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6 - 2007 < Q a & ® dq £ é t < ° @ a gE 3 z a w a w g < $ < 6 a z a ° w 2 5 a © Pe Mee Pr we ee ee Revue Sénégalaise de Droit des Affaires R.S.D.A. REFLEXIONS SUR LE DROIT DU CAUTIONNE- MENT OHADA Isaac Yankoba NDIAYE ‘Agréyé des Facultés de Droit, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiqus et Politiques de Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Professeu titulaire Tous les créanciers courent un risque inhérent & leur qualité. C’est le ris- que de voir leur débiteur ne pas s'exécuter, donc celui de ne pas étre payés. Mais pour certains d’entre eux, ce risque peut largement étreatté- nué en raison de l’existence de garanties. Les garanties conférent, en effet, au créancier des avantages suscepti- bles de favoriser le remboursement de la eréance. C’est dans ce sens que les garanties renvoient aux sdretés car elles établissent une certaine sécu- rité que le créancier n’aurait pas eue sans elles. Garantie, stireté, sécurité constituent en réalité un triptyque harmo- nnieux ayant pour finalité la satisfaction du créancier 4 I"échéance conve- nue avec le débiteur. C'est la 2éme orientation que I’on retrouve dans I’ Acte Uniforme por- tant organisation des siiretés'. Ce texte abroge, au Sénégal, la troisieme partic du Code des Obligations civiles et commerciales relative au, droit des stiretés (articles 827 1077), Le droit des garanties est donc, au Sénégal et dans tous les pays OHADA, un droit nouveau qu’il s'avére opportun de connaitre pour mieux 'apprécier. Cette double exigence postule une approche dynamique a laquelle ont " Entrée en vigueur le 1" janvier 1998. Adde Droit des Siretés, Bruxelles, Bruylant, 2002.; J. ISSA-SAYEGH,, F. ANOUKAHA, Aminata CISSE NANG, Isaac Y. NDIAYE, OHADA, 62 Isaac Yankoba NDIAYE déja procédé des voix autorisées’, Celles-ci mettent généralement en re- lief les nombreuses innovations apportées par I’Acte Uniforme et qu tra- duigent & la fois un enrichissement et un enforcement du droit des garan- ties’ Mais une législation nouvelle peut étre globalement satisfaisante tout en suscitant quelques interrogations légitimes. It ne s’agit alors point de Mhabituel engouement doctrinal que l'on note & propos de situations juri- diques nouvelles. II est plutét question de bien mesurer la bonne volonté du législateur. Or dans cette perspective, le cautionnement peut certaine- ‘ment servir d’illustration topique. C’est un « contrat par lequel la caution s’engage envers le créancier qui accepte, a exécuter ‘obligation du débitcur, si celui-ci n'y satisfait pas » (art. 3 al. 1), Le cautionnement est une siireté personnelle qui aurait pu voir une for- tune modeste. C’était un service d’ami. I! n’a pas perdu sa conception originelle, mais il a connu un essor remarquable accompagné de nouvelles valeurs. II est de moins en moins gratuit et de plus en plus professionnel tL ainsi subi une mutation profonde que I’Acte Uniforme ne pouvait oc- cutter’ La caution y reste toujours un débiteur de second rang ; ses rapports avec le créancier ne se dévoilent que lorsque le débiteur principal est dé- faillant. La caution s'est engagée & payer la dette d’autrui ; elle prend ainsi des risques. Il s'avére nécessaire de lui en faire prendre conscience ; le souci est de lui éviter toute désagréable surprise. Parallélement, il y a liew de donner confiance au etéancier. Or I'incertitude sur l'existence ou la vali- dité du cautionnement est fatalement source d’inquiétude. Manifestement, le Iégislateur n'a pas perdu de vue cette double préoc- cupation. I! s'est évertué a donner au cautionnement une physionomie des *Cf.J. ISSA-SAYEGH, Le nouveau droit des garanties de l'OHADA, ohada.conVDoct. 0.02.15.2003.10.04, J.ISSA-SAYEGH, anice prévité “ISSA-SAYEGH et ali op. cit, p.9. Réflexion sure droit au cautionnement OHADA 8 temps modemes tout en lui conférant des traits familirs. Mais I’harmonie a toujours été fonction de I'équilibre qui la soutient. C'est ainsi qu’au-dela de lopposition naturelle ’intéréts entre la caution et le créancier, il a fallu instaurer un esprit de collaboration, de coopéra- tion, C'est un dialogue permanent qui traduit lidée de transparence dans le cautionnement (Premiere partie). Toutefois, cette orientation ne révéle sa pertinence que si elle parvient 4 pallier juridiquement linsolvabilité du débiteur. C'est par sa finalité que se mesure I’efficacité du cautionnement (Deuxiéme partie). PREMIERE PARTIE - LA TRANSPARENCE DANS LE CAU- TIONNEMENT La transparence est une notion polysémique*. Elle fait pattie de ces nouveaux principes qui accompagnent toute société démocratique®. Mais Tidée renvoie toujours & celle de limpidité, de claré, Elle apporte au droit tune certaine physionomie qui participe de la qualité de la régle. C'est ain- si que dans le droit du cautionnement, elle permet & la caution de s’engager en toute conscience (A) avec le souci constant de lui éviter cer- taines surprises (B). A. La transparence dans la formation du cautionnement Elle trouve son support essentiellement dans les. dispositions de Vanticle 4 de lActe Uniforme qui envisage a la fois I’expression du consentement (1) et la réalité du cautionnement (2). C'est ce dédouble- ‘ment qui a alimenté la discussion sur fe caractére formaliste du caution- rnement (3). +E, GARAUD, La transparence en droit commercial, Thise, Limoges, 1995; J. CAR- BONNIER, Propos introductfs sur la transparence, Rev. Jur. Com, 1993, p.9et'.:1.D. BREDIN, Remarques sur la transparence, Rev. Jur. Com., 1993, p. 17 et suiv. ; Ch DEBBASCH, Introduction, in La transparence en Europe, CNRS, 1990, p. 11 J. MES ‘TRE, Transparence et droit des contras, Rev. Jur. Com., 1993, p. 79 et ©. AVRIL, La transparence de la vie publique, Rev. Jur. Com, nov. 1993, p. 19 ets. 4 Isaac Vankoba NDIAYE. 1) L’expression du consentement Larticle 4 alinéa ler de I’Acte Uniforme est radical: « Le cautionne- ment ne se présume pas quelle que soit la nature de l'obligation garantie. ‘A peine de nullité, il doit étre convenu de fagon expresse entre la caution et le créancier ». Une compréhension « simple » de ce texte signifie, sans aucun doute, que la volonté de s’engager des deux parties doit étre clairement établie. ‘Crest I'illustration la plus manifeste de la transparence. Le cautionnement ne doit résulter ni des circonstances, ni de latitude des parties. C’est le cautionnement implicite,tacite, que I"Acte Uniforme réprouve, Loption du législateur, quoique clairement affirmée, laisse cependant subsister au moins deux interrogations. lest possible d’abord, de relever que la nature de la nullité n'a pas été précisée. On pourrait, a priori, incliner pour la nullité relative en partant de Vidée que le cautionnement présente des risques, surtout pour la cau- tion. C'est, en effet, surtout la protection de celle-ci qui en cause, Dans cette perspective, seule la caution pourrait se prévaloir de cette nullité de protection ; seule elle serait hablitée & l"invoquer. Mais il faut reconnaitre que la formulation du texte ne semble guére militer en faveur de cette interprétation. Le consentement exprés est exigé des deux parties, méme s'il peut paraitre singulier de voir un créancier invoquer la nullité d’un ccautionnement souscrit en sa faveur. Cette réserve ne saurait cependant constituer un obstacle I'admission d'une nullité absolue, dés linstant que le législateur semble envisager le cautionnement tacite comme hypothése d’absence de consentement. Ensuite, au-dela ou partir du cautionnement nul pour défaut de consentement exprés, peut-on admettre la reconnaissance d'une autre ga- rantie, notamment une lettre d’intention ? Lrexpression désigne trés différemment une garantie donnée sous la forme d'une lettre par laquelle une personne fait connaitre 4 un créancier son intention de soutenir le débiteur dans I'exécution de son engagement- Reflexion sur le droit du cautionnement OHADA 65 7. Bien souvent le créancier ne réagit a cette correspondance qui le rassure qu’ partir de la défaillance du débiteur (On sait aujourd’hui qu'il ne peut étre donné aux lettres d’intention une analyse juridique unique® : tout dépend des circonstances et des termes cemployés a partir desquels, on pourra déduire la volonté des parties. Dans certains cas, la lettre d'intention est considérée comme une simple pro- messe morale, un engagement d’honneur ne liant pas juridiquement son auteur. Dans d'autres, elle peut faire naitre un véritable engagement juri- dique a portée variable Certes, elle ne pourra ici valoir cautionnement en raison des exigences de l'alinéa Ler de l'article 4 de I’Acte Uniforme. Mais selon la maniére dont la lettre est rédigée, rien ne s’oppose a ce que l'on y découvre une obligation de faire ou de résultat a la charge de son auteur. Ine faudrait done pas exclure que, par ce détour, on ne reconnaisse au cautionnement implicite une certaine valeur juridique. L'exigence de transparence laisse donc toujours subsister un doute que la réalité du cautionnement n'est pas parvenue a dissiper. 