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CAHTERS GINEMA HORS-SERIE CINEASTES N°2 venclircmacm eect ye ores eee ean he ONION cond ec atom os ‘Cpr Han, BE, PA Fit Bah age co ea a he i at UCruubit cnetabaccadsmnac ume lactate 68 hr thao Pe 27) etna at To 61206 ‘Se sean aa 2 hears eer ene Teena ones neon (rer dt eh, i nae rene et mec ati a Sard i ee Pe daisies eres {he pon rom eee ect a csi te Em cece inoue Mere se eas) rite te erat ieee Sa sae Le continent Lynch par Thierry Jousse et Marcos Uzal pris Frangois Truffaut, au printemps dernier, est au tour de David Lynch de faire Pobjer un nouveau hore-série des Cabiers du cinéma. Ce n'est pas le fait du ha- sard car, de tous les cinéases contemporain, Lynch est sans doute celui dont!'aurabrille de lamaniérela plaséclatantectdomt influence, bien au-dela du cinéma, esta plus manifeste. La diffusion des 18 épisodes de Tivin Peaks: ‘The Return, en 2017, a parachevé (proviso rement,espérons-le) un parcours débuté dans la deusitmemoitié des années 1970, avec Fap- pacition inopinge d'un film dé inclassable, Eraserhead, court métrage de fin d'études de venu long mécrage cule, peaufiné avec amour pendant des annéesf'obstination et artisanat fuaciux, dans des conditions partis trés pr cares, Rntretemps des flms cruciaux comme Blue Velvet, Lost Highteay ou Mulbolland Drive, sans oublier Vensemble vin Peaks cont dessiné Fimage d'un einéaste démiurge, imystérieux et séduisant, dont leeuvre fas nnantea été soumise de mulkpleset constants <échiffvements. Dans histoire du cinéma amé- cain, on ne voit gure qu'Hitchcock ou, pls encore, Kubrick qui pourraienten ce sens hi Gre compares. univers de David Lynch s'est, au fil du temps révelé encore plus vaste qu'on aurait pr le croire pusque ot artiste completa aussi ‘ouchéa la photographic jl peinture, au des sin, 3 la musique, la tdévsion, sans oubler son activité de pionnier intemet, un espace auil a su tts rot investr de manire ludique ct inventive. Venu des arts plastiques, Lynch n'est pourtant pas un artiste convert au c- riéma. I serait pls jste de le décrire comme tun cinéaste tora qui fit enteee dans ses films ex exéationsdiverses tout un cesmos peuplé de créatures Grangesjdeflux sonoreset musica, de prociluresnarrativesexpérimentals... Une galaxie qui,au premice bord, paratrelever de 1a pure fantasmagorie mais qui, au total, habite ct claire sa maniee ts singuliéele monde dans equel nous vivons et qui,en retour,nous hhante comme un réve ou un cauchemar plas ‘alse qu’on pourrait imagines. Depuis Pisrupsion Eraserhead, wl un as- téxoide chu d'um désastre obseur, cee revue 4 suivi passionnément la trajectoire d'un ci: ngaste quia souvent pris contrepied sescom- ‘mentateurs. Ce parcours accidenté et pluto anypique,quiinelur des formes en perpétuelle metamorphose, les Cahiers Font accompagné une manre paris discontinue. Des films comme Sailor & Lula ou, davantage encore, ‘Twin Peaks: Fire Walk With Me, ont &, en feurtemps, tortoua raison,mal requset sar tout, mal compris, mais, malgré ees broulles passagires, Paeuvre a toujours été considéxée comme singulize & importante. A parti de Lost Highueay, les eactions successes des Cahiers se sont penehées sur le cinéma de Lynch avec une curiosité toujours renowvelee, jusqu'aucoup detonnerre que furlatosiéme saison de a série phare, Tide Peaks: The Re turn ceuvre-monde quisentre autres choses, a cops un puissant dépassement da traiton- nelle opposition cinéma/tl provoquant par- fois Vincompréhension de certains cinépiles, dlésorientés parles 18h dece réitensoreelant, en forme de résurrction. Bien entendu, au fil des années, les Cabiers ont renconteé aussi ségulgrement que possible, David Lynch, un cingaste dont on sat qu'il déteste expliquer ses films. Ce qui ne a pas empéché, a fil des enteetiens, de déerire sa méthovle de travail avecprécision ou évoque Fimaginaire dans Jequel i vee il ene. ‘Dece parcours croisentre Lynch et es Ca- biers,ce horsérie est argement nourti mais, cette précicuse histoire commune, nous avons ajouté le nouveau enretens (Mary Sweeney (oa Bary Gifford) de nouveaux regard ceux descingastes Bertrand Bonello et Claire Denis, mais aussi artistes ct masciens contempo- rains), sans oublier les contributions de la rédaction actuelle de la revue, ainsi qu’une cartographie des fms qui ont influence cete fllmographie, ou, encore, un portfolio de ses ceuvres de plastcen. (Ces demiéres années, nous n'ayons pas Ia joie de découvrir au’ cinéma un nouveau film de David Lynch. Ce temps desilence, done on expire grandement quill ne sera pas di nitif a pourtant continué & Gere peuplé par ses films qui, pour la plupar, ont é magn fiquement restaurés, et qui continuent 3 sus- citer un grand engouerment&chacune de lear projections, d'une génération de spectateurs A Faure. Cette absence de David Lynch sur les eran équivaut, en elit 8 tne présence persistant, obs aussi un sémoignage fervent. 3° dont ce horse est EDITO « CAHIERS OU CINEMA IKE SOMMAIRE 6 CARTOGRAPHIE | 42 LYNCH 16 Lynch avant Lynch AU TRAVAIL par Thierry Jousse 44 Capter la couleur par Freddie Francis, 18 AU FIL DES 48 Tout est affaire de mélodie ENTRETI E NS Entretien avec Angelo Badalamenti z 52 Flotter dans la matiére 20 Créer des sons pour Eraserhead Entretien avec Mary Sweeney 23. Elephant Man 54 Une complicite idéale 26 Lost Highway Entretien avec Barry Gifford 31 Une histoire vraie 36. Retrouvailles a Los Angeles 58 REG ARD Les Herbes folles. Lynch maitre des récits 40 REGARD par Thierry Jousse Médias monstres par Elodie Tamayo 62 ENTRETIEN a Une route hypnotique Entretien avec Claire Denis es LYNCH & TWIN PEAKS 68 Expérimenter un monde Twin Peaks, saisons let 2 par Jean-Marie Samocki 72 Dale Cooper, reset ‘Twin Peaks: The Return § par Thierry Jousse 75 Uhistorien d0z par Hervé Aubron 73 ENTRETIEN Laliberte dans la rigueur Entretien avec Bertrand Bonello 82 REGARD Atomber par terre. Le rire lynchien