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856 Journal tribunaux 2020
des
Chronique judiciaire
L’état de santé de notre société : le regard d’un juge
Lorsque la méchante reine com-
prit que Blanche-Neige était tou-
jours vivante, et en sécurité, de
rage, elle s’empara de son miroir
magique et le jeta par terre où il
se brisa.
Le ministre de la Justice du
Royaume de Belgique, qui pas-
sait justement par là, récupéra les
morceaux et ramena le miroir re-
collé dans le secret de son cabi-
net, où il l’interrogea.
Miroir magique, dis le moi, y a-t-
il dans ce Royaume un ministre
de la Justice plus zélé que moi ?
D’une voix fêlée, le miroir
répondit : M. le ministre, vous
êtes sans conteste le meilleur
garde des sceaux de ce pays.
Encouragé par cet éloge, le mi-
nistre posa une seconde
question : miroir magique, que
faut-il penser de la Justice belge ?
Et le miroir répondit : que faut-il
penser de la société où elle
fonctionne ?
Et en effet, la Justice a une fonc-
tion réfléchissante : qui la re-
garde voit la collectivité qu’elle
reflète. Notre société, si outra-
geusement fardée, trouve-t-elle
que la Justice défaille ? Qu’elle
s’en prenne à elle-même car c’est
sa propre image qu’à son corps
défendant parfois, la Justice lui
renvoie.
Jetons dès lors un regard sans
complaisance sur ce monde qui
nous entoure.
Il me semble que si je devais
choisir un mot, un seul, pour ca-
ractériser le temps que nous vi-
vons, je choisirais le mot
« mondialisation », même si la
crise sanitaire est en train de frei-
ner ce phénomène.
J’ai toujours pensé que s’il y avait
des frontières, c’était pour nous
faire aimer le pays qu’elles en-
serrent et pour nous faire rêver
des contrées dont elles nous sé-
parent. Supprimer les frontières,
n’était-ce pas abolir le plaisir de
les franchir ? J’étais dans l’erreur.
Aujourd’hui, toute limite est sus-
pecte, ce qui est un peu compli-
qué pour le juriste puisque le
droit n’est rien d’autre que l’art
d’harmoniser des limites.
La mondialisation néo-libérale,
promue depuis le début des an-
nées 1980, a entraîné une ouver-
ture sans précédent des marchés,
à travers la libéralisation du com-
merce et des mouvements de ca-
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pitaux. Ce projet politique pour-
suivait un seul objectif : viser l’ef-
ficacité économique, en
éliminant toute entrave à la
concurrence à l’échelle mon-
diale. Dans ce nouvel environne-
ment, les entreprises qui par-
viennent à maximiser leurs pro-
fits tout en réduisant leurs coûts,
surtout celui du travail, peuvent
se développer et conquérir de
nouveaux marchés : les autres
sont éliminés par la concurrence.
Et le monde, comme les popula-
tions, deviennent des ressources
à exploiter, conduisant à excéder
les capacités biologiques de la
planète et à intensifier partout le
travail.
Le résultat crève les yeux : nous
voilà transformés, depuis un de-
mi-siècle, en replets saucissons
de consommation, farcis en su-
permarchés, zonings commer-
ciaux dont on ne voit pas le bout,
vols low costs, plages bétonnées,
smartphones débilitants, pro-
grammes scolaires qui n’ap-
prennent rien, emplois flexibles
c’est-à-dire précaires. Le tout en-
veloppé dans la rhétorique la
plus libérale, la plus gracieuse, la
plus élevée. Vivent Google,
Apple, Amazon, Microsoft, Airb-
nb, LinkedIn, Netflix, Twitter,
Tesla, Uber et Yahoo. Et remar-
quons au passage que ces géants
du Web, qui comptent plusieurs
milliards d’utilisateurs, sont tous
américains.
Une multitude d’effets pervers
accompagne cette marchandisa-
tion de la totalité du réel : l’inté-
rêt du consommateur passe avant
la dignité de l’homme dans le tra-
vail, les crises financières se suc-
cèdent, les inégalités sociales
augmentent, les ressources natu-
relles s’épuisent, la biodiversité
se réduit, le climat s’emballe et
l’hypertrophie de la connectivité
se paye par la négligence de ceux
qui sont là, présents, tout près de
nous et que, les yeux rivés sur
nos écrans, nous ne voyons
même plus.
Pour devenir premier président
de la Cour de cassation, j’ai dû
passer une sorte d’épreuve, par-
don, un assessment, devant le
Conseil supérieur de la Justice. Il
m’a fallu rédiger un plan de ges-
tion et le défendre. Je me rappelle
qu’un des membres du Conseil
m’a demandé pourquoi il y avait
si peu de chiffres dans mon plan.
Question typique de notre temps.
