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Précis de Grammaire Pour Les Concours
Précis de Grammaire Pour Les Concours
ISBN : 978-2-200-62953-3
Table des matières
Couverture
Page de titre
Page de Copyright
Avant-propos
Première partie - Savoir-faire
En quoi consiste l'épreuve
Qu'est-ce qu'avoir le « sens grammatical » ?
Vocabulaire de base
Quelques notions de syntaxe
Quelques conseils à l'usage des candidats
Deuxième partie - Savoir
Signes de l'A.P.I. utilisés
1 - Adjectif
2 - Adverbe
3 - Anaphore nominale
4 - -Ant (formes en -)
5 - Apposition
6 - Article
7 - Article (absence d'-)
8 - Aspect
9 - Attribut
10 - Auxiliaire
11 - Ce
12 - Circonstanciel (complément -)
13 - Circonstancielle (subordonnée -)
14 - Comparaison
15 - Complétive
16 - Conditionnel
17 - Défini (article -)
18 - Degré de l'adjectif
19 - Démonstratifs (déterminants et pronoms)
20 - Dérivation
21 - Discours rapporté
22 - Discours/récit (plan embrayé/non embrayé)
23 - Embrayeurs
24 - Emphase/mise en relief
25 - En/y
26 - Être/avoir
27 - Fonctions du groupe nominal
28 - Futur
29 - Genre (marques du -)
30 - Hypothétiques (systèmes -)
31 - Imparfait
32 - Impératif
33 - Impersonnelles (constructions -)
34 - Indéfinis
35 - Infinitif
36 - Interrogatifs (mots -)
37 - Interrogation
38 - Intransitifs (verbes -)
39 - Inversion du sujet
40 - Négation
41 - Nom (complément du -)
42 - Objet (complément d'-)
43 - On
44 - Participe passé
45 - Passé composé
46 - Passif
47 - Place de l'adjectif épithète
48 - Possessifs
49 - Pouvoir/devoir
50 - Présent de l'indicatif
51 - Pronoms
52 - Pronoms clitiques
53 - Pronominaux (verbes -)
54 - Que
55 - Qui
56 - Relatives
57 - Subjonctif
58 - Subordonnées
59 - Sujet
60 - Tout
61 - Types et formes de phrase
Index des sujets de concours
Index
Avant-propos
1 L’exposé synthétique
Nous avons caractérisé l’exposé synthétique comme une combinaison
d’exposé théorique et d’analyse de corpus attesté. C’est donc une épreuve
qui suppose un jeu d’équilibre entre deux exigences parfois divergentes :
montrer que l’on dispose d’un certain bagage de savoir grammatical,
montrer que l’on est capable d’analyser des énoncés particuliers. En
d’autres termes, il faut savoir faire le chemin dans les deux sens : de la
généralité aux faits, des faits aux généralités. Idéalement, la classification
grammaticale doit être illustrée par le corpus. En réalité, on se heurte ici à
deux difficultés :
• toutes les possibilités prévues par la classification ne sont pas
nécessairement réalisées dans le texte ; si par exemple l’on veut
étudier les subordonnées circonstancielles et que certains types de
circonstancielles ne figurent pas dans le texte proposé ;
• il existe des énoncés qui n’entrent pas aisément, voire pas du tout,
dans la grille grammaticale dont dispose le candidat.
La première difficulté n’est pas très gênante. Le candidat peut se
contenter d’évoquer rapidement un type d’emploi en précisant qu’il ne
figure pas dans son texte. En revanche, la seconde difficulté est plus
embarrassante. Il se peut que le candidat ait utilisé des grammaires qui ne
traitent pas ou traitent mal de certains faits, ou tout simplement qu’il ait des
trous de mémoire ou fasse des confusions. Cette épreuve étant aussi
destinée à évaluer le « sens grammatical » du candidat, il est parfaitement
normal qu’il se trouve dans ce type de situation. La seule issue pour lui est
de disposer d’un cadre grammatical solide et d’avoir à l’esprit un certain
nombre de gestes lui permettant d’analyser les phénomènes. Les
examinateurs tiendront difficilement rigueur à quelqu’un dont on voit qu’il
maîtrise les distinctions essentielles sur un sujet donné et qu’il est capable
d’aborder intelligemment un phénomène jusqu’ici mal connu de lui.
L’exposé synthétique procède en deux temps : une phrase de cadrage du
sujet et une phrase d’analyse classificatoire.
« Cadrer » le sujet consiste à définir ses frontières et son intérêt
linguistique mais aussi, le plus souvent, à annoncer l’idée ou les idées
directrices qui vont présider à l’analyse classificatoire. Il ne s’agit pas, à ce
stade, de proposer une définition extrêmement fine du sujet puisque
l’analyse postérieure est destinée précisément à affiner le cadrage.
Supposons que la question posée soit : « La place de l’adjectif épithète dans
le texte. » On peut imaginer un canevas comme celui-ci :
(1) L’adjectif est la tête d’un groupe syntaxique qui dépend d’un
nom. Quand il est épithète, c’est-à-dire qu’il figure à l’intérieur
du groupe nominal, il peut se trouver en principe à deux places :
immédiatement devant ou derrière le nom.
(2) Mais l’assignation de cette place n’est pas libre. Elle est liée à
des facteurs de divers ordres : des contraintes sémantiques, selon
le type d’adjectif concerné, mais aussi des contraintes de mise en
relief, de prosodie ou de syntaxe.
(3) Il s’agit donc d’un phénomène complexe qui nous permet de voir
interagir les divers plans de l’activité énonciative.
(1) circonscrit la question ; (2) indique les grandes lignes du plan qui sera
suivi ; (3) souligne l’intérêt du sujet. Chacun de ces trois éléments sera
évidemment étoffé selon les goûts et les besoins.
L’analyse classificatoire doit à la fois présenter des distinctions simples et
rigoureuses et analyser finement les faits de langue. Il ne faut donc jamais
donner l’impression que l’on « ressort » une classification toute faite, sans
se soucier du corpus à étudier.
Le plan s’appuie sur des distinctions qui peuvent être articulées de
diverses manières. L’ordre de présentation choisi n’est pas indifférent.
Supposons que le sujet à traiter soit : « Les démonstratifs ». On peut adopter
un mode de présentation qui commence par distinguer déterminants et
pronoms ; on peut aussi opposer emplois déictiques/emplois anaphoriques
et définir des sous-parties en utilisant l’opposition pronom/déterminant. En
organisant l’exposé autour de la distinction déictique/anaphorique, on
privilégie la dimension énonciative. Selon l’option choisie, la distinction
reléguée à l’arrière-plan devient une sous-classe : ainsi dans la catégorie
déterminants pourra-t-on séparer anaphoriques et déictiques. Mais il faudra
aussi placer où il convient des oppositions entre formes variables et formes
invariables ou entre formes en -ci et formes en -là… En règle générale, il
vaut mieux privilégier la classification qui éclaire le mieux le
fonctionnement de la langue : dans notre exemple, l’opposition entre formes
variables et invariables est d’un moins grand intérêt que celle entre pronom
et déterminant.
Le point délicat, c’est l’articulation entre la grille a priori dont dispose le
candidat et l’analyse des occurrences du texte. Il faut en effet qu’il fasse
sentir aux examinateurs qu’il « se bat » avec les structures linguistiques, en
particulier quand l’analyse des données n’est pas immédiate. Par exemple,
il ne suffit pas de dire : « Les adjectifs non classifiants peuvent se trouver
devant le nom, comme on le voit dans tel et tel énoncé aux lignes tant et
tant » ; on attend aussi du candidat qu’il montre sur un des énoncés qu’il
cite en quoi il s’agit bien d’un élément qui a les propriétés d’un adjectif
« non classifiant ». Si l’on se contente de proposer une classification et
d’indiquer qu’elle est illustrée par tels énoncés, sans davantage de
commentaire, l’exposé sera achevé au bout de deux ou trois minutes à l’oral
et en quelques lignes à l’écrit. On ne doit pas se contenter de décliner un
catalogue, il faut également mettre en évidence les propriétés des éléments
concernés.
Les examinateurs ont tendance à fortement pénaliser les relevés qui
oublient certaines occurrences, surtout quand cet « oubli » porte sur des
énoncés qui posent problème. Ils ont l’impression que le candidat a cherché
à esquiver la difficulté. C’est donc là une stratégie fortement déconseillée.
Le mieux, nous y insistons, est d’affronter le problème en essayant de
montrer, par diverses manipulations, pourquoi il résiste à la classification
usuelle. Peu importe alors le résultat, l’essentiel est de faire preuve de son
sens de la langue. Cela implique que le candidat soit sûr qu’il n’a pas
négligé une distinction essentielle et qu’il ne prend pas pour une bizarrerie
ce qui constitue en réalité un fonctionnement linguistique tout à fait normal.
De là, la nécessité de disposer d’une base de connaissances grammaticales
minimale.
l’objet est en tête parce qu’on place en premier ce sur quoi porte la
question, c’est substituer une explication immédiate et rassurante à un
phénomène qui obéit à une économie qui lui est propre. On sait en effet
qu’il existe des interrogatives sans mot interrogatif en tête (« Paul veut
quoi ? »). On remarquera aussi que les phrases interrogatives et les phrases
relatives exploitent les mêmes morphèmes (qui, que, où…), et les font
figurer dans les mêmes positions, en tête de phrase (« Qui vient ?/L’homme
qui vient… ») sans qu’a priori le bon sens perçoive d’affinité évidente entre
relatives et interrogatives.
Le bon sens ne pourrait pas non plus expliquer pourquoi le pronom
interrogatif passe de que à quoi dans certaines positions (comparer : « Tu
fais quoi ? » et « Que fais-tu ? ») ou pourquoi il y a inversion du pronom
sujet (« Que veut-il ? »). Ce n’est pas que les structures linguistiques soient
inintelligibles mais seulement qu’elles s’interprètent grâce au système
linguistique et non par référence à des principes qui relèvent d’une
expérience immédiate du monde.
Que vient faire ici le ce ? Est-ce un détail ? Pour les usagers de la langue,
sans nul doute, mais pour les linguistes, c’est là quelque chose qui doit
retenir l’attention. S’agit-il d’un déterminant démonstratif ? d’un pronom
(comme dans « J’aime ce que vous faites », à supposer que là aussi il
s’agisse d’un pronom) ? Est-il neutre ou masculin ? Si l’on a affaire à un
déterminant, est-ce la complétive qui joue un rôle de nom ? Faut-il faire
l’hypothèse qu’il y a un nom sous-entendu (ce (Nom) que…) ? On est
également obligé de s’interroger sur les complétives du type :
Il s’attend que je parte
Je m’étonne que vous ayez réussi ?
b. Langage/langues
Le langage est l’objet de la linguistique, mais cette dernière ne peut
l’appréhender qu’à travers la diversité des langues. On parle de langage
quand on réfère à la faculté de parole et de langue pour désigner tel ou tel
système linguistique, actuellement en usage ou dont on a conservé la trace.
Aussi parlera-t-on de l’« origine du langage » ou des « fonctions du
langage » plutôt que de l’« origine des langues » ou des « fonctions de la
langue » ; réciproquement, le français, le chinois ou l’allemand ne seront en
aucun cas des « langages ».
c. Discours/langue
Dans les travaux de linguistique, on rencontre constamment le terme
discours. Son emploi obéit à la volonté de mettre l’accent sur l’usage de la
langue en contexte. On parle de discours lorsqu’on considère les énoncés à
travers leur dynamique textuelle, en les rapportant à des situations
d’énonciation particulières. Les linguistes font ainsi jouer constamment une
opposition entre ce qui est censé relever de la « langue », c’est-à-dire du
système hors emploi, et ce qui relève du « discours », de l’usage qui est fait
de ce système par des sujets inscrits dans des contextes singuliers.
On ne confondra pas cet emploi de discours avec l’opposition établie par
Benveniste entre discours et histoire, ce dernier terme désignant un mode
d’énonciation sans embrayage.
d. Énoncé/phrase
L’usage d’énoncé se distribue essentiellement sur trois registres :
• on parle d’« énoncé » pour des séquences verbales de tailles très
diverses qui constituent des unités de communication complètes : un
bulletin météorologique, un sermon, un ouvrage de mathématiques,
un proverbe… ;
• à un niveau d’analyse inférieur, certains opposent l’énoncé
(élémentaire) à la phrase en faisant de la phrase un type d’énoncé.
Les séquences suivantes sont alors autant d’énoncés :
Ouf !
Le chat est parti
L’idiot !
Malheur à vous !
f. Énonciateur/énonciataire,
locuteur/allocutaire, etc.
Toute énonciation implique un couple indissociable, les interlocuteurs ou
coénonciateurs, dont les deux termes sont marqués par je/tu. On les désigne
de diverses façons : énonciateur/énonciataire, énonciateur/coénonciateur,
destinateur/destinataire, locuteur/allocutaire, émetteur/récepteur… S’il
s’agit d’écrit on trouve également la paire scripteur/lecteur. Toutes ces
oppositions ne sont pas équivalentes. À l’heure actuelle, émetteur/récepteur
ou destinateur/destinataire sont moins utilisés car ils valent pour tous les
systèmes de communication et ne captent pas ce qu’a de spécifique une
langue naturelle. Locuteur/allocutaire, en principe, s’appliquent plutôt aux
énoncés oraux, mais ils sont employés bien souvent comme des variantes
d’énonciateur/énonciataire, qui sont neutres par rapport à l’opposition entre
l’oral et l’écrit.
Ce qui complique les choses, c’est qu’on utilise également certains de ces
termes pour conceptualiser des distinctions à l’intérieur de la source
d’énonciation, lorsqu’il s’agit de dissocier l’instance qui produit l’énoncé
de celle qui le prend en charge (problématique de la « polyphonie »
énonciative). Par exemple, pour un conditionnel journalistique :
Le général Tapioca aurait pris le pouvoir
g. Synchronie/diachronie
C’est certainement le couple de concepts saussuriens le mieux connu.
Rappelons qu’il s’agit de points de vue différents mais complémentaires sur
la langue. Il n’est pas question d’exclure le diachronique au profit du
synchronique : la compréhension des phénomènes linguistiques s’éclaire
bien souvent quand on considère les évolutions qui les portent. Saussure
compare une synchronie à un état d’un jeu d’échecs pendant une partie et
affirme qu’il n’est pas besoin de considérer autre chose que les relations des
pièces à ce moment-là pour comprendre la partie. En fait, ce n’est que
partiellement vrai ; comme une partie est quelque chose de dynamique,
comprendre un état du jeu, c’est aussi le rapporter aux stratégies qui ont été
mises en œuvre pour qu’on en arrive là.
La distinction synchronique/diachronique n’a rien d’absolu. Dans ce
qu’on appelle un « état de langue » coexistent avec des statuts différents les
traces d’états antérieurs et l’esquisse d’états postérieurs. Le discours
littéraire ou le discours juridique, par exemple, exploitent des structures
linguistiques tombées en désuétude dans la langue courante. Inversement,
bien des usages jugés « populaires » préfigurent l’usage standard à venir.
Dans ces conditions, ce n’est pas parce que l’imparfait du subjonctif, par
exemple, est encore en usage chez certains locuteurs qu’une grammaire du
français actuel doit le mettre sur le même plan que le présent du subjonctif.
sont impossibles (ce que l’on indique en les faisant précéder d’un
astérisque). Dire, comme le font les grammaires, que la passivation ne
fonctionne qu’avec un verbe transitif direct, c’est en fait donner sous forme
de règle le résultat du test qu’illustre l’exemple (1), où l’on a placé comme
sujet du passif un complément d’objet indirect. Une telle règle prédit qu’un
objet indirect ne pourra jamais être sujet d’une passive. Pour démontrer que
cette règle est fausse, ou du moins souffre des exceptions, il suffit de
fabriquer une phrase qui soit jugée bonne mais comporte un objet indirect
en position de sujet. Tel est le cas avec :
(4) Paul est obéi de ses soldats
a. Correct/incorrect
La notion de « correction » fait intervenir la norme. Dans toute langue, il
existe des prescriptions, tacites ou non, qui enjoignent aux locuteurs de ne
pas produire certains types d’énoncés. À vrai dire, les prescriptions portent
essentiellement sur des « fautes » régulières, non sur de purs et simples
ratés de la communication (télescopages de phrases, bredouillages, etc.).
Aucune grammaire normative ne se donne la peine de préciser que :
Je… tu… par hasard… Marie est là ?
Leur liste est par définition infinie ; car s’il doit être possible de
déterminer quelles sont les structures grammaticales, c’est-à-dire de faire la
grammaire d’une langue, l’énumération des phrases agrammaticales ne peut
même pas commencer. Elles ne servent que dans des argumentations
déterminées, pour étudier un sous-ensemble bien défini de phénomènes.
Elles ont plus d’intérêt pour la réflexion linguistique quand elles sont
inattendues, et donc riches en information. Un énoncé grammatical
comme :
* Cette bol est rond
n’a aucun intérêt dès lors que l’on sait que, dans le lexique, bol est
marqué comme masculin. En revanche, on ne voit pas sur quelle base on
pourrait prévoir que :
* J’espère ne partir pas
* Je lui le donne
le sont.
Même les énoncés condamnés par la norme sont pris dans le réseau de la
grammaticalité. Les puristes condamnent par exemple : « Je vais au
coiffeur » ; mais cet énoncé est soumis à des contraintes très précises. Ainsi
ne peut-on pas dire : « *Je vais à la voisine » ou « *Je marche au coiffeur ».
c. Interprétable/ininterprétable
Cela peut sembler curieux, mais une phrase agrammaticale peut fort bien
être parfaitement interprétable, c’est-à-dire se voir assigner une
interprétation, alors qu’une phrase grammaticale peut s’avérer
ininterprétable. Par exemple :
(1) * Moi aimer toi
est sans aucun doute grammatical, mais, à moins de procéder à une lente
dissection, ininterprétable. Sa complexité excède en effet les mécanismes
usuels de compréhension. Mais là, il convient d’être prudent :
l’interprétabilité est une affaire de degré, extrêmement variable selon les
contextes d’énonciation. Ainsi à l’écrit, et plus particulièrement dans
certains types de discours, on est capable d’interpréter des structures très
complexes.
d. Pertinent/non pertinent
Un énoncé peut être correct, grammatical, interprétable mais apparaître
déplacé dans un contexte déterminé. Ici interviennent de multiples facteurs,
à la fois linguistiques et psychosociologiques, dont l’articulation n’est pas
aisée. Par exemple après la question :
Quand venez-vous ?
une réponse comme « Sur la table » sera perçue comme non pertinente
(ou inappropriée) dans une conversation ordinaire, mais non dans une pièce
de Ionesco. On rencontre ici le délicat problème des « lois du discours » qui
régissent la pertinence des énonciations. Avec ce type de considération, on
aborde le domaine du discours, c’est-à-dire de l’usage effectif de la langue.
Quelques notions de syntaxe1
1 Pourquoi parle-t-on
de syntaxe ?
La syntaxe se taille la part du lion dans les questions des concours. Si
l’on parle de syntaxe, c’est parce que l’on peut isoler un composant de la
langue qui a sa spécificité. Considérons ces trois phrases :
(1) Mon frère adore la campagne
(2) Paul est un passionné de la campagne
(3) Le chat redoute la souris
Les phrases (1) et (2) ont à peu près le même sens mais nul ne songerait à
dire qu’elles ont la même structure syntaxique. En revanche, bien que les
phrases (1) et (3) aient des sens très différents on n’hésiterait pas à dire que
d’un certain point de vue, celui de la syntaxe précisément, il s’agit de la
même structure de phrase. En effet, de l’une à l’autre il y a quelque chose
d’invariant : non pas les mots mais les catégories et les relations entre ces
catégories. La syntaxe est donc relativement autonome par rapport à la
signification.
Catégories et relations peuvent ainsi rester stables dans la mesure où ce
n’est pas la simple succession des unités lexicales qui fait une phrase. Par
exemple, redoute ne peut être mis ici en tête de phrase parce que ce n’est
pas un groupe nominal et que dans une phrase de ce type il doit y avoir un
groupe nominal sujet en tête ; cela veut dire que les unités lexicales,
indépendamment de leur présence dans telle ou telle phrase, sont étiquetées
en diverses catégories (nom, verbe, préposition, etc.), qui contraignent la
place qu’elles peuvent occuper.
Le phénomène de l’ambiguïté syntaxique nous montre bien que les
relations syntaxiques existent indépendamment de la simple juxtaposition
des unités lexicales, fussent-elles réparties en diverses catégories. Une
même séquence d’unités lexicales peut en effet correspondre à différentes
interprétations s’il existe diverses manières de distribuer les relations
syntaxiques. Ainsi :
Paulette a appelé la mairie de son domicile
pour lesquels on a l’intuition que ce sont les relations qui ont changé, et
pas seulement les places, autrement dit que ce n’est plus, à ce niveau, la
« même » phrase qu’avec les énoncés (4), (5) et (6) : ici c’est Marie qui se
plaint de Paul, et non l’inverse. Force est donc de distinguer entre places et
positions. Les « positions », c’est ce qui reste constant à travers la variation
superficielle des « places », ce qui est commun aux énoncés (4), (5) et (6).
Dans ces trois phrases, les termes sont dans les mêmes positions, mais pas
aux mêmes places (Marie, par exemple, demeure complément de se
plaindre), alors que dans la phrase (7), Marie n’occupe plus la même
position. Les classiques « fonctions syntaxiques » correspondent aux
relations entre positions.
La divergence entre places et positions ne saurait cependant dépasser
certaines limites, surtout dans une langue comme le français où il n’existe
pas de déclinaisons permettant de restituer les relations. Même si, en
principe, bien des variations de places sont possibles, celles qui éloignent
trop la disposition des places de celle des positions apparaissent peu
naturelles : qu’on se souvienne des variations que le maître de philosophie
fait subir à la phrase de Monsieur Jourdain : « Belle marquise, vos beaux
yeux me font mourir d’amour. » Celle-ci, par exemple :
« Me font vos beaux yeux mourir, belle marquise, d’amour »
2 Syntaxe/lexique
La syntaxe, on vient de le voir, intervient de manière décisive dans la
signification d’une phrase : « Mon frère aime ta sœur » n’a pas le même
sens que : « Ta sœur aime mon frère », et les ambiguïtés syntaxiques nous
ont montré que, selon les dépendances qui s’établissent, on aboutit à des
interprétations très différentes. Mais une part considérable du sens échappe
à la syntaxe, en particulier le sens lexical, par exemple celui de frère ou de
sœur, qui est indépendant de la position qu’ils peuvent occuper dans la
phrase : qu’il soit sujet ou objet, frère garde le même sens.
Une unité lexicale constitue un individu, un être singulier qui est défini
par des propriétés de divers ordres : il a une catégorie, une forme
phonologique, un signifié, des propriétés relationnelles.
c. Un signifié
Comme on vient de le voir, toute unité lexicale possède une signification
indépendante de son insertion dans telle ou telle phrase.
Dans l’énoncé (1), l’unique complément appelé par le verbe n’est pas
présent ; dans l’énoncé (2), n’est réalisé qu’un seul des compléments
puisqu’il n’y a pas de complément indirect en à (cf. « Je cède mon livre à
Jules »). En outre, le même verbe peut entrer dans plusieurs systèmes de
complémentation. Par exemple pleurer sans complément ou pleurer un ami
cher ; ou encore souhaiter quelque chose et souhaiter quelque chose à
quelqu’un. Ce sont là des problèmes délicats, qui touchent à la fois à la
question de la polysémie du verbe (s’agit-il du même verbe ou de verbes
distincts ?) et à la distinction entre compléments « essentiels » et « non
essentiels ». Quand on oppose des phrases comme : « Paul vit heureux à la
campagne » et « Paul va à la campagne », on n’a pas de mal à percevoir que
le syntagme, à la campagne est complément essentiel dans le second
exemple et non dans le premier. En revanche, cette distinction est moins
évidente pour vers l’ennemi dans : « L’armée s’avance vers l’ennemi » ; est-
ce un complément essentiel ?
5 La phrase
Jusqu’ici nous avons traité la syntaxe dans le seul cadre de la phrase. Ce
qui peut sembler réducteur. La phrase verbale, rappelons-le, n’est en effet
qu’un des types de phrases. Mais c’est, de loin, le plus important. S’il
n’existait que des phrases comme : « Zut ! », « Imbécile ! », « Malheur à
toi ! » etc., tout l’appareil conceptuel de la syntaxe se réduirait à très peu de
choses. En fait, si l’on peut faire une analyse syntaxique fine de ces phrases
non verbales, c’est en s’appuyant sur les concepts qui ont été élaborés pour
étudier la phrase verbale.
La phrase ne se situe pas sur le même plan que les autres catégories
majeures. Il s’agit en effet de la catégorie maximale, celle dans laquelle sont
incluses les autres. Quand on remonte la hiérarchie des constituants à partir
de l’unité lexicale, on aboutit inévitablement à la catégorie « phrase ».
Certes, il existe des phrases subordonnées, par exemple : qu’il vient inclus
dans le GV de « Paul sait qu’il vient », mais ce GV lui-même est inclus
dans une phrase. À la différence des autres catégories majeures, la phrase
en tant que telle n’a pas de fonction, elle est le cadre à l’intérieur duquel se
définissent les fonctions. Si une complétive peut avoir la fonction de sujet
ou d’objet, c’est parce qu’elle occupe une position que peut occuper un GN
et non parce qu’elle est une phrase.
La phrase possède une structure spécifique mais qui ne se lit pas à ciel
ouvert. Depuis que la grammaire existe, il en a toujours été ainsi. Par
exemple, on a constamment considéré qu’un énoncé comme : « Prenez le
train ! » était une phrase au même titre que « Paul prend le train ». Pourtant,
cet énoncé à l’impératif n’a pas de sujet et son verbe ne se conjugue qu’à la
deuxième personne. De même, on considère souvent que dans « Paul est
plus malin que Luc », la séquence que Luc est une phrase abrégée à groupe
verbal sous-entendu. En revanche, les avis sont beaucoup plus partagés sur
les infinitifs et les participes présents : phrase ou verbe ? Quoi qu’il en soit
des thèses de chaque grammairien en la matière, on postule toujours que la
notion de phrase est construite, qu’elle ne résulte pas d’un simple relevé des
enchaînements de mots offerts à l’intuition immédiate.
On distingue des phrases qui en incluent d’autres et des phrases qui sont
incluses dans d’autres, les subordonnées, mais fondamentalement elles ont
toutes la même structure, combinant un GN sujet et un GV, et
facultativement un ou des GP circonstanciel(s). À cela s’ajoute la position
de complémenteur.
C’est précisément ici que se pose un délicat problème de délimitation de
la phrase : faut-il y inclure cette position initiale de COMP ou doit-on
considérer que c’est une position extérieure à la phrase proprement dite ?
Le problème peut sembler oiseux pour un exemple comme :
(1) Je veux qu’il vienne
6 Des phénomènes
non positionnels
Pour le moment, nous avons considéré la phrase comme un réseau de
positions occupées par des groupes eux-mêmes analysables en unités
lexicales. Cela ne suffit pas néanmoins à la caractériser. Une phrase n’est
pas seulement un réseau de positions, elle est aussi interrogative,
affirmative, négative, exclamative… Autant de phénomènes que l’on range
traditionnellement dans le registre de la modalité et qui rentrent
difficilement dans le cadre des positions. La négation ou l’exclamation, par
exemple, ne sont pas limitées à un élément dans une certaine position, elles
concernent l’ensemble de la phrase. « Ne… pas » encadre le verbe mais
indique une opération de négation qui porte au-delà du seul groupe verbal.
Il existe ainsi une tension dans la phrase entre un système de positions et
un ensemble de phénomènes qui, fondamentalement, ne sont pas
positionnels. Il est compréhensible que les éléments qui marquent ces
modalisations se placent dans la phrase dans les interstices ou aux frontières
des relations entre groupes, à des endroits qui n’assignent pas de fonctions
particulières et ne sont pas réservées à telle ou telle catégorie. Par exemple
l’interrogation affectionne la position COMP : « Que veux-tu ? ».