par Yal Sadat 84 8 at 8 Portfolio Une émotion musicale et spatiale Entretien avec Dominique Gonzalez-Foerster 92 Bricolage, numeérologie et méteo. Le laboratoire en ligne de David Lynch ar Philippe Fauvel Lexpeérience sensorielle Entretien avec Benoit de Villeneuve, Benjamin Morandoet Jean-Yves Leloup a 100 101 Six Men Getting Sick, The Alphabet, The Grandmother par Raphaél Nieuwjaer 103. Eraserhead par Vincent Ostria 105 Elephant Man par Serge Daney 107 Dune par Michel Chion TIO Blue Velvet par Marcos Uzal M2 Sailor & Lula par Serge Grinberg Th On the Air par Thierry Méranger 5 Twin Peaks: Fire Walk With Me par Fernando Ganzo 118 Lost Highway par Frédéric Strauss 121 Une histoire vraie par Clélia Cohen 123 Mulholland Drive par Thierry Jousse 126 Inland Empire par Stéphane Delorme Remerciements : Michael T. Barle,Circé Faure, Editions Tristram. CAMIERS DU CINEMA EIEEEESTSTFSIA Lejeune David Lynch sa mémoire est forcément peuplée de films qui ont marqué enfant ou adolescent, voire méme A'age adulte. De cette mémoire vivante, Lynch nf jamais fait explicitement, comme Quentin Tarantino ou Brian De Palma, un réservoir de citations. Pourtant, au fil du temps, il sest parfois exprimé sur ses films favoris et ona pu déceler ici et lA des traces de ces couvres influentes dans ses propres films ou séries. Cette cartographic cinéphilique en images nous donne loccasion cle montter limaginaire cinématographique qui a nourri en profondeur les films de David Lynch. Un imaginaire trés fort qui, en retour, nous fait voir certains des films du passé comme des oeuvres défa lynchiennes. Borges a écrit : «Chaque écrivain crée ses propres précurseurs, Son travail modifie notre conception du passé, comme il modifiera lavenir. » A condition de remplacer écrivain par cinéaste, on ne voit pas meilleure définition de la relation que Lynch a créé avec sa propre histoire du cinéma. D= Lynch ne sest jamais dit cinéphile, et pourtant, comme la plupart des cinéastes nés aprés-guerre, Dans la cinéphile de David Lynch, Le Magicien #Oz (1939) ent une place & ‘Ceestsans doute, pou fil denfance ultime, augue! i revient toujours. Explicitement cité dans Sulor Lala, Le Magicien d’Oz inrigue toute Peeuvee de Lynch, jusgu’a Tein Peaks: The Return. Une maniére de placer esprit denfance, mélange de féérie et de cauchema, au coeur de son ceuvre. Fl Victor, eming Twin Peaks: The Return Le Magicien d’0z CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY CARTOGRAPHIE Tod . Browning Eraserhead / Freaks vce Tad Browning, David Lynch partage 'amour des cc monstees »,en particulier dans Eraserhead et Elephave Man, ses deux premiers longs métrages. Mais comme dans Freaks (1932) le chet d euvre de Browning, dans les films de Lynch, es soi-disant « monstees » sont souvent plus humains que les personages dts « normaux ».SiT'auteur de Eraserhead n'a jamais mentionné Freaks, parmi ses films favoris, le cousinage est pourtant évident. Kenneth Anger Twin Peaks Scorpio Rising impact du cinéma de Kenneth Anger sur celui de David Lynch west ‘pas avéré. Néanmoins, les deux hommes ont en commun d'avoir utilisé Ia méme chanson, « Blue Velvet», & deux époques différentes — Anger fat igurer la version originale, interpre par Bobby Vinton, dans son court métrage, Scorpio Rising (1960). Ils partagent galement une conception du cinéma comme céxémonial chamanique tse cas échéant, tn goit pour les motards en cuir — voir le personage de James dans la série iin Pos Ingmar Bergman Lost Highway / Le Septiéme Sceau Mulholland Drive n / Persona Sily a.un cinéast influent sur Punivers de David Lynch, c'est bien Ingmar Bergman. Le éalisateur américain a Pailleurs mentionné & plusieurs reprises le nom de son ainé suédois comme appartenant isa galaxie imtime. Dans Lost Highnoay, Lynch cite explicitement Le Septime Sceae (1957) en posant la figure de la Mort sur celle de Phomme mystére, doué du don ubiquité que cxoise Fred Madison au détour d'une fete californienne, Quant & Persona (1966) il est assurément la smatrice de a relat n dédoublée entre ks deux jeunes femmes de Mulholland Drive. On pourrait encore ajouter L'Hexe du loup (1968), vision cauchemardesque de Partiste enfermé dans son univers mental, quia inflré le cinéma de Lyach de maniéte diffuse mais durable. 10 CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY CARTOGRAPHIE Roman Polanski Eraserhead / Répulsion David Lynch admire le cinéma de Roman Polanski. IIa dit quelques reprises. Son godt se porte plus partculitement sur la fameuse trilogic de Fappartement, forme par Répulsion (1965), Rosemary's Baby (1968) et Le Locataie (1976). On retrouve 1a puissance mentale et paranoiaque de la rlogie polanskienne dans Inland Empire, par exemple. Mais es matitres pourrissantes qui gisent dans Pappartement de Carole (Catherine Deneuve), dans Répulsion,entent également en colsion avec Punivers en <écomposition Eraserhead. Jacques Tati Lost Highway / Mon oncle Dans le registre du burlesque distancé et graphique, Tati fait figure de référence pour David Lynch, ‘tout particuliérement Men oncle, le plus elebre des films du cinéaste frangais aux USA, Oscar du imilleur film étranger en 1959, Sil n'a jamais directement cité Mom oncle, yich a néanmoins pisé dans Pace de Jacques Tati, ce que par ss choix de design et architecture, dans Lost Highway, par exemple 1 Federico Fellini Mulholland Drive (81/2 invention tourbillonnante et la berté exéatrice de Federico Fellini ont exercé une certaine fascination sur David Lynch. Platt que influence il faudrait plutot parler ici de contamination entre les deux ceuvees, comme si Fellini avait encourage, Lynch 3 trouver son propre chemin dans le cinéma. De tons ls films de Fellini, est en tout eas 81/2 (1963) que Lynch a retenu en priorité. La ‘magic fllinenne de cet éroudissant autoporteait artistique optre jusqu’au Silencio de Mulholland Drive. Herk Harvey cAMIeRs bu CINEMA ETEECSSSTFRTIAN Twin