Chiffrer, ordonner, calculer, me-
surer, quantifier, numéroter, nu-
mériser, le nombre est partout :
dans les sciences de la nature et
aussi dans les probabilités, les
statistiques, la démographie, la
comptabilité, la stratégie, l’éco-
nomie, et maintenant la Justice...
Tout se passe comme si, désor-
mais, la recherche de la vérité
s’identifiait avec le calcul d’un
nombre : taux, indices, effectifs,
pourcentages, seuils, courbes,
délais, durées, écarts et
moyennes, cotes et cours, notes
et coefficients, calibres, fré-
quences, teneurs et dividendes.
On fait porter au nombre la res-
ponsabilité de dire tout le réel. La
twitterisation du monde favorise
cette évolution : on préfère les
formats courts et un chiffre vaut
mieux qu’un long discours.
Pourtant, soit dit en passant, rien
de plus relatif qu’un chiffre. Pre-
nons comme exemple la maladie
Covid-19. Quel est le taux de
mortalité de cette infection ? Les
réponses oscillent de 0,7 à 4
pourcents. Comment la statis-
tique peut-elle arriver à des résul-
tats aussi différents ?
Il n’y a pas que la fascination
pour les chiffres, aussi incertains
soient-ils. Nous sommes égale-
ment, et de plus en plus, sous la
coupe de l’imaginaire cyberné-
tique. On traite l’être humain
comme une machine intelli-
gente. Le lexique de la program-
mation est de mise partout. Nous
nous astreignons continuelle-
ment à des programmes qui nous
poussent à nous ajuster à des ob-
jectifs. Nos comportements sont
balisés par des signaux, doués de
feed-back, se réglant sur des indi-
cateurs de performance. Nous
nous soumettons à des notifica-
tions et des évaluations qui pro-
lifèrent dans une sorte de quanti-
fication généralisée de ce que
chacun produit. Notre monde
devient un monde sans esprit.
L’Europe souffre d’un déficit
d’âme et il n’est pas sûr que le
Traité de Maestricht puisse en in-
suffler un supplément à la pe-
sante bureaucratie qu’il en-
gendre.
En revanche, ce qui se passe fait
penser à ce que Karl Marx appe-
lait la prolétarisation des travail-
leurs. La figure du prolétaire est
celle du travailleur dépossédé de
son savoir-faire, au profit d’une
entreprise mécanisée qui le dé-
passe. C’est ce qui va arriver avec
une justice robotisée. Censé
éveiller et renforcer les aptitudes
du travailleur, le métier est gri-
gnoté de l’intérieur par le sys-
tème de production. Partout, y
compris à la justice, le travail se
vide du savoir et du savoir-faire, à
la faveur de tâches qui consistent
à définir des projets et à leur ap-
pliquer des procédures, sous la
conduite d’une évaluation. La
responsabilisation est le nouveau
nom de cette servitude volon-
taire.
Et demain, nous découvrirons
que les algorithmes travaillent
souvent mieux et plus vite que
les humains : nous leur ferons
confiance pour la détermination
d’un prêt hypothécaire, pour le
recrutement d’un employé, pour
un diagnostic médical, pour les
milliards de transactions bour-
sières se déroulant en quelques
nanosecondes, pour la conduite
de notre voiture, ou encore pour
rendre un jugement.
Nous aurons des écrans intelli-
gents que nous regarderons
moins qu’ils ne nous
regarderont : la combinaison de
détecteurs et d’algorithmes iden-
tifiera ce qui nous fait sourire, ce
qui nous rend tristes, ce qui nous
fascine. Après-demain, l’implan-
tation de senseurs biométriques,
pour raison de santé, permettra
de détecter nos sentiments et, par
là-même, d’influencer nos choix
les plus intimes. Cet abandon
progressif de notre liberté à
prendre des décisions au profit
des algorithmes devrait nous
amener à nous interroger sur les
forces économiques et idéolo-
giques qui sous-tendent ces algo-
rithmes. Est-il normal que les
lieux où les technologies nou-
velles s’élaborent soient plongés
entièrement dans le réseau des
intérêts capitalistes marchands ?
Enfin, je me demande si nous
n’assistons pas à l’extinction de
la culture européenne, à la perte
de toute référence à la transcen-
dance pour s’en tenir à la stricte
immanence de la production ma-
térielle. Nous le savons, l’Europe
est l’héritière d’Athènes, de
Rome, et de Jérusalem. Avons-
nous encore la fierté de ce que
nous sommes et de ce que nous
avons donné au monde ? Un des
traits dominants de la mentalité
contemporaine, c’est la haine de
l’héritage. La priorité va à la dé-
culturation, au métissage, à l’hy-
bridation, à l’interchangeabilité,
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au refus de toute aspérité, à la ré-
duction de toute singularité, à
l’ignorance du passé, au sanglot
de l’homme blanc et au débou-
lonnage des statues. Les identités
sont meurtrières, proclame le
titre d’un livre de l’écrivain liba-
nais Amin Maalouf.