2) La réalité du cautionnement Payer une dette, surtout celle d’autrui, n’est guére enthousiasmant, On comprend donc que la caution soit amenée & contester la réalité méme du cautionnement. C'est ce que I’Acte Uniforme a entendu limiter en régle- ‘mentant avec minutie les moyens de prouver le cautionnement. Le systéme mis en place par l’alinéa 2 de l'article 4 repose sur un prin- cipe général qu'il faut concilier avec une situation particuliére. écrit est nécessaire parce qu’aux termes de la loi, le cautionnement 7D. MAZEAUD, Variations sur une garantie épistoaire et indemntaire. La leare mention; J. DEVEZE, Aux frontiéres du cautionnement, Cah. de Entreprise, 1992226; Ph. SIMLER, Les solutions de substation au cautionnement, JCP 19901.3427 * CEJ. DAIGRE, Les substitu du cautionnement Dela ete & la garantie, ou 1 e- ‘anche de ta fibertécontactuelle, JCP, 1992, 6, Supp. n° 6, p. 4 et suv. 66 Isaac Vankoba NDIAYE doit dtre constaté dans un acte signé par le eréancier et la caution. Celle- ci, au préalable, aura de sa main, indiqué dans l'acte la somme maximale garantie en lettres et en chiffres. Et dans I’hypothése de discordance entre ces deux termes, la loi considére que le cautionnement est donné pour la somme indiquée en lettres, Manifestement, Vidée de transparence n’est guére.étrangere a ces di- verses précisions. Mais ce schéma relativement simple a le désavantage ignorer « la caution qui ne sait ou ne peut écrire » L’Acte uniforme a donc, par réalisme’, di faire un emprunt au Code des Obligations civiles et commerciales : « ... (Elle] doit se faire assister de deux témoins qui certfient dans l'acte de cautionnement son identité et sa présence et attestent, en outre, que la nature et les effets de I'acte lui ont été précisés. La présence des témoins certificatcurs dispense la cau- tion de l’accomplissement des formalités prévues par lalinéa précédent » L'intervention des témoins certificateurs opére refoulement de la men- tion manuscrite. II s'agit donc d’une formalité de substitution, Mais la mission des témoins est bien circonscrite: faire savoir la cau- tion quelle est la mesure de son engagement. En d'autres termes, il y a lieu de lui faire comprendre la portée de son engagement ; il faut lui don- ner les moyens de s’engager en pleine connaissance de cause, a bon es- cient. It s’agit toujours de protéger la caution en attirant son attention sur la mesure de son engagement, Nvassiste-t-on pas ainsi a une sorte de glissement dans la nature du formalisme? De la réalité de Iacte, on est passé a la protection du consentement. Or le formalisme probatoire a été surtout retenu pur acqué- rir des certitudes sur la réalité de l'acte. A dire vrai, c'est le formalisme législatif qui a connu une évolution. I s'est fortifié qualitativement : bien souvent, "écrit lui-méme ne suffit plus ; il lui faut un certain contenu informatif. La forme peut ainsi protéger le consentement préventivement, lors méme de la phase précontractuelle, non seulement en renseignant, mais "1.ISSA-SAYEGH, La certification des ates des personnes qui ne savent ou ne peuvent signer, Penant 1991, p, 263 et sui Reflexion sul droit dy cstionnenent OHADA or aussi en attirant |attention, en mettant en garde" Crest exactement ce que I'on retrouve dans le cautionnement avec Vexigence de I’écrit, la mention manuscrite et le rdle des témoins certifi- cateurs. Et c'est la doctrine de la transparence quien est le support. A cet égard, le doute sur la réalité du cautionnement aurait di étre fortement limité. Mais la nature de ce formalise de renouveau a été sollicitée au- trement 3) La nature du formalisme Le cautionnement est-il devenu un contrat formaliste ? Hier encore, il Giait affirmé avec une assurance certaine que le cautionnement est un contrat consensuel : il se forme par la seule volonté des parties contractan- tes, caution et créancier. Le consensualisme est, en effet, le principe en vertu duquel, I'acte juridique ou la convention peut étre valablement conclu sous une forme quelconque'’, On admettait done facilement que le cautionnement puisse étre verbal”, Mais l'évolution contemporaine du droit du cautionnement a quelque peu modifié les données du probleme. C'est ainsi qu'en droit francais, aprés diverses péripéties'®, on a fini par reconnaitre a certains cautionne- ments un caractére formaliste"* L’Acte Uniforme ne s’est pas encore engagé expressément dans cette voie mais il suscite l’interrogation sur ce point. Déja, une certaine doc- trine qui semble majoritaire, a pris le parti du formalisme sans guére cher- ""1.F. FLOUR, Remarques sur Pévolution du formalisme, Eudes Ripert, T. 1, p. 112 et "" B. NUYTTEN, L. LESAGE. Regards sur es notions de consensualisme et de forma- lisme, Defrénois n° 8. 1999, p. 497 et sui: L_AYNES, Formalisne et prévention, in Le droit du eréit au consommateur, Litec 1982, p. 66 et suiv " Sur 'évolution, voir: SARGOS, Le cautionnement, dangers, volution et perspective de réforme, Documentation Frangaise, 1987, p. 33, LANES, Obs, sous Civ. 22 fevrier 1984, J 341 " Amicle 313-7 et 8 Code de la consommation, 68 Isaac Yankoba NDIAYE cher & convainere'’, Pourtant, a l'analyse, la nuance serait plus a propos. Cette doctrine favorable au formalisme a certainement subi I'influence de deux principaux acteurs en la mati. Le législateur et le juge ont, en effet, contribué a cette orientation A pattir de dispositions sensiblement identiques, le droit frangais du cautionnement avait été profondément défiguré. La confusion avait été initiée et installée par le juge. D’un excés de rigueur, on était passé & un cexcés d’indulgence en faveur des cautions. La Cour de Cassation affirmait, de fagon péremptoire, que les exigen- ces manuscrites de l'article 1326 du Code civil ne constituent pas de sim- ples régles de preuve, mais avaient pour finalité la protection de la cau tion'®. La solution ainsi retenue résultait d’une interprétation audacieuse « Les tribunaux se sont emparés de l'article 1326 dont ils ont bouleversé Ie sens et la portée en le combinant avec l'article 2015 » ". Le juge sénégalais, bien avant I’Acte Uniforme, avait adopgé la méme démarche : « attendu que engagement unilatéral qui n’a pas respecte les Prescriptions relatives aux actes sous-seings privés portant cagetement unilatéral ne saurait s’analyser en contrat de cautionnement. Lhistoire mouvementée de la mention manuscrite n'est donc pas Gtrangére a cette inclinaison radicale. Mais depuis, le droit francais est revenu a une lecture plus orthodoxe de l'article 1326 combiné ou non avec les dispositions de l'article 2015 du Code civil”, On aurait donc pu penser légitimement que I Acte Uniforme se passe- rait des turbulences connues & cet égard. Or les innovations apportées ont €u pour effet de susciter des difficultés de méme nature. "A. SAKHO, LY, NDIAYE, Pratiques des garanties de eréi, Revue Afficaine de Banque, 1998 ; F. ANOUKAHA, Le droit des siretés dans I'Acte Uniforme OHADA, 1996. “* Ph, SIMLER, Le juge et la caution : Excés de rigueur ou excés d'indulgence. ""L. AYNES, Obs. Civ. 22 février 1984, D. 86.1341 "Trib. Dakar, 13 mai 1989, EDJA n° 19, p14 et suv. "* Civ. 1989, JCP 89, p. 1049, obs. LEGEAIS. i | | | | Réflexion sur le droit du cautionnement OHADA. oo Dans I"Acte Uniforme, la mention manuscrite est devenue une exi- gence autonome, détachée de la théorie générale des actes juridiques” ; elle y est, par ailleurs de portée générale. II s'agit certainement lA de deux innovations majeures mais dont I"impact ne semble pas avoir été suffi- samment pergu par le législateur. L’autonomie de la mention manuscritetransparat & travers la place qui lui est expressément réservée par I’Acte Uniforme. Mais on peut étre amené a se demander s'il ne s’agit pas d’une place usurpée. C'est parce ‘que dans le méme temps, I'Acte Uniforme précise que le cautionnement doit étre constaté par écrit et signé des deux parties et qu'il doit étre cconvenu de fagon expresse A peine de nullité, Iy a la une juxtaposition qui facilite I’amalgame. Ne voit-on pas déja la les signes d’un double emploi, et surtout, n’ ‘on pas adopté ainsi une solution en parfaite adéquation avec ce qui devra tre