes de la loi du 7 janvier 1983 417
2 1 Les domaines d'exercice des compétences 418
A / L'action sociale et la santé 418
B / La culture 419
C / L'éducation 422
D / L'économie 425
E / L'urbanisme 438
F / La protection du patrimoine architectural et urbain et des sites ........ 453
G / L'environnement 454
H / Les ports et les voies d'eau ................................................................. 454
3 1 La police municipale 455
A / Les autorités et le personnel de police 455
B / L'ordre public municipal 458
C / Les différentes polices 460
3 / Les services publics communaux 461
1 1 Les domaines privilégiés de création de services publics 461
A / Les domaines traditionnels 462
B / Les nouveaux domaines de création de services publics 463
2 1 L'organisation des services publics communaux 464
A / Les exigences du service public 464
B / Les modes de gestion des services publics communaux 465
4 / Les finances des communes et groupements de communes 469
1 / Les finances communales 469
1 1 Les dépenses communales 470
A / Les dépenses de fonctionnement 470
B / Les dépenses d'investissement 473
2 1 Les recettes communales 474
A / Les recettes de fonctionnement 474
B / Les recettes d'investissement 482
2 / Les finances des groupements de communes 487
1 1 Les finances des groupements de communes sans fiscalité 488
A / Les finances du district 488
B / Les finances du syndicat de communes 489
2 1 Les finances des groupements de communes à fiscalité propre 490
A / Les finances des districts à fiscalité propre 490
B / Les finances des agglomérations nouvelles 491
C / Les finances des communautés urbaines 493
D / Les finances des communautés de villes 497
E / Les finances des communautés de communes 497
5 / Le régime spécial de responsabilité des communes en matière d'ordre public
et de police 498
6 / Les particularités du régime applicable à certaines communes 500
1 1 Les communes d'Outre-mer 500
A / Particularités affectant l'organisation communale 501
B / Particularités financières 502
C / Particularités relatives à l'administration et aux services communaux . 503
D / Particularités relatives au personnel communal 504
2 1 Les communes d'Alsace-Moselle 505
A / Particularités touchant à l'organisation communale 506
B / Particularités concernant les finances communales 508
C / Particularités relatives à l'administration et aux services communaux . 509
D / Particularités relatives au personnel communal .................................. 510
3 1 Les communes de Paris, Lyon et Marseille 510
A / L'organisation des arrondissements 511
B / Les attributions de l'arrondissement 512
C / Le régime des finances et du personnel des arrondissements 515
D / Le régime des actes du conseil et du maire d'arrondissement 516
E / La désignation des conseils municipaux de Marseille et de Lyon 517
4 1 Les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-
Denis et du Val-de-Marne 518
5 1 Les communes d'Ile-de-France 519
6 1 Les communes des départements de la Haute-Corse et de la Corse-
du-Sud 519

7 / Fusion et coopération des communes 520


1 1 La fusion des communes 521
A / Le principe du consentement 522
B / Les formes de la fusion 523
C / Les effets de la fusion 525
2 1 Les formes légères de la coopération communale 526
A / Les ententes intercommunales 527
B / Les commissions syndicales 528
C / La charte intercommunale de développement et d'aménagement 529
3 1 Les règles communes aux établissements publics de coopération inter-
communale 530
A / Les principes communs 530
B / Le régime commun 532

BIBLIOGRAPHIE 534

CHAPITRE 2. — Le département 539

1 / Les organes du département 539


1 1 Le conseil général 540
A / L'élection au conseil général 540
B / Le mandat de conseiller général 543
C / Le fonctionnement du conseil général 544
2 1 Les organes internes du conseil général 547
A / La commission permanente 547
B / Les commissions spécialisées 548
C / Le bureau 549
D / Les groupes d'élus 550
3 1 Le président du conseil général 550
A / Le statut du président du conseil général 550
B / Les attributions du président du conseil général ................................. 551
2 / Les compétences du département 552
1 1 Caractéristiques générales des compétences du département 553
2 1 Les domaines d'attribution des compétences 554
A / L'action sociale et la santé 554
B / La culture 557
C / L'enseignement 559
D / L'environnement 561
E / Le logement 561
F / La planification et l'aménagement du territoire 562
G / Les ports et les voies d'eau 563
H / Les transports 564
1 / L'urbanisme 566
J / La police départementale 566
3 / Les services départementaux 567
1 1 La réorganisation des services 567
A / Les services de la préfecture 568
B / La mise à disposition des services déconcentrés de l'État 568
2 1 Les services publics départementaux 570
4 / Les finances départementales 573
1 1 Les dépenses départementales 573
A / Les dépenses obligatoires 573
B / Les dépenses facultatives 574
C / Les dépenses interdites 575
2 1 Les recettes départementales 575
A / Les recettes de fonctionnement 575
B / Les recettes d'investissement 577

6 / Les départements d'outre-mer 580


1 1 De la spécialité à l'adaptation 580
A / La spécialité primitive des DOM 581
B / L'assimilation législative 581
C / L'adaptation à la situation particulière des DOM 582
2 1 Les particularités de l'organisation décentralisée des DOM 583
3 1 Les particularités fiscales et domaniales des départements d'Outre-mer .. 585
A / Les particularités fiscales : un particularisme résiduel 585
B / Les particularités domaniales 588

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 590


CHAPITRE 3. — L a r é g i o n 593

1 / L e s o r g a n e s de la r é g i o n 593
1 1 Le conseil régional 594
A / L'élection du conseil régional 594
B / Le mandat de conseiller régional 600
C / Le fonctionnement du conseil régional 602
2 1 Les organes internes du conseil régional 604
A / La commission permanente 605
B / L e s c o m m i s s i o n s spécialisées 606
C / Le bureau 606
D / Les groupes d'élus 607
3 1 Le président du conseil régional 607
A / L e s t a t u t d u p r é s i d e n t du c o n s e i l r é g i o n a l 607
B / L e s attributions d u p r é s i d e n t du c o n s e i l r é g i o n a l 609
4 1 L e c o n s e i l é c o n o m i q u e e t social r é g i o n a l 610
A / L a c o m p o s i t i o n d u c o n s e i l é c o n o m i q u e et social r é g i o n a l 610
B / L ' o r g a n i s a t i o n e t le f o n c t i o n n e m e n t d u c o n s e i l é c o n o m i q u e e t social
régional 611
C / L e s a t t r i b u t i o n s d u c o n s e i l é c o n o m i q u e e t social r é g i o n a l 613

2 / Les compétences de la région 613


1 1 L ' é l a r g i s s e m e n t des c o m p é t e n c e s de la r é g i o n 614
2 1 L e s c o m p é t e n c e s de la r é g i o n dans l a p l a n i f i c a t i o n 615
A / L ' e x p é r i e n c e r é g i o n a l e de p l a n i f i c a t i o n 615
B / L ' o r g a n i s a t i o n actuelle d e l a p l a n i f i c a t i o n 616
3 1 L e s c o m p é t e n c e s de la r é g i o n dans le d o m a i n e é c o n o m i q u e 618
4 1 L e s r é g i o n s e t l ' a m é n a g e m e n t d u territoire 620
5 1 L e s c o m p é t e n c e s de la r é g i o n dans l e d o m a i n e social 621
A / L a formation professionnelle continue et l'apprentissage 621
B / Le financement des actions 622
6 1 Les compétences de la région dans le domaine culturel 623
7 1 Les compétences de la région dans le domaine de l ' e n s e i g n e m e n t 624
8 1 Les compétences de la région dans le domaine des transports 626
9 1 Les compétences de la région dans le domaine des ports et d e s cultures
marines 627
10 1 L e s c o m p é t e n c e s de l a r é g i o n d a n s l e d o m a i n e d u l o g e m e n t e t d e
l'urbanisme 628

3 / Les f i n a n c e s régionales 628


1 1 Les dépenses du budget régional 629
A / Les dépenses d'investissement 629
B / L e s d é p e n s e s de f o n c t i o n n e m e n t 630
2 1 Les recettes du budget régional 631
A / Les recettes d'investissement 631
B / L e s recettes d e f o n c t i o n n e m e n t ............................................................ 632
4 / Les régions à statut particulier 633
1 1 Les particularités organiques 633
A / Les particularités organiques de la région d'Ile-de-France 634
B / Les particularités organiques des régions d'outre-mer 634
2 1 Les particularités fonctionnelles 636
A / L'extension des compétences 636
B / L'attribution de moyens supplémentaires 642

BIBLIOGRAPHIE 645

CHAPITRE 4. — Les catégories de collectivités territoriales à exemplaire unique . 649

1 / Paris 649
1 1 Les particularités organiques du régime de Paris 650
A / Le conseil de Paris 651
B / Le maire de Paris 652
C / Les conseils d'arrondissement 653
2 1 Les particularités fonctionnelles du régime de Paris 654
A / L'étendue des compétences 654
B / L'exercice des compétences 657

BIBLIOGRAPHIE 658

2 / Ma-votte 658
1 1 l'évolution de Mayotte 658
2 1 Le statut de Mayotte ! 659
A / Un statut composite 659
B / Un statut transitoire 660

BIBLIOGRAPHIE 661

3 / Saint-Pierre-et-Miquelon 661
1 1 L'évolution du régime de Saint-Pierre-et-Miquelon 661
2 1 Le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon 662
A / Le conseil général 662
B / Le président du conseil général 663
C / Le représentant de l'État 664

BIBLIOGRAPHIE 664
4 / La Corse 664
1 1 Les particularités organiques 666
A / L'assemblée de Corse 666
B / Le conseil exécutif de Corse 671
C / Le conseil économique, social et culturel de Corse ........................... 673
2 1 Les particularités fonctionnelles 674
A / L'identité culturelle 675
B / Le développement économique 676

BIBLIOGRAPHIE 678

CHAPITRE 5. — Les territoires d'Outre-mer 679

1 / L'évolution politique et constitutionnelle des territoires d'outre-mer ............ 679


2 / La Polynésie française 682
1 1 Les institutions du territoire 683
A / L'assemblée de la Polynésie française 683
B / Le gouvernement de la Polynésie française 686
C / Le conseil économique, social et culturel 688
2 1 Les compétences du territoire de Polynésie 688
3 / La Nouvelle-Calédonie 689
1 1 Le statut décennal 690
A / Les provinces 690
B / Le territoire 691
2 1 Le projet de statut évolutif 692
A / Les institutions du territoire 692
B / Les compétences 693
4 / Wallis et Futuna 694
1 1 Les organes 694
A / Les organes représentant le territoire 694
B / Les organes représentant l'État 695
2 1 Les compétences du territoire 695
5 / Le territoire des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) 695

BIBLIOGRAPHIE 696

INDEX ............................................................................................................................... 697


AVANT-PROPOS

Les collectivités locales, appelées aujourd'hui plus fréquemment collec-


tivités territoriales, représentent une donnée permanente de la vie politique
et administrative française : aussi loin que l'on remonte dans le temps, on
trouve des formes de groupements humains, des communautés à l'origine
des collectivités actuelles et notamment des communes.
Si ces collectivités territoriales sont un paysage familier aux citoyens,
depuis quelque seize ans, elles sont entrées dans une phase de profondes
réformes, à la suite d'un train de lois, décrets, arrêtés et circulaires impres-
sionnant dont le code général des collectivités territoriales publié en 1996
ne donne à travers la seule partie législative qu'un aperçu. L'actualité juri-
dique, législative et réglementaire, relayée par la jurisprudence, demeure
celle des collectivités territoriales ne serait-ce qu'à travers les projets qui se
succèdent et la liaison entre la décentralisation et la réforme de l'État.
Un droit nouveau des collectivités territoriales est ainsi en formation qui
est présenté dans cet ouvrage à travers l'étude :
— de la théorie générale du droit des collectivités territoriales (Première
partie) ;
— des régimes juridiques spécifiques des collectivités territoriales
(Deuxième partie).
PREMIÈRE PARTIE

Théorie générale du droit


des collectivités territoriales

La diversité caractérise les collectivités territoriales. Certaines, les


communes, remontent à une époque si reculée que l'on a du mal à en fixer
les origines, tandis que d'autres, les régions, ont été créées par le légis-
lateur en 1982. Certaines sont toujours en quête de leur identité, comme
les départements, d'autres l'ont perdue, comme certaines communes.
Certaines, rares, sont riches, d'autres, la grande majorité, sont constamment
à la recherche de ressources financières. On pourrait rallonger la liste de ces
oppositions, de ces contradictions. Et cependant, il est possible d'établir,
sur le plan juridique, une théorie générale du droit des collectivités territo-
riales. Quelles qu'elles soient, ces dernières se voient appliquer certaines
règles qui constituent le fonds commun de la décentralisation en France.
On examinera successivement les principes de la décentralisation
(chap. 1), la notion de collectivité locale (chap. 2), le droit constitutionnel
local (chap. 3), l'application de principe du droit administratif général aux
collectivités territoriales (chap. 4), le contrôle des collectivités territoriales
(chap. 5), les administrateurs élus et nommés des collectivités territoriales
(chap. 6), les finances locales (chap. 7), le système relationnel des collec-
tivités territoriales (chap. 8).
Chapitre 1

LES P R I N C I P E S
DE LA D É C E N T R A L I S A T I O N

Si les problèmes posés à l'échelon des communes, des départements,


des régions sont le plus souvent des problèmes concrets, voire terre à terre,
la décentralisation française est le résultat d'une politique de principes
parfois difficilement conciliables. La décentralisation est considérée comme
souhaitable et doit être distinguée de notions qui, pour être proches,
expriment une organisation différente. L'évolution historique montre les
difficultés de cette politique. La réforme des collectivités territoriales va
devenir un thème permanent de la politique locale.

1 / La notion de décentralisation

Cette notion est au carrefour de données aussi bien politiques que juri-
diques ; elle s'appuie sur des notions elles-mêmes peu claires ; en tant que
mode d'organisation du pouvoir, elle doit être distinguée d'autres modes
d'organisation.

