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Le Manuel Du Generaliste Maladies Infectieuses 2017 PDF
Le Manuel Du Generaliste Maladies Infectieuses 2017 PDF
25-090-A-10
Depuis 15 ans, on note une baisse progressive de la mortalité du sepsis sévère (défini par l’association
d’une ou plusieurs défaillances d’organe, ou une hypoperfusion tissulaire définie par une hypotension
artérielle, une augmentation de la lactatémie ou une oligurie) grâce à une amélioration des connaissances
physiopathologiques et à une approche innovante de la prise en charge thérapeutique. Le concept global
de protection de la perfusion et de l’oxygénation des organes dans les premières heures est aujourd’hui
reconnu comme un élément-clé du pronostic. Le rôle des structures d’urgences est donc particulièrement
sensible dans l’identification et la stratification du risque de sepsis, permettant la mise en route précoce
d’un traitement optimal (dans les six premières heures), mais aussi dans l’organisation d’une orientation
rigoureuse de ces patients. Les recommandations récemment actualisées de la Surviving Sepsis Campaign
(SSC) apportent une définition plus précise du sepsis, du sepsis sévère et du choc septique, ainsi que des
mesures thérapeutiques et du monitorage à mettre en œuvre. La mise en place d’interventions de stratégie
d’optimisation précoce et ciblée semble réaliste et faisable. La capacité à mettre en place et faire respecter
ces recommandations semble donner aujourd’hui les premiers résultats de diminution de mortalité (23 %
versus 49 %) et de durée de séjour en réanimation. Globalement, l’application des recommandations de
la SSC permet de sauver une vie tous les six patients présentant cette pathologie.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les critères de SRIS sont tellement larges qu’ils n’ont aucune définit le choc septique [19–21] . Même si cela semble intuitif, un épi-
spécificité, en tout cas en réanimation (80 % des patients ont ces sode d’hypotension artérielle est associé à une augmentation de la
critères), et l’identification de l’infection devient alors prépon- mortalité [22] . Une baisse de 1 mmHg de la PAS augmente le risque
dérante. Et même avec ces critères larges, il persiste un nombre de mortalité de 0,02 % [23] . Il a été montré dès 1964 qu’un taux
substantiel de patients ne remplissant pas les critères de SRIS, de lactate supérieur à 4 mmol/l était corrélé à une mortalité de
alors qu’ils ont à l’évidence une infection grave et d’autres signes 87 % [24] . Son identification ne pose en principe pas de problème.
de sepsis sévère [12] . Ces critères restent cependant un moyen de La démarche initiale est la même que lors d’un sepsis sévère, mais
dépistage, simple mais peu spécifique, des états septiques, en par- l’urgence thérapeutique n’en est que plus grande.
ticulier aux urgences.
ciblés (urine, liquide cérébrospinal [LCS], plaie, pulmonaires ou en ventilation spontanée avant l’apparition de signes cliniques
autres) seront réalisés en fonction du contexte clinique. d’hypoxie [32] . Il en est de même chez les patients ventilés chez qui
Il est bien rare qu’en cas de sepsis sévère ou imminent, un une chute brutale de la SpO2 peut signifier une intubation sélec-
(ou plusieurs) foyer infectieux ne soit pas suspecté clinique- tive ou un débranchement du ventilateur en gardant à l’esprit que
ment. L’imagerie (échographie, tomodensitométrie) dirigée par les temps de réponse restent relativement longs. Dans ces derniers
l’examen clinique et les symptômes donnent le plus souvent une cas, le monitorage du CO2 téléexpiratoire (EtCO2 ) semble plus
orientation diagnostique. approprié.
d’une thérapeutique inotrope si la correction de l’anémie, de est fortement corrélée à la lactatémie initiale des patients : 28,4 %
l’hypovolémie et de la vasoplégie par les vasoconstricteurs n’a pas (> 4 mmol/l) versus inférieure à 5 % (< 2,5 mmol/l) [47] . La lactaté-
permis l’amélioration hémodynamique. L’échocardiographie est mie initiale ne permet pas de détecter exhaustivement tous les
donc un outil de choix pour le diagnostic et de monitorage [35] patients septiques sévères ; il faut une association aux paramètres
dont la répétition informe sur l’évolution du patient et sur l’effet macrocirculatoires initiaux. Cependant, l’évolution de la valeur
des thérapeutiques administrées. de la lactatémie au cours des premières heures de prise en charge
est un bien meilleur indicateur pronostique que la valeur brute de
Pression veineuse centrale lactate initiale [48] . Le taux de décroissance initial du lactate (mal-
La mise en place d’un cathéter veineux central permet une adroitement appelée « clairance » du lactate) reflète l’évolution
meilleure administration des traitements par voie intraveineuse. combinée de la production endogène et de la clairance vraie du
Ce cathéter peut également servir d’instrument de surveillance lactate. Un taux de décroissance supérieur à 10 % au cours des
hémodynamique en mesurant la PVC. La valeur de la PVC n’est six premières heures de prise en charge d’un patient présentant
le plus souvent pas prédictive de la réponse au remplissage, en un sepsis sévère témoigne d’une bonne réponse au traitement
particulier chez le patient en ventilation mécanique, du fait de entrepris et traduit un meilleur pronostic [49] .
la pression intrathoracique positive. À retenir cependant que, en On peut ainsi proposer un dosage de la lactatémie toutes les
ventilation mécanique, une valeur de PVC très basse (< 5 mmHg) deux heures, de façon à suivre l’efficacité des thérapeutiques entre-
est un bon signe prédictif de la réponse au remplissage et qu’au- prises et de porter un pronostic dès la phase initiale des patients
delà de 5 mmHg la seule mesure de la PVC reste insuffisante pour septiques admis aux urgences.
évaluer les besoins en remplissage d’un patient ventilé [36] .
Ainsi, même si le recours à la voie veineuse centrale reste un
sujet de controverse dans les structures d’urgences, il existe une
Protéine C-réactive et procalcitonine
recommandation à son usage chez le patient septique avec un La procalcitonine (PCT) est un biomarqueur largement utilisé
objectif de PVC de 8 à 12 mmHg en ventilation spontanée ou de pour détecter la présence d’une infection bactérienne. On sait
12 à 15 mmHg en ventilation mécanique [37] . qu’il est plus spécifique et plus sensible pour détecter la présence
Des mesures hémodynamiques non invasives par impé- d’une infection bactérienne débutante que ne l’est la protéine
dancemétrie bioélectrique peuvent être réalisées en structures C-réactive (CRP) [50] . La PCT a montré son intérêt sur les plans
d’urgence, notamment en appréciant, entre autres, l’index car- diagnostique, pronostique et thérapeutique (tel que la durée de
diaque qui semble associé à la mortalité hospitalière [38] . l’antibiothérapie) pour la prise en charge des infections bacté-
riennes hospitalisées [51, 52] .
Saturation veineuse centrale en oxygène Au cours du sepsis, la surveillance de la PCT apporte une
La saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2 ) consiste information en termes diagnostique et pronostique. Des études
en la mesure de la saturation en oxygène du sang veineux dans réalisées en structure d’urgence ont également montré que le
un cathéter veineux central. Sa valeur et surtout les variations dosage de la PCT permettait de prédire le risque de bactériémie en
de sa valeur sont assez bien corrélées à celles de la saturation cas d’infection bactérienne, notamment d’origine pulmonaire [53] .
du sang veineux mêlé prélevé au niveau de l’artère pulmonaire Les valeurs-seuils retrouvées sont variables entre 0,4 et 2 mg/l [54] .
(SvO2 ) (par un cathéter artériel pulmonaire), gardant à l’esprit Une valeur de PCT inférieure à 0,1 mg/l rend le diagnostic de sep-
que la SvO2 est 5 à 7 % plus basse que la SvcO2 [39–41] . C’est un sis extrêmement peu probable, avec une valeur prédictive négative
monitorage pertinent de l’adéquation des apports en oxygène au de 98,2 % [55] .
niveau périphérique, qu’il soit mesuré de manière continue ou Il est intéressant d’associer le dosage de ces marqueurs de
discontinue [42] . Le monitorage de la SvcO2 permet d’adapter la l’inflammation au cours du sepsis, avec la mesure de la lactaté-
réanimation hémodynamique précoce du patient en choc sep- mie [56, 57] . La PCT et le lactate sont des marqueurs diagnostiques
tique, et ce dès l’admission aux urgences [7] , même si le caractère et pronostiques indépendants [56] . Sur le plan diagnostique, la PCT
invasif reste limitant. La SvcO2 a une valeur pronostique montrant est plus performante pour porter le diagnostic de sepsis, tandis que
une mortalité supérieure chez les patients hypoxiques (SvcO2 le lactate était plus performant pour juger de la sévérité du sepsis.
≤ 70 %) (40 %) et hyperoxiques (SvcO2 90–100 %) (34 %) par rap- L’existence d’une valeur de PCT supérieure à 0,8 mg/l associée à
port aux patients « normoxiques » (21 %) [43] . une lactatémie supérieure à 2 mmol/l est associée à une morta-
Une autre approche moins invasive est d’appréhender lité de 56 %, tandis que l’élévation d’un seul de ces paramètres
l’oxygénation par la saturation tissulaire en oxygène (StO2 ) selon s’accompagnait d’une mortalité respectivement de 22 et 24 %. La
la méthode near infrared spectroscopy. Cependant, chez des patients mesure simultanée de la lactatémie et de la CRP permet d’apporter
septiques aux urgences, la StO2 n’est pas corrélée à la SvcO2 (sur- des informations pronostiques complémentaires [57] . Les patients
estimant pour des valeurs de SvcO2 basses et inversement) [44] . qui avaient une lactatémie initiale supérieure à 4 mmol/l et une
CRP supérieure à 10 mg/l présentaient une mortalité à 28 jours
Lactate de 44 %, tandis qu’une lactatémie similaire associée à une CRP
inférieure à 10 mg/l s’accompagnait d’une mortalité de seulement
La présence d’une hyperlactatémie est fréquente au cours du
10 %.
sepsis et témoigne de sa gravité. Le lactate plasmatique reste
Le dosage de ces biomarqueurs permet d’évaluer l’importance
aujourd’hui le meilleur biomarqueur du degré de souffrance cel-
de la réponse inflammatoire face à une infection systémique et à
lulaire et doit être mesuré à la phase initiale de la prise en charge
un rôle pronostique (en les confrontant à la clinique).
du sepsis (triage) [1] . Il permet d’apprécier le pronostic et de suivre
l’efficacité de la thérapeutique.
Le lactate doit être préférentiellement dosé sur sang artériel.
Il existe une meilleure corrélation entre lactates veineux et arté- Conduite à tenir
riel sur le sang prélevé sur voie veineuse centrale que prélevé thérapeutique [1]
Tableau 2.
Conduite à tenir devant un sepsis sévère ou choc septique. qui, associée à l’hétérogénéité locorégionale du tonus vasculaire,
entraîne une anomalie de la redistribution du débit sanguin aux
Le diagnostic de sepsis sévère (ou de choc septique) conduit à dépens du territoire splanchnique. Au cours du choc septique,
Mettre en place, sans délai, une voie d’abord vasculaire de bon calibre et le remplissage doit être rapidement accompagné d’une adminis-
démarrer un remplissage vasculaire par des cristalloïdes (30 ml/kg), en tration de substances vasoactives [64] . La mise en route d’un tel
évaluant la réponse hémodynamique (index cliniques de remplissage traitement est recommandée d’emblée en cas de PAD inférieure à
vasculaire, lactate, diurèse, mesure de la PVC et SvcO2 ) 40 mmHg ou après l’absence d’efficacité du remplissage vasculaire
Prélever sans délai deux séries d’hémocultures, et obtenir les autres par des cristalloïdes.
prélèvements à visée microbiologique guidés par l’examen clinique L’objectif est de maintenir une PAM supérieure ou égale à
Puis administrer des antibiotiques sans délai (dans l’heure et au 65 mmHg. Une étude a montré qu’une titration de noradréna-
maximum dans les trois heures) a , adaptés à l’origine présumée du foyer line dans l’objectif d’obtention d’une PAM à 65 mmHg permet
infectieux, à l’épidémiologie générale et locale, et aux risques de préserver la perfusion tissulaire [65] . Il faut noter que cet
spécifiques du patient, en tenant compte du résultat d’éventuels objectif de PAM supérieure ou égale à 65 mmHg est légèrement
examens directs de prélèvements différent du chiffre retenu pour le diagnostic de sepsis sévère
Compléter si nécessaire, les examens biologiques (fonction rénale, (PAM < 70 mmHg). Comme il est souligné dans la SSC, ce niveau
glycémie, hématologie et coagulation) et obtenir un dosage de lactate de PAM doit être adapté individuellement car un sujet jeune sans
s’il n’est déjà disponible, pour préciser les caractéristiques et le antécédent peut tolérer des niveaux de PAM plus bas qu’un patient
retentissement fonctionnel du syndrome septique souffrant d’athérosclérose ou d’hypertension artérielle. L’agent de
Instaurer une surveillance rapprochée des fonctions vitales (PA, diurèse, première intention est la noradrénaline qui augmente la PAM par
SaO2 , lactate) un effet vasoconstricteur avec une faible répercussion sur la Fc
Demander sans délai un avis au réanimateur pour évaluer le patient sur et moins d’augmentation du volume d’éjection systolique (VES)
place et organiser la suite de la prise en charge et son transfert en comparée à la dopamine. La noradrénaline est préférée à la dopa-
réanimation, en tenant compte des aspects éthiques mine [66, 67] , car même si cette dernière est intéressante lorsque la
L’absence de réponse satisfaisante au remplissage vasculaire au-delà de fonction systolique est altérée, elle entraîne plus de tachycardie et
90 minutes (choc septique) impose le transfert rapide dans une structure est reconnue plus arythmogène que la noradrénaline [68] . En effet,
de réanimation, après avoir mis en route l’ensemble des mesures la dopamine augmente la PAM et le débit cardiaque par une aug-
thérapeutiques précédentes, et débuté un traitement vasopresseur. mentation VES et de la Fc à la différence de la noradrénaline. Il
est maintenant reconnu que l’utilisation de la dopamine à faible
PA : pression artérielle. dose ne joue pas de rôle de protecteur de la fonction rénale [69] .
a
L’antibiothérapie (C3G) doit être administrée dès la constatation d’un purpura
d’allure infectieux.
Les recommandations ne retiennent son indication que chez les
patients avec un faible risque de tachyarythmie ou de bradycardie.
La phényléphrine n’est pas recommandée en dehors des
• PVC égale à 8–12 mmHg ; cas de patients présentant des arythmies sévères sous nora-
• PAM supérieure ou égale à 65 mmHg ; drénaline, de débit cardiaque élevé avec une hypotension
• diurèse supérieure ou égale à 0,5 ml/kg par heure ; artérielle ou en sauvetage quand la combinaison de drogues
• SvcO2 égale à 70 % ou SvO2 mêlée égale à 65 %. inotropes/vasoconstrictrices à des faibles doses de vasopressine
Cette stratégie basée sur ces objectifs à atteindre a montré son échoue à atteindre l’objectif de PAM.
efficacité, permettant de diminuer la mortalité absolue à j28 de L’adrénaline n’est pas recommandée en première intention car
17,7 %(in [58] ). elle accroît la demande en oxygène et compromet le débit sanguin
splanchnique. Elle augmente la lactatémie par stimulation des
récepteurs 2-adrénergiques du muscle squelettique (en dehors
Remplissage vasculaire de tout processus anaérobique) et peut gêner le suivi de ce para-
mètre (notamment sa clairance) comme guide de la réanimation.
Il ne souffre aucun retard et constitue une urgence dans sa mise Elle est une bonne alternative à la noradrénaline et est recomman-
en route dès le diagnostic de sepsis sévère ou d’état de choc posé. dée en support ou à la place de la noradrénaline pour maintenir
Il est un des quatre éléments des recommandations à réaliser dans un niveau de PA adéquat [70] .
les trois premières heures (Tableau 2). L’utilisation de dobutamine est recommandée après le remplis-
Le choix du produit de remplissage doit selon les dernières sage et la mise en route du traitement vasoconstricteur en présence
recommandations se porter sur un cristalloïde plutôt qu’un col- d’une dysfonction myocardique (augmentation des pressions
loïde. Il était classique de dire qu’il n’existait aucune supériorité de remplissage et bas débit cardiaque) ou de signes persistants
de l’un ou de l’autre mais la littérature de ces dernières années d’hypoperfusion malgré la restauration d’une volémie et d’une
s’est étoffée [59–61] . La recommandation contre l’utilisation des col- PAM adéquates. En 2012, une stratégie basée sur l’augmentation
loïdes (hydroxyéthylamidon 6 %) est basée sur l’augmentation de l’index cardiaque à des niveaux supranormaux prédéterminés
des insuffisances rénales aiguës. L’étude CRYSTAL comparant les
n’est plus de rigueur. À la différence de la dopamine, de la nora-
cristalloïdes aux colloïdes devrait apporter de nouveaux éléments.
drénaline et de l’adrénaline, la dobutamine est la seule amine à
L’utilisation de l’albumine pourrait trouver une indication
diminuer la pression capillaire d’occlusion.
privilégiée dans ce contexte [62] , notamment chez les patients
nécessitant de grandes quantités de cristalloïdes. Une méta- À un stade précoce du choc septique, les taux de vasopres-
analyse ayant agrégé 17 études randomisées a trouvé une baisse sine sont élevés, mais au cours de la progression du choc ils se
modérée de la mortalité absolue de 2,2 % à j28 en utilisant normalisent, entraînant un état de déficience relative en vaso-
l’albumine versus cristalloïde [63] . pressine. L’utilisation de la vasopressine peut être considérée chez
L’utilisation de sérum salé hypertonique n’est pas recomman- les patients présentant un choc septique réfractaire malgré un
dée actuellement. remplissage bien conduit et de hautes doses d’amines vasopres-
Il est recommandé de débuter le remplissage vasculaire par des sives. Elle ne doit pas être proposée en première intention à ce
cristalloïdes (30 ml/kg) en monitorant la réponse au remplissage jour, étant donné l’absence d’études randomisées. À la différence
par des tests dynamiques ou statiques. de la dopamine et de la noradrénaline, la vasopressine possède
un effet vasoconstricteur direct sur le muscle lisse vasculaire, et
est dénuée de tout effet inotrope et chronotrope. Dans toutes les
Catécholamines études menées sur l’utilisation de cet agent au cours du sepsis, il a
été montré une augmentation de la PAM et une discordance des
Les diminutions de la contractilité myocardique et du tonus résultats sur le débit cardiaque qui doit rendre prudente sa pres-
vasoconstricteur se traduisent par une hypotension artérielle cription en cas de dysfonction myocardique. Cet effet semble en
réfractaire au remplissage et péjorative sur un plan pronostique. relation avec des doses élevées. Il est recommandé de ne pas dépas-
Il faut prendre en compte l’hétérogénéité de la diminution de ser une dose de 0,03 à 0,04 U/min. La recommandation retenue
la réponse vasculaire périphérique aux agonistes ␣-adrénergiques en 2012 pour la vasopressine dans le traitement du choc septique
est son ajout avec la noradrénaline dans l’intention d’atteindre En ce qui concerne les infections virales, une thérapie antivi-
la PAM cible ou de réduire les posologies de noradrénaline en rale doit être débutée le plus tôt possible, notamment contre les
ultime recours [71] . N’étant disponible en France que sous forme Influenza virus.
d’une autorisation temporaire d’utilisation, l’utilisation de la ter- A contrario, il convient de ne pas débuter une antibiothé-
lipressine à la posologie de 1 à 2 mg par voie intraveineuse directe rapie chez les patients souffrant d’un syndrome inflammatoire
(50–70 kg), 1,5 mg (70–90 kg), 2 mg (> 90 kg) a été proposée, en de nature non infectieuse. Il faut garder à l’esprit que plus de
remplacement de la vasopressine. Sa prescription dans le choc 50 % des patients souffrant de sepsis sévère ou de choc septique
septique reste à préciser. bénéficiant d’une antibiothérapie empirique ont des hémocul-
L’utilisation de catécholamines doit amener à réaliser la pose tures négatives même si la cause est réellement bactérienne ou
d’un cathéter artériel dans les meilleurs délais afin de monitorer fongique. L’arrêt du traitement doit rester basé sur le jugement
de manière invasive et continue la PA. clinique.
La question essentielle associée à cette démarche diagnostique
est celle de l’opportunité d’une intervention invasive idéalement
Antibiothérapie réalisée dans les 12 heures suivant le diagnostic (radiologie inter-
ventionnelle ou chirurgie : drainage d’une collection suppurée
La précocité et la qualité (caractère adapté) de l’antibiothérapie ou ablation d’un foyer infecté le plus souvent intra-abdominal
initiale sont des éléments majeurs du pronostic des états septiques [péritonites, abcès parenchymateux ou intra-abdominal, réten-
graves, sinon le plus important. Le taux de mortalité augmente tion d’urines infectées, etc.]), après les manœuvres de réanimation
de 7,6 % pour chaque heure de retard dans le traitement antibio- appropriées (remplissage vasculaire, drogues vasoactives, intuba-
tique [72] . tion et ventilation mécanique, etc.) garant d’une stabilisation de
Les données cliniques permettent généralement de guider l’état hémodynamique et respiratoire. Il ne faut pas oublier que
les prélèvements locaux des sites accessibles, en complément les accès vasculaires peuvent être sources du sepsis imposant leur
des hémocultures systématiques prélevées d’emblée avec exa- retrait.
men direct par Gram, qui oriente le traitement antibiotique.
L’administration d’antibiotiques doit être effectuée dès la cons-
tatation d’un liquide louche ou purulent lors d’une ponction Glucocorticoïdes
lombaire, associée à l’administration de dexaméthasone.
Au cours du choc septique, il existe fréquemment une insuf-
La valeur des prélèvements locaux est très grande lorsqu’il s’agit
fisance surrénalienne, le plus souvent relative (incidence de
de sites normalement stériles prélevés dans de bonnes condi-
6 à 75 %), dont le mécanisme physiopathologique n’est pas
tions d’asepsie (LCS, urines, cavité péritonéale, bronches distales,
univoque. Cet état semble se compliquer d’une résistance péri-
etc.). Ils doivent toujours être interprétés avec prudence en cas
phérique aux corticostéroïdes. Il a également été montré qu’une
de prélèvement en « milieu ouvert » (urines chez un malade
synergie d’action existe entre les corticoïdes et les amines
sondé, plaies et drains, etc.), en particulier chez le malade déjà
vasoconstrictrices, les corticoïdes potentialisant les effets hémo-
hospitalisé.
dynamiques des catécholamines. Au cours du choc septique, la
Le choix des antibiotiques et la décision d’administration
réponse vasculaire aux catécholamines endogènes est diminuée
doivent être pris dans l’heure de la reconnaissance du choc
alors que leur concentration sérique est élevée. Une désensibili-
septique ou de sepsis sévère [73] , tandis que le traitement symp-
sation des récepteurs ␣ et , la production excessive de NO ainsi
tomatique (accès veineux et remplissage vasculaire) est poursuivi.
qu’une hyperperméabilité capillaire pourraient en être la cause.
Le choix du traitement antibiotique est fonction du mode
Il a été montré expérimentalement que les corticostéroïdes aug-
d’acquisition de l’infection (communautaire ou lié aux soins),
mentaient le nombre d’adrénorécepteurs ␣ et , et restauraient
du foyer infectieux supposé, d’un traitement antibiotique
leur sensibilité aux catécholamines. L’insuffisance surrénalienne
récent (dans les trois derniers mois), des comorbidités, et de
relative est définie par un taux de cortisol dans le sang inférieur
l’épidémiologie générale et éventuellement locale (notamment
à 15 g/dl ou entre 15 et 34 g/dl avec une augmentation de la
pour les infections hospitalières) associée à ce type d’infection,
cortisolémie inférieure à 9 g/dl après le test de stimulation à la
de la pharmacocinétique des molécules utilisées et des risques
postadrenocorticotropic hormone.
d’intolérance prévisibles.
Ainsi, l’administration de corticoïdes n’est recommandée qu’au
Les doses prescrites doivent être maximales d’emblée [74] , paren-
cours du choc septique résistant au traitement par remplis-
térales, avec une dose de charge initiale, en particulier pour les
sage vasculaire et catécholamines [1] . Uniquement dans ce cas,
-lactamines.
de l’hydrocortisone à la posologie de 200 mg/j est adminis-
En l’absence d’orientation étiologique initiale devant un sep-
trée pour une durée de trois à sept jours environ (évitant les
sis sévère ou un choc septique, un traitement empirique par une
effets rebonds), sans que la durée optimale ne soit connue. Elle
association définie localement (le plus souvent une -lactamine
doit être administrée en perfusion continue (plutôt qu’en boli
à large spectre active sur les staphylocoques, les streptocoques
répétés) afin d’éviter une hyperglycémie et une hypernatrémie.
et les entérobactéries dans les infections communautaires, ou
L’amélioration hémodynamique semble plus le fait d’un effet vas-
une quinolone active sur le pyocyanique dans les infections
culaire que d’un effet modulateur de la réponse inflammatoire. Par
nosocomiales, en association avec un aminoside) est débuté. Il
ailleurs, les recommandations soulignent que les corticostéroïdes
a été montré que la mise en place de procédures sous forme
ne doivent pas être administrés chez des patients en sepsis sans
d’algorithme aidant à la prescription de cette antibiothérapie
choc.
empirique permettait de répondre aux recommandations, notam-
En 2012, il n’est plus recommandé de réaliser de prélèvement
ment en termes de délai de prescription [75] .
pour dosage de la cortisolémie juste avant et une heure après un
Dans tous les cas, le traitement doit être réévalué dès réception
test au Synacthène® pour les patients éligibles à l’hydrocortisone.
des premiers résultats microbiologiques (qu’ils soient positifs ou
Il a été montré que ce test ne permettait pas d’identifier les patients
négatifs) et, de manière systématique, 48 heures après le début du
dits répondeurs (ne nécessitant pas de traitement substitutif) par
traitement afin de prévenir le développement de résistance, de
rapport aux non-répondeurs.
réduire la toxicité et les coûts. La durée de la prescription peut
se baser sur l’évolution de biomarqueurs comme la PCT [76] . Il est
recommandé de ne pas dépasser trois à cinq jours de traitement Produits de support
à large spectre (hors exceptions comme l’endocardite, infection à
Pseudomonas aeruginosa) et de revenir à une antibiothérapie simple L’administration de concentrés globulaires, quant à elle,
dès que le profil est connu pour une durée de sept à dix jours en est appliquée pour optimiser l’oxygénation une fois résolue
dehors des patients présentant une réponse clinique lente, des l’hypoperfusion tissulaire. Elle est indiquée lorsque le taux
sites d’infection non accessibles au drainage, des bactériémies à d’hémoglobine est inférieur à 7 g/dl, en dehors de toute pathologie
S. aureus, certaines infections virales ou fongiques, ou des patients coronaire, d’hypoxémie sévère, d’hémorragie aiguë ou d’acidose
avec déficiences immunitaires (patients neutropéniques). lactique (signant la persistance d’une hypoperfusion tissulaire),
Ces référentiels concernent les sédation, ventilation, contrôle PAS : pression artérielle systolique ; PAM : pression artérielle moyenne ; PVC :
de la glycémie, épuration extrarénale, traitement de l’acidose, pression veineuse centrale ; SvcO2 : saturation en oxygène de l’hémoglobine du
sang veineux en veine cave supérieure.
prophylaxie de la thrombose veineuse (héparines de bas poids
moléculaires) et de l’ulcère (inhibiteurs de la pompe à protons).
Quoique n’ayant pas été obtenue strictement chez des patients de
réanimation en sepsis sévère, une réduction de mortalité a pu être vants liés aux comorbidités et/ou à la nature de l’infection. Ces
observée par le contrôle strict de la glycémie à moins de 1,80 g/l éléments déterminent l’orientation du patient :
(après deux mesures successives) [77] . Il est recommandé de contrô- • patient en sepsis : résolution des signes cliniques
ler la glycémie (veineuse ou artérielle, et non capillaire) toutes les d’hypoperfusion, absence de comorbidité significative,
une à deux heures jusqu’à stabilité, puis toutes les quatre heures. type d’infection établi et de pronostic généralement
Il en est de même pour l’utilisation d’une stratégie de ven- favorable : transfert dans une unité pouvant assurer une
tilation protectrice, avec un volume courant de 6 ml/kg et une surveillance non invasive continue avec objectifs tensionnnels
pression de plateau inférieure ou égale à 30 cmH2 O chez les (PAM > 65 mmHg), et de diurèse supérieure à 0,5 ml/kg par
patients ventilés mécaniquement et en positionnant le patient heure, ainsi que le dépistage d’une défaillance viscérale. Tout
intubé–ventilé demi-assis à 30 à 45 ◦ pour éviter le risque objectif non atteint doit faire discuter l’admission secondaire
d’inhalation. dans une unité de réanimation ;
Les recommandations abordent aussi la sédation et la curarisa- • patient en choc septique : persistance totale ou partielle des
tion qui doit le plus possible être évitée (notamment en l’absence signes d’hypoperfusion clinique, lactatémie initiale supérieure
de syndrome de détresse respiratoire aigu), mais dans tous les cas ou égale à 4 mmol/l, présence de comorbidité significative, de
monitorée (train de quatre). signes de défaillance viscérale, type d’infection indéterminé
Il convient de ne pas utiliser les bicarbonates dans le but ou aggravant le pronostic. La présence de l’un de ces facteurs
d’améliorer l’état hémodynamique ou de réduire les besoins en conduit à l’admission d’emblée ou le plus rapidement possible
vasopresseurs en cas d’hypoperfusion induite par une acidose lac- dans une unité de réanimation.
tique si le pH est supérieur ou égal à 7,15.
Antibiotiques dans un
délai de 1 à 3 h et contrôle
de la source
< 8 mmHg
PVC Cristalloïde ou colloïde
< 70 %
> 70%
inotrope
Non
Objectif atteint
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Wiel E, Gosselin P, Marc JB. État septique aigu. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(2):1-11 [Article
25-090-A-10].
Depuis 1995, la Direction générale de la santé (DGS) a mis en place l’accès à une prophylaxie lors des
accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques (AES) avec risque de transmission du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), pour le personnel de santé. Ultérieurement, la DGS a élargi l’accès de
cette prophylaxie aux expositions non professionnelles, en particuliers sexuelles. Le traitement
postexposition (TPE) est une trithérapie antirétrovirale débutée pour une personne exposée à un risque de
transmission VIH. Le TPE doit être pris le plus tôt possible et au plus tard dans les 48 premières heures
suivant l’exposition. Le TPE associe deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et un
inhibiteur de la protéase. Un dispositif national a été mis en place dans les établissements de santé pour la
prise en charge rapide des AES. Les services d’urgences ont été associés à cette démarche pour la prise en
charge d’une personne exposée afin de favoriser l’accès rapide aux trithérapies. Un médecin référent
prend le relais pour l’indication du maintien de la prophylaxie et pour assurer le suivi du patient. Le
système de référence est vaste, médecins infectiologues des centres d’information et de soins de
l’immunodéficience humaine (CISIH), généralistes, médecins du travail et des centres de dépistage
anonyme et gratuit (CDAG). Le risque de l’exposition est réévalué selon la source, le délai et l’acte
contaminant. Le TPE est maintenu si le risque est réel. Les co-infections, en particulier les hépatites B et C,
sont aussi surveillées. Dans le cadre des professions de santé, l’application des recommandations
standards et l’utilisation de matériel sécurisé doivent permettre de diminuer la fréquence des AES. En
dehors des situations professionnelles, la prévention de la transmission du VIH est connue par la
population générale mais la possibilité d’un recours à une prophylaxie postexposition semble méconnue
et sous-utilisée.
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Plan ■ Définition
¶ Définition 1 Toute personne exposée par un contact percutané ou cuta-
néomuqueux au sang ou à un liquide biologique d’une autre
¶ Risque de transmission par le VIH, VHB et VHC, épidémiologie 2
personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine
Expositions professionnelles 2
(VIH) ou des hépatites B et C (respectivement VHB ou VHC) est
Expositions non professionnelles 3
victime d’un accident d’exposition aux liquides biologiques et
¶ Prévention des accidents d’exposition au sang 3 sanguins (AELBS ou AES). La majorité des AES survient dans le
Prévention des accidents d’exposition professionnelle 3 cadre du travail (surtout des professions de santé) ou lors d’une
Prévention des accidents d’exposition sexuelle 3 exposition au cours d’un rapport sexuel ou d’utilisation de
Prévention chez le toxicomane 3 drogues intraveineuses.
¶ Modalités de prise en charge des accidents d’exposition au sang 4 La surveillance des contaminations professionnelles chez le
Dispositif de prise en charge 4 personnel de santé a été mise en œuvre de façon rétrospective
Prise en charge spécifique d’un AES aux urgences 4 et prospective en 1991 pour le VIH et en 1997 pour l’hépatite
Évaluation du risque de transmission du VIH 5 C [1, 2].
Traitement postexposition 5 Depuis 1995, les personnes exposées à un AES professionnel
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHB 6 ont une prise en charge thérapeutique renforcée suite aux
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHC 6 résultats de l’enquête montrant une réduction de 80 % du
risque de transmission du VIH chez les soignants victimes d’un
¶ Surveillance et suivi 6
AES ayant pris de la zidovudine (AZT) [3].
Principes généraux 6
Le ministère de la Santé a émis la circulaire DGS/DH/DRT/
Suivi des AES 7
DSS n° 98-228 du 9 avril 1998 et plus récemment la circulaire
¶ Cas particulier de l’enfant 7 DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 [4],
¶ Conclusion 8 relatives aux recommandations de mise en œuvre d’un traite-
ment antirétroviral après exposition au risque de transmission
Médecine d’urgence 1
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
2 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
Expositions sexuelles
Expositions au VIH ■ Prévention des accidents
Le risque de contamination lors d’un rapport sexuel avec d’exposition au sang
un(e) partenaire séropositif(ve) varie de 0,04 % lors d’un rapport
oral (fellation réceptive) à 0,82 % après un rapport anal réceptif Prévention des accidents d’exposition
entre hommes et partenaire positif au VIH [14]. Le risque de
contamination d’un rapport vaginal est intermédiaire à 0,1 %, professionnelle
ce risque est plus important pour la femme que pour La sécurité du personnel soignant passe par le respect des
l’homme [21, 22]. recommandations standards, anciennement appelées précau-
Certains facteurs augmentent le risque de transmission : tions universelles. Ces dernières ne tenaient pas compte du
• charge virale élevée, notamment en période de primo- risque de transmission soigné-soignant.
infection (risque multiplié par 20) ou à un stade avancé de la En dehors de ces précautions, le matériel utilisé dans les
maladie (la charge virale dans les sécrétions génitales est gestes invasifs s’est amélioré. De plus en plus de matériel est dit
globalement corrélée à celle de la charge virale plasmatique) ; « sécurisé » (ce matériel est recensé dans un guide du
• autres infections ou lésions chez le partenaire infecté (par GERES) [23].
augmentation de la quantité du virus dans les sécrétions Par ailleurs, la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire
génitales) ; pour le personnel soignant depuis la loi du 18 janvier 1991
• infections ou lésions génitales chez la personne exposée ; (article L du CSP et arrêté du 26 avril 1999).