Peaks Carnival of Souls 2 Fil unique réalisé par Her Harvey, Carnival of Souls (1962), ceuvre spectral et quelque peu hallucnée, est pas une iafhicce revendiquée par David Lynch. Pourtant ambiance étrangcment inguidtante de Carnival of Souls préfgureassurément lusivers du ‘xéateur de Tin Peaks. On dica done que Carmival of Souls est un film pré-lynchicn 12 CARTOGRAPHIE Alfred Hitchcock Lost Highway / Vertigo CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY ‘Comme tout cingaste americain qu se respecte, David Lynch a subi Vinluence d’Alfred Hitchcock Le personnage de Kyle MacLachlan dans Blue Velvet s'appelle Jeffrey comme celui de James Stewart dans Fenstre sur cour. Deux voyeurs qui fnissent par entree dans Pimage qui les fascine. i Vertigo (1958) que on retrouve dans Mulholland Drive et surtout dans Lost Highwory, 3 travers le double personage, brune et blonde, de Patricia Arquette, avatar direct de ‘celui de Kim Novak dans Vertigo. Vertiges du double. Mais C'est b 13 Stanley Kubrick Stanley Kubrick fait partie des cinéastes qui ont marqué Pespritexéaif de David Lynch, par sa capacité A réinventer le cinéma amiéricain et explorer de nouvelles voies mentales et cosmiques. Lolita (1962) ct, surtout, 2001 'Odyssée de espace (1968) sont les deux films de Kubrick que Lynch a cités & ‘quelques reprises. Linfluence de 2001, est visible dans l'épisode 8 de Tin Peaks: The Retr, dans cAMIeRs bu CINEMA ETEECSSSTFRTIAN raserbead ou, bien si, dans Dime. Une fos nest pas coutume, histoire marche dans les deux sens, paisque Kubrick admirait beaucoup Eraserhead, Twin Peaks: The Return / 2001 14 CARTOGRAPHIE ‘Werner Herzog Une histoire vraie / La Ballade de Bruno avid Lynch a mentionné quelques fois La Ballade de Bruno (1977) de Werner Herzog parmi les films qui Pont vraiment impressionné. La Ballade de Bruno montee ‘notamment, dans sa seconde parti, un trio de lissés- pourcompte — un ancien détenu accordéoniste,un view :musicien, une prostituge — égarés dans le Wisconsin, Un voyage qui n'est pas sans rappeler celui d’Alvin Straight, sillonnant en tracteur une Amérique rurale et révée dans Une histoire onae, Blake Edwards CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY Twin Peaks / Experiment in Terror Hasard, coincidence ou citation, le nom de Tien Peaks apparait pour la premiére fois au cinéma au début d’AUG, brigade speciale (Experiment in Terror, 1962), w presque trente avant la série culte créée, aa début des années 1990, par David Lynch et Mark Frost. Une manigre de rappeler qu'avant nocturne du nom de‘Twin Peaks dans le film de Blake Edwards résonne comme une incroyable prémonition Iynchienne. 15 Billy Wilder Twin Peaks: The Return / Sunset Boulevard AY cAMIeRs bu CINEMA ETEECSSSTFRTIAN ANF Cle) go [oT Oke) David Lynch Fa dita plusieurs reprises: Sunset Boulevard (1951), chefd'ceuvre noir et décadent de Billy Wilder, ait parte de ses films prétérés. Au point «que, dans Pépisode 15 de Tivin Peaks: The Return, Dale Cooper alias Dougie essuscitelttéralement en voyant Sunset Boulevard 3 la tlévision et surtout en entendant lentom de Gordon Cole, un obscur toisiéme rate du film de Wilder. Un nom qui est aussi celui que David Lynch avait choisi pour son propre personnage de chef du FBI Dans Punivers de Lynch oft tout fait signe, le cinéma yy posséde aussi un vrai pouvoir chamanique. eC 3 Lynch avant Lynch Saurez-vous ee Cees DOS US Peeceeame ea Deaton Perret neiaretenoaiera ct tence teatinen tk vite oni eM eT eT ABONNEZ-VOUS ET SOUTENEZ LES CAHIERS DU CINEMA DECOUVREZ TOUS LES AVANTAGES D'ETRE ABONNE-E * Lecture du dernier numéro en avant-premiére. o& Accés aux archives numériques (du n°766 au n°787) * Bénéficiez de tarifs réduits: * Musées: Grand Palais, Cité de architecture et du patrimoine... * Theatres: Comédie Francaise, Théatre national de Bretagne, ThéAtre du Rond Point, Théatre de la Collie... * Salles de cinéma: Cinémas indépendants parisiens, Forum des Images... * Cinémathéques: Paris, Toulouse.. * Plateformes de cinéma indépendantes Mubi, UniversCiné, LaCinetek, Ténk. > Ciné-club: 50 places réservées aux abonné-e-s (présentation et débat animés par la rédaction des Cahiers du cinéma). * Une réduction de 5% valable sur la boutique en ligne des Cahiers: livres, anciens numéros et produits dérivés. DO ACCOM UCSC UUW WS RU LAS CSS a CR eu See ee ea $30 Tl nv 19 ésle début des années 1980, David Lynch, cinéaste pourtant réputé peu bavard, a parlé aux Cahiers du cinéma. Le premier de ses entretiens avec la revue, plus précisément avec Serge Daney et Charles Tesson, a eu lieu au printemps 1981, au moment de lasortie francaise d’Flephant ‘Man. Une preuve que les Cahiers montraient déja un grand intérét pour ce cingaste excentrique qui nlavait réalisé, a 'époque, que le trés singulier Eraserhead. Mais est dans les années 1990 que le mouvement sest accéléré, avec pas moins de trois entretiens importants au cours de cette décennie majeure pour Lynch. En 1994, le cinéaste revient sur Vaventure Eraserhead, revisité du point de vue sonore. En 1997, Bill Krohn, le correspondant américain des Cahiers, rencontre Lynchau moment dela sortie cruciale de Lost Highway. Et, point dorgue de la relationentre lecinéaste et la revue, Lynch donne un long entretien & Serge ‘Toubiana et Nicolas Saada autour deT'étonnant Une histoire vrai. De ces rencontres passionnantes, auxquelles s'ajoutent des propos récents du cinéaste recueillis au printemps dernier, 3 Los ‘Angeles, par Yal Sadat, nous vous proposons un montage en cing parties, un peu comme une série dont on découvrirait, au fur eta mesure, les épisodes successifs Surleturnage {Filan Empire (2006) 20 CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY AU FIL DES ENTRETIENS CREER DES SONS POUR ERASERHEAD Cahiers du cinéma n° 482, juillet-aoat 1994 Comment a évolué a bende-son Eraserhead? = Braserboad a été terminé en 1976 et commencé en 1971. Alan Spetet moi avions