Certes, il faut se défier d’un biais
cognitif qui consiste à croire tou-
jours que c’était mieux avant.
D’accord. À bien des égards, ce
n’était pas mieux avant. C’est en-
tendu, nous sommes plus perfor-
mants que nos ancêtres et, à n’en
pas douter, nous avons de meil-
leurs dentistes.
Mais gardons-nous d’un autre
biais cognitif tout aussi nuisible,
qui consiste à faire table rase du
passé au motif qu’avant, c’était
moins bien. Moins bien avant ?
Pas forcément. L’ancienneté
n’implique pas l’obsolescence.
D’ailleurs, cela fait partie de la
démarche classique du juge : le
cas qu’on me demande de tran-
cher a-t-il déjà été jugé avant ? Et
si oui, comment ? Il y a cette pru-
dence du juge, qui a donné le
mot jurisprudence, et qui
consiste à regarder en arrière
avant de se projeter en avant. Ne
jetons pas cette sagesse séculaire
comme un bébé qu’on évacue-
rait avec l’eau du bain. Comme
nous sommes arrogants parfois !
Nous croyons que le monde a
commencé avec nous. Et nous re-
fusons de nous reconnaître les
débiteurs de ce qui nous a précé-
dés.
Et la Justice dans tout ça ? La Jus-
tice souffre du même enfer dans
le feu de sa forge, de la même
fange dans l’eau de son moulin,
du même affolement dans l’ai-
guille de sa boussole.
Pour le comprendre, il faut se po-
ser deux questions : d’où venons-
nous ? Et que diable s’est-il
passé ?
D’où venons-nous ?
La Belgique n’est pas la France.
Notre indépendance est fondée
sur une révolution qui, à la diffé-
rence de la révolution française,
ne s’est pas faite contre les juges
mais seulement contre les empiè-
tements du pouvoir exécutif sur
nos libertés. Les juges n’ont pas
été vus par le Congrès national
comme une menace pour le
bien-être collectif mais, au
contraire, comme une garantie,
un contre-pouvoir, une protec-
tion des droits subjectifs, un mar-
queur de la démocratie.
Il faut bien comprendre ceci : la
Justice n’est pas seulement appe-
lée à dire le droit mais aussi, et de
plus en plus d’ailleurs, à dire ce
que le droit doit être dans une so-
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ciété dont beaucoup de points de
repère vacillent. On nous a
même demandé, un jour, de ré-
pondre à la question de savoir si,
par hasard, une vie humaine
handicapée n’avait pas moins de
valeur que pas de vie humaine
du tout. Le juge ne sert pas uni-
quement à calculer des pensions
alimentaires ou des indemnités
de préavis. Il est aussi le récep-
tacle d’interpellations boulever-
santes dont on attend qu’il y ré-
ponde par des pondérations sub-
tiles et des conciliations raffinées
entre les valeurs et intérêts en
présence.
De ce point de vue, il n’est dès
lors pas exagéré de dire que si
une société mérite d’être quali-
fiée de démocratique, c’est parce
qu’elle réserve une place cen-
trale à la Justice. Le juge est un
marqueur de la démocratie parce
qu’il est un vecteur de civilisa-
tion. C’est faire œuvre de civili-
sation que de construire une so-
ciété en disant ce que le droit qui
la régit doit être. Mais il y a aussi
un autre aspect : l’acte de juger,
c’est également l’acte qui met fin
à la violence. L’histoire de la Jus-
tice pénale n’est que l’histoire
d’une confiscation, par la collec-
tivité, de la vengeance privée et
de ses excès.
C’est donc par l’instrument de la
Justice que nous sortons de l’état
barbare, et c’est en délaissant cet
instrument qu’on y retourne.
Tout cela, les pères fondateurs de
notre Royaume l’avaient com-
pris. C’est parce qu’ils étaient
conscients de ces enjeux qu’ils
ont décidé que les juges forme-
raient, aux entrelacs des espaces
privé, public et politique qui
constituent le corps social, un
pouvoir constitué, c’est-à-dire un
pouvoir dont l’existence et les at-
tributions sont déterminées par
notre Charte fondamentale. La
Constitution a voulu que la Bel-
gique soit un pays de liberté.
Pour y arriver, elle a décrété qu’il
y aurait un pouvoir législatif, un
pouvoir exécutif et un pouvoir ju-
diciaire, et après avoir bien dis-
tingué, bien séparé ces trois pou-
voirs l’un de l’autre, elle les a pla-
cés sur un strict pied d’égalité,
chacun étant le maître dans sa
sphère de compétence.