1 1 LES DONNÉES DE LA DÉCENTRALISATION

Le terme décentralisation étant utilisé dans des domaines très divers,


cela peut conduire à des conclusions erronées. On parlera ainsi de la décen-
tralisation artistique ou lyrique. Celle-ci n'a que peu de rapports avec la
décentralisation administrative. Elle signifie seulement la création, en
province, de spectacles, par opposition aux spectacles donnés en province
par des troupes parisiennes en tournée. On a parlé de décentralisation
industrielle. Celle-ci évoque simplement le transfert d'entreprises de la
région parisienne vers des zones moins industrialisées, et l'effort,
notamment fiscal, fait en ce sens par l'État. La décentralisation indus-
trielle peut donc parfaitement se concilier avec une très grande centrali-
sation administrative. Il en est de même pour la décentralisation des
activités tertiaires. Dans ce cas, l'ambiguïté est plus grande que précé-
demment, car il s'agit bien d'une réorganisation de l'administration, mais
c'est uniquement de l'administration de l'État dont il est question. Cette
décentralisation signifie seulement décongestionner la capitale en trans-
férant certains services. On a ainsi parlé de la décentralisation des grandes
écoles pour évoquer leur transfert du centre de Paris à quelques kilomètres
de la ville. Aujourd'hui, on ne parle plus, pour ces transferts, de décentra-
lisation mais de délocalisation.
La décentralisation administrative est un mode de relation entre le
pouvoir central et des autorités locales, avec une certaine répartition des
compétences entre le niveau central et les niveaux locaux d'administration
qui ont été reconnus.
La décentralisation n'est pas le local self goverl1111ellt britannique. La
différence entre ces deux notions est moins d'ordre juridique, car elles sont
difficilement comparables, que d'ordre politique : le self goverllment
implique un respect par le pouvoir central des autorités locales que l'on
ne retrouve pas en France. Si, en France, les collectivités territoriales sont
présumées, comme l'État, poursuivre un intérêt public, cet intérêt public
n'est pas de même nature que celui poursuivi par l'État, il lui est subor-
donné. L'action des collectivités territoriales n'est légale, et n'est consi-
dérée comme légitime, que si elle respecte l'intérêt général tel qu'il a été
défini par l'État.
Une opposition possible est celle entre le « local » et le « national ». Le
premier fait référence à un groupe restreint, le second à un groupe élargi.
Le groupe local est considéré comme « naturel » (pour les communes au
moins) tandis que la nation, dans la conception française, est le produit d'un
vouloir vivre en commun. Mais il faut distinguer ce que l'on entend par
une telle opposition : la nation, en tant que telle, n'est pas la négation de
groupements locaux puisque, au contraire, elle est la résultante de cette
diversité. La nation implique cette diversité surmontée. Mais l'opposition
local-national peut avoir une deuxième signification. Elle peut signifier que
les problèmes perdent progressivement leur dimension locale pour acquérir
une dimension nationale, voire internationale. C'est en ce sens que l'on
parle parfois de nationalisation des problèmes. Les moyens de communi-
cation de masses, l'exigence d'égalité, le sentiment de complexité toujours
plus grande font que de plus en plus de problèmes sont traités à l'échelon
national et non plus à l'échelon local. L'accroissement du « national » se
traduit par une réduction du « local », donc de la décentralisation. La natio-
nalisation, au sens courant du terme, peut s'accompagner d'une dévalori-
sation du « local » et par un recul de la décentralisation. Ainsi, la
nationalisation de l'électricité et du gaz, en 1946, si elle était conçue
comme le transfert à la nation d'activités exercées jusque-là par des
personnes privées, a eu également une incidence sur les entreprises de
production de gaz ou d'électricité communales ou départementales, la loi
du 8 avril 1946 prenant certes en considération ces entreprises, mais de
manière restrictive.
Il est encore possible d'opposer le « local » au « central », et c'est la
distinction qui apparaît le plus fondée dans la décentralisation. L'opposition
se manifeste d'abord sur un plan géographique. Ce qui est central, dans
cette optique, c'est ce qui permet de relier facilement les divers points d'un
territoire, c'est ce qui est équidistant de la majorité des autres points du
territoire. L'opposition peut également avoir une signification politique : on
évoquera alors le pouvoir central face au pouvoir local représenté par le
pouvoir des élus locaux (un auteur, au siècle dernier, a parlé de « pouvoir
municipal » et cette formule a connu une certaine fortune). Là est la véri-
table opposition.
On observe que ces deux conceptions — géographique et politique —
coïncident le plus souvent bien que rien d'autre que les données de fait ne
l'implique. En effet, la capitale, qui est en même temps le siège du pouvoir
politique, est située géographiquement approximativement vers le centre
du pays. Certes, des considérations historiques peuvent jouer dans un tout
autre sens. Le phénomène est, en tout état de cause, caractéristique en
France : il était concevable, mais en théorie seulement, que la capitale eût
pu être située en un autre lieu que Paris. Par ailleurs, on évoque plus faci-
lement le pouvoir central que le pouvoir local. Lorsque, en France, on
parle des relations entre ces niveaux, il est question du pouvoir central et
des autorités locales. Certains pays admettent au contraire cette idée de
pouvoir local : c'est le cas de la Belgique dont la Constitution comporte de
nombreux articles relatifs à l'organisation du pouvoir local.
Les données de la situation en France impliquent une suprématie du
pouvoir central sur les collectivités existant à l'échelon local et un contrôle
de celui-là sur celles-ci. C'est pourquoi la décentralisation, toujours au
programme des gouvernements, et quelquefois réalisée, demeure à
conquérir sans cesse. La décentralisation administrative est, dans l'ordre
politique, une valeur de référence.

2 1 LA DÉCENTRALISATION ET L'ORGANISATION DU POUVOIR

La décentralisation caractérise un type d'État, elle est un mode d'orga-


nisation de l'État. Elle s'oppose d'un côté à une organisation qui laisse
beaucoup plus de libertés aux collectivités composantes, c'est l'État
fédéral, elle est opposée, d'un autre côté, à un simple transfert de pouvoirs
à des agents de l'Etat, c'est la déconcentration.

A / La décentralisation et le fédéralisme

La distinction entre décentralisation et fédéralisme est traditionnelle.


La multiplication de systèmes intermédiaires contribue aujourd'hui à son
atténuation.

a) Une distinction traditionnelle. — L'analyse juridique classique


distingue l'État unitaire de l'État fédéral. La décentralisation se retrouve
dans le premier, et s'oppose au second. L'État unitaire décentralisé
comporte des collectivités territoriales, l'État fédéral se compose d'États
membres dont il est en partie l'expression. Au-delà de la qualification,
collectivités d'un côté, États membres de l'autre, les différences portent
évidemment sur l'étendue de l'autonomie reconnue aux uns et aux autres.
On ne saurait opposer les collectivités décentralisées et les États
membres de l'État par la nature juridique de leur statut : si le statut des
Etats membres résulte nécessairement de la Constitution, le statut des
collectivités territoriales est fixé tantôt par la Constitution (cas de la
Belgique, des Pays-Bas), tantôt par la loi (cas de la France), la Consti-
tution comportant souvent, dans cette dernière hypothèse, des dispositions
de nature à orienter le législateur, tel le principe de libre administration
dans le cas de la France. La collectivité locale peut être différenciée de
l'Etat membre à partir des deux « lois » qui sont supposées caractériser ce
dernier, la « loi d'autonomie » et la « loi de participation ».
L'autonomie est tout à fait différente selon que l'on a affaire à une
collectivité territoriale ou à un État membre. Elle se manifeste, pour ce
dernier, sur un triple plan : constitutionnel, juridictionnel, administratif.
L'autonomie constitutionnelle et politique implique la possibilité, pour
chaque État membre, de se doter de sa propre constitution avec toutes les
institutions, notamment politiques, qui en découlent. L'autonomie juridic-
tionnelle implique l'existence d'un ordre de juridictions propre à chaque
État membre, la cohérence juridique de l'ensemble étant assurée par une
cour suprême. L'autonomie juridictionnelle, pas plus que l'autonomie
constitutionnelle, n'est concevable dans un État unitaire qui, comme son
nom l'indique, se caractérise d'abord par son unité juridique : il n'existe
qu'un seul ordre juridique, celui de l'État, les collectivités territoriales
s'insèrent dans cet ordre juridique. L'autonomie administrative, que l'on
retrouve à plus forte raison dans le cadre d'un État membre, caractérise
seule la décentralisation administrative. Le principe de la décentralisation
est l'autonomie locale, celle-ci pouvant être plus ou moins étendue mais ne
se situant jamais dans l'ordre constitutionnel ou dans l'ordre juridictionnel.
La décentralisation peut se retrouver à l'intérieur de l'État membre de
l'État fédéral et l'on peut même estimer que l'acceptation du fédéralisme
implique logiquement la décentralisation. Il doit en résulter, normalement,
une diversité de la décentralisation d'un État membre à l'autre, chacun
définissant librement le type de décentralisation qu'il entend organiser (en
pratique, on distingue un nombre relativement limité de formes de
décentralisation).
A côté de la « loi » d'autonomie, on fait valoir que le fédéralisme se
caractérise par une autre « loi » dite loi de participation, les collectivités
composantes, c'est-à-dire les États membres, participant à un ou plusieurs
organes fédéraux. La solution la plus classique consiste à faire de l'une
des chambres de l'organe législatif l'émanation des États membres, ces
derniers désignant, suivant une procédure qu'ils déterminent librement, un
nombre égal ou pondéré de « représentants » dans cette chambre. Mais le
principe de participation ne constitue pas un critère tout à fait pertinent
de distinction entre la collectivité territoriale et l'État membre car, dans
un État unitaire également, l'une des chambres peut avoir pour fonction la
représentation des collectivités territoriales.

b) Une distinction qui ne doit pas être majorée. — Deux séries de


raisons conduisent à modérer l'opposition entre collectivités décentralisées
et États membres d'un État fédéral.
C'est, d'abord, la multiplication des exemples intermédiaires. Le fédé-
ralisme peut être limité, la décentralisation peut être très développée.
L'autonomie des États membres d'un État fédéral peut être limitée en droit
et en fait. De multiples techniques juridiques sont susceptibles de donner
la prépondérance à l'État fédéral. L'une de ces techniques consiste, par
exemple, à partager les compétences de telle sorte que, à terme, l'Etat
fédéral soit privilégié par rapport aux États membres. La pondération intro-
duite de plus en plus souvent dans la représentation des États membres
détruit l'égalité théorique entre eux, et affaiblit certains. En droit quel-
quefois, en fait presque toujours, un facteur peut assurer la prépondérance
du pouvoir fédéral, c'est le facteur financier. La dépendance financière (par
le biais d'aides ou de subventions) est le plus sûr moyen d'assurer l'autorité
du pouvoir central, et cela se vérifie dans les États fédéraux comme dans
les États unitaires.
Inversement, certains États connaissent une décentralisation telle
qu'elle se rapproche du fédéralisme. Cela se vérifie en particulier lorsque,
dans un État unitaire, on crée une catégorie de collectivités de dimensions
suffisamment importantes, c'est-à-dire, en fait, des régions. Si celles-ci se
voient transférer de larges compétences, si elles disposent d'un réel pouvoir
financier, si elles ont le droit d'avoir leur propre personnel, elles acquièrent
une force certaine à l'égard de l'État. Tel est le cas, par exemple, de l'Italie
et de l'Espagne.
La force de l'institution régionale conduit à se demander si certains
États ne constituent pas une catégorie « intermédiaire », n'étant plus tout à
fait des États unitaires sans être des États fédéraux. L'une des caractéris-
tiques de ces « États régionaux » est la possibilité reconnue, sous certaines
conditions et dans certains domaines, aux institutions régionales d'adopter
de véritables « lois régionales » (cas de l'Italie et de l'Espagne).
Le rapprochement entre collectivités décentralisées et Etats membres
d'un État fédéral s'impose d'autant plus, ensuite, qu'à l'époque contempo-
raine des forces ou des tendances jouent, tantôt dans le sens de l'unifi-
cation, tantôt dans le sens de la dissociation.
Ces forces unifiantes sont d'ordre technique : l'exigence de rationali-
sation conduit à une certaine uniformisation des règles, des procédures.
Elles sont également d'ordre sociologique et politique, elles se résument
alors dans les termes d'égalité et de solidarité. Sauf peut-être dans un pays
comme les États-Unis d'Amérique du Nord où les différences sont
acceptées du fait de facteurs d'ordre géographique et historique, l'exigence
d'égalité constitue l'un des plus puissants facteurs d'uniformisation qui
soient. Ce sont les individus eux-mêmes qui, au nom de cette égalité,
appellent l'intervention du pouvoir central. Cette intervention, surtout si
elle est d'ordre financier, se fait rarement sans contrepartie, celle-ci résidant
alors dans l'instauration d'un contrôle. Le sentiment de solidarité, que les
nécessités de crise conduisent les dirigeants à mettre en valeur pour mieux
faire accepter le partage des sacrifices, produit les mêmes résultats.
Mais il existe aussi, à l'inverse, des forces de dissociation, de nature
culturelle ou/et économique, qui peuvent jouer contre l'État unitaire, les
revendications « régionalistes » tendant à obtenir une autonomie toujours
plus grande. La Belgique est ainsi passée du statut d'État unitaire à celui
d'État fédéral. Lorsque l'autonomie devient très grande, la distinction avec
l'indépendance perd de sa netteté.

B / La décentralisation et la déconcentration

Comme dans le cas du fédéralisme, il est traditionnel d'opposer la


décentralisation à la déconcentration. Plus encore que précédemment, cette
opposition est discutable.

a) L'opposition classique décentralisation-déconcentration. — Les


auteurs classiques distinguent soigneusement la décentralisation de la
déconcentration. Cette distinction a un contenu juridique, elle a surtout une
signification et une portée politiques.
La décentralisation est définie, juridiquement, comme la reconnais-
sance, par l'État, d'autres personnes publiques habilitées à intervenir dans
certains domaines avec un pouvoir de décision et disposant dans cette
action d'une certaine autonomie. La déconcentration est la remise d'un
certain pouvoir de décision à des agents de l'État répartis sur le territoire
et subordonnés à l'autorité centrale par un lien de nature hiérarchique.
L'autorité déconcentrée, dont le préfet a été considéré comme le
prototype, est l'expression de l'État au plan local ou, si l'on préfère, son
représentant. L'autorité décentralisée est l'expression du groupe local dont
elle peut être considérée comme l'émanation. L'autorité déconcentrée agit
sous l'autorité du pouvoir central, l'autorité décentralisée intervient sous
le contrôle de ce dernier. « Sous l'autorité de » implique l'exercice d'un
pouvoir hiérarchique, « sous le contrôle de » implique un pouvoir de
contrôle autre que ce dernier (contrôle de tutelle, contrôle juridictionnel).
Les auteurs classiques sont amenés à distinguer le pouvoir hiérarchique
et le pouvoir de tutelle et à faire valoir que le premier se distingue en
particulier du second par le pouvoir de donner des ordres, au pouvoir
d'instruction que ne comporte pas le second. La notion de hiérarchie
suppose une subordination étroite de l'inférieur au supérieur, tandis que la
tutelle fait plutôt référence à l'idée de cohérence du fait de la différen-
ciation des fonctions.
On fait valoir, encore, que la décentralisation n'a pas le même statut
juridique que la déconcentration. La décentralisation est d'ordre constitu-
tionnel ou législatif, la déconcentration est une simple nécessité de
l'organisation des services, il n'est même pas besoin de textes pour qu'un
supérieur adresse des instructions à ses subordonnés.
Sur le plan politique, la différence entre la décentralisation et la décon-
centration s'accuse encore. D'une part, la politique de déconcentration a
été présentée comme un substitut ou un ersatz de la décentralisation.
L'exemple souvent cité est celui des décrets du 18 mars 1852 et du
23 avril 1861, qualifiés de « décrets de décentralisation » et qui ne réali-
saient qu'une « simple » déconcentration. « C'est toujours le même marteau
qui frappe, seulement on a raccourci le manche », déclare, à l'époque,
Odilon Barrot. Les décrets de 1964 sont interprétés également parfois
comme un refus d'établir une décentralisation à l'échelon régional, les
nécessités de l'action administrative conduisant à renforcer le rôle des
préfets de départements et à créer des préfets de régions.
D'autre part, dit-on encore, la déconcentration est un moyen de centra-
lisation. Elle permet au pouvoir central de ne rien abandonner de ses préro-
gatives, puisqu'il contrôle parfaitement ses agents, tout en laissant à ces
derniers une part du pouvoir de décision pour éviter l'apoplexie du système.
Cette reconnaissance de pouvoir n'est pas un abandon puisqu'il est toujours
possible à l'autorité centrale de faire remonter, par divers procédés, les
dossiers, jusqu'au niveau central. Les préfets, agents administratifs et poli-
tiques de l'Etat, symbolisent d'autant plus cette centralisation qu'ils sont
associés à l'Empire, qui vit leur création. Cette opposition n'est plus,
aujourd'hui, pertinente.