travaillé sr un grand nombre desons avant decommencerletournazeeffee- tif Pour moi le son représentait a moitié du film, Sile cinémacstausiformidable,est parce qu'ilyalesonet Fimage, tle temps toutes ces possiblitésfabuleuses de exéer une sorte démotiontotalement neue. Le son est done partculérement important. cette épogue, tous es merveillewx équipements lctroniques fal ration des sons nexistaient past je vols que le son soittris organique. De méme que jecréas toutes sorts de choses devant la cama, je vous créer des ees so- noresavee Alan, Nous avons done mis. point des tas de petits accessoires ranges avec lsquels nous avons {ait desexpériences,sanssavoirce quenousallions obte- nz Beaucoup de ces sons 'avérzentinutilsables, mais heaucoupd autres me donnrent desidéeset génererent des tonalits ambiance qui ont été ts importantes, pour le film. Le reste de Ia bande sonore até réalisé en post-production sur le méme principe :neileur son possible pou le film. Nous avons er un srand nombre de pistes. Nous avons utilisées bandes ‘optques que nous trouvions dans les poubeles de ka ‘Wamer Bros. Nous étions stupéaits et, je dos edie, assertristes de voir la quantité de choses qu'on etait Lichas. Ala nettoyé la matrice et mixé Fintépalité du matériel ct nous avons constr toutes ks bands so- nore partir de cs chutes trouvées dans es poubelles. ‘oben le Lidée était dentrer dans une salle, de voir lalumiére séteindre et d’entendre un son vraiment énorme, et de pouvoir flotter dans un réve, de pouvoir sentir cette puissance. ‘ous favezdoncfatappela aucune sonathéqueniadessons ectroniquement generes ? ‘= Cesta. Cesta partirde nos installations que nous avons ct6é des sons et que nous les avons ensuite cenregistrés sur le Nagra d’AL. Nous les avons alors équalisés et parfoisralentis, Nous n'avons fait que ce qui nous état possible. Expliquet-moi un peu plus ce que vous entendez par « oF anique ». = Fh bien, cest exactement comme dans les films ‘numériques, on ne peut encore pas faire des images totalement organigues aujourd hui (Caressemble un peu aun dessin animé. = Oui. les choses organiques sont les plus diffciles A réalise. Je crois quill en va de ménye pour le son. ‘on ne penit pas eréer certains sons numériquement, sont air «toe ». aime bien toutes ces techniques nouvelles, mais j'aime aussi procéder comme nous avons fait, Alan et moi : construire des apparcils qui générent des sons ‘Donner-molun exemple s Je vais vous en donner un tis spécifgue.Ily a un son, lorsque laeaméra passe audessusduite’Henry, semble éte dans un bain de lait avec la fille Pi e6eé. Ce son a &6 er en mettant un petit microphone dans une boutelle d'eau gazcuse «que nous avons ensuite enfoneée dans une baigoire pleine. Nous avions mis une sorte de tuyau dans le oulot de la bout, e¢ nous pouvions murmarer clans le tuyau jet est Peau, le vere, espace ‘térieur de la bouteille qui ont réé ce son étrange. iy a aussi des sons de vent, et autres sons etfrayants et bas enarrere-plan, ‘= = des hourdonnements. oui, Nous avons enregisteé beaucoup de ventilateurs ération, & Fintérieur méme des conduits d'aéra~ tion... puisnous avons ralenti les enregistrements tout ‘en remontant les basses pour eréer ces « présences», ‘comme nous kes appelions. Ce sont des ambiances, sans étre tout a fait des ambiances. Chaque seine a une présence qui a été mise au point de cette fagon. pas ts subtle, comme vous le voye7. Latande sonore ¢raserheodressemble vraiment un mot= ‘eau de musique On pouralt presque en fire un disque, ‘= Maisc’est un disque ! Pas Pintégealité dela bande son, mais de grands extrats. Pour moi, c'est comme tune symphonic. Quand un film parvient & Pabstrac- tion, la bande sonore peut étre considérée comme tine ceuvre musicale. ‘uelestlepourcentagedesons que vous ‘avez créés avant le debut du tournage? = Jedirais... un bon quact. ‘Jusqua quel point cela a+ influence lefim? ‘= Tout ce qui est fait avance et ‘qui concerne la tonalité générale ment. Mais jécoute toujours de la musique en écri ‘vant, et tr souvent écoute dela musique en tournant. Lingénicur du son met de la musique dans ‘mes Geouteurs ;jJentends le dia logue, mais je peux aussi entendre la musique, Cela made & trouver un rythme et a vérifer si les dia logues fon sement avec la tonalite géné 1 je des fai connaitee Fats Waller que je ne cessais d’Scouter. Bien si, nous jonnent harmonieu: e. Alan m'avait aussi avons modifié aussi mais la toma. lie de cet ongue dérlise baptiste de 1927 surlequeljouait Fats Waller a vraiment &¢ déterminante, La promiére fois quency marche le long de eatteespéce dentrepst i en- tnd cete musique, trés falblement,et& longue distance, Ceci etlesprésences et crtains des autres sons dont on ne peut rower Frigne danse, imposente sentiment un monde plus vast ql serlt comme bombardé par quelque ‘hose venu de espace. ‘= Cestleson quicontribue pour beaucoup, tion de environnement. Cest un monde industriel ts oppressant. Cat Ortega Prenonsfexemple un son qui vient de quelque chose dans |e champ :lebourdannement de alam, = Nous avons enregist des ampoules fluorescentes, cet autres ampoules clasiques. Nous avons mis du sure sur les ampoules chauffées puis nous avonstout ralenti. Lorsque vous voyezune image d'Henry dans sa chambre sans aucun son, il reste un nombre infini de possibilits pour le som que vous allez mettre. Je dis toujours qu'il ena pas vraiment un quisoit paca. Iy-a peut éere dix ou vingt sons sur tun millon gut marcheront, mais on sait quand ¢a mare ‘quand ga ne marche pas. I aut persévérer. sa Avec Jack Nance ‘er-rous apris quelque chose de neuf qu at jou unre dans cette nouvelle version ¢Eraserhead ?