On entend parfois dire que le ju-
diciaire serait le troisième pou-
voir, comme s’il y avait une hié-
rarchie, avec en premier le Parle-
ment, en second le
Gouvernement et à la dernière
marche du podium la Justice.
Cette façon de voir ne trouve pas
d’appui dans la Constitution. Les
trois pouvoirs sont égaux parce
que les juges, quoique non élus,
représentent la nation avec la
même force, la même efficacité,
la même légitimité que les dépu-
tés ou les ministres. J’affirme que
le juge représente la Nation
parce que lui seul reçoit, de la
Constitution, le pouvoir de dire
ce que la Nation veut pour le cas
d’espèce dont il est saisi.
La question qu’il faut résoudre
est alors celle-ci. Si la Justice est
un pouvoir, quelle est sa
légitimité ? Comment peut-on at-
tribuer aux juges un tel poids
dans la construction normative
de l’édifice social, alors qu’ils ne
sont pas issus du suffrage
universel ?
Voici la réponse : la légitimité
démocratique du pouvoir judi-
ciaire est liée à son indépen-
dance.
Point n’est besoin de rappeler les
textes majestueux qui inscrivent
cette indépendance au fronton
du temple : elle nous est promise
par le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, la
Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés
fondamentales, la Charte des
droits fondamentaux de l’Union
européenne, la Constitution du
Royaume de Belgique. Excusez
du peu.
L’indépendance, c’est la garantie
pour tout un chacun de voir son
affaire jugée uniquement d’après
les faits de la cause et sur la base
du droit qui leur est applicable,
sans que le jugement puisse être
pollué de manière visible ou in-
visible par des éléments exté-
rieurs sur lesquels le justiciable
n’aurait pas de prise.
L’indépendance, c’est l’idée que,
pour faire du jugement ce qu’il
doit être, c’est-à-dire une solu-
tion de justice, il est nécessaire
que le juge puisse agir à l’abri de
toute pression, de toute crainte,
de tout chantage, de toute in-
fluence plus ou moins occulte,
qui lui ferait perdre son objectivi-
té, son impartialité.
Mais alors, quel est le problème ?
Le problème, c’est qu’à force de
dire ce que le droit doit être, de
résoudre des litiges, d’intimider
les méchants et de protéger les
plus faibles, de constituer un
contre-pouvoir, de barrer la route
aux conflits d’intérêts, à la cor-
ruption et aux mensonges, les
juges finissent par acquérir dans
l’État un positionnement particu-
lier qui donne l’impression qu’en
réalité, c’est le pouvoir judiciaire
qui est le plus puissant des trois
pouvoirs. Par rapport à lui, les
deux autres peuvent passer par-
fois pour des monstres de papier.
C’est pourquoi il peut être ten-
Journal tribunaux 2020 857
des
tant, pour eux, de chercher à le
désarmer. Et voici ma deuxième
question.
Que s’est-il passé ?
Il s’est passé qu’une quadruple
révolution a eu lieu et se déve-
loppe encore aujourd’hui, quatre
révolutions qui ont bouleversé
l’idée que nous nous faisions de
la Justice étatique, au point que
tout ce qui précède est peut-être
frappé d’obsolescence.
Quatre révolutions : la première
est celle du soupçon ; la seconde
est celle du nouveau manage-
ment public ; la troisième est
celle de la mondialisation ; la
quatrième est celle de l’intelli-
gence artificielle. Ces quatre ré-
volutions se donnent la main.
Décrivons-les rapidement.
La révolution du soupçon : en été
1996, l’affaire Dutroux a sonné
le glas de la confiance séculaire
que les Belges éprouvaient pour
leur appareil judiciaire. On s’est
retrouvé à deux doigts d’une
crise de régime. Pour le sauver,
on a sacrifié la Justice en la met-
tant en accusation. On a fait
comparaître des magistrats de-
vant des commissions parlemen-
taires qui se comportaient
comme des soviets. On a aboli le
droit des cours d’élire leur pré-
sident en leur sein. On a émascu-
lé les parquets des procureurs du
Roi en les privant de leur police
judiciaire propre. On a amoindri
le pouvoir des juges d’instruc-
tion, en attendant de les suppri-
mer. On a réduit les effectifs des
policiers, notamment ceux spé-
cialisés dans la lutte contre la
corruption. On a limité l’indé-
pendance du pouvoir judiciaire
en écrivant, dans la Constitution,
que cette indépendance n’exis-
tait pas en dehors du strict péri-
mètre de l’acte de juger, ce qui
permet la mise sous tutelle de la
Justice quant aux besoins maté-
riels nécessaires à son fonction-
nement.
On a réalisé d’autres choses mais
on a fait cela aussi.