b) Une opposition qui n'est pas justifiée. — L'opposition entre décen-


tralisation et déconcentration a peut-être été exagérément « durcie », elle ne
correspond plus à la situation contemporaine de la France.
D'une part, la distinction déconcentration-décentralisation n'existe pas
partout, cette dichotomie est assez spécifique de la France, elle ne se
rencontre pas dans tous les pays. Certains d'entre eux classent la décon-
centration et la décentralisation dans un même concept, qui est celui de
la décentralisation. La recherche, sous les auspices des Nations Unies, en
1962, d'un concept unique de la décentralisation, ne prenait pas en compte
cette distinction. Une analyse de l'évolution de ces deux notions permet de
conclure plus à leur complémentarité qu'à leur opposition.
D'autre part, ce n'est pas la déconcentration qui entrave la décentra-
lisation, c'est son absence. Trois arguments peuvent être invoqués en ce
sens. En premier lieu, la faible décentralisation que nous avons effecti-
vement connue, au cours de notre histoire, s'est accompagnée d'une décon-
centration encore plus faible. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir le
pourcentage quasiment ridicule de crédits déconcentrés jusqu'à ces
dernières années. Le pouvoir politique, important, des préfets, ne doit pas
être confondu avec leurs pouvoirs juridiques réduits.
En deuxième lieu la déconcentration prépare la décentralisation. Il est
probable que, dans un État ayant pris des habitudes de centralisation, il
n'est pas possible d'instaurer immédiatement une décentralisation étendue :
cela risquerait de perturber gravement la machine administrative. La décon-
centration favorise le cheminement vers la décentralisation car elle habitue
l'administration à ce que les dossiers soient traités à l'échelon local, ce
qui est, en définitive, le phénomène essentiel. Les décrets de 1852 et de
1861 précités n'étaient certes que de la déconcentration, mais ils furent
le point de départ d'une réforme décentralisatrice que seul l'effondrement
de l'Empire ne permit pas d'aboutir. Et eût-il été possible de créer,
d'emblée, une nouvelle collectivité territoriale, en 1982, si certaines
habitudes n'avaient pas été prises, si des services n'avaient pas été
constitués à l'échelon de la région ?
En troisième lieu la déconcentration accompagne la décentralisation.
L'expérience historique montre que la décentralisation ne peut être réussie
que si elle est accompagnée d'un développement de la déconcentration.
Ainsi, après que le législateur a posé, avec les lois du 2 mars 1982, les
bases d'une nouvelle décentralisation, le pouvoir réglementaire entre-
prend de renforcer les pouvoirs des autorités déconcentrées. Les décrets
du 10 mai 1982 ne peuvent être interprétés simplement comme des mesures
destinées à compenser, pour les préfets devenus commissaires de la Répu-
blique, une partie de leurs pouvoirs et de leur prestige, ils sont dans la
logique de la politique décentralisatrice du gouvernement. De même, après
la loi relative à l'administration territoriale de la République (« loi ATER »)
du 6 février 1992, le gouvernement prend, le 1er juillet 1992, un décret
« portant charte de la déconcentration ».
Ainsi, loin de se contredire, décentralisation et déconcentration se
confortent l'une l'autre. L'erreur de perspective souvent commise consiste
à croire que l'on procède à une politique de déconcentration pour ne pas
décentraliser. C'est oublier qu'une véritable politique de déconcentration se
heurte aux mêmes obstacles qu'une politique de décentralisation : refus
de certaines administrations centrales de se dessaisir d'une partie de leurs
pouvoirs, crainte des services extérieurs de devoir prendre des responsa-
bilités auxquelles ils ne sont plus habitués, inertie des structures et des
procédures. Les mesures de déconcentration ne sont pas toujours
appliquées, comme l'a fort bien montré Jean Waline (Pour une politique
de déconcentration, Recueil d'études en hommage à Charles Einsenmann,
p. 177 et s.). Pour qu'il puisse y avoir une véritable décentralisation, il faut
qu'il existe une prise de conscience des problèmes à l'échelon local et une
solidarité des autorités locales face au pouvoir central. Dans un certain
nombre de cas, les préfets ont contribué à la première et ont été des acteurs
actifs de la seconde.

2 / Le développement historique
de la décentralisation

La connaissance de l'évolution historique est une clé essentielle pour


comprendre la situation présente. Cette évidence s'impose avec force dans
le domaine de la décentralisation. Les idées, la législation, les rapports de
fait sont le produit d'une histoire particulièrement riche et ancienne. Rien
ne se fait, en France, sans référence à l'histoire, ancienne ou récente selon
les cas, et éventuellement recomposée pour les besoins de la démonstration.

1 1 L'ANCIEN RÉGIME

L'Ancien Régime a vu une autonomie locale s'affirmer progressi-


vement, puis être réduite, tant en raison des erreurs des autorités locales
que de l'action persévérante du pouvoir central pour contrôler les entités
locales.
L'échelon d'administration locale le plus important est celui représenté
par les communautés locales. Une grande diversité caractérise le régime
municipal. Jusqu'au xr siècle, on peut difficilement parler de « collec-
tivité territoriale » au sens que nous donnons aujourd'hui à cette expression.
Le mouvement communal prend naissance au cours du xir siècle, au
moment où s'affirme le courant urbain. Les habitants des villes se forment
en « communautés » et cherchent à se faire reconnaître par les seigneurs
féodaux. Le mot commune « évoque avant tout l'idée non pas d'un gouver-
nement libre, mais d'un groupe qui s'est constitué pour gérer des intérêts
collectifs » (cf. Petit-Dutaillis, Les communes françaises. Caractères et
évolution des origines au xvur siècle, p. 16).
Les habitants obtiennent une « concession de commune » qui est l'auto-
risation de « s'associer par serment ». La commune du Moyen Age devient
le serment juré entre les membres de se prêter assistance mutuelle. Elle est
une institution de paix. Elle a pour but la défense des habitants de la ville
contre les éléments extérieurs, les brigands et les vagabonds, le seigneur.
La charte constitue l'autorisation donnée par le seigneur laïque ou
ecclésiastique, ou par le roi, de prêter serment. Les habitants obtiennent
alors de nombreux avantages, variant selon les chartes mais touchant géné-
ralement aux mêmes droits : privilèges de justice, de juridiction, organi-
sation militaire propre et police communale, fixation des redevances et des
impôts. La contrepartie de ces privilèges consiste dans le versement d'une
somme importante au seigneur ou au roi concédant la commune et dans
l'engagement de fournir les services caractéristiques de la vassalité.
Les communes ne sont pas la seule forme d'organisation locale. Il
existe également les « villes franches » dont les libertés sont plus restreintes
que celles des communes. Leurs habitants disposent de privilèges judi-
ciaires et financiers, mais elles n'ont pas de personnalité juridique, et
l'administration est assurée par un prévôt, représentant le seigneur. Les
« communautés villageoises » étaient soumises au seigneur mais avaient
une assemblée des habitants qui prirent l'habitude de désigner un syndic.
Les concepts juridiques qui serviront de base au développement des
théories de la décentralisation se dessinent progressivement. Une notion
juridique est essentielle, celle d'universitas. Ainsi que le remarque
Jean-Louis Mestre, « les juristes médiévaux élaborèrent une véritable
théorie de la personnalité morale » (Introduction historique au droit admi-
nistratif français, PUF, coll. « Droit fondamental »). L'expression de cette
universitas est la capacité d'ester en justice, la possibilité d'avoir un patri-
moine pouvant être protégé. De cette notion d'« ensemble » qui n'est pas
encore la « collectivité » se dégage également, au Moyen Age, la théorie de
la responsabilité des communes en cas d'émeutes, qui subsistera jusqu'en
1983.
A l'échelon provincial, il existait également une organisation qui a
suffisamment marqué pour susciter encore une certaine nostalgie en cette
fin du xxe siècle. Les « États provinciaux », appelés parfois « États parti-
culiers », représentaient chacun leur province tandis que le roi était repré-
senté, à cet échelon, par les baillis et les sénéchaux. Ces États ont une
organisation et un prestige très différents d'une province à l'autre. Ceux qui
ont su s'affirmer face au pouvoir royal « s'occupent de l'approvison-
nement de la population, du commerce, des travaux publics. Ils disposent
de quelques agents auxquels ils confient les tâches d'exécution. Ils rédigent
aussi des cahiers de doléances dans lesquels ils font part au roi de leurs
plaintes et de leurs revendications, notamment en ce qui concerne l'admi-
nistration de la justice » (Jean-Louis Mestre).
L'«âge d'or» des communes ne durera pas. L'histoire des collec-
tivités territoriales est une histoire de l'immixtion de plus en plus grande
du pouvoir royal dans les affaires locales, immixtion favorisée par les
dissensions et la mauvaise gestion locales.
Dès le xiir siècle, les rois prennent des mesures limitant l'indépen-
dance des autorités locales en matière financière, en raison d'une gestion
financière souvent désastreuse. La constatation de ces errements conduit les
auteurs à considérer les communes comme des mineures.
A partir du xive siècle, sous l'influence des légistes, la personnalité
morale attribuée à la commune change de signification. La gestion est
confiée à des corps municipaux et non plus à un seul agent responsable
devant l'ensemble des habitants. Le fondement de la commune, le serment
juré, tombe peu à peu dans l'oubli. La charte devient essentielle.
«L'élément institutionnel l'a emporté sur la sorte de contrat qu'était la
conjuratio. Mais cette évolution rapproche la commune des villes
franches » (Jean-Louis Mestre). Le rôle des communes en est transformé.
Les magistrats municipaux tendent à former une classe privilégiée,
incapable et corrompue. Le pouvoir royal, s'affirmant, devient plus
exigeant. Progressivement, les communes paient un tribut de plus en plus
élevé à l'autorité royale. Le privilège communal n'est plus celui de tous
les habitants, mais des seuls magistrats municipaux. Mais ces derniers se
trouvent de plus en plus sous la coupe des représentants du pouvoir royal.
La tutelle de ce dernier s'étend, représentée par les intendants. Tocque-
ville note que « les villes ne peuvent ni établir un octroi, ni lever une contri-
bution, ni hypothéquer, ni vendre, ni plaider, ni affirmer leurs biens, ni les
administrer, ni faire emploi de l'excédent de leurs recettes sans qu'il inter-
vienne un arrêt du conseil sur le rapport de l'intendant » (L'Ancien Régime
et la Révolution, Gallimard, 1952, p. 115).
Les besoins financiers de la monarchie sont tels que les créations
d'offices se multiplient. « En 1709, tous les emplois municipaux, même
ceux de valets, tambours et portiers, furent transformés en offices ! »
(Jean-Louis Mestre). L'intervention du pouvoir royal se fait surtout de plus
en plus pressante en matière financière : interdiction faite par Colbert aux
communes de s'endetter, interdiction d'aliéner leurs biens.
Deux édits, l'un de 1764 (édit de Compiègne), l'autre de 1765 (édit de
Marly) organisent un régime juridique uniforme pour toutes les communes.
Des tentatives seront faites à la fin de l'Ancien Régime pour réorganiser
l'administration locale et restaurer la décentralisation mais elles n'abou-
tiront pas.
2 1 LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE DÉCENTRALISATRICE

La Révolution est moins novatrice dans sa politique de réorganisation


administrative que dans d'autres domaines : la politique de la « table rase »
y est impossible ou est une illusion. Durant cette période sont énoncés
cependant certains principes qui vont guider le législateur par la suite. Deux
idées saillantes se dégagent :

A / Les principes de la réorganisation

Cette réorganisation s'oriente autour d'une double idée : l'uniformité


des structures, la dualité des fonctions.

a) L'uniformité des structures. — L'uniformité résulte de la générali-


sation du principe électif, de la suppression de la diversité qui caractérisait
l'organisation locale, de l'interdépendance des corps. La nuit du 4 août
ne voit pas seulement la suppression des privilèges de certaines caté-
gories sociales, mais aussi de ceux des provinces et des villes. La Consti-
tuante généralise l'élection des agents de tous les services à l'échelon local,
qu'il s'agisse des services de l'État ou des services des départements et
des communes. Certaines tentatives ont lieu en 1789 pour distinguer les
petites communes des grandes communes organisées autour du bourg ; elles
échouent. L'article 7 du décret du 22 décembre 1789 déclare : « Il y aura
une municipalité en chaque ville ou paroisse ou communauté de
campagne. »
Qu'il s'agisse des communes ou des départements, on retrouve, dans
tous les cas, trois organismes chargés d'administrer la collectivité, et qui
procèdent tous trois de l'élection : une assemblée se réunissant périodi-
quement, un organisme chargé d'assurer la gestion courante, un repré-
sentant du roi.
Tous les corps administratifs se trouvent dans une interdépendance réci-
proque. Le décret du 14 décembre 1789 déclare que les corps muni-
cipaux se trouvent « sous la surveillance et l'inspection des assemblées
administratives », c'est-à-dire les assemblées de district et, plus encore, les
assemblées départementales. Celles-ci se trouvent soumises directement au
corps législatif pour l'exercice des fonctions relatives aux contributions
(décret du 22 déc. 1789, sect. III, art. Ier) et au roi (et indirectement au corps
législatif) pour l'exercice de la police, la surveillance des hôpitaux et des
écoles, la conservation et l'entretien des domaines, la voirie, les travaux
publics.

b) La dualité des fonctions. — En ce qui concerne plus particuliè-


rement l'administration municipale, le législateur révolutionnaire distingue
deux sortes de fonction à remplir : selon l'article 49 du décret du
14 décembre 1789 : «Les corps municipaux auront deux espèces de
fonctions à remplir : les unes propres au pouvoir municipal ; les autres
propres à l'administration générale de l'État, et déléguées par elle aux
municipalités. » Ainsi la commune n'est pas seulement un mandataire de
l'État. Selon la formule de l'instruction qui accompagne le décret du
14 décembre, elle « possède un cercle d'activité qui lui appartient en
propre ». La formule utilisée par le décret va donner naissance, quelques
années après, à la théorie du « pouvoir municipal ».
Il s'agit seulement de réaliser la décentralisation, et celle-ci ne peut
se situer qu'au plan administratif, ainsi que le rappelle une instruction de
l'Assemblée nationale, concernant les fonctions des assemblées adminis-
tratives, du 22 avril 1790 : les assemblées administratives «observeront
d'abord qu'elles ne sont chargées que de l'administration, qu'aucune
fonction législative ou judiciaire ne leur appartient, et que toute entre-
prise de leur part, sur l'une ou l'autre de ces fonctions, introduirait la
confusion des pouvoirs, qui porterait l'atteinte la plus funeste aux principes
de la Constitution ».
Quant aux départements, créés en 1789-1790, il leur appartrient « d e
délibérer sur tout ce qui intéresse l'ensemble du département ; de fixer,
d'une manière générale, tant les règles de l'administration que les moyens
d'exécution ; enfin, d'ordonner les travaux et la dépense de chaque année,
et d'en recevoir les comptes ».