• ectropion du col de l’utérus ; Les précautions standards sont les suivantes :
• menstruations ou saignements lors du rapport sexuel. • rinçage et désinfection de toutes blessures ;
À l’inverse, le risque est plus faible en cas de charge virale • lavage et désinfection des mains entre chaque patient ou
basse ou indétectable sous traitement efficace. Mais il faut savoir entre deux activités ;
que le virus reste détectable dans le tractus génital chez 10 à • port de gants, de lunettes, de masque et de surblouse selon
20 % des hommes ayant une charge virale indétectable. l’acte pratiqué entre chaque patient ou entre deux activités ;
La prise de substances psychoactives ou les rapports sexuels • manipulation du matériel souillé : ne pas recapuchonner les
avec plusieurs partenaires constituent des situations à risque qui aiguilles, avoir des conteneurs adaptés proches du lieu de
incitent à proposer un TPE en cas de rapport anal ou vaginal soins ;
non protégé avec un(e) partenaire de sérologie VIH inconnue • procédures appropriées de stérilisation ;
(Tableau 2). • nettoyage des surfaces à l’eau de Javel.
Expositions au VHB Ces précautions standards sont détaillées dans le
Tableau 3 [24].
Le risque de transmission par voie sexuelle du VHB est plus
élevé que pour le VIH, mais il n’existe pas de données disponi-
bles pour en évaluer la probabilité.
Prévention des accidents d’exposition
sexuelle
Expositions au VHC
La lutte contre le sida passe par la prévention. L’utilisation
Le risque de transmission sexuelle par le VHC est beaucoup systématique des préservatifs (féminins ou masculins) reste le
moins important sauf en cas de relation traumatique ou seul moyen efficace de protection contre le VIH et autres
sanglante. infections sexuellement transmissibles.
Expositions liées à la toxicomanie
En cas de partage de seringues et/ou d’aiguilles entre toxico-
Prévention chez le toxicomane
manes, le risque de transmission du VIH est évalué à 0,67 %. En La prévention passe par l’information des risques de conta-
cas de partage du reste de produit ou de matériel d’injection mination lors du partage des aiguilles, mais aussi de tout le
(cuillères, eau de rinçage, coton...), le risque n’a pas été matériel d’injection, ainsi que le risque de diverses infections
quantifié mais semble très faible. manuportées.
Médecine d’urgence 3
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
4 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un accident d’exposition au sang et aux liquides biologiques (AES) aux urgences. VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; TPE : traitement postexposition.
• si le sujet-source est VIH traité et/ou en échec thérapeutique ; Pour les accidents professionnels, il faut évaluer la blessure, sa
• si le sujet-source est suspect de primo-infection ; nature, sa profondeur, le matériel mis en cause.
• chez la femme enceinte ou allaitante ; Il faut vérifier si la personne a fait les premiers gestes de
• si la personne a un traitement contre-indiquant ou interfé- lavage et de désinfection de la blessure.
rant avec les antirétroviraux (cf. infra). Pour les expositions sexuelles, il faut connaître la date et
l’heure de l’accident, la nature de l’exposition, l’utilisation ou
Évaluation du risque de transmission non de préservatif, rupture ou glissement de préservatif, les
du VIH facteurs de risques associés augmentant le risque de contamina-
tion (infection génitale, lésion génitale, rapport pendant les
Personne-source règles, partenaire appartenant à un groupe à risque) et les
Il est essentiel de connaître le statut sérologique de la situations à risques (partenaires multiples, utilisation de
personne-source. substances psychoactives).
Quand la personne-source est sur place (patient hospitalisé, En cas d’injection de drogues par voie intraveineuse, il faut
partenaire) et son statut sérologique inconnu, après information déterminer le délai, le type de matériel utilisé, la présence de
et avec l’accord de la personne-source, celle-ci est prélevée pour différents usagers et si possible leurs statuts pour les virus VIH,
une sérologie VIH. VHB, VHC.
En cas de séropositivité VIH, il est important de recueillir
d’autres informations sur la personne-source : le stade clinique,
les traitements antérieurs, le taux de lymphocytes CD4 et la Traitement postexposition
charge virale.
Lorsque le statut sérologique de la personne-source est Le TPE est pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Le
inconnu, tous les efforts doivent être consentis à la détermina- coût d’une trithérapie est élevé et 1 mois de Combivir ® -
tion de celui-ci et recourir au test de diagnostic rapide avec Kaletra® revient actuellement à 800 Q.
l’accord de la personne.
Si le statut de la personne-source reste indéterminé, l’évalua- Antirétroviraux conseillés [14]
tion du risque de transmission repose sur le type d’exposition
Le TPE comporte avant tout une trithérapie associant généra-
et sur la prévalence théorique de l’infection à VIH dans la
lement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase
population à laquelle est supposé appartenir le sujet-source.
inverse (INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP).
En cas d’agression sexuelle, dans la mesure du possible, il est
important d’obtenir la sérologie de l’agresseur. Si l’agresseur L’association zidovudine + lamivudine (Combivir ® ) est
n’est pas identifié, il a été considéré que, compte tenu de la actuellement largement utilisée pour sa simplicité de prise,
nature possiblement traumatique du rapport et la notion d’une 1 comprimé matin et soir. Une autre association pourrait être
appartenance de l’agresseur à un groupe de prévalence de prochainement proposée, l’association d’emtricitabine + tenofo-
l’infection à VIH potentiellement élevée (5 % environ selon les vir (Truvada®) qui consiste en 2 comprimés par jour.
données recueillies auprès de différents services d’urgences Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/
médicojudiciaires), la victime bénéficie d’un TPE [4]. ritonavir (Kaletra®). Il permet une simplicité de prise avec sa
nouvelle galénique en comprimés : 2 comprimés matin et soir.
Type d’exposition Le nelfinavir (Viracept ® ) est de moins en moins utilisé,
Le TPE est réservé aux situations à risque identifiable de certaines études ayant montré une tolérance moins bonne que
transmission du VIH. celle du Kaletra® [25, 26].
Médecine d’urgence 5
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
6 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
Tableau 5.
Suivi biologique en cas d’exposition aux VIH, VHB et VHC et syphilis en cas d’AES [14].
Source
Personne exposée AES traité AES non traité Exposition sexuelle traitée Exposition sexuelle non traitée
j0 Sérologies VIH, VHB, VHC Sérologies VIH, VHC, VHB Sérologies VHC, VHB Sérologies VHC, VHB
NFS, ALAT (ou anticorps anti-HBs (ou anticorps anti-HBs
ou anti-HBc si vacciné) ou anti-HBc si vacciné)
Créatinine
TPHA, VDRL TPHA-VDRL
bHCG si doute
NFS, ALAT, amylase
bHCG si doute
j15 NFS, ALAT, créatinine PCR VHC si source VHC+ NFS, ALAT
(si ténofovir) Créatinine si ténofovir
PCR VHC si source VHC+
M1 NFS, ALAT Sérologie VIH NFS, ALAT Sérologie VIH
VHC si risque VHC Sérologie VHC et ALAT TPHA, VDRL TPHA et VDRL
M2 Sérologie VIH Sérologie VIH
M3 Sérologie VIH Sérologie VIH et Ac anti-HBc si
Sérologie VHC et ALAT non répondeur ou non vacciné
suivi des AES est organisé au sein même du service pour de Suivi des AES sexuels
multiples raisons. L’Hôtel-Dieu se situe dans une zone à risque
élevé d’accidents d’exposition sexuelle (quartier festif et La surveillance est similaire et est conduite sur 4 mois. Les
homosexuel). Cela draine vers le service de nombreuses person- sérologies VIH sont faites à 2 et 4 mois si le patient reçoit un
nes exposées et bien informées de l’existence d’un TPE. Ce TPE. Le suivi peut être arrêté à 3 mois si le patient n’a pas reçu
nombre important d’AES n’était pas absorbé par la consultation de TPE.
d’infectiologie et une nouvelle stratégie d’accueil des AES a été En cas d’AES sexuel, une surveillance de la syphilis avec un
mise en place. Cette organisation spécifique avait été faite en test TPHA et VDRL initial et à 1 mois est proposé.
accord avec les infectiologues de l’Hôtel-Dieu, qui restent les
référents et interlocuteurs privilégiés devant un cas difficile et Surveillance de l’hépatite C
pour une prise en charge particulière. Le suivi des AES s’est
En cas de risque d’exposition au VHC, les sérologies et la
amélioré par ce nouveau circuit, passant de 20 % de retour des
polymerase chain reaction (PCR) VHC sont recommandées. Cette
AES au quatrième jour à 80 % [27].
surveillance pour les AES professionnels n’est faite que si la
Une second travail, en 2004, sur la tolérance et l’observance
source est séropositive au VHC ou si son statut est inconnu.
du TPE sur 1 mois a montré la faisabilité et la pertinence d’un
suivi aux urgences avec un suivi de 100 % à 1 mois [28]. Dans les AES sexuels, la surveillance n’est pas systématique et
est proposée en cas d’exposition traumatique et/ou sanglante.
Médecine d’urgence 7
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
“ Points importants
La prise en charge des accidents d’exposition au sang ou liquides biologiques (AES) avec risque de contamination VIH repose sur les
recommandations de la Direction générale de la santé selon la circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 et
sur les dernières recommandations d’experts de 2006.
Le traitement postexposition (TPE) a permis de diminuer le risque de transmission du VIH, mais son efficacité reste incertaine.
L’indication du traitement doit être par conséquent réservée à des situations à risque. Tout doit être fait pour connaître le statut
sérologique du sujet-source. La mise sous trithérapie doit être débutée le plus tôt possible et peut être indiquée jusqu’à 48 heures
après l’exposition. Il est essentiel d’informer le patient sur l’intérêt du traitement, les risques d’échec, les effets secondaires et le suivi
qui sera nécessaire.
Chaque établissement de santé doit avoir des procédures en cas d’AES, écrites et validées incluant différentes spécialités, en particulier
les services d’infectiologie et les services d’urgences. En dehors des heures ouvrables des services spécialisés d’infectiologie, les services
des urgences doivent permettre à toute personne exposée au risque de transmission du VIH, un accès au TPE. Les médecins des
urgences, y compris les médecins de garde, doivent connaître les situations exigeant le recours à la trithérapie prophylactique et
pouvoir fournir ce traitement pour 3 à 4 jours. Le suivi des AES sera relayé par des médecins référents des centres d’information et de
soins de l’immunodéficience humaine, de la médecine du travail, des centres de dépistage anonyme et gratuit ou par des médecins
infectiologues.
Le TPE recommandé repose sur une trithérapie associant généralement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse
(INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP). Les INTI recommandés en première intention sont l’association zidovudine + lamivudine
(Combivir®) ou l’association de ténofovir + emtricitabine (Truvada®). Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/ritonavir
(Kaletra®).
La surveillance sérologique de la personne exposée est recommandée jusqu’à 4 mois. Les co-infections sont suivies jusqu’à 6 mois, en
particulier les hépatites B et C.
En amont du TPE, la prévention reste essentielle :
• respect des précautions universelles et utilisation de matériel sécurisé dans le milieu médical ;
• information générale sur les risques de contamination du VIH et ses moyens de prévention.
Les antirétroviraux utilisés sont communément : d’infectiologie, des médecins internistes, des médecins généra-
• la zidovudine ; listes ou du médecin du travail. Ces médecins référents doivent
• la lamivudine ; être identifiés et signalés par écrit dans le protocole des
• le nelfinavir. urgences.
L’avantage de la zidovudine et de la lamivudine est leur Une personne ayant un AES et mise sous TPE a un suivi
présentation en sirop et chez l’adolescent une posologie à recommandé jusqu’à 6 mois en cas de risque de transmission du
1 comprimé deux fois par jour. VIH ainsi que pour les co-infections VHB et VHC. En cas
Le nelfinavir existe en poudre et peut être reconstitué à des d’accident professionnel, un certificat médical initial d’accident
posologies infantiles [29, 30]. de travail est rédigé et le relais est pris par le médecin du travail.
L’existence de la trithérapie prophylactique ne doit pas
entraîner de relâchement dans les mesures de sécurité. En effet,
les efforts conjugués par la mise en place des dispositifs de prise
■ Conclusion en charge précoce des AES, par le matériel utilisé dit sécurisé,
par la mise en place des précautions standards ont permis de
Les AES sont un motif de consultation fréquent dans les diminuer les risques de contamination. Cet effort de prévention
services d’urgences. En effet, les urgences en dehors des heures doit continuer, passant par l’implication de la médecine du
ouvrables ou en l’absence d’un accès facile à une consultation travail.
spécialisée reçoivent les personnes victimes d’AES. L’objectif est Dans la population générale, la prophylaxie en cas d’accident
de débuter un traitement postexposition le plus rapidement d’exposition à risque de transmission du VIH est très peu
possible et avant 48 heures en cas de risque de transmission du connue. La banalisation du sida rend la prévention encore plus
VIH. difficile et montre un désintérêt du public face à cette maladie.
Les services d’urgences doivent avoir des protocoles écrits et Il existe une nécessité de maintenir l’information et la préven-
un circuit bien organisé pour la prise en charge des AES. tion de cette maladie.
Cela implique une formation des médecins urgentistes sur la .
8 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
[4] Circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n°2003-165 du 2 avril 2003 [17] Rabaud C, Lepori ML, Vignaud MC, Martin C, May T, Canton P. Acci-
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Guerroué G., Pourriat J.-L. Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-090-A-20, 2008.
Médecine d’urgence 9
25-090-A-30
La fièvre est un motif fréquent de consultation au retour de voyage. En France, le paludisme à Plasmo-
dium falciparum doit être systématiquement évoqué et éliminé. Les autres causes de fièvre au retour
de voyage sont les arboviroses, les hépatites virales, les salmonelloses, l’amibiase hépatique et les infec-
tions communautaires. Une histoire récente de voyage en pays tropical peut être trompeuse et il faut
aussi garder en tête les infections cosmopolites, notamment urinaires, bronchopulmonaires, cutanées
et oto-rhino-laryngologiques. À l’opposé, la survenue d’une fièvre au retour de voyage doit aussi faire
évoquer systématiquement la possibilité d’une maladie d’importation car certaines d’entre elles sont
à surveiller plus particulièrement, étant donné leur risque épidémique ou leur gravité potentielle. La
démarche diagnostique s’appuie sur un interrogatoire précis également orienté sur le voyage, un examen
clinique rigoureux et quelques examens complémentaires simples d’orientation diagnostique. Néanmoins,
le diagnostic reste parfois indéterminé.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Fréquence (%) des causes de fièvre au retour des tropiques : principales publications.
Études MacLean [18] Doherty [15] O’Brien [16] Casalino [13] D’Acremont [14] Antinori [17] Ansart [11] O’Brien [57] Bottieau [58] Wilson [10]
Année de 1994 1995 2001 2002 2002 2004 2005 2006 2006 2007
publication
Pays Canada UK Australie France Suisse Italie France Australie Belgique International
Type d’étude R P P P P P P P P R
Nombre de 587 195 232 783 336 147 622 1106 1743 24 920
patients inclus
Nombre (%) de 587 (100 %) 195 (100 %) 232 (100 %) 783 (100 %) 336 (100 %) 147 (100 %) 257 (41 %) 624 (56 %) 1743 (100 %) 6957 (28 %)
patients fébriles
Paludisme 32 42,1 26,7 18,5 28,9 47,6 21,8 26,8 27,7 20,9
P. falciparum ND 36,4 7,8 16,7 19 35,4 14 ND 22,1 13,9
P. vivax ND 3,6 17,2 0,9 7,7 9,5 5,4 ND 2,7 5,6
P. ovale ND 2,1 3 1 2,7 2 1,6 ND 2,1 ND
P. malariae ND 0 0 0 1,5 0,7 0 ND 0,8 ND
Hépatite 6 3,1 2,6 2,8 1,5 8,8 10,1 1,4 0,8 1,3
Infections 5 2,6 6,5 10 2,1 2,7 7,8 4 6,5 8,1
respiratoires
basses
Infections 4 2,1 2,2 6,2 2,4 1,4 8,6 2,6 2,6 2,4
urinaires
Dengue 2 6,2 7,8 ND 0,6 3,4 6,2 7,4 3 6,2
Fièvre 2 1,5 3,4 ND 1,2 4,1 ND 4,5 0,8 2
typhoïde/
paratyphoïde
Diarrhée 4 6,7 14,2 12,5 13,1 4,8 21 12 7,2 14,8
Mononucléose 2 0,5 0,4 0,1 0,6 ND ND ND 0,8 ND
infectieuse
Pharyngite/ 7 2 12,1 ND 7,1 ND 2,3 8,2 3,2 2
infection des
VAS
Rickettsiose 1 0,5 2,2 ND 0,6 0,7 1,2 2,6 3,3 1,6
Abcès amibien 1 ND ND ND ND ND ND ND ND 0,3
du foie
Tuberculose 1 2,1 0,4 ND ND 0,7 4,7 ND 1,6 ND
Méningite 1 1,5 0,9 3,4 0,3 ND ND ND ND ND
VIH 0,3 1 0,4 ND ND ND 0,8 ND 0,3 ND
Inconnu 25 ND 9,5 55 7,7 ND ND 7,2 24,4 21,6
UK : Royaume-Uni ; P : prospective ; R : rétrospective ; VAS : voies aériennes supérieures ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; ND : non disponible.
Quel voyageur ?
Il faut préciser si le patient a vécu ou vit en zone d’endémie
car si les touristes sont plus à risque de dengue et de
“ Point important bilharziose invasive, les migrants sont plus à risque de patho-
logies tropicales communes [11] . Certaines maladies infectieuses
sont plus fréquentes, plus graves ou d’expression clinique
atypique en cas d’immunodépression (infection par le VIH,
Les causes les plus fréquentes de fièvre liées au voyage sont transplantation, diabète, corticothérapie, traitement immuno-
le paludisme, les infections communautaires, les hépatites suppresseur). On précise les autres comorbidités, potentiellement
virales, les arboviroses, les salmonelloses, la leptospirose, à risque de décompensation à l’occasion d’une pathologie infec-
les rickettsioses, et l’amibiase hépatique. tieuse aiguë, et, pour les femmes, si une grossesse est en
cours.
Tableau 2.
Liste des médicaments antipaludiques utilisables en chimioprophylaxie chez l’adulte.
Antipaludique Zones Posologie Début du traitement Fin du traitement
avant le départ après le retour
Chloroquine (Nivaquine® 100 mg) 1 1 cp/j 1 jour 4 semaines
Chloroquine 100 mg + proguanil 2 1 cp/j 1 jour 4 semaines
200 mg (Savarine® )
Atovaquone 250 mg + proguanil 2 ou 3 1 cp/j 1 jour 7 jours
100 mg (Malarone® )
Méfloquine 250 mg (Lariam® ) 3 1 cp/sem 8 à 10 jours 3 semaines
Doxycycline 100 mg (Doxypalu® ) 3 1 cp/j 1 jour 4 semaines
Tableau 4.
Principales causes de fièvre au retour de voyage en fonction des signes associés.
Signes associés Bactéries Virus Parasites/Champignons
Syndrome septique Infections bactériennes à porte d’entrée Paludisme, helminthiases invasives,
urinaire, pulmonaire, cutanée amibiase hépatique
Syndrome hémorragique Leptospirose, méningococcémie Fièvre jaune, fièvres hémorragiques virales
transmissibles (Crimée-Congo, Lassa,
Marburg, Ebola), dengue, chikungunya,
hépatite fulminante
Pneumopathie Pneumocoque, légionellose Grippe Histoplasmose
Diarrhée Salmonellose, shigellose, Hépatites virales, rotavirus Paludisme (enfant), Entamoeba histolytica
campylobactériose, yersiniose,
Escherichia coli (ETEC, EAEC, EHEC)
Adénopathies Peste, rickettsiose Primo-infection VIH, dengue et autres Trypanosomiase africaine, leishmaniose
arboviroses viscérale, filariose lymphatique
Algies Hépatites virales, fièvres hémorragiques, Trichinose, sarcocystose
arboviroses
Hépatomégalie Hépatites virales Leishmaniose viscérale, paludisme,
amibiase hépatique
Splénomégalie Typhoïde, brucellose, borrélioses Trypanosomiase africaine, leishmaniose
viscérale, paludisme
Ictère et/ou hépatite Typhoïde, rickettsiose, leptospirose Hépatites virales, fièvre jaune, leptospirose Paludisme
ictérohémorragique, EBV, CMV, HSV,
arbovirus, Hantaan
Éruption cutanée Typhoïde, syphilis secondaire, Dengue et autres arboviroses, Trypanosomiase africaine et
rickettsiose, leptospirose primo-infection VIH, trichinellose sud-américaine, helminthiases invasives,
toxoplasmose, trichinellose
Signes neurologiques Typhoïde, méningite bactérienne Arboviroses Paludisme grave
ETEC : Escherichia coli entérotoxinogène ; EAEC : Escherichia coli entéroaggrégatif ; EHEC : Escherichia coli entérohémorragique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ;
EBV : Epstein-Barr virus ; CMV : cytomégalovirus ; HSV : herpes simplex virus.
Quels ont été les traitements déjà utilisés ? sensibles. Une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile
oriente vers une affection bactérienne ou un abcès amibien du
La prise d’anti-infectieux (antipaludiques ou antibiotiques)
foie. Une leuconeutropénie oriente vers le paludisme, la fièvre
dans un but prophylactique ou curatif, et d’antipyrétiques peut
typhoïde, la leishmaniose viscérale. Une hyperéosinophilie est
modifier l’expression clinique d’une maladie infectieuse et, de ce
habituellement due à une helminthose invasive. Une lymphomo-
fait, aboutir à un diagnostic erroné ou retardé en abâtardissant la
nocytose évoque une infection virale. Une plasmocytose évoque
courbe de température ou en décapitant une infection.
une trypanosomose africaine. Une anémie peut être observée dans
Par ailleurs, devant le développement rapide de la multiré-
le paludisme, la leishmaniose viscérale et certaines infections bac-
sistance des bactéries aux antibiotiques dans certaines régions,
tériennes. Une thrombopénie est fréquente au cours du paludisme
phénomène amplifié par les voyages internationaux [21] , tout
et est également observée au cours des arboviroses (dengue notam-
contact avec le système de soins (notamment hospitalisation)
ment), et de la leishmaniose viscérale, ou d’un sepsis sévère.
dans l’année, même sans prescription d’antibiothérapie, doit
La valeur prédictive positive d’une thrombopénie, inférieure à
être recherché et considéré comme à risque de colonisation ou
130 000/ml, est de 67,1 % et la valeur prédictive négative de 87,7 %
d’infection à BMR (bactéries hautement résistantes émergentes
en cas de paludisme [13] .
[BHRe]). Des recommandations du Haut Conseil de santé publique
relatives à la maîtrise de la diffusion des BMR importées ont été
éditées en 2010 [22] . Procalcitonine et/ou protéine C réactive
Examen clinique Les mesures de la protéine C réactive (CRP) et/ou de la procalci-
tonine, avec leurs limites en termes de sensibilité et de spécificité,
L’interrogatoire recherche des signes associés à la fièvre : algies, permettraient d’orienter vers des maladies bactériennes ou para-
signes généraux, digestifs, neurologiques, urinaires, respiratoires, sitaires plutôt que virales à l’origine de la fièvre. La mesure initiale
ORL et cutanés. Il est important de préciser l’évolution de la fièvre, de la CRP permet un suivi évolutif.
sa périodicité éventuelle (en plateau, hectique, récurrente, inter-
mittente), sa tolérance et l’effet des traitements déjà administrés. Frottis sanguin et goutte épaisse
Les signes cliniques permettent d’orienter le diagnostic vers un
ou plusieurs pathogènes mais aucun signe clinique n’est pathog- Ils doivent être pratiqués en urgence en cas d’exposition poten-
nomonique. Les éléments d’orientation en fonction des signes tielle au paludisme. Le résultat du frottis sanguin, examen de
associés sont résumés dans le Tableau 4. première intention, peut être communiqué dans l’heure qui suit
L’examen physique doit être complet avec recherche en priorité le prélèvement. En cas de négativité, une goutte épaisse doit être
des signes de gravité, et donc systématiquement être associé à la réalisée.
prise des constantes vitales (température, pression artérielle, fré- Outre les hématozoaires du paludisme, le frottis sanguin peut
quence respiratoire, fréquence cardiaque) et à la réalisation d’une mettre en évidence des trypanosomes, au cours de la trypano-
bandelette urinaire. somose humaine africaine en phase lymphaticosanguine, et les
Borrelia dans les fièvres récurrentes à poux ou à tiques, ainsi que
des Babesia.
Examens paracliniques systématiques
Hémogramme Hémocultures
Il peut avoir une bonne valeur d’orientation mais les anoma- Elles peuvent permettre l’identification d’une bactérie pyo-
lies de la numération sont le plus souvent non spécifiques et peu gène à l’origine d’une septicémie dans le cadre d’une infection
communautaire (respiratoire, urinaire, cutanée, ORL) ou d’une montrent une bien moindre importance des pathologies tropi-
salmonelle mais aussi la recherche de leptospires ou de Borrelia cales [9] . Par ailleurs plus que la destination continentale, c’est la
sous certaines conditions. région visitée et les risques pris au cours du voyage qui condi-
tionnent le plus les pathologies observées au retour.
Examen cytobactériologique des urines (ECBU)
Il doit être également pratiqué de façon systématique à la
recherche d’une infection urinaire ou d’arguments indirects pour
Principales causes de fièvre
certaines pathologies d’importation (hématurie microscopique de Paludisme
la leptospirose, etc.).
C’est le premier diagnostic à évoquer car il peut mettre rapide-
Transaminases ment en jeu le pronostic vital (environ une dizaine de décès/an
en France) : c’est donc une urgence thérapeutique. Le risque de
Elles permettent parfois d’orienter le diagnostic. L’augmen-
paludisme varie en fonction de la région visitée, de l’adhérence
tation privilégiée des alanine aminotransférases (ALAT) oriente
aux conseils de protection individuelle contre les piqûres de
vers une hépatite virale, une arbovirose (dont la fièvre jaune), une
moustiques et du type de chimioprophylaxie utilisée. Depuis
typhoïde, un paludisme. L’augmentation privilégiée des aspar-
quelques années, en plus des quatre espèces parasitaires infectant
tate aminotransférases (ASAT) oriente vers une trichinellose, une
l’homme déjà connues (P. falciparum, P. vivax, P. malariae, P. ovale)
légionellose.
a été décrite une cinquième espèce de Plasmodium associée à des
cas humains, P. knowlesi. Ce parasite est essentiellement retrouvé
Radiographie thoracique en Asie du Sud-Est [24] .
Elle peut mettre en évidence une pneumopathie. Une ascen-
sion de la coupole diaphragmatique droite, une atélectasie de la Épidémiologie du paludisme d’importation
base droite, un comblement du cul-de-sac costodiaphragmatique en France [25]
du même côté sont des éléments indirects faisant suspecter une
En France, le nombre de cas estimé, à partir des cas déclarés,
amibiase hépatique.
a été d’environ 3600 en 2011 et 4000 en 2012, chiffres en forte
diminution par rapport au début des années 2000. Environ 95 %
des patients ont acquis leur paludisme en Afrique. Les accès à
“ Point important P. falciparum, qui rendent compte de 85 % des cas, sont surtout
acquis lors de voyage en Afrique subsaharienne et ceux à P. vivax
en Asie (surtout l’Inde) ou en Amérique centrale.
Examens paracliniques de première intention : Environ 40 % des patients seulement ont suivi une chimio-
numération-formule sanguine (NFS), plaquettes, protéine prophylaxie. Plus des trois quarts des cas surviennent chez des
C réactive, frottis sanguin-goutte épaisse, hémocultures, sujets d’origine africaine résidant en France ou arrivant de pays
d’Afrique [26] . En effet, cette population semble moins bien infor-
ECBU, ASAT, ALAT, radiographie thoracique.
mée du risque d’accès grave et des mesures de chimioprophylaxie,
ou est dissuadée par leur coût. Le délai médian entre le retour de
la zone d’endémie et le diagnostic de paludisme s’échelonne de
cinq jours pour P. falciparum à 69 jours pour P. ovale. Ce délai est
Autres examens complémentaires également fonction du type de prophylaxie suivie. La précocité du
diagnostic et l’adéquation du traitement sont les facteurs essen-
Les données de l’examen clinique et les résultats du bilan bio- tiels de survie en cas de paludisme à P. falciparum. Environ 7 %
logique systématique peuvent conduire à la prescription d’autres des formes sont considérées comme graves. À noter que 36 cas de
examens complémentaires : coproculture en cas de troubles du paludisme chez des femmes enceintes ont été rapportés au Centre
transit intestinal (l’examen parasitologique des selles est à prati- national de référence (CNR) en 2011.
quer également mais la probabilité qu’un parasite digestif soit à Toute pathologie fébrile au retour des tropiques doit être
l’origine d’une diarrhée fébrile est peu élevée en dehors d’Isospora considérée a priori comme pouvant être d’origine palustre et
belli et de Cyclospora cayetanensis), ponction lombaire, imagerie du investiguée comme telle.
système nerveux central (tomodensitométrie, voire imagerie par
résonance magnétique [IRM]) et parfois électroencéphalogramme Présentation clinique
en cas de signes neuroméningés, sérodiagnostic de l’amibiase en Accès palustre non compliqué
cas de suspicion d’amibiase hépatique, sérodiagnostic des infec-
Celui-ci se manifeste par une fièvre associée à divers signes
tions virales en cas de suspicion de virose.
cliniques, tels que diarrhée, vomissements, céphalées, myal-
L’échographie hépatique est le meilleur argument, avec la
gies, splénomégalie, sueurs. La fièvre peut être intermittente,
positivité du sérodiagnostic d’amibiase, pour un abcès amibien
notamment en cas d’accès à Plasmodium non falciparum. La non-
hépatique, mais la séroconversion peut être retardée, expliquant
spécificité des signes rend nécessaire l’évocation systématique du
l’intérêt potentiel de la ponction hépatique.
paludisme devant toute symptomatologie fébrile au retour d’une
D’autres examens pourront être demandés en fonction de
zone d’endémie. Par ailleurs, l’apyrexie n’élimine pas formelle-
l’orientation clinique.
ment le diagnostic, la fièvre étant contemporaine de la lyse des
hématies infectées, phénomène intermittent.
Tableau 6.
Molécules antipaludiques utilisées en France.
Nom Posologie Modalités Durée Contre-indications Principaux effets
d’administration indésirables
Artéméther- 4 cp/12 h Avec une collation 3 jours Allergie Troubles digestifs
Luméfantrine J0 : H0 et H8 grasse Bradycardie, TDR, ATCD Céphalées
(Riamet® ) familiaux de mort subite Allongement du QT
ATCD personnel de QT long
ou risque d’allongement du
QT
Atovaquone-Proguanil 4 cp/j Avec une collation 3 jours Allergie Troubles digestifs
(Malarone® ) grasse Céphalées
Éruption cutanée
Arténimol-Pipéraquine 3 cp/j À jeun 3 jours Risques d’arythmies Céphalées
(Eurartesim® ) Allongement du QTc Allongement du QTc
Méfloquine 25 mg/kg/j 1 jour Allergie, FBH, insuffisance Nausées, vomissements,
(Lariam® ) H0, H8, H16 hépatique sévère, ATCD vertiges
psychiatriques ou de Syndrome dépressif
convulsions Convulsions
Association au valproate
Déconseillé si ATCD
convulsifs, en relais de la
quinine ou association aux
bêtabloquants ; pratique de la
plongée déconseillée
Quinine IV Dose de charge : 16 mg/kg Diluée dans glucosé 5 7 jours ATCD de FBH Cinchonisme
(Quinimax® ) sur 4 heures (quinine base) ou 10 % Troubles de conduction
24 mg/kg/j en 3 injections Hypoglycémie
Artésunate IV 2,4 mg/kg H0, H12, H24 Dilué dans glucosé 5 % 2 à 7 jours Pas de contre-indication Anémie hémolytique
(Malacef® ) puis toutes les 24 heures absolue retardée, inconstante
(maximum 7 jours soit Indication à discuter au
9 doses) premier trimestre de grossesse
TDR : troubles du rythme ; ATCD : antécédent ; FBH : fièvre bilieuse hémoglobinurique ; QTc : QT corrigé.
En cas d’accès à P. falciparum, quatre molécules sont utilisables. cérébral par le mannitol semble délétère dans cette situation [40] .
Les traitements combinés comportant un dérivé de l’artéminisine Les co-infections bactériennes sont fréquentes dans ces formes
(artéméther-luméfantrine, artéméther-pipéraquine) sont à graves. Ainsi, tout accès palustre grave associé à un état de choc
privilégier. L’atovaquone-proguanil ou la méfloquine ont doit faire prescrire une antibiothérapie active essentiellement sur
encore quelques indications. Les schémas posologiques, contre- les bacilles à Gram négatif.
indications et précautions d’emploi de ces antipaludiques sont
détaillés dans le Tableau 6. Surveillance
Il n’y a pas lieu de poursuivre une chimioprophylaxie après un Outre la surveillance des défaillances d’organe initialement
traitement curatif d’un accès palustre à P. falciparum. Le risque de présentes, une surveillance clinique et biologique (frottis-goutte
reviviscence à partir de formes érythrocytaires est écarté par le épaisse) est nécessaire à J3, J7 et J28 afin d’éliminer toute rechute.
traitement curatif schizonticide, à condition que celui-ci ait été
complet.
Traitement hospitalier
Formes non graves. Si les critères cités ci-dessus ne sont
“ Conduite à tenir
pas réunis, la prise en charge se fera initialement en service
d’hospitalisation. En cas de vomissements, la quinine intravei- Paludisme : premier diagnostic à évoquer et à éliminer.
neuse sera utilisée initialement, et relayée dès que possible par une Le traitement est une urgence médicale car il y a un risque
forme orale. En l’absence de vomissements, les molécules citées vital.
pour le traitement ambulatoire pourront être utilisées.