Le paradoxe de l’affaire Dutroux
est immense. L’échec de la per-
quisition du maréchal des logis
René Michaux, qui passe à côté
de la cave où deux enfants ago-
nisent, et l’erreur du ministre de
la Justice de l’époque, qui a été
de libérer conditionnellement un
criminel récidiviste lourdement
condamné par les juges, cet
échec et cette erreur ont été mis
à profit pour adopter des ré-
formes qui, afin de réparer les er-
reurs de l’administration, ont at-
teint la Justice, parfaitement in-
nocente des dérives auxquelles
on a prétendu remédier. Le soup-
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des
Chronique judiciaire
çon a été entretenu par les média
et par le monde politique qui y
avait intérêt. N’oublions pas que
la fin des années nonante, c’est
également l’époque où plusieurs
mandataires politiques ont été
poursuivis devant la Cour de cas-
sation et condamnés par elle,
dans le cadre des affaires Inusop
et Agusta Dassault, du chef de
corruption, faux, usage de faux et
détournements. C’en était trop. Il
fallait « renforcer la confiance du
public dans la Justice », autre-
ment dit lui faire comprendre
qu’il existait des raisons de s’en
méfier.
À l’époque, la magistrature a eu
le sentiment très net de servir de
fusible. Mais le régime fut sauvé.
La seconde révolution est celle
du nouveau management public.
Elle bat son plein.
Partant de l’idée erronée que l’af-
faire Dutroux avait révélé un dys-
fonctionnement de l’appareil ju-
diciaire, on s’est mis à concevoir
la Justice comme une entreprise
dont le rendement peut être aug-
menté grâce à la mise en œuvre
d’outils d’évaluation, de surveil-
lance et de contrôle. Puisque la
totalité du réel devait être mar-
chandisée, il y avait peu de
chance que la Justice échappe à
cette évolution.
Ce qui compte n’est plus tant de
rendre de bons arrêts, que d’en
rendre beaucoup et sans retard,
étant entendu que cet objectif
doit être réalisé avec toujours
moins de personnel. Pour y arri-
ver, la recette est assez simple :
on va diminuer l’input, c’est-à-
dire le nombre de nouvelles af-
faires entrantes, en rendant l’ac-
cès à la justice plus difficile, plus
rare, plus coûteux.
Le gouvernement exerce sur la
Justice une pression énorme afin
de la persuader de se gérer elle-
même à l’aide d’indicateurs de
performance, de mesures de la
charge de travail, d’accords de
niveaux de service, de tableaux
de bord, de statistiques, de rap-
ports annuels, et d’évaluations
répétitives du personnel tant ma-
gistrat que non magistrat.
Le pouvoir judiciaire défend une
justice basée sur l’humain. L’Exé-
cutif pense à une justice basée
sur le chiffre. Il enjoint à la Jus-
tice, sous couvert de modernité,
de devenir numérique. Le mi-
nistre et les experts qui l’en-
tourent font la chasse aux temps
perdus, ou qu’ils croient perdus,
de la procédure, car pour eux, le
temps, c’est de l’argent, mais ils
ne s’aperçoivent pas que ces
temps morts auxquels ils donnent
la chasse sont des temps vivants.
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Ils n’aiment pas ces actes man-
qués, ces retards qui sont de pe-
tites dissidences, ces rébellions
où l’on ressaisit son esprit cri-
tique, où on laisse les idées nous
pénétrer, où on lève le nez du
guidon de la bicyclette.
Un jargon managérial surgit, qui
montre la profondeur de ce
changement de paradigme : on
ne parle plus de justiciables mais
de clients, on ne parle plus de
dossiers mais de produits, on ne
parle plus de jugements mais
d’output. Et en avant pour les
team building, le coworking, le
fund-raising, le brainstorming, le
debriefing, le coaching, le
consulting, le marketing, le zap-
ping,, le streaming, les castings,
les deals, les gaps, les bugs, les
jobs, le burn-out et plus récem-
ment le team-out, le buzz, la box,
le cloud, les mails, les tweets, les
scoops, les managers, les team
leader safety & security, les fol-
lowers, les hackers, les losers et
les winners, les youtubers, les
staff, les breaks, le front office et
le back office, le choix du bot-
tom-up de préférence au top-
down.
Avec ce nouvel idiome, nous voi-
ci normalisés. Il ne faut surtout
pas croire que cela se limite à un
simple envahissement du fran-
çais par de l’anglais d’aéroport.
Le mal est plus profond. C’est
toute la réalité, en fait, qui se
trouve arraisonnée dans sa
course comme un bateau en
pleine mer, et contrainte de four-
nir des justifications, de rendre
des comptes, de se plier à des
tâches de rationalisation gestion-
naire.
Je dis que ce nouveau manage-
ment pose question car, s’il al-
lègue les mérites de l’efficacité,
ce qui reste à vérifier, il se préoc-
cupe moins, sinon pas du tout,
d’autres valeurs fondamentales
de nos ordres juridiques, comme
la liberté, l’égalité, l’équité, la sé-
curité, la solidarité.