B / Les structures communales et départementales

Le statut des communes est fixé par un décret de l'Assemblée nationale


pour la constitution des municipalités, du 14 décembre 1789. La commune
est administrée par trois organismes : un conseil général de la commune
dont les membres sont élus, non par l'ensemble des habitants mais par
les seuls citoyens actifs, et qui se réunit une fois par mois pour régler les
questions relatives aux impositions et aux biens ; le corps municipal est
désigné, en son sein, par le conseil général, il rend compte de l'adminis-
tration courante, gère les biens, répartit les contributions, il est dirigé par
un maire, élu par les citoyens actifs pour deux ans ; le procureur de la
commune est élu dans les mêmes conditions et pour la même durée que le
maire, il représente le roi mais aussi les contribuables (souvenir, semble-
t-il, du syndic de paroisse de l'Ancien Régime).
Les textes révolutionnaires répondent au souci de mettre en place une
nouvelle organisation locale mais les préoccupations doctrinales ne sont
jamais tout à fait absentes, et c'est ainsi qu'à l'occasion d'une loi qui
détermine le mode de partage des biens communaux, du 10 juin 1793, on
trouve, de manière étonnante, une définition lapidaire et très moderne de la
commune dans l'article 2 de la loi qui dispose : « Une commune est une
société de citoyens unis par des relations locales. »
Le terme de département n'est pas entièrement nouveau. Il désignait
parfois, comme le rappellent les historiens, des subdivisions de généralités.
Un projet de réforme est préparé par Thouret dans le cadre du Comité de
Constitution. Il prévoyait l'institution de quatre-vingts départements dont la
délimitation aurait été opérée de manière géométrique, chaque dépar-
tement formant un carré d'environ 79,2 km de côté. Sur l'intervention de
Mirabeau, cette méthode fut abandonnée et, en définitive, le découpage
départemental fut beaucoup moins artificiel qu'on ne l'a parfois prétendu :
les historiens ont fait observer que, dans beaucoup de cas, la délimitation
s'est inspirée d'anciennes divisions du territoire, soit des provinces, soit,
plus encore, d'une circonscription remontant au IVe siècle, le diocèse ecclé-
siastique. Le département est créé par la loi des 22 décembre 1789-6 janvier
1790 et, en février 1790, le découpage était terminé.
La gestion du département est assurée, comme pour les communes,
par un conseil général qui comprend six membres élus, parmi les citoyens
actifs, par l'assemblée des électeurs du département pour deux ans et renou-
velables par moitié tous les ans ; ce conseil tient une session annuelle ordi-
naire d'un mois, peut être convoqué en session extraordinaire par décret
de l'Assemblée nationale et, pendant les sessions, se divise en différents
comités ; le directoire de département est l'organe exécutif composé de
membres élus par le conseil général en son sein, renouvelables par moitié
tous les ans et rétribués, il est présidé par le président du conseil général
et choisit, hors de son sein, un secrétaire général, sorte de fonctionnaire
rétribué qui prendra, en pratique, une grande importance ; le directoire a
pour mission de faire appliquer les décrets de l'Assemblée nationale et les
décisions du conseil général ; le procureur général syndic est élu par les
électeurs du département, il représente le roi.
3 1 LE RETOUR À LA CENTRALISATION :
LA RÉVOLUTION CONVENTIONNELLE ET L'EMPIRE

A / La centralisation conventionnelle

La Convention revient progressivement sur l'oeuvre décentralisatrice de


la Constituante. Les raisons de ce retournement tiennent à la fois aux
circonstances, et aux conséquences du système institué en 1789-1790. Le
principe de l'élection à tous les niveaux, même des agents de l'État, ne
pouvait que favoriser l'autonomie locale. Taine déclarera, à propos de
l'œuvre de la Constituante : «Tous les muscles du pouvoir central sont
tranchés et chaque département est un petit État qui vit à part » (in La Révo-
lution française, t. I). Les circonstances, ce sont la guerre à l'extérieur et à
l'intérieur, avec l'opposition de nombreuses assemblées départementales à
la politique de l'Assemblée.
C'est pourquoi, en octobre 1792, la Convention décide le renouvel-
lement des administrations départementales, les directoires de départements
devant être également élus au suffrage universel.
C'est le début des représentants en mission qui sont généralisés le
9 mars 1793. Ces agents sont envoyés deux par deux dans le cadre terri-
torial qui leur a été affecté (la section) ; ils disposent de « pouvoirs
illimités » qui sont d'ordre administratif (destitution, remplacement de tous
agents), d'ordre judiciaire (pouvoir de poursuite, de qualification
d'infraction) et même d'ordre législatif, la Convention décidant, le
7 septembre 1793, que leurs arrêtés ont valeur «de lois provisoires tant
que le Comité de Salut public ne les a pas dénoncés comme contraires
aux principes ». Après le coup d'État montagnard du 2 juin 1793, les admi-
nistrations départementales s'opposent à la Convention. Un décret du
4 décembre 1793 (4 frimaire an II) supprime les conseils généraux et les
procureurs généraux syndics. A l'échelon des communes, les procureurs
sont également remplacés par des agents de la nation.
Durant cette période tourmentée qui voit se succéder tant de projets
souvent abandonnés à peine après avoir été esquissés, il convient de retenir
la tentative de réorganisation effectuée par le Directoire. L'administration
départementale prévue par le Directoire ne présente guère d'originalité par
rapport à la situation antérieure : le département est géré par une assemblée
départementale dont les membres, désignés pour cinq ans et renouvelables
par cinquième tous les ans, sont élus par l'assemblée électorale. Le ministre
peut suspendre cette assemblée, la révoquer, annuler ses actes ; le gouver-
nement est représenté par un commissaire central qu'il nomme.
C'est surtout à l'échelon des municipalités que l'organisation de l'an III
présente un intérêt, avec la tentative de constitution de « municipalités
de canton » dans les communes de plus de 5 000 habitants. Mais cette
tentative échoua. Parallèlement, la loi du 21 fructidor (7 sept. 1795) main-
tenait la distinction faite en 1789 entre objets d'administration générale
et affaires propres. D'une manière générale, le Directoire ne fut guère
décentralisateur.

B / La centralisation impériale

La centralisation se manifeste à deux points de vue. Elle concerne


d'abord les structures administratives, les administrations locales perdant
toute autonomie. La Constitution du 22 frimaire an VIII (13 déc. 1799) et
la loi du 28 pluviôse an VIII (17 févr. 1800), relative à l'organisation admi-
nistrative, consacrent cette centralisation. La loi de pluviôse déclare, dans
son article 2 : « Il y aura dans chaque département un préfet, un conseil de
préfecture, et un conseil général de département, lesquels rempliront les
fonctions exercées maintenant par les administrations et commissaires de
département. » Et, pour que les choses soient tout à fait claires, l'article 3
de la même loi dispose : « Le préfet sera seul chargé de l'administration. »
Le principe de la nomination succède au principe de l'élection. Lorsque
celle-ci est maintenue, elle est vidée de toute signification avec le système
des « listes de confiance ». Et l'on applique à tous les échelons la maxime
attribuée à Roederer : « Si délibérer est le fait de plusieurs, décider est le
fait d'un seul. »
Les collectivités territoriales se trouvent entièrement sous la coupe du
pouvoir central. Ce dernier peut, dès lors, donner de nouvelles fonctions
aux autorités locales, généralement en lien avec les guerres de l'Empire :
un décret de 1808 donne compétence aux départements pour lutter contre la
mendicité et organiser des dépôts de mendicité ; un décret de 1812 confie
aux communes la responsabilité de distribuer des « soupes populaires ».
Parallèlement, le pouvoir central essaie de se décharger sur ces spectres de
collectivités territoriales de certaines charges : entretien des établissements
militaires et des fortifications, prise en charge de certaines dépenses de
justice, «donation» de bâtiments... Certaines de ces charges ne seront
supprimées que par les lois de 1982-1983.
4 1 LE DÉVELOPPEMENT DE LA DÉCENTRALISATION

Après le Premier Empire, la décentralisation va être progressivement


assurée et va se développer jusqu'à notre époque. Cette évolution n'est
pas linéaire : certains régimes reviennent sur la décentralisation, mais la
tendance à la décentralisation est la plus forte et finit par l'emporter.

A / Les débuts de la décentralisation

La Restauration et la Monarchie de Juillet sont des périodes favorables


au développement de la décentralisation. Non sans mal, et avec des retours
en arrière, le régime évolue vers le parlementarisme. La relative liberté dont
disposent les parlementaires facilite les débats et Vivien se croira fondé à
déclarer : « La bonne distribution des pouvoirs intéresse surtout les époques
et les lois de liberté » (rapport à la Chambre des députés, le 21 janv. 1837).
Dès 1817, le ministre de l'Intérieur, Laîné, annonce la réforme des
collectivités locales comme urgente. Une commission est nommée en 1828,
dont Mounier est le rapporteur, mais ses membres sont soigneusement triés,
et les propositions même les plus timides suscitent l'inquiétude, car les
fonctionnaires « ne voyaient qu'avec frayeur toucher à l'ordre saint de
l'administration impériale » (Ch. de Rémusat, Mémoires de ma vie, t. 2,
p. 261). Certaines propositions ne manquaient pas d'intérêt : Barante
estimait que les préfets pourraient devenir des agents administratifs,
recevant l'impulsion du conseil général plutôt que la lui donnant (in Des
communes et de l'aristocratie, 1821). Le législateur fit preuve, en fait,
d'une extrême timidité dans les réformes à accomplir, craignant qu'elles
n'eussent des conséquences dont il ne voulait pas.
Certaines lois essentielles sont cependant votées durant cette période.
C'est la loi du 21 mars 1831 qui, reprenant en le modifiant le projet de
1829, rétablit l'élection des conseils municipaux. C'est la loi du
22 juin 1833 organisant, de la même manière, l'élection pour les conseils
généraux. C'est également la loi du 18 juillet 1837 relative aux attributions
des autorités communales ; cette loi est assez décevante car elle ne donne
lieu à aucun grand débat, comme cela avait été le cas lors de la période
révolutionnaire ; elle consiste surtout en une longue énumération d'attri-
butions et reflète largement l'état d'esprit des membres des assemblées, des
bourgeois propriétaires. C'est enfin la loi du 18 mai 1838 relative aux attri-
butions des conseils de département et d'arrondissement.
La décentralisation est l'une des grandes idées de 1848. Odilon Barrot,
membre de la Commission de Constitution, propose que l'on commence
par organiser la commune avant d'organiser le pouvoir législatif et le
pouvoir exécutif. Mais les espoirs que l'idée de la décentralisation avait
pu faire naître sont vite déçus. « A la veille du 2 décembre, qu'y a-t-il
de changé dans l'administration locale qui réponde à cette attente ? Bien
peu de choses, hormis essentiellement l'extension du suffrage universel aux
élections locales. L'innovation est pour l'avenir rien moins que secon-
daire » (François Burdeau, Libertés, libertés locales chéries, p. 137).
Le Second Empire constitue une parenthèse dans le progrès de la décen-
tralisation, Napoléon 111 reprenant, dans ses grandes lignes, l'organisation
administrative du Premier Empire. Il faut cependant nuancer cette appré-
ciation et distinguer plusieurs phases et plusieurs niveaux. Dans la phase
de l'Empire autoritaire, c'est la centralisation qui caractérise le régime.
Vers la fin du Second Empire, une timide politique de décentralisation se
dessine : c'est la loi du 18 juillet 1866 sur les attributions des conseils
généraux, c'est la création, le 22 février 1870, d'une commission extra-
parlementaire de décentralisation.
Si la législation est figée, il n'en est pas de même des idées. A partir
de 1860, de nombreux ouvrages ou études paraissent sur la décentralisation.
Parmi eux, l'on peut citer De la centralisation et de ses effets, d'Odilon
Barrot, parut en 1861. Dans La France nouvelle, Prevost-Paradol (1868)
soutient l'idée qui sera reprise, plus tard, pour être récusée, de substi-
tution de l'autorité de tutelle : « Cette tutelle et ce secours indispensables
aux communes pauvres et ignorantes doivent donc leur venir non pas de
l'autorité administrative mais des conseils électifs placés au-dessus du
conseil municipal, c'est-à-dire des conseils de canton et de département. Là
seulement se trouvent, à la fois, les lumières et l'impartialité nécessaires
à l'accomplissement de ce devoir : ce n'est plus un maître gouvernant,
récompensant ou secourant des administrés, c'est une association venant
en aide à une association plus faible » (La France nouvelle, p. 80). En
1865, paraît Un projet de décentralisation, que l'on appellera, par la suite,
le Programme de Nancy ; ce projet est un manifeste élaboré par des
hommes politiques d'horizons différents, en faveur de la décentralisation.
Ce programme propose notamment de substituer la tutelle du conseil
général à celle du préfet sur les communes, de remettre l'exécutif du dépar-
tement à une commission permanente de cinq membres élus, il critique en
même temps le cadre départemental jugé trop exigu.
B / Le régime provisoire de 1870-1875 et la n r République

Cette période voit le vote de deux lois importantes, l'une relative aux
départements, l'autre relative aux communes. Ces textes paraissent
constituer l'apogée de la décentralisation et c'est pourquoi ces « chartes »
de l'administration locale, comme on les qualifiera, connaîtront le succès de
la durée, et demeurent encore partiellement appliquées aujourd'hui. Après
le vote de ces lois, le droit paraît se stabiliser quelque peu, et ce ne sont
souvent que des modifications de détail qui vont être apportées à ces lois.
Mais un mouvement d'idées prend de l'ampleur, c'est le régionalisme.

a) La loi départementale du 10 août 1871. — Les travaux effectués par


la Commission de décentralisation créée sous le Second Empire expli-
quent la rapidité avec laquelle la loi est votée. Cette loi est donc beaucoup
plus redevable au régime précédent qu'au régime qui va advenir. Plusieurs
propositions de lois sont déposées presque simultanément et c'est sur le
rapport fait au nom de la Commission de décentralisation chargée
d'examiner les propositions que s'engage le débat qui aboutit à la loi du
10 août 1871.
L'un des principes essentiels de la loi est ainsi énoncé par Waddington,
rapporteur de la Commission : « Nous avons cherché à séparer autant que
possible la gestion des affaires départementales de celle des affaires de
l'Etat, tout en ménageant les intérêts et les habitudes des populations »
(séance du 30 juin 1871, JO, p. 1686).
Plusieurs proposaient, demandaient — déjà — que le préfet fût
remplacé, comme exécutif du département, par un administrateur élu par le
conseil général. La Commission se montre défavorable à cette solution en
invoquant un argument peu convaincant, la difficulté de faire la part des
affaires de l'État et des affaires du département. En fait, le souvenir de
la Commune de Paris, que les parlementaires ont très proche dans leur
mémoire, explique la prudence du législateur.
Le préfet, représentant de l'État dans le département, est donc en même
temps l'exécutif de ce dernier. Cette situation se maintiendra jusqu'en
1982. Le préfet instruit les affaires sur lesquelles le conseil général
délibère, et il exécute ensuite les délibérations de ce dernier. Il représente le
département en justice, sauf si le litige oppose celui-ci à l'État. En pratique,
le rôle du préfet sera prépondérant, d'autant que le personnel chargé de
préparer et d'exécuter les délibérations sera, jusqu'à une date récente, un
personnel d'État, donc entièrement soumis au préfet.
Cette forte présence de l'État dans le département comporte, aux yeux
du législateur de 1871, une contrepartie avec la commission départe-
mentale dont la création est une innovation de la loi de 1871. La
commission représente une solution de compromis entre deux positions
opposées, celle qui, estimant la décentralisation trop poussée, voulait en
rester aux solutions antérieures et celle qui estimait que les mesures
proposées n'allaient pas assez loin et demandait la suppression du préfet.
Cette commission administrative est une institution essentielle dans la pers-
pective de 1871. Waddington allait jusqu'à dire que le titre relatif à la
commission départementale « est le plus important du projet de loi et en
constitue la principale originalité » (séance du 14 juin 1871, JO, p. 1716).
La commission était une émanation du conseil général. Elle se réunissait en
session ordinaire tous les mois et pouvait se réunir en sessions extraordi-
naires. Elle disposait d'attributions qui lui étaient déléguées par le conseil
général et d'attributions propres, notamment la possibilité de formuler un
avis, de faire un rapport sur les affaires soumises par le préfet au conseil
général, de présenter des observations sur le projet de budget, de répartir
entre les communes les subventions votées par le conseil général. Mais, en
fait, la commission départementale n'a jamais joué le rôle que le législateur
de 1871 avait entendu lui conférer.
Le conseil général est l'assemblée compétente pour se prononcer sur
tous les objets d'intérêt départemental. Les conseillers généraux sont élus
dans le cadre du canton, à raison d'un par canton, au scrutin majoritaire à
deux tours pour une durée de six ans, ils sont renouvelés par moitié tous
les trois ans et sont indéfiniment rééligibles.
Les conseils généraux se réunissent chaque année au cours de deux
sessions ordinaires, des sessions extraordinaires pouvant avoir lieu à la
demande du préfet, ou d'un certain nombre de conseillers, ou encore à la
demande de la commission départementale, ou enfin sur convocation du
gouvernement par décret. Lors des débats de 1871 un parlementaire,
Tréveneuc, proposa que, en cas de défaillance des pouvoirs publics, les
conseils généraux pussent se réunir et exercer le pouvoir national. Il
s'agissait en somme, selon les termes de Tréveneuc, de permettre aux
conseils généraux de former, en cas de circonstances exceptionnelles, « une
sorte d'Assemblée nationale suppléante» (séance du 8 août 1871, JO,
p. 2551). La proposition, écartée pour des raisons procédurales, en 1871,
devint la loi du 15 février 1872, dite loi Tréveneuc. Cette loi n'a jamais été
utilisée, sans être abrogée (en 1996 le législateur, en procédant à la codi-
fication, n'en a pas profité, comme il aurait pu le faire, pour abroger la loi
Tréveneuc).
1
h) La loi communale du 5 avril 1884. — Rétrospectivement la loi de
1884 apparaît moins comme un achèvement que comme un nouveau point
de départ : elle consacre les acquis antérieurs et, sur un certain nombre
de points, n'est pas très différente de la loi de 1837 ; mais elle va surtout
permettre aux communes de s'affirmer progressivement face au pouvoir
central, par les compétences qui leur sont reconnues et qui vont pouvoir se
concrétiser, par la liberté qui leur est donnée, liberté très encadrée en 1884,
et que la législation postérieure accroîtra. Ce qui le montre, c'est que cette
législation n'est pas du tout figée après 1884. C'est par une erreur de pers-
pective que l'on a tendance à passer directement de la loi de 1884 à notre
époque. Cette loi va connaître, en fait, de constants aménagements.
L'un des traits caractéristiques de cette loi est l'uniformité de régime
juridique qu'elle instaure pour toutes les communes de France. Les
disparités entre communes étaient déjà criantes à l'époque. Il aurait été
possible d'établir des statuts différenciés, tenant compte notamment de la
spécificité des petites communes. Mais le législateur s'est refusé à
consacrer des statuts juridiques différents selon l'importance des
communes.
Le même type de structure se retrouve tant à l'échelon communal qu'à
l'échelon départemental. Une assemblée, le conseil municipal, est chargée
d'adopter des délibérations appliquées par un exécutif local, le maire.
Comme à l'échelon départemental, l'exécutif représente à la fois la collec-
tivité dans laquelle il se trouve et l'État. Mais l'État prête le préfet au
département tandis que la commune prête le maire à l'Etat.
Si l'assemblée communale est issue, comme l'assemblée départe-
mentale, du suffrage universel, elle est désignée pour une durée de six
ans au terme desquels elle est renouvelée intégralement. Le statut du maire
s'oppose à celui du préfet. Le maire est, depuis 1882 déjà, et pour toutes
les communes de France sauf Paris, l'élu du oonseil municipal, tandis que
le préfet est désigné par le gouvernement. Il est, par son mode de dési-
gnation, directement représentatif de la collectivité locale et il va symbo-
liser celle-ci.
La loi de 1884 établit une tutelle à la fois sur les personnes et sur les
actes. Malgré le souci de libéralisme du gouvernement, cette tutelle
demeure importante, en particulier, pour les actes les plus importants tels
que le budget.
L'extension des attributions des communes, que réalise la loi de 1884,
se caractérise par la reconnaissance à celles-ci d'une clause générale de
compétence, l'article 61 de la loi déclarant, dans son alinéa 1er : «Le
conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune. »
Les débats montrent que les concepts juridiques demeurent encore
imprécis. Une opposition intéressante est faite entre l'autonomie et la
décentralisation. Ainsi, A. Dubost déclare (séance 8 nov. 1883, JO,
p. 2261) : -
« L'autonomie communale est la constitution d'une commune qui peut
traiter d'égal à égal avec l'État et qui, si elle est assez grande, assez riche,
assez forte, peut faire capituler l'État lui-même.
« Au contraire, ce qu'on appelle la décentralisation administrative n'est
rien d'autre que l'extension croissante des attributions des pouvoirs locaux,
mais sans que cette extension puisse jamais aller jusqu'à briser les liens
de subordination législative qui rattachent la commune à l'Etat : c'est la
commune libre dans le cercle de ses intérêts propres, mais soumise comme
l'individu lui-même à toutes les lois de l'État. »