(Lentreten est ‘lise en 199, 4 foccasion dela essorte dune version res- taurée du fm, nr) ‘= Je vais vous dire ce que j'ai appris, d'une certaine fagon, Ily a davantage d'équipement et on apprend rapidement ce que ces techniques peuvent apporter, aussi de nouvelles opportunités apparaissentelles, ‘Mais en méme temps, on peut créer tous lessons de Punivers dans une chambre de motel, A condition avoir un Nagra tun equipement trés raison rable, On peut écrine des sym phonies dans cette chambre Puisquil ny a plus eu & propre- iment parler devolution technique dans vtre travail du son, pourquoi avez-vous décid@ de refaire celui Eraserhead? ‘= Fenavais envie,maisjen’en vais jamais ew l'occasion, Aussi, quand le film mest revent au bout de dix: ans de distribution, en ai parlé & AL er nous nous sommes mis da: cord sur le ‘en st6réo, Nous sommes partis de la bande optique 35 mm. CChaque som est exactement le _méme, mais en stéxéo. Cepen- dant, pour quien soit ainsi, i ne sufft pas d’appuyer sue un bouton. Il faut isoler chaque lément et réassembler le tout ide refsire leson ‘une nouvelle fos. Je travail lais avec Alan deux jours sur sept. [i cconsistait &étaer lessons et & obtenirplusd’étendue dynamique et de puissance sur les pistes. Beaucoup de ces sons ne valaient plas rien Iorsqu’on les Gtalait, _mais ’autees, comme lesatmosphies et les présences pouvaient étre utlisés. Ma principale motivation est qu’ainsi les sons acquigrent beaucoup plus de puissance. [ai toujours vouku augmenter le volume sonore sur Eraserhead ... pas de fason assourdissante, imais afin de le ressentir mieux et d'entrer dans cet univers. Aujtirdhi le volume sonore est tr élevé dans une bonne salle d'exclusvité e trouve ga tts bien. Mais Eraserhead a &é projeté dans beaucoup de salles qui ne profitaient pas de ces progris. Aussi ne montaientis pas suffisamment le volume sonore a ils le faisaient, les hauts-parleurs se mettaient & agrésille...Lidée était entree dans une salle de voir fa lumitre swindre et d'entendre un son vraiment énorme,etde pouvoir later dans un réve,de pouvoir sentir cete puissance. Tépoque, nous ne pouvions tout simplement pas nous permettre la stéréo. Céeait 21 CAHIERS DU CINEMA EIEEEESTSTFRIIEY 22 CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY AU FIL DES ENTRETIENS vraiment un film de pauvres, Mais nous avions gardé respoir de faire en sorte que ga devienne vraiment trés puissant un jour, Aussi, quand nous en avons cu Foccasion, nous sommes passés au Dolby stéréo. ‘Vous saver, c'est vraiment tres frastrant de projeterle veil Eraserbead apris un film en stéo ; vous passex de Pun a Pautre et vous aver la sensation que tout cst au centre, que le son est vraiment petit. I faut :monter le volume sonore le plus possible, et malgré ‘a Surletournage Eraserhead. Alan Splet est un trés grand ingénieur duson, d'une sensibilité trés rare, puisqu’il est aveugle. cla vous n’obtene toujours pas cet étalement prodi- sieux. Lorsque nous avons terminé tout étaiten place. (Cait une copie paraite. Le toning, sur la copie, était parfait, leson énorme etétalé tout au long de écran, et cétait mervileux. Parlez-mol un peu de vote traval ave Alan Spt. ‘= Quand jai renconteé Alan Sple, il mixait des lms industiels, Pavais travaillé avec un autre ingénieur da son pour The Alphabet, et quand il m'a dit q’il ne pouvaitpas faire e film, ile’ recommandé Alan. Pen tuts peng jusqu’a ce que je découvee Ia dexté- Fitét Fenthousiasme d’Alan. Sur The Grandmother, ‘nous avons travaillé entre neuf & quinze heutes par jour, puis pendant cing ans sur Eraserhead, pas de fagon continue, mais souvent neuf a dix heures par jour Ensite nous avons fait Elephant Man et Dune, cet apris cela j'ai travail jw'Alan vit 3 Berkeley. Alan est un tres grand ingénieur du son, d’une sensibilté ts rare, puisgu'il cst aveugle, Il est difficile de décrire notre fagon de travailler, mais il sat toujours od je veux en venir, et c'est st important d'avoir quelqu’un qui soit sur Ja méme longueur d’onde. Cest un trés boa ami moi. 3 avec d'autres techniciens Entrtien réalisé por Bill Krohn, traduit de foméricain par Serge Grinberg. ELEPHANT MAN Cahiers du cinéma n° 322, avril 1981 Comment ates-vous passé dun film tres trbs personnal, 0 ‘ous ave tout fit vous-mame, Eraserheed, The Elephant ar, fm besucoup plus «normal», turn dans les narmes ele production enlace ?Cela tl et facile ou ditclle? s= Comme vous lesavez, pour Eraserhead nows avons ceunos propres problémes, maise’esten effet un autre gence de problémes qu'on rencontre quand on tra valle avec une synuicale, des horaires, des acteurs élébres qu'on dépense beaucoup d'argent Fn un sens etait plus facile, chacun éait ft pour fairece que vous voulez qui soit faitmaisla pression dat tellement fort! Je n'aurais jamais soupgonné «a! Je ne sus pas d'ot venait cette pression, cete comparé & Eraserhead. Mais gaa mara «que tous les eGalisateus ressentent cette pression ou «comment fini dans les temps?» Etwousces pens qu sont autour de vous ca aun effet terrible sur vous ct souvent i est difficile de penser dans ees condi- tions. Chague chose a un mouvement et oule, On a {impression qu'on vous pousse, que la marée vous 1c. Fn Angleterze chaque membre de équipe ait tellement professionnel, chacun connaissait tl lement bien son travail que cette poussgeen avant était onganince, état comme un orchestre qui exé= cutait en douceut. Je ne me suis jamais dit « sje powwais retourner en arcre» Comment se fat que ce soit vous qui ayez realise film, idee de depart tant pas de vous ? = D’abord, c'est basé sur une histoire vraie. Chris- topher de Vore et Eric Bergren ont Grit le scenario origina. Jonathan Sanger, qui devin pls tard le pro- ducteur du film, prt alors une option sur le suet. Acette époque-a, a fait a connaissance de Stuart Comield qui devint plus tard le producteur exécutif du film H travallait avee Mel Brooks et Stuart ado ‘ait Eraserhead. Un jour ilm’a téléphoné, nous nous sommes bien entendus et sommes devenus amis. Je lui ai demand sl ne voyait pas un seénario que je pourrais tourner, il m'a parlé de 3 ou 4 scénarios et mentionna Elephant Man. Quelque chose fi « tit» dans ma téte, me donna