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282 Le lyrisme Le registre lyrique fait entendre une voix qui livre des émotions. Le langage se fait musical pour exprimer des sentiments personnels et les faire partager. Souvent présent dans le discours amoureux, il prédomine dans les textes poétiques mais peut se rencontrer dans tous les genres littéraires. Texte 1 La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur, Un rond de danse et de douceur, Auréole du temps, berceau nocturne et sit, Eri je ne sais plus tout ce que j’ai vécu Crest que tes yeux ne m’ont pas toujours vu. Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumiére, Bareaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs, Parfums éclos d’une couvée d’aurores Qui git toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de Pinnocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Er tout mon sang coule dans leurs regards Paul ELuARD, Capitale de la doulewr, ‘© éd. Gallimard, 1926. Tes 1. Repérez les marques de la 1 et de la 2° personne (pronoms personnels et adjectifs possessifs). Com- ment se répartissent-elles tout au long du po&me? Quel sentiment traduisent-elles? 2. Comment a phrase des vers 6-15 est-elle construite? Quel est Veffet ainsi créé? Les outils danalyse: effets etregistres Francis Picsia (1879-1953), Ioyle (1927), peintue, 105 > 75 cm, muste de Grenoble. 3, Relever les mots et les images dela rondeur. Quelles ‘impressions sont associées 8 ce champ lexical? 4, Quel rapport y a-t-il dans ce poéme entre image de la femme aimée et le theme de la nature? En 1806, Chateaubriand découvre le site de Sparte, cité grecque de lAntiquité rendue célebre en particulier par son roi Léonidas, mort héroiquement en combattant les Perses (680 ov. J.-C.) Sparte était done sous mes yeux; et son théatre, que j’avais eu le bonheur de découvrir en artivant, me donnait sur-le-champ les positions des quar- tiers et des monuments. Je mis pied A terre, et je montai en courant sur la colline de la citadelle, Comme j'arrivais & son sommet, le soleil se levait derriére les monts Méné- laions. Quel beau spectacle! mais qu’l était triste! L’Euroras coulant solitaire sous les débris du pont Babyx' des ruines de toutes parts, et pas un homme parmi ces ruines! Je restai immobile, dans une espéce de stupeur, & contem- pler cette scene. Un mélange d’admiration et de douleur arrétait mes pas et ma pensée parler ’écho dans des lieux oii fa voix humaine ne se fa éonidas! Aucune ruine ne répéta ce grand et je criai de toute ma fore nom, et Sparte méme sembla l'avoir oublié. le silence était profond autour de moi: je voulus du moins faire it plus entendre, Frangois-René de CHATEAUBRIAND, Itinévaire de Paris & Jérusalens, 1811 41, Nom d'un ancien pont sur 'Eurotas le petit fleuve qui coule 3 Spare 1. Comment la présence physique du je se mani- feste-t-elle, & chaque étape du récit? 2. Quels sont les sentiments qui se succédent ou qui se mélent chez fauteur, au moment od il vit cette scéne? 3. Quelles phrases, selon vous, font le mieux revivie au présent emotion ressentie dans le passé? Pourquoi? 4, Quels mots, quels procédés font partager au lecteur impression que le moment de cette contemplation est un moment solennel? 1. A quels genres respectifs ces deux textes appar- tiennent-ils? A quels indices les reconnait-on? Par quels aspects la prose du texte 2 peut-elle étre qua- lifiée de «poétique»? 2. Ces deux textes different aussi (un de Cautre par leurs thémes, et par les temps employés. Précisez ces differences. 3, Les deux textes visent a exprimer Uintensité d'une émotion personnelle et & créer une relation de confi- dence avec le lecteur. A cette fin, ils ont certains pro- cédés en commun, Lesquels? Le tyrisme 203 Lémotion lyrique Le registre lyrique est le langage de la sensibilité. Le Moi y exprime le fond de son cczur. Le ‘ton peut étre celui de la passion, exalté et violent, ou celui de la confidence, plus secret et méditatif. » Lexpression du Moi «Le lyrisme met au premier plan la subjectivité de la personne qui s'exprime. Le Moi est omni- présent. Celui ou celle qui dit «je formule ses joies ou ses peines, et les donne & partager. ® Le langage est expressif: interjections, exclamations, interrogations, lexique affectif, etc. Il traduit ainsi des sentiments, des états affectifs, et touche la sensibilité du lecteur. » Linvocation d'un destinataire A qui, 8 quoi Uénoncé lyrique s'adresse-t-il? Le lecuteur peut se prendre lui-méme comme destinataire: il ‘adresse son ame, a son cceur, a lui-méme. © Ou bien il interpelle Utre aimé, et crée une sorte de dialogue fictf. «Le monde entier dépend de tes yeux purs» (Eluard, texte 1, p. 282) «© Ou bien il confie ses soutfrances ou ses peines au lecteur. © Ou bien il prend Dieu ou Uhumanité 8 témoin de son destin, a travers une supplique, une invocation ou une priére. © Ou encore il prend a témoin un sentiment ou une vertu: Ah! traitre Amour, donne-moi paix ou tréve...» (Ronsard) » Les thémes lyriques Le registre lyrique accompagne plusieurs grands themes, qui peuvent s‘associer: 'amour, la fuite ‘du temps, la peur de la mort, la nostalgie du pays natal, Cespérance collective, la beauté de la nature, le sentiment religieux... B Diversité des textes lyriques Dans quels textes, dans quels genres rencontre-t-on le registre lyrique? » Dans les pomes © On le rencontre d’abord dans la poésie expressive qui expose des sentiments personnels. « TL arrive aussi que Vindividualité du locuteur reste en retrait, au profit d'un lyrisme cosmique qui célébre la splendeur de Uunivers. «C > Au théatre expression lyrique des passions est fréquente chez les personages des tragédies classiques (Racine) ou des drames romantiques (Hugo). nt de trés grands vents sur toutes faces de ce monde... » (Saint-John Perse) » Dans la prose narrative «© Certains récits de fiction (nouvelles, romans) peuvent étre portés par un souffle lyrique, créé par le rythme des phrases. ‘ Les romans laissent place au lyrisme, en particulier, lorsqu'ls donnent la parole & des person- nnages qui expriment leurs sentiments au discours direct (dialogues, lettres). « Les récits autobiographiques sont propices a expression lyrique de 'émotion a la premiére personne (Rousseau, Chateaubriand...). ae PSE lyse: effets eb redistres » Dans la prose argumentative Dans les discours prononcés devant un auditoire, le lyrisme introduit souvent une dimension affective (Sermons de Bossuet, discours politiques de Victor Hugo...). argumentation gagne ainsi en intensité. On parle alors de lyrisme oratoire. Les procédés de I’écriture lyrique > Lelexique Les champs lexicaux les plus fréquents sont ceux qui renvoient a la psychologie et a l'affectivité (amour, joie, tristesse. » Lasyntaxe © Les phrases exclamatives et interrogatives traduisent L'intensité des sentiments, parfois, contradictoires, qu’éprouve le locuteur. © Le temps dominant est le présent de U'indicatif, car le lyrisme refit les joies ou les matheurs, du locuteur au moment oi il écrit. Les temps du passé peuvent toutefois servir & traduire la mélancolie ou le regret, ou a rappeler des sentiments anciens. > Lerythme et les sonorités © Le rythme peut donner aux phirases Uallure d'un élan, d’un soufie, d'une envolée qui exprime les mouvements de me. « Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie! » (Chateaubriand) © La musicalité des phrases tient aussi aux sonorités (assonances, allitérations). « [sue] Sparte méme sembla lavoir oublié. » (Chateaubriand, texte 2, p. 283) > Les figures de style Le discours lyrique utilise en particulier: ~ les figures d'insistance (hyperboles, anaphores...), qui traduisent lintensité de emotion; - les apostrophes, qui interpellent le destinataire: ~ les images (métaphores, comparaisons...), qui portent la marque d'une sensibilité, «ll avait neigé puis gelé pendant la nuit. Tout le pays était cristallin comme du beau verre. On entendait marcher la chaleur légére du soleil.» (Giono) > Lénonciation Le discours lyrique utilise le plus souvent la premigre et la deuxi¢me personne. Il est généra- lement ancré dans la situation d'énonciation (indices de temps et de lieu). » Voir chapitre 22, p. 182. Le lyrisme dans Uhistoire * Dans VAntiquité, les premiers textes yiquesdatent _* Au ave siécle, la pose lyrique éolue et se codife, dur sigcle av. JL. en Gréce: cétaient des poémes _

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