c) L'évolution jusqu'à la fin de la IIP' République. — Si les grandes


lignes de l'orientation de la politique décentralisatrice sont désormais
fixées, de nombreuses lois vont intervenir, qui tendent à compléter les lois
de 1871 et de 1884 ou à assouplir les règles applicables en matière de
tutelle. Mais, à partir de 1938 de nouveau, le contrôle de l'État s'appesantit,
la décentralisation régresse.
La loi de 1884 n'avait pas réglé tous les problèmes relatifs aux
structures locales. Le nombre de petites communes, qui ne fera
qu'augmenter, est à l'origine du vote de la loi du 22 mars 1890 qui ajoute
un titre à la loi de 1884 pour permettre l'institution de syndicats de
communes pour la gestion de services intercommunaux.
Des commissions administratives sont désignées : en 1895, une
commission extra-parlementaire de décentralisation, en 1906, une
commission interministérielle chargée de préparer un projet de réorgani-
sation de l'administration départementale en vue de la simplification des
services. Certaines de leurs propositions sont suivies d'effets : les lois des
29 juin 1899 et 30 juin 1907 étendent le pouvoir propre des conseils
généraux en matière financière et réforment le budget départemental ;
d'autres lois assouplissent l'administration financière des communes
(7 avr. 1902), les conditions relatives aux actions judiciaires (8 janv. 1905),
les dons et legs (4 févr. 1901).
Dans les faits, les communes évoluent considérablement. A la fin du
siècle, elles interviennent de plus en plus activement dans le domaine
économique et social : ce sera le « socialisme municipal» (infra) dont
Sidney et Béatrice Webb se font les chantres en Grande-Bretagne.
Ce sont surtout les décrets-lois de 1926 qui témoignent d'une attitude
nouvelle des pouvoirs publics à l'égard des interventions économiques des
collectivités territoriales. Ces décrets, qui ne font d'ailleurs que reprendre
une proposition de loi de 1914, sont inspirés par l'idée que l'intervention
locale « aura les résultats les plus bienfaisants » (exposé des motifs). Ils ont
pour objet de développer la « vie locale » en « accroissant le champ et la
fécondité de ses initiatives, notamment dans l'ordre économique et social »
(exposé des motifs). Le décret du 5 novembre 1926 autorise en parti-
culier les communes à participer aux entreprises commerciales ou coopé-
ratives ayant pour but le ravitaillement de la population ou son logement,
l'hygiène, l'assistance, la réalisation d'améliorations urbaines. Le décret du
28 décembre 1926 a plus précisément pour objet l'organisation des régies
municipales. Celles-ci sont organisées par un décret de 1935.
Mais vers la fin de la IIIe République, les difficultés rencontrées par les
collectivités territoriales comme par l'État, la crise, la montée des périls, se
conjuguent pour réduire les pouvoirs des autorités locales. Des décrets-lois
de 1938 apportent notamment des limitations en matière financière.
Le régime de Vichy va poursuivre dans cette voie et réduire fortement
la décentralisation. Hostile au système électif, il supprime, par un acte du
16 novembre 1940, l'élection des autorités locales dans toutes les
communes de plus de 2 000 habitants, maires et conseillers municipaux
étant désormais nommés. Une mesure similaire et prise à l'égard des
conseils généraux le 7 août 1942.
Des ordonnances de 1944 annulent, en ce domaine comme en d'autres,
la législation de Vichy et rétablissent le régime antérieur.

C / La période contemporaine

Si les problèmes ne sont pas nouveaux, ils se renouvellent. Depuis la fin


de la guerre, les collectivités territoriales ont été affrontées à des situations
nouvelles tenant aux exigences du développement. La réponse institution-
nelle sera longue à intervenir et ne s'affirmera vraiment que sous la
Ve République.

a) Les défis lancés aux collectivités territoriales. — Un triple défi est


lancé aux collectivités territoriales. Aucun d'eux n'est, depuis cette date,
encore surmonté, et aucun n'est perdu.
Le premier défi est le défi urbain. La France a connu en un quart de
siècle, depuis 1955, une véritable « révolution urbaine ». Elle est passée
d une société à dominante rurale à une société urbaine : sauf pour la
période la plus récente, la croissance de la population (40 millions en 1945,
58 millions aujourd'hui) s'est effectuée au profit des communes urbaines
alors que, dans le même temps, se produisit un important exode rural : 50 %
de la population vit sur 2,5 % du territoire tandis que, inversement, 50 % du
territoire n'héberge que 6 % de la population. Il en résulte, d'un côté une
grande concentration de population (10 % de la population vit sur moins
d' 1/1000e du territoire), de l'autre une véritable désertification. Outre le
changement de valeurs lié à cette transformation, les collectivités territo-
riales ont dû faire face à de nouvelles exigences : c'est un besoin d'espace
nécessité à la fois par l'afflux d'une population généralement jeune et par
le phénomène automobile. Il a fallu aux autorités locales trouver de
nouvelles surfaces pour les logements et pour l'automobile. C'est
également un besoin d'équipements. Ce ne sont plus seulement des réseaux
primaires dont la collectivité a besoin, mais d'équipements collectifs
perfectionnés dans le domaine social, dans le domaine culturel, dans le
domaine sportif et de loisirs et, désormais, de réseaux de communications
(câble, bornes ou antennes de réception, etc.). Ce développement n'a pas
toujours été maîtrisé.
Ces transformations sont souvent coûteuses, et supposent le recours à
de nouvelles sources de financement. La « faim » d'équipements collectifs
que l'on constate depuis la guerre a contraint les collectivités territoriales,
pour financer cet effort, à utiliser largement le procédé de l'emprunt et à
se tourner, plus que vers le passé, vers l'État pour obtenir une aide de ce
dernier.
Le deuxième défi est le défi de la coopération. L'intervention de l'État
est apparue inévitable pour, d'une part, aider les collectivités territoriales,
notamment les plus défavorisées, d'autre part, coordonner les actions de ces
collectivités. Le souci de préserver l'intérêt général et d'assurer l'égalité
entre les citoyens, qui caractérise la puissance étatique, a été la cause d'une
intervention, souvent insidieuse, de cette dernière dans les affaires locales.
Mais, en même temps, l'État rencontre des limites, tant « physiques » (sa
capacité financière à intervenir) que culturelles et politiques (contestation
du rôle de l'État, nécessité de modifier les modalités et même les principes
de l'intervention, le principe d'égalité étant, par ex., désormais insuf-
fisant pour répondre aux exigences de notre temps). Les relations État-
collectivités locales s'en trouvent profondément modifiées et la seule voie
d'avenir est la coopération, notamment par la voie de la contractualisation
(v. chap. 8).
Le troisième défi est le défi culturel. Le terme culturel doit être pris
au sens large : c'est l'aptitude, ou l'inaptitude des collectivités territo-
riales à combler ce que l'on pourrait appeler, faute d'une autre expression,
le «besoin d'être» des populations. On peut en distinguer plusieurs
aspects.
C'est d'abord la nécessité de créer des équipements culturels. Les
besoins primaires étant le plus souvent satisfaits par les équipements créés
depuis un demi-siècle, l'accent est mis, depuis une vingtaine d'années, sur
les besoins culturels qui se manifestent avec force. L'expression cultu-
relle sous toutes ses formes est souvent devenue un moyen privilégié
d'épanouissement ou d'accomplissement, elle est peut-être le seul moyen
permettant ces derniers. L'équipement culturel est loin d'être terminé avec,
notamment, la politique de « mise en réseaux ».
Mais le défi culturel est plus profond que le seul besoin de culture
satisfait par des équipements. C'est un besoin de communication et de
communauté. Il fut un temps où le sentiment communautaire était la raison
d'être et le fondement de l'action des collectivités territoriales. Ce
sentiment a le plus souvent disparu. Il est difficile de le recréer artificiel-
lement. A défaut, il reste sans doute à fonder rationnellement l'apparte-
nance à une collectivité. La démocratie à l'échelon local peut constituer ce
nouveau fondement de la collectivité. Ici, tout est à faire ou presque. Il ne
suffit pas, pour susciter cet attachement qui seul peut faire vivre une collec-
tivité, une participation épisodique à la désignation des autorités locales, il
faut trouver de nouveaux procédés de participation, des actions susceptibles
de rassembler les habitants.

b) La I V République. — L'innovation de la IVe République se situe


dans l'ordre constitutionnel. Reprenant largement, sur ce point, le projet du
19 avril rejeté par référendum, la Constitution du 27 octobre 1946, dans son
article 87, déclare :
« Les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils
élus au suffrage universel.
« L'exécution des décisions de ces conseils est assurée par leur maire
ou leur président. »
Le rapporteur de la nouvelle proposition, M. Coste-Floret, constate que
les principes nouveaux proposés en matière d'administration locale
« bouleversent (...) toute notre administration départementale. Ils font du
conseil général et de ses délégués les administrateurs de la collectivité
départementale et ils les substituent en tant que tels au préfet ».
Mais le législateur de la IVe République ne prit jamais les lois néces-
saires à la mise en œuvre de ces principes, les gouvernements ayant
d'autres soucis prioritaires et considérant d'ailleurs la substitution du préfet
par un exécutif élu comme une mesure dangereuse.
Il convient de mettre à l'actif de la IVe République deux séries de
dispositions.
Il s'agit en premier lieu de l'extension des possibilités d'intervention
économique des collectivités territoriales en particulier des départements.
Les dispositions de 1926 étaient insuffisantes pour « permettre aux collec-
tivités d'apporter un concours aussi large que possible au développement
économique et industriel du pays » (exposé des motifs du décret de 1955).
Un décret du 20 mai 1955 autorise les collectivités à participer à des
sociétés d'étude créées pour la mise au point de projets dont le cadre
excède leur territoire.
Il s'agit, en second lieu, de la poursuite d'une ébauche de régionali-
sation. Les préoccupations du maintien de l'ordre sont à l'origine de la
création des inspecteurs généraux de l'administration en mission extraor-
dinaire (IGAME) par la loi du 24 mai 1948. Un décret du 11 décembre 1954
consacre officiellement l'existence des comités d'expansion régionale,
créés sous le régime de Vichy par les industriels. Un décret du 30 juin 1955
prévoit l'établissement de programmes d'action régionale et, à la suite des
travaux d'un groupe d'études, vingt-trois régions de programme sont déli-
mitées par un arrêté du 28 octobre 1956.