La gestion de notre pays souffre
par ailleurs d’un management
qui n’a rien de moderne et qui
consiste à créer sans cesse de
nouvelles institutions sans sup-
primer les anciennes, de sorte
qu’on arrive à une espèce de pâte
feuilletée institutionnelle dont
l’efficience est inversement pro-
portionnelle à la complexité.
En voici un exemple. Le départe-
ment ministériel de la Justice
existe toujours alors qu’il n’est
plus que l’ombre de ce qu’il fut.
La nomination et la gestion des
carrières des magistrats a été
confiée au Conseil supérieur de
la justice.
L’exécution des peines a été
transférée aux tribunaux d’appli-
cation des peines.
La discipline des magistrats et de
leurs collaborateurs est une com-
pétence des tribunaux discipli-
naires.
La formation des magistrats et la
gestion de la documentation juri-
dique est sous-traitée par l’Insti-
tut de formation judiciaire.
L’entraide judiciaire internatio-
nale, les commissions rogatoires
et les extraditions se réalisent di-
rectement d’autorité judiciaire à
autorité judiciaire.
La gestion des cours et tribunaux,
des parquets et des auditorats,
avec tout ce que cela implique
en termes de processus d’achats,
de services et de recrutement, est
en voie de transfèrement complet
vers de nouvelles entités qu’on
appelle les collèges de gestion
des cours et tribunaux et du mi-
nistère public.
La politique criminelle revient au
Collège des procureurs géné-
raux.
Le payement du personnel et les
tâches inhérentes au secrétariat
social ont été externalisés vers
une entité dénommée Perso-
point, laquelle relève du SPF BO-
SA (ce vocable barbare, que per-
sonne ne comprend, désigne ce
qu’on appelait autrefois le minis-
tère de la Fonction publique). Il
en va de même pour le payement
des frais de fonctionnement des
juridictions via l’application de
gestion financière « Fedcom » pi-
lotée par le même SPF.
En ce qui concerne l’entretien
calamiteux des palais de justice,
l’administration se défausse de
ses responsabilités en les repor-
tant sur ce qu’elle appelle « les
magistrats gestionnaires de
bâtiment ».
Bref, les ministres de la Justice
semblent appelés à n’avoir plus
grand-chose à faire en tant que
chefs de département. Peut-être
est-ce la raison pour laquelle ils
se sont mués en législateurs. Ce-
lui dont le mandat s’est écoulé de
2014 à 2020 nous a inondés,
avec une énergie stupéfiante, de
codes et de lois justement bapti-
sées par lui « pot-pourri ». Il a
peu administré.
On peut donc se poser la
question : la Justice a-t-elle en-
core besoin d’un ministre ? Si
c’est pour faire des lois, je répon-
drais par la négative car notre pe-
tit pays possède déjà neuf assem-
blées parlementaires pour légifé-
rer.
L’expression même de « ministre
de la Justice » est très ambiva-
lente car elle peut faire croire
que le ministre est le chef de la
Justice, ce qui n’est évidemment
pas le cas, l’un et l’autre apparte-
nant à deux pouvoirs distincts et
situés en des lieux différents :
l’Exécutif est un pouvoir de l’État
alors que le judiciaire est un pou-
voir de la Société.
Donc la deuxième révolution im-
pactant la Justice est celle de l’ir-
ruption tapageuse de techniques
managériales issues du monde
entrepreneurial anglo-saxon,
avec leur jargon, leur esbroufe,
leur arrogance et leur inadapta-
tion foncière au service public
qu’elles prétendent régenter.
La troisième révolution est celle
de la mondialisation. Ce phéno-
mène a aussi un impact sur le
fonctionnement de la Justice.
La mondialisation met à mal la
cohérence de notre système juri-
dique et judiciaire. La Cour de
cassation, qui est la clef de voûte
du pouvoir judiciaire en Bel-
gique, est concurrencée désor-
mais par les juridictions suprana-
tionales et par l’apparition d’un
droit diffus, coupé du territoire et
détaché des États nationaux dont
la souveraineté, plus que jamais
déléguée, ne constitue qu’une
source parmi d’autres de la pro-
duction normative. La justice
belge n’est plus, à l’échelle de la
planète, qu’un élément de diver-
sité. Elle incarne des techniques
et des valeurs propres à notre
culture, dont la coexistence avec
un droit mondialisé ne se fait pas
sans heurt. Un seul exemple : il a
suffi d’un arrêt de la Cour euro-
péenne des droits de l’homme
pour porter, à notre cour d’as-
sises, un coup mortel. Ce n’est
pas le législateur belge qui a vidé
de sa substance la souveraineté
du jury populaire, c’est la Cour
de Strasbourg.