Une des particularités des langues naturelles, c’est qu’il n’y a énoncé que
s’il y a énonciation, c’est-à-dire prise en charge par un sujet qui laisse des
traces de son activité dans son énoncé. Une énonciation assertive, c’est-à-
dire qui pose un énoncé comme vrai ou faux, n’est possible que si le verbe
porte des marques de temps et de personne, les traces de la situation
d’énonciation. Ainsi « Paul est gentil » peut constituer une assertion, mais
non « * Paul gentil », « *Paul sur la table » ou « *Paul dormir » qui n’ont
pas de verbe ou dont le verbe n’est pas conjugué. En revanche, rien
n’empêche ces suites de devenir grammaticales dès qu’elles sont
subordonnées :
Je crois Paul gentil
J’imagine Paul sur la table
Je vois Paul dormir
8 Un principe d’unicité
Nous voudrions conclure par quelques considérations d’ordre général sur
le caractère très contraint de la syntaxe.
Une des choses les plus remarquables, c’est le rôle essentiel qu’y joue
l’unicité. Il n’y a par exemple qu’un seul groupe nominal sujet, un seul
groupe objet direct, un seul groupe verbal par phrase. Un énoncé à deux
sujets est agrammatical, à moins qu’on ne recoure à la coordination ou qu’il
y ait apposition :
* Paul le patron sont gentils
Paul et le patron sont gentils
Paul, le patron, est gentil
ils sont dissemblables : dans l’exemple (2), partir est complément d’objet
direct et ne porte pas de marques de personne ou de temps ; dans l’exemple
(3), seul le premier verbe est conjugué et l’on considère qu’il s’agit d’un
auxiliaire, c’est-à-dire que les deux verbes ne sont pas sur le même plan.
Cette contrainte d’unicité n’exclut pas qu’il y ait des éléments identiques
dans une phrase, bien au contraire (par exemple une identité de référent
entre le pronom et son antécédent), mais cette possibilité est très
réglementée. Dans :
(4) Paul sait qu’il vient (où Paul = il)
les deux éléments qui ont le même référent n’appartiennent pas au même
domaine : il se trouve dans la subordonnée (sinon, il faudrait en passer par
un pronom réfléchi : « Paul se regarde »).
a. La substitution
Elle consiste à remplacer une unité par une autre. Par exemple, ces deux
phrases :
(1) Paul veut dormir
(2) Paul peut dormir
comportent toutes deux un verbe suivi d’un infinitif qui semble leur
complément. Ces deux infinitifs sont pronominalisables par le pronom
invariable le : « Dormir, Paul le peut/veut ». Mais si à l’infinitif je substitue
une complétive objet, j’obtiens pour (2) une phrase agrammaticale : « *
Paul peut que Jean dorme », à côté de « Paul veut que Jean dorme ». La
substitution d’un GN révèle une autre divergence : veut accepte un GN
objet (« Paul veut un livre »), mais pas peut (« * Paul peut un travail/* un
livre… »).
b. Le déplacement
Il transporte un élément d’une place à une autre de la phrase. On sait que
c’est là un des critères traditionnels de distinction entre compléments du
verbe et compléments circonstanciels (« À midi je dors/Je dors à midi »
opposé à « * À Lyon je me rends/Je me rends à Lyon »). Mais la même
opération révèle des difficultés pour certains types de compléments
habituellement considérés comme circonstanciels : par la route est très
difficilement déplaçable en tête dans : « Martine a voyagé par la route ».
c. L’effacement
Il consiste à éliminer une ou plusieurs unités, ce qui revient à substituer
une séquence vide à une séquence « pleine ». Ainsi dans ces deux phrases,
de constructions apparemment identiques :
(1) Paul veut des cigares
(2) Paul fume des cigares
d. L’insertion
Elle introduit un élément nouveau dans une phrase. On ne peut pas dire
par exemple : « * Il a battu chiens ». Mais il suffit d’insérer un autre nom
sans article précédé de et pour que la phrase devienne grammaticale : « Il a
battu chiens et chats ». On doit alors se demander pourquoi cette
coordination permet de se dispenser d’article.
Quelques conseils à l’usage
des candidats
a. Voyelles
1 Morphologie de l’adjectif
L’accord de l’adjectif en genre et nombre, avec le nom dont il dépend,
peut provoquer une modification phonétique (beau/belle, trivial/triviaux) ou
non (rouge/rouge(s)). On se reportera aux grammaires de référence en ce
qui concerne les marques de l’écrit. À l’oral, les deux-tiers des adjectifs
n’indiquent pas le genre. Ceux qui l’indiquent font appel à des ressources
variées [ GENRE (MARQUES DU-) – fiche 29]. Pour le nombre, le fait
majeur, c’est le pluriel -aux des adjectifs en -al, avec les inévitables
exceptions (banal, fatal…), de plus en plus nombreuses dans l’usage
courant.
2 Le groupe adjectival
À la différence de ceux du GN, les spécifieurs du GA marquent le degré
dans la possession d’une certaine qualité, c’est-à-dire une quantification sur
une échelle continue : très beau, peu gentil, le plus jeune… [ DEGRÉ DE
L’ADJECTIF – fiche 18].
n’a pas une structure de complétive, mais de GP, dont l’analyse pose des
problèmes [ CE. 3 – fiche 11].
b. Constructions faussement
adjectivales
On prendra garde que diverses constructions qui ressemblent à des
compléments de l’adjectif n’en sont pas. C’est en particulier le cas :
• de certaines constructions impersonnelles, où la complétive et
l’infinitif ne sont pas régis par l’adjectif mais constituent le « sujet
réel » de la phrase [ IMPERSONNELLES (CONSTRUCTIONS-). 2 –
fiche 32] :
Il est souhaitable que tu partes/de partir
Ici, de partir n’est pas régi par idiot mais la phrase signifie plutôt « de la
part de Paul, qu’il parte est idiot ».
c. Compléments circonstanciels
facultatifs
Outre les compléments liés à la transitivité de chaque adjectif, il existe
des compléments circonstanciels facultatifs :
Les gens (tristes en vacances) sont invivables
et :
(2) Julie n’est-elle pas bossue ?
4 Fonctions de l’adjectif
Le GA peut occuper trois positions dans la phrase : épithéte, inclus dans
le GN, attribut d’un GN sujet ou objet [ ATTRIBUT – fiche 9], mis en
apposition au GN. Mais l’apposition ne peut être mise sur le même plan
que les deux autres fonctions [ APPOSITION – fiche 5].
Un adjectif épithète ne peut dépendre d’un pronom (« *il/lui rouge »)
alors que c’est possible avec un GA attribut (« Il est rouge »). La place de
l’épithète devant ou derrière le nom obéit à des règles assez complexes [
PLACE DE L’ADJECTIF ÉPITHÈTE – fiche 47].
5 Restrictif/non restrictif
Pour l’adjectif épithète ou apposé, il faut faire une distinction entre
interprétation restrictive (ou déterminative) et interprétation non
restrictive (ou appositive), distinction qui vaut également pour les
propositions relatives. Il y a interprétation « restrictive » quand le GA
permet de restreindre le référent dénoté par le nom et son spécifieur ; dans
« J’ai cueilli les pommes rouges » ce ne sont pas toutes les pommes qui ont
été cueillies, mais seulement celles qui sont rouges. En revanche, dans « les
pommes, rouges depuis longtemps, ont été cueillies », l’interprétation est
non restrictive puisque le GA ne limite pas le référent du GN.
L’adjectif en apposition n’est jamais restrictif puisqu’il n’est pas inclus
dans le GN. En revanche, surtout au singulier et précédé d’un déterminant
défini, le même GA épithète peut selon les contextes être interprété comme
restrictif ou non restrictif :
Il m’a donné son manteau rouge
Enfin, ils ne sont pas spécifiables en degré : *un parc très zoologique.
Toutefois, il est toujours possible de faire fonctionner un adjectif
relationnel comme un qualificatif : « Luc a une démarche très
présidentielle » (emploi qualificatif) signifie « une démarche caractéristique
d’un président ».
Ces adjectifs antéposés sont inséparables du nom, avec lequel ils forment
un tout, alors que les qualificatifs lui ajoutent une propriété : un malade
grand est malade et grand, un grand malade concerne la catégorie même
« malade » : le « grand malade » est quelqu’un à qui la catégorie « malade »
s’applique de manière maximalement adéquate. De même, un vrai soldat
est un individu parfaitement conforme à la catégorie « soldat », tandis qu’un
petit coureur est un individu qui ne correspond que faiblement à la
catégorie « coureur ». Dans le cas d’un ancien loubard, la catégorie
« loubard » ne s’applique que pendant une période limitée.
2
Adverbe
b. Adverbes circonstanciels
Ces adverbes jouent le même rôle que des groupes prépositionnels
circonstanciels ; d’ailleurs, un certain nombre de locutions adverbiales sont
en fait des GP figés : sur-le-champ, sur le tard… Il s’agit pour l’essentiel
d’adverbes à valeur locative ou temporelle, ou, plus largement, qui
indiquent dans quel cadre s’inscrit le procès exprimé par la phrase :
Il dort ici
Il nous visite souvent
Habituellement il arrive seul
Actuellement il se repose
Il est finalement arrivé
mais non :
* C’est nécessairement qu’il vient (adverbe de phrase)
b. Adverbes de phrase
Ces adverbes se situent nettement dans une position extérieure au noyau
de la phrase ; ils permettent à l’énonciateur de porter un jugement sur
l’ensemble de ce qu’il dit. D’un point de vue syntaxique ils ont un
comportement différent des adverbes qui sont intégrés dans la phrase. Ils se
placent dans des positions détachées, ne supportent pas une focalisation par
c’est… que, peuvent figurer en tête d’énoncés négatifs :
Normalement, il doit venir
Il doit venir, normalement
* C’est normalement qu’il vient
Normalement, il ne vient pas
* Lentement, il ne vient pas
Dans l’exemple (1), c’est Paul qui agit avec stupidité ; dans l’exemple
(2), l’énonciateur considère que le fait pour Paul de faire le malin était
stupide.
On donne également une grande importance aux adverbes
d’énonciation, qui portent sur l’acte d’énonciation même qui rend la
phrase possible, alors que les adverbes modaux portent sur l’énoncé ; cette
différence se perçoit dans le contraste :
Franchement, vient-il ?
* Heureusement/vraisemblablement, vient-il ?
5 Place de l’adverbe
Le type de dépendance qu’entretient l’adverbe avec l’élément sur lequel
il porte a une incidence directe sur les places qu’il est susceptible d’occuper
dans la phrase :
• les adverbes qui portent sur un adjectif, un adverbe ou une
préposition sont placés devant eux, comme on peut l’attendre
d’un spécifieur : « très chaud/vraiment doucement/tout près de
lui »… ;
• ceux qui portent sur un verbe se placent en général après lui dans
le GV : immédiatement (« Il pose lentement le livre ») ou après
un GN complément (« Il pose le livre doucement »). Ils peuvent
s’intercaler entre l’auxiliaire et le second verbe (« Il a doucement
posé le livre »). Une volonté de mise en relief peut néanmoins
provoquer l’éloignement de l’adverbe de manière
(« Soigneusement Paul referme la porte »), en particulier dans les
textes littéraires. Les restrictifs et les négatifs sont plus contraints,
se plaçant en général juste derrière le verbe conjugué ;
• les adverbes circonstanciels ont la même mobilité que les GP
circonstanciels ;
• les adverbes de point de vue et les adverbes de phrase ont une
prédilection pour les positions détachées, en début de phrase et,
dans une moindre mesure, en fin.
Diachronie
Il existe au XVII e siècle quelques « faux amis », dont le sens a changé. En particulier des
adverbes de temps ; d’abord (= « tout de suite »), déjà (= « encore »), incessamment (=
« sans cesse »), or (= « maintenant »), premièrement (= « auparavant »), tantôt (=
« bientôt »), tôt (= « vite »), tout à l’heure (= « tout de suite »). Autres faux amis, les
deux adverbes de phrase : sans doute (= « sans aucun doute »), en effet (=
« effectivement »). Les adverbes de quantité : tant (= « si ») et autant (= « aussi »)
pouvaient porter sur un adjectif : « Voilà une malade qui n’est pas tant dégoûtante »
(Molière). Quant à très, il pouvait porter sur un verbe, avec le sens de « beaucoup » ;
inversement, beaucoup associé à un adjectif signifiait « très ». Trop combiné avec un
adjectif avait le même sens : « Vous vivrez trop contente avec un tel mari » (Molière).
Un certain nombre d’adverbes de manière ont disparu. Par exemple confidemment (=
« avec confiance »), vitement, courtement… D’autres ont changé de sens : constamment
(= « avec constance »), vulgairement (= « ordinairement, communément »)…
3
Anaphore nominale
Pour lever cette équivoque, plutôt que d’« anaphore au sens large », on
parle parfois d’endophore, notion qui recouvre anaphore et cataphore.
Dans cette fiche, on entendra « anaphore » au sens strict.
Un anaphorisant peut reprendre un anaphorisé de trois points de vue
différents :
• comme ayant le même référent que lui (« Un homme entra dans la
pièce. Il était grand »). Cette coréférence peut n’être que partielle
(« Les soldats étaient convoqués, mais certains sont absents ») ;
• comme ayant le même signifié : dans « Le chien de Jules… le
tien… » il ne s’agit pas du même chien ; seul le signifié est repris
par le tien ;
• comme ayant le même signifiant : « Courage est un mot
émouvant ; il sonne bien. » Ici, il reprend le mot courage, non son
référent ou son signifié.
On distingue également anaphore segmentale et anaphore résomptive.
La première reprend une unité de dimension inférieure à la phrase ; la
seconde reprend une unité égale ou supérieure à la phrase. Il y a anaphore
segmentale en (1) et résomptive en (2) et (3) :
(1) Christine est partie. Elle a laissé un livre
(2) Ils ont eu des difficultés. Nous le savons depuis hier
(3) La terre a tremblé. Cette catastrophe a fait cent morts
2 L’anaphore pronominale
L’anaphore pronominale s’oppose à l’anaphore lexicale, dans laquelle le
terme anaphorisant est un GN dont la tête est une unité lexicale pourvue
d’un signifié (ce livre, l’homme…).
S’il y a pronominalisation, les anaphorisants appartiennent à une liste
fermée, ils n’ont pas de signifié propre et le plus souvent s’accordent en
genre et nombre avec leur antécédent. Le plus utilisé, il/elle, tire ainsi son
signifié et son référent de l’anaphorisé et en reçoit ses marques de genre et
de nombre (avec néanmoins des cas délicats : après l’estafette ou la
sentinelle, par exemple, on hésite entre il et elle, selon qu’on privilégie
genre grammatical ou sexe du référent). [ PRONOM – fiche 51]
4 La reprise immédiate
Un des points les plus controversés dans l’étude de l’anaphore nominale
est la reprise immédiate, c’est-à-dire la possibilité de reprendre un GN
indéfini immédiatement antérieur :
Il aperçut un garçon. Ce (*le) garçon avait un chapeau noir…
1 Adjectifs verbaux
Cette catégorie n’a pas grand-chose à voir avec la catégorie homonyme
de la grammaire latine. Il s’agit seulement d’une classe lexicale, celle des
adjectifs dérivés de la forme participe présent du verbe : « Un homme
plaisant, captivant, fuyant ». L’orthographe les distingue parfois des
participes correspondants : fatigant (A)/fatiguant (V), convergent
(A)/convergeant (V)… N’étant plus des verbes, ils n’ont pas les
compléments requis par le verbe ; ainsi dans :
Un livre plaisant à tous est rare
2 Le participe présent
À la différence des adjectifs verbaux, les participes présents sont
invariables et ne connaissent pas le degré. Quand ils sont épithètes, ils sont
toujours postposés au nom dont ils dépendent et paraphrasables par une
relative : « Les enfants souhaitant partir… » = « Les enfants qui souhaitent
partir… ». Quand ils sont apposés, ils sont paraphrasables par une relative
appositive (« Les enfants, souhaitant partir, se sont tus » = « Les enfants,
qui souhaitaient partir, se sont tus ».) Quand ils sont attributs, ils sont
attributs de l’objet :
* Marie était dormant à poings fermés (attribut du sujet) J’ai vu Marie dormant à poings
fermés (attribut du c.o.d.)
3 La participiale
On réserve traditionnellement le nom de participiale à des phrases à
participe et à sujet exprimé qui jouent un rôle de subordonnée
circonstancielle, mais sans subordonnant. Mobiles dans la phrase principale,
elles en sont détachées :
Paul voulant partir, Marie a dû s’arrêter
Marie a dû s’arrêter, Paul voulant partir
4 Le gérondif
Comme la participiale, le gérondif est un circonstanciel. Il est invariable,
il a un sujet nul dont l’antécédent est en principe le sujet de la principale et
peut avoir des compléments d’objet. Sa singularité tient à la présence d’un
morphème prépositionnel en qui ne peut être séparé du verbe que par un
élément clitique [ PRONOM CLITIQUE. 1 – fiche 52] :
En me le donnant, il sourit
* En demain venant, tu le verras
Parfois en est précédé de tout adverbe : Tout en se querellant, ils
arrivèrent
Comme la participiale, son interprétation varie selon le contexte (cause,
simultanéité, etc.). Dans la langue parlée, le sujet n’est pas toujours
identique à celui de la principale s’il s’agit d’un sujet non spécifié :
En allant à Pau le paysage est magnifique
Diachronie
Au XVIe siècle, comme en ancien français, les participes présents ont tendance à varier en
genre et en nombre. Aujourd’hui on distingue nettement participe et adjectif mais au
e
XVII siècle encore le partage n’était pas si net. De là bien des difficultés pour savoir s’il
fallait ou non accorder. Vaugelas et Malherbe refusent les accords au féminin. En 1679,
l’Académie tranche pour l’invariabilité, mais beaucoup d’auteurs continuent à les faire
varier en nombre (« Les morts se ranimans à la voix d’Elisée » (Racine)), voire en genre
(« La veuve d’Hector pleurante à vos genoux » (Racine)). Mais la grammaire se heurte
ici aux exigences du style : pleurant est un verbe, pleurante tend à devenir un adjectif,
avec les différences aspectuelles que cela implique. Au masculin pluriel, on trouvait les
graphies -ans et -ants. En ancien français, l’actuel gérondif n’était pas nécessairement
précédé de en ; il en reste des expressions comme « chemin faisant ». C’est au XVIIIe que
ce en se généralise. Mais au XVIIe, le en est souvent absent : « Tu trouveras la paix
quittant la convoitise » (Corneille). Mais sans en, il est souvent impossible de faire une
distinction entre gérondif et participe apposé :
« Quand l’amoureux Titus, devenant son époux, Lui prépare un éclat qui rejaillit sur
vous » (Racine).
L’identité entre le sujet du gérondif ou du participe apposé et celui de la principale
n’était pas obligatoire au XVIIe ; de là bien des obscurités :
I. « Ils avaient toujours été l’objet de ses railleries et de son mépris, les appelant tantôt
grossiers et rustiques… » (Vaugelas).
II. « Vous m’êtes, en dormant, un peu triste apparu » (La Fontaine).
Le sujet du gérondif dans l’exemple I est le pronom de la troisième personne du singulier
impliqué par ses ; dans l’exemple II, c’est me et non vous.
5
Apposition
1 Le problème
Soit la phrase :
Paul, mon frère, est revenu
Mon frère serait considéré comme apposé à Paul par tous les
grammairiens. Le GN mon frère n’est pas « apposé » seulement parce qu’il
est placé à côté de Paul mais aussi parce qu’il y a :
• (a) une relation attributive coréférentielle, mais sans verbe, entre
deux groupes de la même phrase : « Paul est mon frère » ;
• (b) une relation entre une phrase et un fragment en retrait, détaché
par une pause et un changement d’intonation, car situé sur un
registre énonciatif distinct (marqué à l’écrit par des virgules).
Si l’on privilégie la relation (a), on étend la notion d’apposition aux cas
où deux GN sont coréférents dans le même GN : la ville de Turin, le mois
de juillet, etc. Si l’on privilégie la relation (b), on étend l’apposition aux
détachements avec relation attributive, c’est-à-dire aux constituants qui ont
un rôle de GA : les vrais GA (« L’homme, furieux, sortit »), les relatives
(« L’homme, qui était furieux, sortit »), les participes détachés (« L’homme,
cherchant à sortir, renversa le vase »).
Nous allons ainsi distinguer les appositions de GN dans un même groupe
nominal (ou appositions liées) et les appositions détachées, qu’il s’agisse
de GN ou de GA.
Alors que les exemples (1), (2), (3) et (4) juxtaposent les GN, les autres
exemples les relient par de. Les GN des exemples (7) et (8) nous présentent
des noms de qualité, liés à un jugement de valeur de l’énonciateur, tandis
que (1), (2), (3) et (4) impliquent des classifications objectives (par la
parenté, la profession…).
À chaque fois, on peut restituer des relations de coréférence plus ou
moins strictes entre les deux GN. Mais les tests qu’on peut leur faire subir
révèlent des comportements divergents. Par exemple :
* Léopold le prince
* Bruges de la ville
* Bruges la ville
ou encore :
Jules lui a donné un livre, l’imbécile
* La vérité est une chose admirable, la notion
* Zola a beaucoup écrit cette année, l’écrivain
Toutes ces données sont compliquées et fort discutées. Une chose est sûre
toutefois : il s’agit de constructions marquées, qui sont réservées à des
ensembles très limités de noms. En outre, ces deux GN ne se situent pas sur
le même registre, l’un d’eux est dominant, ce qui atténue leur identité ; ainsi
dans « le roi Albert » associe-t-on un nom propre et un titre. Il peut
d’ailleurs en être difficilement autrement dès que l’on touche à un principe
linguistique aussi essentiel que la nécessité de différencier les éléments qui
appartiennent à un même domaine.
Certains parlent d’apposition pour divers types de composition
nominale : une usine modèle, l’État providence, la ville satellite… Ici le GN
tend à jouer un rôle adjectival, il n’y a plus coréférence. Certains linguistes
parlent dans ce cas de noms épithètes.
3 L’apposition détachée
Au sens strict, l’apposition détachée ne concerne que les GN (« Paul,
médecin, a reçu une médaille ») et les catégories qui jouent un rôle de GN :
les complétives (« Ce projet, que Marie le remplace, lui déplaît ») et les
infinitifs (« Mon rêve, partir en Malaisie, ne s’est pas réalisé »). Dans ce
cas, les GA détachés (« Paul, content, sortit ») ne sont pas dits « apposés »
mais épithètes détachés.
Au sens large, l’apposition détachée met en relation un GN
« antécédent » avec un constituant qui :
• n’est pas nécessairement un GN ;
• se trouve sur un registre énonciatif distinct, séparé par une pause.
Cette rupture syntaxique entre le GN antécédent et l’unité apposée
implique, entre autres, une plus grande mobilité :
Écrivain connu, Zola a été très critiqué
Zola, écrivain connu, a été très critiqué
Furieux, Paul m’a tout dit
Paul m’a tout dit, furieux
est agrammaticale parce que la veste n’est pas considérée comme une
partie inaliénable de la personne de Paul.
4 La rupture énonciative
Si les appositions détachées permettent de placer dans la même phrase
deux GN qui ont le même référent, c’est que ces deux GN ne se trouvent
pas réellement sur le même plan. Ce qui n’est pas sans poser un problème
de fond : comment se fait-il qu’une phrase puisse contenir des éléments qui
ont une relative autonomie par rapport à elle ? Ainsi une phrase apposée
peut-elle demeurer assertive alors même que l’énoncé est interrogatif :
Paul, qui voulait partir aussi, a-t-il renoncé ?
1 « Article » et « déterminant »
Il est difficile d’effacer d’un trait de plume des habitudes bien ancrées,
mais il faut être conscient des limites de la terminologie traditionnelle. Par
exemple, on voit mal pourquoi le démonstratif ou le possessif n’ont pas eux
aussi été dénommés « articles » puisqu’ils commutent avec le, un ou du :
« *ce le livre », « *le ce livre », « *mon le livre », etc. À la différence de la
grammaire traditionnelle qui réserve l’étiquette « article » à le et un, les
problématiques linguistiques nomment « déterminant » tous les termes qui
peuvent s’ajouter à un nom commun pour former un GN : un, le, mon, ce,
du, certains, tout, etc. Un certain nombre de ces déterminants peuvent se
combiner (tout le, mes quelques…), d’autres non.
2 Quelques problèmes
Il suffit de jeter un œil sur le tableau des articles pour saisir à la source
bon nombre de débats.
4 Le partitif
Il prélève une partie d’un substantif dense ou, moins souvent, d’un
compact. Alors qu’un quantifieur de mesure (un peu/beaucoup/un verre
de…) prélève une quantité déterminée, le partitif ne précise pas l’ampleur
du prélèvement.
Dans le partitif, l’article le désigne une substance de manière générique
(l’eau, la fumée…). On ne le confondra pas avec des emplois où le a une
valeur spécifique. Un énoncé comme « Tu veux de la tarte » est donc
ambigu, comme le montrent les deux énoncés négatifs, où le partitif peut
faire disparaître le :
(1) Tu ne prends pas de la tarte ? (= il s’agit d’une tarte particulière (spécifique))
(2) Tu ne prends pas de tarte ? (= il s’agit de la « substance » tarte (générique))
5 L’indéfini
On distinguera un emploi canonique, avec les substantifs discrets, et un
emploi marqué, avec les substantifs non discrets.
* Un sable
Un sable bleuté
* Une blancheur
Une blancheur de neige
Diachronie
En ancien français on utilisait peu l’article indéfini, qui s’impose définitivement aux XVIe
et XVIIe siècles. À cette époque, il restait néanmoins absent dans certains contextes où il
figure aujourd’hui :
• devant autre, même, tel, demi (« L’amour a tel pouvoir que… », « Il arriva demie
heure après ») ;
• en position d’attribut avec c’est : « C’est crime. » Vaugelas juge ce tour
archaïque ;
• dans certaines locutions verbales : faire bouclier, faire festin, faire habitude… ;
• après certains verbes impersonnels ou en position « extraposée » [
IMPERSONNELLES (CONSTRUCTIONS-) – fiche 33] : « Il faut retraite », « Il y a grande
disette », « Il arrive miracle ».
C’est au XVIIe siècle que l’on a formulé la règle qui impose de au lieu de des devant un
adjectif. On la doit à Maupas. Vaugelas la reprend, excluant des excellents hommes au
profit de des hommes excellents et d’excellents hommes. Cette règle n’a d’ailleurs pas été
respectée dans la mesure où elle ne tient pas compte de la valeur sémantique de
l’adjectif : des grosses barriques ou des belles fleurs est constamment employé.
L’usage du partitif s’est généralisé aux XVe et XVIe siècles. Pour certaines locutions
verbales, il y a divergence avec l’usage actuel : gagner temps, témoigner joie… Souvent,
on trouve de mais sans article défini : « Il faut avoir de pain. »
Pour l’absence d’article défini [ DÉFINI (ARTICLE -), Diachronie – fiche 17].
7
Article (absence d’-)
a. Les apostrophes
Petit lapin !
b. Les coordinations
Elles peuvent correspondre à deux phénomènes distincts :
• une coordination en et ou ni qui combine des GN complémentaires
formant un tout : « Chiens et chats s’amusaient ». Suivis du pronom
tout, les séries de GN peuvent se passer de déterminant : « Voitures,
téléphones, radios, tout est cassé » ;
• une coordination dans laquelle le second terme doit avoir le même
référent que le premier : un voisin et ami (deux catégorisations du
même individu), l’ophtalmologiste ou médecin des yeux
(reformulation par un synonyme).
c. Les autonymies
C’est-à-dire les emplois où l’on réfère au signe linguistique :
But est un nom
Les dérivés de fleur sont peu nombreux
b. Les proverbes
Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire
3 Verbes aspectuels
Certaines grammaires parlent de « verbes aspectuels » pour des verbes
semi-auxiliaires qui servent à situer le déroulement du procès par rapport à
un repère. Il s’agit essentiellement de aller/venir de, se mettre à,
commencer à (aspect inchoatif), être en train de, finir de (aspect terminatif).
Il apparaît qu’ici de est réservé aux procès qui s’achèvent et à pour ceux qui
commencent. Dans cet emploi, certains verbes connaissent des limitations :
par exemple, aller n’est utilisé qu’au présent et à l’imparfait, être en train
de exclut le passé simple et le passé composé. On ne confondra pas cet aller
aspectuel avec celui du futur périphrastique [ FUTUR – fiche 28] ; la
différence est perceptible dans ce contraste :
Quand il va (= est sur le point de) pleuvoir, ma jambe me fait mal (aspectuel)
Quand il va pleuvoir, je rentrerai (futur)
Diachronie
Au XVIIe siècle, la périphrase être à permettait d’exprimer la même chose que l’actuel
être en train de (cf. « Éliante là-bas est à l’entretenir »). En revanche, être en train de
pouvait signifier « être dans une disposition à ». Au début du siècle tombent en
désuétude les périphrases avec – ant. C’est ainsi que disparaissent les périphrases avec
être (cf. « Ils furent jouissant… »). Celles avec aller ont beaucoup mieux survécu, mais
elles ont perdu peu à peu la valeur aspectuelle de développement du procès (aspect
« progressif ») qu’elles avaient en ancien français, pour devenir une périphrase élégante
de la forme simple du verbe. Vaugelas les juge vieillies et veut les réserver aux véritables
mouvements ; il accepte donc : « Elle va chantant » et refuse : « Ces arbres vont
croissant. » C'est le signe que la valeur aspectuelle de la périphrase n’est plus comprise.