c) La Ve République. — La réforme des collectivités territoriales va


être en permanence à l'ordre du jour des pouvoirs publics sour la Ve Répu-
blique. Cette ambition ne parviendra pas toujours à se concrétiser et se
traduira par des résultats inégaux. Plusieurs vagues de réformes, plus ou
moins importantes, se succèdent mais, en fait, la réforme des collectivités
locales est devenue permanente parce qu'il faut constamment adapter les
règles aux nouvelles données.
La question des structures fera l'objet de l'attention privilégiée des
gouvernants. Ceux-ci partent d'un constat, l'incapacité de la majorité des
communes à pouvoir s'adapter à leur temps en raison de leur trop faible
dimension, et d'une exigence, le développement économique ordonné de la
nation.
Cette double reconnaissance détermine l'orientation de l'action des diri-
geants de la nouvelle République. Dès 1959, l'idée de regroupement des
communes se concrétise à travers l'ordonnance du 5 janvier 1959 élar-
gissant les possibilités de regroupement, qui étaient très limitées dans la
loi de 1890, avec la création des syndicats de communes à vocation
multiple (SIYOM) et les districts urbains. Quant à l'action économique, elle
est envisagée à l'échelon régional avec la création, par le décret n° 60-516
du 2 juin 1960, de vingt et une circonscriptions d'action régionale
regroupant les départements.
Les pouvoirs publics continuent, par la suite, leur action persévérante
dans ces deux domaines. La croissance urbaine justifie l'édiction de
dispositions particulières, jusque-là inexistantes, pour les villes : une loi du
31 décembre 1966 s'attaque timidement à ce problème avec la création
de communautés urbaines. La métropole fait l'objet d'une législation
distincte et dérogatoire au droit commun (loi du 10 juill. 1964 instituant la
région parisienne et la ville de Paris, loi du 2 août 1961 créant le district
de la région parisienne) avant d'être organisée selon un statut beaucoup
plus proche du statut de droit commun des communes (loi du 31 déc. 1975).
Plus préoccupant encore que la recherche d'une organisation adminis-
trative adaptée aux villes est le problème des petites communes. Malgré les
tentatives pour faciliter le regroupement, avec notamment des incitations
financières, les résultats demeurent limités. Une tentative de réorgani-
sation imposée aura lieu avec la loi du 16 juillet 1971 relative à la fusion
des communes, mais cette loi sera un échec. Parallèlement, un nouvel
aspect apparaît, celui de la gestion, à travers notamment la loi du
31 décembre 1970.
Le décret n° 64-251 du 14 mars 1964 institutionnalise la nouvelle
circonscription régionale en établissant en particulier un préfet de région,
mais non distinct du préfet de département siège de la région. Un décret
tout aussi important est celui pris le 13 novembre 1970 pour faciliter la
réalisation des équipements publics avec le classement des investissements
publics en quatre catégories.
L'histoire de la Ve République est marquée, à l'échelon régional, par
l'échec du projet du 27 avril 1969. Dans un discours demeuré célèbre, le
chef de l'État, le général de Gaulle, déclarait, le 24 mars 1968 : « L'effort
multi-séculaire de centralisation ne s'impose plus désormais. Au contraire,
ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la
puissance économique de demain. » Le projet, qui faisait de la région une
collectivité territoriale à part entière, modifiait également le Sénat, ce qui
contribua vraisemblablement à son échec. Ce dernier inhiba d'abord les
gouvernants qui, prudemment, se contentèrent, par la loi du 5 juillet 1972,
de faire de la région un établissement public territorial, jusqu'à la création
de la région, en 1982-1986. La question des structures tourne, à la fin du
xxc siècle, autour de deux problématiques, l'une en constant renouvel-
lement, l'autre qui ne parvient pas à se concrétiser. La première est relative
à la coopération, avec l'invention et la mise en œuvre, régulièrement, de
nouvelles formules (les communautés de toutes sortes qui tendent à se
multiplier) et la nécessité, corrélative, de coordonner et de simplifier ces
structures. La seconde est relative à l'interrogation sur le bien-fondé de
la dualité départements-régions, et du nombre de collectivités dans chaque
catégorie. Elle ne dépasse pas ce stade, étant l'exemple de la réforme poli-
tiquement impossible.
Si les structures donnent lieu à une large réflexion et à une abondante
production législative et réglementaire, une autre préoccupation apparaît
dominante, c'est la préoccupation financière. Sous la Ve République, il est
considéré comme acquis que le système fiscal local traditionnel est désuet,
qu'il faut le remplacer par une fiscalité moderne.
La fiscalité locale est réformée par une ordonnance du 7 janvier 1959
qui, outre un changement de nom, transforme les impôts locaux, qui étaient
jusque-là des impôts de répartition (la collectivité commence par voter le
produit attendu, qui est ensuite réparti entre les quatre impôts) en impôts
de quotité (application directe de taux votés par l'assemblée locale aux
bases de chaque contribution individuelle). La réforme s'avéra difficile à
réaliser, pour des raisons d'abord matérielles telles que l'ampleur de la
tâche consistant à réévaluer les bases d'imposition, jusque-là fort disparates
par ailleurs. Le problème de la taxe professionnelle, disjoint du problème
des autres taxes, est réglé, mais non résolu, par la loi du 29 juillet 1975 dont
l'application va entraîner des transferts de charge fiscale imprévus.
En matière d'impôts indirects, une évolution très nette se manifeste en
faveur d'une substitution à ces impôts de versements représentatifs, repré-
sentés d'abord par le VRTS, puis aujourd'hui par les dotations globales, dont
la principale est la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui représente,
désormais, plus de 100 milliards chaque année (v. J.-M. Pontier, A propos
de la DGF : quelques réflexions sur les dotations, Rev. adm., nov.-déc. 1993,
p. 605). Mais les dotations se sont multipliées et complexifiées, obscur-
cissant le mécanisme, que l'on voulait simple, choisi en 1982.
Un trait caractéristique, du point de vue financier, est le dévelop-
pement du cofinancement (on parle aussi de financements croisés ou encore
de financements multiples) dans lequel plusieurs personnes, publiques mais
éventuellement, aussi, privées, participent financièrement à une même
opération. Malgré les critiques qui lui sont régulièrement adressées, on peut
douter que le cofinancement (sous des appellations éventuellement
modifiées) disparaisse, en raison des avantages qu'il présente
(v. J.-M. Pontier, Les avatars du cofinancement, LPA, 14 juill. 1993, p. 14
et s.). Dès lors on peut douter que le « brouillage » des relations finan-
cières entre l'État et les collectivités locales, dénoncé par les rapports parle-
mentaires, puisse s'effacer, malgré le « pacte de stabilité » établi, en 1996,
pour trois ans (v. J.-M. Pontier, Le pacte de stabilité entre l'Etat et les
collectivités locales, Rev. adm., janv.-févr. 1996, p. 74). Cette tendance
ne se manifeste pas seulement en France, elle est générale dans les pays
européens comparables à la France.
Deux autres problèmes n'ont été, jusqu'à la période la plus récente,
qu'effleurés. Il s'agit d'abord du problème des compétences respectives de
l'État et des différentes collectivités territoriales auquel les lois de 1983,
plusieurs fois modifiées, n'ont apporté (mais il ne peut en être autrement)
que des réponses partielles. Il s'agit ensuite des personnels (surtout élus)
pour lesquels une remarque similaire peut être faite (la loi du 3 févr. 1992,
relative à l'exercice des mandats locaux, n'est qu'une amorce ou un
succédané de statut). C'est dire que la réforme des collectivités est à faire.

3 / La réforme des collectivités territoriales

La réforme des collectivités territoriales est un thème d'actualité, et qui


risque de le rester un certain temps encore. Des raisons très fortes expli-
quent cette réforme. Celle-ci peut être plus ou moins globale.

1 1NÉCESSITÉ, JUSTIFICATION ET DIFFICULTÉS D'UNE RÉFORME

Si le thème de la réforme administrative est une source intarissable de


discours, de projets et de réflexions, la réforme des collectivités territoriales
est l'un des pans les plus importants de cette réforme.
La nécessité d'une réforme est reconnue par tous, bien que les raisons
invoquées ne soient pas toujours les mêmes. Une donnée d'évidence
s'impose : toute structure administrative doit se réformer pour s'adapter
aux besoins nouveaux qui se manifestent. Les communes, qui sont une
vieille institution, ne peuvent pas demeurer figées telles qu'elles ont pu être
autrefois. De plus, la commune est l'institution la plus proche des citoyens,
donc celle au fonctionnement de laquelle ces derniers sont le plus sensible.
La commune est un échelon de gestion de certains services, qu'il s'agisse
de services d'État ou de services relevant de la collectivité territoriale. Les
administrés ressentent vivement toute défaillance dans le fonctionnement
de ces services, et l'imputent volontiers aux élus locaux. A ceci il faut
ajouter que les collectivités territoriales sont devenues des agents privi-
légiés de réalisation des investissements publics. Le bon ou le mauvais
fonctionnement de l'organisation locale devient le symbole et le symptôme
de la santé de toute l'administration.
La réforme des collectivités territoriales n'est ni une idée ni une poli-
tique nouvelle. Tous les régimes ou presque se sont attachés à définir ou
à réorganiser les structures administratives locales. La réforme des
collectivités territoriales recouvre en fait une multitude de réformes ou de
propositions de réforme. Certains thèmes sont inépuisables et paraissent
liés à l'état même de collectivité territoriale : c'est le thème des finances
locales. Sous la Révolution, des parlementaires évoquent la situation catas-
trophique de ces finances. En 1931, lors de l'un des multiples débats
consacrés aux collectivités territoriales, un député, empruntant au langage
médical, déclare que les finances locales sont dans un état de cachexie.
Si un thème donne l'impression de perpétuel recommencement, c'est bien
celui-ci. D'autres aspects de la réforme paraissent beaucoup plus liés à
un moment de l'histoire : dans le demi-siècle qui suit les « chartes » locales
les programmes de réformes sont surtout consacrés à des problèmes de
procédure (ex. la taxe de balayage peut-elle être instituée, sur demande
d'un conseil municipal, par arrêté préfectoral ?) qui paraissent totalement
dépassés aujourd'hui.
L'expérience passée montre que la réforme des collectivités territo-
riales est une entreprise difficile. D'abord parce qu'elle met en cause des
intérêts divergents, des situations dans lesquelles on peut malaisément faire
la part des nécessités, des traditions et des considérations tactiques. Ensuite
parce que, plus profondément, toute réforme des collectivités territoriales
est nécessairement, comme l'écrivait le rapporteur Lionel de Tinguy au
Sénat, en 1978, une réforme de l'État : ce n'est pas seulement l'organi-
sation locale qui est touchée par une réforme, c'est également l'adminis-
tration centrale, comme le montrent les réformes de 1982-1983. Toute
autorité qui s'engage dans cette voie ne peut manquer de rencontrer des
difficultés parce qu'elle doit s'attaquer à des habitudes qui ont forgé des
procédures, à des comportements qui ont donné naissance à des droits
acquis, à un réseau enchevêtré d'influences et de pressions.
La réforme des collectivités territoriales présente une connotation poli-
tique très accentuée. C'est que la décentralisation est porteuse d'un certain
nombre de valeurs. Parmi celles-ci sont évoquées les libertés locales. Au
cours de l'histoire tous les partis politiques, ou presque, ont brandi tour à
tour l'étendard de la centralisation et de la décentralisation, selon qu'ils se
trouvaient au pouvoir ou dans l'opposition. Le thème des libertés locales
est particulièrement porteur, car il évoque pêle-mêle les idées de décentra-
lisation, de démocratie et de liberté. Les partisans de la décentralisation ont,
« à chaque génération, forgé un véritable mythe, celui d'une France dont
les maux pourraient être guéris grâce à un aménagement tout différent de
son administration » (F. Burdeau, Liberté, libertés locales chéries, p. 275).
On peut se demander, d'ailleurs, si la réforme des collectivités territo-
riales n'est pas toujours à faire : la meilleure réforme, si elle est réalisée,
ne peut valoir que pour quelques années. La rapidité des transformations
dans tous les domaines oblige à reprendre sans cesse le travail.

2 1LES DOMAINES DE LA RÉFORME

A / La réforme des structures

La réforme des structures administratives des collectivités territoriales


est le thème qui a principalement retenu l'attention des gouvernants depuis
un quart de siècle. C'est en effet l'aspect qu'il paraissait le plus urgent de
réformer parce qu'il paraissait le moins adapté. La réforme des structures
comporte elle-même plusieurs aspects.
C'est d'abord le problème du nombre de collectivités territoriales. Il se
pose principalement pour les communes, mais on le retrouve également
au niveau du département. L'émiettement communal français a suscité
nombre de commentaires et de projets de réforme. On a opposé le nombre
de communes françaises à celui des autres pays. L'effort pour réduire ce
nombre, pour regrouper les communes, a été justifié par les exigences de
l'action économique. Concrètement, par exemple, sachant que les moyens
de financement sont par définition limités, est-il souhaitable que deux
communes voisines cherchent, chacune, à se doter d'une piscine, alors qu'il
subsiste encore certaines communes qui ne possèdent pas de réseaux
d'assainissement ou de réseau d'alimentation en eau potable ?
Le regroupement communal a toujours constitué, sous la Ve Répu-
blique, une pierre d'achoppement entre le pouvoir central et les élus locaux.
Ces derniers ont insisté sur le fait que les regroupements ne pouvaient être
que volontaires. Les gouvernants ont essayé successivement une politique
d'incitation, qui a donné des résultats limités, et une politique de contrainte
(fusions autoritaires) qui a donné des résultats décevants. L'utilité même
des fusions a été contestée : à l'invocation de la rationalité économique
par le gouvernement répondait l'argument que des misères ajoutées ne
pouvaient produire l'abondance. La fusion, toujours souhaitée, n'est plus
imposée : le regroupement est toujours recherché, mais par des voies
indirectes.
Le nombre de départements a également, dans une bien moindre
mesure, soulevé problème, mais ce dernier se fond avec un autre problème,
celui du nombre de niveaux d'administration locale qu'il est souhaitable
d'avoir dans un État comme la France. La France a connu, entre la
Révolution et 1982, deux niveaux d'administration décentralisée, la
commune et le département. Est-il souhaitable d'instaurer un niveau inter-
médiaire entre le département et l'État ? L'institution de la région a suscité
d'abondantes controverses. L'attachement à la région peut s'expliquer par
toutes sortes de considérations d'ordre aussi bien politique, administratif,
qu'économique. La région peut être souhaitée en tant que telle, indépen-
damment des collectivités territoriales traditionnelles. Elle peut être
également examinée en rapport avec celles-ci. Elle est alors considérée
comme devant pallier l'insuffisante dimension du département. Une autre
solution était concevable, celle que proposa M. Debré après la guerre :
elle consistait à redécouper les départements, en en réduisant le nombre
pour avoir de « grands départements ». Cette réforme audacieuse demeura
à l'état d'idée.
Les régions soulèvent, à l'heure actuelle, de semblables interrogations :
le nombre de régions n'est-il pas trop élevé ? Bien que les avis divergent,
certains estimant que les régions ont une dimension moyenne suffisante,
on ne peut s'empêcher de penser qu'il serait possible, et souhaitable, de
réduire le nombre de régions, le découpage régional actuel n'ayant pas
été conçu pour des régions collectivités territoriales (v. infra, la région).
Le gouvernement a vaguement envisagé, un moment, la question et a fait
marche arrière devant les protestations que cette simple idée suscitait.
En dehors des raisons circonstancielles, l'établissement d'un, ou de
plusieurs niveaux intermédiaires entre l'État et le département soulève des
questions de fond. On peut se demander d'abord si, à terme, peuvent
subsister parallèlement deux niveaux de gestion qui sont, quels que soient
les efforts faits pour distinguer leurs tâches, en partie concurrents. De
nouvelles relations s'établissent également entre collectivités du fait de la
création d'une nouvelle catégorie. De nouveaux réseaux, réseaux de
pouvoir et d'influence se constituent, dont il convient d'apprécier les consé-
quences. On peut enfin se demander si le coût administratif aussi bien que
financier résultant de la création d'un ou de plusieurs niveaux supplémen-
taires est supportable en cette fin de siècle pour un État comme la France
(v. sur ce problème J.-M. Pontier, Les niveaux d'administration dans la loi
du 2 mars 1982, Les Cahiers du CFPC, n° 11, nov. 1982, p. 11).