un contrat formaliste : « le formalisme est l'exigence qui consiste & subordonner la validité d’un acte au respect d’une forme particuliére ou a Vaccomplissement de formalités déterminges ; en dehors de la forme im- posée, les consentements exprimés sont impuissants & faire maitre des obligations »" Par ailleurs, la généralisation de la mention manuscrite a pour effet de dépasser les distinctions selon le type, selon la nature ou la forme du cau- tionnement : tous les cautionnements devraient étre soumis & l'exigence de la mention manuscrite”®. Or, on sait qu'il y a des cautions plus avisées que d’autres, qui sont déja suffisamment conscientes de la portée de leur engagement. Ne faudrait-il pas alors considérer que seules les cautions civiles, géné- * Y. KALIEU, La mention manuscrite dans le cautionnement OHADA, ohs- da.com/doct.2003.10.04.0 032. °"L. LESAGE, ate pri ” N. DUTOUR, F. VIGNALE, La mention manuscrite et acteauthentique, Defrénois, 1998/4, p. 219 et suiv A. MEDINA, Formalisme et consentement dans le contat de cationnement: évolu- tion dela jurisprudence, D. 2002, Chr. 2787 et sui 70 Isaac Vankoba NDIAYE ralement profanes, doivent bénéficier de la protection recherchée & travers la mention manuscrite ? A ce propos, ila été fait remarquer, a juste tire, qu'une telle solution ne serait guére en harmonie avec’ la. politique harmonisation du droit des affaires, tout en introduisant une casuistique susceptible de mettre en cause d'autres dispositions de I’ Acte Uniforme. De méme, dans le cautionnement authentique, on peut sérieusement douter de I'utilité de la mention manuscrite. En effet, quel que soit le rale que l'on compte faire jouer & la mention manuscrite, l'acte authentique devrait y échapper. On peut constater que la définition de ce rdle a évolué, Partant d’une exigence formelle vers une conception probatoire de la for- mule. Or dans ces deux conceptions, la mention manuscrite dans l'acte notarié est inutile, S'ils’agit d'une rege de preuve, 'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme“, S'l s‘agit d'une régle de forme, les conseils dispensés par le notaire la remplacent avantageuse~ ment’, Dans ces conditions, il s'avére imprudent, voire hasardeux, de retenir une solution radicale ct définitive, sauf a vouloir faire de la men- tion manuscrite un « monstre juridique »™ Cortes, le souci du lgislateur, semble-til, ait d’éviter les divergen- ces dinterprétation suscitées ailleurs” depuis plusieurs années par la mention manuscrite. Il n'est pas évident qu’il y soit parvenu, La mention manuscrite dans I'Acte Uniforme est source de profondes heésitations, car elle est marquée par une ambivalence certaine: la transpa- rence y cohabite avec I'opacité La combinaison des alinéas | et 2 de Warticle 4 oriente, avec une forte inclinaison, vers la reconnaissance du caractére formaliste du cautionne- ‘ment. C'est une option qui peut étre facilement justifiée. Le formalisme Présente, en effet, de nombreux avantages par rapport au consensualisme : Ctra *L. AYNES, Formalisme et préventon, anicle préité; N. DUTOUR, F. VIGNALE, anicle présite * Ph, SIMLER, Juris-Classeur Droit civil, articles 20.11 & 20.43, 0° 41; dans le méme sens: P. CROCQ, Les développemenisrécents de 'obligation d'information de la cau ‘ion, Mélanges CABRILLAC, Dalloz, Litec, 1999, n° 13 et 14 *7Y. KALIEU, op. cit Reflexion sur le droit du cautionnement OHADA, a retarder la formation du contrat la signature d'un écrit, ou imposer son contenu, minimal ou détaillé, permet d'assurer, selon les eas, la sécurité juridique, Pefficacité et la prévisiilité du contrat ou la protection de une des parties. La forme permet ainsi au contractant d'avoir véritablement conscience d’étre engagé™. Mais le formalisme n’est un mode de formation adapté & sa fin que s'il ne crée pas pour l'un des contractants, tout aussi digne de protection, un danger ou un inconvénient supérieur & celui qu’il a précisément pour but d'éviter & Pautre. Certes, la sécurité a un prix, mais on peut toujours met- tre au débit du formalisme le risque de voir le contrat invalidé par une simple irégularité de forme au bénéfice d'un contractant de mauvaise fo ‘Crest plutét pour d'autres raisons que le caractére formaliste du cau- tionnement dans |" Acte Uniforme ne peut étre soutenu sans réserve. On peut d’abord relever le raccourci opéré dans I'interprétation de Varticle 4 de I'Acte Uniforme. Les auteurs partisans de la these formaliste du cautionnement s"arrétent & la combinaison des alinéas 1 et 2-Or les dispositions subséquentes prévoient sans équivoque des formalités de substitution en l'absence de mention manuserite™. Ensuite et surtout, il est admis aujourd'hui?” que le regain ou la tenta- tion du formalisme n'est guére incompatible avec le caractére consensuel du contrat. On peut done convenir, que l'article 4 de I’ Acte Uniforme est le texte sur lequel il a été annoté le plus grand nombre d’inexactitudes”' ; il reste aujourd’hui encore un texte qui renferme de grosses incertitudes. Mais si, malgré tout, a preuve état faite que le légistateur avait voutu faire du cautionnement un contrat formalist, il faudrait alors convenir de la maladresse du discours. Et il n'est jamais trop tard pour se faire mieux comprendre * A. MEDINA, Formalisme et consentement,atcle précité CF supra. L. AYNES, Formalisme et préventon, in Le droit du exédit au consommateur, article recite "Isaac Y. NDIAYE, Le cautionnement dans I"Acte uniforme : un contrat défiguré ou revigoré, Rev. Sén. Dr. Aff. n° I, janvierjuin 2003, p. 5 et suivantes. | R Isaac Yankoba NDIAYE La protection de ta caution au-dela de la formation, du contrat constitue un autre souci. B, La transparence aprés la formation du cautionnement Lobligation d'information a la charge du créancier (2) en est le sup- port. La légitimité du fondement (1) ne saurait pour autant altérer le ca- ractére unilatéral du contrat de cautionnemeat (3). 1) Le fondement de lobligation "information Une fois que la caution s'est engagée, s’ouvre une période d’attente, d’incertitude, pendant laquelle Vessentiel se déroule entre le créancier et le débiteur principal, et ob ta caution est trés largement « hors jeu » : rien ‘ou presque ne se passe pour elle. Or cette période d’attente peut durer trés longtemps, et c’est ce qui favorise cette « étonnante faculté d’oubli » de son engagement par la caution. Mais dans le méme temps, le cautionnement revét pour la caution, les dangers d'un véritable acté d'endettement™. Le cautionnement peut se révéler beaucoup plus dangereux encore que emprunt augue il est sou- vent comparé”’, En effet, au moment de la conclusion de son engagement, la caution n’envisage pas ou trés peu, I'hypothése de la défaillance du débiteur principal. Et lorsque celle-ci survient, elle court aussi le risque de Vignorer, ce qui peut I'empécher de prendre linitiative d’un paiement immédiat du créancier pour éviter d’avoir a payer, en outre, des intéréts de retard et des pénaltés. Au contraire, dans un emprunt, 'emprunteur sait qu’il devra rembourser, eta tlle échéance. Pour prémunir la caution de tous ces risques, le législateur est interve- nu. Il aurait pu faire délivrer un exemplaire de 'acte a la caution afin de lui rappeler son engagement. En dépit de la signature des deux ps acte de cautionnement, il a choisi une autre solution qui participe du méme souci, mais certainement avec plus d'efficacité espérée : informer de fagon constante la caution durant la vie du contrat 295, * CEB. OPPETIT, L’endettement ct le doit, Mélanges BRETON et DERRIDA, etsuiv. YLPh. SIMLER et Ph, DELEBECQUE, Les siretés, la publicité foncie, Dalloz, 3° Edition, n° 60, p. 62. suiv. Réflexion sur le droit du cautionnement OHADA B Tout est fait, en effet, pour rappeler A la caution qu'elle a des engage- ments ; tout est fait pour que la caution ne soit pas surprise par ’action du créancier contre elle. L’information est ainsi utilisée comme sonnette d’alarme, C'est un parti pris du législateur en faveur de la partie vulnéra- ble, la caution, afin que celle-ci en tire le meilleur profit™*. It s‘agit 1a d'une avancée remarquable car, pendant longtemps, information de la caution se résumait, pour Vessentiel, & la prise en compte d'un éventuel dol commis par le ctéancier’*. Et on peut méme estimer que I’Acte Uniforme a dépassé sa source dinspiration. En effet, en droit frangais, information de la caution a connu un déve- loppement considérable qui s'est aujourd'hui traduit par un engouement & la fois législatif et jurisprudentiel”®, Mais dans une démarche, semble-t-il, peu cohérente?”, par suite d’un manque