Formes graves. Ces formes relèvent d’une admission en ser-
vice de réanimation ou de soins continus. La prise en charge
de ces accès graves a été modifiée ces dernières années par la
mise en évidence, lors de deux études cliniques menées en zone Hépatites virales
d’endémie, en Asie du Sud-Est [37] et en Afrique [38] , de la supério-
rité de l’artésunate intraveineux sur la quinine. Cette supériorité Toute élévation des transaminases au retour d’un voyage en
s’exprimait par un gain de 20 à 50 % en termes de mortalité. pays tropical doit conduire à la pratique de sérologies des virus des
L’artésunate intraveineux est disponible en France dans le cadre hépatites A, B, C, E, voire D. La plus fréquente des hépatites virales
d’une autorisation temporaire d’utilisation et doit donc être pri- au retour de voyage, en l’absence de vaccination, est l’hépatite A.
vilégié lors des accès graves [39] . Ses modalités d’administration Néanmoins, d’autres virus peuvent avoir un tropisme hépatique
sont détaillées dans le Tableau 6. Un relais par un traitement oral, (Epstein-Barr virus [EBV], cytomégalovirus [CMV], herpes simplex
comme utilisé dans les formes non sévères, est envisageable, après virus [HSV], dengue, chikungunya, fièvre jaune, virus Hantaan,
un minimum de quatre doses, en utilisant alors un traitement VIH) et une cytolyse hépatique modérée peut s’observer dans de
complet. En l’absence de disponibilité de cette molécule, la qui- nombreuses maladies bactériennes et parasitaires.
nine intraveineuse sera utilisée. Le traitement symptomatique des La transmission se fait par liquides biologiques (sanguine, véné-
défaillances d’organe relève des techniques habituelles de la réani- rienne) pour les hépatites B et C, et féco-orale pour les hépatites A
mation, notamment celle des états septiques graves (ventilation et E. Seuls certains sérotypes d’hépatite E déterminent des zoo-
mécanique, épuration extrarénale, etc.). Le traitement de l’œdème noses à l’origine de contamination alimentaire chez l’homme.
L’incubation est de deux à six semaines pour les hépatites A et E, rechutes, chez le malade non traité, sont fréquentes (10 à 20 %),
et de six semaines à six mois pour les hépatites B et C. ainsi que le portage chronique (5 %), favorisé par la présence d’une
Le tableau clinique est variable, ces infections étant fré- lithiase vésiculaire.
quemment asymptomatiques. Dans certains cas d’hépatite A Biologiquement, il n’y a habituellement pas d’hyperleucocytose
et E, on observe une phase pré-ictérique durant une à deux mais la CRP est souvent élevée [42] . Le diagnostic de certitude
semaines, comportant une asthénie, une fièvre, des nausées, repose sur la mise en évidence de la bactérie dans les hémocul-
des douleurs abdominales, un syndrome pseudogrippal, voire tures (positives dans 90 % des cas en l’absence d’antibiothérapie),
la classique triade de Caroli (céphalées, arthralgies, urticaire) la peau, la moelle et plus tardivement dans les coprocultures. La
en cas d’hépatite A. Cette phase est suivie d’une phase icté- sérologie de Widal-Félix, tardivement positive et peu spécifique,
rique cholestatique (rare en cas d’hépatite E) avec urines foncées, n’est quasiment plus utilisée.
selles décolorées. Le tableau clinique des hépatites aiguës B, C,
D est le plus souvent silencieux. L’encéphalopathie hépatique Traitement de la fièvre typhoïde
se rencontre dans les formes fulminantes, principalement dues Le traitement de la fièvre typhoïde repose sur les antibiotiques à
à l’hépatite A (1/10 000 en cas d’hépatite A). forte pénétration intracellulaire, surtout intramacrophagique. La
Biologiquement, il existe une cytolyse prédominant sur les fréquence des souches de S. typhi résistantes aux fluoroquinolones
ALAT, en règle supérieure à dix fois la normale, une hyperbiliru- ou multirésistantes est en augmentation dans de nombreuses
binémie totale et conjuguée. Un taux de prothrombine inférieur régions, notamment en Asie. Il existe différentes alternatives thé-
à 50 % fait craindre une évolution fulminante. Le diagnostic de rapeutiques :
certitude des hépatites A et E repose sur la présence d’IgM. Des • bêtalactamines : céphalosporines de troisième génération (cef-
techniques de PCR (polymerase chain reaction) réalisées sur le sang triaxone) à la dose de 60 mg/kg par jour pendant 7 à 10 jours
ou les selles sont également disponibles. Le diagnostic des hépa- mais risque d’échec clinique et de rechute car la pénétration
tites aiguës B et C est également sérologique, voire, dans le cas de intracellulaire des bêtalactamines est faible ;
l’hépatite C, par PCR dans le sang en cas de forte suspicion et de • fluoroquinolones (ciprofloxacine, péfloxacine, ofloxacine) à la
séronégativité. dose de 20 mg/kg par jour pendant 14 jours, permettant de
L’évolution des hépatites aiguës A et E est en général bénigne réduire la fréquence du portage chronique ; la gatifloxacine,
en 10 à 15 jours. Plus rarement, il existe des formes prolongées, non encore disponible en France, donne des résultats promet-
des formes cholestatiques, des formes avec rechute ou des formes teurs ;
fulminantes. Des formes chroniques d’hépatite E, chez les sujets • azithromycine : 1 g per os le premier jour, puis 500 mg pendant
immunodéprimés (transplantés d’organe notamment) sont de six jours. C’est une alternative efficace, notamment dans les
plus en plus reconnues [41] . Les hépatites B et C posent le problème formes non compliquées, et surtout en cas de souches résis-
du passage à la chronicité. Le taux de mortalité est généralement tantes aux fluoroquinolones. Ses bons résultats en termes de
faible pour l’hépatite A (environ 2 %), mais peut atteindre 40 % réduction du portage chronique en font une molécule de plus
pour l’hépatite E chez la femme enceinte au cours du troisième en plus utilisée [43] .
trimestre de la grossesse. Il n’existe pas de traitement curatif de En cas de portage chronique qui joue un rôle majeur dans la
ces hépatites. Des vaccins efficaces sont disponibles pour les infec- transmission, on utilise les fluoroquinolones (ciprofloxacine, 1 g/j
tions au virus de l’hépatite A (VHA) et de l’hépatite B (VHB). pendant quatre semaines) si la souche est sensible et on réalise une
cholécystectomie chez les patients porteurs de lithiase biliaire, en
cas d’échec de l’antibiothérapie. Pour éliminer formellement un
Salmonelloses « majeures »
“ Point important
Présentation clinique et paraclinique Salmonelloses : le diagnostic de fièvre typhoïde doit être
Les salmonelloses sont des maladies bactériennes à trans- systématiquement envisagé compte tenu du polymor-
mission féco-orale, présentes dans de nombreux pays en phisme clinique. Le diagnostic de certitude est établi par
développement. Les bactéries responsables sont Salmonella ente- les hémocultures.
rica sérotype typhi ou paratyphi A, B ou C. Le diagnostic de fièvre
typhoïde et paratyphoïde doit être systématiquement envisagé
devant une fièvre au retour de voyage compte tenu du polymor-
phisme clinique. La fréquence des différents signes est très variable
Abcès amibien du foie
selon les séries [42] . Le seul symptôme constant au début de la mala- L’amibiase hépatique correspond à une invasion tissulaire par
die est la fièvre, plus ou moins associée à des céphalées, des signes Entamoeba histolytica faisant suite à l’ingestion de kystes amibiens
digestifs (diarrhée ou constipation) et à une obnubilation. (péril fécal) qui, en se transformant dans la lumière intestinale en
Sur le plan clinique, la fièvre typhoïde évolue classiquement, formes hématophages, envahissent la paroi intestinale et migrent
après une période d’incubation allant de 1 à 3 semaines, en vers le foie par voie portale.
trois phases durant chacune une semaine. En réalité elle est C’est une urgence médicale. La fièvre est parfois isolée. Dans les
caractérisée par le regroupement et l’aggravation progressifs de formes typiques, il existe une hépatomégalie douloureuse (ébran-
différents signes peu spécifiques : fièvre croissante, céphalées, lement douloureux du foie). En cas de développement supérieur
pouls dissocié, épistaxis, insomnies, obnubilation, râles bron- de l’abcès, on peut noter un syndrome phrénique ou, en cas de
chiques, gargouillement dans la fosse iliaque, splénomégalie. Les développement hilaire, une compression de la voie biliaire prin-
signes plus classiques (diarrhée « jus de melon », taches rosées cipale à l’origine d’ictère par obstruction.
lenticulaires, ulcération indolore du pilier antérieur du voile Biologiquement, le diagnostic est orienté par l’existence d’une
du palais ou angine de Duguet) sont rares. Les complications hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et d’une éléva-
tardives, endotoxiniques (myocardite, encéphalite), perforations tion de la CRP. L’ascension des anticorps, souvent élevée dès les
ou hémorragies digestives sont devenues exceptionnelles. Les premiers jours (> 1/100), peut être retardée.
À l’examen radiologique thoracique, la coupole diaphragma- (bassin amazonien) et épidémique en Afrique subsaharienne mais
tique droite est surélevée et une lame d’épanchement pleural est épargne totalement l’Asie et l’Océanie. Outre les moustiques, il
possible. L’échographie abdominale objective un abcès du foie, le existe un réservoir selvatique représenté par les singes.
plus souvent droit, dont la nature amibienne est orientée par la Deux cent mille cas surviennent par an malgré une diffu-
positivité du sérodiagnostic d’amibiase. La ponction des abcès à sion large de vaccins très efficaces et peu coûteux. La maladie
visée diagnostique, souvent inutile dans les petits abcès, permet est souvent asymptomatique (10 à 50 %). Les manifestations cli-
de confirmer le diagnostic par PCR notamment en cas de sérologie niques associent une hépatonéphrite aiguë grave, un syndrome
négative [44] . hémorragique et une encéphalopathie. Les complications sont
L’évolution est marquée, en l’absence de traitement, par essentiellement dues aux hémorragies et à l’insuffisance rénale.
l’augmentation de volume des collections puis la rupture dans les L’évolution clinique est biphasique : phase rouge congestive et
séreuses (péritoine, plèvre, péricarde) ou dans les voies de drainage fébrile des trois premiers jours, puis phase critique dite jaune (icté-
biliaire ou bronchique (vomique) avec mise en jeu du pronostic rique) et hémorragique. La létalité globale est estimée à un cas sur
vital. 10 000 infections, mais elle est plus élevée chez l’enfant et au cours
Le traitement repose sur l’association d’un amoebicide dif- des formes symptomatiques (20 %). Il n’existe aucun traitement
fusible (métronidazole pendant 10 jours à 1,5 à 2 g/j) puis spécifique de la fièvre jaune. Un traitement symptomatique est
d’un amoebicide de contact (Tiliquinol-tilbroquinol, Intétrix® , administré au malade dans une unité de réanimation. Le traite-
4 gélules/j) durant dix jours pour éviter les rechutes. Il est inutile ment prophylactique repose sur des mesures contre les piqûres
de répéter les échographies et les sérologies de contrôle après la d’insectes et la vaccination. La vaccination est obligatoire pour
guérison clinique. Une ponction à visée évacuatrice, voire un drai- tout séjour dans une zone intertropicale d’Afrique et d’Amérique
nage peuvent être utiles en cas de fièvre persistante ou de lésion du Sud et protège pendant dix ans. Elle est effectuée dans des
de grande taille (plus de 5 cm). centres habilités.
Tableau 7.
Tableau récapitulatif des différentes fièvres virales hémorragiques, dengue exclue.
Maladie Vallée du Rift Crimée-Congo Hantavirus Lassa Marburg
Ebola
Incubation 3–4 jours 5–12 jours 7–15 jours 7–17 jours 3–21 jours
Invasion Fièvre, algies, hyperhémie Fièvre, algies, troubles Fièvre, algies Fièvre, algies, troubles Fièvre, algies, troubles
conjonctivale digestifs, pharyngite digestifs, pharyngite, digestifs, pharyngite
protéinurie
État Ictère, hémorragies, j3 j3 j7 j5
oligurie, hépatonéphrite Hémorragies, choc Atteintes oculaires, Œdème, hémorragies, Éruption, hoquet,
hémorragies néphrite, choc hémorragies,
protéinurie, choc hépatonéphrite, choc
Évolution Décès : 5–10 % 30 % 5–15 % 10–20 % 50–90 %
Séquelles
Diagnostic Anti-FVR IgM Anti-CHC-C IgM Anti-HTN/PUU IgM Anti-Lassa IgM Anti-MAR/Ebola IgM
Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus
Traitement Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique
Dialyse + ribavirine
Prophylaxie Vaccination Isolement : cas seconds ? Isolement : cas seconds Isolement : cas seconds
Lutte antivectorielle
IgM : immunoglobuline M ; FVR : fièvre de la vallée du Rift ; CHC-C : fièvre hémorragique de Crimée-Congo ; HTN : Hantaan ; PUU : Puumala ; Marburg : MAR.
Rickettsioses
fréquentes de fièvre liées au voyage sont les hépatites virales, les
Parmi les rickettsioses, la fièvre boutonneuse méditerranéenne arboviroses, les salmonelloses, l’amibiase hépatique et les infec-
due à Rickettsia conorii et la fièvre africaine à tiques due à R. africae tions communautaires.
sont les plus souvent observées. Le diagnostic est évoqué sur
l’exposition à une morsure de tique, une durée d’incubation
courte, une fièvre, une éruption cutanée (tache noire, exanthème Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
maculopapuleux ou vésiculeux) et des adénopathies périphé- relation avec cet article.
riques satellites des escarres d’inoculation. Le diagnostic est
confirmé par la sérologie ou l’isolement de la bactérie par PCR
au niveau du chancre d’inoculation. Le traitement repose sur les
cyclines ou les macrolides, les fluoroquinolones étant maintenant
Références
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Henry B, Caumes E. Fièvre au retour de voyage. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(1):1-13 [Article
25-090-A-30].
Malgré la mise au point, au début du XXe siècle, d’une vaccination contre le tétanos efficace et sans
danger, cette maladie, si elle est devenue rare, n’a pas disparu. Elle reste un problème de santé publique
dans les pays en voie de développement où elle atteint un grand nombre d’enfants et persiste dans les
pays développés où elle touche essentiellement les personnes de plus de 70 ans de sexe féminin n’ayant
pas eu de protection vaccinale suffisante. Le pronostic de cette maladie reste toujours aussi grave : 20 à
50 % de mortalité, même dans les pays à haut niveau de vie. Il est donc très important de continuer à être
capable d’en faire le diagnostic précocement et surtout de pratiquer une politique volontariste de
vaccination des enfants dans les pays pauvres. Dans les pays à haut niveau de vie, l’effort de vaccination
sera dirigé essentiellement vers les personnes âgées. Une injection de rappel d’anatoxine tous les 10 ans
est nécessaire et suffisante pour assurer une protection efficace sans risque.
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Mots clés : Tétanos ; Prévention du tétanos ; Vaccination contre le tétanos ; Diagnostic du tétanos
Médecine d’urgence 1
25-090-B-10 ¶ Tétanos : prévention et diagnostic
C’est donc à la phase d’incubation et surtout à la phase • l’arthrite temporomaxillaire : le trismus est unilatéral, très
d’invasion que se pose le problème du diagnostic du tétanos. douloureux. La douleur est augmentée par les mouvements
Le diagnostic est purement clinique car nous ne disposons du maxillaire ;
d’aucune exploration paraclinique permettant d’affirmer ou • les accidents de dents de sagesse : le trismus est unilatéral, il
d’infirmer ce diagnostic [8]. n’existe pas d’épisode d’exacerbation spontané ou provoqué.
Ce trismus évolue par poussées successives ;
Phase d’incubation • les parotidites uni- et surtout bilatérales (oreillons) : il existe
un comblement rétromandibulaire soulevant le lobe de
La plaie susceptible d’être tétanigène est une plaie mal l’oreille, douloureux à la palpation, il n’y a pas de contracture
vascularisée, souillée de terre et de débris dans laquelle le bacille des masséters ;
de Nicolaïer va trouver un milieu favorable pour se développer • les lésions ischémiques du pied de la protubérance cérébrale :
et produire son exotoxine neurotrope. Il faut retenir le rôle joué il existe un trismus intermittent entrecoupé de bâillements ;
par les plaies des membres inférieurs chez l’artéritique ou chez
• les dyskinésies précoces aux neuroleptiques peuvent présenter
le patient présentant des troubles trophiques veineux (ulcères
un trismus mais dans le cadre de mouvements de rotation de
variqueux, etc.) favorisant l’anaérobie de la plaie. Il s’agit
la tête et des yeux autour d’un axe. Il s’agit d’un trismus
rarement de lésions très délabrantes mais de plaies réalisant des
paroxystique prédominant d’un côté entrecoupé de phases de
conditions d’anaérobiose très favorables au développement de
relâchement complet ;
Clostridium tetani, comme les plaies et les corps étrangers sous-
• les intolérances aux neuroleptiques, mais il s’agit de contrac-
inguéaux. Les plaies réalisées à la campagne, dans les jardins,
tures plus généralisées, vincibles, sans épisode paroxystique et
souillées de terre sont les plus à risque d’être tétanigènes.
indolores ;
L’infection de la plaie par des germes aérobies divers favorise le
développement du bacille tétanique par la consommation • la raideur de nuque douloureuse qui accompagne le trismus
d’oxygène qu’elle réalise au niveau de la plaie. peut parfois faire suspecter une méningite mais il n’existe pas
Il faudra se méfier tout particulièrement des plaies chez des de syndrome confusionnel [10] ;
patients de plus de 70 ans, chez lesquels la vaccination antité- • enfin, la maladie sérique posait souvent un problème diffi-
tanique est présente dans moins de 20 % des cas [9]. cile ; faisant suite à une injection de sérum antitétanique, elle
La phase d’incubation est habituellement silencieuse, de risquait de faire errer le diagnostic lorsque apparaissaient, au
durée variable, pas toujours facile à préciser (30 jours en 10e jour, fièvre et contractures. La mise à disposition de
moyenne). gammaglobuline humaine spécifique, en remplacement du
sérum d’origine équine, qui n’est plus fabriqué, a permis de
faire disparaître cette complication.
Phase d’invasion
C’est à la phase d’invasion que le malade vient consulter Évolution du trismus
habituellement son médecin traitant ou le service d’urgence le
plus proche. À ce stade, le seul signe objectif présenté par le Si cette phase de trismus isolé dure quelques jours, un regard
malade est un trismus bilatéral dû à une contracture des attentif pourra noter le faciès un peu particulier des patients
masséters ; c’est rarement la difficulté d’ouvrir la bouche qui atteints de tétanos dit « faciès sardonique » dû à la contracture
constitue le motif de recours du patient qui, le plus souvent, va des muscles peauciers de la face qui vont figer la mimique en
venir trouver son médecin pour : douleur au niveau de la gorge, accentuant les rides. Cet aspect est très spécifique du tétanos
difficultés de déglutition, rachialgies, etc. Si la durée moyenne mais il est difficile à apprécier chez les patients âgés.
de cette phase est de l’ordre de 8 jours, une durée inférieure à
48 heures annonce toujours un tétanos de particulière gravité. Tétanos localisés
Trismus Une autre difficulté de diagnostic est représentée par les
Tous les éléments sémiologiques de ce trismus sont impor- tétanos localisés. Rares, ils correspondent le plus souvent soit à
tants à rechercher car ils permettent de différencier le trismus des tétanos à point de départ localisé soit à des tétanos surve-
tétanique des autres causes d’impossibilité d’ouvrir la bouche. Le nant chez des patients ayant subi une vaccination incomplète
trismus tétanique est un trismus bilatéral et symétrique, ou trop ancienne.
douloureux, avec, sur un fond permanent, des épisodes de
contractures paroxystiques spontanées ou provoquées par des Tétanos céphalique de Rose
stimulations nociceptives (signe de l’abaisse-langue captif). Au
Secondaire à une plaie de la face, il se caractérise par l’appa-
cours de ces crises paroxystiques, les douleurs s’exacerbent. Le
rition d’une paralysie faciale périphérique ou d’une paralysie
trismus est invincible et permanent, ne disparaissant ni au repos
oculaire. Le trismus est unilatéral, au moins au début, plus
complet, ni au sommeil.
difficile à reconnaître ; en principe, il est de meilleur pronostic
La très large représentation des personnes âgées dans cette
car il donne plus rarement des crises de contracture généralisée.
pathologie rend souvent difficile la reconnaissance précoce de
ce trismus chez des personnes souvent édentées à cet âge ou qui
ont spontanément enlevé leur dentier. En effet, l’absence de Tétanos ophtalmoplégique de Worms
dents permet, pendant un certain temps, de conserver une Secondaire à une plaie de l’orbite ou des paupières, il se
ouverture buccale suffisante sur le plan fonctionnel. manifeste par des paralysies oculaires touchant surtout la
IIIe paire crânienne.
Diagnostics différentiels du trismus
Les diagnostics les plus souvent portés à tort à ce stade de la Tétanos localisé à un membre
maladie sont :
• l’angine, en raison de la douleur et des difficultés pour En général siège de la blessure, il se caractérise par des
avaler ; mais dans l’angine, la gorge est rouge, le trismus peut contractures localisées et ne donne pas de contracture générali-
être vaincu et il n’y a pas de paroxysme spontané ou provo- sée. Il s’agit le plus souvent de tétanos de pronostic favorable,
qué de ce trismus. En revanche, dans un cas comme dans survenant chez des patients ayant déjà eu une vaccination, mais
l’autre, il y a de la fièvre ; incomplète.
• le phlegmon de l’amygdale : le trismus est unilatéral sans
contracture paroxystique et survient dans un contexte Contractures généralisées
infectieux sévère. L’examen de la gorge montre l’abcès
amygdalien, la température est à 40 °C, il existe une La première crise de contractures généralisées va confirmer le
hyperleucocytose ; diagnostic de tétanos, s’il n’avait déjà été porté. Elle signe le
2 Médecine d’urgence
Tétanos : prévention et diagnostic ¶ 25-090-B-10
début de la phase d’état et justifie le transfert du patient en Par ailleurs on dispose actuellement de gammaglobulines
service de réanimation où sera entrepris le traitement sympto- humaines au risque allergique pratiquement inexistant. Elles ont
matique des troubles respiratoires, des contractures et du toutefois l’inconvénient d’être coûteuses, dérivées du sang et
syndrome dysautonomique cardiocirculatoire dans les formes les leur rôle dans la prévention du tétanos n’a jamais été démontré.
plus graves. Le traitement est purement symptomatique, il n’a Toutes les études portant sur le dosage des anticorps antité-
aucune efficacité sur la durée de la maladie qui est de 3 semai- taniques pour prédire le degré de protection des patients vis-à-
nes en moyenne après la première crise généralisée. Le traite- vis du tétanos n’ont pas réussi à mettre en évidence une
ment a pour but de limiter les crises de contractures généralisées relation entre protection antitétanique et taux d’anticorps [13].
douloureuses et de prévenir les complications respiratoires ou Dans ces conditions, l’utilisation de gammaglobulines ne peut
cardiovasculaires. Un parage soigneux de la plaie tétanigène est pas se substituer à un parage correct des plaies et surtout à une
indispensable.
prévention à long terme par une vaccination correcte
Ce traitement, malgré l’amélioration des moyens de la
(Tableau 1) [9, 11, 14].
réanimation, n’empêche pas une mortalité encore extrêmement
importante (entre 10 et 50 % des patients dans les pays à haut
niveau de vie), d’où l’importance des mesures de prévention. Prévention au long cours
Elle fait appel à la vaccination par l’anatoxine de Ramon mise
■ Prévention du tétanos au point en 1923. Parfaitement bien supportée, sans contre-
Le traitement préventif du tétanos est aussi efficace que bien indication en dehors de très exceptionnelles réactions allergi-
toléré. L’insuffisance de campagne de prévention, tant auprès ques, elle nécessite, pour être efficace, deux ou trois injections
des médecins que des patients, explique que cette maladie, au avec un intervalle de 3 à 6 semaines et un rappel à 1 an. Ce
pronostic redoutable, n’ait pas disparu. n’est qu’à l’issue de ce rappel que la protection est réelle et
Le traitement préventif comporte trois volets : durable.
• le traitement de la plaie suspecte d’être tétanigène ; Malgré la simplicité de cette vaccination, les études épidé-
• le traitement préventif des patients à haut risque de tétanos miologiques montrent qu’une protection efficace n’existe que
(victime d’une plaie tétanigène) ; chez moins de 70 % des patients de plus de 6 ans avec une
• la prévention à long terme du tétanos. diminution de cette protection avec le temps. En effet, elle
atteint près de 90 % de la population entre 6 et 11 ans, ne
■ Traitement des plaies dépasse pas 28 % des sujets de plus de 70 ans [15]. Cela explique
que cette catégorie d’âge continue à payer un trop lourd tribut
tétanigènes à cette maladie.
Une politique volontariste de vaccination antitétanique est
Ce sont toutes les plaies, peu hémorragiques et souillées de
nécessaire, d’autant que la disparition du service militaire fait
terre qui permettent le développement des germes telluriques,
disparaître un moment de la vie chez l’homme où le contrôle
anaérobies. Toutes ces plaies doivent être soigneusement
de cette vaccination était effectué. Cet effort de vaccination doit
nettoyées avec ablation des corps étrangers et des tissus nécro-
porter tout particulièrement sur la population rurale à bas
tiques. On peut recommander l’utilisation de l’eau oxygénée
étant donné qu’il s’agit d’un germe anaérobie strict. L’utilisation niveau de vie qui échappe le plus, actuellement, à la
d’antibiotiques de la famille des b-lactamines, si le patient n’est vaccination [4].
pas allergique, peut limiter la pullulation d’une flore commen- Un effort tout particulier doit porter sur une primovaccina-
sale qui, en accentuant l’anaérobiose, permet au bacille tétani- tion complète correcte, car les cas de tétanos sont exceptionnels
que de quitter sa forme sporulée végétative pour libérer sa dans la population qui a reçu une fois dans sa vie une vaccina-
toxique neurotrope. tion correcte. Une injection de rappel même 25 à 30 ans après
De même, dans le tétanos déclaré, le parage correct du foyer une première vaccination correcte permet une montée rapide et
tétanique est indispensable pour permettre la guérison du efficace des anticorps en cas de risque tétanique [16, 17].
tétanos. Parage qui, parfois, pourra aller jusqu’à l’amputation À l’heure actuelle, la plupart des auteurs retiennent l’intérêt
d’un membre artéritique siège d’une plaie tétanigène, impossible d’un rappel tous les 10 ans ; toutefois, un rappel à 50 ans
à stériliser [11]. pourrait être suffisant si le patient a été correctement vacciné
dans l’enfance et a reçu un rappel à l’adolescence. Des rappels
Prévention à court terme plus rapprochés ne sont pas justifiés, et ont même été rendus
Elle concerne les patients à haut risque de tétanos, c’est-à- responsables de neuropathies du plexus brachial toutefois
dire les patients porteurs d’une plaie fortement tétanigène qui exceptionnelles (entre 0,5 et 1 cas pour 100 000 vaccinés) [18].
n’ont jamais eu de vaccination antitétanique correcte ou qui Toutefois, les dangers liés à une hypervaccination sont beau-
sont incapables de savoir la date de leur dernière vaccination. coup trop hypothétiques pour faire renoncer à une injection
La détermination par un test rapide, utilisable dans un service d’anatoxine si l’on n’obtient pas la certitude d’une vaccination
d’urgences, du niveau de protection des blessés ignorant leur antitétanique à jour.
statut vaccinal ne s’est pas encore imposée en raison d’une La vaccination contre le tétanos peut et doit être associée à
sensibilité insuffisante (76 %) [12], d’autant que le taux d’anti- la vaccination contre la diphtérie dont la réapparition dans les
corps supposé protéger le patient (0,10 à 0,15 UI) fait encore pays à bas niveau sanitaire peut faire craindre la dissémination
l’objet de débats [13]. ou le retour dans les pays où la diphtérie a été éradiquée [19-22].
Tableau 1.
Guide des vaccinations 1999.
Type de blessures Patient non vacciné ou vaccination Vacciné dernier rappel > 5 ans et Vacciné dernier rappel > 10 ans
incomplète < 10 ans
Mineur propre Commencer ou compléter la vaccina- Pas d’injection Rappel (1 dose)
tion
Majeur propre ou tétanigène Vaccination + IG tétanique Rappel (1 dose) Rappel (1 dose) + IG tétanique 250 UI
250 UI
Tétanigène, débridement retardé ou Vaccination + IG tétanique Rappel (1 dose) antibiothérapie Rappel (1 dose) + IG tétanique 500 UI
incomplet 500 UI + antibiothérapie 5 500 UI + antibiothérapie
IG : immunoglobuline ; UI : unités internationales.
Médecine d’urgence 3
25-090-B-10 ¶ Tétanos : prévention et diagnostic
- parage
- désinfection locale (eau oxygénée ?)
- antibiothérapie ? (β-lactamine)
Gammaglobulines Pas de
spécifiques: 250 UI gammaglobulines
(sous-cutané)
“ À retenir
douteuse, on pourra pratiquer une injection de gammaglobuli-
nes spécifiques et une injection d’anatoxine, seul moyen de
prévenir le tétanos à long terme. Deux sites d’injection diffé-
• Le tétanos n’apporte aucune protection immunitaire rents doivent être utilisés. L’anatoxine tétanique est injectée en
ultérieure. Seule la vaccination avec des rappels réguliers premier.
tous les 10 ans donne une protection absolue. La Toute suspicion de tétanos (trismus bilatéral) justifie une
vaccination donne une protection individuelle, sans effet hospitalisation, en urgence, dans une unité proche d’une unité
sur la fréquence de la maladie dans la population. de réanimation pour bilan, à la recherche d’une porte d’entrée
• Le trismus du tétanos est bilatéral, symétrique, et vérification de l’état vaccinal du patient. L’apparition de
douloureux, permanent avec exacerbation paroxystique. contractures généralisées doit faire immédiatement transférer le
Il est invincible. patient en réanimation.
• La sérothérapie doit être abandonnée. Les Les médecins doivent continuer à craindre cette maladie et
.
gammaglobulines spécifiques n’ont pas fait la preuve de en connaître les signes de début pour que la mortalité diminue.
leur efficacité. Le tétanos reste une maladie à déclaration obligatoire.
■ Conclusion
.
4 Médecine d’urgence
Tétanos : prévention et diagnostic ¶ 25-090-B-10
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Médecine d’urgence 5
25-090-B-20
En France, plus de 25 % des cas de fièvre au retour de zone tropicale sont liés au paludisme, principale-
ment à Plasmodium falciparum. Les variables cliniques associées au diagnostic de paludisme sont l’âge
supérieur à 30 ans, le sexe masculin, les sujets originaires de zones endémiques, la notion de séjour en
Afrique subsaharienne, une prophylaxie insuffisante ou mal conduite, la notion de fièvre, de frissons,
l’absence de diarrhée, des leucocytes normaux, une thrombocytopénie, et l’élévation de la déshydrogé-
nase lactique et de la bilirubine. Cependant, seuls ou associés, ces éléments ont une sensibilité et une
spécificité insuffisantes pour le diagnostic de paludisme. Le diagnostic de paludisme doit être suspecté
chez tous les patients après un séjour en zone d’endémie. La réalisation d’un examen parasitologique
sanguin est indispensable, à savoir un examen microscopique. La prise en charge optimale de ces patients
nécessite un diagnostic rapide et la mise en route d’un traitement antipaludique adapté. L’accroissement
de la résistance du P. falciparum aux antipaludiques détermine des nouvelles stratégies de cette urgence
thérapeutique qui reposent essentiellement sur des associations (atovaquone plus proguanil ou artémé-
ther plus luméfantrine) par voie orale pour les formes sans signe de gravité, et l’artésunate ou la quinine
par voie intraveineuse pour les formes avec des signes de gravité.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 Le paludisme reste une maladie fréquente en zone d’endémie.
■ Épidémiologie 1 Le diagnostic et la prise en charge thérapeutique du paludisme
■
doivent être considérés comme une urgence car la gravité poten-
Éléments du diagnostic 2
tielle et le risque de complications sont élevés. Le diagnostic
■ Diagnostic parasitologique 3 repose largement sur un haut degré de suspicion clinique, et
■ Évaluation de la gravité 3 nécessite du diagnostic de certitude par la mise en évidence du
Atteinte neurologique 4 parasite et l’identification de l’espèce en cause, une évaluation
Atteinte pulmonaire 5 de la gravité jugée sur le tableau clinique et les données biolo-
État de choc 5 giques. L’évolution de la résistance aux antipaludiques en dépit
Acidose métabolique 5 de nouvelles alternatives thérapeutiques, a rendu le traitement
Insuffisance rénale aiguë 5 du paludisme plus complexe.
Anémie 5 Dans les zones endémiques le paludisme est responsable d’une
Thrombopénie 5 forte morbidité et d’une mortalité élevée. Il a un impact éco-
Hypoglycémie 5 nomique majeur en utilisant 1,3 % du PIB et jusqu’à 40-60 %
Parasitémie 5 des ressources médicales dans certaines régions [1] . Dans les pays
Autres anomalies biologiques 6 industrialisés, le paludisme a été éradiqué et les cas de paludisme
■ Prise en charge thérapeutique 6 d’importation sont liés aux voyages d’affaires, touristiques ou
Critères de définition de la filière de soins optimale 6 familiaux. Il est estimé que plus de 50 millions de personnes
Critères de choix du traitement antipaludique 6 visitent des pays en voie de développement chaque année et que
Traitement des symptômes associés 7 8 % d’entre elles, environ 4 millions, présenteront des symptômes
Évaluation du risque de résistance aux antipaludiques 8 plus ou moins importants [2] . Dans ce contexte, le paludisme est
un des diagnostics les plus fréquemment retenus.
■ Schémas thérapeutiques 8
Cas de paludisme simple à P. falciparum 8
■
Cas de paludisme grave à P. falciparum 9
Épidémiologie
Conclusion 10
Le paludisme demeure, à l’aube du XXIe siècle, un problème
majeur de santé publique. On estime que trois milliards de per-
sonnes sont exposées au paludisme, à 250 millions le nombre de
cas annuels, et à un million le nombre de décès, principalement et en Chine le Yunnan et Hainan. En Amérique centrale et aux
des enfants en Afrique subsaharienne où le paludisme est encore Caraïbes, le paludisme sévit en Haïti et dans la zone ouest de la
la première cause de décès infantile [3] . Des efforts importants sont République dominicaine, et dans quelques foyers des pays centra-
actuellement en cours dans de nombreuses zones endémiques méricains mais avec un risque faible en dehors des épisodes ou
pour contrôler voire éradiquer le paludisme [4] . En Afrique sub- périodes de pluies intenses. En Amérique du Sud, en dehors du
saharienne d’importants progrès ont été atteints en termes de bassin amazonien, le risque est faible et quasi nul dans les zones
prévention, de diagnostic et de traitement. Ces efforts sont confor- urbaines [1–6] .
tés par des rapports signalant des réductions significatives (–28 % En France comme en Europe, 80 % des cas de paludisme
à –90 %) du nombre de cas de paludisme, mais les données concer- d’importation sont liés à P. falciparum acquis principalement en
nant l’Afrique de l’Ouest sont pauvres et dans certains cas, elles Afrique de l’Ouest [13, 15] . Ce chiffre varie en fonction des zones
mettent en évidence une stabilité voire une augmentation du endémiques visitées. Aux États-Unis, P. falciparum est responsable
nombre de cas [5] . de 40 % des cas, suivi de P. vivax principalement acquis en Amé-
Dans les zones non endémiques, il s’agit de cas de paludisme rique centrale et en Asie [11] . En Europe, 60 % à 95 % des cas
d’importation chez des voyageurs en zone tropicale, ou de rares liés à P. falciparum ont été acquis en Afrique occidentale et 60 %
cas de paludisme d’aéroport (transport accidentel du vecteur Ano- à 70 % des cas liés à P vivax en Asie [13] . P. falciparum explique
phèles) [6] . Le paludisme a été éradiqué des zones anciennement 60 % à 70 % des cas de paludisme en Asie du Sud-Est (90 % au
impaludées d’Europe et d’Amérique du Nord. En France métro- Cambodge, 97 % au Laos), 70 % à 75 % des cas aux Philippines et
politaine, il a été éradiqué dans les années 1960. Bien que ceci au Vietnam, 50 % des cas en Indonésie, 40 % des cas en Inde, 12 %
ne repose pour le moment que sur des modèles, les modifications au Népal et en Chine [10] . P. falciparum est faiblement implanté en
climatiques pourraient avoir un impact sur le risque de réémer- Amérique centrale et sur les zones côtières de l’Amérique du Sud.
gence du paludisme en Europe du sud [7, 8] . En France, le nombre Des cas ont été récemment rapportés chez des touristes au retour
de cas de paludisme d’importation est en baisse avec néanmoins d’Haïti et la République Dominicaine [16] et d’Amérique centrale.
encore entre 3 500 et 4 500 cas annuels rapportés dont 150 cas Il est en revanche souvent rencontré dans le bassin amazonien.
de paludisme d’importation à La Réunion [9] . À noter par ailleurs, Une nouvelle espèce a été décrite, P. knowlesi [17] . La plupart des
des cas locaux en Guyane, avec 3 000 à 5 000 cas annuels, et 500 cas de P. knowlesi ont été contractés en Malaisie et dans le Sud-Est
à 1 000 cas locaux annuels à Mayotte [9] . En Europe, on estime asiatique.