B / La réforme des procédures

Certaines exigences, certaines formes, s'imposent aux autorités locales


comme aux autorités de l'État parce que les premières comme les secondes
sont, dans notre système juridique, des autorités administratives soumises à
la hiérarchie des normes et à la volonté politique des pouvoirs publics. Il
est ainsi normal que, par exemple, les actes des autorités locales soient
motivés, que les citoyens puissent avoir accès aux documents adminis-
tratifs locaux, que les dispositions communautaires (ex. en matière de
passation des contrats) soient applicables aux collectivités locales, etc.
C'est l'applicabilité du droit administratif général aux collectivités territo-
riales (v. chap. 4). Dès lors, chaque fois qu'une réforme intervient, comme
par exemple la loi de 1998 sur l'amélioration des relations entre les admi-
nistrations et le public, elle est applicable aux collectivités territoriales.
S'agissant des seules collectivités territoriales, la plupart des réformes
procédurales relèvent ou s'inscrivent dans la réforme des structures (ex.
une réforme sur l'adhésion à un syndicat de communes ou la sortie d'un
tel syndicat) dans la réforme des compétences (ex. les réformes concernant
l'aménagement du territoire intervenues en 1998) ou dans la réforme des
personnels (ex. la réforme relative à la responsabilité pénale des maires).
Il convient cependant de mettre à part la réforme de la codification. Les
textes relatifs aux collectivités territoriales n'étaient, et ne sont toujours,
que partiellement codifiés. L'entreprise de codification n'a été entreprise,
pour les collectivités locales, que tardivement, le fait qu'il existait un texte
de base pour chaque catégorie de collectivités locales (loi de 1884 pour
les communes, de 1871 pour les départements) n'expliquant que très
partiellement cette absence de code. Les premières préoccupations en
faveur d'une telle codification se manifestent à partir de 1938. Ce n'est
qu'en 1957 que paraît le premier code, le code de l'administration
communale (CAC, décret du 22 mai 1957) limité, ainsi que son nom
l'indique, aux seules communes. L'adaptation de ce code aux données
résultant de la distinction entre loi et règlement est réalisée en 1977 avec le
code des communes (décrets du 22 janv. 1977, 7 mars 1977, 28 mars 1977).
Le caractère très partiel de cette codification (les départements y
échappant), la multiplication des textes relatifs aux collectivités locales
(avec les redites, voire les contradictions qui en résultaient), la naissance
d'une nouvelle catégorie de collectivités territoriales (la région), imposaient
une véritable codification, souhaitée par tous.
La loi du 27 février 1996 a adopté la partie législative du code général
des collectivités territoriales (v. J.-M. Pontier, Le code général des collec-
tivités territoriales, Rev. adm., n° 288, nov.-déc. 1995). Ce code présente les
caractéristiques suivantes : 1) Pour la première fois l'ensemble des règles
concernant les communes, les départements, les régions et les collectivités
à statut particulier se trouve rassemblé dans un même document. La clari-
fication est particulièrement appréciable pour la région où, en dehors de
la loi de « b a s e » de 1972 maintes fois modifiée, de nombreux textes
coexistaient et se chevauchaient. 2) C'est une codification opérée, comme
toutes les autres, à droit constant. Ce choix qui peut présenter des incon-
vénients et n'est pas celui d'autres pays (comme l'Allemagne) consiste à ne
pas profiter de la codification pour opérer des réformes de fond, l'argument
ayant été qu'un autre choix aurait entraîné le report à une date indéter-
minée de l'adoption du code. 3) Malgré sa dénomination, ce code n'est pas
général, c'est seulement un code de structures. En particulier les compé-
tences n'y figurent pas, au motif que ces compétences seront réparties dans
des codes distincts et à venir (mais certaines conséquences financières des
compétences sont prises en compte, de même que certaines compétences
qui figuraient dans le code des communes, ce qui affecte la cohérence de
l'ensemble). 4) C'est un code inachevé, non seulement parce qu'il faut,
naturellement, codifier la partie réglementaire mais aussi parce que des
pans entiers de lois (ex. concernant la fonction publique territoriale) doivent
encore être intégrés à ce code.

C / La réforme des compétences

La réforme des compétences est l'une des réformes les plus récemment
prises en compte. Pendant longtemps on ne s'est pas préoccupé de cette
question, ou on l'a envisagée de façon très accessoire, parce que le partage
des compétences ne soulevait guère de difficultés. L'Etat intervenait peu,
les collectivités locales agissaient très pragmatiquement en fonction des
besoins.
Le problème change de dimensions, et presque de nature, dès lors que
l'Etat devient omniprésent dans la vie économique et sociale et que, paral-
lèlement, les collectivités territoriales interviennent dans une égale mesure
parce qu'elles recherchent, tout comme l'État, le bien commun de leurs
habitants. Il devient alors essentiel de savoir quelle sera, dans une nation
déterminée, la collectivité compétente pour agir. Il faut déterminer la
« sphère de compétences » de chaque collectivité. La répartition se
complique naturellement lorsque l'on ajoute un niveau de collectivités
supplémentaires.
Les techniques de répartition des compétences sont comparables à
celles que l'on trouve dans un État fédéral : il est possible de procéder par
énumération des compétences d'un ordre de collectivités, ou de toutes les
collectivités. Il est également possible de faire le partage en se référant à
une clause générale de compétences. Aucun système n'existe à l'état pur et,
en ce qui concerne la France, les compétences des collectivités territoriales
sont définies, outre la clause générale de compétences, par différents textes.
Des facteurs purement nationaux et historiques expliquent, à un moment
donné, la répartition existante : l'enseignement, par exemple, a toujours été
peu décentralisée.
Réformer les compétences signifie, à l'époque contemporaine, recon-
naître le rôle éminent des collectivités territoriales dans certains domaines.
C'est préciser le rôle de chaque collectivité par rapport aux autres collec-
tivités. C'est permettre l'exercice effectif de ces compétences en attri-
buant aux autorités locales les pouvoirs indispensables à leur mise en œuvre
(v. J.-M. Pontier, Niveaux de décentralisations et transferts de compétences,
Les Cahiers du CFPC, n° 17, nov. 1985, p. 85 et s.).
La problématique de la répartition des compétences a considérablement
évolué :

1) La querelle sur la clause générale de compétence est devenue parfai-


tement vaine, non point tant parce que cette clause aurait disparu (on n'en
parlerait pas autant) mais parce que l'évolution va, en tout état de cause,
vers une extension des compétences des collectivités locales ; les acteurs,
l'État en premier, ne respectent pas les limites résultant théoriquement des
textes.

2) La répartition des compétences ne se limite plus à une répartition


légale : il existe, parallèlement, une répartition contractuelle des compé-
tences, qui peut ne pas respecter la précédente en conférant (cas le plus
fréquent) aux collectivités territoriales des compétences que les lois ne leur
reconnaissent pas. Cette répartition contractuelle n'est pas « reconnue » en
tant que telle par l'État, qui n'hésite cependant pas à y recourir.

3) La notion « fourre-tout » et particulièrement vague de « partenariat »


(v. chap. 8) explique le phénomène précédent. Concertation, collabo-
ration, action conjointe, définissent mieux la réalité actuelle que la notion
de partage des compétences qui, à elle seule, est devenue insuffisante pour
expliquer les interventions, souvent conjuguées, de l'État et des collec-
tivités territoriales.

4) Pour les mêmes raisons paraît tout aussi vaine l'idée, réitérée avec
persévérance, notamment au Sénat, d'un partage par « blocs de compé-
tences ». C'est cependant un tel engagement qu'a pris le législateur en 1995
en décidant que « la répartition des compétences entre l'Etat et les collec-
tivités territoriales sera clarifiée dans le cadre d'une loi portant révision de
la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 (...) et de la loi n° 83-623 du 22 juillet
1983. Cette loi devant répartir les compétences « de manière que chaque
catégorie de collectivités territoriales dispose de compétences
homogènes ». On peut douter que le législateur parvienne à un tel résultat.

D / La réforme des finances locales

La réforme des finances locales est la pierre d'angle de toute la décen-


tralisation : la réussite de celle-ci dépend, en définitive, des possibilités
financières réellement reconnues aux collectivités locales. Beaucoup de
réformes financières ont été proposées, parfois tentées. Tantôt elles ont
avorté, tantôt elles ont échoué, tantôt elles ont constitué des solutions
d'attente à une réforme complète qui n'est jamais intervenue. La réforme
financière, à l'échelon local, se résume essentiellement à la question de
savoir quelles seront les ressources des collectivités territoriales. Les
données du problème sont relativement simples, mais en partie
contradictoires.
L'accord se réalise sur la nécessité d'adapter les ressources des collec-
tivités territoriales, et d'abord des communes, à leurs dépenses : si l'on
demande à ces collectivités d'intervenir plus activement que par le passé, et
c'est le cas, il faut leur donner les possibilités financières d'agir. Ii existe
une volonté décentralisatrice : il faut donc donner aux communes les
moyens de leur politique faute de quoi, suivant une formule connue qui
s'applique souvent, elles ne peuvent avoir que la politique de leurs moyens,
lesquels sont largement insuffisants.
Parmi ces ressources, les plus conformes à l'idée décentralisatrice sont
les ressources propres. Subventions et prêts peuvent toujours être la possi-
bilité d'une intervention dans la vie locale d'une institution étatique. La
grande question est de savoir comment fixer ces ressources propres.
Celles-ci proviennent essentiellement du produit de l'impôt. Mais l'impôt
dont le produit est versé aux collectivités territoriales doit-il être nécessai-
rement un impôt à assise locale ? Il est parfaitement possible d'affecter à
ces collectivités le produit, ou une part du produit d'un impôt d'État. Les
solutions traditionnellement admises consistent en une combinaison de ces
techniques. Il est impossible de mettre en œuvre un système dans lequel
les ressources des collectivités territoriales proviendraient uniquement de la
fiscalité locale. Dans certains États, aujourd'hui, l'essentiel des ressources
locales est constitué par un transfert de ressources d'État. Mais il y a alors
un risque de démobilisation des élus locaux.
Une difficulté tient à ce que le contribuable national, le contribuable
communal, le contribuable départemental, le contribuable régional ne sont
qu'un. On ne peut demander plus à tous simultanément. Or, l'État a
tendance à accroître ses prélèvements, ce qui ne peut que limiter les prélè-
vements des collectivités territoriales. Une augmentation réelle des
ressources de celles-ci impliquerait un ralentissement de la progression,
ou une diminution des ressources financières de l'État. C'est à cela que
conduit la logique décentralisatrice. La logique de l'égalité et de l'intérêt
général s'y oppose.
La question des ressources locales c'est également celle du financement
par l'État des dépenses locales. Un progrès significatif a été réalisé avec le
passage des subventions aux dotations et la globalisation de celles-ci (les
subventions spécifiques n'ayant pas disparu). Les concours financiers de
l'État représentent des montants importants, la DGF étant, à elle seule, de
plus de 100 milliards de francs (soit environ 43 % des concours de l'État,
hors fiscalité transférée).
Mais le système des dotations a tendance à devenir de moins en moins
lisible, en raison d'un double phénomène : c'est, d'abord, la multipli-
cation des dotations dont l'utilité de certaines d'entre elles n'est pas
évidente (il eût mieux valu transférer directement à l'État la charge
résultant, pour les communes, des professeurs d'école, plutôt que de créer
une « dotation spéciale instituteurs », la DSI) ; c'est, ensuite, la complexifi-
cation des mécanismes, les dotations pouvant comporter des « concours »
et des « attributions » ou des « parts ».
Une autre préoccupation, de plus en plus lourde, est celle de la péré-
quation entre collectivités territoriales au nom de l'égalité et, désormais
aussi, de l'équité. La péréquation ne joue plus seulement, comme tradition-
nellement, entre les communes, mais aussi entre les départements et entre
les régions (avec, par ex., le Fonds de correction des déséquilibres
régionaux). La multiplication des mécanismes de péréquation (ex. le FDPTP,
le FNPTP, le FCDR, le FSCRIF, etc.), et des règles de péréquation en rend
l'appréciation délicate. La question de savoir quelle(s) péréquation s) il
convient de mettre en œuvre comme celle de l'importance à donner à la
péréquation n'ont pas reçu, jusqu'à présent, de réponse nette, le législateur
n'ayant pas de vision d'ensemble et procédant par à-coups.
L'excellent rapport du groupe de travail sur les relations financières
entre l'Etat et les collectivités locales (dit « rapport Delafosse », du nom
de son président), déposé en 1994, suggérait une classification (avec des
orientations telles que le recentrage des procédures contractuelles autour
des contrats de plan, l'évaluation ex ante et ex post des actions) et une
stabilisation des relations financières entre l'État et les collectivités locales.
Ces deux objectifs demeurent d'actualité.
E / La réforme des personnels

Les personnels sont constitués par les élus et par les agents au service
de la collectivité pour mettre en œuvre la politique décidée par ces élus.
Le statut des élus est un problème ancien, qui connaît des variations
contemporaines. Dès les premières lois de décentralisation, les pouvoirs
publics manifestent le souci de contrôler les élus étroitement. On peut diffi-
cilement parler de statut, les élus étant révocables très facilement. Ce n'est
d'ailleurs qu'à partir de 1882 que les conseils municipaux peuvent élire leur
maire (v. J.-M. Pontier, Panorama sur le statut de l'élu local depuis 1882
jusqu'à l'époque contemporaine, Les Cahiers du CFPC, n° 14, juin 1984,
p. 7 et s.). La première réforme consiste à assurer l'indépendance des élus
à l'égard du pouvoir central. Cette indépendance est aujourd'hui acquise.
La durée du mandat est un autre élément du statut qui ne soulève guère de
difficultés car il n'est pas un élément fondamental de ce statut.
L'urgence d'une définition d'un statut des élus est apparue, à notre
époque, sur quatre plans :
Les élus locaux sont des bénévoles. Il faut donc, pour gérer les affaires
de leur collectivité, soit qu'ils prennent sur leur temps de travail, soit qu'ils
prennent sur leur temps de repos. Deux questions se posent donc : la
première consiste à se demander s'il convient de maintenir le système du
bénévolat. Une réponse affirmative étant donnée par tous les intéressés, il
convient alors de se demander s'il ne faut pas dégager des « crédits
d'heures » pour donner aux élus le temps de gérer dans les meilleures
conditions.
Le bénévolat exclut l'idée de salaire, mais non celle d'indemnité.
Celle-ci peut pallier, en partie, l'absence de salaire. Une réforme est indis-
pensable si l'on ne veut pas que les collectivités territoriales soient gérées
uniquement par les personnes qui ont le temps, c'est-à-dire les « inactifs »,
au sens économique du terme.
Il ne suffit plus, aujourd'hui, d'avoir des convictions pour gérer. Les
communes, a-t-on dit, sont devenues de véritables entreprises. Elles
exigent, en tout état de cause, certaines connaissances juridiques, finan-
cières, comptables. La formation des élus est l'un des objectifs d'une
réforme du statut des élus. Cet aspect se heurte, à l'évidence, à de grandes
difficultés.
L'idée d'un statut des élus locaux a fait son chemin. Cela était indis-
pensable car on ne peut plus concevoir aujourd'hui cette fonction comme
on le faisait autrefois, en raison du changement de rôle des collectivités
locales. Il serait même possible de s'interroger sur l'intérêt de la substi-
tution d'exécutifs nommés (sur des critères de compétence) aux exécutifs
élus. Mais cette idée, iconoclaste et choquante, n'a jamais donné lieu à un
commencement de réflexions et est écartée sans débat.
La « démocratie locale » postulant donc, en France, des exécutifs
locaux élus, le législateur s'est, tardivement, préoccupé de fixer certaines
règles. Il n'existe pas, faute de consensus suffisant, de « statut général »
des élus locaux mais des règles minimales concernant les « conditions
d'exercice du mandat » (v. infra, le chap. sur les administrateurs locaux).
Le principe du bénévolat ayant, à la demande des élus locaux, et pour des
raisons aisées à comprendre, été maintenu, le législateur l'a compensé en
revoyant le système des indemnités. Il a procédé à une revalorisation, indis-
pensable, de ces dernières, et à une unification des règles, mettant fin à un
système hétéroclite et dépassé. Dans le même ordre d'idées, ceci corres-
pondant à une exigence de notre temps, un régime de retraite des élus a
progressivement été mis en œuvre.
La formation des élus est une àutre exigence d'une gestion moderne
et efficace des collectivités locales. Bien que le CGCT consacre tout un
titre (mais composé d'un seul et court article...) au Conseil national de
la formation des élus locaux, les dispositions relatives à la formation,
prévues par le législateur (et qui figurent au CGCT, pour chaque catégorie de
collectivités, dans un chapitre sur les « conditions d'exercice des mandats
locaux ») sont extrêmement modestes. Sans aller jusqu'à exiger' une
formation obligatoire (qui serait considérée, en France, par une sorte de
réflexe, comme « anti-démocratique ») il serait possible, et sans doute
souhaitable, d'aller plus loin dans cete voie afin que le « droit à la
formation » énoncé par les textes soit plus qu'une formule.
Il existe enfin, en France, un problème auquel la loi du
30 décembre 1985, qui prétendait le résoudre, n'a apporté que des réponses
timides et insuffisantes : c'est le cumul des mandats. Le gouvernement a
décidé, en 1998, de renforcer la limitation du cumul. La seule solution
satisfaisante, peut-on penser, serait l'interdiction de tout cumul (sauf pour
député ou sénateur maire d'une petite commune). Peut-être faudrait-il aller
encore plus loin en limitant la rééligibilité de tous les élus.
La réforme des personnels est également celle des agents recrutés à
la suite d'une procédure administrative pour servir la collectivité. Le
problème n'a, pendant longtemps, suscité aucun intérêt. Il était, de plus,
limité aux seules communes. Ces dernières n'avaient, au XIXE siècle, guère
besoin de personnel. Celui-ci était représenté, le plus souvent, par le seul
garde-champêtre, dont la littérature s'est largement emparée.
Dans la deuxième moitié du xxe siècle il a fallu se préoccuper de donner
un statut aux agents communaux, parce que ceux-ci étaient de plus en plus
nombreux. Cette augmentation a entraîné l'édiction de garanties pour ces
personnels.
Dans la période la plus récente le problème s'est renouvelé, pour deux
raisons : c'est d'abord une augmentation du recrutement, par les communes
et, dans une moindre mesure, par les départements et désormais les régions,
de personnels. Les réformes de 1982-1983 ont accentué cette tendance.
C'est ensuite la valse hésitation entre la comparaison avec la fonction
publique de l'État ou avec les agents de droit privé.
La réforme des collectivités territoriales a pris une ampleur et une
étendue inconnues jusque-là. C'est sous l'aspect de l'idée de réforme que
doivent être examinées à notre époque ces collectivités. Il convient sans
doute d'éviter l'erreur de la «réformite», et admettre qu'après toute
réforme importante il est indispensable de faire une pause pour que la ou
les réformes puissent être assimilées par le corps social. Mais il est
important de souligner qu'une institution a tendance très vite à se scléroser,
que les règles techniques d'organisation et de fonctionnement ne doivent
pas susciter un attachement démesuré car l'essentiel est l'esprit de commu-
nauté, et il appartient aux citoyens de le réinventer.
La réforme de la fonction publique territoriale, intervenue en 1984, va
se prolonger encore pendant de nombreuses années. La non-codification,
en 1996, des dispositions relatives à la fonction publique territoriale est
significative du lien établi avec les autres fonctions publiques, un code
complet de la fonction publique étant en cours d'élaboration. Bien qu'un
statut existe, avec de très nombreuses dispositions, tant législatives que
réglementaires, la fonction publique territoriale cherche encore son
équilibre.
Plusieurs facteurs expliquent que la réforme ne soit pas achevée. Un
premier facteur a été la difficulté rencontrée pour mettre en place un certain
nombre de « filières » de la fonction publique territoriale, notamment la
« filière culturelle » (du fait, notamment, de la diversité des corps et des
règles qui existaient jusque-là). Un autre facteur a tenu à la lourdeur des
mécanismes et des institutions prévus par le législateur et dont certains, de
ce fait, ne sont jamais entrés en application. Un troisième facteur tient à la
difficulté du compromis, indispensable mais délicat, entre les garanties que
demandent naturellement les agents de la fonction publique territoriale, en
leur qualité de fonctionnaires, et le pouvoir des autorités décentralisées sur
ces agents, qui implique tout aussi nécessairement la décentralisation. La
parité, affirmée par la loi, entre la fonction publique d'État et la fonction
publique territoriale, est une autre source de heurts car si elle fonctionne
dans le sens État-collectivités locales, elle ne fonctionne guère dans l'autre
sens. Par ailleurs le principe de l'appartenance des agents recrutés par les
collectivités territoriales est toujours menacé par le souhait des autorités
locales de recruter des agents par voie contractuelle, cette procédure
donnant plus de prise et de marge de manœuvre auxdites autorités. Certes,
le législateur a limité, voire interdit, dans certains cas, de tels recrutements,
mais les élus locaux sont fréquemment tentés de condamner ces règles, et
font pression en vue de leur adaptation.