envie de lie le snario, Stuart me mit en contact avee Jonathan qui me le ficlire, Pai ndoré le sofia ai ex bo comms avec Jonathan, et Stuart, Jonathan et moi sommes: alls wor les studios pour esnyer de montr le pro- jet. Nous nous sommes hearts des refs on ous disait « c'est trop déprimant, un film sur un monstre, (qi llr voir ga? surtout que edevas alo Te film, moi, auteur d’ Eraserhead ! Ils ne voyaient pas issue commerciale & ce projet. Ensuite, Mel Brooks a ul scénarioet a voula que sa compagnie produis efi pouvatle faire tou de suite. Mt ‘avait pas encore vu Esserbead et vritablement,je ‘suais sang et eau ... je faisais les cent pas, j'attendais quill sorte de la salle de projection, j'étais derriére la porte. lest sort en courant, es prep en hurlant: «tes foe je adore! ».Eeapres ga marché. Mel ma totalement sonia vraiment protégé espace dans lequel nous travaillions. Il avait le posvoirde parer3 toute interiention exter qi aura pu stopper film. Voi comment gases fait, (vest que vous avez apport au soénaro, quia Tair tres classique? s» Le scénario de Chris et Eric Gait trés bon, mais tek lement proche de la réalité que ga montait ct puis en fait ¢a s‘aplatissait. On a travaillé ensemble. On a pra- tiqueneat ns le pout leur premix soi, on 2 four restructré, On a écrit Beaucoup de nouvelles ‘nes maisonen a garde ass phsicurs Ona avale tcuembe& pute ne nouvelle npoche, fat ‘éritable ral equine nous nos sommes matacl lementinflazncscril est dif de direc ui vent de chacn, Le début Is in, pr exemple, tae pas dans le scénario original. J'ai beaucoup appris de ex tea erture que je navas jamais pratique ‘ous ne vous sentie pas capable dele faire seul alors que ‘vous aie eort histor et ls salogues Eraserhead? ‘= Dans un sens, ou. Chaque film est different. Quet «que soitson genre, dis que vous commencezun film, Mel Brooks est sorti en courant, s'est précipité vers moi en hurlant :« tues fou, je adore ! ». 23 CAHIERS DU CINEMA EEECESTSTERIE 24 AU FIL DES ENTRETIENS Elephant Man 11 vous dtes dans un cadre 41 faut rester Meme dans Eraserhead,était des limites Gteanges mais il me fallait m'y tenie et obgie aux ‘eles tour du long, sinon le film ‘aurait pas fonc- tionné. Elephant Man représentait un réel défi, da fait,comme vous le dsiez qu’ilétat plus « normal », traditionnel. Parexemple, sur les effets sonores, Alan Splet (gui avait tavaillé avec moi sur Eraserhead et loin, pourtant ai beaucoup appris. Les effets sonores sont plus normaux, maisils ne sont pas normaux. Ils renforcent Pambiance. Ce fur trés dur de trouver ces effets a la fois bons pour ambiance et excitants, ce fut aussi trés amusant. Hy a eu pas mal d’occasions de ne pas étre trop traditionnel et de travailler sue plusieurs niveau, plus en profondeus. Nous avons cue temps d avons terminé plusicurs mois avant la date de sor tie. sien fait passé un an en Angleterre, depuis bx _pré-production jusqu’a la copie finale. Puis je suis retourné & Los Angeles et le film est sorti a New York le 4 octobre triewe duquel il vous Im avant) et moi ne pouvions pas aller aussi aire ce que nous voulions faire. Nous Pourquoi te noire iano? ‘= Quand j'ai i le scénario, j'ai voul le faire en noir cexblane. Quand Mel Brooks a été impliqué dans le projet’ 1 peurquilme force’ lefaire en couleurs, it pas que je vou noiretblane, nous n’en avions pas discuté. Un jou aitavec Jonathan Sanger. dit «chaque fois que je pense au fil ele voisennoiret blanc ». Jonathan Iui tépondit« dis vite & David, c'est evactement ce quil pense I». IIn’y a done pas eu de probleme du tout. Cait un choix, a cause de Pépogue, de ambiance... Vindustric, la fume, les petites rues ‘mais non. I ne 33 le faire en sombres Votre noi etblanc est tres contrastélalumiére vient deine feu, comme dans les fms de Jacques Tourneur. ‘= La copie que vous avez vue est beaucoup trop e. Ces noirs sont trop gris, je voulais des noirs foneés, vis, noirs. Je ne connais pas du tout Jacques Tourneur, mais vous saver, je viens de la peinture, je ne suis pas cinéphile, Je vois des films mais en fait je vois n"importe quoi, ¢a bouge, je regarde. Je n’étais pas vraiment concemé parle cinéma j'ai fait ces pe tits films assez innocemment mais ga ma impliquéy une fagon tis particule et je pense que ga a été une bonne chose. lai ourquolavez-vous tourné Elephant Mon en studio? ‘= Parce quilyaun plus grand contre, Meme en décors naturel costumes ks hamiéres aint ts contr. Quand on survole les choses, qu'on na pas le temps claire, est toujours le fait Pun compromis. Sion cessied obtenirun certain résuleatsurla peliculect qu'on ‘commence & faire des compromis, oft est Pintét ? On le egretera forcément. Quelques fois Cest sans doute cesarean ntobtien sirement jamais la perfection ‘quand parfois on ne sit pas exacterment ce qu’on veut (On est toujours en train de chercher mais fat espe trouver avant l finde la journée! ‘ous ne voulez pas devole les secrets du maqullage dans {roseread, mais pourquoi favor pas fat vous-méme caux de ‘egtont Han? 1 Parce que je ne savais pas, je voulais mais je ne savas Je ne sais pas travaller cette matiére, Christopher “Tucker le sai ies e maitre absol de ce gente de ma uillage ila véritablement sauvé la station. Nous a- rons été bien ennuyés sans ee type, sa formule et son experience Lesetets spéciauxsontrs terentsdeceuxcn in conme ‘en. Dans Elephant Manly ance ariver connate monstepuisle mooste disparity lee urain, Toute histoire est cestce qui tl diféenceavectn firm comme Alen La peu doit sen aller ett quand «an commence 3 connate les choses que la peu en va Sion avaitlaconnaisncetotalede toutiln'yaurait ps de peur du rout Sans dure: Dans Exserhead e monde entire trangeon exten plein dedans ton franchit Inport cst encon i, eestparout. ‘ous somblr pls intressé par Time du manstre que parson comps... ‘= Oui, pour moi John Merrick est une me magnifique. Lime Cestce qui ya atrdeli de la surface, Cest ce gut appara travers John Merrick, [me influence sa per- sonnalté d'une fagon tellement bonne quasi range quecla paras i était comme ga malgré toute quilt arivait dan fave, dans st condition. Votre probiématiqueest és dtféent decals dun fim comme LePortat de Dorian Say oTextreur du corps ete refit de Mtv. s= En un sens, PEephave Max aussi a quelque chose 3 Tintérieur de lui, ui pousse dans son corps. Il nétait pas un étre humain parfaitement accompli mais avait «quand mime des qualité trsspirtuelles. 