La quatrième révolution est celle
de l’informatisation de la Justice,
antichambre de sa robotisation
au moyen notamment de l’intelli-
gence artificielle.
Il est question de faire accomplir
par la machine les tâches réali-
sées dans le cadre du traitement
des litiges. Certes, on nous assure
qu’il ne s’agira que des tâches
routinières, en manière telle que
le temps libéré grâce à la ma-
chine pourra être réorienté vers
des contentieux plus dignes de
l’intelligence humaine naturelle.
Rien de mieux qu’un programme
informatique pour automatiser,
par exemple, une opération aussi
rébarbative que le calcul de la
capitalisation nécessaire pour in-
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demniser un dommage futur lié à
une invalidité permanente.
Il faut bien dire que, dans le
contexte de l’austérité budgétaire
qui constitue l’horizon indépas-
sable de la pensée néo-libérale,
l’irruption du numérique au
cœur même de l’activité des
cours et tribunaux est un phéno-
mène des plus opportuns. Pour le
gouvernement, la robotisation est
un allié objectif dans sa politique
de désinvestissement. Quoi de
plus séduisant, pour rendre la
justice, qu’un robot qui ne de-
mandera ni augmentation baré-
mique, ni congé de grossesse,
qui ne fera jamais la grève, ne se
syndiquera pas, et ne donnera
pas d’interview à la télévision.
L’utopie technologique rejoint à
merveille l’utopie managériale et
la dogmatique budgétaire. Sans
doute l’ésotérisme numérique
va-t-il créer des néo-analpha-
bètes qui n’oseront pas contre-
dire un algorithme. Mais en
échange, quel progrès en termes
de ratios de performance et d’ob-
jectivation de la décision
judiciaire !
Au mois de juin 2018, j’ai emme-
né à Pékin une délégation de ma-
gistrats belges, à l’invitation de
mon homologue chinois, M.
Zhou Qiang, le président de la
Cour suprême populaire de la
République populaire de Chine.
Ce pays est, sur le plan de l’infor-
matique, en avance de dix ans
sur la Belgique. Le citoyen
chinois peut introduire partout
des procédure en ligne et voir à
tout moment où en est son dos-
sier, grâce aux guichets numé-
riques. L’automatisation de la Jus-
tice chinoise s’est traduite par
une réduction du nombre de
juges de 200.000 à 120.000. Les
chinois appellent ce système
d’informatisation totale « l’œil
de la loi ». Le pouvoir central
contrôle tout en permanence et à
moindre coût. C’est exactement
l’objectif du nouveau manage-
ment public.
L’automatisation annoncée est
une évolution irrésistible pour
plusieurs raisons au premier rang
desquelles le mariage de la tech-
nologie et du profit : l’internet
des objets, la robotique, la cyber-
sécurité, le big data et l’intelli-
gence artificielle, cela repré-
sente, d’ici à 2025, un chiffre
d’affaires de plus de deux mille
milliards d’euros. C’est irrésis-
tible.
Il faut bien réaliser que, dans ce
monde qui approche à grand
pas, la libre appréciation des
(1) Cet article est une version rema-
niée d’un exposé fait le 27 octobre
wim.david@just.fgov.be
Divers — L'état de santé de notre société : le regard d'un juge
Éditions Larcier - © Larcier - 03/12/2020
juges du fond a cessé d’être l’ul-
time réduit où survit l’idée d’une
justice indépendante. Cette libre
appréciation des juges n’est plus
qu’un aléa financier. Tout simple-
ment. En visant à réduire cet
aléa, l’utilisation de la prédictive
judiciaire restreint le périmètre
de l’action indépendante, nova-
trice, sociale, voire disruptive, du
juge.
Ce n’est pas un algorithme qui a
jeté les premiers fondements de
l’état de nécessité. C’est le pré-
sident du tribunal de Château-
Thierry, celui que Clémenceau
avait surnommé « le bon juge
Magnaud » et qui s’était refusé à
condamner « la fille Ménard »
poursuivie pour avoir volé de
quoi nourrir son enfant.
Un autre risque, et non des
moindres, est celui d’une déshu-
manisation de la Justice. En effet,
qu’est-ce qu’un jugement ? C’est
un acte accompli par un être hu-
main, le juge, sur un être hu-
main, le justiciable, et pour des
êtres humains, la société. Cet
acte nécessite un savoir juridique
et technique, mais aussi un savoir
éthique, lequel s’acquiert par
l’expérience et la sensibilité.
Si la Justice digitale est un
moindre mal, l’essence de la Jus-
tice repose bien sur une interac-
tion corporelle qu’aucune robo-
tisation ne parviendra à rempla-
cer. Juger, dire le droit, c’est
s’engager corporellement. Vous
voulez juger un détenu ? Soyez
capable de renifler son odeur !