d’harmonie et de clarté, avec des curnuls et des lacunes”*. Or ici, le droit a information n’apparait pas comme une faveur accor- dée A certaines cautions. Elle a une portée générale : toutes les cautions, personnes physiques et morales, sont en droit d’attendre cette information ui doit étre fournie par le créancier. L’information de la caution n’est pas non plus lige a la nature du contrat de cautionnement. L'article 14 de l'Acte Uniforme ne prévoit aucune restriction. I n'est certes pas exclu que l'on retrouve le débat sur la distinction tre les cautions avisées et les cautions profanes™. Mais tout incline a ce que le juge africain opére une rupture si la question lui est posée. * p CROCQ. Les développementsrécents de lobligation d'information de la caution, Mélanges CABRILLAC, Dalloz ~Litec 1999, p. 352, ™ PLCROCQ, article préité 2» CFM. CABRILLAC sous Cass. com, 13 oetobre 1998, RTDC com., 199, p. 173 et >” D. PARDOEL, Les obligations information de la caution, Petites Affiches, 3 juillet 2001, n° 131, p. [20 et suv. » D, PARDOEL, ib. » D, VILLANI, Les cautions « informeées » sontlles soumises & un régime particulier? RTD com, p.291 et suv. 14 Isaac Yankoba NDIAYE information par le créancier est un droit intangible dont ne peut dispo- ser la caution, Et méme si la pratique est controversée, elle ne peut pros- pérer avec I'Acte Uniforme qui dispose que toute clause contractuelle, ‘notamment celle dans laquelle la caution renonce a son droit d°étre infor- mmée, est réputée non écrite (article 14 alinéa 4). C'est done sous cette physionomie qu'il convient d’envisager la mise en ceuvre de lobligation d'information 2) La mise en ceuvre de obligation d'information Elle a un domaine relativement étendu, car elle vise toutes les vicissi- tudes qui surviennent durant l'exécution du contrat. L'obligation ¢’information se présente, en effet, sous deux formes différenciées. D'abord, aux termes de Marticle 14 alinéa 2 de I"Acte Uniforme, le créancier est tenu « d’aviser la caution de toute défaillance du débiteur, déchéance ou prorogation du terme... ». La prorogation du terme doit tre notifige la caution. Celle-ci doit expressément l'accepter pour y étre lige. La déchéance du terme encourue par le débiteur principal subit le méme sort, méme si elle ne peut s’étendre automatiquement & la caution, nonobstant toute clause contraire (article 13 alinéas 3 et 4). {1 s'agit fa d'incidents dans les relations entre le eréancier et le débiteur principal qui sont de nature a semer le doute sur la possibilité ou la volon- t€ de paiement par le débiteur principal de sa dette. Dans cette perspective, obligation d'information présente lintérét de permettre a la caution de prendre des mesures de sauvegarde de ses droits, notamment par I'exercice d'un recours avant paiement. C'est en effet, Panicle 24 de I"Acte Uniforme qui dispose que : « la caution peut agir en paiement contre le débiteur principal ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci avant méme d’avoir payé le créan- cier + dés qu'elle est poursuivie ; + lorsque le débiteur est en état de cessation de paiement ou en déconfiture ; ~ lorsque le débiteur ne I’a pas déchargée dans le délai convenu ; lorsque Ia dette est devenue exigible par I’échéance du terme Reflexion sur le droit du cationnement OHADA. 15 sous lequel elle avait été contractée » Méme dans I’hypothése oi la caution ne peut ou ne veut exercer le re- cours avant paiement, |’information sur la défaillance, la déchéance ou la prorogation du terme, lui donne le temps et les moyens de se préparer pour un éventuel paiement. Ensuite, le législateur a eu lopportunité d’accentuer obligation information & propos du cautionnement général oi la caution s’engage & garantir « tout ce que le débiteur principal doit ou pourra devoir au créan- ier » Les cautionnements généraux sont fréquents : cautionnement des diri- geants sociaux pour toutes les dettes de la société, cautionnement d’un compte courant. II peut arriver qu’au moment de I'engagement, le débi- teur principal ne doive rien au créancier. Et méme s'il existe déja une dette, celle-ci, minime au départ, peut rapidement évoluer et atteindre des montants exagérés. Le risque peut done considérablement s'accroitre. C'est pourquoi ici, ‘obligation d'information porte sur I’évolution de la dette : Mais on peut douter de sa pertinence voire de son utilité. En effet, on peut estimer que le risque d’oubli est plus important lorsque la caution Stest engagée 4 garantir les dettes du débiteur principal sans qu’aucun ‘montant chiffré n'apparaisse au moment de la conclusion du contrat. Tel n'est certainement plus le cas lorsque la caution sait que son engagement ne saurait excéder le montant prévu. Or, c'est sous cette figure que se présente le cautionnement général dans l'Acte Uniforme. Sous cette réserve, le créancier est tenu de délivrer & Ia caution une in- formation périodique. II doit lui communiquer, dans le mois qui suit le terme de chaque trimestre, l'état des dettes du débiteur principal, en préci- sant leurs échéances, leurs montants en principal, intéréts et commissions, frais et autres accessoires restant dus ala fin du trimestre écoulé, tout en lui rappelant qu’elle reste libre de révoquer le cautionnement tout mo- ment. Il appartient certainement aux parties de déterminer la forme que doit revétir l'information et le débiteur ne devrait, en principe, étre libéré qu’ extinction de la dette garantie. La situation du créancier a ainsi fortement évolué dans le cautionne- 76 Isaac Vankoba NDIAYE ment. Le eréancier n'est plus dans une position statique dans I'attente de la défaillance ou du risque de défaillance du débiteur principal. Désor- ais, vis-a-vis de la caution, il est tenu d’agir positivement en I'informant chaque fois que de besoin. La nouveauté de lorientation est incontesta- ble. Mais elle ne peut avoir donné au cautionnement un caractére bilaté- ral Traditionnellement, le cautionnement est présente comme un contrat unilatéral: seule la caution y contracte une obligation. Toutefois, il vient d'etre constaté que désormais, le créancier est tenu d'une obligation d'information pendant toute la durée du contrat, Par ailleurs, article 18 alinga 2 de I’Acte Uniforme prévoit que le créancier ne doit pas compro- mettre les autres stiretés qui garantissent éventuellement sa créance et dont la caution espére bénéficier dans le cas oii elle serait amenée a exer- cer son action de remboursement. Sous ce regard, certains n'ont pas hésité a donner a cette nouvelle Physionomie du contrat une signification qui nous parait exagérée: le ‘contrat de cautionnement serait devenu un contrat bilatéral, Certes, la qualification est plus fonction de cas concrets que de princi- pes abstrats. C’est ainsi que la volonté des parties aurait pu y jouer un role déterminant. Les parties sont, en effet, libres de s'engager dans une convention synallagmatique en mettant a leur charge des obligations ma- Jeures"'. Mais méme dans cette hypothése, on ne peut s'empécher de re- cchercher les traits caractéristiques de la convention synallagmatique. Aux termes de l'article 43 du Code des Obligations civiles et commer- ciales, « le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s'obligent “A. SAKHO, |. NDIAYE, Pratique des garantios de erédit, Revue Africaine de Banque, 1998, p. 17. Pus récemment encore : Ndoningar DJIMASNA, Réflexions sur ’efficacité és'siretés personnelles dans le droit uniforme issu du Traité de l OHADA, These Or ans, 2004, ANRT, pp. 49.4 63, Ph, SIMLER et Ph, DELEBECQUE, Les siretés, la publiitéfonciére, Dalloz 1995, Reflexion su le doit du cautionnement OHADA 7 par réciprocité I’un envers l'autre »* Cette définition légale est, en réalité, le condensé d'une doctrine re- nouvelée et bien assise, Pour celle-ci®, la spécificité des opérations synal- lagmatiques est a rechercher dans les obligations des parties : « Les pres- tations réciproquement dues [y] forment un lien si étroit que chacune dé- pend objectivement de l'autre... L’essentiel, ce sont les prestations dues ; elles se servent mutuellement d°appui au point que sans l'une, l'autre per- drait tout son sens », C'est done la nature particuliére des obligations qui donne au contrat tun caractére synallagmatique. Et cette qualification a pour effet de sou- mettre le contrat & des régles spécifiques, telles celles qui gouvernent sa résolution ou l'exception d’inexécution, ou encore celles qui exigent la confection d'un double original pour les actes dressés sous signature pri- vée Peut-on retrouver tous les éléments de cette physionomie dans le contrat de cautionnement tel qu'il est prévu par I"Acte Uniforme ? Il existe de sérieuses raisons d’en douter En effet, il manque au cautionnement de I'Acte Uniforme interdépendance nécessaire entre les _ obligations réciproques engagement de la caution est indépendant de celui du créancier; la cau- tion ne s'est pas engagée ni pour obtenir des informations sur la situation du débiteur, ni pour bénéficier, le cas échéant, de ’exception de subroga- tion, Pour elle, il s'agit la d’obligations qui ont un caractére accessoire. Crest plutot la consideration du crédit accordé par le créancier au débiteur principal qui constitue la cause de son obligation“. Dans ces conditions, il est difficile, voire impossible, de soutenir le ca- ractére synallagmatique du contrat de cautionnement. Celui-ci reste en- core unilatéral, comme d’ailleurs le conforte le formalisme probatoire * En droit fangs, cf, arcle 1102 C. civ. © A. SERIAUX, La notion de contrat synallagmatique, Mélanges J. GHESTIN, LGDJ 2001, p. 777 et suv. “ Ch. ATIAS, Parla grice du droit: la cause de engagement de I caution, Mélanees CABRILLAC, Dalloz ~ Lites, 1999, . 