9
Attribut
1 L’attribut composant du GV
a. Attribut du sujet et complément
d’objet direct
En tant que composant du GV, l’attribut partage certaines propriétés avec
le complément d’objet direct. Comme ce dernier :
• il est appelé par une classe définie de verbes ;
• il figure dans le GV à droite de la tête et n’est pas déplaçable ;
• sa position peut être occupée également par un infinitif ou une
complétive :
Je regrette de venir/L’idée est de refaire tout
Je vois qu’il dort/Son espoir est que je parte
• il est pronominalisable par le/que/en…un :
Il l’a vu (l’ = mon frère)/Il l’est (l’ = médecin/intelligent)
Qu’a-t-il vu ? Qu’est-il ?
Il en a vu un/Il en est un
Il arrive que l’attribut du sujet soit placé en tête de phrase, mais dans des
constructions particulières : « Sombre était son visage » ; « Si courageux
qu’il soit, il sera surpris » ; « Généreuse comme elle est, elle
comprendra »…
2 Propriétés sémantiques
Dans la position d’attribut du sujet, le GA entretient la même relation de
sens avec le nom dont il dépend que lorsqu’il est épithète ou apposition.
Mais les GN ont ici un statut singulier puisqu’ils se trouvent avoir le même
référent que le GN sujet ; c’est précisément en cela que réside la spécificité
de l’attribut. Alors que dans :
Le marin voit le frère de Luc
3 L’attribut de l’objet
Ce qu’on appelle « attribut de l’objet » est une relation entre deux
compléments du même verbe :
• deux GN : « Je nomme Paul directeur » ;
• un GN et un GA : « Elle rend Paul heureux. »
On parle ici d’« attribut de l’objet » parce que la relation sémantique
entre le premier GN et le second élément est de même nature que celle entre
sujet et attribut : « Paul est directeur », « Paul est heureux ». Cette
possibilité est réservée à un ensemble limité de verbes (appeler, imaginer…)
; parfois une préposition vient s’intercaler entre les deux termes (« Je
considère Paul comme mon fils »). Étant donné la position du GA attribut
de l’objet, on est souvent confronté à des ambiguïtés syntaxiques. Ainsi,
« J’ai trouvé les dessins amusants » peut s’interpréter comme « J’ai trouvé
(les dessins amusants) » (épithète) ou comme « J’ai trouvé ((les dessins)
(amusants)) » (attribut de l’objet).
La relation de l’attribut de l’objet au groupe c.o.d. et au verbe correspond
à des interprétations variées. En particulier,
• l’équivalent d’une complétive : « Je crois Paul intelligent » = « Je
crois que Paul est intelligent » ;
• le résultat d’une transformation du c.o.d. : « Il a rendu Jules
malade », « On a élu Jules général » ;
• un rapport de partie à tout si le c.o.d. a un article défini : « Il a la
main brûlée, les dents jaunes. »
10
Auxiliaire
Propriétés de l’auxiliaire
Un verbe auxiliaire V1 précède un verbe V2, lequel est au participe ou à
l’infinitif, c’est-à-dire à une forme non fléchie (on dit aussi « non finie »).
Cela permet de ne pas transgresser les principes fondamentaux de la
syntaxe : d’un point de vue lexical, il y a deux verbes dans la même phrase,
mais pour la syntaxe il n’y en a qu’un.
L’auxiliaire est « transparent », ce n’est pas lui qui contraint les
compléments du GV. Ainsi dans :
Paul a vu un chat noir
un chat noir et appelé par vu et non par a, bien que ce dernier porte les
marques de flexion. Tel est le paradoxe qu’implique la présence de
l’auxiliaire. La séquence V1-V2 est considérée sémantiquement et
syntaxiquement comme un bloc : on dira par exemple que suis arrivé est
une forme d’arriver et non du verbe être. Dès lors, les opérations qui
portent sur le verbe manipulent V1-V2 comme un seul élément ; ainsi le
pronom clitique complément se place-t-il devant V1 et non devant V2 dont
il est pourtant complément :
Paul l’a dit/*Paul a le dit
2 Être et avoir
[ ÊTRE/AVOIR – fiche 26].
3 Les semi-auxiliaires
On parle de semi-auxiliaires pour certains verbes qui, dans des
combinaisons V1-V2, avec V2 à l’infinitif, ont perdu une part de leur
autonomie syntaxique au profit de V2. Il s’agit essentiellement de deux
groupes : les verbes aspectuels et les verbes modaux. À la différence des
auxiliaires, ces semi-auxiliaires ne font pas véritablement partie de la
conjugaison du verbe.
Les verbes aspectuels [ ASPECT. 3 – fiche 8] connaissent en particulier
des restrictions en matière de temps (cf. « * J’irai partir ») et ne peuvent
intervenir dans la sélection des compléments : dans « Je viens de voir
Paul », le complément de voir est indifférent à viens et de voir Paul n’a pas
les propriétés d’un complément d’objet.
Les verbes modaux tels pouvoir ou devoir connaissent des limitations
comparables [ POUVOIR/DEVOIR – fiche 49].
11
Ce
1 Ce déterminant
Ce peut être le masculin singulier du déterminant démonstratif : « Ce
chien est malade » [ démonstratif – fiche 19].
2 Ce pronom
Si l’on excepte quelques tours figés (sur ce, pour ce faire…), ce pronom
se trouve dans une position de clitique sujet neutre [ PRONOM CLITIQUE –
fiche 52], le plus souvent sous sa forme élidée c’, associé au verbe être.
a. Valeur anaphorique
Vouloir, c’est pouvoir
Paul, c’est mon frère
Qu’il me déteste, c’est possible
etc.
b. Valeur cataphorique
C’est bon, de dormir
C’est beau, la vie
C’est dommage, qu’il parte
c. Autres emplois
Les locuteurs hésitent continuellement sur l’accord en nombre du verbe
quand le GN occupe ainsi la position d’attribut : « C’est des amis » ou « Ce
sont des amis » ? Hésitation compréhensible puisque ce est le sujet
syntaxique mais c’est le GN qui donne l’interprétation.
Dans les interrogatives, c’est joue un rôle important. Soit inversé en tête
de phrase (Est-ce que/Est-ce Paul qui… ?), soit après les pronoms (Qui
c’est que/Qui c’est qui… ?). On ne confondra pas les interrogatives
partielles, qui focalisent un élément (« Est-ce Paul (= et non Luc, Maurice)
que tu as vu ? »), et les interrogatives totales (« Est-ce que tu as vu
Jeannette ? »).
Avec les structures dites clivées, identiques aux précédentes, mais sans
inversion du clitique sujet, on peut focaliser un constituant en l’extrayant de
sa position pour le placer en tête :
(1) C’est Paul que je vois
(2) C’est hier que ça s’est passé
(3) C’est ta sœur à qui j’ai parlé
(4) C’est à ta sœur que j’ai parlé
Dans une phrase clivée, la partie qui suit le relatif est présupposée ; ainsi,
dans « C’est Paul que je vois », le présupposé « Je vois quelqu’un » est
soustrait au doute.
À côté de cette structure clivée, on en trouve une autre, pseudoclivée,
d’un type très différent :
Ce que j’aime, c’est la vérité
b. Les complétives
Bien des complétives, outre le classique subordonnant que, utilisent un
à/de ce que :
Paul est content que/de ce que je parte
Il cherche à ce que vous partiez
1 Diverses catégories
Le circonstanciel définit une fonction dans la phrase, fonction qui peut
être occupée par des éléments de diverses catégories. Il s’agit
essentiellement :
• de GP : « Il dort dans la chambre » ;
• d’adverbes : « Dorénavant il ne sera plus invité » ;
• de phrases : à verbe à temps fini (« Il vient quand on l’invite ») ou
à temps non fini (« Paul partant, Marie a pu rester », « Avant de
venir, il s’est reposé ») [ CIRCONSTANCIELLE (SUBORDONNÉE -) –
fiche 13] ;
• de certains GN, mais il s’agit de séries lexicales particulières : « Il
part le soir ».
En dépit de cette diversité catégorielle, la position de circonstanciel est
fondamentalement une position de GP. Les phrases circonstancielles se
laissent souvent analyser en (Préposition + Phrase) : avant + que je vienne,
outre + qu’il est tard… Quant aux adverbes, ils se paraphrasent le plus
souvent par des GP : habituellement = « de manière habituelle »…
L’intérêt pour la problématique de l’énonciation a attiré l’attention sur un
type particulier d’adverbes, ceux qui portent sur l’acte d’énonciation ou qui
modalisent l’énoncé [ ADVERBE. 4 – fiche 2] :
2 La place du circonstanciel
Fonction extérieure au noyau que forment le GN sujet et le GV, le
complément circonstanciel n’a pas de place fixe. Cette mobilité est liée au
fait que les éléments en position de circonstanciel d’une phrase ne
dépendent pas de la tête d’un groupe. Mais la place du circonstanciel a une
incidence importante sur la progression thématique, c’est-à-dire la manière
dont le texte hiérarchise et répartit les informations qu’il pose comme
données et celles qu’il pose comme nouvelles. Les places les plus
fréquemment occupées se trouvent au début et surtout à la fin de la phrase,
à sa périphérie donc. Mais ici interviennent de multiples facteurs : en
particulier la longueur et la signification du circonstanciel, la nature du GN
sujet et du GV, etc. Ainsi :
Le général, dès son arrivée, m’a téléphoné
3 Compléments circonstanciels
et compléments du verbe
Ce n’est pas son sens qui suffit à définir le caractère circonstanciel d’un
complément mais son mode de dépendance. Même s’il possède une valeur
spatiale, un complément peut fort bien être complément d’un verbe ; on
retrouve ici la classique distinction entre compléments essentiels, appelés
par le verbe et inclus dans le GV, et compléments circonstanciels, qui sont
en nombre illimité. Dans « J’habite à Laon » ou « Je pars à Laon », on parle
de complément essentiel du verbe, mais on parle de complément
circonstanciel pour « J’ai vu Paul à Laon ». En principe, le complément du
verbe n’est pas déplaçable (« *À Laon je pars ») et il est obligatoire (ou
sous-entendu : « Paul fume »). Le complément du verbe participe du sens
de ce verbe, lequel infléchit l’interprétation de la préposition. Ainsi dans les
exemples ci-dessus, la même proposition à prend une valeur différente
selon le verbe auquel elle est associée : habiter implique un lieu appréhendé
dans son intériorité, partir le passage d’un lieu à un autre.
Les cas ne sont malheureusement pas toujours aussi tranchés. Pour un
énoncé comme « Je travaille avec joie », on peut penser que le GP
appartient au GV, où il joue le même rôle qu’un adverbe de manière orienté
vers l’agent du procès. Mais ce n’est pas si clair pour « Paul voyage par
plaisir » où le complément n’est pas aussi indépendant du procès que des
compléments de lieu ou de temps.
4 Les circonstants dans le GN
On oublie souvent que les GN également peuvent contenir des
circonstanciels. C’est particulièrement évident pour ceux dont la tête est un
nom déverbal [ nOM (COMPLÉMENT DU -). 2 – fiche 41], puisqu’ils sont
construits en parallèle avec des phrases :
(La rééducation de Luc dans un camp) m’a choqué
1 Délimitation
des circonstancielles
La définition la plus rigoureuse de la circonstancielle suppose sa mise en
correspondance avec les éléments à fonction circonstancielle, adverbes ou
GP. Comme eux, elle est mobile dans la phrase, n’est pas obligatoire, n’est
pas pronominalisable par un clitique et peut se combiner avec un nombre
ouvert d’autres circonstanciels :
Léa est partie quand on le lui a dit, bien qu’elle préfère dormir
Si on admet de tels critères, il est impossible de considérer comme des
circonstancielles certaines comparatives [ COMPARAISON – fiche 14]
et les consécutives. Regardons par exemple ces consécutives :
(1) Il est tellement gentil qu’il ne verra rien
(2) Il a mal agi, si bien qu’on l’a désavoué
c. Prépositions et conjonctions
de subordination
Le parallélisme entre GP et phrase circonstancielle introduite par une
préposition souffre bien des lacunes :
• certaines prépositions ne peuvent introduire des subordonnées : *
avec que…, * par que… ;
• certaines locutions conjonctives n’ont pas de préposition
correspondante : *tandis mon départ, *alors ton retour… ;
• certains subordonnants ne sont pas la combinaison d’une
préposition et d’un que/de : en particulier comme, si, quand…
Néanmoins on peut penser qu’il existe un niveau de représentation
où la différence morphologique entre ces deux types de
subordonnants s’affaiblit puisque l’on peut reprendre ces
conjonctions par que :
Quand/comme tu viens ici et que je suis absent…
• certains subordonnants autorisent des ellipses, c’est-à-dire des
phrases à qui il manque des constituants, qu’il faut rechercher dans
la principale :
Il est intelligent, bien que/quoique/parce que… (il est/soit) travailleur
Mais on n’est pas obligé d’y voir des circonstancielles ; on peut
considérer qu’il s’agit d’une sorte de coordination de GA (cf. « Il est
intelligent mais/néanmoins paresseux »…).
a. Circonstancielles intégrées au GV
Certaines sont intégrées au GV. Ainsi dans ces exemples :
Il agit de façon à ce qu’on le déteste Il travaille autant qu’il peut
c. Circonstancielles portant
sur l’acte énonciatif
Enfin, il est des circonstancielles qui portent non sur la phrase mais sur
l’acte énonciatif qui la rend possible [ ADVERBES. 4 – fiche 2]. Ainsi :
Diachronie
La locution pour que se répand au début du XVIIe ; bien que Vaugelas et Thomas
Corneille en aient condamné l’usage, elle s’est imposée au XVIIIe. Certaines locutions ont
aujourd’hui disparu : même que (= « au cas où »), mais que (= « pourvu que »),
désormais que, auparavant que, paravant que, cependant que, soudain que, durant que,
d’abord que, devant que, parfois que (= « à certains moments où »), premier que,
moyennant que, à cause que, pour ce que, à ce que (= « pour que »), hors que (= « sauf
si »), sans ce que (= « si ce n’est que »), combien que (= « bien que »), nonobstant que.
Certaines pouvaient avoir un sens différent : tant que (= « jusqu’à ce que »), depuis que
(= « dès que »), tandis que (= « tant que »). Il y avait également des divergences quant
au mode appelé par les conjonctions. Sans que pouvait appeler l’indicatif ; au début du
e
XVII , quoique, bien que et encore que étaient souvent suivis de l’indicatif. Comme, par
imitation du latin, permettait le subjonctif. Quant à la combinaison de d’après que et du
subjonctif, aujourd’hui dénoncée par les puristes, elle était déjà vivante à cette époque.
Au XVIIe, le -s- de puisque et de lorsque ne se prononçait pas. On pouvait en outre
dissocier puis et que, de même que par et ce dans parce que.
14
Comparaison
1 Le superlatif relatif
Dans un ensemble donné, un élément est distingué comme le plus ou le
moins pour la détention d’une certaine propriété. Par exemple, dans les
phrases :
Paul est le moins courageux du bataillon
Paul répond le plus rapidement de tous
Dans les exemples (1) et (2), un seul groupe (GN ou GA) figure après le
que. Mais ce peut aussi être une phrase complète :
(3) Il est aussi blond que Marie est douce
a. Comparaison de qualités
Ce type de comparaison met en relation deux phrases pour poser une
équivalence entre elles, prises globalement, ou bien pour rapprocher deux
GN qui ont des propriétés communes, explicitées ou non. Ces comparaisons
sont introduites par des subordonnants tels comme, de même que, ainsi que,
tel que :
Paul travaille comme il joue
Il est mutin comme les enfants le sont dans ce pays
Elle dort ainsi qu’une nymphe
Diachronie
Au XVIIe siècle il existait des marqueurs de comparaison qui ont aujourd’hui disparu, en
particulier avec comme :
• autant… comme :
« Tout chevalier est obligé autant à l’honneur des dames comme au sien propre » (H.
d’Urfé).
• ainsi comme :
« L’ennui qui vous emporte ainsi comme un torrent » (Montchrestien).
• si/aussi… comme :
« Il n’est rien de si beau comme Caliste est belle » (Malherbe).
• tant/autant… comme :
« Il ne sert de changer sa peinture en tant de façons comme Glycera faisait ses
bouquets » (François de Sales).
• • autant… que (= « aussi que ») :
« Croire la vie et la mort autant dissemblables que les uns et les autres nous le
figurent » (Bossuet).
15
Complétive
1 Problèmes de définition
En règle générale on définit la complétive comme une phrase :
• subordonnée ;
• qui occupe une position de GN ;
• qui est introduite par un que sémantiquement vide (ni interrogatif
ni relatif).
Qu’il vienne m’étonne
Je crois qu’il est là
L’idée qu’il parte me révolte, etc.
3 La non-prise en charge
Le locuteur en usant du conditionnel marque qu’il ne prend pas à son
compte ce qu’il dit. À cette valeur correspondent divers emplois.
a. L’information rapportée
C’est le cas du conditionnel journalistique (« Le général X aurait pris le
pouvoir ») qui rapporte les propos d’une source distincte de l’énonciateur
(« l’AFP », « les milieux bien informés »…). Plus largement, on recourt au
conditionnel pour énoncer une opinion ou un propos que l’on se refuse à
assumer :
Descartes développe une théorie nouvelle : la connaissance serait…
b. La reprise
Le locuteur reprend le propos de son interlocuteur ou une proposition
impliquée par le propos de ce dernier, mais sans en assumer la
responsabilité. Selon les contextes, on aura divers effets de sens :
A : Paul est de retour
B : Il serait donc brouillé avec Hélène
Serait il malade ?
Quoi ! Il serait de retour ?
C’est quand il y a rejet que le refus de prendre en charge est le plus net :
A : Tu veux m’aider ?
B : Moi, je t’aiderais ? Pourquoi je t’aiderais ?
5 Autres emplois
Certains emplois font l’objet d’analyses diverses, qui les rapprochent
tantôt du conditionnel hypothétique, tantôt du conditionnel de non-prise en
charge qui impliquent tous deux une non-coïncidence de l’énonciateur avec
son assertion. C’est le cas en particulier des énoncés ludiques (« Tu serais le
roi et je t’aurais délivré… ») ou oniriques (« Nous aurions des journées
merveilleuses… »).
Le conditionnel permet également d’atténuer les énonciations qui
risquent d’être perçues comme agressives (« Je voudrais vous
demander… », « Seriez-vous disposé à l’aider ? ») ou les assertions trop
péremptoires (« On jurerait un bateau », « On dirait qu’il attend… »). Ici, le
recours à on permet d’affaiblir la frontière entre l’énonciateur et d’autres
sources d’énonciation, et ainsi de jouer entre ce qui est assumé et ce qui
n’est pas assumé [ ON. 2 – fiche 43].
Diachronie
Le conditionnel n’existait pas en latin classique. Il est issu d’une périphrase modale du
latin vulgaire qui combinait l’infinitif et l’imparfait de habere. De là son étroite affinité
avec le futur simple, constitué de l’infinitif et du présent de habere. Ses emplois actuels
sont déjà vivants en ancien français.
Au XVIIe siècle, l’association, aujourd’hui dénoncée par la norme, de si et du
conditionnel (« Si j’aurais su, je serais pas venu ») est en usage chez les meilleurs
auteurs :
« Je meure si je saurais vous dire qui a le moins de jugement » (Malherbe).
« S’ils auraient aimé ces promesses spirituelles […] leur témoignage n’eût pas eu de
force » (Pascal).
Là où aujourd’hui l’on utilise plutôt le conditionnel composé, on employait souvent
devoir, pouvoir, falloir à l’imparfait ou au passé composé : « Ah ! Vous deviez (= “auriez
dû”] du moins plus longtemps disputer » (Racine).
« Vous dont j’ai pu [ = “aurais pu”] laisser vieillir l’ambition […] » (Racine).
17
Défini (article -)
1 Interprétation générique
et non générique
On isole classiquement un emploi où l’article défini singulier réfère à une
classe (emploi générique). C’est le cas en (1), où le prédicat « – est un
produit culturel » empêche d’interpréter le livre comme désignant un livre
particulier (emploi spécifique), comme en (2) :
(1) Le livre est un produit culturel
(2) Le livre était sur la table
L’article indéfini lui aussi peut avoir ces deux valeurs, mais il ne
construit pas la référence générique de la même manière : alors que le défini
désigne directement l’espèce « livre », l’indéfini n’atteint l’espèce qu’à
travers l’individuel (« Un livre est un produit culturel »).
Un test qui permet de distinguer interprétations générique et spécifique,
c’est la dislocation du GN et sa reprise par ça :
Le livre/un livre, ça plaît à tout le monde (générique)
Le livre de Luc, *ça/il plaît à tout le monde (spécifique)
Diachronie
À l’époque classique, dans certains cas, on n’employait pas l’article défini là où il est à
présent requis :
• avec des êtres uniques : Christ, ciel, enfer, terre, diable… ;
• avec des noms abstraits, personnifiés ou non : amour, nature, hasard… ;
• devant même antéposé à un nom : « Ils ne faisaient pas même jugement que lui »
(Vaugelas) ;
• dans certaines locutions verbales : avoir assurance, dire vérité, envoyer ordre, couper
chemin… Inversement, on mettait l’article défini là où aujourd’hui on ne le met plus :
faire la justice, lâcher le pied, faire la retraite… ;
• dans les superlatifs relatifs : les personnes plus élégantes (= les plus élégantes) ;
• devant des noms de pays, de fleuves ou de montagnes, mais c’est déjà archaïque à cette
époque : Égypte, Bretagne, Loire, Etna, Parnasse… Cet emploi était essentiellement
réservé aux GP : au bord de Loire, partir pour Égypte, etc. Inversement, on trouvait le
roi de la France ;
• dans les coordinations de parasynonymes : la vertu et bonté… Ce tour était très prisé
des écrivains du XVIe et du début du XVIIe. Vaugelas l’accepte encore. Néanmoins, la
tendance des grammairiens classiques est d’exiger partout la présence de l’article.
18
Degré de l’adjectif
1 Degré et normes
L’évaluation en degré suppose une norme tacite, relative à des
représentations socioculturelles. Dire de quelqu’un qu’« il est très bête »,
c’est dire qu’il possède un degré élevé de bêtise eu égard à la norme
d’intelligence de l’objet considéré. En effet, selon que « il » désigne un
chien ou un humain, la norme de référence change d’autant. De là parfois le
besoin de préciser cette norme : « Il est peu intelligent pour un berger
allemand. »
Si le degré affecté à un terme est inférieur, supérieur ou conforme à une
certaine attente, on fait intervenir des adverbes comme trop/trop peu, pas
assez, insuffisamment/assez, suffisamment… Dans ce cas c’est l’adéquation
à ce degré attendu qui est évaluée et nullement la propriété en elle-même. Si
l’on dit de quelqu’un qu’il est « très intelligent » on affirme qu’il est
intelligent ; en revanche, si l’on dit qu’il est « trop intelligent pour ce
poste », on parle seulement de l’intelligence requise pour ce poste.
3 La comparaison
Quand il y a comparaison, le contexte fournit un point de repère ; le plus
souvent il s’agit d’un autre terme affecté de la même propriété ou de deux
propriétés distinctes affectées au même individu (comparatifs de
supériorité, d’infériorité, d’égalité) :
Elle est plus/moins/aussi bête que Luc
Il est aussi stupide que méchant
4 Le superlatif
Le degré peut également se marquer en plaçant le terme sur la limite
supérieure ou la limite inférieure d’un ensemble de référence. Dire de Paul
qu’il est « l’élève le plus/le moins intelligent de la classe », c’est prendre un
ensemble d’éléments affectés d’une propriété (l’intelligence) et isoler celui
ou ceux qui se trouvent au minimum et au maximum. Comme pour la
comparaison, il s’agit d’une évaluation relative ; « le plus intelligent » d’un
groupe peut fort bien ne pas être intelligent, « le moins intelligent » être
quand même intelligent : tout dépend de l’ensemble de référence. Le
caractère superlatif est à son tour renforçable en degré :
La fille de loin/de beaucoup la plus gentille
5 Exclamatives
Les marques de degré entretiennent une relation essentielle avec les
phrases exclamatives, qui ont la particularité de permettre à leur
énonciateur d’exprimer le haut degré d’une propriété.
Même si l’on se limite aux adjectifs et aux adverbes, leur regroupement
s’opère sur des critères interprétatifs, et non sur la base d’une identité de
structure. On trouve en effet des constructions très variées [ TYPES ET
FORMES DE PHRASES. 2 – fiche 61].
Le haut degré permet également de construire un certain type de
subordonnées consécutives : « Il est si malin qu’il a fait illusion ».
Diachronie
Au XVIIe, l’interprétation superlative s’appliquait à des structures qui aujourd’hui sont
comparatives : « les personnes plus galantes » pouvait ainsi signifier « les personnes les
plus galantes ». C’était l’absence d’une comparative qui orientait vers l’interprétation
superlative. Ce tour était possible même lorsque le superlatif était suivi d’une relative :
« C’est une des grandes erreurs [ = une des plus grandes erreurs] qui soient parmi les
hommes » (Molière).
À cette époque, dans ce type de relatives, on employait beaucoup moins le subjonctif que
l’indicatif (en y incluant le conditionnel). Tout au long des XVIe et XVIIe siècles, les
grammairiens ont réclamé l’insertion d’un article défini, lequel s’est imposé
définitivement à la fin du XVIIe.
Le superlatif en -issime a été emprunté à l’italien au XVIe siècle, mais sauf exceptions
(rarissime, richissime) ou volonté de calquer le latin, son emploi a le plus souvent
témoigné d’une intention plus ou moins ludique.
19
Démonstratifs (déterminants
et pronoms)
a. Déterminants
À la forme renforcée, le nom s’intercale entre la partie variable et la
partie invariable du déterminant.
b. Pronoms
2 Sémantique du démonstratif
En employant le démonstratif déictique le locuteur réfère à un objet qui
est présupposé exister et se trouver dans l’environnement immédiat de
l’occurrence de ce démonstratif. Comme pour tout embrayeur, il faut donc
prendre en compte le moment et le lieu de l’énonciation. Mais le
démonstratif est beaucoup moins précis que des embrayeurs comme je ou
demain, lesquels fixent un référent bien identifié : hors d’une énonciation
singulière, ce + Nom et ça visent un référent indéterminé. Bien souvent le
démonstratif désigne un référent que l’on ne peut pas isoler et montrer
effectivement : cette nuit, cette vie…
On ne peut pas disjoindre les emplois anaphoriques et déictiques. Dans :
Regarde ce livre/ça
3 L’opposition « -ci/-là »
On a coutume d’interpréter en termes naïvement spatiaux l’opposition
entre les formes en -ci et celles en -là : à l’un le proche, à l’autre le lointain.
En fait, la plupart du temps, la forme en -là neutralise l’opposition, si bien
que l’on est obligé de recourir à des formes renforcées (celui-là là, celui là-
bas…) pour désigner un référent non proche.
Ceci se distingue de cela moins en termes de proche ou de lointain qu’en
ce que ceci réfère à quelque chose de bien délimité alors que cela n’est pas
contraint. On comprend, dès lors, que ceci ne puisse anaphoriser un
générique, qui par définition ne vise pas un objet particulier : « La paresse,
ça/cela (*ceci) ne mène à rien. »
Le morphème -là peut être exploité à des fins d’évaluation : cet homme-
là peut prendre soit une valeur péjorative, soit une valeur laudative, la
distance pouvant être interprétée dans les deux sens. Quant à la notion
même de « non proche », elle est également ambiguë : il peut s’agir de ce
qui est distant des interlocuteurs mais dans le même espace, ou de ce qui
appartient à un espace tout autre :
En ce temps-là vivait un roi… (légende)
Diachronie
Alors qu’en ancien français des éléments comme cist ou cil étaient à la fois pronoms et
déterminants, au XVIIe siècle il se produit comme pour les possessifs une dissociation
entre les formes des deux catégories.