à 12 000 le nombre de cas annuels [10] et aux États-Unis à envi- Chez les patients infectés par P. falciparum, les formes graves
ron 1 300 cas [11] . En France comme en Europe, jusqu’à 20 % des avec atteinte neurologique sont également plus fréquentes. Les
cas de paludisme d’importation sont des cas pédiatriques [12, 13] . Le formes graves et le décès sont exceptionnels avec P. vivax, P. ovale
développement du tourisme vers les zones endémiques, l’absence ou P. malariae, alors que les cas liés à P. falciparum ont une mor-
de prophylaxie systématique pendant le séjour et après le retour, talité comprise entre 1 % et 5 % pour les formes hospitalisées en
et la rapidité des transports aériens pour une maladie à courte zone d’endémie et 10 % pour les formes graves admises en réani-
période d’incubation, expliquent en grande partie ces chiffres. La mation dans les pays industrialisés [18] . P. knowlesi est responsable
prise d’une chimioprophylaxie n’est rapportée que par un tiers de formes graves (40 % des cas liés à P. knowlesi en Malaisie) et
des patients avec seulement 20 % de bonne observance du traite- mortelles (27 % de mortalité) [19] .
ment [13, 14] .
La distribution actuelle du paludisme à P. falciparum dans le
monde est montrée dans la Figure 1. Le risque d’acquisition du Éléments du diagnostic
paludisme est majeur en Afrique subsaharienne, alors qu’il est
quasi nul en Afrique du Nord. En Afrique de l’Est, en Afrique Le tableau clinique peut être trompeur [20–22] et il est fonction
équatoriale et en Afrique de l’Ouest, ce risque est très important de l’interaction entre l’espèce plasmodiale, le statut immunitaire
en zone rurale mais également en zone urbaine. En Asie, le risque de l’hôte et le recours à des antipaludiques. En général, les sujets
est faible dans les zones urbaines et dans les plaines côtières. Les non immuns présentent des tableaux cliniques plus parlants avec
pays avec le risque le plus élevé sont le Cambodge, l’Indonésie, fièvre, frissons, myalgies, arthralgies, céphalées. Dans le cadre du
le Laos, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, paludisme d’importation, et ce chez l’adulte comme chez l’enfant,
le diagnostic clinique n’est pas aisé. Les arguments cliniques • l’élévation de la protéine C réactive et la procalcitonine : leur
(fièvre, céphalées, frissons, myalgies, anémie, splénomégalie) et élévation a été décrite au cours du paludisme à P. falciparum et
biologiques ne permettent au mieux qu’une sensibilité de l’ordre la procalcitonine a une valeur pronostique.
de 80 % à 90 % et une spécificité de 50 % pour le diagnostic de La faible valeur prédictive individuelle des données cliniques et
paludisme [15, 20–22] . biologiques dans le diagnostic du paludisme a été bien démon-
Certains éléments cliniques doivent guider et orienter la trée, même en cherchant à associer les paramètres cliniques
démarche diagnostique : et biologiques. Malgré l’identification de paramètres cliniques
• la notion de voyage en zone d’endémie : la difficulté et et biologiques fortement associés au diagnostic de paludisme,
le retard diagnostique sont le plus souvent liés à la non- l’association des variables ne permet d’obtenir au mieux qu’une
suspicion clinique. Dans certaines séries, le diagnostic de sensibilité de 95 % et une spécificité de 55 %. L’emploi des
paludisme n’a pas été évoqué chez 40 % à 60 % des cas de variables cliniques et biologiques ne permet pas d’exclure for-
paludisme d’importation [20–23] . L’explication avancée est le mellement le diagnostic de paludisme, et la réalisation d’un test
non-questionnement systématique du patient sur la notion parasitologique est indispensable à la confirmation tout comme à
d’un voyage récent en zone intertropicale [20–24] . La notion de l’élimination du diagnostic de paludisme [15, 20–25] .
séjour en zone tropicale est donc fondamentale et doit être
recherchée systématiquement. Même si le risque est différent
en fonction de la zone visitée, la notion de voyage en zone
intertropicale est essentielle [13] ;
Diagnostic parasitologique
• les délais entre l’arrivée en zone d’endémie et le début des Le diagnostic de paludisme repose sur la mise en évidence du
symptômes, et entre le retour et le début des symptômes, sont parasite. Le diagnostic de paludisme doit être considéré comme
également importants. La période d’incubation du paludisme une urgence et le prélèvement sanguin réalisé sans retard. Les
est de sept jours. Ce diagnostic ne peut pas être évoqué pour méthodes microscopiques traditionnelles gardent toute leur place
les fièvres très précoces chez les voyageurs en zone d’endémie. en termes de sensibilité et de spécificité et sont considérées comme
La plupart des cas liés à P. falciparum surviennent dans les sept la méthode référence [25, 26] .
jours à quatre semaines après l’arrivée en zone d’endémie, mais Le frottis sanguin (ou goutte fine) permet d’obtenir en moins de
sont possibles jusqu’à un an plus tard. Pour P. vivax et P. ovale, 30 minutes l’identification de l’espèce plasmodiale, le stade para-
le temps d’incubation est de 10 jours à 14 jours, et des revivis- sitaire et la parasitémie (pourcentage d’hématies parasitées). Ces
cences sont possibles jusqu’à deux ans et cinq ans plus tard, trois éléments sont importants dans la démarche thérapeutique
respectivement. P. malariae a un temps d’incubation de l’ordre et l’évaluation de la gravité. La goutte épaisse reste la méthode de
de trois semaines et des reviviscences sont possibles jusqu’à dix référence, permettant un diagnostic sensible et spécifique même
ans, voire exceptionnellement trente ans plus tard ; en cas de faible parasitémie (jusqu’à 0,0001 %) [25, 26] . Les examens
• la fièvre : la forme clinique la plus fréquente est la « fièvre au microscopiques sanguins doivent être répétés en cas de négativité
retour de zone tropicale ». Le paludisme représente 20 % à 70 % initiale si le diagnostic de paludisme est cliniquement possible. Il
des cas de fièvre au retour de zone tropicale [20–24] . La fièvre est recommandé de le refaire avec huit heures d’intervalle.
peut néanmoins être absente à l’arrivée chez 30 % à 56 % des Les tests de diagnostic rapide ont connu une rapide évolution.
patients [15, 20–23] . La notion de fièvre avant la consultation doit Plusieurs méthodes sont possibles. Les tests les plus couramment
être systématiquement recherchée car elle peut ne pas être employés reposent sur la détection de protéines plasmodiales
présente lors de la consultation initiale. L’absence de fièvre par immunochromatographie (pLDH/aldolase communes aux 4
aux urgences ou lors de la consultation initiale ne permet pas espèces, PfHRP2/PfLDH spécifiques de P. falciparum, PvLDH spéci-
d’exclure le diagnostic de paludisme. Le paludisme de primo fique de P. vivax). Ces tests ont une sensibilité comprise entre 90 %
invasion chez les sujets non immuns se manifeste par une et 100 % et une spécificité entre 52 % et 99 % [26] . Ils permettent
fièvre progressivement croissante qui devient continue, alors un diagnostic aisé et dans certains cas au lit du patient, mais leur
que le paludisme chez les sujets immuns ou semi-immuns pro- coût/efficacité n’a pas été évalué [27] . Leur place dans une stratégie
voque le plus souvent des accès de fièvre tous les deux jours diagnostique rapide est mal précisée aussi bien en zone d’endémie
pour P. vivax et P. ovale (fièvre tierce bénigne) et tous les trois que dans les zones non endémiques [26] . En France, la Conférence
jours pour P. malariae (fièvre quarte). P. falciparum est respon- de consensus sur le paludisme a recommandé de réaliser un test de
sable de la fièvre tierce maligne, mais il est plus souvent associé diagnostic rapide seulement si l’examen microscopique s’avérait
à une fièvre continue ou plus ou moins anarchique. La présence négatif [25] . Leur sensibilité ne permet pas d’exclure le diagnostic
de frissons est un argument en faveur du diagnostic de palu- de paludisme.
disme [15] , tout comme une température élevée, généralement
supérieure à 39 ◦ C [15, 20, 21, 22, 23] ;
• la notion de prophylaxie antipalustre adaptée à la zone visitée
et correctement suivie pendant et après le séjour est absente Évaluation de la gravité
chez 85 % à 97 % des cas de paludisme diagnostiqués [13–15] ;
• une splénomégalie est rencontrée chez les sujets immuns expo- Il s’agit là d’un élément essentiel dans la prise en charge des cas
sés de façon répétée. Elle est plus rare dans les formes de primo de paludisme.
invasion du sujet non immun ; Le principal critère de gravité est l’espèce plasmodiale. Les cas
• d’autres signes cliniques non spécifiques peuvent être consta- à P. falciparum peuvent être mortels, mais des formes graves ont
tés : la présence de céphalées, une grande fatigue, la présence de été également rapportées avec P. vivax et P. ovale. P. knowlesi est
signes digestifs, diarrhées et/ou douleurs abdominales [15, 20–23] . responsable de formes graves et mortelles avec des atteintes pul-
L’apport des examens complémentaires au diagnostic de palu- monaires, rénales et des états de choc [19] . Le terrain est également
disme est pauvre, car non spécifique. Certains éléments méritent un facteur de risque de présenter une forme grave de paludisme à
cependant quelques précisions : P. falciparum, notamment la grossesse, l’âge (les enfants de bas âge
• la thrombopénie : c’est un élément en faveur du diagnostic de et les sujets âgés), l’immunodépression dont le VIH, et la dénu-
paludisme [15] . Entre 43 % et 75 % des patients avec un palu- trition [27] . L’origine ethnique et la notion de paludisme antérieur
disme prouvé ont une thrombopénie [15, 20–23] ; sont également des notions à tenir en compte [28] , les sujets origi-
• l’anémie : le paludisme est une fièvre hémolytique aiguë. naires d’Afrique noire et les sujets ayant déjà fait des épisodes de
L’anémie n’est notée à l’arrivée que chez 15 % à 58 % des paludisme ont un risque moindre.
patients mais chez 97 % des patients au cours du suivi ; Le Tableau 1 présente les critères de gravité des accès palustres
• l’élévation de la bilirubine : elle est décrite chez 30 % à 64 % définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [27] . En
des patients. La présence d’une hyperbilirubinémie totale à pré- France, une nouvelle lecture des critères de gravité a été propo-
dominance libre est significativement associée au diagnostic sée [25] . Elle est présentée Tableau 2. Le plus souvent, cette gravité
de paludisme, surtout si elle est associée à une thrombopé- s’exprime par l’apparition rapide, voire brutale, de signes cliniques
nie [15, 20–23] ; précis traduisant une atteinte d’organe : défaillance neurologique,
Tableau 2.
Critères de gravité du paludisme à P. falciparum [25] . Atteinte neurologique
Toute défaillance Obnubilation, confusion, somnolence,
neurologique, incluant prostration
L’atteinte neurologique signe un des critères majeurs du palu-
disme, le neuropaludisme. Elle est la complication la plus grave
Coma avec score de Glasgow < 11
des infections à P. falciparum. C’est la complication la plus
Toute défaillance Si VM ou VNI : PaO2 /FiO2 < 300 mmHg fréquente notamment chez les enfants en zone d’endémie, expli-
respiratoire, incluant quant jusqu’à 10 % des admissions hospitalières et sa mortalité
Si non ventilé PaO2 < 60 mmHg et/ou peut atteindre 20 % dans ce contexte. Dans les zones hyperendé-
SpO2 < 90 % à l’air ambiant et/ou miques, les troubles surviennent très tôt dans la vie des jeunes
FR > 32/min enfants, alors que sa présentation est plus tardive dans les zones
Images interstitielles et/ou alvéolaires à la à faible transmission. La protection induite par des infections
radio antérieures se perd en absence d’une exposition continue [29] .
Chez l’adulte, l’atteinte neurologique est moins souvent isolée
Toute défaillance PA systolique < 80 mmHg en présence de et le tableau est plus proche d’une atteinte multiple d’organes.
cardiovasculaire, incluant signes périphériques d’insuffisance Le tableau clinique est caractérisé par une atteinte des fonctions
circulatoire
supérieures et coma, une atteinte des neurones supérieurs avec
Patient recevant des drogues vasoactives troubles du regard conjugué, hypertonie extrapyramidale, trismus
Signes périphériques d’insuffisance et attitude en décérébration ou décortication [30] . Des hémorra-
circulatoire sans hypotension gies rétiniennes sont constatées chez 15 % des patients, elles sont
Convulsions répétées Au moins 2 par 24 h
associées à un pronostic vital péjoratif [31] .
La physiopathologie est complexe et de nombreux méca-
Hémorragie Définition clinique nismes interagissent pour expliquer l’atteinte neurologique [29] .
Ictère Clinique ou bilirubine totale > 50 mol Chez l’enfant, les crises comitiales sont une cause fréquente de
troubles neurologiques et le diagnostic de neuropaludisme ne peut
Hémoglobinurie être retenu dans ce cadre que devant la persistance des troubles
macroscopique neurologiques une heure après une crise d’épilepsie ou après
Anémie profonde Hémoglobine < 7 g/dl, hématocrite < 20 % un examen électroencéphalographique permettant d’éliminer
Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/l cette hypothèse. L’hypoglycémie est également une cause de
troubles de la conscience. Le mécanisme physiopathologique
Acidose Bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/l incriminé est la formation d’agrégats d’érythrocytes infectés et
Acidémie avec pH < 7,35 non infectés dans les vaisseaux cérébraux (« rosette »). Cette
séquestration des érythrocytes est liée à l’adhésion des érythro-
Hyperlactatémie Dès que la limite supérieure de la normale
est dépassée
cytes aux cellules endothéliales des vaisseaux sanguins via des
protéines retrorégulées de P. falciparum. Les agrégats se forment
A fortiori si lactate > 5 mmol/l
ainsi entre des érythrocytes et entre les érythrocytes et les cellules
Hyperparasitémie Dès que parasitémie > 4 % notamment endothéliales [29] . Chez certains patients, des lésions ischémiques
chez le non immun cérébrales liées à des accidents artériels ainsi que des thromboses
veineuses cérébrales, probablement en rapport à une hypercoagu-
Insuffisance rénale Créatininémie > 265 mol/l ou urée
sanguine > 17 mmol/l
labilité, ont été rapportées [32] . Cette séquestration entraîne une
réduction de la microcirculation cérébrale, dont le mécanisme
Diurèse < 400 ml/24 h malgré réhydratation
est également lié à une réduction de la déformabilité des éry-
VM : ventilation mécanique ; VNI : ventilation non invasive ; FR : fréquence res- throcytes. La récupération quasi-totale des signes neurologiques
piratoire ; PaO2 : pression partielle en oxygène ; SpO2 : saturation en oxygène ; sous traitement est en faveur de la faible intensité des phéno-
FiO2 : concentration de l’oxygène dans l’air inspiré ; PA : pression artérielle. mènes ischémiques. Néanmoins, la majoration des demandes
métaboliques liées à la fièvre, les crises comitiales, et les troubles basse < 20 mmol/l malgré une réhydratation bien menée, présence
associés tels que l’hypoglycémie et l’œdème cérébral peuvent fréquente de complexes immuns circulants). L’insuffisance rénale
atteindre des niveaux critiques et expliquer les complications fonctionnelle est très fréquente et disparaît sous traitement anti-
neurologiques persistantes. L’œdème cérébral est fréquent notam- paludique [33] .
ment chez les enfants (40 % des enfants présentant des troubles de
la conscience), il est cytotoxique et souvent associé à une hyper-
tension intracrânienne que compromet la perfusion cérébrale. Anémie
Des lésions hémorragiques intracérébrales corticales d’allure pété-
L’intensité de l’anémie peut expliquer un tiers des décès liés au
chiale sont décrites dans les études anatomiques ainsi que des
paludisme en zone tropicale, notamment chez les enfants [34] . Les
lésions micro-hémorragiques périvasculaires dans 75 % des cas,
mécanismes de l’anémie au cours du paludisme sont multiples.
mais ces lésions n’ont pas été décrites chez les adultes [29] .
Elle est d’origine essentiellement mais non exclusivement parasi-
Des séquelles neurologiques ont été rapportées, notamment
taire, non proportionnelle à la parasitémie. Des multiples facteurs
chez les enfants. Il s’agit principalement de troubles neurocogni-
périphériques et centraux ont été incriminés, ainsi que des média-
tifs chez 10 % des enfants (principalement troubles de la mémoire,
tions par des cytokines et des facteurs propres au parasite [35] .
du langage, de la concentration), d’ataxie, d’épilepsie, de tableaux
L’hémolyse est néanmoins, le facteur principal. Au cours des cas
de quadriparésie spastique et d’états végétatifs persistants. Ces
de paludisme d’importation de l’adulte, l’anémie est rarement au
troubles sont fréquents chez les enfants et ce d’autant plus qu’ils
premier plan clinique. Au cours des formes graves, l’intensité de
ont présenté des crises comitiales persistantes, une hypoglycé-
l’anémie est moyenne à l’arrivée du malade (environ 9-10 g/dl),
mie et une hypertension intracrânienne sévères. Chez l’adulte
elle s’accentue normalement au fil des jours malgré la cessation du
non immun, la fréquence de séquelles neurologiques est estimée
processus hémolytique pour aboutir à des chiffres en général < 8-
inférieure à 5 %. Il s’agit en général d’épisodes de psychose transi-
10 g/dl à la fin de l’accès (4-5e jour). Une anémie d’emblée très
toire, d’épilepsie souvent focale, d’atteinte des paires crâniennes,
profonde est très rare (surtout chez l’adulte) et doit faire évoquer et
de neuropathies et de troubles extrapyramidaux [30] .
rechercher une autre cause (une fièvre bilieuse hémoglobinurique
chez un résident en zone impaludée), une complication (hémor-
Atteinte pulmonaire ragie notamment par rupture de rate) ou une anémie préexistante.
Il peut s’agir d’une hypoxémie, d’un œdème pulmonaire,
voire d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte Thrombopénie
(SDRA). Ces manifestations sont le plus souvent multifactorielles :
œdème lésionnel, surcharge, pneumopathie d’inhalation en cas Une thrombopénie est notée chez 75 % des cas de paludisme
de troubles de la conscience, pneumopathie bactérienne, pneu- non sévère et chez plus de 90 % des cas de paludisme grave, mais
mopathie nosocomiale précoce. Cette complication est fortement ces thrombopénies sont exceptionnellement associées à des mani-
associée à la mortalité liée au paludisme grave, elle a été décrite festations hémorragiques et ne nécessitent pas en règle générale
avec P. falciparum, P. ovale, P. vivax et P. knowlesi. Elle est plus fré- de transfusion de plaquettes [36] . Les thrombopénies profondes
quente chez les adultes particulièrement chez les non immuns (< 50 000) sont plus fréquentes au cours des formes graves. Une
et chez la femme enceinte [31] . Il est essentiel de considérer que thrombopénie significative doit toujours attirer notre attention
les apports intraveineux (solutés et transfusions sanguines) sont et doit être considérée comme un signal d’alerte. Une coagulation
susceptibles d’aggraver ces phénomènes, voire de les détermi- intravasculaire disséminée (CIVD) caractérisée est possible bien
ner compte tenu de l’hyperperméabilité capillaire pulmonaire qui que rare. Les troubles de la coagulation sont de nature complexe
caractérise ces états pendant les trois premiers jours. Leur volume au sein de cette hémolyse. Paradoxalement, il y a peu de signes et
et leur vitesse de perfusion sont donc à surveiller. C’est pour cette de complications hémorragiques en l’absence de gestes invasifs de
raison que la transfusion sanguine doit être réservée aux patients soins ou d’explorations. On peut cependant objectiver parfois des
présentant des anémies significatives avec des signes de mauvaise hémorragies au fond d’œil lesquelles ont été associées par certains
tolérance. Le remplissage vasculaire doit également être prudent à des lésions cérébrales [37] . En cas de persistance d’une thrombo-
et doit être guidé par un monitorage hémodynamique. pénie profonde après le cinquième jour, il faut envisager une autre
cause (CIVD, hématome, sepsis, rare thrombopénie induite par la
État de choc quinine).
Acidose métabolique
Parasitémie
L’acidose métabolique est d’origine plurifactorielle : hyperlac-
tatémie (une partie des lactates étant produite par le parasite Le degré de parasitémie circulante n’est pas en soi un élément
lui-même), insuffisance rénale, état de choc, infection bactérienne de pronostic péjoratif. Néanmoins, le risque de complications et
associée. C’est un des déterminants majeurs de la gravité et du de survenue de formes graves de paludisme est lié à une parasité-
risque de décès [32] . mie initiale élevée ou en tout cas supérieure à 2 % [28] . Pour l’OMS,
une parasitémie supérieure à 4 % est un signe de gravité. Il faut
Insuffisance rénale aiguë considérer que, en l’absence de traitement efficace, la parasitémie
ne cesserait de s’accroître et entraînerait finalement la mort. Une
Quelle qu’en soit la forme clinique, à diurèse conservée ou parasitémie très élevée est donc un témoin de retard thérapeu-
oligoanurique, dite organique dès qu’elle ne cède pas à la réhydra- tique, qui implique moins des morts supplémentaires prévisibles
tation, l’atteinte est de type tubulo-interstitielle et dans quelques que des difficultés plus grandes à bien gérer le traitement pendant
rares cas de type glomérulaire (protéinurie > 1-2 g/24 h, natriurèse les trois premiers jours. L’élévation initiale de la parasitémie au
Critères de définition de la filière de soins Les critères sur lesquels repose le choix du traitement antipara-
optimale sitaire sont les suivants.
Les patients ne présentant aucun signe de gravité
(Tableaux 1, 2), peuvent être traités en ambulatoire, à condition Gravité
que toutes les situations suivantes soient réunies [25] : La recherche de signes de gravité est la première étape dans la
• diagnostic de certitude établi ; démarche. La présence d’un des signes de gravité doit conduire
• absence d’échec d’un traitement antérieur ; à proposer le patient en réanimation et à mettre en route un
• parasitémie < 2 % ; traitement par voie intraveineuse.
• plaquettes > 50 000/mm3 , hémoglobine > 10 g/dl, créatiné-
mie < 150 micromoles/l ; Parasitémie
• absence de terrain à risque (sujet âgé, immunodépression, splé-
nectomie, grossesse, cardiopathie sous-jacente) ; Il est habituellement accepté qu’une parasitémie supérieure à
• patient entouré, accessibilité au traitement, possibilité de 2 % [25, 27] soit une indication à l’hospitalisation (Tableau 3) mais
consultation dans les trois jours. non à un traitement par voie intraveineuse. Chez un sujet non
Il est conseillé de débuter le traitement dans le service immun, une parasitémie supérieure à 2 % est associée à un risque
d’urgences et de surveiller le patient pendant au moins deux de mortalité accru [28] . Une parasitémie supérieure à 5-10 % pour-
heures, notamment sa tolérance digestive. Le patient doit quit- rait être retenue, même en absence d’autres signes de gravité,
ter le service d’urgences avec un rendez-vous ou au moins une comme une indication à un traitement par voie intraveineuse,
filière de soins précise pour réévaluation trois jours plus tard et mais cela reste discutable. Ces patients doivent être hospitalisés et
des conseils de retour aux urgences en cas de somnolence, confu- surveillés. En cas de terrain à risque, il est prudent de les proposer
sion, majoration de la fièvre, gêne respiratoire, malaise, ou tout en réanimation.
nouveau symptôme.
Tous les autres patients doivent être hospitalisés. Notion de terrain
Les critères d’admission en réanimation peuvent varier en fonc-
Certains terrains à risque sont reconnus comme nécessitant une
tion de l’expérience des équipes de soins. Néanmoins, la présence
évaluation spécifique (enfants, patients âgés, femmes enceintes,
d’un seul signe de gravité (Tableaux 1, 2) signe l’appel du réanima-
sujet immunodéprimé). L’intolérance digestive au traitement per
teur et un transfert en réanimation (réanimation lourde ou Unité
os est une indication reconnue du traitement intraveineux.
de Soins Continus).
Les femmes enceintes doivent être considérées comme une
situation d’urgence thérapeutique. Le paludisme à P. falciparum
Critères de choix du traitement antipaludique au cours de la grossesse est associé à un risque accru d’anémie,
de bas poids à la naissance et de développement de formes
Des recommandations ont été récemment publiées concernant graves de paludisme et de décès [42] . Au cours du premier trimestre
les nouvelles stratégies thérapeutiques [27, 41] . La Figure 2 présente les médicaments pouvant être proposés sont quinine, chloro-
une modification de l’algorithme proposé par la Conférence de quine, clindamycine et proguanil. La recommandation actuelle
consensus française en 2007 [25] sur la base des nouvelles recom- est de traiter la femme enceinte au cours du premier trimestre
mandations internationales [27, 41] . par quinine plus clindamycine ou par ACT (artéméther plus
P. falciparum*
Non
Si tous les critères sont vérifiés : Si un seul critère n'est pas vérifié :
- traitement ambulatoire possible - hospitalisation
- atovaquone-proguanil - atovaquone-proguanil
ou artéméther-luméfantrine ou artéméther-luméfantrine
Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge des accès palustres à Plasmodium falciparum aux urgences [27, 41, 47, 49–51] . *Si biparasitisme ou espèce non
précisée, traiter comme P. falciparum.
luméfantrine) en cas d’échec du premier traitement. Au cours du majoré par ces associations (principalement risque accru de neu-
deuxième et troisième trimestre [27] il semble prudent de décon- tropénie, anémie, hépatotoxique). Le traitement du paludisme
seiller la méfloquine et de proposer des schémas ACT ou la quinine chez le sujet infecté par le VIH est une urgence thérapeutique.
plus clindamycine.
Les sujets infectés par le VIH et dont l’état immunitaire est per-
turbé (CD4 < 350/mm3 ) sont à risque accru de présenter des formes Traitement des symptômes associés
symptomatiques de paludisme, de développer des formes sévères
et de décès [43, 44] . Peu de données sont disponibles concernant Les nausées et vomissements sont des manifestations fréquentes
les interactions médicamenteuses entre les traitements antirétro- du paludisme notamment chez les enfants. La fièvre, la fatigue,
viraux et les autres traitements habituels utilisés par les sujets certains médicaments notamment la méfloquine induisent des
infectés par le VIH et les traitements antipaludiques. Il appa- vomissements. Des antiémétiques sont habituellement proposés.
raît néanmoins que le risque de survenue d’effets indésirables est Il n’y a aucune donnée permettant de privilégier une molécule
antiémétique sur une autre. Néanmoins, l’association métoclo- Les recommandations françaises de 2007 [25] avaient positionné
pramide/atovaquone doit être contre-indiquée en raison du risque en première ligne pour le paludisme à P. falciparum d’importation
de sous-dosage de l’atovaquone. Parmi les causes d’échec du trai- l’association atovaquone/proguanil (Malarone® ) et l’association
tement per os, les nausées et les vomissements sont une cause artéméther/luméfantrine (Riamet® ). Ces recommandations res-
importante. C’est pour cela que l’intolérance digestive avec des tent valables, et sont en accord avec les recommandations de
vomissements non contrôlés par le traitement symptomatique l’OMS [27] . La quinine, la méfloquine et l’halofantrine sont pro-
constitue une contre-indication au traitement per os et est une posées en France en deuxième ligne en monothérapie alors que
indication à un traitement par voie intraveineuse. les recommandations britanniques et de l’OMS plus récentes
La fièvre doit également être traitée si elle est mal tolérée. proposent systématiquement des associations, par exemple, la
Néanmoins, des interactions médicamenteuses et une clearance quinine plus la clyndamycine ou la quinine plus la doxyxycline
parasitaire plus lente ont été rapportées sous paracétamol et ibu- chez le voyageur de retour de zone tropicale [27, 41] . L’halofantrine
profène. L’aspirine est contre-indiquée chez l’enfant compte tenu (Halfan® ) et la méfloquine (Lariam® ) ne devraient plus être pres-
du risque de syndrome de Reye. crits car il s’agit de monothérapies et en raison de la fréquence
d’effets indésirables.
Cette molécule est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité aux [3] Organisation Mondiale de la Santé. Rapport 2009 sur la
cyclines, chez l’enfant de moins de huit ans, et au cours du paludisme dans le Monde. www.who.int/malaria/world malaria
deuxième et troisième trimestre de grossesse. L’allaitement est report 2009/mal2009 summary and keypoints fr.pdf.
également une contre-indication relative. Les principaux effets [4] Feachem RG, Phillips AA, Hwang J, Cotter C, Wielgosz B, Greenwood
secondaires sont l’hypersensibilité avec des manifestations aller- BM, et al. Shrinking the malaria map: progress and prospects. Lancet
giques qui peuvent être sévères et la photosensibilisation. Ce 2010;376:1566–78.
médicament doit être administré au milieu d’un repas avec [5] O’Meara WP, Mangeni JN, Steketee R, Greenwood B. Changes
un verre d’eau (100 ml) et au moins une heure avant le cou- in the burden of malaria in sub-Saharan Africa. Lancet Infect Dis
cher [27, 41, 48] . 2010;10:545–55.
[6] Queyriaux B, Pradines B, Hasseine L, Coste S, Rodriguez P, Coffinet
Clindamycine (Dalacine® cp 150 mg, 300 mg) T, et al. Paludisme d’aéroport. Presse Med 2009;38:1106–9.
La posologie habituellement proposée est par voie orale de [7] Sainz-Elipe S, Latorre JM, Escosa R, Masià M, Fuentes MV,
20 mg/kg/j divisé en trois prises journalières. Dans les formes Mas-Coma S, et al. Malaria resurgence risk in southern Europe: cli-
mate assessment in an historically endemic area of rice fields at the
sévères, un traitement intraveineux est possible (Dalacine®
Mediterranean shore of Spain. Malar J 2010;9:221.
600 mg amp) à la posologie est de 10 mg/kg la première dose, sui-
[8] Toty C, Barré H, Le Goff G, Larget-Thiéry I, Rahola N, Couret D, et al.
vie de 5 mg/kg trois fois par jour. Les posologies pédiatrique sont
Malaria risk in Corsica, former hot spot of malaria in France. Malar J
les mêmes. La durée totale de traitement est de sept jours, avec un 2010;9:231.
relais per os dès que possible [27, 41, 48] . [9] Institut National de Veille Sanitaire. Paludisme.
www.invs.sante.fr/surveillance/paludisme/am paludisme.htm.
Autres traitements [10] World Health Organization (2006) From malaria control to elimination
in the WHO European region 2006-2015. Regional office for Europe,
En cas de troubles hémodynamiques, hypotension ou signes Copenhagen, Denmark.
périphériques de choc, le remplissage initial doit être prudent [11] Mali S, Steele S, Slutsker L, Arguin PM. Centers for Disease Control
sans dépasser 1000 ml de macromolécules. Si besoin, recourir à la and Prevention (2010) Malaria surveillance-United States. MMWR
dopamine (5 g/kg/min à 20 g/kg/min). Dans les états de choc, Surveill Summ 2008;59:1–15.
il est prudent d’associer une antibiothérapie (céphalosporine de [12] Ladhani S, Aibara RJ, Riordan FA, Shingadia D. Imported malaria in
3e génération) compte tenu de la fréquence des infections bacté- children: a review of clinical studies. Lancet Infect Dis 2007;7:349–57.
riennes. [13] Field V, Gautret P, Schlagenhauf P, Burchard GD, Caumes E, Jensenius
L’anémie est rarement majeure d’emblée et elle se présente ou M, et al. Travel and migration associated infectious diseases morbidity
se majore en cours d’évolution. Le recours aux transfusions san- in Europe, 2008. BMC Infect Dis 2010;10:330.
guines doit rester limité aux seuls cas avec une hémoglobine [14] Pistone T, Ezzedine K, Gaudin AF, Hercberg S, Nachbaur G, Malvy
inférieure à 6 g/dl ou avec des signes de mauvaise tolérance à D. Malaria prevention behaviour and risk awareness in French adult
l’ECG. travellers. Travel Med Infect Dis 2010;8:13–21.
Les données concernant l’intérêt thérapeutique des corticoïdes, [15] Casalino E, Lebras J, Chaussin F, Fichelle A, Bouvet E. Predictive
des transfusions plaquettaires (sauf en cas d’hémorragie ou de factors of malaria in travelers to areas where malaria is endemic. Arch
geste invasif), des héparines ou des héparines de bas poids molé- Intern Med 2002;162:1625–30.
culaire (HBPM), ou de l’exsanguinotransfusion sont limitées et ne [16] http://wwwnc.cdc.gov/travel/destinations/dominican-republic.aspx.
semblent pas suffisantes pour les proposer en pratique clinique [17] Kantele A, Jokiranta TS. Review of cases with the emerging fifth
courante. human malaria parasite, Plasmodium knowlesi. Clin Infect Dis
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[18] Bruneel F, Tubach F, Corne P, Megarbane B, Mira JP, Peytel E, et al.
Severe imported falciparum malaria: a cohort study in 400 critically ill
Conclusion adults. PLoS One 2010:5:e13236.
[19] William T, Menon J, Rajahram G, Chan L, Ma G, Donaldson S, et al.