340 et suiv 28 Isaac Yankoba NDIAYE requis en l'occurrence"* Ex ill serait vain de recourir & un « forgage » avec le cautionnement donné 4 titre onéreux : la rémunération de la caution par le débiteur est un élément étranger, extérieur aut apport qui lie le créancier a la caution. Ainsi, de quelque cété qu'on puisse l'envisager, c'est & cette analyse qu'on devrait aboutir. Le mouvement de bilatéralisation perceptible ici et 14 n'est pas encore suffisamment orienté pour faire du cautionnement une «convention synallagmatique en devenir », nouvelle variante du contrat synallagmatique imparfait, L*Acte Uniforme renferme encore certainement d'autres dispositions qui peuvent susciter de nouvelles réflexions. Mais, on peut convenir qu'il a fait subir au cautionnement une opération « glasnost » avec le souci de transparence qui I'accompagne. Le processus serait toutefois inachevé si la finalité du cautionnement n’était pas assurée : 'efficacité du caution- nement. DEUXIEME PARTIE - L'EFFICACITE DU CAUTIONNEMENT. La finalité d'une garantic est d’aboutir la satisfaction du créancier, en dépit du manquement par le débiteur de ses obligations. L’efficacité du cautionnement doit étre recherchée 4 partir de cette orientation. Elle sup- pose toujours la mesure de l"engagement de la caution (A) ; mais de plus en plus, elle risque d’étre altérée par le fait méme du créancier“ (B). A. Lengagement de ta caution L’engagement de la caution est fortement tributaire de celui du débi- teur principal : la caution ne peut devoir plus que le débiteur principal ; elle ne peut étre tenue & des conditions plus onéreuses ; mais elle peut s‘engager 4 moins. C'est ce caractére accessoire du cautionnement qui donne toute la mesure de l’engagement de la caution. Mais le renforce- * CE supra. Contra, Ndoningar DJIMASNA, Thése précitée, qui crit avoir trouvé dans la signature exigée des deux parties un indice dans la recherche du caractére synallagma- tique du cautionnement, p55. “Ch. ANDRE, Le fait du eréanciercontractel, Thése, Paris I, 2000. Reflexion surle droit du cautionnement OHADA 9 ment de l'engagement de fa caution (1) n'y constitue point un obstacle ; c'est I'étendue de cet engagement (2) qui appelle certaines précisions. 1) Le renforcement de engagement de la caution Le renforcement de engagement de la caution transparait & travers deux modalités du cautionnement : le cautionnement solidaire et le cau- tionnement général, Aux termes de article 10 alinéa Ler de I'Acte Uniforme, « te caution- nement est réputé solidaire ». Cest manifestement une inversion des principes qui sopére et qui atténue fortement le caractére subsidiaire de engagement de la caution. Celle-ci ne peut plus invoquer contre le ceréancier le bénéfice de discussion. L’innovation est certes appréciable mais elle traduit une pratique qui avait fini par laisser au cautionnement simple une place résiduelle’”. Par ailleurs, elle reste exposée & une stipulation contraire* et elle perd une partie de son intérét dans I'hypothése d'une pluralité de cautions. En effet, il semble que la présomption de solidarité instituée par article 10 ne conceme que la solidarité entre le débiteur et la caution, et non entre les différentes cautions : « $"il existe plusieurs cautions pour un méme débi- teur et une méme dette, sauf stipulation de solidarité entre elles ou renon- ciation ce bénéfice, chacune d’elles peut, sur premiéres poursuites du créancier, demander la division de la dette entre les cautions solvables au jour of l'exception est invoquée...» Le créancier qui veut pouvoir demander la totalité de la dette & chaque caution doit donc stipuler expressément la solidarité entre les cautions. Par contre, l'admission du cautionnement général peut servir davan- tage au renforcement de la garantie, Malgré le danger d’un tel cautionne- ment®, sa validité a toujours été reconnue™*. Mais I’Acte Uniforme a sen- +” B MATOR, Comparaison, Siretés OHADA, JCP 2004, n° 2005, Cahier du Droit de entreprise, p. 21 et suv “J, ISSA-SAVEGH, La liberté contractulle dans le Droit des siretés OHADA, Penant ‘8° B51, 2005, p. 150 et suv, “Cf. supra $< <<< 80 Isaae Yankoba NDIAYE ti la nécessité de l'encadrer. Aux termes de l'article 9, le cautionnement général doit désormais étre chiffré, limité dans son montant:: « ...il doit étre conclu, sous peine de nullitg, pour une somme maxiznale librement déterminée par les parties, incluant le principal et les accessoires... ». L’Acte Uniforme apporte ainsi lune restriction & I'étendue du cautionnement général. Il semble que sur ce point, le législateur n’a pas pris 'exacte mesure de la politique harmonisation, en occultant l"intérét des cautions professionnelles*'. En effet, a 'égard de ces demigres, linterdiction du cautionnement général illimité peut s'avérer inopportune. Mais c'est certainement le souci de protection des autres cautions qui a été déterminant Le cautionnement général peut étre révoqué par la caution avant que la somme maximale stipulée ne soit atteinte. Et dans cette hypothése, la ré- vocation n’affecte que les obligations du débiteur nées postérieurement. L’Acte Uniforme reprend ainsi la distinction opérée entre « obligation de réglement » et « obligation de couverture », de sorte que l'obligation de réglement des dettes dont l'origine est antérieure & la prise d’effet de la révocation du cautionnement subsiste™. Par ailleurs, le cautionnement général peut étre renouvelé expressément, mais il ne peut garantir que les dettes contractuelles et directes. Cette réglementation du cautionnement général est, & bien des égards, restrictive. Mais ce caractére pourra difficilement résister & la liberté contractuelle des parties” sur certains points. Les parties pourraient no- tamment prévoir une clause de renonciation a la faculté de révocation accordée a la caution, ou encore soumettre lexercice de cette faculté a un minimum de dettes du débiteur, ou @ un préavis. L’Acte Uniforme * Voir par exemple : Cass. Req., 1 mars 1853, DP, 1854.1, p. 342 ; Cass. 1 Civ,, 20 juillet 1978, Bul, Civ. fn 234, LY. KALIEU, ancl précié *C. MOULY, Les causes d’extinetion du cautionnement, Préface CABRILLAC, 1979, Lites. 9.4, ISSA-SAYEGH, La liberté contractuelle dans le Droit des siretés OHADA, Penant n° 851, 2005, p. 150 et su. Réflexion sur le doit du cautionnement OHADA a1 ’écarte pas de tels aménagements, faute d’avoir précisé que la faculté de révocation est d’ordre public. C'est dans la méme perspective que l'article 9 réserve la possibilité pour les parties de convenir de la garantie dans la limite du plafond, des dettes contractuelles antérieures ou indirectes. La liberté contractuelle peut ainsi permettre de renforcer l'engagement du garant. Mais ce demier ne devrait surtout pas en étre la victime, no- tamment a travers létendue de son obligation, 2) L’étendue de engagement de la caution Le caractére accessoire du cautionnement n’élimine pas la question de savoir si la caution est a la fois tenue du principal de la dette et de ses accessoires, L’Acte Uniforme semble reconnaitre, sur ce point, a la mention ma- nuscrite un role exclusif qui laisse néanmoins subsister quelques zones d’ombre, pour n’avoir pas su tirer profit suffisamment de l'expérience du droit francais en la mati. L*histoire mouvementée de la mention manuscrite™ n’a pas, en effet, épargné I’étendue de l"engagement de la caution. Une distorsion profonde s'est opérée au sein méme de la Cour de Cassation. Pendant longtemps, la chambre civile a décidé que les accessoires, quels qu’ils soient, ne sont ‘garantis que si la mention manuscrite est suffisamment explicite®, Dans le méme temps, pour la Chambre commerciale, les accessoires sont de plein droit garantis par la caution®® Aujourd’hui, unification de fa jurisprudence semble se réaliser aprés le ralliement de la Chambre civile: « Attendu, selon article 2016 du Code civil, que ce cautionnement indéfini d'une obligation principale s’étend tous les accessoires de la dette ; que l'article 1326 du méme de limite l'exigence de la mention manuserite a la somme ou a la quan- tite due sans I’étendre a la nature de la dette, & ses accessoires ou a ses M. STORCK, Les accessoires de la dette principale cautionnée, Petites Affiches, 4 septembre 1987, p. 4 et suv. % cass, 1*, 22 juin 1983, Defiénois, 1984, 3325, p.367, Obs. AUBERT. % Cass, com, 16 mars 1999, JCP 99, 1° partie, n° 156, Obs. Ph. SIMLER, JCP Ection E, 1999, p, 1055 et suiv,, Obs. LEGEAIS. 