Le déterminant actuel ce(t) est issu de cist et non du pronom neutre ce. On l’employait
dans certains contextes d’où il a disparu, en particulier pour les dates : « Paris, ce huit
mai. » Sa forme renforcée en -ci était en concurrence avec ce N ici. On a discuté pour
savoir s’il fallait préférer « cet homme-ci » ou « cet homme ici ». Vaugelas préférait ici
pour la conversation. À la fin du siècle ici est jugé archaïque mais -ci passe encore pour
légèrement familier. Quant à celui/celle déterminants, ils sont alors perçus comme
franchement désuets, sauf dans quelques tours (cf. « à celle fin que… »).
Par calque du latin, on employait parfois le déterminant démonstratif avec une valeur de
possessif de 1re ou 2e personne : ce dans « les maux de ce cœur abattu » (Corneille) réfère
au cœur de l’énonciateur.
Les pronoms renforcés ceci/cela sont des créations du moyen français, à partir de ce.
Quant à ça, c’est une forme abrégée de cela. Au XVIIe, ça est perçu comme marqué,
tantôt vulgaire, tantôt élégant.
Il subsiste quelques archaïsmes dans la première moitié du XVIIe. Ainsi le pronom icelui
ou cestui/cettui déterminants et pronoms (plutôt cettui comme déterminant et cettui-
ci/cette-ci comme pronoms). Ils sont remplacés par celui/celle-ci.
Là où le français moderne emploie celui/celle devant un relatif ou un GP, le début du
e
XVII utilisait parfois l’archaïque cil ou celui-là : « Un mari de ceux-là qu’on perd sans
pleurer » (La Fontaine). Il existait par ailleurs un emploi de celui-là comme pronom
neutre : « Celui-là se pourrait faire » (Molière).
On notera un tour fréquent : ceux de pour « les gens de ». Ainsi ceux d’aujourd’hui, ceux
de Paris, etc. L’expression « Il n’y a celui qui », vivante au début du XVIIe, signifiait : « Il
n’y a personne qui ».
20
Dérivation
1 Problèmes de définition
La dérivation est une procédure de construction d’unités lexicales par
adjonction d’un affixe (préfixe ou suffixe). En principe, le sens de la
nouvelle unité « dérive » de celui de la première de manière plus ou moins
prédictible. La suffixation diffère de la flexion, qui ajoute elle aussi des
affixes mais pour constituer des paradigmes morphologiques fermés et au
sens totalement prédictible (conjugaisons d’un verbe, déclinaisons d’un
nom…). On oppose la dérivation à la composition qui combine des unités
susceptibles par ailleurs d’un usage autonome : porte-clés sera donc un mot
« composé » puisque clé et porte s’emploient dans d’autres contextes en
tant qu’unités autonomes. En revanche, recommencement sera un dérivé
puisque ni re- ni -ment ne peuvent fonctionner indépendamment du terme
auxquels ils sont adjoints. Mais il n’est pas toujours facile de trancher entre
composition et dérivation : avant-coureur ou notion clé, par exemple,
peuvent poser problème.
Les préfixes sont adjoints devant le « terme de base », les suffixes après
lui. Mais cette différence est associée à une autre, décisive : les préfixes, en
général, ne modifient pas la catégorie du terme de base alors que les
suffixes le font (à l’exception des suffixes péjoratifs (noir → noirâtre) ou
diminutifs (maison → maisonnette). On notera néanmoins que le préfixe
anti- tend à convertir les noms en adjectifs : femme (nom)/antifemme
(adjectif). Alors qu’un certain nombre de préfixes jouent par ailleurs un rôle
de prépositions ou d’adverbes (sur ou contre par exemple), les suffixes
n’ont jamais d’emploi autonome. En outre, les mêmes préfixes peuvent
s’ajouter à des termes de catégories variées (pré-dire (verbe), prédiction
(nom), pré-électoral (adjectif)), tandis que les suffixes sont spécialisés : -
tion pour les noms, -al pour les adjectifs, etc.
On parle de parasynthétique quand un terme reçoit à la fois un préfixe
et un suffixe : désinsectiser ou aguerrir, par exemple, car il n’existe pas de
verbe *insectiser ou *guerrir.
2 La dérivation impropre
Alors que dans la dérivation canonique c’est seulement l’adjonction d’un
suffixe qui peut déclencher le passage à une nouvelle catégorie (passer
(verbe) → passeur (nom)), dans la dérivation impropre le changement de
catégorie n’implique aucune suffixation : passant (verbe) → un passant
(Nom).
La dérivation impropre concerne surtout les noms, qui jouent un rôle
d’adjectif (une ambiance banlieue), ou les adjectifs, qui jouent un rôle
d’adverbe (taper fort).
Mais cette notion de « dérivation impropre » recouvre des phénomènes
hétérogènes. Par exemple le fait que la préposition sauf provienne de
l’adjectif sauf, ou l’interjection Diable ! du nom diable n’a pas grand-chose
à voir avec le fait que l’on puisse utiliser un nom comme adjectif (« Il a
l’air très député de droite ») ou comme adverbe (« Pensez France »). Dans
le premier cas, il s’agit de phénomènes diachroniques lexicalisés, dans le
second, de processus réguliers, liés à la créativité lexicale.
3 Productivité et improductivité
En matière de dérivation on ne confondra pas le point de vue
synchronique et le point de vue diachronique. Nombre d’affixes en effet
ne sont perceptibles que si l’on fait intervenir l’étymologie : ainsi re- dans
remuer ou très- dans tressaillir, ou -age dans rivage. La commutation le
montre bien : muer n’est plus aujourd’hui à remuer ce que faire est à
refaire. En principe, pour qu’il y ait dérivation, il faut qu’en synchronie le
mot puisse s’analyser en ses divers composants à l’intérieur de paradigmes.
Malheureusement, la perception de ces composants varie selon les
individus, en particulier selon leur degré d’instruction.
Le français, comme les autres langues romanes, présente un système
dérivationnel complexe, qui fonctionne tantôt à partir des étymons latins
(dérivation dite savante), tantôt à partir de mots français (dérivation dite
populaire). On a même quelquefois des processus parallèles : loyal adjectif
dérivé du français loi fait ainsi face à légal dérivé du latin legem, l’étymon
de loi. Alors que l’on s’attendrait à trouver des suffixations comme
concevoir → concevage/conceveur on utilise conception/concepteur,
fabriqués à partir du supin latin conceptum. Cette situation oblige les
lexicologues à postuler des formes qui n’existent que pour l’analyse
lexicologique : ainsi, pour décevoir, une forme décept- permet de rendre
compte de termes comme déception ou déceptif.
Ce qui importe, c’est la productivité des affixes, c’est-à-dire leur
aptitude à permettre la création de mots nouveaux, puisqu’un affixe qui
n’est plus productif tend à se désémantiser. À la différence des affixes
flexionnels (par exemple les désinences des conjugaisons), les affixes
dérivationnels sont en prise directe sur l’évolution culturelle. Certains
préfixes savants sont très productifs (archi-, extra…) alors que d’autres,
populaires, sont devenus stériles (mes-, très-). De même, il y a des suffixes
pratiquement tombés en désuétude (-ard, -oir) alors que d’autres sont très
vivants (lav-euse, centrifug-euse…) ; pour les noms de lieux d’activité, la
palme revient sans conteste à -erie (jardinerie, solderie…).
4 Classement des suffixes
On classe les suffixes de diverses manières : selon leur origine (française,
latine, grecque…), selon leur caractère savant ou non, selon le type de
discours qui les emploie, selon leur productivité… Mais l’essentiel, c’est
évidemment leur sens et la catégorie qu’ils confèrent au terme de base.
Signalons :
• parmi les suffixes nominaux : les suffixes d’action (-tion, -age…),
ceux de qualité (-isme, -ité…), ceux d’origine (Land-ais, Chin-
ois…), etc. ;
• parmi les suffixes adjectivaux : certains s’associent à des verbes (-
able, -ible, -uble (= « qui peut être ») ou -ant (= « qui fait l’action
de »)), d’autres à des noms (cultur-el) ou à des adjectifs (bleu-
âtre) ;
• parmi les suffixes adverbiaux : -ment est aujourd’hui le seul
productif ;
• parmi les suffixes verbaux : -ifier, -ailler, etc.
Comme le suffixe modifie la plupart du temps la catégorie du terme de
base, il a une grande incidence sur la syntaxe. Comment en rendre compte ?
Sur ce point il existe deux tendances. Beaucoup considèrent que les suffixes
sont des morphèmes grammaticaux, au même titre que la marque du pluriel
ou celle de l’imparfait ; d’autres y voient de véritables unités lexicales, qui
en tant que telles auraient un signifié, un signifiant et une appartenance
catégorielle. Dans cette perspective, on dirait que -age, par exemple, est un
nom, mais qui aurait la propriété de ne pas avoir d’emploi autonome. Cela
impliquerait que -age dans un mot comme ratage ne soit pas considéré
comme un suffixe du verbe rater mais que le radical rat- selon l’élément
qui lui est adjoint serait un verbe (rat-er) ou un nom (rat-eur, rat-age…). Ce
sont là des problèmes ouverts.
21
Discours rapporté
1 Discours direct
Le discours direct n’est pas la reproduction fidèle du discours cité mais
un mode de présentation de celui-ci dans lequel le rapporteur met en
quelque sorte en scène la parole de l’énonciateur cité, qu’elle soit réelle ou
imaginaire (« Il pourrait me dire : “Viens !” »). Le discours direct dissocie
les deux situations d’énonciation, citante et citée, il conserve à chacune son
JE, son TU, ses repérages spatiaux et temporels, ses traces de subjectivité
énonciative [ EMBRAYEURS – fiche 23]. À l’écrit, ce sont les guillemets
qui matérialisent la frontière entre ces deux domaines énonciatifs :
« Je pars, idiot », m’a-t-il dit hier
2 Discours indirect
Le discours indirect, au contraire, ne dissocie pas les deux situations
d’énonciation : celle du discours citant ôte toute autonomie à celle du
discours cité. D’un point de vue syntaxique, le discours indirect est une
complétive objet du verbe ou une interrogative indirecte que rien ne
distingue des autres complétives ou interrogatives. Seul le sens du verbe
introducteur indique que l’on a affaire à du discours rapporté dans
l’exemple suivant :
Paul a dit que j’avais tort
Comme il n’y a plus qu’une seule situation d’énonciation, les marques de
subjectivité, les repérages spatiaux et temporels, les personnes sont ceux du
discours citant. La concordance des temps (ainsi dans l’exemple ci-dessus
l’imparfait du verbe de la complétive) manifeste cette perte d’autonomie du
discours cité. Dans l’énoncé :
Paul m’a avoué que ce salaud m’avait fait du tort
a. Discours direct
Au discours direct les moyens sont variés : un verbe de communication
en tête (il a dit : « … ») ou en incise (dit-il), ou simplement une rupture
syntaxique (il s’est assis : « … »). À l’écrit, on dispose de signes
typographiques (tiret, guillemets, deux points) ; à l’oral on peut changer
d’intonation, d’accent, etc., pour manifester le changement d’instance
d’énonciation.
b. Discours indirect
Son identification est liée à la présence d’un verbe approprié dans la
phrase principale : dire, répondre, murmurer… Ce verbe, à l’exception de
dire, oriente l’interprétation du discours cité. Si l’on dit : « Paul a avoué
qu’il avait vu Marie », cela présuppose que le fait de voir Marie constitue
une faute. Dire : « il a rétorqué » donne une tournure plus agressive qu’« il
a répondu », etc.
Luc prit le livre et l’ouvrit. Il était écrit en grec. Il le referma. Le froid l’envahissait
1 L’embrayage énonciatif
Une caractéristique très remarquable des langues naturelles, c’est que les
énoncés sont repérés par rapport à l’acte d’énonciation même qui les rend
possibles. Ils ne peuvent référer au monde que s’ils réfèrent aussi à eux-
mêmes. Un fait simple le montre : les énoncés ont une marque de personne
et de temps dès qu’ils sont assertifs, dès qu’ils disent quelque chose de vrai
ou de faux. Or la catégorie de la personne comme celle du temps impliquent
un repérage par rapport à la situation d’énonciation : la 1re personne, par
exemple, indique que le sujet de l’énoncé coïncide avec l’énonciateur, le
présent indique que l’état des choses évoqué par l’énoncé est valide au
moment où il est énoncé.
La notion d’embrayage, introduite par R. Jakobson, insiste sur le fait que
pour parler il faut convertir le système de la langue en discours. Il existe
dans la langue des unités qui permettent cette conversion en tirant leur
référence de la situation d’énonciation particulière dans laquelle elles sont
produites. C’est le cas des personnes, JE et TU, des déictiques, qui
donnent les coordonnées spatio-temporelles (ici, là-bas, demain,
aujourd’hui…). On ne peut savoir qui est je ou quel moment désigne
aujourd’hui si on ne prend pas en compte ce point de repère ultime qu’est
l’environnement spatio-temporel de leur occurrence : en dehors de telle
énonciation singulière, il n’existe pas de segment de réalité auquel on
puisse référer en disant « je » ou « aujourd’hui ».
2 Les personnes
À la suite des travaux d’É. Benveniste, on a pris l’habitude d’opposer les
personnes, je et tu, qui sont des embrayeurs, à la non-personne,
caractérisée morphologiquement comme la « 3e personne », qui n’est pas un
embrayeur.
Je indique que le sujet de l’énoncé est identique à l’énonciateur ; il est
inséparable de tu, qui est constitué comme tel par l’énonciateur. La « non-
personne », en revanche, permet de référer à des êtres qui n’appartiennent
pas à la sphère de la personne linguistique, qui n’entrent pas dans
l’échange.
Cette différence entre personnes et non-personne se manifeste de diverses
façons :
• je et tu n’ont pas de substituts pronominaux (me/te ne sont que des
variantes casuelles de je/tu), alors que les GN de 3e personne
peuvent être pronominalisés ;
• je et tu sont des êtres parlants (ou posés comme tels) alors que les
GN à la non-personne peuvent désigner toutes sortes de
référents ;
• je et tu n’ont pas de vrais pluriels : nous ou vous sont des
personnes « amplifiées », tandis qu’un pluriel comme des
chevaux dénote une pluralité d’éléments. En effet, nous ne
désigne pas plusieurs je mais un je associé à d’autres êtres, de
même que vous peut renvoyer à des combinaisons comme « toi et
un/plusieurs autre(s) ». On notera également qu’il existe des nous
ou des vous (de majesté, d’auteur, de politesse…) qui ne réfèrent
qu’à un seul individu ;
• les personnes sont nécessairement définies et en contact dans la
situation de communication, alors que les entités à la non-
personne peuvent être absentes, désigner des propriétés (la
beauté, l’existence…).
Parmi les unités linguistiques qui ont un statut d’embrayeur, total ou
partiel, on signalera également les déterminants possessifs (mon/ton…) qui
constituent en fait une variante morphologique de je/tu dans le spécifieur [
POSSESSIF . 1 – fiche 48], ainsi que la série le mien/le tien… qui associe
une pronominalisation à un embrayeur de personne (le mien = « le X de
moi »).
En (2), Paul est repris par il, son oncle par lui, le disque par le. La
dislocation droite n’est pas exactement symétrique de la dislocation gauche.
Comme on le voit en (1), puisque Paul devient à Paul quand il y a
dislocation à droite. Mais cette contrainte n’est pas toujours respectée.
L’ambiguïté suscitée par le fait que les trois GN sont au masculin
singulier est souvent levée par l’ordre des éléments détachés, qui
correspond habituellement à l’ordre des clitiques. Mais parfois l’ambiguïté
n’est résolue que par le contexte extralinguistique ; c’est le cas pour cette
phrase :
Le patron, Paul, il le supporte pas.
Ici le pronom il peut anaphoriser Paul ou bien le patron. C’est avant tout
la dynamique de la conversation, la pause et/ou l’intonation qui décident.
La phrase est ainsi divisée en deux membres séparés par une pause. Le
premier membre est en règle générale une relative en ce que, le second est
introduit par c’est, qui précède un GN (cf. (1)), un infinitif (cf. (2)) ou une
complétive (cf. (3)) qui ont une relation de complément ou de sujet par
rapport au verbe de la relative. Par exemple, en (2) « apprendre par cœur »
s’interprète comme le sujet de « est efficace » ; en (1) ou en (3) le GN et la
complétive sont objets directs de « veux » et « sait ».
Ces constructions ont pour effet de conférer au premier membre un statut
de présupposé. Ainsi en (1) il est présupposé Je veux quelque chose, ou en
(3) On sait quelque chose.
25
En/y
1 Deux clitiques
En et y se distinguent des autres pronoms clitiques [ PRONOMS
CLITIQUES – fiche 52] en ce qu’ils sont invariables en genre et en nombre.
Cette invariabilité s’explique par le fait qu’ils pronominalisent des GP et
non des GN. Or dans un GP, c’est la préposition, invariable, qui joue le rôle
de la tête. Dans les combinaisons de clitiques, la place de en et y est la
même, la dernière :
Je lui en/il m’y/je ne lui en…
* J’en le/*j’en ne/*il y le…
mais cela ne vaut que pour les circonstanciels de lieu « *j’y (= à la nuit)
serai arrivé »/« *il y (= à sa recherche) parcourt la ville »…). Il arrive que y
pronominalise des GP dépourvus de la préposition à, mais seulement s’ils
ont une interprétation locative :
Léon dort sous la table → Léon y dort
Max viendra sous quinzaine → *Max y viendra
4 Emplois spécifiques de en
À la différence du clitique y, le morphème en est susceptible d’emplois
non pronominaux, comme introducteur du gérondif ou comme préposition.
a. En et le gérondif
Ce qu’on appelle le gérondif [ -ANT (FORMES EN -). 4 – fiche 4]
correspond en français à une phrase circonstancielle à sujet nul dont le
verbe au participe présent est précédé par en :
Il se lavera [ en arrivant]
b. En préposition
À la différence d’une préposition locative comme dans ou sur, la
préposition en n’est pas employée librement. Sa présence est liée soit à son
appartenance à certaines locutions, soit à des ensembles lexicaux
particuliers :
• des locutions : en tête de, en cachette, en foule, en colère, en
connaissance de cause, etc. ;
• des compléments de verbes : croire en, abonder en, s’y connaître
en, etc. ;
• des GP circonstanciels :
• locatifs : des règles complexes associent en avec des noms de
pays, de grandes îles, de provinces non précédées d’un déterminant :
en France, en Corse, en Bretagne ;
• temporels : en 1477, en été, en un jour, etc. ;
• sont aussi concernées des classes très limitées : véhicules (en vélo,
en train…), vêtements (en bermuda, en veste), matières (en bois, en
marbre)…
De prime abord, on comprend mal qu’on puisse dire chasser en forêt et
non *chasser en bois ou quelle est la différence exacte entre une statue de
fer et en fer. Les locuteurs perçoivent en revanche plus aisément la
différence entre « l’oiseau est en l’air » et « l’oiseau est dans l’air ». Il y a
des régularités derrière de telles données, même celles qui peuvent sembler
erratiques, mais elles sont d’une trop grande complexité pour être analysées
ici.
Diachronie
1 Morphologie
Ces deux verbes ont une morphologie particulièrement riche,
« irrégulière », surtout au présent de l’indicatif, irrégularité liée au fait que
ce sont les verbes les plus fréquents.
Être est le verbe du français qui possède le plus grand nombre de bases :
suis, est, sommes, sont, ét-(é/ais…), êt-(es) se-(rai/rions…), soit, soy-
(ons/ez…), fu-(mes/ssent…).
Avoir comporte aussi plusieurs bases : ai, a(s), av-(ons/ait…), ont, au-
(rai/rions…), ay-(ons/ez…), eu-(mes/ssions…).
2 Verbes auxiliaires
Le verbe avoir permet de construire les formes composées et
surcomposées de la grande majorité des verbes, pour les modes personnels
(a/avait/aura/eut/aurait/aie mangé) comme pour les modes non personnels
(avoir/ayant mangé). Mais il est exclu de toute forme pronominale : « Il a
lavé/*il s’a lavé ». Exception d’autant plus intéressante que l’on a : « Il l’a
lavé » ; c’est donc la présence de se qui empêche avoir d’apparaître, et non
la présence d’un clitique complément.
Le verbe être est utilisé pour la passivation [ PASSIF – fiche 46] des
verbes transitifs (« Paul est menacé par Jules »), ou pour les formes
composées des verbes pronominaux et d’un grand nombre de verbes
intransitifs (« Il est arrivé ») [ INTRANSITIFS (VERBES -) -fiche 38].
Néanmoins, certains verbes admettent être comme avoir. Ce choix influe
sur l’interprétation quand il y a polysémie :
Il a demeuré ici (= « habité »)/Il est demeuré (= « resté ») debout
Le choix entre être et avoir est souvent lié à une opposition aspectuelle
entre procès (avoir) et état résultant (être) dans le cas de certains verbes
intransitifs : « Il a changé/Il est changé ». Mais la différence de sens n’est
pas toujours claire :
Le manuel a paru l’an passé
Le manuel est paru l’an passé
Avoir n’est pas passivable (« *Ce livre est eu par Jean ») et son
complément est obligatoire (« *Jean a »). Ces restrictions ne sont pas
surprenantes : avec avoir, le sujet n’est pas un agent et la phrase s’interprète
comme une relation (« X appartient à Y »), non comme un procès.
Associé à un GN défini désignant une partie du corps, avoir entre dans
des constructions à attribut de l’objet :
Jean a les yeux bleus (*Jean a les yeux)
Luc a la veste déchirée (*Luc a la veste)
Avoir peut aussi jouer le rôle de verbe support, c’est-à-dire de ces verbes
(surtout avoir, faire, donner) qui se combinent avec un GN pour former une
locution verbale, une suite qui fonctionne comme un verbe : avoir peur,
faim, envie…
b. Être
La singularité syntaxique du verbe être est encore plus grande. Il a bien
des compléments pronominalisables (« Paul est gentil » → « Paul l’est »,
« Paul est un marin » → « Paul en est un », « Paul est le mari de Julie » →
« Paul l’est », etc.) mais à la différence des autres verbes, il ne contraint ni
le sens ni la catégorie de ses compléments. C’est ainsi qu’être peut être
suivi d’une phrase (« Le problème est qu’il est là »), d’un GN (« Paul est
mon frère »), d’un GA (« Paul est gentil »), d’un GP (« Paul est sur la
table »), sans la moindre contrainte sémantique (comme ce serait le cas avec
un verbe ordinaire).
Les GN qui figurent à sa droite ne sont pas considérés comme des
compléments d’objet mais comme des attributs [ ATTRIBUT – fiche 9].
Alors qu’un attribut suppose l’identité du GN complément du verbe et du
GN sujet, un GN objet direct, lui, possède nécessairement un référent
distinct de celui du sujet (dans « Paul voit le maire de la ville » il s’agit de
deux individus distincts). Ce principe n’est violé que lorsque le complément
d’objet est réfléchi (« Pierrette se lave »).
Être est susceptible de trois interprétations principales :
• interprétation prédicative (il confère une propriété) : dans ce cas,
il peut être suivi d’un GN, d’un GP ou d’un GA, qui sont
pronominalisables ;
• interprétation équative : il s’agit de GN qui peuvent permuter avec
le sujet (« L’auteur du roman est le père de Jules » Ö « Le père de
Jules est l’auteur du roman ») ;
• interprétation locative, qui correspond à diverses interprétations.
En particulier : lieu (« Il est dans la cour » = « se trouve ») ;
localisation dans le temps (« La réunion est à minuit ») ; provenance
(« Pierre est d’Amiens ») ; matière (« La statue est en fer ») ;
possession (« Les bijoux sont à Marie »), etc.
Le verbe être fonctionne également comme verbe impersonnel qui
localise dans le temps :
Il est midi
Il est temps de partir
a. La fonction sujet
Toute phrase dont le verbe est à l’indicatif a un sujet, qui en général est
un GN.
b. Les dislocations
Elles ont des propriétés différentes selon qu’elles se situent à gauche ou à
droite de la phrase (certains accepteraient peut-être l’exemple (2) comme
grammatical mais il est nettement plus difficile à accepter que l’exemple
(1)) :
(1) Paul, je lui ai parlé
(2) ?? Je lui ai parlé, Paul
(3) Il l’a vue, Marie
(4) Paul en vient, de la ville
(5) La ville, Paul en vient
(6) *Paul en vient, la ville
1 L’expression du futur
Beaucoup de langues ne possèdent pas de paradigme de futur dans leur
morphologie verbale ; elles recourent plutôt à des verbes modaux ou
simplement à des présents combinés avec des circonstants temporels. Même
en français le futur ne s’exprime pas nécessairement à travers un paradigme
flexionnel spécialisé. Les phrases suivantes :
(1) Il part demain
(2) Il doit partir demain
(3) Paul va partir demain
(4) Paul partira demain
expriment toutes l’avenir, mais seuls les exemples (3) et (4) contiennent
de véritables formes de futur. En fait, si l’on regarde plus attentivement, on
peut voir que ces quatre tours, y compris les exemples (3) et (4), sont des
présents de l’indicatif : part, doit, va, mais aussi partira qui résulte de la
combinaison d’un infinitif et du présent du verbe avoir (-ai, -as, -a, -
(av)ons, -(av)ez, -ont), comme le confirme la grammaire historique. Ce
n’est pas dû au hasard. Il existe en effet dans la langue une dissymétrie
fondamentale entre le passé et le futur : le futur est une projection à partir
du présent, il est radicalement modal (cf. l’emploi de devoir), tandis que le
passé, qui est du révolu, privilégie la dimension aspectuelle. Il n’y a de
futur que soutenu par la volonté, l’espoir, les craintes, etc., de sujets. Aussi
comprend-on que le système énonciatif « non embrayé » [
DISCOURS/RÉCIT – fiche 22] exclue tout véritable futur, lequel implique
l’intervention modalisatrice d’un énonciateur.
et
(2) Mon fils sera champion du monde
Dans tous ces cas, le contexte joue un rôle décisif pour permettre à
l’allocutaire de déterminer la valeur pertinente : le moindre changement
peut modifier l’interprétation. Par exemple, « Je partirai un jour ou l’autre »
est moins perçu comme une promesse que « Je partirai quand je le
voudrai ». L’imprécision d’un jour ou l’autre ôte en effet de sa valeur
agentive à l’action du sujet.
4 Le futur antérieur
En tant que forme composée du futur simple, le futur antérieur peut être
employé comme :
• antérieur corrélatif d’une forme simple : « Quand il aura mangé,
il partira » ;
• accompli : « À huit heures il aura mangé ».
Mais il est également susceptible de deux emplois fortement modalisés :
probabilité (cf. l’exemple (1)) et ce qu’on pourrait appeler un futur antérieur
de « bilan » (cf. l’exemple (2)) :
(1) À mon avis, il aura manqué le train
(2) Finalement, il aura réussi son coup
1 Fonctions du genre
Le genre possède une fonction sémantique et une fonction syntaxique.
a. Fonction sémantique
Le genre indique le sexe quand le nom s’y prête (chat/chatte) (voir
infra 2), mais aussi contribue à structurer le lexique. Comme la grande
majorité des noms sont dérivés par suffixation et que chaque suffixe a un
signifié et un genre (-ment suffixe nominal est masculin, -tion est féminin,
etc.), cela contribue à renforcer la cohésion des classes lexicales. Le genre
permet également de distinguer des homonymes : un/une livre, un/une
page…
Pour un certain nombre de noms, les locuteurs hésitent dans l’affectation
du genre. C’est en particulier le fait des noms commençant par une voyelle :
entracte, esclandre, orbite, épithète… L’élision de l’article défini (l’) ainsi
que la proximité phonétique entre un et une ne facilitent pas la
discrimination.
b. Fonction syntaxique
L’accord en genre contribue à renforcer le lien entre ces deux piliers de la
phrase que sont le GN sujet et le GV, même si dans le GV ne sont concernés
que les GA attributs et les participes passés. Il renforce aussi la cohésion à
l’intérieur des GN puisque les adjectifs et beaucoup de déterminants
prennent le genre du nom tête. Mais là il faut distinguer entre l’écrit et
l’oral, entre le singulier et le pluriel, entre les types d’adjectifs et de
participes passés. Par exemple les filles intelligentes à l’oral n’indique pas
le genre du déterminant mais celui de l’adjectif ; en revanche, la fille
ridicule indique le genre du déterminant mais pas celui de l’adjectif.
b. À l’oral
La plupart des termes ne marquent pas l’opposition de genre. On trouve
diverses possibilités pour ceux qui la marquent :
• ajout d’une consonne finale : permis/permise (pεrmi/pεrmiz),
grand/grande (gr/grd) ;
• variation entre la voyelle nasale et la voyelle orale correspondante
avec ajout d’une consonne nasale : bon/bonne (b/bɔn) ;
• variation d’aperture vocalique accompagnée d’une substitution de
consonnes : fonceur/fonceuse (fsœr/fsøz) ;
• variation vocalique et ajout d’une consonne : fou/folle (fu/fɔl),
beau/belle (bo/bεl) ;
• substitution de consonnes sans variation vocalique : neuf/neuve
(nœf/nœv).