Le diagnostic de paludisme est une urgence, tout retard diag- Severe Plasmodium knowlesi Malaria in a Tertiary Care Hospital,
nostic ou thérapeutique est responsable d’une majoration de la Sabah, Malaysia. Emerg Infect Dis 2011;17:1248–55.
morbimortalité. En France, le paludisme explique 25 % des cas de [20] Taylor SM, Molyneux ME, Simel DL, Meshnick SR, Juliano JJ. Does
fièvre ou symptômes au retour de zone tropicale, et P. falciparum this patient have malaria? JAMA 2010;304:2048–56.
est l’espèce plasmodiale la plus fréquemment en cause. L’absence [21] Kyriacou DN, Spira AM, Talan DA, Mabey DC. Emergency depart-
de fièvre ne doit pas faire négliger ce diagnostic, et la réalisation ment presentation and misdiagnosis of imported falciparum malaria.
Ann Emerg Med 1996;27:696–9.
d’un examen parasitologique est indispensable dans ce contexte.
[22] Kain KC, Harrington MA, Tennyson S, Keystone JS. Imported malaria:
La présence de fièvre (même avant la consultation), de frissons,
prospective analysis of problems in diagnosis and management. Clin
d’une thrombopénie et d’une élévation de la bilirubine, chez un Infect Dis 1998;27:142–9.
patient ayant séjourné en zone endémique, doit faire suspecter le [23] Svenson JE, Gyorkos TW, MacLean JD. Diagnosis of malaria in the
diagnostic de paludisme. febrile traveler. Am J Trop Med Hyg 1995;53:518–21.
La prise en charge thérapeutique du paludisme nécessite une [24] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE, Fisk T, Robins R, von Son-
évaluation précise de la gravité, des pathologies associées, des nenburg F, et al. Spectrum of disease and relation to place of exposure
caractéristiques démographiques et socioculturelles du patient, among ill returned travellers. N Engl J Med 2006;354:119–30.
afin de décider de la meilleure orientation et du schéma théra- [25] Recommandations pour la pratique clinique. Prise en
peutique le plus adapté. charge et prévention du paludisme d’importation. 2007.
Chez tous les patients non admis, avec un diagnostic prouvé http://www.sfmu.org/documents/consensus/rbpc paludisme-court.pdf.
de paludisme ou non, il est prudent de proposer une consultation [26] Murray CK, Gasser Jr RA, Magill AJ, Miller RS. Update on rapid
dans un service spécialisé afin de surveiller l’évolution clinique diagnostic testing for malaria. Clin Microbiol Rev 2008;21:97–110.
et l’efficacité et la tolérance du traitement, et d’insérer le patient [27] WHO. Guidelines for the treatment of malaria. 2010.
dans une filière de soins lui permettant de recevoir les conseils de http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789241547925 eng.pdf.
prévention adaptés lors d’un prochain séjour en zone d’endémie [28] Phillips A, Bassett P, Zeki S, Newman S, Pasvol G. Risk factors
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E. Casalino (enrique.casalino@bch.aphp.fr).
C. Choquet.
B. Doumenc.
Service d’accueil des urgences, Hôpital Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Casalino E, Choquet C, Doumenc B. Paludisme d’importation à P. falciparum. EMC - Médecine d’urgence
2012;7(2):1-11 [Article 25-090-B-20].
Dans les pays industrialisés, la généralisation des trithérapies antirétrovirales a transformé l’infection
par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) en une maladie chronique requérant un suivi au long
cours. Le recours à des soins en urgence reste cependant d’actualité devant une infection opportuniste
révélant parfois l’infection par le VIH, à l’occasion d’une complication iatrogène ou devant n’importe
quelle urgence non liée directement au VIH. Face à ces situations, le niveau d’immunodépression (taux
de lymphocytes CD4), les antécédents d’infections opportunistes et les traitements en cours sont autant
d’éléments d’orientation pour raisonner devant un tableau pulmonaire, digestif, neurologique, ophtal-
mologique ou dermatologique. Chez les patients non connus comme infectés par le VIH, l’approche
diagnostique est souvent complexe compte tenu de la spécificité des pathologies. Un test VIH peut être
réalisé en urgence, mais seulement quand ce résultat est déterminant pour la prise en charge immé-
diate et après information du patient. Ainsi, une symptomatologie orientant vers un déficit immunitaire
(amaigrissement, candidose buccale, diarrhée chronique, antécédent de zona, lymphopénie sévère, leu-
coplasie chevelue de la langue, etc.) doit conduire à la réalisation d’un test rapide. La pneumocystose,
pneumopathie bilatérale interstitielle et dyspnéisante, reste l’urgence respiratoire la plus fréquente et peut
être sévère en cas de retard au diagnostic, même si les pneumopathies, notamment à pneumocoques,
sont parfois également très rapidement évolutives. Sur le plan neurologique central, c’est la toxoplas-
mose, souvent révélatrice du VIH, qu’il faut évoquer systématiquement devant toute manifestation focale
fébrile ou ne justifiant pas la prescription empirique du traitement dès lors que le scanner a objectivé une
image d’abcès (aspect typique d’image en cocarde). Devant une éruption diffuse, a fortiori avec signes
de gravité, il faut évoquer systématiquement une toxicité médicamenteuse (névirapine, sulfamides, etc.)
particulièrement fréquente sur ce terrain. Enfin, deux points doivent être retenus : un patient infecté par
le VIH peut faire n’importe quel accident de santé indépendamment de son infection (notamment, des
complications cardiovasculaires pour lesquelles il a d’ailleurs des facteurs de risque supplémentaires), et
tout accident d’exposition au sang (et sexuel) doit être considéré en urgence, les antirétroviraux n’ayant
a priori un intérêt préventif que dans les toutes premières heures.
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■ Orientation diagnostique et prise en charge devant le statut sérologique est inconnu et chez qui la question du diag-
des troubles digestifs 6 nostic de l’infection par le VIH se pose et la prise en charge des
Signes œsophagiens 6 accidents d’exposition au sang ou sexuelle.
Diarrhée aiguë fébrile 6 Chez un patient séropositif connu consultant en urgence, un
Douleurs abdominales, associées à des rectorragies et de la fièvre 6 certain nombre d’éléments sont à prendre en compte : princi-
Hépatite cytolytique isolée 6 palement, le degré d’immunodépression (reflété par le taux de
Tableau biliaire 6 lymphocytes CD4 en nombre absolu et en pourcentage), les
Pancréatites 6 antécédents d’infections opportunistes ou de co-infection, les
Nausées ou vomissements isolés 6 antécédents médicaux en lien ou non avec l’infection au VIH,
Douleurs abdominales diffuses avec fièvre et altération de l’état la prise de traitements en précisant l’observance, les molécules,
général 6 la date d’instauration et des éventuelles modifications, la prise
Douleurs abdominales sans fièvre, ni troubles du transit 6 de prophylaxies primaires ou secondaires. L’avènement des tri-
■ Orientation diagnostique devant une fièvre 7 thérapies antirétrovirales hautement efficaces a engendré des
Patient séronégatif ayant présenté des facteurs de risque récents modifications épidémiologiques profondes au sein de la popu-
(moins d’un mois) 7 lation infectée avec la diminution de la mortalité, la réduction
Fièvre isolée aiguë ou persistante 7 de l’incidence des infections opportunistes, l’apparition d’effets
indésirables propres aux TARV, le vieillissement de la popula-
■ Atteintes cutanéomuqueuses 7
tion avec ses conséquences, notamment dans deux domaines
Toxidermies 7
(l’infection au VIH étant un facteur de risque spécifique sup-
Zona 7
plémentaire) : la majoration du risque cardiovasculaire et du
Affections cutanées ou cutanéomuqueuses banales 7
risque de cancers (cancers non classés dans les manifesta-
■ Conduite à tenir devant des anomalies de la formule sanguine 7 tions opportunistes tels que le cancer du poumon, du foie,
Conduite à tenir devant une thrombopénie isolée 8 etc.) [1, 3] .
Conduite à tenir devant une anémie isolée 8 Chez un patient dont le statut vis-à-vis du VIH n’est pas
Conduite à tenir devant une neutropénie isolée 8 connu, certains éléments ont valeur d’orientation : des signes
Conduite à tenir devant une atteinte de plusieurs lignées ou une évocateurs de primo-infection chez un sujet à risque, des symp-
pancytopénie 8 tômes évocateurs de déficit immunitaire ou d’une infection
■ Conduite à tenir devant des troubles de la vision 8 opportuniste.
Œil rouge et douloureux avec ou sans baisse de l’acuité visuelle 8
Baisse de l’acuité visuelle avec œil blanc et indolore 9
■
Baisse d’acuité visuelle d’origine centrale
Prise en charge d’un accident d’exposition au sang ou aux
liquides biologiques et d’exposition sexuelle aux urgences
9
10
“ Point important
Prise en charge immédiate 10 Symptômes potentiellement évocateurs d’un déficit
Évaluation du risque en cas d’accident d’exposition au sang 10
immunitaire chez un patient ignorant son infection par
Prise en charge lors d’une transmission possible 10
le virus de l’immunodéficience humaine (en dehors des
■ Conclusion 11 infections opportunistes spécifiques) :
• candidose buccale ;
• ulcérations buccales récidivantes ;
• leucoplasie chevelue de la langue ;
Introduction • dermite séborrhéique ;
• prurigo ;
La prise en charge des patients infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) relève, à l’heure actuelle, • zona ou antécédent de zona ;
d’un suivi au long cours émaillé d’épisodes ou de complications • herpès cutanéomuqueux extensif ;
aiguës [1] . La complexité allant grandissante, le suivi de ces patients • troubles des phanères (cheveux secs, fins et cassants) ;
s’avère souvent une affaire de spécialistes, maîtrisant le manie- • adénopathies périphériques persistantes sur plusieurs
ment des antirétroviraux. Un suivi régulier est indispensable afin sites ;
de prendre en compte toutes les facettes de la maladie, et notam- • infections récidivantes des voies aériennes supérieures ;
ment le contexte psychosocial. Cela permet de faciliter au mieux • pneumopathies récidivantes ;
l’observance aux traitements et est un élément indispensable pour • tuberculose pulmonaire récente ;
anticiper les complications opportunistes ou iatrogènes, l’objectif • diarrhée chronique ou récidivante ;
du suivi étant bien sûr qu’elles ne puissent jamais s’exprimer.
• amaigrissement inexpliqué.
Cela sous-entend que chaque patient ait un médecin et un ser-
vice référent dont il connaisse les coordonnées de façon à ce que le D’autres éléments tels que des comportements à risques
médecin urgentiste ou intervenant ponctuellement puisse obtenir présents ou passés (toxicomanie, rapports sexuels mul-
rapidement les informations utiles. tiples non protégés, etc.) ou l’origine géographique du
Les manifestations cliniques très variées rendent la démarche patient (Afrique subsaharienne notamment) peuvent être
diagnostique d’autant plus difficile qu’elles s’inscrivent dans un des signes d’alerte supplémentaires.
contexte étiologique polymorphe. Une consultation en urgence
peut être en rapport avec une symptomatologie liée au virus
lui-même, plus fréquemment avec une infection opportuniste Indépendamment du choix d’une stratégie de proposition large
secondaire à l’immunodépression acquise ou enfin être indirecte- d’un dépistage du VIH tout motif de recours aux urgences confon-
ment liée à l’infection par le VIH. Elle peut être également liée à un dus, la sérologie VIH peut être faite en urgence (« test rapide »
effet secondaire du traitement antirétroviral (TARV) ou des traite- disponible en quelques minutes), mais elle doit être réservée
ments spécifiques des infections opportunistes (à visée curative ou aux situations en pratique assez limitées (maladies opportunistes
prophylactique) [2] . Bien entendu, rien n’exclut par ailleurs qu’un requérant un traitement spécifique urgent) où son résultat aura
patient infecté par le VIH puisse avoir n’importe quel « accident » un impact réel et immédiat sur la prise en charge diagnos-
de santé totalement indépendant du VIH. Ces différents cas de tique ou thérapeutique du patient. Ainsi, devant un test rapide
figure font toute la complexité de l’approche de ces patients par positif, un traitement présomptif en urgence par cotrimoxazole
le médecin urgentiste. devant une pneumopathie bilatérale interstitielle dyspnéisante ou
En pratique, ces patients peuvent se présenter dans trois par l’association pyriméthamine/sulfadiazine devant une lésion
contextes différents : le patient séropositif connu, le patient dont focale cérébrale doit être initié. Si l’information du patient est la
Tableau 1.
Principaux signes cliniques d’orientation des atteintes pulmonaires chez un patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine.
Pneumocystose Tuberculose Pneumopathies bactériennes
Stade d’immunodépression ≤ 200 CD4/mm3 ou ≤ 15 % CD4 Tout stade Tout stade
Signes fonctionnels Dyspnée d’apparition progressive Altération de l’état général Toux
Amaigrissement toux plus moins productive Expectoration parfois purulente
Fièvre Sueurs nocturnes Fièvre
Toux sèche Début progressif Début aigu ou subaigu
Évolution allant de quelques jours à
quelques semaines
Clinique Examen normal pour 50 % Absence de foyer Syndrome de condensation à l’auscultation
Polypnée
Tachycardie
Râles diffus
Pas de prophylaxie (cotrimoxazole)
règle pour la réalisation du test, l’annonce du diagnostic ne devra influencer le traitement (cf. infra). De même, un délai d’évolution
pas être faite à cette occasion en cas de positivité (nécessité d’une des symptômes prolongé est un facteur de mauvais pronostic.
confirmation, contexte en règle non favorable). Une élévation marquée des lactodéshydrogénase (LDH) n’est pas
Une approche syndromique a été choisie ici afin de prendre en spécifique, mais contribue à l’orientation diagnostique.
considération les principaux motifs de consultation en urgence L’expression radiologique est très polymorphe : typiquement,
des patients infectés par le VIH, en insistant sur les diagnostics on retrouve des opacités diffuses alvéolo-interstitielles bilatérales,
correspondant aux grandes « urgences » [4, 5] . mais une radiographie de thorax normale n’élimine pas le diag-
nostic surtout à un stade précoce (Tableau 2).
Plus rarement est mis en évidence des pseudokystes ou un pneu-
“ Point important mothorax (un pneumothorax chez un patient infecté par le VIH
doit faire évoquer le diagnostic).
La fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire (LBA)
Éléments nécessaires au raisonnement diagnostique chez et mise en évidence du germe après coloration est indispensable
un patient infecté par le virus de l’immunodéficience pour confirmer le diagnostic. En pratique, la réalisation de cet exa-
humaine (VIH) présentant une manifestation clinique : men, très rarement disponible en urgence et fait habituellement
• stade de l’infection ; le lendemain, ne doit pas retarder l’initiation du traitement qui
• antécédents d’infection opportuniste ; n’influencera pas le résultat (persistance des Pneumocystis long-
temps après le début du cotrimoxazole).
• taux de lymphocytes CD4 ;
Le traitement par cotrimoxazole (Bactrim® ) doit être débuté
• vitesse de progression de la maladie (acide ribonu- rapidement, par voie orale (deux comprimés × 3 de Bactrim
cléique [ARN] plasmatique du VIH) ; Forte® ) ou parentérale s’il y a des critères de gravité (trimétho-
• traitements : antirétroviraux et prophylaxies. prime/sulfaméthoxazole : 15/75 mg/kg par jour en trois prises, soit
deux ou trois ampoules toutes les six heures pendant 21 jours).
On y adjoint une corticothérapie (1 mg/kg par jour de prednisone
sur cinq jours, puis 0,5 mg/kg sur cinq jours, puis 0,25 mg/kg sur
11 jours ou de la méthylprednisolone chez l’adulte à la dose de
Atteintes respiratoires [6, 7]
240 mg/j sur trois jours, de 120 mg/j sur trois jours, de 60 mg/j
sur trois jours) en cas d’hypoxie inférieure à 70 mmHg. À noter
Les atteintes respiratoires au cours de l’infection par le VIH sont vers le dixième jour le risque d’une allergie se traduisant par
fréquentes (de 60 à 80 % des patients sont concernés) et dominées une reprise fébrile brutale alors que le patient va mieux ! Dans
par les pneumopathies bactériennes. Elles sont le plus souvent les formes sévères, l’alternative au cotrimoxazole est la pentami-
d’origine infectieuse (Tableau 1), mais peuvent être tumorales. Les dine administrée par voie intraveineuse à la dose de 3 ou 4 mg/kg
co-infections sont possibles. On constate actuellement une dimi- par jour [7, 8] . À l’issue du traitement d’attaque, une prophylaxie
nution de l’incidence de la pneumocystose qui reste cependant secondaire par un comprimé de Bactrim® adulte est indispensable
la pathologie inaugurale du sida la plus fréquente (32 % des cas pour éviter une récidive jusqu’à la remontée du taux de CD4 au-
en 2009), une stabilité de la tuberculose et une augmentation des dessus de 200/mm3 . La prophylaxie primaire (même posologie)
pneumopathies bactériennes. chez tout patient découvert infecté par le VIH avec des CD4 au-
dessous de ce seuil a une excellente efficacité pour éviter cette
Pneumocystose [7] infection opportuniste.
Tableau 2.
Principales étiologies à évoquer selon l’aspect radiologique au cliché thoracique chez un patient positif au virus de l’immunodéficience humaine.
Radiographie normale Opacités interstitielles diffuses Opacités alvéolaires et macronodules localisés
Pneumocystose au stade précoce Pneumocystose Pneumopathies bactériennes
Pneumopathies au stade de début Aspergillose Tuberculose
Tuberculose (stade initial et déficit immunitaire sévère) Cryptococcose Mycobactérioses atypiques
Maladie de Kaposi
Tuberculose
Tableau 3.
Particularités des atteintes radiologiques dans la tuberculose pulmonaire selon le stade d’immunodépression.
Taux de CD4 ≥ 350/mm3 De 250 à 100/mm3 ≤ 50/mm3
Caractéristiques Infiltrat fibronodulaire des Atteinte des bases ou diffusant Atteinte des lobes inférieurs ou moyens
sommets avec ou sans cavité au parenchyme (miliaire) Images de cavité moins fréquentes
hypodenses, avec un rehaussement annulaire à l’injection du pro- Orientation diagnostique devant un tableau
duit de contraste, le pourtour de la lésion étant le siège d’un
œdème périlésionnel (effet de masse). d’encéphalite [10, 13]
L’IRM permet de mieux préciser les caractéristiques des lésions Encéphalite à cytomégalovirus
et constitue l’examen de choix.
Devant ce tableau radioclinique et en l’absence de test diag- Bien que devenue rare, on évoquera en premier lieu une encé-
nostique formel, un traitement présomptif par pyriméthamine phalite à CMV chez les patients très immunodéprimés et devant
(100 mg le premier jour, puis 50 mg/j) et sulfadiazine (4 g/j) asso- une atteinte des fonctions supérieures (troubles cognitifs, confu-
ciées à l’acide folinique (25 mg/j) peut être instauré en urgence (le sion, troubles de la conscience, etc.) très rarement associée à un
cotrimoxazole est une alternative possible). Son efficacité, éva- déficit focal dans un contexte fébrile d’évolution subaigu. L’IRM
luée vers le quinzième jour, confirme le diagnostic. Les doses cérébrale peut être normale ou mettre en évidence une prise
d’attaque seront maintenues six semaines avant le passage en trai- de contraste des parois ventriculaires, voire une lésion focale.
tement d’entretien (une demi-dose, prophylaxie secondaire). Si L’étude du LCS a valeur d’orientation diagnostique (présence
besoin, on adjoindra des traitements symptomatiques, anticon- d’une méningite lymphocytaire, positivité de la PCR aux CMV)
vulsivants, antalgiques et corticoïdes, afin de réduire l’œdème et pronostique (pression du LCS et glycorachie). Il est indispen-
périlésionnel. sable de rechercher d’autres localisations de l’infection à CMV
(rétinienne, digestive, etc.). Le traitement d’attaque par le ganci-
clovir ou le foscarnet (en monothérapie ou en association) doit
Collections bactériennes pyogènes être débuté rapidement en milieu spécialisé.
ou tuberculeuses [12]
L’abcès à pyogènes entraîne un tableau clinique plus bruyant, Principaux diagnostiques différentiels
mais pouvant être masqué par l’immunodépression. On évoquera en milieu spécialisé :
La tuberculose neuroméningée focalisée se présente soit sous • les méningo-encéphalites virales (herpes simplex virus [HSV] 1 et
forme de tuberculome (lésion « immuno-inflammatoire » pauvre 2 ou varicella-zoster virus [VZV] : intérêt des PCR dans le LCS) ;
en BAAR : il s’agit alors de lésions uniques ou multiples super- • la LEMP (cf. supra) ;
ficielles avec prise de contraste annulaire et peu d’œdème), soit • la toxoplasmose dans sa rare forme encéphalitique diffuse (sans
sous forme d’abcès (lésion riche en BAAR, en règle unique, volu- lésion focale ; intérêt de la PCR toxoplasmose) ;
mineuse, polylobée avec œdème périlésionnel et rehaussement • la primo-infection à VIH symptomatique (méningite ou
périphérique). Une méningite lymphocytaire hypoglycorachique méningo-encéphalite aseptique) ;
est un argument supplémentaire. En l’absence de contre- L’encéphalite à VIH reste un diagnostic d’élimination malgré
indication, une PL pour rechercher le bacille de Koch est nécessaire un aspect à l’IRM parfois évocateur (atrophie corticale, atteinte
avant de commencer le traitement (quadrithérapie antitubercu- bilatérale de la substance blanche sans prise de contraste, ni effet
lose et corticothérapie). de masse).
toucher une ou plusieurs lignées : thrombopénie et/ou syndrome Conduite à tenir devant une neutropénie
mononucléosique au cours de la primo-infection, cytopénies iso-
lées ou associées (d’autant plus importantes et fréquentes que isolée
l’infection est évoluée) soit liées au VIH lui-même (périphériques C’est une étiologie médicamenteuse qui est généralement en
ou centrales), soit dans le cadre d’une manifestation opportu- cause, les molécules le plus souvent retrouvées étant l’AZT, la pyri-
niste (lymphome, mycobactériose, leishmaniose, etc.), soit enfin méthamine (en l’absence d’une coprescription d’acide folinique),
iatrogène (anémie à azidothymidine [AZT]), neutropénie à la pyri- les sulfamides (cotrimoxazole, sulfadiazine, etc.), le ganciclovir,
méthamine ou au ganciclovir, etc. En pratique, même si elle est etc. Le VIH peut être en cause, mais dans ce cas la neutropénie est
devenue plus rare, c’est la thrombopénie auto-immune qui pose le
rarement isolée. À noter la neutropénie « idiopathique » des sujets
plus de problème aux urgentistes. Seules les situations concernant
d’origine africaine qui est fréquente.
l’urgence seront abordées ici [20] .
Lampe à fente
Fond d’œil Rechercher une
± Angiographie atteinte du nerf
± Ponction de la chambre optique ou des
Uvéite Kératoconjonctivite antérieure (PCR,CMV, voies visuelles par
Cause médicamenteuse : ± uvéite EBV, Toxoplasma) IRM cérébrale
– rifabutine, ciclovir Zona ophtalmique
– inhibiteurs de protéases Autres causes :
Autres causes : – syndrome sec
– candidose – herpès (HSV) Rétinite infectieuse
– syphillis
– Candida
– uvéite liée à la reconstitution
immunitaire sous trithérapie Taux de CD4
(antécédent de rétinite à CMV)
Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une baisse de l’acuité visuelle chez un patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine.
PCR : polymerisation chain reaction ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : Epstein-Barr virus ; CD4 : taux de lymphocytes CD4 ; i.v. : voie intraveineuse ; HSV : herpes
simplex virus ; VZV ; varicella-zoster virus ; IRM : imagerie par résonance magnétique.
périphérie de l’œil, permet de poser le diagnostic. Le syndrome Ce traitement est efficace à la fois sur le CMV, cause la plus fré-
sec, fréquent chez le patient VIH, est une autre cause fréquente de quente de rétinite, et sur le VZV plus rarement en cause. D’autres
kératite. étiologies plus rares peuvent cependant donner des rétinites et
Enfin, il peut s’agir d’une uvéite antérieure soit d’origine médi- nécessiteront un traitement spécifique (toxoplasmose, tubercu-
camenteuse (rifabutine, inhibiteurs de protéase), soit d’origine lose, syphilis, candidose).
infectieuse (toxoplasmose, syphilis, candidose). Une uvéite peut L’aspect des lésions permet souvent d’orienter le diagnostic, et
également se voir dans le cadre d’une reconstitution immunitaire la ponction de la chambre antérieure permet parfois de retrouver
chez les patients ayant un antécédent de rétinite CMV. Dans tous l’agent pathogène par PCR.
les cas d’uvéite et de kératite, notamment d’origine virale, la prise En dehors des causes infectieuses, la microangiopathie réti-
en charge ophtalmologique spécialisée rapide est indispensable nienne est une cause très fréquente de baisse de l’acuité visuelle.
sous peine de lésions cicatricielles définitives. Le lymphome oculaire est plus rare.
Baisse de l’acuité visuelle avec œil blanc Baisse d’acuité visuelle d’origine centrale
et indolore Si on ne retrouve aucune cause ophtalmologique pour expliquer
Il est nécessaire d’effectuer un fond d’œil en urgence, à la une baisse d’acuité visuelle, il est nécessaire de réaliser une IRM
recherche d’une rétinite qui imposera de commencer un trai- cérébrale à la recherche d’une cause rétro-orbitaire. Il peut s’agir
tement par ganciclovir (ou foscarnet) par voie intraveineuse en d’une atteinte du nerf optique ou des voies visuelles. Une PL est
urgence [24, 25] . alors souvent nécessaire pour étayer le diagnostic.
Tableau 4.
Évaluation du risque et indication de traitement en cas d’exposition au sang (d’après [9] ).
Risque Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie
inconnue
Important Piqûre profonde avec aiguille creuse après Traitement recommandé Traitement recommandé si le sujet source est
geste en intraveineux ou artériel à risque élevé (partenaires sexuels multiples,
originaire d’une zone de forte endémie,
toxicomanie intraveineuse)
Intermédiaire Piqûre avec aiguille à suture (aiguille pleine) Traitement recommandé (sauf si Traitement recommandé si le sujet source est
ou après geste en injection intramusculaire une charge virale récente du sujet à risque élevé (partenaires sexuels multiples,
ou sous-cutanée source est connue et indétectable) originaire d’une zone de forte endémie,
Coupure par bistouri toxicomanie intraveineuse)
Expositions cutanéomuqueuses a avec temps
de contact > 15 min
Minime Expositions cutanéomuqueuses a avec temps Traitement non recommandé
de contact < 15 min
Morsures, griffures, contact avec un autre
liquide biologique (par exemple, salive,
crachat, urines, etc.), piqûre avec seringue
abandonnée
Prise en charge d’un accident hépatite B (avec dosage quantitatif des anticorps anti-Hb S
chez le personnel soignant), sérologie hépatite C, alanine
d’exposition au sang aminotransférase (ALAT), éventuellement VDRL/TPHA.
ou aux liquides biologiques
et d’exposition sexuelle Évaluation du risque en cas d’accident
d’exposition au sang
aux urgences [26, 27]
Tableau 5.
Évaluation du risque et indication de traitement en cas d’exposition sexuelle (d’après [9] ).
Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie inconnue
Rapport anal réceptif Traitement recommandé Traitement recommandé si le sujet source est à risque élevé
(partenaires sexuels multiples, originaire d’une zone de forte
endémie, toxicomanie intraveineuse ou facteurs physiques
augmentant le risque chez la personne exposée : viol, ulcération
génitale ou anale, IST, saignement)
Rapport anal insertif Traitement recommandé (sauf si une Traitement recommandé si sujet source à risque élevé (partenaires
Rapport vaginal (réceptif et insertif) charge virale récente du sujet source sexuels multiples, originaire d’une zone de forte endémie,
est connue et indétectable) a toxicomanie intraveineuse ou facteurs physiques augmentant le
Rapport oral (fellation)
risque chez la personne exposée : viol, ulcération génitale ou anale,
IST, saignement)
Tableau 6.
Évaluation du risque d’accident d’exposition au sang et indication de traitement en cas de partage de matériel d’injection (d’après [9] ).
Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie
inconnue
Partage de seringues/aiguilles et/ou de la Traitement recommandé (sauf si une charge virale Traitement recommandé
préparation (risque important) récente du sujet source est connue et indétectable)
Partage du récipient, de la cuillère, du filtre Traitement non recommandé Traitement non recommandé
ou de l’eau de rinçage
[26] Tubiana R, Lot F. Prévention des risques d’exposition aux virus chez [27] Deuffic-Burban S, Delarocque-Astagneau E, Abiteboul D, Bouvet E,
les professionnels de santé et prophylaxie d’exposition. In: Girard PM, Yazdanpanah Y. Blood-borne viruses in health care workers: preven-
Katlama C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011. tion and management. J Clin Virol 2011;52:4–10.
C. Cauquil.
J. Cailhol.
B. Cazenave.
H. Gros.
C. Pizzocolo.
S. Abgrall.
O. Bouchaud (olivier.bouchaud@avc.aphp.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Avicenne, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Cauquil C, Cailhol J, Cazenave B, Gros H, Pizzocolo C, Abgrall S, et al. Infection par le virus de
l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences. EMC - Médecine d’urgence 2014;9(3):1-12 [Article 25-090-B-30].
Infections génitales
B. Chaine, M. Janier
La plupart des infections génitales sont des infections sexuellement transmissibles et, bien qu’elles ne
menacent qu’exceptionnellement le pronostic vital, leur prise en charge doit être rapide, idéalement en
urgence, afin de rompre la chaîne de contamination et d’empêcher les complications en particulier
l’orchiépididymite aiguë et la salpingite aiguë. Depuis 1998, nous assistons dans les pays occidentaux à
la réémergence de maladies infectieuses qui avaient pratiquement disparu comme la gonococcie, la
syphilis et la lymphogranulomatose vénérienne. Ces trois infections touchent préférentiellement les
homosexuels masculins et indiquent un relâchement manifeste de la prévention favorisant la
transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il faut encourager la prévention par
l’utilisation systématique du préservatif. Nous envisagerons les principaux syndromes susceptibles de
conduire un patient à consulter en urgence pour une infection génitale, leurs complications et le
traitement probabiliste de chaque syndrome.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Infection sexuellement transmissible ; Ulcération génitale ; Balanite ; Urétrite ; Leucorrhées
Médecine d’urgence 1
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
2 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
Médecine d’urgence 3
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
Urétrite Urétrite
avec sans
écoulement écoulement
Bandelette leucocytaire
Recherche de diplocoques
estérasique sur les urines
à Gram négatif
de milieu de miction
Traitement
Traitement ECBU
Traitement antichlamydien
antigonococcique
antichlamydien
et antichlamydien
Traitement
adapté
Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une urétrite. ECBU : examen cytobactériologique des urines.
Tableau 1. Tableau 2.
Traitements des urétrites. Traitements de l’épididymite du sujet jeune.
Traitement de l’urétrite gonococcique Doxycycline : 200 mg × 2/j per os pendant 14 jours
Ceftriaxone (Rocéphine®) 500 mg i.m. dose unique + ceftriaxone (Rocéphine®) 500 mg i.m. en dose unique
®
Ou céfixime (Oroken ) 400 mg per os dose unique Ou ofloxacine (Oflocet®) : 200 mg × 2/j pendant 10 jours
En cas d’allergie aux bêtalactamines : i.m. : intramusculaire.
– spectinomycine (Trobicine®) 2 g i.m. dose unique
– ou ciprofloxacine (Ciflox®) 500 mg per os dose unique
Dans tous les cas : traitement antichlamydien systématique alitement et mise en place d’un suspensoir. Lorsqu’il existe des
Traitement de l’urétrite chlamydienne arguments cliniques en faveur de CT, en particulier lorsque la
En première intention bandelette urinaire est négative, la doxycycline est le traitement
Doxycycline 100 mg × 2/j per os pendant 7 jours de référence (Tableau 2) [14]. En cas d’orchiépididymite satellite
Ou azithromycine (Zithromax®) 1 g per os dose unique d’une infection urinaire, on préfère un traitement par les
En deuxième intention quinolones, par exemple, ofloxacine. Même si les orchiépididy-
mites gonococciques sont actuellement rares, un traitement
Érythromycine 1 g × 2/j pendant 7 jours
antigonococcique est largement prescrit chez les sujets jeunes en
Ou ofloxacine (Oflocet®) 200 mg × 2/j pendant 7 jours
cas d’urétrite. Du fait de la résistance fréquente du gonocoque
i.m. : intramusculaire. aux fluoroquinolones, la prescription de fluoroquinolones ne se
justifie que si le risque de gonococcie est faible (absence
d’écoulement urétral) et celui d’infection par une entérobactérie
endo-urétrale, etc.). Il s’agit, en fait, de la seule véritable urgence élevé (suspicion d’infection urinaire) [13].
en vénéréologie masculine. Le diagnostic est très facile devant
une grosse bourse unilatérale, rouge, chaude, douloureuse avec
fièvre. Le contexte peut être évocateur en cas de signes urétraux,
Prostatite
en particulier, un écoulement urétral ou une urétrite récente. Le La prostatite aiguë est rarement d’origine vénérienne. Seul
seul diagnostic différentiel important est la torsion aiguë du NG peut être responsable de prostatite aiguë caractérisée par des
testicule (extrême urgence chirurgicale) survenant, en principe, signes urinaires, une pollakiurie, des douleurs périnéales et une
dans un contexte d’apyrexie. Dans ce cas, la douleur est fièvre élevée. CT n’est que très rarement responsable de prosta-
d’apparition brutale et touche l’ensemble du contenu scrotal tite aiguë. En fait, il s’agit le plus souvent d’une prostatite
alors que dans l’épididymite, la douleur est classiquement satellite d’une infection urinaire. Les signes d’appel sont parfois
progressive et localisée à l’épididyme tuméfié. La seule suspicion non spécifiques, limités à un syndrome grippal. Seul le toucher
de torsion du cordon spermatique doit conduire à une inter- rectal retrouvant une douleur à la palpation de la prostate
vention chirurgicale sans délai. Aucun examen complémentaire évoque le diagnostic. Les examens complémentaires sont les
ne doit retarder l’intervention pour exploration et détorsion mêmes que ceux pratiqués devant une orchiépididymite aiguë,
éventuelle. L’unique intérêt de l’échographie est de confirmer le complétés d’une échographie prostatique. La bandelette urinaire
diagnostic clinique d’épididymite lorsqu’il est probable et qu’il doit être faite avant et après le toucher rectal car elle peut être
n’y a pas de doute. Les examens complémentaires sont les négative initialement et ne se positiver qu’après toucher rectal
mêmes que pour une urétrite, auxquels on peut ajouter une et palpation de la prostate. Le traitement de la prostatite à NG
sérologie de CT. L’hospitalisation peut être nécessaire avec est la ceftriaxone 1 g parentéral par jour pendant 7 à 10 jours.