82 Isaac Vankoba NDIAYE composantes”. La solution ainsi adoptée est certainement plus orthodoxe car elle donne a l'article 2016 une lecture plus conforme a sa rédaction : « le cat tionnement indéfini d'une obligation principale s’étend a tous les acces- soires de la dette, méme aux frais de premiére demande, et & tous ceux postérieurs & la dénonciation qui en est faite 4 la caution ». II n'est pas en effet certain que les rédacteurs du Code civil aient visé, & travers ce texte, le cautionnement d'un ensemble d’obligations*. Et selon une doctrine majoritaire, le cautionnement indéfini est celui qui n'a d'autres limites que l’obligation principale™. Dans cette perspective, il peut aussi concer- ner le cautionnement d'une dette déterminée. L’Acte Uniforme n’a pas suivi une telle orientation : il est plutdt en fa- ‘veur du formalisme qu'il a érigé en principe autonome et de portée géné- rale, Sur ce dernier caractére, il semble, en effet, que désormais tous les cautionnements sont soumis l'exigence de la mention manuscrite quant la garantie des accessoires de la dette. La régle ainsi posée ne peut se discuier & propos du cautionnement spécial : « Le cautionnement d'une obligation peut s’étendre... aux acces- soites de la dete... & condition que cet engagement résulte d'une mention manuscrite de la caution conformément aux dispositions de l'article 4 ». En outre, dans la mesure oi la caution doit indiquer un montant maximum dans la mention manuscrite, son engagement aux accessoires ne vaut que dans la limite de cette somme maximale. Le méme souci de précision aurait di habiter le législateur & propos du cautionnement général. Mais l'article 9 de I"Acte Uniforme est plus sert: «... Il (le cautionnement) doit étre conclu, sous peine de nullité, pour une somme maximale librement déterminge entre les parties, in- cluant le principal et tous accessoires ». Cette disposition ne laisse guére apparaitre I"exigence de la mention manuscrite. On peut alors Iégitime- ‘ment s’interroger. "cas. civ. 1,29 octobre 2002, JCP 2002, p. 2175, Obs. D. LEGEAIS. “ 3. LEGEAIS, Obs. JCP 2002, précit * Ph. SIMLER, JCP 1999, Obs, préité C7. KALIEU, antileprésité. Reflexion sur le droit du cautionnement OHADA 8 Un certain courant doctrinal avait semblé soutenir que la mention ma- nuscrite n'est pas nécessaire lorsque la dette garantie est indéterminée. Mais la tendance majoritaire était favorable a ce que méme dans ce cas, la mention manuscrite puisse étre respectée. Dans cette demiére hypothése, comment y procéder dés linstant qu'il est impossible de transcrire en toutes lettres et en chiffres une obligation dont le montant n'est pas dé- terminé au moment de "engagement. Les juridictions se sont done appuyées sur l'esprit de l'article 1326 pour vérifier si la caution avait bien conscience de la portée de son enga- ‘gement au moment de la formation du contrat, C'est ainsi qu’elles exigent que la caution manifeste, de fagon explicite; & travers I’acte, la connais- sance de la nature et de l'étendue de I'obligation qu'elle contracte. Et Pour apprécier cette connaissance, « il doit étre tenu compte non seule ment des termes employés mais également de la qualité, des fonctions et des connaissances de la caution, de ses ¢elations avec le eréancier et le débiteur de obligation cautionnée, ainsi que de la nature et des caracté- ristiques de cette derniére » Il ne parait pas nécessaire de passer par un tel détour, fit-il judicieux, en dépit du silence de I'Acte Uniforme sur la mention manuscrite. Le Ié= agislateur a, en effet, levé obstacle de lapplication littérale : le caution- rnement général doit étre convenu « sous peine de nullité, pour une somme maximale ». Le cautionnement général a donc dans I’Acte Uniforme un montant déterminé. Mais méme sous cette forme atténuée, il présente tou- Jours de gros risques pour la caution. C'est pourquoi, ici plus qu’silleurs, il faudra veiller & vérifier que le consentement de la personne qui s'est obligée a &té donné en toute connaissance de cause. La mention manus- crite peut certainement y contribuer. « L’oubli» du législatcur ne saurait compromettre cette option L'exigence de la mention manuscrite pour tous les cautionnements mépuise pas cependant les interrogations et incerttudes. On peut tout dabord se demander quelle est portée de I'annexion de la convention principale au cautionnement. S'agit-il d'une exigence spéciale pour la seule garantie des accessoires, ou faut-il la considérer comme une forma- lité qui vaut pour tous les cautionnements ? Les parties peuvent-elles dé- cider de l’écarter, ou encore quelle est la sanction du défaut d’annexion ? Les réponses qui peuvent étre apportées a cette série d'interrogations sont certainement utiles. Elles paraissent cependant quelque peu mineures 84 Isaae Yankoba NDIAYE pour mettre en cause I’existence ou la validité du ‘cautionnement™ Par contre, 'hésitation se traduit par une vive inquiétude lorsqu’il s'agit d'opérer une articulation avec les dispositions du droit douanier. L'immixtion de la caution dans les opérations douaniéres est assez. fré- ‘quente. C’est ainsi que l'article 298 du Code des douanes se prononce sur étendue de l'engagement de la caution : « Les cautions sont tenues au. ‘méme titre que les principaux obligés de payer les droits et taxes, pénali- tés pécuniaires et autres sommes dues par les redevables qu’elles ont cau- tionnés », C'est 'interprétation qui est faite de ce texte qui suscite une forte ré- serve. En effet, la Cour de Cassation® confirmant la Cour d’Appel® dé- cide que «La caution douaniére n’est pas, dans ses rapports avec administration des douanes, ni une caution proprement dite au sens du C.O.C.C., ni un co-débiteur ordinaire, mais un redevable au méme titre {que le principal oblige lui-méme et soumise comme telle 4 des régles exorbitantes du droit commun ; qu’ainsi, la caution est tenue, outre le montant des droits et taxes, att paiement des pénalités pécuniaires et des intéréts encourus, méme si ces sommes dépassent le contrat de caution- nement par effet d’une fraude non prévuen. L'article 298 du Code des douanes est certainement maladroitement rédigé ; mais son interprétation ne devrait pas aboutir & une telle dénatura- tion. Manifestement, la jurisprudence a fait dire au texte ce qu'il ne dit pas. L’article 298 aurait pu étre compris seulement comme une disposi tion consacrant le principe de la solidarité du cautionnement en matiére douaniére. Dés lors, ni la spécificité du droit douanier, ni les régles du cautionnement, ne peuvent venir au soutien de cette jurisprudence: la caution méme solidaire ne peut étre tenue au-dela de ce que doit le débi- teur. Le rajout jurisprudentiel dénature totalement le contrat de caution- nement. La reconnaissance d'un cautionnement a premiére demande™ © B. MATOR, article précté; J. ISSA-SAYEGH, La liberé contractuelle.., article preci © 12 février 1994, Administration des douanes e/ BELBOL, inéit. © C.A. Dakar n? 298, 25 mai 1992, init. “A, ROHMERT, Le cautionnement 3 premiére demande en droit allemand, Rey. Dr. Dancaire et bourse, 1994, 122. Réflexion sur le droit du cautionnement OHADA 85 nest pas, pour le moment, a l'ordre du jour’. Il y a lieu, par suite de veil- ler & ce que cette jurisprudence ne survive I’Acte Uniforme. Mais il faut aussi, et c'est l'essentiel, revenir sur le texte. L’article 298 du Code des douanes devrait se conformer & I’Acte Uniforme qui ne donne pas au cau- tionnement solidaire un caractére impératif. Par ailleurs, extension de engagement de la caution aux accessoires de la dette y est subordonnée & la mention manuscrite. On ne peut, dés