On constate que la plupart de ces marques ne sont pas spécifiques du
féminin. Par exemple, le -t- qui « apparaît » au féminin de petit est
également présent dans la suffixation (petitement) et la liaison (un petit
idiot). On est obligé de conclure que c’est à l’adjectif lui-même et non au
féminin que cette consonne appartient. Beaucoup d’adjectifs possèdent ainsi
deux formes, l’une brève, l’autre longue, et c’est le contexte qui
sélectionne l’une ou l’autre.
On retrouve ce phénomène ailleurs : par exemple pour l’article défini
singulier, avec sa forme brève (l’) destinée à éviter le hiatus et sa forme
longue (le).
Un certain nombre d’adjectifs, que ce soit à l’oral ou à l’écrit, ne
connaissent pas la variation en genre. Il peut s’agir :
• d’adjectifs qui ne connaissent qu’un seul genre : féminin (enceinte,
poulinière…), ou masculin (aquilin, dispos…) ;
• et surtout d’adjectifs qui s’achèvent par un -e au masculin : pauvre,
noble, stupide…
30
Hypothétiques (systèmes -)
1 L’hypothèse
Considérons tout d’abord un système hypothétique canonique :
Si je suis malade (A), tu resteras chez toi (B)
2 Les systèmes en si
Avec si, les systèmes hypothétiques sont assez complexes et ambigus :
a. Potentiel
Si + Présent (A), Futur/Présent (B) :
S’il vient, je partirai/je lui parle
Si + Imparfait (A), Conditionnel (B) :
S’il venait, je partirais
c. Irréel du passé
Si + Plus-que-parfait (A), Conditionnel composé (B).
Le si est fréquemment associé à des morphèmes qui en infléchissent
notablement la valeur modale : si seulement, si jamais, si par malheur, si
encore, si même…
Il existe par ailleurs quelques subordonnants spécialisés dans
l’expression de l’hypothèse : au cas où/à (la) condition que/à moins que/à
supposer que/supposé que… Ils imposent des contraintes spécifiques à la
phrase qu’ils introduisent : tel appelle le conditionnel, tel autre le subjonctif,
etc.
On notera que le subordonnant si peut avoir d’autres valeurs
qu’hypothétiques. En particulier temporelle, pour exprimer une répétition
(« Si (= chaque fois que) Paul était malade, Marie le soignait ») et
concessive (« S’il est intelligent (= en admettant que), il le cache bien »).
Mais on ne peut pas parler de si homonymes ; la valeur hypothétique n’est
qu’une des valeurs possibles de si, dont le sens se calcule en fonction du
contexte où il apparaît.
b. L’impératif
Critiquez (et) vous serez craint
c. La juxtaposition d’énoncés
au conditionnel
J’aurais tout vu, je l’aurais dit
Je serais riche, ça se saurait
Ce tour est rejeté par les puristes mais très vivant à l’oral. Il exploite la
capacité du conditionnel à poser du fictif [ CONDITIONNEL. 5 – fiche 16].
d. La juxtaposition de deux énoncés
au présent ou à l’imparfait avec
une mélodie montante, puis
descendante
Il vient me voir, je l’invite à rester
Il venait me voir, je l’invitais à rester
e. La juxtaposition d’énoncés
non verbaux organisés autour
d’éléments de sens contraires
Rapide à la course, lent au réveil (= « Si on est rapide…, alors… »)
Diachronie
Au XVIIe siècle, on trouve encore, à l’état d’archaïsme, le système d’ancien français :
Le type actuel (« Si j’avais eu raison, je serais parti ») s’est diffusé au XVIe siècle. C’est
avec les auxiliaires et les verbes modaux [ dussiez, eussiez…) que l’imparfait du
subjonctif s’était le mieux maintenu, dans cet emploi comme dans les systèmes à
inversion de clitique :
Au début du XVIIe, on élide encore parfois si devant un autre pronom que il : s’elle = si
elle.
31
Imparfait
1 L’imparfait correspondant
du présent
À strictement parler, l’imparfait ne constitue pas directement un
« temps » du passé, puisqu’il ne permet pas à lui seul de situer un procès
dans le passé. Il indique seulement que le procès est contemporain d’un
repère situé dans le passé. Sans ce repère, un énoncé à l’imparfait apparaît
incomplet, comme suspendu. Pour que « Paul pleurait » soit énonçable, il
faut donc lui associer un repère : « Quand je suis arrivé, Paul pleurait. »
Rien ne dit qu’au moment où l’on dit cette phrase, Paul n’est pas toujours
en train de pleurer.
Comme l’indique son nom, l’imparfait est d’un point de vue aspectuel un
« temps » imperfectif [ ASPECT. 1 – fiche 8], c’est-à-dire qu’il saisit le
procès dans son déroulement, indépendamment de son origine et de son
terme. Le présent possède la même valeur, à la différence près que son
repère n’est pas donné dans l’énoncé mais coïncide avec le moment même
de son énonciation.
Tout naturellement, l’essentiel des valeurs du présent et de l’imparfait se
répondent donc :
• contemporanéité par rapport à un repère : « Je suis malade (au
moment où je parle) »/« J’étais malade quand vous m’avez
vue » ;
• imminence : « Je sors (= je suis sur le point de sortir) »/« Je sortais
quand vous m’avez appelé » ;
• passé immédiat : « J’arrive du marché (= je viens
d’arriver) »/« J’arrivais du marché quand ça a sonné » ;
• habitude : « Je me lève à huit heures en hiver »/« Je me levais à
huit heures en hiver » ;
• propriété : « Marie est blonde »/« Marie était blonde » ;
• état : « La ville est endormie »/« La ville était endormie quand je
suis arrivé. »
Cette symétrie entre les deux « temps » se manifeste aussi dans la
concordance des temps, où le présent se convertit en imparfait (« Je crois
qu’il est malin/J’ai cru qu’il était malin ») ou dans le discours indirect libre
[ DISCOURS RAPPORTÉ. 4 – fiche 21] dont nombre de verbes à l’imparfait
s’interprètent comme des présents.
2 Le problème de l’imparfait
Nous venons de rappeler la définition traditionnelle de l’imparfait, celle
d’un « temps » imperfectif du passé, symétrique du présent.
Mais depuis longtemps il existe un débat à ce sujet, certains linguistes
refusant de voir dans l’imparfait un temps du passé, ou même une forme
imperfective. Pour eux l’imparfait dans certains contextes peut référer à un
procès passé, mais ce n’est pas sa valeur fondamentale. De fait, nombre
d’emplois de l’imparfait ne réfèrent pas à des procès passés et/ou n’ont pas
de valeur imperfective. Ainsi dans ces exemples il est difficile de parler de
« passé » :
(1) Samedi prochain, il y avait une fête, mais j’irai pas
(2) Un mot de plus, et je tirais (= j’aurais tiré)
(3) Je venais vous demander un service
(4) Qu’il était gentil le chienchien !, etc.
Les énoncés sont répartis sur les deux plans : ceux qui sont à l’imparfait
(ou au plus-que-parfait) s’appuient sur les énoncés de premier plan au passé
simple : (2), (3), (4), sur (1) et l’énoncé (6) sur (5). Ainsi se dégagent des
unités intermédiaires entre les phrases et des séquences textuelles plus
vastes.
c. L’imparfait de narration
L’imparfait est utilisé ici comme une forme de premier-plan. Procédé très
fréquent dans les reportages sportifs :
Marseille ne tardait pas à réagir. Dupont lançait Martin sur sa droite, qui égalisait au
terme d’une course folle
On pourrait ici remplacer les imparfaits par des passés simples. Dans la
mesure où par nature l’imparfait n’inscrit pas dans le temps, il provoque ici
un effet d’accélération, il met en évidence l’enchaînement d’événements
étroitement liés. Mais ce type d’emploi est toujours encadré par des
présents, des passés simples ou composés qui mettent en place le cadre du
récit.
4 Emplois modaux
a. Dans l’interlocution
L’imparfait permet aussi de résoudre des difficultés qui surgissent dans
l’interlocution. Il « désactualise » le propos de l’énonciateur, le
« décroche » de la situation d’énonciation :
• pour atténuer des énonciations virtuellement agressives pour
l’allocutaire. Ainsi quand on dérange quelqu’un pour une requête :
Je voulais vous demander quelque chose…
• pour s’adresser à des êtres qui ne peuvent pas répondre, petits
enfants ou animaux familiers (imparfait dit hypocoristique). Cet
emploi s’accompagne souvent d’un glissement de la seconde per-
sonne vers la 1re ou la 3e :
Il était gentil, ce toutou-là/le beau bébé
J’étais beau, moi, j’aimais ma maîtresse
1 Morphologie de l’impératif
L’impératif se caractérise par l’absence de sujet phonétiquement réalisé et
des lacunes dans sa conjugaison. Il emprunte en effet ses formes au présent
non accompli (« Dormez ! ») ou accompli (« Ayez fini dans une heure ! »),
mais ne recourt qu’à la seconde personne (singulier et pluriel) ainsi qu’à la
première du pluriel (« Partons ! »). En fait même dans ce dernier cas, il
inclut une seconde personne : « Partons ! » s’interprète comme un JE + TU.
À l’écrit l’impératif ne comporte pas nécessairement le -s de la
2 personne du singulier : « Tu pleures/pleure » (à côté de « Tu
e
2 Impératif et prescription
Du point de vue « pragmatique » (= de ce qu’on fait avec la parole)
l’impératif permet d’exprimer un ensemble d’actes de discours
prescriptifs : ordre, bien sûr, mais aussi requête, conseil, etc. L’impératif
présente l’état de choses à accomplir en mettant sa réalisation à la charge de
l’allocutaire. Il ne dit pas explicitement qu’il est une prescription mais il le
montre à travers son dire. Toute prescription implique un écart essentiel
entre l’énonciateur et un allocutaire sur qui il entend agir ; il modifie ainsi
les relations entre les interlocuteurs, enfermant l’allocutaire dans une
alternative : obéir/ne pas obéir.
Mais cette valeur pragmatique peut être portée par d’autres structures en
particulier l’infinitif (« Ne pas ouvrir ! », « Ralentir ! ») et l’association de
« que » et du subjonctif (« Qu’il vienne ! », « Que je parte enfin ! »). Il est
compréhensible que ce soit l’infinitif et le subjonctif qui soient ici
mobilisés : l’un et l’autre n’ont pas d’inscription temporelle et ne peuvent
être assertifs [ SUBJONCTIF. 2 – fiche 57 et INFINITIF. 1 – fiche 35].
3 Le problème du sujet
L’infinitif et l’impératif n’ont pas de sujet exprimé, leur position sujet est
phonétiquement nulle. À l’infinitif, le sujet nul s’interprète comme un agent
quelconque ou est spécifié grâce à son antécédent [ INFINITIF. 4 –
fiche 35]. À l’impératif, c’est la situation d’énonciation qui permet de
spécifier le sujet comme étant l’individu ou les individus à qui s’adresse
l’énoncé de seconde personne. Il y a donc circularité, renvoi de la syntaxe
de l’énoncé à l’acte d’énonciation particulier qui le rend possible. Cela
n’exclut pas que ce sujet s’interprète comme quelconque ; il suffit pour cela
que l’allocutaire soit générique (cf. dans les proverbes ou maximes :
« Travaillez, prenez de la peine, c’est le fonds qui manque le moins »).
4 Les clitiques
Une des singularités de l’impératif, c’est que les clitiques compléments
sont placés à droite du verbe, et non à gauche, et liés à lui dans le code
graphique par un trait d’union : mange-le, donne-le-lui, prends-m’en, etc. Il
y a là un phénomène remarquable qui a suscité chez les linguistes des
explications très « techniques » qu’il est impossible d’exposer ici ; a priori
on ne peut pas savoir s’il s’agit ici d’une « inversion du clitique » ou si c’est
le verbe qui passe devant le clitique. En dernière position, à la 1re et à la 2e
personne le clitique postposé passe à la forme tonique : « Regarde-
moi/Parle-moi ».
Mais s’il y a négation, on retrouve l’antéposition des clitiques : « Ne me
le fais pas », « Ne lui en parle pas », etc. L’usage familier recourt souvent à
une construction stigmatisée par les puristes (« Vois-le pas »), qui postpose
les clitiques compléments.
Diachronie
Au XVIIe siècle et encore au XVIIIe, si deux impératifs étaient liés par une conjonction de
coordination (surtout et, mais, ou), le clitique objet du second se plaçait avant le verbe :
« Prends ton pic et me romps ce caillou » (La Fontaine).
On rencontrait encore à l’écrit quelques impératifs sans -s, héritage de l’ancien français
(pren, fay…). Les poètes en usaient pour les besoins de la rime :
1 Le « il » impersonnel
Les constructions impersonnelles ont en position de sujet un il qui
présente des propriétés remarquables :
• il n’a pas de signifié et ne joue pas dans le procès le rôle des GN
habituels (agent, patient, instrument…) ;
• il est invariable ;
• il ne peut être remplacé par aucun pronom ou nom ;
• c’est un clitique, inséparable donc du verbe [ PRONOMS
CLITIQUES – fiche 52] ;
• il gouverne l’accord du verbe en genre et en nombre (« Il est venu
deux personnes »), mais aussi de l’attribut (« Il est curieux que
Paul soit en retard »). L’accord se fait avec les catégories non
marquées : masculin et singulier.
Certains verbes transitifs peuvent figurer dans cette structure s’ils sont
dépourvus d’objet et associés à des circonstants spatio-temporels :
Il mange beaucoup de journalistes ici chaque jour
Ce sont des passives d’un type particulier puisque l’objet direct n’est pas
ici en position de sujet. Mais comme les autres passives, le sujet appelé par
le verbe a été éliminé de la position sujet et le verbe est être + participe
passé.
Dans cette construction, le verbe peut être suivi de compléments
indirects :
On a recouru à cet artifice/* Cet artifice a été recouru
Il a été recouru à cet artifice
d. Les impersonnelles en se
Il se raconte bien des choses à ce sujet
Il s’achète peu de tabac dans la région
D’un point de vue aspectuel, ces deux structures sont fort différentes :
l’impersonnelle s’interprète comme un événement, qui appelle des
circonstants, tandis que la structure moyenne s’interprète souvent comme
une propriété ou comme un procès générique. Mais dans les deux cas,
l’agent du procès reste indéterminé ; en particulier, on ne peut pas introduire
un complément d’agent : « * Quelques fleurs se vendent par mes
amis »/« *Il se vend des fleurs par mes amis ».
a. Phrase catégorique
Dans une phrase catégorique, on attribue un prédicat à un argument (GN
ou phrase) dont on présuppose l’existence :
Le livre est bleu
Marie est venue
Une voiture a franchi la ligne jaune
Qu’il parte m’étonne
Fumer est malsain…
b. Phrase thétique
Elle ne prédique pas quelque chose d’un argument dont on présuppose
l’existence, elle introduit un état de choses en même temps que le sujet qui
y est impliqué. Si l’on dit :
Il a été trouvé un livre
Il y a des fleurs dans le jardin
Diachronie
L’ancien français recourait beaucoup aux verbes impersonnels, employés sans il. C’est
au XVI e siècle que ce il s’impose définitivement. Au XVII e siècle, certains verbes
psychologiques entraient dans des constructions impersonnelles, des latinismes,
aujourd’hui marginales (il me déplaît…) ou impossibles (il me fâche de…). Leur valeur
se comprend à la lumière de l’opposition encore vivante dans l’usage soutenu entre il me
souvient et je me souviens (Vaugelas trouvait bons ces deux tours).
On trouvait quelques archaïsmes : il conste (= « Il est établi ») ou il chaut (= « Il
importe ») ; parfois le verbe était utilisé sans il : semble que, faut, y a…
Là où aujourd’hui on fait usage de on, le XVII e recourait souvent au passif impersonnel,
comme l’ancien français : « Au dieu d’amour il fut sacrifié » (La Fontaine).
34
Indéfinis
1 Un ensemble problématique
La tradition a légué cette notion d’indéfini, qui repose sur des propriétés
syntaxiques et sémantiques :
• syntaxiques : ils ont un statut de GN (s’ils sont pronoms) ou de
déterminants du nom ;
• sémantiques : il s’agit surtout de quantifieurs (ou d’éléments dans
lesquels la dimension quantifiante domine), auxquels s’ajoutent
même, autre, tel, qui ont valeur qualifiante.
En ce qui concerne les déterminants, le terme d’« indéfini » n’est guère
approprié. Si c’est le caractère non défini qui sert de critère d’appartenance,
on devrait y inclure un ou l’article zéro. En fait, il s’agit plutôt de
l’ensemble des déterminants du nom auquel on a soustrait les articles
(défini, indéfini, partitif, zéro), les démonstratifs et les possessifs.
2 Déterminants
La classe des indéfinis se divise en déterminants et en pronoms. Le
tableau qui suit fait intervenir à la fois les propriétés distributionnelles et le
sens des indéfinis.
a. Quantifieurs
On distingue :
1. ceux qui peuvent commuter avec les articles (aucun/plusieurs ami(s)) ;
2. ceux qui peuvent être postposés à l’article.
Dans ces deux groupes, quelques termes permettent au GN de référer à
un ensemble vide (nul), d’autres à un objet singulier (quelque), d’autres à
des pluralités restreintes (divers), non restreintes (maint) ou à une totalité
distributive (chaque) ;
3. tout antéposé à l’article circonscrit une totalité saisie de manière
globale (tout le/un…) ou distributivement s’il est placé directement devant
le nom (tout homme) [ TOUT. 2 – fiche 60].
Dans ce tableau sont notés les déterminants qui s’emploient avec des
noms comptables (ou discrets). D’autres déterminants, qui comportent de,
s’emploient aussi bien pour des noms comptables que non-comptables :
beaucoup de, un peu de, peu de, moins/plus/autant de… Le de permet de
marquer l’opération de prélèvement d’une partie :
Il a acheté beaucoup de livres/de beurre
b. Non quantifieurs
Sont concernés le couple même/autre et tel, qui s’emploient avec un
article ou seuls devant le nom (telle personne, même aventure, une telle
personne, la même histoire…).
3 Pronoms
a. Quantifieurs
La notion de « pronom » est ici équivoque. Il faut en effet mettre à part
les vrais pro-noms, ceux qui ont un antécédent nominal : « j’ai trois chats ;
aucun n’est affectueux. » Ces pronoms sont susceptibles de deux emplois :
en anaphore, après leur antécédent (cf. l’exemple ci-dessus), en cataphore [
ANAPHORE NOMINALE. 1 – fiche 3], devant leur antécédent (« Quelques-
uns de nos amis… »).
Ceux qui ne sont pas de véritables pro-noms réfèrent directement c’est-à-
dire sans passer par un antécédent. On les appelle parfois pronoms
autonomes. Dire par exemple « Personne n’est venu », c’est dire qu’il
n’existe pas d’individu auquel on puisse associer le prédicat « – est venu ».
Bien entendu, l’ensemble à partir duquel on dira que « personne n’est
venu » varie selon les contextes (aucun client, aucun élève, etc.) mais ce ne
sont pas pour autant des pronoms, des substituts de noms.
Les grammaires incluent parfois le clitique sujet on parmi les pronoms
indéfinis [ ON – fiche 43].
Aux éléments figurant dans ce tableau on ajoutera les pronoms numéraux
cardinaux (un, deux, trois…), utilisés pour anaphoriser partiellement un
GN :
J’ai acheté cinq vaches. Trois sont malades
Diachronie
Même avait au XVIIe un comportement assez différent de celui qu’il a aujourd’hui. Ainsi
le même + Nom pouvait signifier « le N même ». c’était le contexte qui décidait :
Autrui est en ancien français le cas-régime de autre ; Vaugelas préfère encore d’autrui,
qu’il juge supérieur à des autres, mais signale que certains considèrent autrui comme
vieilli. On notera que, dans la continuité de son étymologie, ce terme continue
aujourd’hui à ne s’employer que comme complément, sauf dans le discours
philosophique.
Maint était déjà déclaré désuet par Vaugelas ; La Bruyère regrettait son recul. Il a
néanmoins survécu dans la langue soutenue.
Chacun en ancien français était pronom et déterminant. Comme déterminant c’est un
archaïsme au XVIIe : chacun an, par chacun jour qu’emploie Malherbe sont condamnés
par Vaugelas. Chaque, qui s’est massivement diffusé au XVIe, a permis d’enlever à
chacun tout statut de déterminant (cf. le couple analogue quelque/quelqu’un).
Aucun pouvait encore être utilisé comme pronom avec sa valeur positive étymologique
(= aliquis unus) :
Dans l’exemple (2), il y a reprise et rejet d’un énoncé d’autrui, qui n’est
pas pris en charge ; dans l’exemple (3), il y a injonction (dans d’autres
contextes l’infinitif peut aussi exprimer le souhait). On aura relevé que la
négation de l’infinitif place ne et pas devant le verbe et ses clitiques
compléments, alors que les verbes à temps fini ou au participe présent
s’intercalent entre ne et pas (« Je ne le touche pas », « Ne dormons pas »).
À la forme composée l’usage hésite : n’être pas venu/ne pas être venu.
3 Le problème du sujet
Si beaucoup de grammairiens hésitent à considérer l’infinitif comme une
phrase, c’est parce qu’il n’a pas de sujet, du moins de sujet phonétique. En
revanche, s’il y a un sujet non nul, ils parlent sans difficulté de phrase ou de
proposition infinitive ; c’est le cas après laisser ou faire, après les verbes de
perception, après certains verbes de mouvement (emmener, conduire,
envoyer) et plus marginalement dans les « infinitifs de narration » :
Je fais/laisse dormir Luc
Il emmène Luc chasser
Je vois/sens/entends… Léon venir
Grenouilles de sauter dans les ondes
Faire l’hypothèse que les infinitifs ont un sujet nul, c’est poser qu’en
français il existerait (sauf pour les quelques exceptions que sont laisser,
voir, etc.) deux types de phrases :
• celles à sujet nul et verbe non conjugué ;
• celles à sujet non nul et verbe conjugué.
Ce qui conduirait à prendre acte d’une corrélation entre présence d’un
sujet exprimé et présence des marques de temps et de personne, ou,
inversement, entre absence de sujet exprimé et absence de marques de
temps et de personne.
4 Infinitif et frontières
syntaxiques
On constate une divergence intéressante entre les infinitifs et les
complétives. Regardons ces phrases :
(1) Je le vois disparaître
(2) Je le fais éliminer
Diachronie
L’infinitif de narration, qui combine un sujet non nul et un infinitif dans un énoncé
assertif, a été rendu célèbre par La Fontaine. On le trouve dès l’ancien français, et au
e
XVI siècle il caractérise le style dit « marotique ».
Au XVIe siècle, en suivant le modèle du latin, on a fabriqué des propositions infinitives
avec sujet exprimé après des verbes d’opinion ou de dire. Cela se prolonge au XVIIe, mais
dans une bien moindre mesure : « Je crois les orateurs avoir raison », « Vous
reconnaissez ce défaut être une source de discorde » (Bossuet). C’est typiquement le fait
d’auteurs bilingues (latin/français). On ne confondra pas cet emploi avec les infinitives
qui suivent des verbes de perception. Au XVIIe, l’obligation pour le sujet de l’infinitif
d’être le même que celui de la principale dans une circonstancielle n’est pas encore bien
établie, surtout avec pour ou sans : « Rends-le moi sans te fouiller [ = sans que je te
fouille] » (Molière), « L’homme a besoin d’éléments pour le composer » (Pascal). Mais
cet usage a été blâmé par les grammairiens.
On pouvait associer l’infinitif avec les prépositions par ou depuis : « depuis vous avoir
connu »… Certaines prépositions n’exigeaient pas de : « avant partir »…
Là où l’on emploie aujourd’hui que de ou surtout de, on pouvait trouver que : « à moins
que venir », « avant que répondre ». Ce point a été discuté ; Vaugelas et l’Académie ont
refusé avant que ou avant de au profit de avant que de.
Après faire, le sujet de l’infinitif, comme en ancien français, pouvait être mis à
l’accusatif et non au datif comme c’est le cas à présent :
(Mme de Sévigné).
Les infinitifs objets n’étaient pas nécessairement introduits comme en français
contemporain. Certains pouvaient se construire directement
(permettre/craindre/prier/promette…) ; d’autres usaient de de à la place de à (se
hasarder de, songer de, apprendre de…) ou l’inverse (s’efforcer à, oublier à…).
36
Interrogatifs (mots -)
1 Déterminants
C’est quel qui joue le rôle de déterminant interrogatif : « Tu as vu quel
soldat ? », « Quel soldat as-tu vu ? ». À l’oral il est invariable en genre et
marqué en nombre s’il y a liaison : quels enfants ([ kεlzf]).
Dans la langue familière, on trouve également lequel à la place de quel
(« Lequel livre tu veux ? »). Dans ce cas, l’article défini le- permet une
variation en genre et en nombre. Mais lequel ne peut pas toujours remplacer
quel, car il permet seulement de choisir un élément dans un ensemble
restreint d’objets de même type.
Certains emplois de quel posent problème. Ainsi, dans un énoncé
comme :
Quel est ton pays ?
2 Pronoms et adverbes
On trouve pour les pronoms interrogatifs le même matériel
morphologique que pour les pronoms relatifs, fondé sur la forme de base
qu-. Mais la répartition des emplois est différente :
(1) et (2) permettent des réponses du type : « Elle est mannequin », « Elle
est étudiante ». Mais avec ce type d’interrogation on ne peut identifier un
individu :
Elle est quoi ?
– *La sœur de Luc
– Mannequin
3 Que et quoi
L’alternance entre que et quoi est intéressante. Dans les phrases à verbe à
temps fini, que est toujours contigu au verbe, alors que le pronom quoi
occupe les autres positions. Cette distribution complémentaire de leurs
emplois s’explique si l’on admet que le pronom que, mais pas quoi, est un
clitique [ PRONOM CLITIQUE – fiche 52]. En tant que clitique, il doit en
effet être placé contre le verbe ou n’être séparé de lui que par un autre
clitique :
Que lui donnes-tu ?
*Que demain fais-tu ?
*Que tu dis ?
Si « *Que tu dis ? » est agrammatical, c’est parce que les clitiques sujets
(ici tu) doivent être situés devant tous les autres clitiques ; or dans cet
énoncé, que est devant tu. Pour pallier ce blocage, il suffit que le clitique
sujet se trouve postposé au verbe : « Que dis-tu ? ». Avec les infinitifs, en
revanche, on peut trouver que ou quoi :
Que/quoi faire de lui ?
Diachronie
Au XVIIe siècle, qui en fonction d’attribut pouvait se rapporter à un non-humain : « Qui
sont ces choses ? ». Parfois il était employé dans une interrogative indirecte : « Vous
savez qui[ = ce qui] m’amène ici » ; mais le risque de confusion avec le qui humain était
très grand.
Lequel pouvait être neutre :
« Quel devient-il ? », « Je veux voir jusqu’au bout quel sera votre cœur »
(Molière).
Ce comme interrogatif ne survit à la fin du XVIIe que dans les interrogatives indirectes.
De quoi ? pouvait signifier « à cause de quoi ? » et à quoi ? correspondre à « pourquoi ».
37
Interrogation
1 Interroger
Interroger quelqu’un, c’est accomplir un acte de discours qui place
l’interlocuteur dans l’alternative répondre/ne pas répondre et, s’il répond,
qui l’oblige à le faire à l’intérieur du cadre imposé par la question. Ainsi à
la question : « Quand arrives-tu ? » on n’est pas censé répondre « avec
Marie » mais par exemple « demain ».
On ne doit pas confondre « interrogation » et « demande d’information ».