La Justice d’ordinateur n’est
qu’une justice de boîte à
conserve, c’est un ersatz qui peut
dépanner mais qui, sur le long
terme, devient imbuvable.
Et nous voilà au bout du chemin.
On a démarré avec une Justice
vénérée en sa qualité de pouvoir
constitué, marqueur de la démo-
cratie. Et puis nous sommes en-
trés dans l’ère du soupçon. Et
notre Justice, nous l’avons des-
cendue de son piédestal. Nous
l’avons assujettie à une gouver-
nance par les chiffres tout en lui
refusant les moyens de son fonc-
tionnement, en attendant que la
robotisation prenne le relais, le
tout dans un contexte de mon-
dialisation qui contribue à
brouiller les cartes.
Ce qui arrive à la Justice, c’est ce
qui arrive à la société toute en-
tière, et cela peut se résumer en
un mot : nous perdons le contact
avec le réel. Le corollaire de ce
processus de déréalisation, c’est
la solitude. Solitude de la
2020 dans le cadre d’un cycle de
conférences organisé par l’associa-
conscience, déréliction du lien
social, à commencer par le plus
naturel, la famille
Un jour, le philosophe Emma-
nuel Levinas a dit : « dès que le
visage de l’Autre apparaît, il
m’oblige ». À elle seule, cette
idée permet de récuser complè-
tement la politique de transfor-
mation de la Justice en une admi-
nistration gouvernementale par-
mi d’autres.
Dès que le visage de l’Autre ap-
paraît, il m’oblige. À moi, juge, il
m’est demandé de prendre
conscience d’un appel qui me re-
quiert et qui m’adjure, venant de
l’Autre, que je ne le laisse pas
seul mais que je lui réponde : me
voici !
On en revient par là à l’essence
même de l’intervention judi-
Bernard Remiche
(1947-2020).
C’était un homme aux multiples
facettes, aux multiples vies, aux
multiples décors qui nous a quit-
tés ce 3 septembre 2020, à Avi-
gnon, dans ce pays qu’il aimait et
qui l’aimait aussi puisqu’il lui dé-
cerna sa plus haute décoration
honorifique, la Légion d’hon-
neur.
Diplômé docteur en droit en
1970 par l’Université catholique
de Louvain, l’un de nos derniers
docteurs en droit sans thèse,
comme il se plaisait à le dire, il
prête serment comme avocat au
barreau de Bruxelles en 1971
pour rejoindre rapidement à Mu-
nich le Max Planck Institut qui lui
décernera en juillet 1972 un di-
plôme en droit économique pré-
cédé d’un certificat d’études et
de recherches.
Docteur sans thèse, certes, mais
dont la bibliographie témoignera
d’un parcours scientifique im-
pressionnant, comprenant de
multiples contributions majeures
dont il fut tour à tour auteur et
coauteur.
tion Connaissance et Vie d’au-
jourd’hui.
Journal tribunaux 2020 859
des
ciaire. C’est une rencontre avec
un visage. Un face à face, sans
masque ni interface. La Justice
n’est pas une mascarade. Elle
n’est pas une danse du berga-
masque. Elle est une présence,
celle du juge. Il montre qu’il
écoute, qu’il se sent impliqué et
qu’il réfléchit afin de pouvoir for-
mer son jugement. C’est, par op-
position à l’intelligence artifi-
cielle, budgétaire ou comptable,
l’intelligence affective. C’est une
justice à visage humain.
Le politique craint une justice à
visage humain. Le capitalisme
marchand préfère s’en passer. Le
gouvernement sanitaire veut lui
mettre un bâillon. C’est pour elle
que nous devons combattre.
Jean DE CODT1
La liste de ses activités profes-
sionnelles et scientifiques est tout
aussi impressionnante : directeur
de cabinet ministériel de 1976 à
1980, administrateur de sociétés
industrielles, créateur d’un or-
gane de presse (Dimanche Ma-
tin), membre du Conseil de la
concurrence de Belgique,
membre d’un groupe d’experts
auprès de l’OMS, vice-président
de l’Institut euro africain de droit
économique (INEADEC), consul-
tant de diverses organisations in-
ternationales...
L’on doit aussi évoquer le profes-
seur à l’UCLouvain ainsi qu’à la
KULeuven et aux universités de
Buenos Aires, de Nice, de Coim-
bra et de Rennes ainsi qu’à l’In-
ternational Development Law
Institute de Rome.
Le spécialiste des droits intellec-
tuels et l’homme d’influence de
l’ombre était aussi un grand
voyageur qui ne restait jamais
longtemps au même endroit.
Mais toujours pleinement pré-
sent.
Je l’avais rencontré, adolescente,
dans un contexte familial et pri-
vé, et m’en rapprocherai ensuite