'aitcomme sideus choses se passient en Iu, une dans son comps et autre qui gardait sa personnalté si innocente et honne. [Lapeinture ms plas influence que les films, 'aime Fran cis Bacon, Edward Hopper Rouse. Etfanimation? s Jene connais fen au cinéma d’animation. Pai fait de Panimationen peintue. Im'a fllu apprendre des wosestechniquesetla fagon cont ji fait ga ait on tre parfait! (uel sont es cingastes que vous almez ? ‘= Fellini, Bergman, Tati, Kubrick, Wilder lever, Persona, Lolita, sont mes films pri ct demi, La Strada, Les Vitelloni ‘aur letournage «Elephant Hon (1980), Commentstestpasséela rection acteurs dans Elephant an? ‘© Cait Uabord trés énervant mais es gens étaient trés professionnels, trés bons, et au bout d'un certain temps je my suis habitué. I'y a un certain travail & faire. ls sont professionnel, ils connaissent leur mé- tie, on fait eec, on fic cela. Ce n’éait pas du rout la ase que sur Eraserhead oi on avait plus de ‘temps. nimerais faire an film qui mélangeraitles deux styles de travail. Avoir un peu plus de temps, peut tre Faisiez-vous beaucoup de prises? ‘= Jamais plus de deux, dont une par sécurité ‘ous repétier beaucoup avant? = Oui, je crois que sion sait ce qu'on veut, quand on tourne on n'a besoin de plus de 3 044 prises, 6 grand maximum si ‘on veut telleou telle petite chose. Eton peut toujours interrompre le tournage pour répéter pls. Toutes ces prises que font les gens, ¢a me semble fou ! Penser-vousrefaeunjourunflm danslesmémes conditions due Eeserhecd? ‘= Non. On ne peut pas revenir en aie. Jene pour ras plus fee un film alésur cing anset sans argent. Non, je ae pourra pus. 2 Ent ton réalisé por Serge Doney et Charles Tesso, traduit par Dominique Vian, 25 CAHIERS DU CINEMA EIEEEESTSTFRIIEY 26 AU FIL DES ENTRETIENS LOST HIGHWAY ye fo Cahiers du cinéma n° 509, J janvier 1997 CAHIERS OU CINEMA ETDEXEESIFNNIEY Cet endo Fimmeubl ose trouvent les bureau de David yok essemble la meisn de Lost ihwoy ‘= La maison qu'on voit dans le fil est juste & cSt, dans la méme rue. Voici la maison que jai imaginge (i indigue une joke résidence stnée 3 droite quand on regard parla fendtre), Ces aussi ma maison, la premice maison gue jai cue, et Cest Vintriewr de celles que'aiimaginé pendant que nous civionsle seénario. Comme vous pouvez e vor es fnétres sont presque des meurtetes;aussi, avons nousinstallé des fenétres tr rites dans In maison oli nows avons tousné nous avons pen modifier archtecrre it rieure pour quillecadre avec histoire, Cette maison est venue aprés, La maison que vous apercevez par Ia fenétre a donc été ma maison. Ma visi, Peggy Lecky,est morte, run anet demi phustard, jai acheté cette maison-i Pus, mon voisin Chetest morta pu acheter sa maison - celle ue vous voyez dans le film. A présen, je was la transformer complement cn studio d'enreistrement eten atelier de peinte. Ca ‘va re fantastque ! Dan le stuio deneestrement, jepourrai mixer des lms exenregistrer de la musique Maisjene pense pas que jem'enservirai pour raliser sun mixage final. ‘Yous vez beaucoup travallé avec Angelo Badalamenti ces ernie temps. Vous avez en particulier cosertplusiurs chansons de Tin Feoks: Fie Wok With Me = Cost vai Sans Angelo, je seraiscompletementex- ‘éricur’ la musique. Je me suis toujours intxessé aux «fers sonores, et aux effets sonores qui sont comme Inmusique des sons qui créent des ambiances~mais est Angelo qui m’a initia musique en me permet- tant de travaller En fait je nai qu’ parler & Angelo, ct C'est tout en nécoutant qu'il se concent soudain sur une chose, et dés que ga mintérese, i expoite cette veine I parvient, par actions et réactions, 4 néerer dans de nouveaux espaces qui sont tis beaux. ‘Ceesainsique, parfois nousen rrivonsa coproduite des musiques dans le studi 5 parfois aussi, cris les paroles. Cest quelque chose qui tient de la mage. Presque tout cela se passe dans Péter usa quel point peut-on dre que vous craze son avant Fimage ? '= Jesse, autant que possible, de faire le maximum avant le tournage, mais la musique est vraiment es- sentielle. Si ai a chance de trouver une musique fi défnisse bien une ambiance pour une scine, je Fécoute au casque, mixée avec les dialogues pen- dant e tournage. Cela made beaucoup pour juger siles choses sont corrects: ile dialogue lutte contre ambiance, est parfait; si le dialogue dénote avec ambiance, ele change. tle monde est plus ample Pour Lost Highry, Angsloa fait des musiques d'am- biance et ensuite nous avons pris beaucoup de mu siques trouvées un peu partout, qu'on a passées non seulement dans les casques, mais aussi paris sur ke plateau, tres fort, pour des scénes qui ne nécesstaient pas le son synchrone Vous est sique? = Bien sir | Les idées peuvent venir de n’importe ‘mais, dans mon cas, elles viennent souvent di- rectement de la musique ~ des sctnes entiéres, des personages, des tas de choses qui me sautent dessus, ous voyez les images dans votre tee, = Oui, des tas ! C'est parfois un simple fragment, mais ga entraine énormément d'autres choses. Mais «es idées, quelle que soitlafagon dont vous ls abte- rez, ne vous appartiennent pas vraiment. Elles sont venues jusque dans votre esprit. Ce sont des dons, «une certaine fagon. Et si vous leur étesfdéle, rout ‘marche bien. ijl bien compris, vous avez tourné Lost Highway dan la ‘maison act, vous favez ante en bas, et @ present vous ‘ransformez la maison de Los Highway en stuco denagls- trement