Un grand nombre d’énoncés interrogatifs sont des assertions détournées,
des questions rhétoriques : certaines sont codées (« Qu’y puis-je ? »,
« Que voulez-vous que ça me fasse ? »…), mais la plupart s’interprètent
comme telles grâce au contexte. D’autres interrogations sont des demandes
de confirmation, en particulier à la forme négative (« J’ai pas raison ? »,
« N’es-tu pas heureuse ici ? ») qui appellent une réponse en si, des requêtes
indirectes (« Veux-tu ouvrir la porte ? »), des rappels à l’ordre indirects
(« Sais-tu que tu commences à m’ennuyer ? »), etc. Il faut donc bien
distinguer deux niveaux : la structure interrogative et l’interprétation de
l’énoncé en contexte.
Qui et à qui se trouvent dans le COMP d’une phrase dans laquelle ils
n’ont pas de fonction, puisque dans l’exemple (1) qui est objet de a vu et
dans l’exemple (2), à qui objet indirect de parle. Ceci n’est possible que
parce que les COMP inférieurs (encadrés dans les exemples) ne sont pas
occupés. Certes, on y trouve un que mais il s’agit d’un subordonnant
dépourvu de tout contenu. Il suffit que ce COMP soit occupé par une unité
lexicale « pleine » pour que la relation entre l’interrogatif en tête de phrase
et la position qui lui donne sa fonction soit bloquée :
(3) *Qui penses-tu savoir si j’ai vu ( ) ?
L’exemple (3) est agrammatical parce que si n’est pas vide de sens.
5 L’interrogation indirecte
Les interrogatives indirectes sont des subordonnées compléments d’un
verbe et non des actes d’interrogation. Comme ce sont des subordonnées,
elles n’impliquent pas d’intonation montante ou d’inversion du sujet, c’est-
à-dire de marques de suspension de la valeur assertive. Quand
l’interrogation est totale, elle est introduite par un si (« Paul m’a demandé si
j’étais malade ») ; lorsqu’elle est partielle, elle recourt à un mot interrogatif,
placé dans la position COMP (« On sait qui j’ai vu »). Il peut y avoir une
interrogation indirecte incluse dans une interrogation directe : « Sais-tu si
Marie est venue ? »
Certains verbes introducteurs ont un sens interrogatif (demander, se
demander, s’enquérir), d’autres non (savoir, chercher, regarder,…). Dans
une phrase comme : « Je sais s’il est là », c’est donc la présence de si qui
permet de savoir que l’on a affaire à une interrogative et non à une
complétive.
L’interrogation indirecte partielle est lacunaire [ INTERROGATIFS (MOTS
-). 4 – fiche 36] :
1 Verbes et constructions
intransitifs
La notion de transitivité s’utilise à la fois pour classifier les verbes et
pour analyser des constructions syntaxiques. Or ces deux points de vue ne
sont pas identiques.
On peut en effet diviser les verbes en fonction de la présence ou de
l’absence de compléments, hors contexte. C’est ce que s’efforcent de faire
les dictionnaires de langue : dormir est intransitif, lancer est transitif, etc.
On se sert de cette distinction pour distinguer différentes valeurs d’un
même verbe (pleurer/pleurer quelqu’un), voire des verbes homonymes
(pousser (= croître)/pousser quelque chose).
On peut aussi raisonner en termes de construction avec ou sans
complément du verbe. Or il arrive qu’un verbe censé intransitif soit dans le
discours associé à un complément, même si c’est jugé incorrect :
Luc a dormi sa sieste dans le salon
ou, cas plus fréquent, qu’un verbe censé transitif soit employé
intransitivement :
Luc suit
Dans les exemples (1) et (3), les verbes sont transitifs, et intransitifs dans
les exemples (2) et (4). Ce phénomène, à la différence de la structure
« moyenne », ne concerne qu’un ensemble limité de verbes. En tout cas, il
serait déraisonnable de distinguer deux verbes caraméliser ou deux verbes
ouvrir.
Diachronie
La transitivité ou l’intransitivité des verbes sont des propriétés lexicales sujettes à
variation dans le temps. Entre la langue classique et la langue contemporaine, bien des
divergences apparaissent donc
[ OBJET (COMPLÉMENT D’-) – fiche 42].
39
Inversion du sujet
1 Délimitation du problème
Relèvent pleinement de l’inversion du sujet des énoncés comme : « Je ne
sais où va Paul » ou : « Vient-il ? ». Sont en principe exclus du champ de la
question des phénomènes comme l’« extraposition » (« Il vient
quelqu’un ») ou l’« inversion complexe » (« Paul vient-il ? »). Dans
l’extraposition il existe en effet un sujet, il, qui occupe la position normale
du sujet, devant le verbe. Dans l’inversion complexe, le GN sujet n’a pas
subi d’inversion et constitue l’antécédent du clitique.
On n’assimilera pas automatiquement inversion du sujet et postposition
du sujet. Rien, en effet, ne permet d’affirmer a priori que le sujet s’est
déplacé à droite : on peut tout aussi bien concevoir, pour certaines
constructions, que ce soit le verbe qui soit passé devant le sujet. En effet, il
n’est pas certain que tous les verbes exigent que le GN soit placé avant eux.
On ne peut pas exclure certaines distorsions, en particulier avec les
intransitifs inaccusatifs [ INTRANSITIFS (VERBES -). 2 – fiche 38].
3 L’inversion des GN
Les GN sujets peuvent être inversés :
• dans les incises (« C’est faux, pensa Jules ») ;
• dans les interrogatives directes partielles (« Que veut Pierre ? »,
« Quand vient Lucien ? »). Mais est exclue pour l’interrogation
directe totale (« *Vient Paul ? ») ou indirecte totale (« *Je
demande si vient Paul ») ;
• dans les subordonnées :
Le garçon qu’aime Lucie est ingénieur
Je veux que partent tous tes amis lorsque reviendront les beaux jours
Cette inversion dans les subordonnées est dite inversion stylistique ; elle
est facultative et soumise à diverses contraintes : le verbe est
préférentiellement intransitif ou employé intransitivement (« *Je veux que
ratent leur examen tes amis ») :
• après laisser/faire et les verbes de perception (« Je laisse dormir
Paul », « Je fais venir Luc », « Je vois arriver mes amis »).
L’inversion est obligatoire après faire, facultative avec les autres
verbes ;
• s’il y a en tête de phrase un circonstanciel de temps ou de lieu (GP
ou adverbe) un GA attribut ou des compléments indirects de
certains verbes :
Ici a vécu Dante
Non loin dormait un homme
Heureux sont les gens qui aiment
À Paul revient la palme
4 Interprétation
de ce fonctionnement
De prime abord, ces inversions de clitiques et de GN peuvent sembler
disparates. Pourtant des lignes de cohérence apparaissent.
Ainsi pour le clitique il semble que l’inversion soit liée au caractère non
assertif de la phrase. C’est évident pour l’interrogative, l’exclamative,
l’hypothétique et pour l’incise aussi, à cause de sa position en retrait de
l’assertion principale. Quant aux connecteurs et aux adverbes qui
déclenchent l’inversion, ils ont pour fonction d’affaiblir la force assertive de
l’énoncé qu’ils introduisent ou de présenter sur une ligne en quelque sorte
décalée certaines conséquences d’une assertion antérieure.
L’inversion des GN est possible dans les subordonnées (infïnitives ou à
temps fini) là où précisément celle des clitiques est impossible. Le caractère
non assertif de la phrase à inversion se manifeste ici à nouveau puisque, par
nature, une phrase subordonnée ne porte pas la charge de l’assertion, qui est
associée au verbe de la principale. Cette explication vaut également pour les
interrogatives partielles. Les interrogatives totales n’admettent pas
l’inversion du GN (« *Vient Paul ? ») ; en fait, il existe bien une inversion
mais complexe (« Paul vient-il ? »), c’est-à-dire sans inversion du GN sujet.
On peut enfin invoquer cette non-assertivité pour l’incise comme pour les
énoncés de souhait au subjonctif.
Mais il reste le problème posé par les énoncés du type :
(1) Ici courait un ruisseau
(2) Tristes sont les circonstances
(3) À Paul revient la victoire
(4) Surgit le fils du roi
(5) Relèvent de la syntaxe les faits suivants
(6) Sont condamnés à cinq ans les accusés qui…
pour lesquels la notion de non-assertivité ne semble guère pertinente. Les
énoncés (1), (2) et (3) s’opposent globalement aux énoncés (4), (5) et (6) :
les premiers lient l’inversion à la présence d’un constituant en tête de la
phrase ; les seconds, en revanche, font plutôt intervenir les propriétés
sémantiques des verbes (résultant de leur identité lexicale ou de la
passivation).
Dans ces exemples (1) à (6) d’inversion du GN, il apparaît que le sujet à
droite du verbe se trouve dans la position du GN objet absent. Cette absence
peut être due au caractère intransitif du verbe (cas des énoncés (1) et (4)),
au fait que son complément est objet indirect (cas des énoncés (3) et (5)) ou
GA attribut (2), ou encore à la passivation qui élimine l’objet, rend
intransitif le verbe (cas de l’énoncé (6)). Quelle que soit donc la raison de
cette éviction de l’objet, elle est nécessaire. Autrement dit, la distorsion que
représente l’inversion du GN sujet n’est pas libre : le GN vient se placer à
droite si la place est en quelque sorte libre de tout GN. Comme si la langue
répugnait à ce que deux GN figurent dans la même position et à ce qu’un
constituant occupe une position relevant d’une autre catégorie que la sienne.
Ici, comme pour le sujet d’une passive, le GN qui n’occupe pas sa place
« normale » occupe néanmoins une place réservée à un GN : les échanges
se font de la position objet vers la position sujet (passif) ou dans le sens
contraire (inversion du GN sujet) ; or, objet comme sujet sont des positions
de GN en relation directe avec le verbe. De cette façon la distorsion est
minime.
L’inversion du clitique, par contre, est compatible avec un GN objet :
Chasse-t-elle le lion ?
Diachronie
Au XVIIe, surtout en poésie, on plaçait souvent les GN sujets entre le verbe à temps fini et
le verbe à temps non fini, à la condition toutefois que le verbe à temps fini ne soit pas au
début de la phrase et que les deux verbes aient une relation très étroite. Cela correspond
essentiellement à deux cas :
• les formes composées des verbes :
« À celui qui a le plus reçu sera le plus grand compte demandé » (Pascal) ;
Certains éléments (or, seulement, bien, voire et ou mais) qui ne provoquent pas
aujourd’hui d’inversion du clitique sujet le pouvaient à cette époque :
On trouvait des inversions également dans des corrélations comparatives : autant que…
autant, autant… autant…, plus… plus…, ainsi… de même… :
« Autant avait-il été dans les plaisirs, autant lui rend-on de tourments »
(Massillon).
« Plus elle a d’étendue, et plus ai-je à remercier la bonté de celui qui me l’a
donnée » (Descartes).
40
Négation
1 Le système de la négation
En français, la négation repose sur la combinaison obligatoire d’un
élément ne, un clitique [ PRONOMS CLITIQUES – fiche 52] qui précède tous
les pronoms compléments : je ne le lui ai pas donné/*je le ne lui… et d’un
élément (nom, déterminant, adverbe) que les grammairiens Damourette et
Pichon ont appelé un forclusif : pas, aucun, rien… Ce forclusif peut
précéder ne ou le suivre :
Aucun homme n’est venu
Personne ne l’a vue
Je ne connais personne
Je ne vois aucun chat
2 Ne employé seul
Il arrive que le ne soit employé seul, dans des contextes variés :
• dans des tours figés (« Aux dieux ne plaise ! ») ;
• avec certains verbes, tels oser, cesser, pouvoir, savoir… (« Je n’ose
vous parler ») ;
• après qui interrogatif (« Qui ne songe à partir ? ») ;
• dans des tours dits explétifs où ne n’a pas d’interprétation
négative. C’est le cas après les locutions conjonctives à moins
que, avant que, sans que, dans les comparatives d’inégalité, mais
aussi après de peur que, de crainte que ou certains verbes
exprimant un rejet (redouter, prendre garde, empêcher…) :
Je partirai à moins qu’il ne cède
Il est moins bête qu’il ne paraît
Je redoute que Luc ne vienne
Je le redis, de peur que vous n’oubliez
Pour ces emplois explétifs il semble que la présence de ne soit liée à une
disjonction ; soit parce que la subordonnée ne peut être vraie en même
temps que la principale, soit parce que le sujet de la principale espère la
non-réalisation de la subordonnée.
Il faut isoler le cas de ne… que qui n’a pas non plus une interprétation
négative et indique l’exception. Dire « Je ne vois pas mes amis », c’est
exclure un certain ensemble, mes amis, en laissant ouverte la possibilité
qu’il y ait d’autres éléments (« Je ne vois pas mes amis mais ma famille »).
En revanche, avec « Je ne vois que mes amis », seul le constituant qui suit
que est posé comme valide : la négation porte en quelque sorte sur les
autres éléments que mes amis qui auraient pu ou dû figurer ici.
Mais il doit s’agir d’infinitifs (« *Je ne veux que Pierre tue personne »).
Cela illustre la moindre autonomie de l’infinitif à l’égard du verbe principal
[ INFINITIF. 4 – fiche 35].
4 Problèmes de quantification
La combinaison de la négation et de la quantification est source de bien
des difficultés car elle engendre des ambiguïtés. Ainsi :
Tous les lions ne sont pas ici
ne signifie pas, contrairement à ce qu’on attendait, que tous les lions sont
absents mais seulement certains d’entre eux. C’est-à-dire que l’ordre des
constituants (tous… ne… pas) ne correspond pas à l’interprétation, qui
serait plutôt : « Les lions ne sont pas tous ici. » La négation en langue
naturelle est donc fort différente de celle du calcul des prédicats de la
logique classique.
La variation de la portée de la négation rend ambiguës bien des
combinaisons. Ainsi l’énoncé :
Je n’ai pas vu cinq papillons
peut signifier : « Il y a cinq papillons que je n’ai pas vus » (portée étroite
de la négation) ou « Le nombre des papillons était distinct de cinq », « Il est
faux que j’ai vu cinq papillons » (portée large de la négation).
5 Négation et discours
On peut en effet distinguer trois usages essentiels de la négation que seul
le contexte permet d’identifier. Considérons les énoncés :
(1) Il ne pleut pas
(2) Les vacances ne sont pas faites pour s’amuser
(3) Alfred n’est pas revenu à Rio, il n’y est jamais allé
Mais cela devient possible avec des noms issus d’éléments à statut
d’adjectifs, pour désigner le complémentaire d’un ensemble (les non-
spécialistes, les non-combattants…).
Non connaît d’autres emplois, liés également à la négation :
– pour former à lui seul un énoncé de contestation ou d’acquiescement :
Il est là/Il n’est pas là
– Non
D’autres séquences peuvent jouer le même rôle, mais avec des effets
pragmatiques différents : pas du tout, nullement, jamais de la vie, penses-
tu ! etc. ;
– comme substitut d’une phrase négative régie par un verbe de dire ou
d’opinion : « Il a dit/cru que non » ;
– pour opposer deux éléments d’une phrase : « J’ai vu Léa, (et) non
Carole. » Dans cet emploi, il peut être remplacé par pas ou non pas.
Diachronie
Survivance de l’ancien français, au XVIIe on utilise encore non comme négation de
phrase. C’est essentiellement au futur et avec faire ou être pour marquer une prise en
charge forte : « Non ferai-je », « Non sera ». Subsistent aussi quelques forclusifs
médiévaux : ne… goutte/mie.
C’est au XVIIe que ne… pas/point s’impose définitivement aux dépens du seul ne. En
dehors de contextes particuliers comme certaines constructions impersonnelles avec
relative (« Il n’y a roi qui… », « Il ne se passe jour que… ») ou avec quelques verbes
[ pouvoir, savoir, oser, avoir garde de…), surtout à la 1re personne du présent, l’emploi de
ne seul est archaïsant. Vaugelas fait des recommandations qui coïncident à peu près avec
l’usage actuel.
Dans les interrogations directes, il est de règle d’utiliser pas/point sans ne : « Vous ai-je
pas dit que… ? ». Mais même là l’Académie va exiger la présence du ne. Les forclusifs
rien, personne, aucun pouvaient encore être combinés avec un pas/point :
2 Diversité des GP
Tous les groupes qui se présentent comme une combinaison Préposition
+ Groupe nominal ne font pas le même usage de la préposition. Il faut une
préposition entre le nom et son complément, mais celle-ci peut avoir un
sens plein et régir le GN qui la suit ou être dépourvue de sens, servir
essentiellement à marquer la dépendance. On peut ainsi opposer : le livre
sur la table et la réduction de la dette ; dans le premier exemple, sur est une
préposition pleine qui contraint ses compléments ; dans le second, il est
impossible d’attribuer la moindre interprétation à de, la relation
s’établissant directement entre le nom tête et le GN complément.
Malheureusement, il n’est pas toujours facile de déterminer quand on a
affaire à un GP régi par une véritable préposition et quand on a affaire à un
GP combiné avec une préposition de liaison : ce n’est pas parce qu’il y a de
que l’on peut affirmer qu’il ne s’agit pas d’un vrai GP (par exemple, avec
un pot de terre cuite, on peut penser que de n’est pas désémantisé, qu’il
indique l’origine). Il faut donc prêter attention aux fonctionnements
syntaxiques.
3 Les GP « épithètes »
Nous avons considéré jusqu’ici le cas des GP qui résultent de la libre
combinaison d’une préposition et d’un GN pourvu d’un déterminant. Mais
un grand nombre de GP compléments du nom tendent vers un statut de GA
épithète quand ils sont dépourvus de déterminant [ ARTICLE (ABSENCE D’-)
– fiche 7]. Il peut s’agir de GP dont l’interprétation est :
• proche de celle d’adjectifs relationnels [ ADJECTIFS. 3 –
fiche 1] :
Un moulin à vapeur
Un pot de terre
Un voyage de nuit (= « nocturne »)
a. Les GN épithètes
Un certain nombre de GN sans déterminant ont un statut d’épithète, ils
s’interprètent comme des adjectifs qualificatifs ou relationnels :
Un mari fantôme
Une température record
2 La transitivité
Tout verbe exige des compléments de telle ou telle catégorie
(transitivité) ou n’en appelle aucun (intransitivité), phénomène dit de
sous-catégorisation.
On parle de verbe transitif direct si le complément n’est pas introduit
par une préposition et de verbe transitif indirect s’il est introduit par une
préposition, celle-ci fût-elle vide de sens. Cette distinction est importante
car elle conditionne des phénomènes aussi importants que la
pronominalisation ou la passivation. Seuls les compléments directs peuvent
être pronominalisés par le ou être le sujet d’une construction passive (« Paul
a été aperçu hier ») ou moyenne (« Les draps s’achètent par paires ») [
PRONOMINAUX (VERBES -). 3 – fiche 53].
En général, un verbe n’appelle pas plus d’un ou deux compléments : un
GN et un GP, un GP et une phrase, deux GP…, mais pas deux phrases ou
deux GN (sauf si l’un est attribut de l’objet : « Il a nommé Paul député »).
Si l’on excepte les verbes d’état (être, paraître…) qui peuvent être suivis
d’un GA, ou les verbes qui appellent des attributs de l’objet GA ou GN, les
compléments sont des GN, des GP ou des phrases : voir + GN, recourir +
GP, attribuer + GN + GP, dire + GN/Phrase + GP, etc.
Certains verbes entrent dans plusieurs sous-catégorisations. Par exemple,
savoir est suivi d’un GN ou d’une phrase (savoir sa leçon/savoir qu’il est
là). Mais cela a le plus souvent une incidence sur le sens du verbe.
3 Compléments du verbe ou non ?
Le plus difficile est de distinguer entre les compléments du verbe et les
compléments circonstanciels [ CIRCONSTANCIELS (COMPLÉMENTS -). 3 –
fiche 12].
Pour les distinguer, on invoque au premier chef la non-mobilité du
complément d’objet ; mais elle est plus grande avec le c.o.d. qu’avec les
compléments indirects :
?? À Marie j’ai recouru souvent
* Paul j’accompagne souvent
Dans les exemples (1) et (3), il s’agit de compléments du verbe, mais pas
dans les exemples (2) et (4), où l’on trouve des circonstanciels, dont le sens
est indépendant de celui du verbe. Dans l’exemple (3), où l’on a affaire à un
complément du verbe, c’est grâce à sa combinaison avec tire que la
préposition sur prend une valeur de mouvement.
Font problème un certain nombre de compléments qui sont
indéniablement des compléments du verbe mais dont on peut penser qu’ils
sont moins essentiels que d’autres. Doit-on par exemple affecter un ou deux
compléments à la sous-catégorisation de verbes comme amener ou écrire ?
Il a amené un livre
Il a amené un livre à sa sœur
Il a écrit une carte
Il a écrit une carte à sa tante
4 Difficultés
Dans la relation « complément d’objet », la dimension syntaxique et la
dimension sémantique ne sont pas nécessairement en harmonie. Il arrive
qu’un élément soit syntaxiquement un objet sans que l’on puisse y voir
sémantiquement un objet au sens habituel du terme, c’est-à-dire un être
distinct du sujet sur lequel porte son action. Ainsi dans la phrase :
Paul mesure un mètre et pèse cent kilos
Diachronie
Un certain nombre de verbes aujourd’hui transitifs indirects pouvaient être transitifs
directs au XVIIe siècle. Parmi eux : accoutumer qch. (= être habitué à), approcher qch.,
contribuer qch. (= par quelque chose), douter qch., obéir qqn., pénétrer un lieu,
prétendre qch. (= prétendre à), ressembler qch., etc. De même, certains verbes qui
pouvaient être transitifs au XVIIe sont intransitifs aujourd’hui : crier qqn. (= après qqn.),
croître qch. (= faire pousser), etc.
D’autres, transitifs indirects, sont devenus directs (aider à qqn., applaudir à qqn.,
empêcher à qqn., ennuyer à qqn…) ou ont changé de préposition (prendre garde de,
penser de…). Ces variations dans la sous-catégorisation n’ont rien d’étonnant. Elles sont
souvent liées à des changements de sens ou à des phénomènes d’analogie : on connaît
par exemple le cas de se rappeler ou pallier, transitifs directs, qui tendent maintenant,
malgré les puristes, à devenir indirects, par analogie avec se souvenir de et remédier à.
43
On
1 Propriétés morphosyntaxiques
On est un pronom clitique [ PRONOMS CLITIQUES – fiche 52] sujet
invariable de 3 personne. En tant que clitique sujet, il peut être adjoint à
e
2 L’interprétation de on
Le point qui intrigue les linguistes, c’est la polyvalence interprétative de
on, qui peut selon les contextes référer :
• au locuteur : « On a ses faiblesses » (on = celui qui parle) ; ou à
un groupe incluant le locuteur : « On y va dans cinq minutes » (on
= je + tu) ;
• à l’allocutaire : « Alors, on a fait la fête hier ? », « Comment va-t-
on aujourd’hui ? » (médecin à un malade), « On a mangé sa
sousoupe ? » (à un chien)… ;
• à des humains, uniques ou multiples, autres que les
interlocuteurs : « Ils partirent au pas de course. Et comme on avait
de l’entrain, on chantait » (on = ils) ;
• à n’importe qui (valeur générique) : « On a toujours besoin d’un
plus petit que soi. »
La valeur fondamentale de ce on si polyvalent est dans le droit fil de son
étymologie (« l’homme »). Il réfère à un être humain sans prendre en
compte les frontières entre 1e, 2e et 3e personnes. Il est donc
particulièrement utilisé quand on veut créer des relations de connivence, de
solidarité, etc. On le voit par exemple dans le contraste entre (1), qui semble
déplacé si on le dit sur un ton de connivence, et (2) :
(1) Alors, on a brûlé la ville ?
(2) Alors, on a fait la fête ?
(1) semble bizarre (sauf qu’il s’agit d’une reprise) parce que le crime est
incompatible avec la connivence qu’implique le « on », lequel est en
revanche bien adapté aux fautes jugées vénielles, telle (2).
De même, on est employé pour parler aux bébés ou aux enfants (emplois
« hypocoristiques »), avec lesquels le locuteur cherche à établir une relation
affectueuse, en supprimant une frontière (il s’agit en effet d’êtres non-
parlants) :
On reveut de la sousoupe ?
(3) pourrait être une description neutre, tirée par exemple d’un ouvrage
d’anthropologie, tandis que (4) est plutôt interprété comme une justification
du locuteur.
Étant donné la pauvreté de la valeur fondamentale de on et la multiplicité
des effets de sens qu’il permet, il faut toujours l’interpréter en prenant en
compte le contexte particulier dans lequel il est proféré.
Diachronie
Fabriqué à partir du cas sujet singulier de l’actuel homme (le cas régime était ome), on
est une création du français. Son étymologie permet d’expliquer pourquoi il peut être
précédé de l’article défini (l’on)
Au XVIIe siècle, on est à la mode chez les précieuses avec les mêmes valeurs
qu’aujourd’hui. À cette époque, on a beaucoup discuté pour déterminer quand il fallait
employer l’on et on. Vaugelas a proposé des règles compliquées, fondées sur
l’euphonie ; par exemple il aurait fallu dire : « Je veux que l’on continue », pour ne pas
répéter qu’on/con. Selon lui, « Au commencement d’un discours, il faut dire on plutôt
que l’on, quoique l’on ne soit pas mauvais »…
44
Participe passé
2 Interprétation du participe
passé
D’un point de vue aspectuel, le participe passé indique que le procès est
accompli.
La relation du participe au nom dont il dépend peut être paraphrasée à
l’aide de la copule, comme pour l’adjectif qualificatif :
Les enfants malades = « Les enfants qui sont malades »
Les livres brûlés = « Les livres qui sont brûlés »
Mais, on l’a vu, le verbe être peut aussi correspondre à l’auxiliaire d’un
verbe intransitif (les gens arrivés = « Les gens qui sont arrivés »), associé à
un nom qui s’interprète comme le sujet.
Avec un verbe transitif direct le nom s’interprète comme un objet direct
devenu le support d’une propriété :
Paul est déçu
Il suffit d’ajouter des « circonstants » pour que l’on passe à une phrase
passive canonique [ PASSIF. 2 – fiche 46] :
3 Participe passé
et circonstancielle
Comme le participe présent, le participe passé peut entrer dans une
phrase détachée circonstancielle dont le sujet est distinct de celui de la
principale et qui en général est antéposée à cette principale :
(1) Paul dormant, on dut se passer de lui
(2) Mariette partie, tout changea
(3) Thierry découragé, on dut s’arrêter
Diachronie
En ancien français, l’accord du participe passé pouvait se faire avec un objet direct placé
après le verbe. La règle actuelle date du XVIe siècle, formulée par Clément Marot, qui l’a
empruntée à l’italien. Au XVIIe, elle est à la source de multiples discussions. Vaugelas
écrirait par exemple : « La peine que m’a donné cette affaire » en alléguant que le sujet
se trouve derrière le verbe. En général, suivant une recommandation de Vaugelas
entérinée par l’Académie, l’accord ne se faisait pas lorsque le participe était suivi d’un
attribut ou d’un infinitif sans préposition :
Jusqu’au XVIIIe siècle on accordait facilement les participes passés des verbes
pronominaux avec le sujet, même si le se n’était pas objet direct :
Dans la langue soutenue du XVIIe le participe passé entrait dans une construction qui a
disparu ; en voici deux exemples :
1 Morphologie
Comme l’indique son nom, le passé composé est constitué de la
combinaison du présent des auxiliaires être ou avoir et du participe passé du
verbe principal [ AUXILIAIRE. 1 – fiche 10]. On réserve toutefois
l’étiquette de passé composé aux formes non passives : « Il a bu » ou « Il
est entré », mais non « Il est connu ».
Il existe également des formes surcomposées, obtenues par un
redoublement de l’auxiliaire, avoir en l’occurrence et non être, et la mise au
participe passé du premier auxiliaire : « Il a eu vu ».
2 Accompli du présent
et antérieur
Le passé composé peut avoir la valeur d’un présent, et non d’un passé,
qui indique qu’au moment de l’énonciation, le procès est accompli. Ainsi,
« À présent j’ai bu » se paraphrase-t-il comme : « Je suis dans la situation
de quelqu’un qui a fini de boire » ; il s’agit donc du résultat présent d’un
procès achevé.