BIBLIOGRAPHIE

Parmi les ouvrages de base il convient de citer en premier lieu l' Encyclopédie collec-
tivités locales, publiée chez Dalloz, sous la direction de F.-P. Bénoît, collection la plus
complète sur le sujet et régulièrement remise à jour (9 vol.). Dans une autre perspective le
mémento Dalloz de J. Moreau, Administration régionale, locale et municipale (lie éd.,
1995), constitue un remarquable instrument de travail. Le Jurisclasseur collectivités locales
comprend actuemment quatre tomes. M. Bourjol et S. Bodard ont écrit Droit et libertés des
collectivités locales (Masson, 1985). F. et Y. Luchaire ont publié, aux PUF, Le droit de la
décentralisation (1983). Un autre manuel est celui de A. Gruber, La décentralisation et les-
institutions administratives, A. Colin, 2e éd., 1996. V. également J.-B. Albertini, C. Bérenger,
J.-L. Marx, Dictionnaire juridique : pouvoirs locaux, Dalloz, 1994 ; P. Gérard, Lexique des
collectivités locales, PUF, 1995 ; E. Vital-Durand, Les collectivités territoriales en France,
Hachette, coll. « Les Fondamentaux », 1994. G. Belorgey, La France décentralisée (Berger-
Levrault, 1984). J. Ravanel a examiné les changements intervenus dans le cadre de la
Ve République avec La réforme des collectivités locales et des régions, Dalloz, coll. « Études
politiques, économiques et sociales », 1984. Deux ouvrages synthétiques sont à signaler,
d'une part, A. Mabileau, Le système local en France, Montchrétien, coll. « Clefs », 1995
et, d'autre part, P. Sadran, Le système administratiffrançais, Montchrétien, coll. « Clefs »,
1997. Sous le pseudonyme très significatif de J. Rondin les auteurs de La France en décen-
tralisation (Fayard, 1985) s'interrogent sur le sens de la décentralisation au cours de notre
histoire.
A noter également, A. Chaminade, La pratique des institutions locales, Litec, 1990.
Parmi les publications régulières consacrées, en tout ou en partie, aux collectivités terri-
toriales, il convient de citer :
L'annuaire des collectivités locales, publié annuellement par le GRALaux Éditions Litec.
L'annuaire européen d'administration publique, CRA, Aix-en-Provence - CNRS, également
annuel, qui comporte des chroniques régulières sur la décentralisation.
Parmi les revues, très nombreuses, on retiendra particulièrement :
Les Cahiers du CFPC, puis du CNFPT à partir de 1988.
Départements et communes (revue officielle de l'Association des maires et de l'Association
des présidents de conseils généraux).
La Gazette des communes.
La Revue des finances communales.
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tements d ' o u t r e - m e r .
P a r m i les o u v r a g e s a n a l y s a n t les r é f o r m e s récentes, p r é s e n t e n t u n intérêt p a r t i c u l i e r :
L a libre a d m i n i s t r a t i o n d e s collectivités locales, sous l a dir. de J. M o r e a u et G. D a n y
(colloque de B e s a n ç o n ) , Economica-pUAM, 1984.
L a nouvelle d é c e n t r a l i s a t i o n , sous l a dir. de F. M o d e r n e , Sirey, 1983.
Les nouvelles c o m p é t e n c e s locales, sous la dir. de F. M o d e r n e , E c o n o m i c a , 1985.
Vertus e t limites de l a décentralisation ( c o l l o q u e de C l e r m o n t - F e r r a n d ) , L e s c a h i e r s d u d r o i t
public, B o r d e a u x , 1985.

S u r le code g é n é r a l d e s collectivités t e r r i t o r i a l e s :
C o d e général des collectivités territoriales, Dalloz, 2e éd., 1998, sous la dir. de J.-C. D o u e n c e
(rééd. tous les d e u x ans).
C o d e général des collectivités territoriales, Litec, 1997, sous la dir. de J. M o r e a u .
C o d e général des collectivités territoriales, L e M o n i t e u r , 1997, sous la dir. de J.-B. A u b y .
B r a i b a n t G. et C a t t a E., L e c o d e g é n é r a l des collectivités territoriales, Rev. fr. d é c e n t r . , 1996,
p. 132-142.
B r a i b a n t G., L e c o d e g é n é r a l des collectivités territoriales, R F D A , 1996, p. 177-183.
P o n t i e r J.-M., L e c o d e général des collectivités territoriales, Rev. a d m . , 1995, p. 6 1 5 - 6 2 5 .
Chapitre 2

LA N O T I O N
DE C O L L E C T I V I T É T E R R I T O R I A L E

La notion de collectivité territoriale est juridique. La définition de cette


notion est le produit de la législation, de la jurisprudence, de la doctrine.
Elle différencie la collectivité territoriale d'autres modes d'organisation
administrative. La collectivité territoriale se caractérise également par des
éléments constitutifs.

1 / D é f i n i t i o n d e la c o l l e c t i v i t é t e r r i t o r i a l e

En droit public français, on considère traditionnellement que certaines


conditions doivent être réunies pour que l'on puisse parler de collectivité
territoriale. Cette même jurisprudence a permis de dégager le caractère
essentiel du contrôle comme donnée de la décentralisation.

1 1CONDITIONS JURIDIQUES CONSTITUTIVES DE LA NOTION

Quatre conditions doivent être réunies simultanément pour que l'on


puisse parler de collectivité territoriale : la personnalité juridique, des
affaires locales, une véritable autonomie, un pouvoir de décision. Il est à
noter, sur tous ces points, un développement remarquable de la jurispru-
dence constitutionnelle.
A / La personnalité juridique

Les collectivités publiques territoriales sont des personnes morales de


droit public. Il s'agit là d'un point essentiel puisque, outre les communes,
les départements, les régions et les territoires d'outre-mer, seuls disposent
de la personnalité juridique, dans l'organisation administrative française,
l'État et les établissements publics, quels qu'ils soient (ainsi que, si l'on
tient à les distinguer des établissements publics, les groupements d'intérêt
public).

a) La notion de personne morale. — Constater la personnalité morale


c'est, selon Marcel Waline, « constater qu'un certain nombre de personnes
physiques se sont reconnu des intérêts communs, que ces intérêts d'autre
part leur sont propres, les distinguant du reste des hommes. Et c'est
constater qu'en ce qui concerne leurs relations juridiques avec les tiers, il
est commode de considérer tous les membres de ce groupe comme formant
un groupe indivisible ». Parler de personnalité morale, c'est donc consi-
dérer qu'un groupe possède en tant que tel, indépendamment des membres
qui le composent, un certain nombre de droits et d'obligations. Consacrer
la personnalité morale, c'est admettre que, à côté des personnes physiques,
des groupes puissent être sujets de droits.
La notion de personnalité morale a soulevé dans l'histoire d'abon-
dantes controverses, certains estimant qu'il s'agit d'une fiction, utile (école
de Savigny) ou inutile (Duguit, ou encore Jèze, dont la boutade : « Je n'ai
jamais déjeuné avec une personne morale » est demeurée célèbre), certains
enfin considérant, à l'époque moderne, que la personnalité morale est une
technique juridique permettant de distinguer les intérêts du groupe des
intérêts de chaque membre du groupe pris isolément. Le professeur
F. P. Bénoît a fait valoir une explication intéressante du point de vue de
la décentralisation, selon laquelle la personnalité morale serait construite
sur un « substratum sociologique » (Le droit administratif français, Dalloz,
1968, p. 17 et s.). Ce substratum peut être un groupement d'hommes, cette
explication s'appliquant particulièrement au cas de la commune.
Quoi qu'il en soit, le développement de la décentralisation est étroi-
tement lié à la reconnaissance de la personnalité morale au groupement
local. Si l'on excepte la période de l'ancien droit, c'est seulement à partir
du moment où leur fut conférée la personnalité juridique que les communes
et les départements purent véritablement intervenir, créer des services,
développer une politique locale. Et sans personnalité juridique, il ne peut y
avoir de décentralisation, de naissance d'une collectivité territoriale :
l'arrondissement, le canton, ont fait l'objet de nombreuses propositions au
cours de l'histoire ; des services peuvent y être organisés, ils n'en
demeurent pas moins de simples circonscriptions administratives (le
problème des circonscriptions électorales étant laissé de côté), c'est-à-dire
un découpage du territoire en fonction des besoins administratifs ou poli-
tiques de l'Etat.
La Constitution du 4 octobre 1958 reconnaît implicitement la person-
nalité morale des collectivités territoriales lorsqu'elle attribue, dans son
article 34, à la loi la détermination des compétences et des ressources
desdites collectivités.

b) Les conséquences de la personnalité morale. — L'une des premières


conséquences de la reconnaissance de la personnalité morale est l'impu-
tation à la personne morale des actes de ses organes ou de ses agents. On
peut parler d'une « volonté » de la personne morale distincte de la volonté
des membres de celle-ci. Ainsi à l'échelon de la collectivité territoriale,
les organes aptes à prendre des décisions prennent celles-ci au nom de la
collectivité territoriale, et les conséquences dommageables éventuelles sont
imputées à celle-ci : les délibérations du conseil municipal ou du conseil
général sont des délibérations de la collectivité communale ou de la collec-
tivité départementale. Lorsque le maire signe un contrat, c'est la commune
qui est engagée à l'égard du cocontractant.
Une autre conséquence de la personnalité morale, étroitement liée à la
précédente, est la possibilité pour la personne morale d'agir en justice pour
défendre ses intérêts.
On attribue également parfois à la reconnaissance de la personnalité
juridique l'autonomie financière de la personne morale. Toutefois, il
convient de nuancer ce point de vue. Il se vérifie pour les collectivités terri-
toriales. Le fait d'être sujet de droits et d'obligations entraîne notamment
la possibilité pour la personne morale d'avoir un budget propre, budget
qui exprime concrètement les choix effectués par la collectivité. A notre
époque, l'autonomie financière sera même considérée comme la mesure de
la décentralisation. Mais cette conséquence ne se vérifie pas toujours pour
les établissements publics : certains d'entre eux ne disposent d'aucune auto-
nomie financière.
Les collectivités territoriales sont des personnes morales publiques. Ce
qui les distingue des personnes morales de droit privé, c'est qu'elles sont
finalisées : elles ne peuvent agir qu'en vue de l'intérêt public de la collec-
tivité. Est illégale toute décision qui serait justifiée par d'autres fins que
l'intérêt général. Ce dernier est souvent restrictivement entendu par le juge,
gardien sévère de la légalité à rencontre des collectivités territoriales. Ainsi
la poursuite d'un but financier a longtemps été considérée comme irrégu-
lière par principe. Au titre de personnes publiques, les collectivités territo-
riales disposent de prérogatives de puissance publique, mais il ne s'agit pas
d'une exclusivité puisque des personnes privées peuvent également, sous
certaines conditions, en disposer, alors que, concernant la finalité de l'insti-
tution, seules les personnes publiques sont tenues de rechercher l'intérêt
général.
L'examen de la finalité de l'action des personnes publiques soulève un
autre problème, tout aussi traditionnel : les personnes publiques territoriales
sont-elles soumises au principe de spécialité ? Des discussions inutiles ont
souvent eu lieu dans le passé. La réponse est assez simple, car tout dépend
du sens que l'on attribue au mot « spécialité ». Si l'on veut dire par là que
les collectivités territoriales ne peuvent intervenir dans tous les domaines,
il est évident qu'elles sont soumises au principe de spécialité, comme l'est
également l'Etat : l'intérêt public, si largement compris soit-il, ne peut
aller jusqu'à prendre en compte certaines activités qui relèvent de la seule
initiative privée : le domaine spirituel, par exemple, échappe aux collec-
tivités publiques, la volonté de s'immiscer dans ce domaine est un signe
de totalitarisme. L'accord se fait facilement en France sur ce point. Mais
affirmer que les collectivités territoriales sont soumises au principe de
spécialité ainsi entendu ne peut équivaloir à dénier une compétence
générale d'intervention à ces collectivités. Car la vocation générale à inter-
venir ne signifie pas une possibilité d'intervenir dans tous les domaines.

c) Une personne morale représentative. — Le Conseil constitutionnel


a fait de la notion de représentation une condition de la collectivité terri-
toriale. Ainsi, s'agissant des DOM, il annule certaines dispositions de la loi
parce que l'assemblée gérant le département « n'assure pas la représen-
tation des composantes territoriales du département» (2 déc. 1982, Rec.,
70 ; v. aussi décision du 25 juill. 1984). S'agissant des TOM, le congrès doit,
« pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect
de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement
démographiques », cette représentation ne devant pas nécessairement être
proportionnelle à la population, des « impératifs d'intérêt général » pouvant
intervenir « dans une mesure limitée » (DC 85-197 du 23 août 1985, GDCC,
p. 676).
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