4 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
■ Principales étiologies
chez la femme
Leucorrhées et infections génitales basses
Les leucorrhées physiologiques ont, chez une même femme,
à chaque cycle, des caractères similaires. Lorsqu’elles se modi-
fient en couleur, abondance, aspect et/ou odeur, elles sont dites
pathologiques [15]. Elles traduisent une inflammation vaginale
(vaginite), le plus souvent d’origine infectieuse et peuvent être
associées à une irritation vulvaire (vulvovaginite) avec prurit,
dysurie, dyspareunie. Les affections principales qui provoquent
des leucorrhées sont la trichomonose qui est une IST, la
vaginose bactérienne (VB) et la candidose qui ne sont pas des
IST. Les cervicites gonococciques et chlamydiennes peuvent
aussi s’accompagner de leucorrhées.
Vulvovaginite
Figure 3. Vaginose bactérienne.
Le diagnostic étiologique est souvent suspecté sur l’aspect des
leucorrhées : abondantes et spumeuses en cas de trichomonose,
abondantes et nauséabondes en cas de VB et caillebottées en cas Tableau 3.
de candidose. Quelques examens simples et directs permettent Traitements de la vulvovaginite à Trichomonas vaginalis, de la vaginose
d’établir le diagnostic. Un pH supérieur à 4,5 est évocateur de bactérienne et de la vulvovaginite candidosique aiguë.
trichomonose et de vaginose. L’examen des leucorrhées à l’état
frais peut retrouver du TV, des clue cells évocatrices de vaginose, Traitement de la vulvovaginite à Trichomonas vaginalis
ou des levures et filaments en cas de candidose. Le test à la Traitement court per os
potasse à 10 % permet de suspecter une vaginose en cas d’odeur Métronidazole (Flagyl®) : 2 g dose unique
de poisson pourri. Les cultures sont plus sensibles que l’examen Ou nimorazole (Naxogyn®) : 2 g dose unique
direct et sont réalisées dans le même temps. Un examen des La consommation d’alcool est déconseillée pendant le traitement
parois vaginales et du col (au spéculum) est systématique avec
Ou traitement long local
recherche de NG et de CT à l’endocol en cas de cervicite
associée. La trichomonose est la première cause d’IST dans le Métronidazole (Flagyl®) : 1 ovule par jour pendant 6 jours
monde. L’incubation dure entre 4 et 28 jours. La forme Traitement de la vaginose bactérienne
subaiguë, qui associe des leucorrhées (plus ou moins abondan- Traitement long per os
tes, parfois jaunes ou vertes, parfois spumeuses), des signes Métronidazole (Flagyl®) : 1 cp à 500 mg matin et soir pendant 7 jours
d’urétrite, et un prurit, est la plus fréquente (60 % à 70 % des La consommation d’alcool est déconseillée pendant le traitement
cas). Il n’y a pas d’atteinte de l’endocol donc pas, à proprement Ou traitement long local
parler, de cervicite. La forme aiguë est rare, moins de 10 % des
Métronidazole (Flagyl®) : 1 ovule par jour pendant 6 jours puis
cas. Les leucorrhées sont alors très abondantes, mousseuses et
aérées, jaunâtres, blanchâtres ou verdâtres, avec une odeur de Gyno-pévaryl LP 150® : 1 ovule unique
plâtre frais. Le prurit intense est associé à une dyspareunie, et à Traitement de la vulvovaginite candidosique aiguë
des troubles urinaires (brûlures mictionnelles, pollakiurie, etc.). Gyno-pévaryl® LP 150 ou Lomexin 600® ou Monazol® : 1 ovule (ou cap-
Une cervicite est possible. Le diagnostic repose sur un pH sule) dans le vagin le soir en position allongée
supérieur à 4,5 et la présence de TV à l’examen direct confirmé Ou fluconazole per os : 150 mg dose unique
par la culture. Elle est fréquemment associée à la VB dans un Associé à une crème ou à un lait imidazolé : 1 application par jour pen-
syndrome qui traduit un déséquilibre de la flore vaginale avec dant 1 semaine
remplacement des lactobacilles (flore de Döderlein) par des Ou crème à la ciclopiroxolamine : 2 applications par jour pendant 1 se-
micro-organismes commensaux : anaérobies, Mycoplasma maine
hominis et Gardnerella vaginalis dont la prolifération est respon-
sable des symptômes (leucorrhées malodorantes). La VB est la
cause la plus fréquente des leucorrhées (Fig. 3). Le partenaire
traitement des trois principales causes de vulvovaginite est
masculin est très rarement atteint (balanite) et le traitement de
précisé dans le Tableau 3. Chez la femme enceinte, seuls les
celui-ci n’a pas d’impact sur le caractère souvent récidivant de
traitements locaux sont envisageables (Fig. 4).
la VB. Le diagnostic repose sur la présence de leucorrhées
homogènes nauséabondes et liquides, de clue cells à l’examen à
l’état frais, d’un pH vaginal supérieur à 4,5 et d’une odeur de
Cervicite mucopurulente
poisson avarié lors du test à la potasse à 10 %. La candidose La cervicite mucopurulente est une inflammation de l’endo-
vulvovaginale est elle aussi provoquée par un déséquilibre de la col se traduisant à des degrés variables par : un écoulement
flore vaginale avec prolifération de levures saprophytes : le plus purulent ou mucopurulent à l’orifice cervical, et/ou un col
souvent Candida albicans. Une vulvite érythémateuse, œdéma- inflammatoire et saignant au contact, et/ou la présence de
teuse et prurigineuse est au premier plan, mais les parois polynucléaires sur le frottis endocervical. Les deux micro-
vaginales sont parfois atteintes avec des leucorrhées adhérentes, organismes responsables de cervicite sont, par ordre de fré-
peu abondantes et typiquement caillebottées. L’examen clinique quence, CT et NG [16], mais le plus souvent, aucun des deux
est suffisant pour affirmer le diagnostic. Le pH vaginal est n’est retrouvé. En outre, la plupart des femmes infectées par CT
normal. La présence de nombreuses levures à l’examen direct et ou par NG ont un col normal. L’aspect clinique ne permet en
de nombreuses colonies en culture sur milieu de Sabouraud sont aucun cas de préjuger de l’étiologie. Le plus souvent, la cervicite
évocatrices du diagnostic. La candidose vulvovaginale est très ne provoque aucun symptôme, mais des leucorrhées sont
fréquente ainsi que les rechutes, favorisées par la période possibles (cervicovaginite), voire une irritation vulvaire (cervico-
prémenstruelle, une antibiothérapie orale, plus rarement par vulvo-vaginite). Dans ce cas, les leucorrhées purulentes, d’appa-
une immunodépression ou la grossesse. Le partenaire masculin rition récente, s’accompagnent parfois d’urétrite (brûlures
est rarement atteint (balanite) et le traitement de celui-ci mictionnelles, dysurie, œdème et rougeur du méat avec bande-
n’influe en rien sur l’évolution de la candidose féminine. Le lette urinaire négative), de métrorrhagies, de douleurs cervicales,
Médecine d’urgence 5
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
Caillebottées Non
Abondantes spécifiques
Abondantes Blanchâtres
spumeuses
Odeur
Odeur
de poisson pourri
de plâtre frais
Gyno-pévaryl ®
Flagyl ® per os : Flagyl ® per os : Gyno-pévaryl ®
LP 150
7 jours dose unique LP 150
ou ovules 6 jours ou ovules 6 jours et Flagyl ® :
per os 6 jours
6 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
Tableau 4.
Traitement des infections génitales hautes. Durée 15 à 20 jours.
Protocole 1
Amoxicilline-acide clavulanique (500 mg × 4/j) i.v. ou per os
+ doxycycline i.v. 100 mg × 2/j relais per os
Ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 2
Ceftriaxone i.m. 500 mg/j
+ doxycycline i.v. 100 mg × 2/j relais per os
+ métronidazole per os 500 mg × 4/j ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 3
Céfotétan i.m. 1g × 2/j
+ doxycycline per os 100 mg × 2/j ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 4
Pristinamycine per os 500 mg × 2/j
+ ofloxacine per os 200 mg × 2/j Figure 5. Chancre de syphilis.
Protocole 5
Clindamycine per os 75 mg × 3/j
+ ofloxacine per os 200 mg × 2/j
i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux.
“ Point fort
rait que les présentations atypiques soient devenues la norme.
Cliniquement, le seul élément prédictif de chancre mou est la
présence d’un bubon. Le diagnostic d’herpès peut également
Il faut initier un traitement quand des critères minimaux être facilité par des antécédents d’herpès génital (notion de
récurrence) et par l’existence ou la précession de l’ulcération
d’infections génitales hautes sont réunis : douleurs
génitale par des vésicules (Fig. 6). Chez la femme, la primo-
pelviennes, douleurs à la mobilisation cervicale, infection herpétique se manifeste par des symptômes particuliè-
leucorrhées. rement bruyants et douloureux. L’examen clinique chez une
patiente fébrile, fatiguée, refusant de s’asseoir, montre un
œdème considérable des petites lèvres parsemées de vésicules,
■ Étiologies communes à l’homme rapidement érodées, recouvertes d’un enduit blanc jaunâtre,
sales, extrêmement douloureuses, empêchant l’exploration du
et la femme vagin et du col où existent également des lésions érosives dans
90 % des cas. L’éruption peut s’étendre jusqu’à l’anus, ainsi
qu’aux grandes lèvres et jusqu’aux plis cruraux. Des adénopa-
Ulcération génitale thies sont généralement présentes, douloureuses à la palpation.
Toute lésion érosive génitale d’allure récente est à considérer Un syndrome méningé avec céphalées et raideur de nuque est
a priori comme une IST. fréquent, mais également des signes de radiculite, tels que
Le premier diagnostic à envisager chez l’homme est la dysurie, allant parfois jusqu’à la rétention d’urines, des troubles
syphilis (soit primaire avec son chancre d’inoculation (Fig. 5), sensitifs (paresthésies ou hypœsthésies). Ces symptômes peu-
soit secondaire avec les syphilides érosives et la roséole) car elle vent parfois précéder l’éruption de quelques jours et alors être
est actuellement en recrudescence en Europe et en France [20]. de diagnostic difficile. Les autres étiologies d’ulcération génitale
Médecine d’urgence 7
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
Tableau 5. Anorectite
Traitement présomptif d’une ulcération génitale a priori sexuellement
transmise. Tous les micro-organismes susceptibles de provoquer des IST
®
des organes génitaux externes peuvent également, en cas de
Benzathine benzyl-pénicilline G (Extencilline ) 2,4 millions d’unités
rapports sexuels anorectaux, provoquer des IST anorectales.
i.m. dose unique
Celles-ci sont particulièrement fréquentes chez l’homosexuel
Ou en cas d’allergie à la pénicilline : doxycycline 200 mg/j per os durant
masculin. Il peut s’agir soit de la localisation anale d’une
3 semaines
ulcération (herpès, syphilis, etc.) soit d’une anorectite à
+ azithromycine : 1 g per os en dose unique gonocoque, mais surtout à Chlamydia (épidémie de lymphogra-
Ou érythromycine 500 mg × 4 par jour per os pendant 10 jours nulomatose aiguë vénérienne en Europe de l’Ouest) [27, 28]. Les
± valaciclovir (Zélitrex®): 2 comprimés per os par jour durant 10 jours signes cliniques évocateurs d’une anorectite sont : un prurit
(primo-infection) anal, des douleurs anorectales avec diarrhée ou constipation,
Ou 2 comprimés per os par jour durant 5 jours (récurrence) ténesme, écoulement anal purulent ou sanglant ou des selles
i.m. : intramusculaire.
enrobées de pus [29]. Le diagnostic différentiel peut se poser avec
les maladies inflammatoires du tube digestif, voire avec un
sont les ulcérations mécaniques ou caustiques, les toxidermies lymphome digestif d’autant plus qu’une altération de l’état
bulleuses au stade érosif, les dermatoses bulleuses et les aphtes général est possible. L’anuscopie retrouve des ulcérations
génitaux, en général situés sur le scrotum. L’Organisation rectales et permet de réaliser des prélèvements à la recherche de
mondiale de la santé (OMS) recommande un traitement empi-
.
CT en PCR et de gonocoque en culture. La sérologie de CT
rique des ulcérations génitales fondé sur les étiologies locales constitue un argument indirect avec l’élévation significative du
probables sans chercher à finaliser le diagnostic. Cette stratégie taux des immunoglobulines A (IgA). En cas de suspicion de
semble très efficace si le traitement est donné immédiatement lymphogranulomatose vénérienne, le traitement actuellement
au patient et à ses partenaires dès la première visite [23]. Dans
.
recommandé est la doxycycline 100 mg × 2 par jour per os
une perspective préventive, le traitement doit être accompagné durant 3 semaines. Les autres étiologies bénéficient du même
d’un conseil personnalisé sur les comportements à risque pour traitement que dans les autres localisations.
le VIH puisque les ulcérations génitales faciliteraient la trans-
mission du VIH [24] . La présence d’une ulcération génitale
nécessite des examens complémentaires avec : un prélèvement ■ Conclusion
pour recherche de tréponèmes par étude de l’exsudat au
microscope à fond noir, un examen direct et une culture sur Les vraies urgences vénéréologiques sont rares. Il faut cepen-
milieux spécifiques pour recherche du bacille de Ducrey, une dant prendre en charge rapidement les infections génitales et les
recherche du virus herpès par culture. Ces examens sont traiter sans attendre les résultats des examens complémentaires
réservés à des laboratoires spécialisés et ne peuvent en aucun cas .
afin de soulager les patients, d’empêcher les complications et de
être réalisés dans le contexte de l’urgence. Il est donc préférable, rompre la chaîne de contamination. L’éducation des patients en
dans la mesure où il n’y a jamais d’urgence, d’adresser ce type matière d’IST doit rester une priorité absolue.
de patient à un centre spécialisé de vénéréologie. Une sérologie .
8 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
[14] Association of genitourinary medicine and the medical society for the [22] DiCarlo RP, Martin DH. The clinical diagnosis of genital ulcer disease
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaine B., Janier M. Infections génitales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-090-B-40, 2009.
Médecine d’urgence 9
II - Conduite A Tenir
4-0850
Les étiologies des méningites aiguës de l’adulte sont nombreuses et se différencient par leur présentation
clinique, leur terrain, leur fréquence de survenue et leur pronostic. Le clinicien doit savoir reconnaître les
signes cliniques de méningite lui amenant à réaliser une ponction lombaire, interpréter les résultats initiaux
de celle-ci (biochimie, cytologie, bactériologie) et instaurer en urgence le traitement d’une méningite
aiguë. Sa crainte est l’étiologie bactérienne qui est grave, fréquemment mortelle (entre 7 et 30 % selon
les étiologies) ou responsable de séquelles neurologiques et dont le pronostic dépend de la rapidité de
mise en place de l’antibiothérapie. Il doit aussi connaître les étiologies plus rares comprenant les infections
fongiques et à mycobactéries souvent subaiguës et rencontrées chez l’immunodéprimé, les méningites
aseptiques virales ou à germes atypiques et enfin les étiologies parasitaires.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan Introduction
■ Introduction 1 La méningite aiguë correspond à une inflammation aiguë des
■ Examen clinique 1 méninges et du liquide cérébrospinal (LCS). Elle se caractérise par
Syndrome méningé 1 une augmentation du nombre des globules blancs (GB) dans le
Signes extraneurologiques 2 LCS à plus de 5 éléments/mm3 .
■
Le tableau clinique est dominé par un syndrome méningé
Orientation étiologique initiale 2
fébrile évoluant en quelques heures à quelques jours, auquel
Aspect du liquide cérébrospinal 2
peuvent s’associer des troubles de conscience, des signes focaux,
Analyse biologique du liquide cérébrospinal 2
cutanés, ou en oto-rhino-laryngologie (ORL). Selon les micro-
Procalcitonine 2
organismes mis en cause (bactéries, mycobactéries, bactéries
■ Diagnostics à connaître 2 intracellulaires, virus, champignons), la formule du LCS peut être
Méningites purulentes bactériennes 2 lymphocytaire, panachée ou à prédominance de polynucléaires
Méningite tuberculeuse 4 neutrophiles (PNN). Avec la clinique, elle a une grande valeur
Méningites aseptiques 4 d’orientation diagnostique et permet de guider la thérapeutique
Méningites fongiques 5 à instaurer en urgence.
Méningite parasitaire 5
Diagnostics différentiels 6
■ Place de l’imagerie cérébrale 6
En urgence 6 Examen clinique
En cours de traitement 6
■ Prise en charge thérapeutique des méningites aiguës Syndrome méningé
présumées bactériennes 6
Les signes cliniques évocateurs de méningite aiguë sont
Place de l’antibiothérapie avant la ponction lombaire 6
fréquents et peu spécifiques. Classiquement, ces signes sont repré-
Antibiothérapie d’une méningite présumée bactérienne 6
sentés par la triade « fièvre, troubles de conscience, raideur de
Corticothérapie, indications et modalités 7
nuque ». Cette triade est inconstante et présente selon les études
■ Indication d’un contrôle du liquide cérébrospinal 7 entre 21 et 61 % des cas. En revanche, ces signes pris isolément
■ Prise en charge de la porte d’entrée 7 ont une forte valeur prédictive négative. Dans une étude sur
733 méningites aiguës (90 % de méningites bactériennes), 95 %
Examen extraneurologique :
purpura ? otite ? sinusite ?
Biochimie
Cytologie
Bactériologie (examen direct et culture)
Probable méningite
Probable méningite Probable méningite
tuberculeuse ou à
bactérienne virale
cryptocoque
Tableau 1.
Aspect et analyses biochimiques et cytologiques du liquide cérébrospinal (LCS) en fonction du germe.
Germes Aspect Cytologie Protéinorachie Glycorachie
3
LCS normal Eau de roche < 5/mm 0,15–0,45 g/l 2/3 glycémie
Streptococcus pneumoniae Trouble > 500/mm3 , neutrophilique Augmentée Abaissée
Neisseria meningitidis
Haemophilus influenzae
Virus Clair Lymphocytaire Normale ou peu Normale
augmentée
Mycobacterium tuberculosis Clair ou aspect dépoli Lymphocytaire Augmentée Abaissée
Listeria monocytogenes Clair ou trouble Panachée Augmentée Abaissée
Cryptococcus neoformans Clair ou trouble Paucicellulaire Augmentée Abaissée
Lymphocytaire
est plus fréquent en Afrique et en Asie, le W135 en Afrique et le à déclaration obligatoire à signaler sans délai à l’Agence régionale
Y aux États-Unis. Il peut exister des foyers épidémiques locaux de santé (ARS) afin de mettre en œuvre des mesures de chimiopro-
comme en Seine-Maritime (meningo B) ou à La Mecque (W135) phylaxie dans l’entourage (antibioprophylaxie et/ou vaccination
avec possibilité de cas secondaires importés. Il s’agit d’une maladie selon le sérogroupe) [10] .
Lors des méningites à méningocoque peut survenir un purpura gorge et les selles. La charge virale (CV) semble plus élevée dans
extensif associé à un état de choc. Dans ces cas gravissimes, une les selles que le LCS, rendant la PCR plus sensible (96 % contre
antibiothérapie doit être débutée sans délai avant la PL (cf. infra). 76 %). La guérison est spontanée.
Le diagnostic repose sur l’examen direct, la culture du LCS ou la
PCR en cas de négativité. Culture et PCR peuvent être réalisées sur « Herpes simplex virus »
une lésion purpurique. L’herpes simplex virus (HSV) est fréquemment responsable de
méningo-encéphalite. Les signes d’encéphalite sont au premier
plan et la létalité est élevée, de 15 à 20 % [15] . La méningite herpé-
Haemophilus influenzae
tique est due le plus souvent à HSV de type 2. Le LCS est clair,
Il existe différents isolats d’H. influenzae, qui sont capsulés (de a lymphocytaire, la glycorachie est normale et la protéinorachie
à f) ou non. Le principal est de type b, et son incidence est en nette peu élevée. Son diagnostic repose sur la PCR dans le LCS et la
diminution (principalement chez l’enfant de moins de 2 ans) guérison est spontanée sans séquelles en l’absence de traitement
depuis la généralisation du vaccin anti-H. influenzae de type b. antiviral. En revanche son évolution est marquée par la possibi-
L’incidence en 2010 était de 1 cas/100 000 habitants en France. lité de récurrences décrites sous le terme méningite de Mollaret.
Chez l’adulte, la méningite à H. influenzae touche principalement Ces récurrences sont imprévisibles et le traitement préventif par
les adultes de plus de 65 ans. Il faut rechercher une porte d’entrée valaciclovir n’a pas prouvé son efficacité [16] .
ORL traumatique ou non, mais elle n’est retrouvée que dans 20 %
des cas. Varicelle-zona-virus
Le zona est associé dans 50 % des cas à une méningite, le plus
Listeria monocytogenes souvent asymptomatique ou paucisymptomatique [17] . La réacti-
vation du varicelle-zona-virus (VZV) peut aussi être responsable,
L. monocytogenes est un bacille à Gram positif ubiquitaire res- principalement chez l’immunodéprimé, de méningoradiculites
ponsable de la troisième cause de méningite bactérienne [2] et (avec ou sans zona) ou encéphalites diagnostiquées par PCR et
de 10 % des encéphalites en France [11] . Les infections neuro- dont le traitement repose sur l’aciclovir. La complication neuro-
méningées à L. monocytogenes sont graves avec une létalité de 16 à logique de la varicelle est l’ataxie cérébelleuse, survenant dans
45 % et des séquelles dans 16 % des cas. Le rôle de l’alimentation 1/4000 cas et traitée par aciclovir.
dans la listériose est bien établi. La clinique associe un syndrome
méningé d’apparition subaiguë à des signes de rhombencéphalite Cytomégalovirus
avec atteinte des paires crâniennes. Les facteurs de risque prin- Le cytomégalovirus (CMV) est responsable de primo-infections
cipaux sont l’âge (> 60 ans), la néoplasie, la cirrhose, le diabète. souvent peu sévères chez l’immunocompétent et de primo-
Le LCS est classiquement panaché mais cette formule n’est en infections ou réactivations graves chez l’immunodéprimé (colites,
fait retrouvée que dans 43,5 % des cas dans la série de 54 patients rétinites, pneumonies). Des méningites lymphocytaires, encépha-
rapportée par Cottin et al. [12] . lites ou myélites peuvent survenir et sont diagnostiquées par PCR
dans le sang et le LCS. Le traitement est le ganciclovir en première
intention.
Méningite tuberculeuse
Virus Epstein-Barr
Elle s’inscrit habituellement dans un contexte d’altération La méningite lymphocytaire est rare mais possible dans la
de l’état général, avec fièvre et sueurs nocturnes. La notion mononucléose infectieuse.
d’un contage, l’origine d’un pays à forte endémie, un
contexte social défavorisé ou une immunosuppression (virus de Herpèsvirus humain 6
l’immunodéficience humaine [VIH], corticothérapie, anti-tumor L’herpèsvirus humain 6 (HHV6) est responsable de l’exanthème
necrosis factor alpha [TNF-␣]) sont des éléments d’orientation. subit du nourrisson. Des réactivations ont été décrites chez
Cliniquement, la méningite basilaire est l’aspect le plus fré- l’immunodéprimé (transplanté d’organe), responsables de ménin-
quent. Elle associe syndrome méningé d’apparition subaiguë avec gites ou encéphalites [11] . Des primo-infections ont rarement été
paralysie oculomotrice, somnolence ou obnubilation. Ce tableau décrites chez l’immunocompétent. Le diagnostic est difficile car
peut se compliquer de convulsions ou signes focaux pouvant une CV élevée dans le LCS peut être le témoin de l’intégration
correspondre à un tuberculome. Le LCS est hyperlymphocy- chromosomique du génome viral. La prévalence de cette inté-
taire, hypoglycorachique avec une protéinorachie supérieure à gration a été estimée à 0,8 % chez des donneurs de sang aux
1 g/l. Lactate et chlore sont augmentés dans le LCS. Le diag- États-Unis. Une CV HHV6 élevée dans le LCS ne doit donc pas
nostic repose sur l’examen direct, contributif dans seulement faire conclure systématiquement à une méningite ou encéphalite
5 à 22 % des cas et la culture dont le délai de positivité peut à HHV6, il faut en parallèle réaliser une CV sanguine qui sera éle-
être de plusieurs semaines. Augmenter le volume du LCS permet vée en cas d’intégration chromosomique et faible ou négative en
d’augmenter la sensibilité de la culture. La sensibilité de la PCR cas d’infection neuro-invasive.
Mycobacterium tuberculosis atteint 75 %, supérieure à la culture [13] .
Virus ourlien
La recherche de signes extraneurologiques de tuberculose est
systématique. Le virus des oreillons est un paramyxovirus transmis par
voie aérienne. La parotidite est la manifestation classique, les
complications sont l’orchite dans 15 à 30 % des cas, la ménin-
Méningites aseptiques gite lymphocytaire aiguë dans 1 à 10 % des cas, et la pancréatite
dans 4 %. En cas de méningite il y a un risque d’atteinte du nerf
Virales auditif. Le diagnostic se fait par sérologie et PCR, le traitement est
Enterovirus symptomatique. Depuis la vaccination, elle est exceptionnelle.
Le genre Enterovirus appartient à la famille des Picornaviridae. Virus para-influenzae et adénovirus
Le tableau clinique est celui d’un syndrome méningé fébrile, Dans de rares cas, ces virus dont le tropisme est essentiel-
d’installation brutale, avec un état général conservé. Des signes lement respiratoire sont responsables de méningites aseptiques
digestifs ou un exanthème peuvent être présents. Parmi les ménin- d’évolution favorable.
gites aseptiques, Enterovirus est l’agent prédominant (22 % des
patients) [14] . Il touche surtout les sujets jeunes avec un pic sai- Virus de l’immunodéficience humaine
sonnier en été et automne. La contamination est orofécale le plus En dehors des infections opportunistes, le VIH est responsable
souvent, ou par inhalation de gouttelettes respiratoires. Dans le de manifestations neurologiques du fait de son tropisme neu-
LCS la pléiocytose est modérée, inférieure à 1000/mm3 , classique- rologique. Lors de la primo-infection, le virus peut induire une
ment lymphocytaire mais à la phase précoce les PNN prédominent réaction cellulaire T contemporaine de la séroconversion et entraî-
dans 20 à 47 % des cas. Le diagnostic de certitude repose sur la bio- ner une méningite aiguë lymphocytaire dans environ 10 % des
logie moléculaire avec recherche du virus par PCR dans le LCS, la cas.
Rickettsioses
Les rickettsies sont des bactéries à Gram négatif intracellu- Méningite parasitaire
laires transmises à l’homme par piqûres de tiques. Le groupe
boutonneux est représenté dans le sud de la France par la
Cysticercose
fièvre boutonneuse méditerranéenne (FBM) due à R. conorii ; le La neurocysticercose est la parasitose cérébrale la plus répan-
groupe typhus par le typhus murin dû à R. typhi. La FBM est due dans le monde, à évoquer chez les sujets originaires de
transmise à l’homme par la tique du chien, elle associe une zone d’endémie. Les formes parenchymateuses sont les plus fré-
fièvre avec éruption cutanée maculopapuleuse, hépatosplénomé- quentes et la révélation par une méningite lymphocytaire est
galie, myocardite, méningite lymphocytaire. Le typhus murin exceptionnelle. La formule du LCS est variable, lymphocytaire ou
est transmis par la puce du rat, il associe fièvre, éruption, à prédominance de polynucléaires éosinophiles ou neutrophiles.
Tableau 3.
Traitement antibiotique des méningites bactériennes aiguës de l’adulte après documentation microbiologique (d’après [20] ).
Bactérie, sensibilité Traitement antibiotique Durée totale
Streptococcus pneumoniae Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou IVSE ou maintien C3G en diminuant 10 à 14 jours a
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l la dose de céfotaxime à 200 mg/kg/j, de ceftriaxone à 75 mg/kg/j si CMI de la
C3G < 0,5 mg/l
Streptococcus pneumoniae Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (ou 200 mg/kg/j si CMI de la 10 à 14 jours a
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l C3G < 0,5 mg/l) ou ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions (ou 75 mg/kg/j si
CMI de la C3G < 0,5 mg/l)
Neisseria meningitidis Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou IVSE ou maintien C3G 4 à 7 jours b
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l
Neisseria meningitidis Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v. en 4 perfusions ou IVSE ou ceftriaxone 75 mg/kg/j en 1 ou 4 à 7 jours b
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l 2 perfusions
Listeria monocytogenes Amoxicilline 200 mg/kg/j 21 jours
+ gentamicine 3 à 5 mg/kg/j en 1 fois/j 7 jours
Haemophilus influenzae Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v. ou ceftriaxone 75 mg/kg/j 7 jours
CMI : concentration minimale inhibitrice ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; IVSE : intraveineuse à la seringue électrique.
a
Plutôt dix jours en cas d’évolution rapidement favorable (dans les 48 premières heures) et de pneumocoque sensible aux C3G (CMI < 0,5 mg/l).
b
Plutôt quatre jours en cas d’évolution rapidement favorable (dans les 48 premières heures).
[10] DGS. Guide pratique sur la conduite à tenir devant un ou plusieurs [16] Aurelius E, Franzen-Röhl E, Glimåker M, Akre O, Grillner L,
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaussade H, Bernard L. Méningites aiguës de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(1):1-8
[Article 4-0850].
L’endocardite infectieuse est une maladie peu fréquente (1500–2000 cas/an en France) mais mortelle
sans traitement antibiotique bien conduit. La physiopathologie consiste en une greffe bactérienne puis
en une multiplication sur une valve lésée suivie d’une extension locale et à distance. Les facteurs de
risque prédisposant (prothèse, valvulopathie) ne sont pas toujours présents (50 % des cas). Il convient
donc de suspecter une endocardite, non seulement devant un souffle fébrile, mais devant toute fièvre
associée, soit à un facteur de risque, soit à des signes généraux et variés, notamment des phénomènes
emboliques ou immunologiques. Le diagnostic est posé généralement suite à des hémocultures positives
associées à une atteinte valvulaire (végétation) à l’échocardiographie. En cas d’hémocultures négatives,
la pratique de sérologies, notamment celles de Coxiella et de Bartonella, et des techniques de biologie
moléculaire, pour identifier les germes responsables au niveau de la valve atteinte, est importante pour
le diagnostic. L’antibiothérapie doit être bactéricide, prolongée et initialement par voie veineuse pour
assurer une concentration élevée des antibiotiques au niveau tissulaire. La chirurgie est un traitement
adjuvant important, surtout en cas d’insuffisance cardiaque ou de persistance du syndrome septique.
Un suivi régulier doit être assuré en per et post-traitement à la recherche des complications cardiaques,
infectieuses et emboliques. La prophylaxie de l’endocardite a été restreinte aux situations à haut risque
(cardiopathie congénitale cyanogène, antécédent d’endocardite et prothèse valvulaire) en cas de geste
dentaire. Actuellement, il est établi qu’une bonne hygiène, surtout buccodentaire et cutanée, est le moyen
le plus efficace pour diminuer l’incidence des endocardites.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 L’endocardite infectieuse (EI) est une maladie peu fréquente
■ Physiopathologie 2 en France avec près de 32 cas par million d’habitants par an [1] ,
■ Diagnostic de l’endocardite infectieuse 2 mais qui est associée à une morbi-mortalité importante sans
Clinique 2 traitement bien conduit (22 % de mortalité selon une étude
Hémocultures 2 récente en France [1] ). Malgré la diminution des facteurs de
Échographie cardiaque 3 risque traditionnels, tels que le rhumatisme articulaire aigu, cette
Sérologies 3 incidence est restée stable au cours des dernières années en rai-
Autres moyens diagnostiques 3 son de l’émergence de nouveaux facteurs favorisants comme la
mise en place de matériel étranger intracardiaque, le vieillis-
■ Traitement et prise en charge 3
sement de la population et la place importante des EI liées
Prise en charge initiale 3
aux soins (30 % dans certaines séries [1] ). La répartition des
Traitement 4
espèces bactériennes a également évolué avec l’augmentation
Cas particulier de l’endocardite du cœur droit 5
de la fréquence relative de certains streptocoques (Streptococcus
Prise en charge des complications 5
gallolyticus subspp. gallolyticus, anciennement dénommé Strepto-
■ Suivi et prophylaxie 5 coccus bovis) et des staphylocoques, en particulier Staphylococcus
Suivi du patient 5 aureus, micro-organisme prédominant lors de la dernière enquête
Prophylaxie 6 réalisée en France [1] . La prépondérance du S. aureus correspond
■ Conclusion 6 à l’augmentation de la pose de matériel prothétique, et aux
actes liés aux soins, tels que les voies veineuses centrales.
Tableau 1.
Critères de Duke modifiés (d’après [6] ).
Endocardite certaine Un des deux critères ci-dessous :
Critère pathologique : micro-organisme démontré par Critère clinique : deux critères majeurs ; un critère
culture ou examen histologique d’une végétation, d’un majeur et trois critères mineurs ; cinq critères
abcès intracardiaque ou d’une végétation ayant embolisé mineurs
Endocardite possible Sur critère clinique : un critère majeur et un à deux critères mineurs ; trois ou quatre critères mineurs
Endocardite rejetée Dans les cas suivants : diagnostic alternatif certain ; résolution du syndrome avec une antibiothérapie de moins de quatre
jours ; absence d’évidence d’endocardite lors de la chirurgie ou à l’autopsie après une antibiothérapie de moins de quatre
jours ; ne remplit pas les critères d’une endocardite possible
Tableau 2.
Explication des termes (d’après [6] ).
Critères majeurs Hémocultures positives Deux hémocultures positives à streptocoque non groupable,
Streptococcus gallolyticus (anciennement S. bovis), bactérie du groupe
HACCEK, à S. aureus ou entérocoque communautaire (en l’absence de
foyer identifié)
Hémocultures positives persistantes au même organisme (deux
hémocultures à 12 heures d’intervalles, ou toutes les hémocultures [si
trois] ou une majorité si plus de quatre hémocultures)
Sérologie Coxiella burnetii avec des IgG en phase I ≥ 800 en immunofluorescence
Atteinte de l’endocarde : signes échographiques et Échographie positive (l’ETO est recommandée) : végétation, abcès,
cliniques nouvelle déhiscence d’une valve prothétique
Clinique positive : nouveau souffle cardiaque
Critères mineurs Cardiopathie prédisposante ou toxicomanie
Fièvre > 38 ◦ C
Phénomènes vasculaires (embolie artérielle, anévrisme mycotique, infarctus pulmonaire, hémorragie conjonctivale, hémorragie
cérébrale, lésions de Janeway)
Phénomène immunologique (glomérulonéphrite, nodule d’Osler, tache de Roth, facteur rhumatoïde)
Critères microbiologiques mineurs : hémoculture positive sans entrer dans la définition du critère majeur, sérologie positive
pour un organisme responsable d’endocardites
IgG : immunoglobulines G ; ETO : échographie transœsophagienne ; HACCEK : Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans,
Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae.
Tableau 3.
Principales étiologies et conduite à tenir devant une endocardite à hémoculture négative.