Placé dans une subordonnée temporelle, le passé composé peut
également entrer dans un système de corrélation avec le verbe de la
principale à la forme simple, de façon à marquer l’antériorité. Ici le passé
composé n’a pas d’emploi autonome, il est le corrélat de la forme simple
(« *Quand j’ai mangé, je sortais ») :
Quand j’ai mangé, je sors
est parallèle à :
Quand il avait dormi, il sortait
Quand il aura couru, il se reposera
En (1) les actions se succèdent ; en (2) l’ordre entre les deux actions
pourrait être inversé, pour répondre par exemple à une question du type :
« Qu’a-t-il fait hier ? ». Cette difficulté à enchaîner les actes explique pour
une part la valeur stylistique de L’Étranger de Camus, où les actes se
suivent sans s’intégrer dans une chaîne causale cohérente.
Diachronie
La répartition entre passé simple et passé composé était, dans ses grandes lignes, acquise
au XVIIe siècle.
Comme au XVIe siècle le passé composé venait déjà jouer le rôle d’un tiroir du passé, les
grammairiens ont cherché à définir des règles en la matière. En 1569, Henri Estienne a
proposé une règle dite des « vingt-quatre heures » qui s’est imposée au XVIIe siècle.
Selon cette règle, pour que l’on puisse employer le passé simple, il fallait qu’une nuit se
fût écoulée entre l’événement et le moment d’énonciation. L’Académie reprocha ainsi à
Corneille de faire dire à Rodrigue dans le Cid : « Quand je lui fis l’affront » alors que
l’événement s’est produit le jour même. Corneille corrigea son texte.
Cette règle est en fait artificielle puisque la différence entre passé composé et passé
simple est d’ordre énonciatif, et non temporel.
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Passif
1 Le phénomène de la passivation
On parle de « passivation » parce qu’on met en relation des phrases du
type :
(1) Le lion a mangé le rat
et :
(2) Le rat a été mangé par le lion
2 L’interprétation du passif
Tous les verbes transitifs directs ne sont pas passivables [ OBJET
(COMPLÉMENT D’-) – fiche 46]. C’est en particulier le cas de :
Dans l’énoncé (1), on décrit un état, tandis que dans les énoncés (2) et
(3), il s’agit davantage d’un événement, inséparable de divers circonstants.
3 Le passif pronominal
On a tendance aujourd’hui à ne pas réserver la catégorie du passif aux
seules structures en être + participe passé. Dans la mesure où le passif n’a
pas de morphologie propre et se définit avant tout par diverses opérations
syntaxiques, il n’y a pas de raison en effet pour ne pas parler de passif
pronominal pour des exemples tels ceux-ci :
(1) Les fleurs se vendent mal
(2) Un chiot s’élève avec sévérité
6 Passif et discours
Comme le passif modifie la position des objet et sujet du verbe et permet
d’effacer l’agent, il a une incidence sur l’enchaînement des énoncés dans le
discours. En ne mentionnant pas l’agent, on peut faire porter la
thématisation sur le GN qui joue le rôle de complément. Que l’on compare :
(1) Paul a été vu avec Sophie
et :
(2) Luc a vu Paul avec Sophie
L’exemple (1) élimine l’agentivité de voir pour tout focaliser sur Paul.
Dans la progression d’un texte, la passivation met l’objet direct en tête,
facilitant ainsi certains enchaînements d’énoncés. Dans :
Paul a réussi. Il a été élu député
plutôt que :
Une mine a tué trois soldats
47
Place de l’adjectif épithète
1 Place fixe
Un grand nombre d’adjectifs ont une place fixe, devant ou derrière le
nom :
• sont régulièrement postposés les adjectifs relationnels (une
élection présidentielle) et les adjectifs « classifiants », qui
découpent des ensembles d’objets dans le monde (une tour
carrée, un canapé rouge…).
La présence d’un GP complément de l’adjectif provoque également la
postposition, quel que soit le type d’adjectif concerné (*un digne
d’admiration spectacle, *un heureux de vivre garçon…) ;
• sont antéposés quelques adjectifs très fréquents, courts, au signifié
pauvre (beau, grand, gros, vrai, pur, riche, bon…) qui
fonctionnent plutôt comme des sortes d’intensifs du nom (un vrai
soldat) ou parfois le contraire (une triste voiture…) [ ADJECTIF.
6 – fiche 1]. Dans cette position, on trouve également des
adjectifs tels que fichu, satané, sacré…
La postposition de ce type d’adjectif change leur statut ; elle les convertit
en adjectifs ordinaires homonymes : une sacrée ville/une ville sacrée, une
belle fille/une fille belle… On ne confondra pas ces pseudo-adjectifs
antéposés avec les lexicalisations : jeune fille, grande personne, petites
gens, etc.
2 Place variable
Les adjectifs non classifiants [ ADJECTIF. 3 – fiche 1], les affectifs en
particulier, peuvent se trouver devant ou derrière le nom sans subir
d’altération sémantique :
Une bière délicieuse/une délicieuse bière
Un garçon gentil/un gentil garçon
et :
Il plongea dans le rouge brasier
J’ai fait percer des fenêtres rondes
et :
De rondes servantes amenaient la bière
1 Déterminant
Morphologiquement, le déterminant possessif varie en genre, en nombre
et en personne : mon est masculin, singulier, de 1re personne. Il s’accorde en
genre et en nombre avec le nom qui suit, mais porte la personne du
possesseur. Comme ce dernier peut être singulier ou pluriel, cela provoque
des difficultés. Ainsi dans leur chat, le déterminant marque le pluriel du
possesseur, tandis que dans leurs chats, le pluriel est à la fois celui du
possesseur et du nom déterminé.
D’un point de vue distributionnel, le déterminant possessif se comporte
comme ce, un ou le, avec lesquels il commute. Il constitue une projection
des pronoms clitiques de 1re, 2e ou 3e personnes qui, en position de
spécifieurs du nom, s’accordent en genre et nombre avec le nom qui suit (de
là la dénomination d’« adjectif personnel » qu’on leur accorde parfois) :
Mon cheval = (moi) cheval
Ton cheval = (toi) cheval
Son cheval = (il/elle) cheval
Etc.
2 Interprétation du déterminant
On distingue deux grands types d’interprétation du déterminant, selon
qu’il s’agit de noms dérivés d’adjectifs ou de verbes [ NOM
(COMPLÉMENTS DU -) – fiche 41] ou de noms ordinaires :
Diachronie
En ancien français, mon est uniquement déterminant, tandis que mien, adjectif, s’emploie
à la fois comme attribut (« Ceci est mien ») et comme épithète (« Un mien ami »). Au
e
XVII on trouvait encore la combinaison (Déterminant + mien + nom), parfois avec
postposition du nom, surtout avec les termes de parenté (« ce mien frère », « l’ami
notre »). Vaugelas condamna cette tournure, préférant un de mes frères à un mien frère.
On cherchait en effet à séparer nettement formes de déterminants et formes de pronoms.
La Grammaire de Port-Royal a cherché à imposer la règle selon laquelle quand le
déterminant possessif son n’est pas dans la même phrase que son antécédent il faut
préférer en… le si l’antécédent n’est pas un animé : « J’en vois la douceur [ = de son
visage]. » Mais cette règle n’a pas vraiment été suivie.
Quand deux noms étaient coordonnés, on ne répétait pas toujours le déterminant : « sa
noblesse et grandeur ».
L’évolution de la langue a suscité une fausse étymologie. En ancien français ma/ta/sa
s’élidait devant voyelle : m’espée, t’amie ; la survivance de m’amie l’a fait comprendre
fautivement comme ma mie.
49
Pouvoir/devoir
1 Particularités
Si on les compare aux autres verbes transitifs (cf. vouloir, penser, etc.),
ces deux verbes présentent des propriétés syntaxiques singulières. Ils sont
suivis d’un infinitif pronominalisable en le, mais non d’une complétive ou
d’un GN (lorsque devoir possède un GN objet, il s’agit d’un verbe de sens
différent : devoir quelque chose à quelqu’un) :
Je peux/dois venir
*Je peux/dois que je parte
*Je peux/dois un travail
Ils n’ont pas non plus d’impératif (« *Dois ! »/« *Peux ! ») et ne sont pas
passivables.
Pour certaines de leurs acceptions, ils peuvent être paraphrasés par des
constructions impersonnelles qui modalisent l’ensemble de la phrase :
Je peux venir : Il se peut/est possible que je vienne
Il doit partir = Il est probable qu’il partira
2 Polysémie
Pouvoir et devoir sont foncièrement polysémiques : outre leurs
interprétations du type il se peut, il est probable que, on citera :
• pour pouvoir : la capacité.
• la permission.
• la possibilité.
La phrase « Pierre peut travailler le latin » pourra ainsi recevoir trois
interprétations :
Il a les aptitudes nécessaires pour…
Il est autorisé à…
Il a la possibilité de… (parce qu’il a reçu le manuel, qu’il a du temps libre, etc.).
En outre, d’un point de vue aspectuel, le présent est très souple : il peut
exprimer des procès dans leur déroulement aussi bien que des procès
perfectifs. [ ASPECT – fiche 8]
b. Pronoms déictiques
Un autre ensemble de pronoms trouve son référent de manière déictique,
par embrayage énonciatif [ EMBRAYEURS – fiche 23] :
c. Pronoms autonomes
Un dernier ensemble de pronoms (personne, rien, aucun…) construit son
référent de manière autonome, c’est-à-dire indépendamment du cotexte
comme de l’acte d’énonciation :
Personne ne doit rien dire
Un même terme peut, selon l’emploi qui en est fait, trouver son référent
de deux manières différentes. Ainsi ça ou il, qui sont tantôt anaphoriques,
tantôt déictiques :
(Le locuteur montre quelque chose) : Il est beau, non ? (déictique)
Paul est furieux : il a raté le train (anaphorique)
(Le locuteur montre du doigt) : Je veux ça (déictique)
Un enfant, ça aime jouer (anaphorique)
3 Variations morphologiques
Étant donné l’hétérogénéité de la catégorie pronominale, on ne peut pas
s’attendre à ce que sa morphologie soit homogène.
On trouve des pronoms invariables en genre et en nombre : des
autonomes (personne, rien, quelque chose…) mais aussi quelques pronoms
substituts (ce, le neutre).
D’autres varient seulement en genre (chacun(e), aucun(e)…).
En général, les pronoms substituts varient en genre et en nombre
(il/elle/ils/elles, celui-ci/celle-ci/ceux-ci/celles-ci…). Ils s’accordent en
genre avec leur antécédent, ce qui rend plus facile l’identification de cet
antécédent. Mais ils ne s’accordent pas toujours en nombre avec lui :
Ses chats (plur.) sont gris ; le tien (sing.) est noir
Il avait un chat (sing.) ; il en a maintenant trois (plur.)
Les clitiques peuvent être adjoints aux verbes à temps fini comme aux
verbes à temps non fini, participe présent ou infinitif :
Les enfants le lui refusant étaient rares
Pour l’y emmener il faut être riche
En principe, les clitiques sont adjoints au verbe dont ils sont les
compléments ; il existe cependant des exceptions (verbes de perception et
laisser/faire), qui suscitent des analyses variées :
(1) Je le vois ( ) venir
(2) Tu lui as fait offrir un cadeau ( )
Le pronom lui est seulement datif quand il est conjoint, mais il peut
occuper toutes les fonctions quand il est disjoint :
Marie lui parle (= à lui)/Lui, il dort/Jean prend tout sur lui
En fait, on peut penser que la position du sujet n’est pas la même pour un
GN ordinaire et pour un clitique. Un GN sujet se trouve dans la position
sujet, distincte de celle du GV, alors que le sujet clitique fait partie du GV, il
est adjoint directement au verbe.
À l’appui de cette analyse, on peut invoquer divers arguments :
• la liaison obligatoire des clitiques avec le verbe (« Ils entrent » = [
ilztR]), que les GN sujets ne connaissent pas, sauf en poésie
(« Les fleurs embaument » = [ lεflœRzbom]). La liaison
indique que d’un point de vue phonétique la suite (clitique sujet +
verbe) est traitée comme un seul mot ;
• le fait que les GN sujets non clitiques connaissent deux formes
d’inversion (« Vient Paul »/« Paul vient-il ? »), dont l’une
implique le clitique sujet ;
• la possibilité dans la langue parlée de faire coexister GN et
clitiques sujets : « Paul i’vient demain » (structure à distinguer
d’une dislocation gauche : « Paul, i’vient demain »).
b. Le datif d’intérêt
On distingue le datif éthique du datif d’intérêt (ou bénéfactif) qui
indique au profit ou au détriment de qui se fait le procès [ PRONOMINAUX
(VERBES -). 6 – fiche 53] :
Le point essentiel dans ces exemples est que ces verbes n’appellent pas
habituellement de complément indirect en à : *défoncer à qqn, *boire à
qqn., *rédiger à qqn…
Le datif bénéfactif se distingue du datif éthique en cela qu’il joue un rôle
dans le procès, qu’il intervient donc au niveau de l’énoncé, et non de
l’énonciation. Les datifs éthiques de 3e personne semblent impossibles
(seuls les partenaires de l’énonciation sont pris à témoin). Mais à la seconde
personne il est souvent difficile de faire le partage entre datifs éthique et
d’intérêt :
Jacques vous règle tout ça en un rien de temps
Diachronie
À l’état d’archaïsme, au XVII e, les clitiques sujets étaient parfois omis (surtout avec des
verbes tels croire, savoir, pouvoir…) dans des phrases subordonnées, incises ou
coordonnées :
« …la maison, comme savez de reste,
Au bon monsieur Tartuffe appartient sans conteste » (Molière).
Comme en ancien français et dans le français familier contemporain, on avait tendance
au XVII e siècle à substituer à le lui un lui qui fondait les deux formes. Usage condamné
par Vaugelas : « Il vaut mieux satisfaire l’entendement que l’oreille. » La langue soignée
a progressivement rétabli le lui.
On a discuté pour savoir où placer les clitiques compléments d’un verbe à l’infinitif :
« Je le puis faire » ou bien : « Je puis le faire » ? Vaugelas acceptait les deux mais
préférait « Je le puis faire », qui était alors plus fréquent. Au XVIII e, cette tendance s’est
inversée. En réalité, c’est surtout avec les verbes de sens modal, dont la relation avec
l’infinitif est très « serrée », que le clitique montait ainsi : « Je le dois/peux/veux…
croire ».
On pouvait employer le même clitique comme complément de deux verbes coordonnés :
« Vous aimer et servir. »
Dans le prolongement de l’ancien français, il était possible de placer le clitique
complément d’objet de 3e personne avant un complément indirect de 1re ou 2e personne :
« Je le vous avoue » (Guez de Balzac). Mais l’ordre actuel s’est imposé rapidement.
Le employé comme clitique attribut était source d’embarras. Au XVII e on accordait
couramment les clitiques pronominalisant des attributs (« Intelligente, je la suis »/« Rois,
nous les sommes »…). Vaugelas avait opté pour le pronom neutre le, mais cette règle
rencontra longtemps une résistance.
Le pronom il pouvait fonctionner comme pronom sujet neutre : « Goûtez bien cela, il (=
cela) est de Léandre » (La Bruyère).
53
Pronominaux (verbes -)
Les verbes précédés d’un clitique me, te, se, nous, vous sont dits
« à la forme pronominale » si leur sujet se trouve à la même
personne. Mais comme les énoncés de type pronominal ont des
propriétés syntaxiques et des interprétations très variées il
apparaît difficile d’établir l’homogénéité de cette catégorie, qui
implique à la fois des phénomènes syntaxiques (les structures des
phrases) et lexicaux (le sens des verbes).
1 Propriétés communes
L’ensemble des formes pronominales des verbes partage deux traits :
• devant le verbe (se laver) ou l’auxiliaire (s’être lavé) se trouve un
clitique dit « réfléchi », le plus souvent complément du verbe,
variable en personne, par accord avec les sujets de la phrase. On
ne peut pas parler de variation en nombre pour les oppositions
me/nous, te/vous dans la mesure où la notion de pluriel n’a pas
réellement de sens pour Je et Tu [ EMBRAYEURS. 2 – fiche 23].
À l’impératif, il est adjoint à droite du verbe et se transforme en
pronom tonique : « Soigne-toi », « Évanouis-toi », « Offre-toi un
livre ». Mais si l’impératif est négatif, il n’y a pas postposition :
« *Ne lave pas toi » [ IMPÉRATIF. 4 – fiche 32].
• les formes pronominales ont le verbe être pour auxiliaire aux
formes composées : « Il a lavé » mais « Il s’est lavé ». Même
avec cet auxiliaire le verbe conserve ses propriétés de verbe
transitif ; s’il y a lieu, il peut ainsi avoir d’autres compléments
que le réfléchi : « Il s’est donné à son travail ». Le fait que la
présence du réfléchi déclenche le passage de l’auxiliaire avoir à
l’auxiliaire être constitue un phénomène remarquable, qui
rappelle la passivation. Ce phénomène semble lié à la disparition
du complément d’objet (devenu sujet dans la passive ou réfléchi
dans les formes pronominales).
2 Interprétations réfléchie
ou réciproque
Les verbes employés à la forme pronominale sont susceptibles
d’interprétations variées.
a. Interprétation réfléchie
La plus immédiate, celle qui donne son nom au clitique, est
l’interprétation réfléchie. Il s’agit de verbes transitifs dont l’objet direct ou
indirect est coréférentiel du sujet : « Paul se voit » = « Paul voit lui-même ».
Il y a donc complémentarité entre le et se : le premier a son antécédent hors
de la phrase, le second dans la phrase.
b. Réciprocité
La forme pronominale permet aussi de marquer la réciprocité, pour peu
que le sujet ne soit pas unique. Avec :
Les enfants se regardent
3 La construction moyenne
Un verbe qui peut entrer dans une construction passive peut également
entrer dans une construction moyenne (ou passive pronominale) dans
laquelle le GN qui s’interprète comme l’objet direct se trouve en position de
sujet et où le verbe est précédé de se : « Ce tissu se mouille facilement. »
Au présent, cette construction possède souvent une valeur générique :
l’énoncé « Ce tissu se lave » s’interprète donc plutôt comme « Ce tissu peut
être lavé, est lavable », avec un agent indéterminé [ PASSIF. 3 – fiche 46].
C’est la présence d’un agent implicite qui distingue ces constructions
moyennes des médio-passives :
Les chandelles se sont éteintes
La branche s’est rompue
4 Les constructions
impersonnelles en se
Il existe des constructions impersonnelles avec se :
Il s’est dit tant de choses
Il s’est vu des gens pour le critiquer
Le point remarquable est que les verbes auxquels sont associés ces
réfléchis ne sont pas nécessairement des verbes qui appellent des
compléments en à + GN : « Paul se prend un bain »/« *Paul prend un bain à
lui-même ». Il y a donc une autonomie de ces clitiques par rapport à la
complémentation du verbe [ PRONOMS CLITIQUES. 4 – fiche 52].
7 Se pronom ?
Traditionnellement on considère se comme un pronom réfléchi, mais sa
valeur de réfléchi ne correspond qu’à une part très restreinte de ses emplois,
comme on a pu le voir. En outre, à la différence des pronoms substituts
habituels, il est invariable en genre et en nombre. Dans ces conditions on
peut hésiter entre deux hypothèses :
• le considérer quand même comme un pronom et faire des emplois
non réfléchis des « extensions » de sa valeur réfléchie ;
• renoncer à voir en lui un pronom et le considérer comme une sorte
d’opérateur très abstrait qui marque par exemple que le procès se
retourne vers le sujet ou qu’un complément d’objet a été
supprimé.
Diachronie
Dans la langue classique, comme en ancien français, on pouvait éliminer le clitique
réfléchi devant un infinitif quand son sujet était phonétiquement non nul (après faire,
laisser, les verbes de perception) :
Le caractère intrinsèquement pronominal d’un verbe est sujet à variation dans l’histoire.
Ainsi au XVIIe on avait par exemple s’accoucher, s’apparaître à qqn, s’éclater, s’éclore,
se feindre de, s’oublier de… En revanche, certains verbes non pronominaux au XVIIe sont
devenus pronominaux ; ainsi abîmer (= sombrer), garder de, promener, relever (= se
mettre debout).
Au XVIIe, siècle comme en français moderne, un certain nombre de verbes oscillent entre
forme pronominale et non-pronominale : par exemple abaisser ou éteindre qu’on
employait sous les deux formes.
54
Que
1 Que subordonnant
Que est l’outil de subordination universel en français. Situé dans le
complémenteur, il marque la frontière entre deux domaines phrastiques sans
avoir par lui-même de contenu sémantique :
Je pense qu’il a raison
*Je pense il a raison
Dans cet emploi il figure en tête des phrases à sujet exprimé et à temps
fini :
*Je crois que vient
*Je veux que venir
a. Dans les complétives sujets
à verbe fini
Ces complétives doivent être précédées par un GN (« Le fait qu’il parte
me surprend ») ou seulement par que : « Qu’il parte me surprend. » Dans ce
dernier cas le verbe est au subjonctif.
Quand la complétive est objet indirect précédé des prépositions à, de, en,
sur, elle devient la locution conjonctive ce que :
Je tiens à * que/ce que tu viennes
2 En proposition indépendante
Il existe des emplois où que figure dans le complémenteur de phrases
non subordonnées. C’est le cas des énoncés exprimant une visée (souhait,
ordre) : « Qu’il parte ! », « Que je disparaisse ! » Ce type d’énoncé qui
implique l’emploi du subjonctif doit être rapproché des infinitifs
indépendants (« Partir ! »), qui eux aussi associent valeur non assertive et
absence d’embrayage temporel [ INFINITIF. 1 – fiche 35].
On peut rattacher à ce type de phrase certaines phrases des systèmes
hypothétiques [ HYPOTHÉTIQUES (SYSTÈMES -). 3 – fiche 30].
Ici qu’il vienne suspend la valeur assertive pour construire une situation
fictive.
La présence de ce que dans le complémenteur d’une phrase non
subordonnée constitue un argument en faveur de l’existence d’une position
COMP dans toute phrase, subordonnée ou non, interrogative ou non.
Les énoncés de ce genre embarrassent depuis longtemps les
grammairiens. On a souvent voulu ramener ce que à un subordonnant en
sous-entendant une principale : qu’il vienne = « Je veux qu’il vienne ».
Mais cette solution est ad hoc, c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’autre
justification que de résoudre le problème pour lequel on l’a conçue.
Il existe néanmoins un point commun entre ces phrases indépendantes en
que et les subordonnées : ce n’est pas sur elles que porte le poids de
l’assertion de l’énonciateur ; dans l’indépendante, l’énoncé est donné
comme non asserté, dans le cas de la subordonnée c’est la principale qui fait
l’objet de l’assertion.
3 Pronom
Que peut également jouer un rôle de pronom interrogatif ou relatif :
• comme pronom relatif lié à un antécédent, que est invariable en
genre et en nombre ; il marque la subordination et donne une
indication de fonction, en l’occurrence complément d’objet direct
[ RELATIVES. 2 – fiche 56 ; SUBORDONNÉES. 3 – fiche 58] ;
• comme pronom interrogatif, il constitue la variante de quoi en
tête de phrase : « Tu veux quoi ? »/« Que veux-tu ? ». Il est
réservé aux GN non animés objets directs. Sur cette alternance
que/quoi [ INTERROGATIFS ( MOTS -). 4 – fiche 36].
4 D’autres emplois
a. Ne… que
On mentionnera ne… que, qui n’est ni subordonnant ni pronom mais
relève du système de la négation [ NÉGATION. 1 – fiche 40]. Il est associé
à ne (« Je n’ai vu que Paul ») et se place devant le constituant sur lequel
porte la négation restrictive :
Je ne veux faire partir que mes amis
Je ne veux que faire partir mes amis
Diachronie
Au XVII e siècle le subordonnant que était souvent préféré aux relatifs où/dont :
On signalera quelques valeurs de que interrogatif qui aujourd’hui seraient marquées par
un GP incluant quoi : en quoi (« Que peut vous offenser sa flamme… ? » (Corneille)) ;
pourquoi (« Que ne me quittez-vous ? » (Racine)) ; à quoi (« Que sert le mérite ? »).
55
Qui
1 Qui relatif
Le pronom relatif qui, invariable en genre et en nombre, est marqué en
cas puisqu’il est réservé à la fonction sujet. Ce n’est pas l’unique relatif qui
puisse être sujet (lequel peut aussi jouer ce rôle) mais c’est le seul qui soit
utilisable aussi bien pour les relatives restrictives que les relatives non
restrictives et qui soit utilisé dans tous les registres de langue.
S’il est sujet il ne connaît aucune contrainte sémantique ; en revanche,
s’il est inclus dans un GP, il ne peut en principe avoir pour antécédent
qu’un humain :
*Le rocher sur qui je suis assis…
Le rocher qui est tombé…
Mais cette contrainte n’est pas toujours respectée dans l’usage courant.
2 Qui interrogatif
En tant que pronom interrogatif, qui invariable en genre et en nombre est
réservé aux animés humains [ INTERROGATIFS (MOTS –). 2 – fiche 36].
a. En interrogative directe
Il peut occuper deux positions : à l’intérieur de la phrase, celle qui
correspond à sa fonction, et dans le COMP :
Tu vois qui ?
Qui aimes-tu ?
Tu parles avec qui ?
Avec qui viens-tu ?
Il peut être sujet, objet, attribut ou être inclus dans un GP (« Sur qui as-tu
parié ? »). Dans ce dernier cas, il peut être extrait d’un GN, à certaines
conditions, mais non d’un GP :
Tu as vu la maison de qui ?
De qui as-tu vu la maison ( ) ?
*De qui parles-tu de la maison ( ) ?
b. En interrogative indirecte
Le pronom se trouve obligatoirement en tête de phrase :
Je cherche qui tu as pu voir
Paul se demande près de qui il va dîner
Ce phénomène est du même ordre que le passage de que à ce que pour les
non-animés objet ou attribut [ INTERROGATION. 5 – fiche 37].
3 L’interprétation de qui
La mise en relation de ces deux emplois de qui révèle une
complémentarité sémantique intéressante :
• le qui relatif tire son interprétation de son antécédent ;
• le qui interrogatif n’a pas d’antécédent et reçoit donc une
interprétation non spécifiée. Plus exactement, quand on
demande : « Qui est venu ? » on pose le prédicat « -est venu » et
l’on demande à l’interlocuteur d’indiquer quel est l’élément d’un
ensemble qui satisfait ce prédicat. Il existe aussi une
interprétation du type « Existe-t-il quelqu’un qui… ? », par
exemple si l’on énonce : « Qui le sait ? ».
Or cette double possibilité (interprétation par l’antécédent/interprétation
indéterminée) n’est pas un phénomène isolé dans la langue. On la retrouve
avec le sujet des infinitifs [ INFINITIF. 3 – fiche 35].
On pourrait donc résumer ainsi les données :
• si qui est précédé d’un GN, c’est un relatif ;
• s’il n’est pas précédé d’un GN, c’est un interrogatif.
Malheureusement, deux phénomènes, de portée limitée toutefois,
viennent brouiller cette complémentarité.
Diachronie
Au XVIIe siècle, le relatif qui avec préposition pouvait référer à un non-humain (cf. « Un
mot pour qui il a de l’aversion »), mais cet usage fut condamné par Vaugelas et
l’Académie.
Devant est le pronom relatif qui pouvait s’employer, comme en ancien français, sans ce :
« Il se sauve, qui est honteux. » Mais cet usage était réservé aux appositives ; on n’avait
donc pas : « *Je fais qui me plaît. » De même, qui pouvait valoir pour celui qui avec
davantage de liberté qu’en français moderne. On trouvait en effet des énoncés dans
lesquels la principale possédait un sujet distinct : « Qui donnerait ces fleurs, elles lui
porteraient malheur. » La relation entre les deux phrases pouvait même être très lâche :
« Qui sait parler aux rois, c’est peut-être où se termine toute la prudence et
toute la souplesse du courtisan » (La Bruyère).
Ici qui est coréférentiel de courtisan. Mais ce dernier GN doit prendre une valeur
générique puisque qui sans antécédent ne peut référer à un individu spécifié.
56
Relatives
1 La relativisation
Ce qui caractérise la structure relative classique, c’est l’incomplétude
d’un élément de la subordonnée (le « pronom relatif ») placé dans le
complémenteur et qui reçoit ce qui lui manque d’un antécédent nominal
(« L’homme que j’ai vu était blond »), pronominal (celui qui), parfois
adjectival (« De paresseux qu’il était, il est devenu travailleur »). La
position COMP, on le sait, n’attribue pas de fonction ; pour s’en faire
assigner une, le pronom relatif varie morphologiquement (qui sujet, que
objet…) :
Le garçon que j’ai connu était différent
Dans l’exemple ci-dessus, c’est la variation morphologique de que qui
indique cette fonction ; avec un énoncé comme « La fille à qui j’écris doit
venir » c’est la préposition, à en l’occurrence, qui le fait. En français (mais
non en anglais, par exemple) c’est le GP en entier qui se trouve dans le
complémenteur et non le seul GN : « *La fille que j’écris à doit venir ».