lors, s'accommoder de cette situa tion L'exigence de conformité du droit douanier a I’Acte Uniforme trouve sa source dans la supranationalité du droit communautaire OHADA posée par l'article 10 du Traité : « Les Actes Uniformes sont directement appli- cables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toutes dispositions contraires de droit interme, antérieures ou postérieures », L’Avis n? 1/2001 du 30 avril, 2001 de la Cour Commune et d’Arbitrage® en confirmant ce texte, a précisé que les dispositions contraires s'entendent de toutes dispositions d’un texte législatif ou ré ‘glementaire qui, dans la forme, le fond ou l’esprit, eontredisent les dispo- sitions de I’Acte Uniforme, : ‘Avant l'avénement de I’Acte Uniforme, le droit douanier pouvait pré- valoir sur les dispositions du Code des Obligations civiles et commercia- les, en vertu de la régle specialia generalibus derogant. Désormais, un tel argument ne saurait prospérer, I’Acte Uniforme portant Organisation des Siiretés n'ayant pas la valeur d°un droit national. Une autre question non moins fondamentale est celle de lirrégularité En dépit des nombreusesatteintes au carutére acessoire du cautionnement. Contra, Dominique LEGEAIS, Siretés et garanties du erédit, LGDJ, 1996, p. 178. Rappr.: G. POURRET, Les cautions de marchés réglementés en droit fangais: cautions ou garan- ties & premiére demande, Petites Affiches, 992, n° 74, p. 10. F.0. ETOUNDI, MM. BIUMLA, Cing ans de jurisprudence commentée de la Cour Commune de Justice et d°Arbitrage de I"'OHADA (C.CJ.A), 1990-2004, Presses de TAMA, 1 édition, 2005, p. 143 et suiv. Adde J. ISSA-SAYEGH, Réflexions et sug- ‘gestions sur la mise en conformité du doit interne des Etats parties avee les Actes Uni- formes de l'OHADA et réciproquement,Penant 2004, n° 850, p. 6 et suv. oo Isaac Yankoba NDIAYE, de la mention manuscrite relativement a la garantie des accessoires. Il ne sagit guére de I'absence de la mention manuscrite qui se traduirait natu- rellement par l'absence de garantie des accessoires. L’irégularité peut envoyer 4 deux situations : soit la mention manuscrite est incomplete, donc insuffisante ; soit elle est en contradiction avec le corps imprimé de acte. Ces deux situations sont totalement différentes de celle tendant & faire la preuve du cautionnement, en l'absence de mention manuscrite, I ‘agit plutét ici du point de savoir si fa caution a voulu garantir aussi les accessoires de la dette. L'ambiguité ou la contradiction dans ou avec la mention manuscrite souléve done un probléme d’interprétation du contrat. Faute de l'avoir envisage, le législateur n'y a pas apporté de solution. Mais les méthodes d’interprétation du droit civil sont suffisamment éprouvées pour aboutir 4 fa bonne interprétation ; l'office du juge sera alors déterminant™. II reste que Tefficacité du cautionnement peut aussi étre altérée par I'absence de Vigilance du eréancier. B. Le fait du créancier Résister a une demande en paiement, surtout pour une dette d’autrui, est une réaction relativement normale, méme si c'est par suite d'un enga- gement librement souscrit. Done pour la caution, toutes les voies sont & explorer et notamment celle qui a trait a la faute du créancier. Le moyen est a priori quelque peu singulier car lorsqu’il aboutit, le créancier aura Contribué a rendre inefficace sa propre garantie dans une limite plus ou moins étendue. La faute du créancier peut en effet, avoir un double effet : soit elle est privative de droit (1), sit elle est génératice de responsabilité Q). 1) La faute privative de droit Le créancier commet une faute pour n’avoir pas respecté l'obligation d'information mise & sa charge ; de méme, est-il fautif sil ne permet pas la mise en ceuvre de la subrogation au bénéfice de la caution ? Au Sénégal, ce sont les ales 99 103 du COCC qui reprennent les régles classique ‘interpréiation du contrat. Adde G. MARTY, Le réle du juge dans l'interprétation des ‘ontals, Travaux Association H, CAPITANT, 1949, p. 84etsuiv. ; TERRE, SIMLER et LEQUETTE, Les obligations, %édition, Dalloz 2005, p. 449 et suiv. Réflexion su le doit du cautionnement OHADA 87 Désormais, toutes les cautions sont bénéficiaires d’une obligation d'information que le créancier est tenu d’exécuter: « A défaut... le créancier est déchu, vis-d-vis de la caution, des intéréts échus depuis ta date de la communication de la nouvelle information... ». C’est unique sanction prévue par la foi, quelle que soit la forme du cautionnement. On peut douter de son caractere dissuasif, mais c'est certainement une sanc- tion a la mesure de la faute comumise Léolatement de la notion fait que la physionomie de la déchéance est difficile a dégager. La déchéance est traditionnellement considérée ‘comme la privation d’un droit” ou plus exactement d’un avantage parti culier lig a ce droit. C'est exactement le cas du créancier qui ne respecte pas les formalités d'information de la caution : il est simplement déchu, pour la période considérée, de la couverture des intéréts. Par voie de cconséquence, si la caution reste tenue de couvrir le capital, son obligation cesse pour les accessoires dés qu'elle n'est plus informée, Ainsi, la dé- chéance semble appartenir & ce type de reactions qui prévoient une ré- ponse proportionnée au manquement. Crest sous cet aspect, qu’elle s'apparente & la réfaction”' ou a la nlite partielle. A cet €gard, I"Acte Uniforme n’a pas sent le besoin de préciser Jes modalités de mise en euvre de la déchéance ‘Traditionnellement, lorsque la sanction est prévue par une clause parti culiére, son bénéficiaire peut invoquer immédiatement, et de fagon unila- térale, son application” & L'instar de 'exception non adempleti contrac- tus. Ici, son origine léyale s’oppose a ce que le bénéficiaire puisse tirer seul les conséquences de la réalisation du manquement. La caution doit donc invoquer la déchéance devant le juye, & moins qu'elle n’ait la faculté de solticiter ou non son application. Mats cette faculté d’invocation est Ct supra ~S, MARNIERRE, Le déchéance comme mode dentition d'un dit, RTDC 1933, p. 137 ™ 0, SAUTEL, Sura déchéanceen dit pris Uallaz 1999, Chr p. 487 et suiv CE ALBIGES, Le développement discret ds ly :2fstion du contrat, Erudes M, CA- BRILLAC. Litee ~Dallor 1999, p. 3 et su: auf stipulation contaice. 88 {sage Yankoba NDIAYE totalement altérée par I'Acte Uniforme qui reconnait & la sanction un ca- ractére d'ordre public, car toute clause contraire est réputée non écrite (article 14 alinéa 4), Le juge est ainsi tenu de relever d'office la déchéance des intéréts dés Frinstant que le eréancier aura manqué a son obligation d'information. La loi ne semble d’ailleurs lui laisser aucune liberté d°appréciation : lorsque les conditions de la mise en ceuvre sont réunies, le juge perd tout pouvoir quant a l'opportunité de prononcer la sanction”. I reste toutefois que la déchéance marque le régne de la mesure ; elle ne prive ni en deca, ni au-deld de ce que le manquement fautif appelle”* Pourtant la sanction peut paraitre inadaptée par rapport a l'inexécution de Pobligation d'information sur la défaillance du débiteur”’. La caution Pourrait-elle obtenir plus sur le fondement de l'article 18 alinéas 2 et 3? En effet, aux termes de ce texte : « la caution simple ou solidaire est déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne Peut plus s'opérer, en sa faveur, par le fait du eréancier. Toute clause Contraire est reputée non écrite. Si le fait eproché au créancier limite seu- lement cette subrogation, la caution est déchargée 4 concurrence de Vinsuffisance de la garantie conservée ». L'application de l'article 18 porte extinction de l'obligation de régle- ment 4 laquelle est, en principe, tenue la caution, Cette cause de décharge, classiquement dénommée « bénétice de cession d'action ou de subroga- tion », permet a a caution de faire reproche au eréancier poursuivant de ne as avoir sauvegardé a l'encontre du débiteur principal un droit, une ga- Tantie, un avantage particulier ou une préférence dont la caution aurait pu bénéficier aprés paiement dans le cadre de l’exercice de son recours su- brogatoire”® Larticle 18 apparait done comme une parfait illustration du caractére accessoire du cautionnement. Certes, aujourd'hui, en doctrine, l'heure est 0, SAUTEL, Sur la déchéance en droit privé, article précté * 0. SAUTEL, article précié ”*B. MATOR, article précit ” BETANT-ROBERT, La décharge de la caution par application de Vaticle 2037, RTDC 1974, p, 309 et suiv. Reflexion sur le droit du cautionnement OHADA. 