Étiologies Hémocultures négativées par antibiothérapie préalable
Bactéries à croissance difficile : HACCEK, streptocoques déficients (Abiotrophia spp. et Granulicatella spp.), Brucella spp., Bartonella spp.
Agents fongiques : Candida spp., Aspergillus spp.
Micro-organismes non cultivables sur milieux usuels : Coxiella burnetti, Tropheryma whipplei, Legionella spp., Chlamydia spp.,
Mycoplasma spp., Mycobacteria spp.
Bilan à prélever Trois hémocultures utilisant si possible des résines captant les antibiotiques
Un tube de sang hépariné pour culture cellulaire à adresser à un laboratoire spécialisé pour la culture de Coxiella burnetii, Bartonella
spp., Tropheryma whipplei plus un tube de sérum
Sérologies pour Coxiella burnetii, Bartonella spp., Chlamydia Coloration de Gram (et de Giménez si suspicion de germes
spp., Aspergillus spp., Candida spp., Legionella spp., Brucella intracellulaires)
spp. et Mycoplasma spp. Cultures prolongées (acellulaires)
Si intervention chirurgicale : analyses des valves, de Méthodes moléculaires (PCR et séquençage)
végétations, d’emboles Analyses histologiques avec colorations spéciales
Congélation à –80 ◦ C (pour PCR et culture cellulaire dans des
laboratoires spécialisés) ainsi que congélation du sérum à –80 ◦ C
PCR : polymerase chain reaction ; HACCEK : Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocyto-
phaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae.
bactériémie est constante. Dans la majorité des cas, les deux pre- burnetii est indispensable, les EI à C. burnetti représentant près
mières hémocultures sont positives. En l’absence de positivité, il de 3 % des endocardites [12] . Une sérologie Coxiella positive avec
convient de répéter les hémocultures trois jours plus tard et de des immunoglobulines G (IgG) antiphase 1 supérieures ou égales
faire le bilan d’endocardite à hémocultures négatives (Tableau 3). à 1/800 en immunofluorescence est un critère majeur de la clas-
Il convient de garder les hémocultures en incubation pendant sification de Duke modifiée [6] . L’autre sérologie à réaliser est
une durée située entre 15 jours et un mois, bien que le gain de celle de Bartonella qui est la troisième cause d’EI à hémocultures
sensibilité d’une incubation très prolongée paraisse très faible [8] . négatives [13] . En fonction du contexte clinique, peuvent être éga-
lement réalisées les sérologies Chlamydia spp., Brucella, Legionella
spp., Mycoplasma spp., Candida spp. et Aspergillus spp., ainsi que la
Échographie cardiaque polymerase chain reaction (PCR) Trophyrema whipplei dans la salive,
les selles, le sang et sur les biopsies digestives si fibroscopie réalisée.
L’échocardiographie est le second élément essentiel du
diagnostic d’une EI. Elle doit être pratiquée le plus rapide-
ment possible devant toute suspicion d’endocardite. Le type Autres moyens diagnostiques
d’échocardiographie, par voie transthoracique (ETT) ou transœ-
sophagienne (ETO), à pratiquer en premier dépend de l’index de Il convient de citer l’étude microbiologique et histologique des
suspicion, de l’échogénicité du patient et de son état clinique. valves, si le patient a été opéré, avec des colorations spéciales
L’ETO est plus sensible, en particulier pour le diagnostic des végé- (Giemsa, Gimenez) [7] , ainsi que la biologie moléculaire, notam-
tations et des abcès, notamment en cas de valve prothétique [9] . ment la recherche du gène codant pour l’acide ribonucléique
L’ETO fait systématiquement partie de la prise en charge d’une EI (ARN) 16S bactérien [14] . Elle permet l’amplification directement à
excepté en cas d’ETT de bonne qualité associée à une faible suspi- partir des valves reséquées de l’acide désoxyribonucléique (ADN)
cion d’EI et en cas d’EI du cœur droit. En l’absence de signes en bactérien du gène codant pour ARN 16S. Cette méthode gagne
faveur d’une endocardite à l’échographie, il convient de la répéter toute son importance dans le cadre des EI à hémocultures néga-
trois à cinq jours plus tard si la suspicion d’endocardite reste éle- tives, dans le cadre des endocardites classées comme possibles
vée [10] selon les recommandations américaines [10] et entre cinq et selon la classification de Duke pour confirmer ou infirmer le diag-
sept jours selon les recommandations européennes [11] . Les critères nostic, et dans le cadre d’une identification précise de l’espèce
de positivité d’une échocardiographie selon la classification de permettant d’améliorer la prise en charge [14] .
Duke [6] , qu’elle soit transthoracique ou transœsophagienne, sont Outre l’ETT et l’ETO, de nouvelles techniques tendent à
actuellement la présence de végétations (masse oscillante intracar- affirmer le diagnostic dans certaines circonstances. En effet,
diaque au niveau d’une valve, d’une structure supportrice ou d’un l’angio-tomodensitométrie cardiaque (angio-TDM) peut être uti-
dispositif intracardiaque et située sur le trajet d’un flux de régur- lisé pour détecter des abcès [11] et a montré sa supériorité
gitation), la présence d’un abcès, ou la présence d’une nouvelle sur l’échocardiographie dans le contexte de dysfonctions de
déhiscence d’une valve prothétique. L’échocardiographie permet valves prothétiques [15] . Dans le cas de cardiopathie congénitale
également de détecter les complications éventuelles de l’EI telles complexe, il peut également être d’un fort intérêt. L’imagerie
qu’une insuffisance valvulaire sévère ou un abcès périvalvulaire et nucléaire avec la tomographie par émission de positrons (TEP)
doit donc être faite de manière régulière, notamment à la fin du couplé au TDM est devenue une méthode supplémentaire dans
traitement. le cas de diagnostics difficiles [11] , en particulier pour les por-
teurs de pacemaker [16] . Par sa sensibilité dans le diagnostic
des événements cérébraux secondaires, l’imagerie par résonance
Sérologies magnétique (IRM) prend toute sa place dans le diagnostic des
EI difficiles, tout comme la TDM à la recherche d’emboles sep-
tiques [11] .
“ Point fort
Traitement et prise en charge
Les hémocultures et l’échocardiographie restent les
moyens diagnostiques les plus importants. La sérologie et
Prise en charge initiale
la biologie moléculaire prennent une place importante en En cas de suspicion d’endocardite, le bilan initial doit compren-
cas d’endocardite à hémoculture négative. dre, en plus des hémocultures, d’une échocardiographie et
d’éventuelles sérologies, une numération formule sanguine et
une protéine C réactive (CRP), une créatinine avec ionogramme
Dans le cadre de l’investigation étiologique d’une endocardite sanguin pour évaluer la fonction rénale et adapter la posologie
à hémocultures négatives (Tableau 3), la sérologie de Coxiella des antibiotiques, ainsi qu’un électrocardiogramme (ECG) pour
Tableau 4.
Traitement des endocardites à streptocoques et à entérocoques.
Germe responsable Antibiotique Durée
Streptocoques (viridans et gallolyticus) Pénicilline G (12–18 millions UI/j en perfusion Un mois si ß-lactamine seule ou 15 jours si
sensibles à la pénicilline (CMI ≤ 0,1 mg/l) continue) ou amoxicilline (100 mg/kg/j) ou bithérapie dans les formes non compliquées
ceftriaxone (2 g/j) ± gentamicine (3 mg/kg/j en Deux semaines de bithérapie puis 2-4 semaines de
une à deux fois) ß-lactamine seule dans les formes compliquées ou
sur prothèse
Streptocoques (viridans et gallolyticus) peu Pénicilline G (18–24 millions UI/j en perfusion 15 jours de bithérapie puis deux semaines de
sensibles à la pénicilline (CMI > 0,1 et continue) ou amoxicilline ß-lactamine seule (quatre semaines de ß-lactamine
≤ 0,5 mg/l), streptocoques déficients, (200 mg/kg/j) + gentamicine (3 mg/kg/j en une à seule dans les formes compliquées ou sur prothèse)
streptocoques tolérants deux fois)
Streptocoques résistants à la pénicilline Pénicilline G (18–30 millions UI/j) ou Quatre semaines dont deux semaines de bithérapie,
(CMI > 0,5 mg/l) amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine six semaines pour les porteurs de prothèses
(3 mg/kg/j en une à deux fois)
Entérocoques Pénicilline G (18–30 millions UI/j) ou Quatre semaines de ß-lactamines
amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine Six semaines pour les patients porteurs de prothèse
(3 mg/kg/j en une à deux fois) et les patients ayant des symptômes depuis plus de
trois mois
Deux à six semaines de bithérapie (certains experts
recommandent deux semaines)
Cas particuliers des Enterococcus faecalis avec Amoxicilline (200 mg/kg/j) + ceftriaxone 4 g/j en Six semaines de bithérapie
haut niveau de résistance à la gentamicine deux fois
ou chez les patients insuffisants rénaux
Vancomycine ou teicoplanine si allergie à la pénicilline de type immédiate ou haut niveau de résistance à la pénicilline (ampicilline) (concentration minimale inhibitrice
[CMI] ≥ 16 mg/l) (E. faecium). Vancomycine : 15 mg/kg en dose de charge puis 30 à 60 mg/kg en perfusion continue/24 heures ou 1 g toutes les 8 à 12 heures (selon dosages :
plateau 30–40 mg/l ; résiduel 20 mg/l). Teicoplanine : 6–12 mg/kg toutes les 12 heures en dose de charge pendant un à quatre jours puis 6–12 mg/kg par jour selon résultats
des dosages (résiduel entre 20 et 40 mg/l).
Tableau 5.
Traitement des endocardites à staphylocoque et à germes du groupe HACCEK (Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actino-
mycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae).
Germe responsable Antibiotique Durée
Staphylocoques sensibles Oxacilline ± gentamicine sur valve native + rifampicine a Quatre à six semaines (six semaines si prothèse)
à la méticilline si prothèse Si aminosides : durée de trois à cinq jours si valve native et
15 jours si prothèse
Staphylocoques résistants Vancomycine ou teicoplanine ± gentamicine sur valve Quatre à six semaines (six semaines si prothèse)
à la méticilline native + rifampicine a si prothèse Si aminosides : durée de trois à cinq jours si valve native et
15 jours si prothèse
HACCEK Ceftriaxone ou céfotaxime ou amoxicilline Un mois
Oxacilline : 150–200 mg/kg par jour, de préférence en intraveineuse avec seringue électrique après un bolus de 2 g sur une heure.
Gentamicine : 3 mg/kg en deux injections par jour.
a
Rifampicine : 900 à 1200 mg/j. La rifampicine est seulement recommandée pour les patients porteurs de valve, et doit être commencée trois à cinq jours après le début
de la vancomycine et de la gentamicine.
Tableau 6.
Traitement des endocardites à hémocultures négatives.
Situation clinique Traitement Durée
Native sans germes identifié Amoxicilline + gentamicine ou amoxicilline-acide Quatre à six semaines
clavulanique + gentamicine
Native sans germe identifié, avec sepsis sévère ou Amoxicilline + oxacilline + gentamicine
choc
Prothétique de moins d’un an sans germe identifié Vancomycine + gentamicine + rifampicine a Six semaines (deux semaines
pour la gentamicine)
Prothétique de plus d’un an sans germe identifié Amoxicilline + gentamicine ou amoxicilline-acide Six semaines
clavulanique + gentamicine ou vancomycine + gentamicine si
allergie à la pénicilline
Amoxicilline + oxacilline + gentamicine si sepsis sévère ou choc
• sur le plan paraclinique, il convient de prélever des hémocul- Déclaration d’intérêts : J.-L. Mainardi déclare : Fonds de recherche expérimen-
tures de façon régulière [10] (une par jour) car la persistance de tale Novartis ; investigateur principal d’études cliniques Erempharma, honoraires
la positivité des hémocultures, une semaine après un traite- d’orateur : Novartis, AstraZeneca ; invitation congrès : Astellas, AstraZeneca ;
ment antibiotique bien conduit, est une indication opératoire. conseil scientifique : AstraZeneca, MSD.
Il faut également doser les antibiotiques pour monitoriser leur M.-P. Fernandez-Gerlinger déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation
efficacité (glycopeptides) ou leur toxicité (notamment les ami- avec cet article.
nosides). De plus, il faut surveiller la fonction rénale et ne
pas hésiter à demander un dosage des ß-lactamines en cas
d’insuffisance rénale, si on suspecte une évolution défavorable, Références
ou lors du passage à une prise par voie orale. Il faut également
faire une échographie de contrôle vers le dixième jour de trai- [1] Selton-Suty C, Célard M, Le Moing V, Doco-Lecompte T, Chirouze
tement pour noter l’évolution des végétations et détecter la C, Lung B, et al. Preeminence of Staphylococcus aureus in infec-
présence d’une éventuelle insuffisance cardiaque. tive endocarditis: a 1-year population-based Survey. Clin Infect Dis
Une fois le traitement de l’épisode aigu, il convient de suivre 2012;54:1230–9.
régulièrement le patient. La surveillance doit porter tant sur [2] Fournier PE, Thuny F, Richet H, Lepidi H, Casalta JP, Arzouni JP,
les complications cardiaques avec installation secondaire d’une et al. Comprehensive diagnostic strategy for blood culture–negative
insuffisance cardiaque, que sur le risque de complications infec- endocarditis: a prospective study of 819 new cases. Clin Infect Dis
tieuses avec un risque de rechute de l’endocardite à l’arrêt du 2010;51:131–40.
traitement. Il faut également donner au patient une carte de pro- [3] Houpikian P, Raoult D. Blood culture-negative endocarditis in
phylaxie de l’EI et lui expliquer les situations à risque. a reference center: etiologic diagnosis of 348 cases. Medicine
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[6] Li JS, Sexton DJ, Mick N, Nettles R, Fowler Jr VG, Ryan T, et al. Pro-
La prophylaxie des gestes dentaires n’est plus recomman- posed modifications to the Duke criteria for the diagnosis of infective
dée que pour les patients à haut risque (cardiopathie cya- endocarditis. Clin Infect Dis 2000;30:633–8.
nogène, prothèse valvulaire et antécédent d’endocardite). [7] Mainardi JL, Vandenesch F, Casalta JP, N’Guyen J, Benoît C,
Tissot-Dupont H, et al. Recommandations pour le diagnostic micro-
biologique et l’étude anatomopathologique des valves cardiaques au
cours des endocardites infectieuses. Bull Soc Fr Microbiol 1995;10:
La place de la prophylaxie de l’EI est de plus en plus débat- 12–5.
tue, d’autant plus qu’elle ne permet de prévenir qu’un faible [8] Baron EJ, Scott JD, Tompkins LS. Prolonged incubation and extensive
pourcentage des endocardites vu que la durée cumulée des bac- subculturing do not increase recovery of clinically significant microor-
tériémies est beaucoup plus longue lors des gestes de la vie ganisms from standard automated blood culture bottles. Clin Infect Dis
quotidienne (brossage des dents et mastication par exemple) que 2005;41:1677–80.
lors des gestes dentaires [22] . Actuellement, il est admis qu’une [9] Daniel WG, Mugge A, Grote J, Hausmann D, Nikutta P, Laas J,
bonne hygiène et des soins dentaires réguliers sont plus impor- et al. Comparison of transthoracic and transesophageal echocardio-
tants que la prophylaxie lors des gestes dentaires à risque et que graphy for detection of abnormalities of prosthetic and bioprosthetic
cette dernière ne permet de prévenir qu’un très faible nombre valves in the mitral and aortic positions. Am J Cardiol 1993;71:
d’endocardites [23] . Les recommandations actuelles n’indiquent 210–5.
une prophylaxie que pour les sujets à haut risque (cardiopathie [10] Baddour LM, Wilson WR, Bayer AS, Fowler Jr VG, Tleyjeh I, Rybak
cyanogène, prothèse valvulaire et antécédent d’endocardite) et M, et al. Infective endocarditis in adults: diagnosis, antimicrobial the-
dans des gestes à risque [24, 25] . rapy, and management of complications. A scientific statement for
healthcare professionals from the American Heart Association. Circu-
Au niveau dentaire, la prophylaxie est recommandée pour tout
lation 2015;132:1435–86.
geste qui comprend une manipulation de la gencive, de la région
[11] Habib G, Lancellotti P, Antunes M, Bongiorni MG, Casalta JP, Del
périapicale des dents, ou une perforation de la muqueuse orale Zotti F, et al. ESC Guidelines for the management of infective
chez des patients à haut risque. Le traitement recommandé est à endocarditis. The task force for the management on infective endo-
base d’amoxicilline 3 g per os 60 minutes avant la procédure [25] . carditis of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J
En cas d’allergie, le traitement recommandé est la clindamycine 2015;36:3075–128.
600 mg une fois ou la pristinamycine 1 g. Pour les procédures [12] Brouqui P, Raoult D. Endocarditis due to rare and fastidious bacteria.
gastro-intestinales et urinaires, l’antibioprophylaxie n’est plus Clin Microbiol Rev 2001;14:177–207.
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Conclusion [14] Podglajen I, Bellery F, Poyart C, Coudol P, Buu-Hoï A, Bruneval P,
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L’EI est une maladie qui continue d’avoir le même taux de pré- endocarditis. Emerg Infect Dis 2003;9:1543–7.
valence et de mortalité malgré les avancées dans la prévention et [15] Fagman E, Perrotta S, Bech-Hanssen O, Flinck A, Lamm C, Olai-
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2012;22:2407–14.
teurs de risque traditionnels ne sont plus retrouvés que dans une
[16] Bensimhon L, Lavergne T, Hugonnet F, Mainardi JL, Latremouille
faible proportion des cas. Les germes les plus fréquemment retrou- C, Manoury C, et al. Whole body (18F) fluorodeoxyglucose posi-
vés sont S. gallolyticus et les staphylocoques, tout particulièrement tron emission tomography imaging for the diagnosis of pacemaker
S. aureus. Les moyens diagnostiques reposent sur les hémocultures or implantable cardioverter defibrillator infection: a preliminary pros-
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Fernandez-Gerlinger MP, Mainardi JL. Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement. EMC - Traité
de Médecine Akos 2016;11(3):1-7 [Article 4-0855].
4-0860
Infections respiratoires
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
supérieures
P Gehanno
Q ue ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, les infections respiratoires supérieures représentent une part majeure
de la pratique médicale, probablement le plus important motif de consultation chez l’enfant au-dessous de
3 ans. Dans toutes les tranches d’âge, plus particulièrement chez l’enfant, elles représentent la principale cause de
prescription d’antibiotiques en pratique de ville. Nous envisagerons essentiellement les infections aiguës, les
pathologies chroniques étant plus particulièrement prises en charge par les spécialistes oto-rhino-laryngologistes.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
■
et S. pneumoniae qui, au cours de cette dernière moins fréquentes que l’enfant est plus grand, mais
Agents infectieux décennie, ont été fortement marqués par une elles représentent de toutes les façons un des
diminution in vitro de leur sensibilité aux antibiotiques problèmes de cette pathologie.
habituellement utilisés dans les infections ‚ Épidémiologie bactérienne
Les infections respiratoires supérieures sont virales respiratoires : bêtalactamines et macrolides.
ou bactériennes. Dans la majorité des cas, au moins Soixante-dix pour cent des otites moyennes aiguës
L’incidence clinique de cette diminution de sensibilité
pour ce qui concerne les infections des cavités de l’enfant sont indiscutablement bactériennes. La
est variable en fonction de l’âge du patient et de
annexées au rhinopharynx et aux fosses nasales signification des 30 % restants n’est pas univoque :
l’espèce bactérienne considérée. Elle est donc
(oreilles et sinus), il y a une connivence étroite entre étiologie virale exclusive ? germe intracellulaire ? H.
envisagée successivement dans le cadre de chaque
virus et bactérie, l’infestation virale étant un préalable i n fl u e n z a e représente 40 % des étiologies
pathologie.
habituel à l’infection bactérienne. L’agression virale, bactériennes, S. pneumoniae 30 %, B. catarrhalis
rhinopharyngite de l’enfant et rhume commun de ‚ Au niveau de l’oropharynx environ 10 %. Diverses espèces (Pseudomonas
l’adulte, est inductrice d’infections bactériennes (otite et aeruginosa, Staphylococcus aureus, S. pyogenes...) se
Au niveau de l’oropharynx (partie médiane du
sinusite) en réalisant un véritable mordançage de la partagent les autres étiologies bactériennes. Le fait
pharynx qui est accessible à l’inspection avec un
muqueuse de type respiratoire qui est abrasée par les marquant de ces 10 dernières années, concernant les
abaisse-langue), Hæmophilus et Pneumococcus n’ont
virus et perd ainsi son pouvoir de clairance otites, a été la diminution de sensibilité aux
plus de rôle pathogène. Une espèce bactérienne est
mucociliaire. En effet, la détersion de l’épithélium fait antibiotiques des deux principales espèces
principalement impliquée : il s’agit de streptocoques
disparaître, jusqu’au moment de leur régénérescence responsables. Le mécanisme quasi exclusif de la
bêtahémolytiques, essentiellement du groupe A
qui va se faire en une douzaine de jours, les glandes à résistance d’Hæmophilus à l’amoxicilline, actuelle-
(Streptococcus pyogenes). La résurgence, pour des
mucus et les cellules ciliées. Les bactéries résidentes, ment, est la production d’une bêtalactamase, enzyme
raisons de moindre protection vaccinale, d’angines
commensales, modifient ainsi leur rapport avec la de dégradation qui scinde les pénicillines A. Ce
diphtériques dans certaines régions d’Europe, doit
muqueuse et deviennent pathogènes. phénomène, qui a d’abord été identifié aux États-Unis,
nous rendre à nouveau vigilants vis-à-vis de cette
a été remarqué en France au milieu de la décennie
‚ Au niveau du rhinopharynx pathologie. Mais au niveau de l’oropharynx, comme
1980. Il a concerné 30 % des espèces d’Hæmophilus
et des fosses nasales nous le verrons ultérieurement, ce sont les étiologies
de façon stable de 1990 à 1996, pour croître
virales qui représentent la principale cause des
Le rhinopharynx de l’enfant est colonisé très vite brutalement à partir de 1996 jusqu’à atteindre 70 %
angines, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant.
après la naissance par Hæmophilus influenzae, par des souches d’Hæmophilus isolées d’otite de l’enfant
Streptococcus pneumoniae (surtout de sérotype 23) et dans la région parisienne. L’utilisation d’une
■
par Branhamella catarrhalis. Ces trois espèces vont association d’antibiotiques permettant de bloquer les
persister avec des variations quantitatives entre elles et Otites de l’enfant bêtalactamases (association amoxicilline-acide
avec l’acquisition d’autres sérotypes selon un turn over clavulanique) ou l’utilisation de céphalosporines
qui dépend des antibiothérapies reçues et des d’abord faiblement résistantes aux bêtalactamases
« fréquentations » de l’enfant. Elles sont associées à Principale maladie infectieuse de l’enfant, les otites (céphalosporines de première génération : céfaclor,
d’autres espèces bactériennes qui sont rarement moyennes aiguës comportaient jadis un taux de céfatrizine, céfadroxil) puis de céphalosporines
responsables d’otites, tandis qu’elles-mêmes, ainsi que morbidité et de mortalité important en raison des fortement résistantes aux bêtalactamases (deuxième
nous l’avons déjà mentionné, sont susceptibles de le complications locales (mastoïdite) et locorégionales génération : céfuroxime axétil ou troisième
devenir, déterminant des infections de voisinage à méningoencéphaliques. Leur pronostic a été génération : céfixime et cefpodoxime proxétil) a
l’occasion des rhinopharyngites virales. transformé par l’antibiothérapie. Les otites s’observent permis de contrôler l’incidence clinique de ce
Trois bactéries sont ainsi quasi exclusivement surtout avant l’âge de 3 ans, avec un maximum de mécanisme de résistance, de telle sorte que la
responsables de l’infection des cavités annexées aux fréquence entre 12 et 24 mois. Leur pronostic en diminution de sensibilité d’Hæmophilus aux
fosses nasales. Ce sont H. influenzae, S. pneumoniae et termes de durée d’évolution et de fréquence des antibiotiques est actuellement plus une donnée de
B. catarrhalis. B. catarrhalis est peu virulente. Les otites récurrences est d’autant plus péjoratif qu’elles bactériologie qu’un véritable problème en clinique.
à Branhamella guérissent volontiers spontanément, surviennent plus tôt dans l’âge de l’enfant. Si la L’apparition de souches de pneumocoque de
ne sont pas dangereuses, ne se compliquent pas de première otite survient avant l’âge de 6 mois, des sensibilité anormale pose davantage de problèmes.
méningite. Restent donc essentiellement H. influenzae récidives sont quasi inéluctables. Elles sont d’autant Les pneumocoques ayant une sensibilité diminuée à la
1
4-0860 - Infections respiratoires supérieures
pénicilline ont concerné prioritairement, dans tous les simplement rosé ou rouge mais sans diminution de données de l’antibiogramme. Si l’on a affaire à un
pays où ils ont été isolés, des souches de transparence, tel que l’on peut l’observer au cours pneumocoque ayant une CMI inférieure à 2 mg/L, il
pneumocoque de portage rhinopharyngé, d’une banale rhinopharyngite chez un enfant qui peut être prescrit, en l’absence de vomissements, de
principalement à l’origine le sérotype 23. Cela explique pleure. Plus l’enfant est jeune, et c’est habituellement le l’amoxicilline à la dose de 150 mg/kg/j. Si l’on a affaire
que ces souches de pneumocoques « résistants » ont cas en dessous de 18 mois, plus fréquemment l’otite à un pneumocoque de haut niveau de résistance avec
été identifiées essentiellement chez l’enfant et quasi est bilatérale. La conviction résultant de l’examen une CMI supérieure ou égale à 2 mg/L, il faut
exclusivement, soit au niveau de prélèvements otoscopique que l’on a de l’existence d’une privilégier la ceftriaxone en injection intramusculaire
rhinopharyngés, soit dans le pus de l’otorrhée authentique otite moyenne aiguë doit entraîner la quotidienne unique à la dose de 50 mg/kg/j pendant
purulente d’une otite moyenne aiguë. Ultérieurement, prescription d’une antibiothérapie. au minimum 3 jours.
d’autres sérotypes ont été concernés par le
phénomène de résistance (6, 14, 19...). Les infections ‚ Traitement antibiotique ‚ Otites récidivantes
respiratoires basses de l’adulte ont été plus Il est certes probabiliste, mais il doit être
Les récidives sont favorisées par la persistance de
tardivement et restent encore moins concernées que actuellement largement guidé, d’une part par
cet épanchement réputé aseptique dans l’oreille
les infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) de l’existence de corrélations bactériocliniques, d’autre
moyenne, que l’on appelle otite séreuse, qui est d’une
l’enfant. La résistance du pneumocoque est liée à la part par la connaissance de facteurs de risque qui ont
grande banalité dans les suites immédiates de l’otite,
modification sur sa capsule de la protéine de liaison à été dégagés, d’avoir affaire à un pneumocoque de
pour disparaître spontanément dans 95 % des cas
la pénicilline. Cette résistance concerne non seulement sensibilité diminuée.
dans le mois qui suit. Lorsque cette otite séreuse
la pénicilline, mais à des degrés divers toutes les Les corrélations bactériocliniques sont au nombre
persiste au-delà de 1 mois, les enfants concernés
bêtalactamines. Certaines sont très touchées par le de deux :
voient leur risque de faire d’autres otites moyennes
phénomène, comme les céphalosporines de première – la coexistence chez le même enfant d’une
aiguës bactériennes multiplié par 5.
génération, d’autres comme l’amoxicilline, le conjonctivite purulente et d’une otite doit faire
suspecter, comme responsable des deux sites Quelle attitude doit-on avoir face à ces otites
céfuroxime axétil ou le cefpodoxime proxétil
infectieux, un H. influenzae ; récidivantes ?
conservent une efficacité sur les pneumocoques de
bas niveau de résistance, alors que les céphalospori- – la possibilité que cet Hæmophilus soit producteur S’il existe une otite séreuse persistante, il faut la
nes de troisième génération injectables (ceftriaxone et de bêtalactamases doit inciter à prescrire soit une traiter en réalisant une adénoïdectomie, et si cela ne
céfotaxime) sont encore efficaces sur les pneumoco- association amoxicilline-acide clavulanique, soit une suffit pas, mettre en place un aérateur transtympani-
ques de haut niveau de résistance. Le phénomène de céphalosporine hautement résistante aux que. Chez les enfants qui fréquentent une crèche, le
résistance est croisé avec les macrolides, il ne l’est pas bêtalactamases, du type céfixime. retrait de la crèche est une mesure recommandée,
avec les synergistines (pristinamycine). Des échecs Les otites fébriles avec une fièvre supérieure ou mais bien entendu, elle n’est pas toujours réalisable.
cliniques sont observés lors des otites à pneumoco- égale à 38,5 °C, et d’autant plus si elles sont très L’antibiothérapie de longue durée, à dose
ques ; ils sont corrélés au niveau de résistance de la algiques, doivent faire suspecter l’implication d’un infrathérapeutique, qui a longtemps été recomman-
souche isolée. Ces échecs sont significativement plus pneumocoque. dée, ne se justifie plus actuellement, notamment dans
élevés lorsque la souche a une concentration Il existe des facteurs de risque d’avoir affaire à un le contexte de l’accroissement des résistances
minimale inhibitrice (CMI) à la pénicilline supérieure ou pneumocoque de sensibilité diminuée. Ce sont : bactériennes. Bien souvent, on est amené à traiter
égale à 2 mg/L. De ces considérations vont dépendre – l’âge de l’enfant, inférieur ou égal à 18 mois ; plusieurs épisodes d’otite bactérienne successifs.
les choix antibiotiques que nous détaillerons – la fréquentation d’une crèche ; Parents et médecins, dans ce cas, doivent s’armer de
ultérieurement. – l’administration d’antibiotiques pour quelque patience en attendant que la maturation du système
raison que ce soit dans les 3 mois précédents ; immunitaire, allant de pair avec la croissance de
‚ Diagnostic d’otite moyenne aiguë – l’existence d’une otite en situation d’échec déjà l’enfant, diminue spontanément les récurrences
L’otite se discute habituellement au cours ou au traitée. otitiques.
décours immédiat d’une rhinopharyngite virale, si Lorsque ces facteurs de risque sont réunis, il faut En conclusion, les otites de l’enfant sont très
banale chez l’enfant, et qui a été reconnue sur privilégier l’administration d’un antibiotique encore fréquentes, et la reconnaissance de cette donnée
l’association d’une obstruction nasale, d’un jetage efficace sur les pneumocoques de bas niveau de épidémiologique ne doit pas entraîner des traitements
mucopurulent, d’une toux fréquente associée à une résistance, comprenant les pneumocoques dits de par excès. Le diagnostic doit être fondé sur un bon
fièvre. S’il s’agit d’un grand enfant, il exprime sensibilité intermédiaire (CMI à la pénicilline comprise examen otoscopique. Dès lors que le diagnostic a été
spontanément l’existence d’une otalgie ; chez le entre 0,125 et 1 mg/L). Trois produits peuvent être bien posé, une antibiothérapie s’impose, dont l’objectif
nourrisson, elle est évoquée lorsqu’il porte retenus : l’association amoxicilline-acide clavulanique essentiel est de mettre l’enfant à l’abri des
fréquemment la main à son oreille et devant comportant 80 mg/kg d’amoxicilline, le cefpodoxime complications méningoencéphaliques. Actuellement,
l’existence de cris répétitifs et de pleurs nocturnes. proxétil ou le céfuroxime axétil. dans le contexte que nous connaissons des résistances
Même en l’absence de symptomatologie fonction- Bien entendu, un traitement symptomatique bactériennes, le choix de l’antibiotique doit être affiné
nelle, évoquée ou exprimée, il faut rappeler que antalgique et antipyrétique doit être administré. À en fonction des corrélations bactériocliniques que
l’examen des tympans doit être systématique chez défaut d’une nouvelle consultation, un contact nous avons évoquées et de l’existence de facteurs de
tout enfant enrhumé, fébrile. Il est bien entendu la clef téléphonique doit être ménagé avec la famille 4 jours risque d’avoir affaire à un pneumocoque résistant.
du diagnostic. Chez le grand enfant, l’examen est plus après l’institution du traitement. Si l’enfant présente
facile que chez le nourrisson. Il montre un tympan soit toujours des signes généraux (fièvre, troubles digestifs
■
épaissi, infiltré, comme il est classique de le dire, qui a éventuels), il doit être revu afin que l’état du tympan
perdu sa coloration gris rosé et sa transparence pour soit vérifié. Sinusites de l’enfant
prendre une couleur rouge lie-de-vin. Le relief du
manche du marteau oblique en haut et en avant a ‚ Échecs de ces traitements primaires
disparu et la courte apophyse du marteau, qui termine Lorsque l’otite persiste, à partir de 4 jours après Les sinus de la face, cavités paranasales, présentent
ce relief dans le quadrant antérosupérieur du tympan, l’institution du traitement, idéalement une paracentèse un continuum muqueux avec les fosses nasales. Ils
est elle-même noyée dans l’épaississement de la doit être réalisée pour identification bactériologique du sont revêtus par la même muqueuse respiratoire ciliée,
membrane. À un stade ultérieur, le tympan est bombé germe responsable. De la mise en culture du pus de caliciforme. Ils sont tous en libre communication avec
dans son quadrant postéro-inférieur, voire d’une façon l’otorrhée ressortent trois possibilités : les fosses nasales. La perméabilité de cette
semi-lunaire, réalisant un croissant concave vers le – culture stérile : aucun relais antibiotique n’est communication est le garant de l’absence de
haut. Chez le nourrisson, l’approche du tympan est justifié, il faut se contenter d’un traitement pathologie au niveau des sinus. À l’inverse des otites,
difficile car le conduit est étroit, encombré de débris symptomatique ; les sinusites sont rares chez l’enfant, très fréquentes
cérumineux, d’un nettoyage fastidieux et mal – mise en évidence d’un H. influenzae : prescription chez l’adulte. Cependant, deux catégories de sinusites
commode. Les modifications du tympan sont plus de céfixime ou d’une association amoxicilline-acide peuvent s’observer chez l’enfant : les sinusites
nuancées et une collection rétrotympanique peut clavulanique (si l’enfant bien entendu ne recevait pas ethmoïdales, aux alentours de 2 à 3 ans et à partir de
exister alors que le bombement de la membrane n’est déjà ce traitement) ; 3-4 ans, et les sinusites maxillaires qui sont beaucoup
pas évident. Cependant, elles doivent être – culture montrant un pneumocoque : le moins caractéristiques et moins dangereuses que les
suffisamment franches et distinctes d’un tympan traitement de substitution doit tenir compte des sinusites ethmoïdales.