Dans la langue très soutenue on rencontre des relatives dont l’antécédent
est séparé du pronom :
L’homme est faible qui ne s’avoue pas mortel
2 Restrictives et appositives
Dans le cas d’une relative restrictive ou déterminative [ ADJECTIF. 5
– fiche 1], le GN inclut deux constituants qui tous deux réfèrent de manière
incomplète. Pour l’énoncé : « Le chat que tu as recueilli est malade » aussi
bien le chat que la relative que tu as recueilli sont incomplets ; ils ne
peuvent désigner un référent que si on les associe. L’article le annonce la
relative, dont il est inséparable ; de son côté, la relative a besoin d’un
antécédent, en l’occurrence le nom qui la régit.
La relative appositive ou explicative, en revanche, ne fait pas partie du
GN, elle n’en est pas complément :
Léon, qui dormait encore, fut blessé
Son emploi est très mal maîtrisé par les francophones. Il est à la fois plus
contraint que la série en de + lequel (cf. « L’homme pour la vie duquel on
se sacrifie… »/« * L’homme pour la vie dont on se sacrifie… ») et sur
d’autres plans moins contraint :
La fille dont (*de laquelle) je sais qu’elle a été malade
Cette nouvelle dont (*de laquelle) certains déplorent qu’elle ait transité par d’autres
agences a été bien accueillie
La relative est souvent introduite par des tours tels il y a, voilà, c’est :
Il y a/voilà de quoi manger
C’est à quoi je m’occupe
Diachronie
Le relatif lequel s’est développé en moyen français. Au XVIIe, il est plus souvent
qu’aujourd’hui sujet ou objet, à la place de qui/que (« L’homme, lequel est/lequel j’ai
connu… »), mais son emploi est déconseillé par les puristes, sauf s’il permet de lever
une ambiguïté en ce qui concerne l’identité de l’antécédent. De même, on usait
volontiers de duquel, en lieu et place de l’actuel dont. Inversement, là où aujourd’hui,
pour les êtres ou animés, on utilise plutôt (Préposition + lequel) les auteurs du XVIIe
préféraient (Préposition + quoi) : « la lumière sans quoi… ».
Entre la relativisation et la détermination du nom on recourait souvent, grâce à lequel, à
une structure intermédiaire :
Des constructions aujourd’hui jugées incorrectes mais très vivantes dans le français
familier étaient usuelles à cette époque, en particulier celles où que est employé au lieu
de où, dont ou des GP en lequel : « Au moment que je parle », « Le prix qu’on la vend »,
« Les moyens qu’elles ont été acquises… » À l’inverse, on pouvait user de où et de la
combinaison (Préposition + qui) là où maintenant on emploie que avec c’est :
b. En subordonnée
Si l’on excepte le cas de la complétive sujet (« Qu’il soit à l’heure serait
étonnant »), l’apparition du subjonctif est en général déclenchée par sa
dépendance à l’égard d’un autre élément de la phrase :
• un nom, un verbe ou un adjectif :
L’idée (qu’il parte) m’étonne
Je souhaite (qu’il parte)
Jean est heureux (qu’il parte demain)
3 Pourquoi le subjonctif
La relation étroite entre la présence de que et l’emploi du subjonctif
semble s’expliquer par le fait que le morphème que suspend la valeur de
vérité de la phrase où il figure. En effet, en phrase indépendante, l’énoncé
au subjonctif a une valeur clairement non assertive (« Qu’il sorte ! ») et
quand il y a subordination, l’assertion porte sur la principale, non sur la
subordonnée.
Le subjonctif nourrit des débats récurrents parce que son apparition ne
peut s’expliquer à l’aide de principes évidents. On parle souvent dans les
grammaires scolaires de mode du « virtuel » ou encore de mode de ce qui
n’est pas posé comme vrai, mais cette application est insuffisante : regretter
ou bien que déclenchent le subjonctif alors qu’ils expriment des faits posés
comme vrais ; de même, on voit mal pourquoi « Il est possible » déclenche
le subjonctif et « Il est probable » l’indicatif, etc.
Aujourd’hui, certains linguistes font appel à la logique modale (notions
de « monde possible » et d’« univers de croyance » en particulier) pour
analyser les emplois du subjonctif. Par exemple, le subjonctif de « Bien
qu’il soit guéri, il ne peut pas travailler » serait lié au fait qu’en dépit de la
vérité de la proposition exprimée par la concessive, il y a un écart entre ce
qu’on attendrait normalement, que l’on pensait vrai (« La guérison implique
le travail ») et la fausseté de la principale.
Autre exemple : le subjonctif dans les relatives du type « Connais-tu une
femme qui sache jouer du clavecin ? » serait lié au fait que l’on parcourt
mentalement tous les possibles pour en extraire un élément répondant au
prédicat « jouer du clavecin ».
Quoi qu’il en soit, comme beaucoup de phénomènes sémantiques, et
surtout modaux, l’explication de tels phénomènes fait appel à des principes
beaucoup plus abstraits que ceux que l’on manie communément dans les
grammaires scolaires. D’autant plus que dans ce domaine, il existe dans
l’usage de larges zones de variation, liées à des nuances sémantiques
subtiles : on utilise aussi bien « Je ne crois pas qu’il vient/vienne », ou « Le
fait qu’il vient/vienne »,etc.
Diachronie
On trouve encore au XVIIe quelques emplois du subjonctif non associés à que, comme en
ancien français :
« Son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » (Bossuet), « Je sois exterminé
si je ne tiens parole ! » (Molière).
Certains verbes qui exigent actuellement le subjonctif dans les complétives objets
toléraient parfois l’indicatif : « La providence de Dieu permit que le roi alla porter la
guerre… » (Fléchier). La fréquence des sujets comme « le Ciel », « la providence », « le
malheur » dans ce type d’emploi n’est certainement pas aléatoire : avec de tels sujets, il
n’y a pas la moindre incertitude, il ne s’agit pas d’une véritable permission.
De même, avec avoir peur, craindre, on rencontrait souvent l’indicatif si le verbe
exprimait davantage une opinion (= « Je crois que ») qu’une crainte ; mais la norme
exigeait déjà le subjonctif. Avec les verbes affectifs (regretter, admirer, être fâché que,
être dommage que…), l’indicatif était également fréquent, comme après il se peut que, il
peut se faire que, ce n’est pas que…
À l’inverse, des verbes qui aujourd’hui appellent l’indicatif pouvaient être suivis du
subjonctif même s’ils n’étaient pas niés : croire, présumer, penser (« Vous croyez qu’un
amant vienne vous insulter » (Racine)). Mais dans ce cas le verbe exprime une fausse
supposition de la part du sujet : « croire à tort », « s’imaginer »… Vaugelas condamnait
cet usage mais Thomas Corneille l’acceptait à la 2e ou 3e personne. On comprend
pourquoi : un énoncé comme (je crois + subjonctif) serait paradoxal.
58
Subordonnées
1 Subordination, coordination,
juxtaposition
a. La subordination
Elle est définie comme une relation d’inclusion (ou d’enchâssement)
d’une phrase dans une autre (dite principale ou matrice), la subordonnée
jouant ainsi le rôle d’un constituant de la phrase qui l’inclut. Cela exclut des
subordonnées les incises (« Paul, dit-il, est malade ») et les incidentes (« Il
est – je l’avoue – très subtil ») qui, certes, sont placées à l’intérieur d’une
autre phrase mais qui en sont détachées, qui ne jouent pas le rôle d’un
constituant de cette phrase.
Pour former une phase complexe, constituée de plusieurs phrases, on
peut aussi recourir à la juxtaposition ou à la coordination.
On parle de juxtaposition quand la phrase complexe est formée de
diverses phrases sans que celles-ci soient liées par un mot de relation.
On parle de coordination quand les phrases constituant la phrase
complexe sont liées par des mots de relation, mais qu’il n’y a pas
subordination.
Je sais qu’il fait beau (subordination)
Il fait beau, les oiseaux chantent (juxtaposition)
Il fait beau mais le temps est instable (coordination)
b. Les propositions
La grammaire traditionnelle appelle propositions les phrases qui sont les
constituants des phrases complexes, distinguant proposition principale,
celle dont dépend une autre, et proposition subordonnée. Cette double
distinction n’a qu’un intérêt limité mais elle est encore largement utilisée.
L’essentiel est de ne pas se méprendre sur la relation entre principale et
subordonnée. Par exemple, dans la phrase :
Je vois (que tu es en retard)
a. Les phrases-GN
• À temps fini : complétive (« Je sais qu’il pleut »), relatives
substantives (« Qui a bu boira »).
• À sujet exprimé et temps non fini : infinitive (Je vois Paul
venir »).
• À sujet non exprimé et temps non fini : infinitif (« Je désire voir
Paul »).
b. Les phrases-GA
• À temps fini : relatives (« L’homme qui est venu est blond »).
• À sujet exprimé et temps non fini : (()
• À sujet non exprimé et temps non fini : participe présent (« Les
chats miaulant trop fort ont été punis »).
c. Les phrases-GP circonstancielles
• À temps fini : subordonnées circonstancielles (« Il est venu parce
qu’il est malade »).
• À sujet exprimé et temps non fini : participiale (« Paul venant, j’ai
préféré renoncer »).
• À sujet non exprimé et temps non fini : gérondif (« Il est parti en
chantant »), prép. + infinitif (« Après avoir dormi, il se sentit
mieux »).
On le voit, la majorité des subordonnées sont introduites par un
subordonnant, un terme qui marque la subordination. Le plus utilisé est
que ; le pronom relatif cumule marquage de la subordination et de la
fonction dans la phrase. Si l’on admet que les infinitives ou les participiales
sont des subordonnées, avec elles la dépendance est néanmoins marquée par
le fait que le verbe de la subordonnée est à un temps non fini.
En (2) il n’y a pas subordination mais deux phrases distinctes qui sont
liées par un connecteur ;
• certaines phrases complexes à structure corrélative ne relèvent pas
exactement de la subordination car il n’y a pas inclusion de l’une
dans l’autre :
Plus on est de fous, plus on rit
Tel il est venu, tel il repartira
D’un point de vue positionnel, dans ces exemples le sujet est il, avec
lequel s’accorde le verbe ; mais pour le sens c’est le GN à droite du verbe
qui apparaît comme le sujet.
On se gardera de confondre le problème posé par les constructions
impersonnelles avec celui que posent les verbes intrinsèquement
impersonnels [ IMPERSONNELLES (CONSTRUCTIONS -). 1 – fiche 33]. Dans :
Il faut un livre
Il semble que tu sois en retard
3 L’interprétation de la position
sujet
Si l’on fait abstraction des constructions avec il impersonnel, on peut se
demander si la position sujet en tant que telle n’attribue pas une
interprétation aux éléments qui l’occupent. C’est un peu ce que laissait
entendre la grammaire scolaire traditionnelle quand elle disait que le sujet
désigne l’être qui fait ou subit une action ou qui se voit attribuer un état.
Il est indéniable que bien souvent le sujet désigne l’agent d’un procès
(« Paul cherche ses lunettes ») ou le support d’une propriété (« Paul est
malade »), mais c’est loin d’être toujours le cas. Le sujet peut fort bien
désigner le bénéficiaire d’un procès (« Paul a reçu un prix »), ou celui qui
fait l’expérience d’un sentiment (« Paul aime Lucette »), etc.
En fait, l’interprétation du sujet ne se fait pas sur la seule base du verbe
mais par rapport à l’ensemble de l’énoncé. Le verbe courir par exemple, est
un verbe d’action, mais dans l’énoncé :
Paul court depuis des années
au sens de : « Cela fait des années que Paul est coureur automobile »,
Paul est davantage le support d’une propriété que l’agent d’une action.
4 Sujet et thème
La notion syntaxique de sujet interfère constamment avec la distinction
entre thème (ou topique) et propos (ou commentaire), qui relève d’une
perspective communicationnelle.
5 Le sujet des GN
Du fait de l’existence de noms déverbaux [ NOMS (COMPLÉMENTS DU -)
2 – fiche 41] en correspondance systématique avec des phrases (« La venue
de Jules/Jules vient »), se pose la question de savoir s’il y a des sujets dans
les GN : dans la venue de Jules le GN Jules est-il le sujet de venue ? Le
parallélisme entre phrase et GN est encore plus évident si l’on fait
intervenir des déterminants possessifs, qui sont en fait la projection de
pronoms personnels [ POSSESSIFS. 2 -fiche 48 ; PASSIF. 4 – fiche 46] :
c. Tout concessif
Quand l’élément sur lequel il porte est attribut, tout placé en tête de la
phrase permet de construire des tours concessifs :
Tout malin qu’il est/soit, il a échoué
Tout roi qu’il est/soit, il a ses faiblesses
tout peut référer à n’importe quel ennemi, que celui-ci existe ou non.
Comme déterminant de certains noms abstraits dérivés d’adjectifs, tout
peut s’interpréter comme un adverbe spécifiant un adjectif : parler en toute
liberté (= « parler de façon entièrement libre »), un livre de toute beauté (=
« un livre extrêmement beau »), etc. Ces combinaisons de tout et de noms
sont extrêmement irrégulières et partiellement lexicalisées : on dit à toute
vitesse mais pas *à toute lenteur ou *à toute rapidité.
3 Pronom indéfini
Employé seul au singulier, tout dans une position de GN réfère à un être
envisagé comme une totalité dans un certain contexte :
Tout (dans ce texte, dans cette maison, etc.) est affreux
Au pluriel il peut :
• être postposé à nous/vous/eux/elles. Dans cet emploi tous entre
dans un paradigme où figurent même(s), autre(s), seul(s), deux,
trois… ;
• occuper une position de GN sujet (« Tous viennent ») pour
désigner un ensemble d’individus contextuellement défini dans
son intégralité ;
• occuper des « positions » qui n’attribuent pas de fonction, s’il est
associé à un antécédent pronominal :
4 Autres emplois
Tout peut être un nom (former un tout, le tout est de rester calme,
accepter le tout…).
Il peut également spécifier facultativement le gérondif [ -ANT (FORMES
EN -) – fiche 42] :
Diachronie
Au XVIIe, les grammairiens ont essayé de distinguer clairement tout adverbe invariable et
tout déterminant ou pronom, qui est variable. Mais ils ont échoué en raison de la
combinaison de tout et d’un adjectif (« toute belle ») dans laquelle l’adverbe est variable
en genre. Aujourd’hui tout associé à un adjectif est orthographiquement invariable
devant voyelle (« tout émue ») mais au XVIIel’usage n’était pas fixé : on trouvait aussi
bien « tous entiers », « tous grossiers » ou « toutes entières ». Vaugelas refusait l’accord
au masculin pluriel mais demandait qu’il soit fait devant un adjectif féminin
commençant par une voyelle : « toutes étonnées » (sauf devant autres : « tous autres »).
En 1704, l’Académie a défini l’usage actuel : « tout étonnées », « toute belle », « toutes
sales ». Mais cette règle longtemps n’a pas été respectée.
En tant que déterminant du nom, tout s’employait plus facilement qu’aujourd’hui sans
article au pluriel : en tous hommes… Pour avoir un tour concessif, il n’était pas
nécessaire de combiner tout + adjectif/nom avec une phrase en que :
La locution du tout au début du XVIIe s’employait dans des énoncés non négatifs avec le
sens de « tout à fait ». Quant à la locution tout un, elle signifiait « tout à fait la même
chose », « indifférent » :
Les phrases verbales présentent des structures très variées mais on les
ramène traditionnellement à quelques grands types, qui correspondent à des
actes de langage fondamentaux et sont identifiables par une intonation
spécifique : le type déclaratif (ou assertif), le type interrogatif, le type
impératif (ou injonctif). Dès qu’il énonce une phrase, le locuteur est obligé
choisir entre ces trois types :
• le type déclaratif permet d’affirmer quelque chose de vrai ou de
faux sur le monde ; c’est le type non marqué, celui par rapport
auquel se définissent les deux autres. Il correspond le plus
souvent à l’ordre GN-GV et son intonation canonique est
montante puis descendante. Il domine largement à l’écrit ;
• le type interrogatif permet de questionner quelqu’un, qui est ainsi
placé dans l’alternative répondre/ne pas répondre. Son intonation
est en général montante. Mais toute structure interrogative n’est
pas une question [ INTERROGATION – fiche 37] ;
• le type impératif est lié à l’injonction ; il s’exprime par une
intonation descendante. Sa structure est celle d’un verbe à
l’impératif, sans sujet exprimé et à la 2e personne ou la 1re du
pluriel [ IMPÉRATIF – fiche 32]. On peut aussi exprimer
l’injonction en utilisant d’autres types de phrases : déclarative
(« Vous partirez dès demain ») ou interrogative (« Pouvez-vous
me passer le sel ? »).
On peut y voir des structures tronquées (un coup + GA, tellement vite +
que…). Le haut degré serait alors marqué par l’absence de terme capable de
spécifier l’intensité extrême ;
• par des GN déterminés par « le » ou « ce », c’est-à-dire des
définis :
La fusée ! Ce type !
a. La négation
En réalité, la négation n’opère pas sur le même plan puisque toute phrase
est nécessairement positive ou négative. On notera que cette opposition
positif/négatif ne joue pleinement que dans les phrases déclaratives (« Il
pleut/il ne pleut pas »). Une interrogation négative est perçue comme une
assertion déguisée ou une demande de confirmation (« Ne vient-il pas ? »).
Quant à une exclamation négative, elle n’a rien de négatif (« Est-il pas
beau ! »), quand elle est possible (« *Qu’il n’est pas heureux ! »). [
NÉGATION – fiche 40].
b. L’emphase
Elle est marquée essentiellement par deux constructions :
• l’extraction d’un constituant en tête de phrase grâce à c’est…
qui/que : « C’est Léa qui/qu’aime Luc » ;
• la dislocation gauche ou droite du constituant avec reprise
pronominale :
Zoé, Élise l’aime (dislocation gauche)
Élise l’aime, Zoé (dislocation droite)
Les fiches qui précèdent permettent d’aborder la très grande majorité des
questions posées. Nous n’avons pas traité les sujets qui nous semblaient
marginaux ou dont la présentation nous aurait contraint à des
développements d’une ampleur trop considérable. Ce faisant, nous essayons
de ne pas nous écarter de l’objectif que se donne ce Précis.
Nous proposons à présent une liste de questions effectivement posées au
concours. Elles sont données ici telles qu’elles sont libellées dans les
concours, de manière à ce que le candidat s’habitue à leur formulation :
dans tous les cas, il revient au candidat de délimiter le domaine visé et
d’indiquer les critères qui président à sa définition. Dans cet esprit nous
avons pris le parti d’indiquer des questions qui semblent parfaitement
synonymes (cf. « Les tours impersonnels », « Les tournures
impersonnelles »). On prendra néanmoins garde que toutes les formulations
ne sont pas équivalentes ; par exemple, la question « Les pronoms
adverbiaux » diffère de la question « En et y » puisqu’il y a des emplois de
en qui ne sont pas pronominaux ; de même « L’impératif » ne coïncide pas
avec « L’expression de l’ordre », dès lors que l’ordre peut être exprimé par
d’autres voies que l’impératif. S’il subsiste des doutes, le candidat a tout
intérêt à jouer cartes sur table, à expliciter ce qui le rend perplexe, de
manière à justifier son interprétation du sujet.
L’établissement d’une telle liste pose un problème d’organisation. Une
liste purement alphabétique aurait été chaotique et redondante, par
conséquent difficilement utilisable. Mais nous ne pouvions pas non plus
proposer une classification linguistiquement rigoureuse, chose incompatible
avec le projet de ce livre. Dans un souci d’efficacité, nous avons décidé
d’opérer des regroupements autour de quelques « pôles » : le Nom, le
Verbe, Autres catégories, la Phrase, Embrayage énonciatif. Il ne faut y voir
que des moyens d’accès au réseau de fiches. Certaines questions se
retrouvent en divers groupes quand elles peuvent être abordées de différents
points de vue. En face des sujets est indiqué le numéro de la ou des fiche(s)
qui les aborde(nt), totalement ou partiellement.
Ouvrages de préparation
aux examens et concours
Éléments de rhétorique et d’argumentation (Robrieux)
Vocabulaire de l’analyse littéraire (Bergez, Géraud, Robrieux)
Précis de littérature française (Bergez et al.)
Précis de grammaire pour les concours (Maingueneau), 6e édition
L’Explication de texte littéraire (Bergez), 2e édition
La Dissertation littéraire (Scheiber)
L’Atelier d’écriture (Roche, Guiguet, Voltz), 2e édition
L’Atelier de scénario (Roche, Taranger)
Lexique thématique de latin (Caron)
Dictionnaire du théâtre (Pavis)
Mythologie grecque et romaine (Commelin, Maréchaux)
L’Épreuve orale sur dossier au CAPES externe de lettres modernes
(Baetens)
Réussir la dissertation littéraire. Analyser un sujet et construire un plan
(Adam)
Le Commentaire composé (Jacopin)
Introduction à l’ancien français (Revol)
Index
Avoir 1
Avoir et être 1
Ce 1
Dont et en 1
En 1
En et Y 1
Il/le/lui 1
Le (y compris les déterminants) 1, 2, 3, 4
Le/la/les (y compris les pronoms) 1, 2, 3, 4
On 1, 2
Que 1, 2
Qui, 1, 2
Tout/Les emplois de tout 1
Adjectif et participe 1, 2, 3, 4
Articles défini et démonstratif 1
Articles défini et indéfini 1, 2
Attribut et complément d’objet direct 1, 2, 3, 4
Classification des subordonnées 1
Compléments d’objet et compléments circonstanciels 1, 2, 3
Compléments du nom et relatives 1, 2, 3, 4, 5, 6
Complétives et infinitifs 1, 2
Constructions impersonnelles et verbes impersonnels 1
Discours direct et indirect 1
Épithète et attribut 1, 2, 3, 4, 5
Étude syntaxique des adverbes 1
Formes/temps simples et composé(e)s du verbe, Les formes/temps
composé(e)s du verbe 1
Imparfait et plus-que-parfait 1
Interrogation et exclamation 1, 2
L’absence d’article/la non-expression de l’article/l’article zéro 1, 2
L’adjectif qualificatif 1, 2, 3, 4
L’adverbe 1, 2, 3, 4
L’anaphore nominale 1, 2, 3
L’apposition 1
L’article et son absence 1, 2, 3
L’article/le déterminant un 1, 2
L’attribut 1, 2, 3
L’emploi de l’article défini 1, 2, 3
L’emploi des modes 1, 2, 3, 4
L’emploi des temps/les temps verbaux 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
L’emploi du subjonctif/le subjonctif 1
L’emploi du verbe être 1, 2
L’épithète 1, 2
L’expression de l’hypothèse/Les tours hypothétiques 1
L’expression du futur 1
L’imparfait/les valeurs de l’imparfait 1
L’impératif 1
L’infinitif 1
L’interrogation 1
L’interrogation directe 1, 2
L’interrogation indirecte 1, 2, 3, 4, 5, 6
L’inversion du sujet 1
L’opposition de l’indicatif et du subjonctif 1
La construction GN de GN 1, 2
La dérivation suffixale 1
La détermination/les déterminants du substantif 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
La dislocation 1
La fonction sujet 1
La forme/voix pronominale 1
La mise en relief 1
La modalité jussive/L’expression de l’ordre 1, 2
La négation 1, 2
La notion de sujet 1
La place de l’adjectif épithète 1
La place du sujet 1, 2
La subordination/les subordonnées 1, 2, 3, 4, 5
La transitivité du verbe 1, 2
Le classement des adverbes 1
Le complément d’objet 1, 2
Le conditionnel/les formes en -rais 1
Le discours direct 1
Le discours indirect libre 1
Le discours rapporté 1
Le futur simple 1
Le genre des adjectifs 1
Le genre des noms 1, 2
Le groupe adjectival 1
Le mode dans les subordonnées 1, 2, 3, 4, 5
Le passé composé 1
Le passif 1, 2
Le présent 1
Les articles 1, 2, 3
Les auxiliaires/l’auxiliation 1
Les auxiliaires modaux/Pouvoir et devoir 1
Les comparatives 1, 2
Les compléments circonstanciels de temps et de lieu 1, 2
Les compléments circonstanciels/les circonstants 1, 2
Les compléments du nom 1, 2
Les compléments du nom en de/introduits par de 1, 2
Les compléments prépositionnels 1, 2, 3, 4, 5
Les complétives 1, 2
Les constructions détachées 1
Les constructions emphatiques 1, 2
Les constructions/tours/formes impersonnels, les constructions avec il
impersonnel 1
Les degrés de comparaison de l’adjectif 1, 2, 3
Les démonstratifs (y compris les pronoms), 1
Les déterminants/adjectifs démonstratifs 1
Les déterminants/adjectifs indéfinis 1, 2, 3
Les déterminants définis 1, 2, 3, 4, 5
Les éléments clitiques 1
Les embrayeurs 1, 2, 3, 4, 5
Les embrayeurs/déictiques de temps et de lieu 1, 2
Les embrayeurs/Les pronoms personnels de 1
Les emplois du présent 1
Les expansions du nom 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Les fonctions de l’adjectif 1, 2
Les fonctions du GA/de l’adjectif 1, 2, 3, 4
Les fonctions du GN/substantif/nom 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Les formes en -ais et -rais 1, 2
Les formes en -ant 1
Les formes/modes non personnels du verbe 1, 2, 3, 4
Les futurs 1
Les groupes/syntagmes prépositionnels 1, 2, 3, 4
Les hypothétiques/conditionnelles 1
Les indéfinis (y compris les déterminants) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Les indéfinis (y compris les pronoms) 1, 2, 3, 4, 5
Les infinitifs 1
Les infinitifs compléments 1
Les marques de genre/du féminin 1
Les marques du discours indirect 1
Les modalités de la phrase 1, 2, 3
Les modes dans la subordonnée 1, 2, 3, 4
Les noms dérivés 1
Les participes 1, 2
Les participes passés 1
Les périphrases verbales 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Les phrases/énoncés exclamatifs 1, 2
Les plans d’énonciation 1
Les possessifs (y compris les pronoms) 1, 2
Les pronoms 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Les pronoms adverbiaux 1
Les pronoms adverbiaux/En et y 1
Les pronoms clitiques 1
Les pronoms de 1, 2, 3, 4, 5
Les pronoms démonstratifs 1, 2, 3
Les pronoms qui et que 1, 2, 3
Les pronoms indéfinis 1, 2
Les pronoms interrogatifs 1, 2, 3, 4
Les pronoms neutres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Les pronoms personnels 1, 2, 3, 4
Les pronoms personnels compléments 1
Les pronoms possessifs 1, 2
Les pronoms relatifs 1, 2, 3
Les pronoms substituts 1
Les pronoms sujets 1, 2, 3, 4
Les séquences verbe + infinitif 1, 2, 3, 4, 5, 6
Les subordonnées circonstancielles 1
Les subordonnées introduites par que 1
Les subordonnées introduites par que 1
Les subordonnées introduites par qui et que 1
Les subordonnées introduites par qui et que 1, 2
Les (subordonnées) relatives 1, 2, 3
Les sujets non exprimés 1, 2, 3, 4
Les temps de l’indicatif 1, 2, 3, 4, 5, 6
Les temps du passé 1, 2, 3
Les temps du récit 1
Les types de phrases 1, 2, 3
Les valeurs du présent 1, 2
Les verbes intransitifs/L’intransitivité du verbe 1
Les verbes modaux 1
Les verbes pronominaux 1
Mots interrogatifs et mots exclamatifs 1, 2, 3
Négation et mots négatifs 1
Participe passé et infinitif 1, 2
Passé composé et passé simple 1
Passifs et pronominaux 1, 2
Phrases clivées et pseudo-clivées 1
Préfixation et suffixation/La dérivation 1
Subjonctif et conditionnel 1, 2
Temps du discours et du récit, Discours/récit 1
Temps du discours et temps du récit/Discours et récit 1
Transitivité et intransitivité verbales 1, 2
Valeurs aspectuelles des formes verbales 1
Verbes et constructions impersonnels 1, 2
1. Pour une bonne part, ce chapitre s’inspire, très librement, des travaux de J.-C. Milner. Nous
avons simplifié outrageusement sa démarche et sommes seuls responsables des déformations,
volontaires ou non, que nous lui avons fait subir.