89 4 la dénonciation généralisée de l'importance excessive donnée au carac- tere aecessoire du cautionnement dans a détermination du régime de cette sireté’’, notamment en cas de procédure collective subie par le débiteur Principal. Ainsi, certains invoquentils ce caractére pour fare profiter & la caution des délais et remises consentis par les créanciers”. D'autres estiment au contraie, qu'il n'est pas logique de faire profiter les cautions de ces mesures alors que le risque pour lequel le créancier s'est prémuni est réalisé. D'autres enfin™ font des distinctions entre les cautionnements ou encore les mesures consenties par les eréanciers. lest vrai qu’en droit francais, la perplexité a été amplifige par les arti- fices de Ia distinction entre les exceptions inhérentes a la dette et les ex- ceptions personnelles au débiteur"'. L’Acte Uniforme a eu la sagesse d'ignorer cette opposition qui, « comme un parasite, perturbe dangereu- sement les mécanismes du cautionnement »™. Mais il serait peut-étre judicieux de trouver un équilibre entre le carac- tére accessoire du cautionnement et sa fonction de garantie ; et le bon sens serait de sabrifier le caractére accessoire toutes les fois oii le débiteur dé faillant est soumis & une procédure collective, car le propre d'une siireté est de pouvoir étre mise en ceuvre quand le débiteur est défaillant, Sous cette réserve, c'est le caractére accessoire du cautionnement qui permet la caution d’invoguer la faute du eréancier. Le bénéfice de Vrarticle 18 est bien une exception, celle que la caution peut soulever pour bloquer action en paiement dirigée contre elle en exécution de la sireté personnel ” MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Les sirctés, la publicté fonciére, Sirey 1985, n° 52; Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Les siretés, la publicité fonctre, Dalloz n° 24 ™ Ph, MALAURIE, L. AYNES, Les setés a publicitéfonciére, Cujasn® 256 ”'M. CABRILLAC et Ch. MOULY, Droit des siretés, Lites, 3*élition, n® 214, "D, LEGEAIS, obs. Cass. civ, 13 nov. 1996, JCP E n® 3, p. 903-904, "A. SCHNEIDER, Des exceptions que la caution peut opposer au exéancier, JCP n° 12, 0 mars 2002, Doct. 1.121 © A, SCHNEIDER, article précité 90 Isaac Yankoba NDIAYE La rédaction de l'article 18 semble ouvrir la voie 4 une interprétation large. Il ne serait donc pas surprenant d’aboutir & une extension du do- maine du bénéfice de subrogation : le fait du eréancier y est généralement congu comme un fait fautif mais pouvant s’appliquer aussi bien la né- sligence qu’a la commission d'un acte ; de méme, la caution devrait pou- Voir invoquer la perte de toute garantie dont elle peut légitimement croire quielle allait tre constituée par le créancier ou la perte de tous droits qu'un créancier normalement diligent aurai da constituer”. Mais encore faudrait-il que le fait fautif soit imputable au seul créancier™. Quel que soit le fondement*® qu’on tui reconnait, le bénéfice de ces- sion d'action peut contribuer plus au moins facitement a la décharge de la caution. Et rien ne sembie s opposer a ce que celle-ci recherche concomi- tamment & engager Ia responsabilité du eréancier. 2) La faute génératrice de responsabilité L'hypothése est a double détente. On peut d’abord se demander si le bé- néfice de cession d'action et la déchéance pour défaut d'information sont exclusifS de toute responsabilité. En d'autres termes, peut-on les cumuler avec la responsabilité civile du eréancier ? A prior, la réponse est néga- tive parce qu'il s'ayit de mécanismes au domaine respect bien circons- crit. L'un est fa sanction d'un droit ou d’une garantie qui prive la caution de la subrogation aux droits du eréancier ; 'autre est la sanction du man- ‘quement a obligation d°information. En réalité, ces deux mécanismes sont soumnis 3 la méme sanction : c'est toujours la déchéance qu'on leur applique”. Or. ila été vonstaté que cette sanction était caractérisée par sa proportivinalité. il n'est done pas certain qu‘elle soit véritablement ap- propriee lorscu'elte s'applique au défaut d'information sur la défaillance du dsbiteur principai. Par ailleurs, le bénéfice de subrogation, méme lar- gement interprécé. reste soumis & des conditions qui peuvent ne pas étre remplies. :n effet, ta seule perte d’intérét peut ne pas étre a la mesure du préjudive subi, Dans cetwe pe-spective, la caution peut estimer devoir sol- * pvp: ues causes de dénange de Ta caution par le fait du eréanc Droit et pa- trimone, 8°38, jun {996 p. 150 tsi. ™ D. VIDAL. antice précité © D. VIDAL, ails prose. “CLO. SAUTEL, anticle pci Réflexon surle droit da cauionnemeat OHADA 9 liciter le droit commun de la responsabilité. Mais ensuite et surtout, c'est la responsabilité du créancier dispensa- teur de crédit qui peut s'avérer étre un moyen efficace pour la caution 'éviter d’avoir a exécuter son obligation. La fourniture de crédit est au- jourd’hui devenue source de responsabilités assez diverses"’. Le banquier peut en effet voir sa responsabilité engagée pour avoir manqué son de- voir de vigilance, d'information, de conseil, pour avoir accordé un crédit injustifié a un particulier ou & une entreprise, pour avoir brutalement cessé ses concours, pour n’avoir pas veillé au respect de l’affectation des som- mes prétées. Traditionnellement, ces fautes étaient invoquées par les tiers. Au- jourd’hui, il est acquis que la caution également est en droit de se préva- loir de tels manquements, méme si pour certains", la responsabilité du banquier doit étre ici plus sévérement délimitée, dans la mesure oft la cau- tion dispose de divers moyens de défense qui ne profitent pas au débiteur ordinaire. Mais s'il en est ainsi, c’est parce que la caution se prévaut dune faute relative a un crédit accordé au débiteur principal. De méme qu'elle peut se prévaloir d'une cause de nullité ou de résiliation de la convention donnant naissance & lobligation garantie, la caution peut se prévaloir de la faute commise par la banque 4 I'égard du débiteur princi- pal, Pourtant, il existe une différence de nature profonde entre les deux situations. En effet, dans le cadre d’un octroi fautif de erédit ou de rupture fautive de crédit, la caution se plaint de I'atteinte portée a son droit de gage géné ral sur les biens du débiteur. Ce n'est done pas le caractére accessoire du cautionnement qui est en cause. La faute dont se prévaut la caution est ‘extérieure au contrat de cautionnement et aux rapports entre le débiteur principal et le créancier. Le préjudice qu’invoque la caution est d°abord un préjudice réfléchi™ ; © R. ROUTIER, La responsabilité du banquier, LG.DJ. 1997: A. SAKHO, 1 NDIAYE, op. cit ANCEL, Le cautionnement des detes de Mentreprise, a? $07. ™ L. CADIET, Les métamorphoses du prejudice. 6* Joumnées R. SAVATIER, PUF 1997, p.37 etsuiv $$ 92 Isaac Yankoba NDIAYE Parla faute du créancier, la situation patrimoniale du débiteur principal s'est aggravée. Dans le premier cas, le lien de causalité ente la faute et le préjudice s'apprécie en la personne du débiteur principal; dans le second, c'est la caution qui sert de référence. Mais quel que soit l'aspect sous lequel on l’envisage, la responsabilité du créancier s'y profile fatalement. Cette responsabilité n'est certaine- ‘ment pas de nature contractuelle”'. Mais elle a la singularité de reconnai- tte a un débiteur d'un contrat théoriquement unilatéral la. possibilité drengager la responsabilité du créancier, au vu de son comportement... & Végard d'un tiers. En tout état de cause, la condamnation du créancier & réparer le préju- dice subi permet & la caution de refouler l'efficacité du cautionnement. pparait ainsi que le eréancier qui entend bénéficier dun cautionnement doit faire prouve de plus de diligence aussi bien au moment de la forma tion du contrat, pendant sa durée que lors de sa mise en ceuvre Crest une bien singuliére destinge que de voir un eréancier amené & payer sa propre créance. C'est done dire que la combinaison du droit de ja responsabilité civile et du droit du cautionnement ne sera pas neutre Pour le moment, elle est déja source de remise en cause par admission d'un facteur supplémentaire de fragilite du cautionnement. % J, BORE, L'indersnisation pour les chances perdues: une forme dappréciation qua- titative de ta causalité d'un fait dommageable, JCP 74, 1* partie, 2620 1. VACARIE, Laperte d'une chance, R.RJ. 1987, p. 903 et sui. Cf B, SAVAUX, La fin dela responsabilité contractuel, RTDC, 1999, p. Het sui 5 D. TALLON, L'inexécution du contrat: pour une autre presentation, RTDC 1994, p. 223, etsui. [articulation pourrait en effet se révéler perturbatrce

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