Est-ce que vous essayez derevenira votre fagonde travail epoque Erserheod? ‘= Absolument.Cestla racine méme de ce quiestleci- ma. Un film peut tellement souffrir des contraintes, de temps quand vous enregistez une musigue dans un studio of ily a un tarif horaire, un maximum de pressions, et oii Fon est forcé de réduire Vexpé rimentation au minimum. Plus on a de temps pour cexpérimenter, moins on est dépendant de Thoraire, micas ee sera pour k film. On peut trouver tant de choses en faisant des expériences pendant une seule apres cembarque dans une diteetion toute nouvelle jd ~ on trouve une veine et soudain on est vez-vus sangéa vous serv morphing pourlafn de Lost Highway > ‘= Absolument. Mais ce qui s'est passé avec le mor phing est assez triste. Quand cette technique est ap- parue, ait comme un art magique ; les résultats étaient yraimentextraordinaires !Etpuisonen a fait ‘un peu plus. Eeenfin ily a eu du mogphing dans les pubs tlevisées.. Ona fini par tout faire 3 la eaméra cau montage. \ousavez pris Bi Pullman et Balthazar Gey, vos eux acteurs ‘mascuinsprncpau, pour cette derire scene du imouis sembent se confondreen une seule personne? = Non, iln'y aque Bill Pullman, mais je suis content {que vous ayezeu cette impression. Encore un mot tur le morphing: ai Timpression que, pour construire ‘une image numériquement,¢a commence comme le plan d'une maison, et qu'ensuite on y ajoute un peu de chair... Je erois que beaucoup de choses sont conditionnées par c= que vous faites dés le début, ‘mais on ne verra le résultat définitif qu'en toute fin. Er alors ilest trop tard, Je ne sas pas si les gens qui travaillent sur effet peuvent prévoie si Veffet vate bon avant de voir la version finale. Si sufisalt de pousser un bouton pour vol, est-ce que vous vous sontrez plus afaiso?” ‘= Ont. Je erais que pendant de nombreuses années Te som a été Ie parent pauvre,et aujourd'hui ila am- plement dépassé image quant ses eapacités de ma nipulation. Mais quand Vimage fnira par rattraper le son, je crois qu'on pourra tout se permettre. Sauf que... n'importe qui peut acheter des tubes de pein= ‘ure, mais vous connaissez beaucoup de gens qui font des chefs d'auvre en peinture ? Lacouleur dominante dele Veet tte blue dominante te Soiior& Lula atierouge. st-cele jaune quidomine dans Lost hgtay? ‘= Peter Deming le directeur de a photo, et moi avons arrété notre choix sur un fitre brun chocolat, ce qui fait que la couleur dominante tendrat & une sort de rouge jaune brunatre qui pénétre tout quand on filme par ce fit. ecrois savoir que vous avezbeaucoup raviléenleboratore pour oben ce que vous voulez. '= Nous avons sans doure passé plus de remps sur le timing de ce film que pour aucun autre. Cest avee les scenes dextérieurs que nous avons eu le plus de smal i obtenir Pambiance désirée ‘Comment en étes-ous ven faire Lost ighnoy ? = D'une certaine fagon, Lost Highway a commencé avec un roman de Barry Gifford quis'appelait Night People, Night People ne raconte pas Vhistoire de ce film, mais un des personnages y utilise Vexpression « lost highway». Ces seuls mots eréaient uneimpres Plus on a de temps pour expérimenter, moins on est dépendant de Phoraire, mieux ce sera pour le film. sion et un mystere que ’ai beaucoup aimés. Quand ie Pai avoué & Barryil m’a dit: « Ferivons wn script ‘qu sappellerat Lost Highway » Plus d'un an passe cela fait trois ans que je nai pas réalisé de film Barry me dit qu’ a quelques ides et moi, de mon ‘en avais aussi quelques-unes; je file donc & Berkeley, od il habite, nous prenons le afé et fnale- ment nous avons mutuellement dtesté ls idées de autre. Je conte done & Barry une idée qui m'éait venue aur demier jour detournage de Fre Walk With ‘Me : a premigre partie du film - avec les cassettes et le couple. Barry a beaucoup aimé Pdée. Cestce qui nous poussés continue sur ette voie et, une chose ‘en amenant une autre, au bout d'un mois et demi, le seénario était écrit. Il y avait beaucoup de choses dans le script que les producteurs de Ciby 2000 n'ont pas comprises, mas je erois que d'autres personnes Tone Inet ont aim et, enfin de compte, ils ont pris le risque et m‘ont donné le feu ver Danse dossier depress francas, le synopsis dt quilsagit ‘dun assessin avec une double personnal ‘= Jee peux pas faire de commentaire sans Vavoir lwenenticz esis méme pas ponsé cee interprtation, ui aun cer- tae pause, car vous vier dja un assassin ave une ‘out personalté dans Thin Peaks. oulea-eus vraiment ruil stnaro& quelque chose fas inéaire? s Personnelement je péférerais ne rien réduire du tout, Pour ce qui est du seript, Barry’ et mot jmais ren rit. On a pensé que ¢a arzvait bien «quand nows a’ étions pas contents, a devenait hoeiblementévident. Cen'est qu’au momentoi tout «st terminé qu'on téalise ce que Ces raiment. Ou ‘quand C'est presque terminé ct qu'on a soudain une ile qui apporte beaucoup de nouveaux détails gui rendent le tout vraiment correct. Ex quelle a été cette dee pour Lost Highway? ‘= Lacaméra vidéo qui arrive au niveau dela téte de homme mystérieux ~ est un moment critique qui cexplique beaucoup de choses. Le scénario n’arrét pas de vous parle Il contient beaucoup de choses ‘qui,méme siellesne sont pas exprimés, vous aident 3 comprendre, Ex pendant le tournage du film, tout ‘se passe tellement au feeling qu’on n’a pas beau coup de discussions intellectueles. Je travaille avec 27 CAHIERS DU CINEMA EEECESTSTERIE 28 AU FIL DES ENTRETIENS les acteurs comme je travaille avec Badalamenti. I agit moins de ce qui est dit ou non dit, que d'une action et d'une réaction sur fond de répétitions. Petit A petit, les acteurs en arrivent a Pidée et, une fois qwils Font comprise, tout ce qu’ils peuvent tirer ls fagon de dire les mos, Tes pauses entre les mots les regard Ils sont dans cet univers, dans le personage qu’ils jouent et, dés lors, ils ne peuvent plus commettre

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