2
Infections respiratoires supérieures - 4-0860
■
‚ Sinusites ethmoïdales de l’enfant ‚ Sinusites sphénoïdales
Chez un enfant de 2 à 3 ans, succédant à un rhume
Sinusites de l’adulte Le sphénoïde est le plus postérieur des sinus de la
banal, apparaît un mouchage purulent unilatéral, des face, profondément enchâssé à la jonction du tiers
céphalées et une tuméfaction œdémateuse à l’angle antérieur et du tiers moyen de la base du crâne. Les
‚ Sinusites maxillaires
interne de l’œil. La fièvre est aux alentours de 38,- sinusites sphénoïdales se caractérisent par une
Elles sont fréquentes chez l’adulte. On estime que sémiologie évocatrice, une bactériologie particulière, et
38,5 °C. La suspicion d’ethmoïdite, pathologie
les prescriptions d’antibiotiques pour sinusites un potentiel de complications endocrâniennes
dangereuse, impose sa confirmation par la pratique
maxillaires en France sont de l’ordre de 3 millions par particulièrement redoutables.
d’une tomodensitométrie qui va montrer une opacité
an. Un certain nombre a probablement été
ethmoïdale unilatérale et entraîner l’hospitalisation diagnostiqué en excès, et l’on peut approximative- Signes cliniques
pour mise en route d’un traitement par voie ment estimer les sinusites maxillaires aiguës entre 2 et
parentérale. H. influenzae et S. aureus sont les deux Les sinusites sphénoïdales se manifestent par des
2,5 millions par an. Ce chiffre élevé n’est pas étonnant céphalées profondes rétro-orbitaires irradiant au
germes principaux de l’ethmoïdite de l’enfant. Deux si l’on considère que chaque adulte fait environ trois vertex, un certain degré d’obnubilation et une absence
dangers sont possibles : l’un local, orbitaire, soit par rhumes communs par an, et que 1 à 2 % d’entre eux de mouchage antérieur. Celui-ci est remplacé par un
irruption du pus dans l’orbite, créant ainsi un abcès vont se compliquer de sinusite. écoulement postérieur, purulent, bien décrit par le
extrapériosté qui va comprimer le contenu orbitaire et Le diagnostic de sinusite maxillaire est facile lorsque malade et visible lors de l’examen à l’abaisse-langue
compromettre rapidement la fonction visuelle s’il n’est dans le cadre d’un rhume avec rhinorrhée claire puis de l’oropharynx, sous la forme d’un rideau de pus qui
pas évacué d’urgence, soit par survenue d’une cellulite purulente bilatérale, accompagnée d’obstruction tapisse la paroi pharyngée postérieure entre les piliers
susceptible de s’accompagner d’abcédation dans le nasale et de céphalées, survient une unilatéralisation postérieurs de l’amygdale. La bactériologie des
cône orbitaire limité par les muscles oculomoteurs ou des signes. Le mouchage ne se fait plus que d’un seul sinusites sphénoïdales, à côté des germes habituels,
en dehors du cône entre les muscles et le périoste. côté ; il est franchement purulent et s’accompagne de comporte un important pourcentage de S. aureus et de
Dans les deux cas, le pronostic visuel est très douleurs sous-orbitaires du côté du mouchage qui bactéries anaérobies. Il faut en tenir compte dans la
gravement en jeu. Ces complications orbitaires vont s’intensifient la nuit. En revanche, si la symptomatolo- prise en charge antibiotique.
cliniquement se manifester par l’apparition d’un gie demeure bilatérale, avec un mouchage purulent
important œdème palpébral avec parfois chémosis persistant des deux côtés accompagné de douleurs Complications méningoencéphaliques
(bourrelet conjonctival sous la forme d’une ligne rosée sous-orbitaires, il est difficile de faire le partage entre Elles sont dominées par les thrombophlébites du
qui apparaît sous le rebord ciliaire). Il faut soulever la une rhinite traînante et une rhinosinusite maxillaire sinus caverneux qui vont se manifester fréquemment
paupière pour rechercher une exophtalmie et une bilatérale. Dans ce cas, le diagnostic doit être étayé par par des crises convulsives inaugurales, et surtout par
limitation des mouvements orbitaires qui sont un un examen fibroscopique des fosses nasales qui va un syndrome du sinus caverneux associant un
indice pronostique péjoratif. montrer l’origine du pus sous le cornet moyen (siège œdème palpébral, une exophtalmie et des paralysies
Dans tous les cas, la répétition des scanners de drainage du sinus maxillaire dans les fosses oculomotrices, ainsi qu’une atteinte de la branche
permet : nasales). Si un tel examen ORL ne peut être effectué, ophtalmique du trijumeau, entraînant une
on peut se contenter d’une radiographie des sinus en hypoesthésie cutanée au-dessus du sinus frontal. La
– de dépister et de suivre ces complications
incidence de Blondeau (nez-menton-plaque) qui va thrombophlébite du sinus caverneux est plus
orbitaires en association avec l’examen
montrer trois types d’images : soit un niveau liquide fréquemment unilatérale que bilatérale. Des signes
ophtalmologique ;
qui est l’image la moins discutable de sinusite, soit une neurologiques déficitaires en foyer, labiles dans le
– de poser les indications thérapeutiques ;
opacité totale, soit un épaississement en cadre de la temps, vont survenir. Il existe habituellement un
– une évacuation chirurgicale d’urgence en cas muqueuse, dessinant un triangle supérieur à
d’abcès extraorbitaire ; syndrome méningé. Le pronostic vital est
5 millimètres d’épaisseur en dedans du triangle osseux extrêmement sévère, une issue fatale étant observée
– la chirurgie endo-orbitaire ophtalmologique, du contour sinusien. Un traitement antibiotique de 5 à dans plus de 50 % des cas. Chez les patients
éventuellement en cas d’abcédation intraorbitaire 8 jours, dirigé contre pneumocoque et Hæmophilus est survivants, des séquelles visuelles sont habituelles.
résistant à l’antibiothérapie et s’accompagnant d’une souhaitable pour hâter la guérison et éviter la
Le diagnostic de sinusite sphénoïdale n’est pas fait
dégradation de la fonction visuelle. survenue de complications méningoencéphaliques,
par les examens radiographiques conventionnels ; il
Le deuxième danger de ces ethmoïdites est la peu fréquente certes dans cette variété de sinusites,
faut d’emblée donner la préférence à l’examen
possibilité de survenue d’une thrombophlébite du mais qui reste une hypothèse toujours possible. Les
tomodensitométrique dès lors qu’il y a une suspicion
sinus caverneux et/ou d’une méningite. Le pronostic « résistances » d’Hi et de Sp chez l’adulte sont moins
clinique de sinusite sphénoïdale. Dans le cadre des
de la thrombophlébite du sinus caverneux est fréquentes que chez l’enfant. Elles sont de l’ordre de
sinusites sphénoïdales, nous prescrivons volontiers
redoutable, aussi bien sur le plan vital que pour ce qui 30 % pour Hi et de 50 % pour Sp. Au traitement
une association amoxicilline-acide clavulanique
concerne les séquelles visuelles. antibiotique doivent être associés des vasoconstric-
combinée à l’administration de fluoroquinolones. Un
teurs locaux et généraux et des antalgiques. La
scanner de contrôle doit être effectué aux alentours du
‚ Sinusites maxillaires de l’enfant prescription de corticoïdes pendant 3 à 4 jours est un
dixième jour de traitement. En l’absence d’améliora-
adjuvant qui paraît intéressant dans la mesure où il
Leur réalité est par période discutée, tant il est tion de l’image radiologique, ou si une complication
contribue à diminuer l’œdème qui obstrue les ostiums
difficile d’imputer à une opacité radiologique du sinus survient, il faut effectuer un drainage du sinus
de drainage sinusiens. Cette reperméabilisation des
maxillaire, chez l’enfant, une signification sphénoïdal par voie endonasale sous guidage
ostiums va permettre plus facilement l’évacuation du
pathologique. En effet, les sinus maxillaires, qui endoscopique.
pus endosinusien.
apparaissent chez l’enfant vers 2-3 ans, sont une
évagination des fosses nasales avec lesquelles ils ‚ Sinusites frontales et ethmoïdofrontales
communiquent largement. Ils se remplissent donc très
facilement de sécrétions nasales lors des pleurs. C’est
en définitif la clinique qui permet surtout de les
suspecter. Elle est relativement paucisymptomatique. Il
Elles se manifestent, outre un mouchage purulent,
par l’existence d’une douleur frontale sus-orbitaire
maximale en fin de matinée et en fin d’après-midi.
Elles présentent un potentiel de risques oculaires
■
Angines
3
4-0860 - Infections respiratoires supérieures
caractérisées par le développement d’une sorte de termes d’écologie bactérienne, dans une période où mononucléose infectieuse. La mononucléose étant
couenne qui tapisse les régions latérales de l’émergence des résistances devient préoccupante. La éliminée, il convient de faire un prélèvement de gorge
l’oropharynx. reconnaissance des angines streptococciques est à la recherche du bacille de Klebs-Loeffler et
actuellement facilitée par l’existence de kits d’entreprendre immédiatement une sérothérapie
‚ Angines bactériennes d’identification rapide qui permettent, au terme d’une antidiphtérique à la dose de 20 000 unités (0,1 mL par
Les angines liées au streptocoque bêtahémolytique, manipulation inférieure à 10 minutes, de mettre en voie sous-cutanée suivie, 15 minutes plus tard, par
essentiellement du groupe A, sont celles qui ont évidence, sur un prélèvement pharyngé, l’antigène 0,25 mL, et enfin, s’il n’y a pas de réaction, par la
monopolisé l’attention sur la pathologie pharyngée streptococcique. Dès lors que de tels kits, dont le coût totalité de la dose administrée pour moitié par voie
d’origine infectieuse. Elles représentent environ 30 % unitaire devrait se situer aux alentours de 15 francs, sous-cutanée, pour moitié par voie intramusculaire).
des angines chez l’enfant et 10 à 15 % chez l’adulte. seraient pris en charge par des organismes de sécurité L’hospitalisation est bien entendu nécessaire. Un
Leur présentation peut être celle d’une angine sociale, cette nouvelle stratégie thérapeutique dans traitement antibiotique par pénicilline est institué.
érythémateuse ou érythématopultacée. En revanche, l’angine pourrait devenir une réalité. En attendant ce L’entourage est également traité soit par pénicilline,
si elles s’accompagnent d’adénopathie, ce qui n’est moment, il faut certainement privilégier, si l’on soit par macrolide. La protection vaccinale est
pas très discriminant, elles ne comportent pas de continue à traiter toutes les angines comme si elles recherchée.
signes rhinopharyngés ou de toux associée. Les étaient streptococciques, la possibilité de traitements ‚ Angines fusospirillaires
risques de complications locorégionales persistent, raccourcis. Trois antibiotiques sont actuellement
Elles sont classiquement illustrées par une angine
phlegmon périamygdalien, abcès péripharyngé et reconnus par l’agence du médicament comme ayant
unilatérale comportant une exulcération reposant sur
cellulite cervicomédiastinale diffuse, à l’inverse du fait la preuve de leur possibilité d’éradication de S.
une base souple sur une amygdale. En fait, cette
risque de maladies post-streptococciques, et pyogenes lors de traitements courts. Ce sont
étiologie fusospirillaire peut être retrouvée dans des
notamment du rhumatisme articulaire aigu (RAA) qui l’amoxicilline en 6 jours, la josamycine en 5 jours et
angines érythémateuses banales. Elle est sensible à
s’est, dans nos régions, considérablement raréfié. Une l’azithromycine en 3 jours. Ces possibilités viennent se
l’association de pénicilline et de Flagylt.
enquête récente a montré que l’on observait en substituer au traitement dogmatique de l’angine en
France, actuellement, dix cas de rhumatisme articulaire 10 jours par la pénicilline V qui, il faut bien le ‚ Angines virales
chaque année. L’amélioration du niveau socioécono- reconnaître, n’est guère prescrite habituellement. Parmi les angines virales qui représentent
mique de la population, autant que l’antibiothérapie l’immense majorité des angines et qui sont liées à
systématique de toutes les angines, sont responsables ‚ Angines diphtériques l’adénovirus, le virus coxsakie et l’herpès virus, nous
de cette régression, ainsi que la quasi-disparition en L’absence ou la diminution de protection vaccinale retiendrons essentiellement la mononucléose
France des souches rhumatogènes. En effet, toutes les les ont fait resurgir dans les pays d’Europe de l’Est et infectieuse, détermination pharyngée de l’Epstein-Barr
souches de Streptococcus pyogenes ne sont pas très récemment, dans le bulletin épidémiologique virus.
susceptibles de déterminer l’apparition d’un RAA, et hebdomadaire, deux décès ont été rapportés au L’angine de la mononucléose infectieuse s’observe
seules les souches mucoïdes de type M sont Danemark. De tels cas, s’ils demeurent rares, doivent surtout chez les sujets jeunes. Elle est marquée par un
impliquées. Elles sont peu isolées en France, ce qui nous inciter à une particulière vigilance pour redonner syndrome général intense avec une fièvre élevée aux
n’exclut pas leur réapparition bien entendu. son actualité à la nécessité d’une protection vaccinale alentours de 39-40 °C, une asthénie profonde, parfois
Finalement, actuellement, c’est ce risque hypothétique régulièrement reconduite. Une injection de rappel un rash cutané. Localement, il y a des adénopathies
de RAA qui justifie la persistance d’une position (diphtérie-tétanos) est nécessaire tous les 10 ans. sous-angulomaxillaires bilatérales volumineuses et
dogmatique qui consiste à traiter toutes les angines Quant aux signes de l’angine diphtérique, ils doivent sensibles. À l’inspection de l’oropharynx, l’haleine est
dans la crainte de leur étiologie streptococcique, alors être connus de tous afin que cette maladie redoutable fétide et, là encore, il existe une fausse membrane qui
même qu’elles ne représentent, adultes et enfants soit immédiatement identifiée et traitée. n’est pas blanc nacré, mais grisâtre nécrotique.
confondus, que 15 à 20 % de l’étiologie de l’ensemble L’angine diphtérique se manifeste par des signes L’examen général montre en outre fréquemment une
des angines. Compte tenu de ce faible risque fonctionnels modérés, des adénopathies sous- hépatosplénomégalie. Le diagnostic repose sur un
d’étiologie streptococcique, minoré par un risque angulomaxillaires, un jetage nasal, fréquemment MNI-test dont le résultat est obtenu en quelques
devenu exceptionnel de RAA, nous sommes unilatéral, et à l’inspection du pharynx, signe cardinal, heures et la NFS montre une lymphocytose faite de
nombreux en France à militer pour une stratégie une angine pseudomembraneuse avec une fausse mononucléaires hyperbasophiles. Le bilan hépatique
d’antibiothérapie minimaliste dans les angines, visant membrane blanc nacré adhérente qui enchatonne les montre fréquemment un syndrome de cytolyse. Le
à ne traiter que les angines streptococciques. Cette piliers du voile du palais, recouvre l’amygdale et se traitement antibiotique n’est pas nécessaire, et si l’on
attitude ferait chuter la prescription d’antibiotiques prolonge sur le voile et dans le rhinopharynx. Devant souhaite malgré tout en prescrire, il faut éviter
dans l’angine de 9 millions actuellement à environ 2,5 un tel tableau, une diphtérie doit être immédiatement d’administrer de l’amoxicilline qui risque d’entraîner un
millions par an. Le bénéfice de cette désinflation serait évoquée. Il faut éliminer, en demandant un MNI-test et rash cutané intense. Une corticothérapie en cure
considérable en termes de coût de la santé et en une numération formule sanguine (NFS), une courte peut réduire la symptomatologie fonctionnelle.
Toute référence à cet article doit porter la mention : P Gehanno. Infections respiratoires supérieures.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-0860, 2000, 4 p
4
4-0880
Infections urinaires
H. Leroy, P. Tattevin
Les infections urinaires (IU) sont caractérisées par leur fréquence mais aussi par leur variété, allant de la
simple colonisation au choc septique. Il est fondamental de distinguer les situations d’IU simples des IU
compliquées où le terrain physiologique (enfant, homme, grossesse, sujet âgé), le terrain pathologique
(diabète, immunodépression, insuffisance rénale) ou l’existence d’une anomalie fonctionnelle de l’arbre
urinaire peuvent conduire à des tableaux cliniques graves. Il s’agit de la deuxième cause d’infections
bactériennes communautaires et elles touchent surtout la femme avec des pics de fréquence au début
de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse et en postménopause. Les entérobactéries, majoritai-
rement Escherichia coli (E. coli), sont les principaux micro-organismes responsables des IU, avec une
augmentation actuelle de la résistance de celles-ci aux antibiotiques dont la pénicilline A, le cotrimoxazole
mais aussi les fluoroquinolones avec 10 % de souches résistantes. En conséquence, les céphalosporines
de 3e génération parentérales sont devenues le traitement probabiliste de 1re intention pour les infections
parenchymateuses. L’infection urinaire basse ou cystite associe brûlures mictionnelles, pollakiurie, pesan-
teur pelvienne et urines troubles, sans syndrome infectieux. S’il y a hyperthermie, on parle d’atteinte
parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite), aiguë ou chronique. La bandelette urinaire est suffisante
pour le diagnostic de cystite aiguë simple de la femme jeune, mais dans les autres cas, l’examen de choix
est l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). L’échographie des voies urinaires, voire l’uroscanner,
sera réalisée en cas d’atteinte parenchymateuse à la recherche d’une obstruction des voies urinaires ou
d’une complication à type d’abcès. La prise en charge thérapeutique associe des mesures hygiénodiété-
tiques, un drainage des urines si obstacle et une antibiothérapie probabiliste adaptée secondairement à
l’examen direct, à la bactérie isolée et à l’antibiogramme. En cas d’infection sur sonde urinaire, c’est une
indication à retirer la sonde ou à la changer pour se débarrasser des bactéries du biofilm à la surface de
la sonde.
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Plan De la physiopathologie
■ De la physiopathologie à la clinique 1 à la clinique
■ Épidémiologie 2 L’arbre urinaire est physiologiquement stérile et seul l’urètre dis-
Agents en cause 2 tal est colonisé par la flore fécale, cutanée et génitale. L’organisme
Accroissement de l’antibiorésistance 2 a des moyens de défense contre le développement d’une infection
■ Présentation clinique 2 « ascendante » à partir de cette flore (longueur de l’urètre, fré-
Signes cliniques communs 2 quence des mictions, flux mictionnel constant au niveau urétéral,
Formes topographiques 2 composition de l’urine, rôle bactéricide du mucus vésical).
Complications 2 L’IU communautaire est majoritairement de mécanisme
Formes particulières 2 « ascendant » avec invasion soit de la vessie, on parle alors de cys-
■ Prise en charge en pratique 3 tite, soit du rein ou de la prostate, et l’on parle de pyélonéphrite
Examens complémentaires : lesquels et dans quelles aiguë (PNA) ou de prostatite. On parle d’IU compliquée quand
circonstances ? 3 il existe des facteurs de risques comme la stase urinaire (liée à
Prise en charge thérapeutique 4 l’hypertrophie de la prostate ou les prolapsus urogénitaux de la
femme âgée), la sténose urétrale, les anomalies de l’arbre urinaire,
les modifications urodynamiques liées à la grossesse, les sondages
urinaires, ou la glycosurie en cas de diabète mal contrôlé. Pour
certains experts, toute IU chez l’homme et l’enfant sont des IU
compliquées. Quand il n’y a pas de facteur favorisant, seule la
pathogénicité du germe est en cause et il s’agit d’une IU simple.
du risque anatomique d’évolution vers la pyélonéphrite en raison ou conserver les urines jusqu’à 24 heures à + 4 ◦ C. Pour la prosta-
d’un uretère post-implantation court (risque 7 fois plus élevé que tite aiguë, le massage prostatique pour sensibiliser l’ECBU n’est
chez les greffés sans colonisation) [10] . pas recommandé à cause du risque de dissémination hématogène
mais il reste possible en cas de prostatite chronique.
IU de la femme enceinte : dépister et traiter En cas de rétention urinaire chez l’homme, le choix entre
sondage urétral et cathéter sus-pubien est débattu car sonder
Il s’agit de l’infection la plus fréquente chez la femme enceinte favoriserait l’apparition d’abcès prostatiques. Certains préfèrent le
à cause des modifications anatomiques, hormonales et physico- sondage urétral car les complications du cathéterisme ne sont pas
chimiques de l’urine. L’IU expose à un risque de prématurité et de rares (perforation digestive ou de l’artère iliaque) [12, 13] . Le cathéter
retard de croissance intra-utérin. Le risque est majoré par l’âge sus-pubien est contre-indiqué en cas de troubles de l’hémostase,
de la mère, la parité, l’activité sexuelle, le diabète, les antécé- d’anticoagulants, de cicatrice sus-pubienne, d’hématurie, de
dents d’IU [1] . On recommande un dépistage systématique de la tumeur vésicale, ou de pontage fémoral croisé.
colonisation à partir du 4e mois de grossesse et un traitement sys- Chez l’enfant, on utilise soit une poche stérile autocollante
tématique, réduisant ainsi le risque de PNA de 75 % (risque estimé après toilette antiseptique de la zone périnéale (maintenue moins
à 20 %-30 % en l’absence de traitement de la colonisation) [9] . de 30 minutes), soit un sondage aller-retour chez la petite fille.
Cas particuliers des patients sondés
IU nosocomiales : au premier rang des infections
La leucocyturie n’est pas significative chez le patient sondé et
liées au soin
la BU n’a d’intérêt que pour infirmer l’absence d’IU si elle est
En 2001, les IU représentaient en France 43 % des infec- négative. Les experts américains définissent une IU sur matériel
tions nosocomiales [11] . Le sondage en est la principale cause. lorsqu’il y a des symptômes compatibles avec une infection, sans
L’acquisition peut survenir par voie endoluminale, hématogène, autre cause, avec une bactériurie ≥ 103 UFC/ml sur un échantillon
ou plus fréquemment extraluminale. Les bactéries d’origine diges- recueilli par du matériel ayant été changé dans les 48 heures [14] .
tive colonisent le périnée, et migrent vers la vessie par capillarité
Interprétation de l’ECBU
dans le film muqueux ou biofilm bactérien protecteur à la surface
externe de la sonde. Le sondage entraîne également une altération Le tableau 1 décrit les différents cas de figure et l’interprétation
des moyens de défense de l’épithélium vésical et perturbe le transit en fonction des résultats de l’ECBU. Toute leucocyturie aseptique
urinaire en créant un résidu. L’incidence journalière d’acquisition doit faire suspecter une tuberculose rénale et il faut réaliser des pré-
d’une IU sur sonde a diminué avec les systèmes clos, variant de 3 % lèvements sur la première miction du matin, trois jours de suite,
à 10 % par jour de sondage, mais le risque cumulé après 30 jours à la recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR).
est de 100 %. Il faut donc limiter le sondage aux situations indis- La détection de C. trachomatis se fait par PCR sur les urines du
pensables et ôter les sondes le plus rapidement possible. 1er jet sans toilette préalable. Si l’on suspecte une urétrite, il faut
également réaliser un prélèvement urétral à l’écouvillon.
ECBU de contrôle, sous traitement ou à distance de
Prise en charge en pratique l’infection
Dans le cadre de la cystite et de la PNA simple, il n’est pas
Examens complémentaires : lesquels nécessaire de contrôler par un ECBU, sauf si l’évolution est défa-
vorable après 72 heures d’antibiothérapie. On réalisera un ECBU
et dans quelles circonstances ? à 48 heures-72 heures de traitement et quatre à six semaines après
Bandelettes urinaires l’arrêt pour les pyélonéphrites compliquées. Pour la prostatite
aiguë, l’ECBU prélevé quatre à six semaines après le traitement
Les bandelettes urinaires (BU) réactives recherchent la présence est également conseillé alors que celui à 48 heures-72 heures ne
de leucocytes et de nitrites dans les urines. La sensibilité de la l’est qu’en cas d’évolution défavorable.
détection de la leucocyturie est bonne (entre 75 % et 90 %, faux
négatifs en cas de glycosurie ou protéinurie importantes). Le seuil
de détection de la leucocyturie est de 104 /ml et la spécificité est
Autres examens biologiques
excellente (≥ 95 %) [11] . La détection des nitrites est basée sur la En cas de syndrome infectieux, il faut prélever une numération
transformation des nitrates en nitrites par les entérobactéries et le formule sanguine et doser les marqueurs de l’inflammation et la
seuil est de 105 UFC/ml (unité formant colonie). La sensibilité est créatininémie car les infections parenchymateuses compliquées
moyenne (35 % à 85 %), car certaines bactéries ne produisent pas peuvent être à l’origine d’une insuffisance rénale. On réalisera
de nitrites (staphylocoques, entérocoques ou Pseudomonas sp.). également des hémocultures pour authentifier une bactériémie
La spécificité est estimée à 95 %. La combinaison des deux tests a qui constitue un facteur de risque d’évolution péjorative.
une très bonne valeur prédictive négative, supérieure à 95 % : une L’élévation des antigènes spécifiques de prostate (PSA) est
BU avec absence de nitrite et de leucocyte élimine en pratique le inconstante et leur dosage ne doit pas être réalisé lors d’un épisode
diagnostic d’IU, sauf pour le nourrisson de moins de trois mois infectieux aigu. Par contre, on les dosera à distance (six mois) chez
et le patient neutropénique, pour lesquels la BU a une valeur pré- l’homme de plus de 50 ans pour rechercher un adénocarcinome
dictive négative insuffisante [6] . Le prélèvement d’urine doit être de prostate.
réalisé sur le deuxième jet d’urines fraîchement émises, dans un
récipient non stérile propre et sec, sans toilette préalable. Dans le Imagerie
cadre de la cystite simple, la BU est le seul examen recommandé.
Pour les PNA simples et les prostatites aiguës, une échographie
doit être réalisée dans les 24 heures pour exclure une obstruc-
Examen cytobactériologique des urines tion [15] . L’urgence de l’imagerie se justifie d’autant plus qu’il existe
et antibiogramme un antécédent de lithiase urinaire, un pH urinaire supérieur à 7
L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) est indispen- ou une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min [16]. Une
sable pour toute IU en dehors de la cystite simple de la femme échographie normale n’exclut pas le diagnostic de PNA. Le scan-
jeune. L’examen direct en urgence est primordial pour les cas ner n’est pas recommandé en première intention contrairement
d’urosepsis pour choisir la meilleure antibiothérapie probabiliste aux pyélonéphrites compliquées où l’uroscanner est à privilé-
en urgence. gier car plus sensible pour rechercher des foyers de néphrite, des
abcès (Fig. 1) ou une pyélonéphrite emphysémateuse (Fig. 2).
Recueil des urines Cependant, il est parfois inutile (sujet âgé sans facteur de risque
Il doit être réalisé dans un flacon stérile après toilette périnéale de complication) ou dangereux (insuffisance rénale favorisée par
au Dakin suivie d’un rinçage, sur des urines du deuxième jet et l’iode, PNA gravidique, allergie à l’iode). L’urographie intravei-
acheminé dans l’heure au laboratoire. On peut utiliser un milieu neuse n’a plus d’indication depuis l’utilisation du scanner. Pour la
de conservation qui inhibe la croissance bactérienne (tube boraté), recherche d’abcès prostatique, l’IRM est à préférer à l’échographie
Tableau 1.
ECBU d’après [11] .
Symptômes Leucocytes Concentration Nombre Interprétation
≥ 104/ml bactérienne en d’espèces
UFC/ml
Non – ≤ 104 ≥0 Pas d’infection urinaire
Non ± ≥ 10 5
1 Colonisation urinaire ou souillure du prélèvement
± – ≥ 105 ≤2 Souillure. Refaire ECBU
± – ≥ 10 5
≤2 Colonisation urinaire ou souillure. Refaire. Infection possible si débutante, greffe,
immunodépression, chimiothérapie
Oui + < 103 ≤2 Infection possible
– Décapitée
– Tuberculose, Chlamydia trachomatis, Mycoplasma hominis, Neisseria gonorrhoeae
– Urétrite, prostatite
Oui + Entre 103 et 105 ≤2 Cystites : infection possible
– Seuil de 103 suffisant pour E. coli, autres entérobactéries et S. Saprophyticus
– Autres germes : refaire un ECBU
Pyélonéphrites et prostatites : seuil = 104 UFC/ml
Urétrite, prostatite chronique
Oui + ≥ 105 >2 Infection possible ou souillure. Refaire ECBU
Oui + ≥ 105 ≤2 Infection urinaire certaine
B
Figure 2. Tomodensitométrie d’une pyélonéphrite emphysémateuse.
Figure 1. Tomodensitométrie d’un abcès rénal compliquant une A. Présence d’air dans l’espace périrénal, le parenchyme rénal, voire la
pyélonéphrite aiguë retrouvant une hypodensité volumineuse avec effet voie excrétrice (flèche).
de masse sur les cavités pyélocalicielles, à contenu liquide hétérogène B. Cet air peut aussi être détecté par échographie ou par l’abdomen sans
(flèche). préparation s’il est en quantité abondante (flèches).
IU de l’enfant Références
L’hospitalisation est recommandée chez tout enfant de moins
de 3 mois et en cas de signes d’infection sévère. La cystite aiguë de
la fille de plus de 3 ans doit être traitée par 3 jours à 5 jours de cotri- [1] Mandell, Douglas, and Bennett’s Principles and Practice of
moxazole ou de céfixime. Pour les PNA, le traitement comprend Infectious Diseases. London: Churchill Livingstone; 2004. p.
un traitement d’attaque par une C3G suivi par un traitement 875-905.
oral par cotrimoxazole ou céfixime (AMM à partir de 6 mois), [2] Poster ONERBA : Résistance aux antibiotiques en France. Résultats
adapté à l’antibiogramme. L’amoxicilline est recommandée pour 1998-2009 des réseaux fédérés dans l’ONERBA, JNI 2010, poster
N-01.
les infections à entérocoque. Dans les formes compliquées (enfant
[3] Gupta K. International Clinical Practice Guidelines for the Treatment
de moins de 3 mois, uropathie malformative connue, syndrome
of Acute Uncomplicated Cystitis and Pyelonephritis in Women: A 2010
septicémique, immunodéprimé), on peut associer un aminoside. Update by the Infectious Diseases Society of America and the Euro-
La durée totale de traitement est de 10 jours à 14 jours. En cas de pean Society for Microbiology and Infectious Diseases. Clin Infect Dis
résistance aux autres familles d’antibiotiques, les FQ peuvent être 2011;52:e103–20.
envisagées chez l’enfant prépubère [6] . [4] ONERBA, rapport d’activité 2008. Edition décembre 2010.
Femme enceinte http://www.onerba.org/IMG/pdf/onerba rapport2008 LD.pdf.
La colonisation doit être traitée 2 jours à 3 jours par [5] De Lastours V, Fantina B. Résistance aux fluoroquinolones en
l’amoxicilline ± acide clavulanique, le céfixime, la nitrofuran- 2010 : quel impact pour la prescription en réanimation ? Réanimation
toïne, le pivmécillinam ou le cotrimoxazole. Le traitement 2010;19: 347–53.
[6] AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires
probabiliste des cystites repose sur le céfixime ou la nitrofuran-
bactériennes communautaires du nourrisson et de l’enfant. Recom-
toïne, alors que celui des PNA repose sur une C3G.
mandations. Med Mal Infect 2007;37:637–44.
IU récidivantes [7] Guillausseau PJ. Infections urinaires et diabète sucré. Rev Prat 2003;
L’antibiothérapie au long cours est à réserver aux cas de réci- 53:1790–6.
dives invalidantes car elle expose aux risques de résistance et de [8] Harding GK, Zhanel GG, Nicolle LE. Antimicrobial treatment in dia-
toxicité des antibiothérapies au long cours.Le cotrimoxazole et le betic women with asymptomatic bacteriuria. N Engl J Med 2002;347:
nitrofurantoïne sont les traitements de choix, avec, pour ce der- 1576–83.
nier la réserve actuelle de l’Agence française de sécurité sanitaire [9] Nicolle LE. Asymptomatic bacteriuria: review and discussion of
des produits de santé (AFSSAPS) concernant la toxicité pulmonaire the IDSA guidelines. Int J Antimicrob Agents 2006;28(suppl):
ou hépatique des traitements prolongés [18]. S42–8.
[10] Foriente S. Systematic screening and treatment of asymptoma-
tic bacteriuria in renal transplant recipients. Kidney Int 2010;78:
774–81.
“ Points essentiels [11]
[12]
Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Paris: Vigot; 2010.
AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bacté-
riennes communautaires chez l’adulte. Med Mal Infect 2008;38(suppl):
• Les IU sont la deuxième cause d’infections bactériennes 203–52.
[13] Bruyère F, Faivre d’Arcier B. Rétention aiguë d’urine sur prostatite
communautaires, après celles de l’arbre respiratoire. aiguë : sonde vésicale ou cathéter sus-pubien ? Prog Urol 2009;19:
• Elles sont plus fréquentes chez la femme, notamment F123–5.
au début de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse [14] AFSSAPS. Infections urinaires nosocomiales de l’adulte : conférence
et en postménopause. de consensus 2002. Med Mal Infect 2003;33:370–5.
• Il existe des formes cliniques très variées allant de la [15] Doco-Lecompte T, Letranchant L. Infections urinaires de
simple colonisation urinaire au choc septique souvent l’enfant et de l’adulte. Leucocyturie. Rev Prat 2010;60:
857–63.
favorisé par des comorbidités liées au terrain. [16] van Nieuwkoop C, Hoppe BP, Bonten TN, Van’t Wout JW, Aarts
• Les entérobactéries, dont E. coli, sont les principaux NJ, Mertens BJ, et al. Predicting the need for radiologic imaging in
micro-organismes responsables des IU et l’augmentation adults with febrile urinary tract infection. Clin Infect Dis 2010;51:
de la fréquence des souches résistantes aux antibiotiques 1266–72.
fait recommander les céphalosporines de 3e génération [17] Hooton TM, Diagnosis. prevention, and treatment of catheter-
parentérales en 1re intention pour les infections parenchy- associated urinary tract infection in adults: 2009 International Clinical
Practice Guidelines from the Infectious Diseases Society of America.
mateuses.
Clin Infect Dis 2010;50:625–63.
• Dans le cadre d’infections parenchymateuses, l’imagerie [18] AFFSAPS. Nitrofurantoïne et risque de survenue d’effets indésirables
est nécessaire : échographie des voies urinaires, voire l’uro- hépatiques et pulmonaires lors de traitements prolongés, février 2011.
scanner pour les formes compliquées. http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/lettres-aux-professionnels-
• Une IU associée à une obstruction des voies urinaires est de-sante/Nitrofurantoine-et-risque-de-survenue-d-effets-indesirables-
une urgence urologique nécessitant un drainage. hepatiques-et-pulmonaires-lors-de-traitements-prolonges-Lettre-aux-
professionnels-de-sante.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Leroy H, Tattevin P. Infections urinaires. EMC Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 4-0880].
Diarrhées infectieuses
M. Revest, P. Tattevin
Les diarrhées d’origine infectieuse représentent un problème majeur de santé publique du fait, d’une part
de leur très grande fréquence, et d’autre part de leur mortalité importante avec plus de deux millions
de décès survenant par an, principalement chez les enfants des pays en développement. En France,
leur impact en termes de mortalité est bien entendu moindre, mais elles n’en demeurent pas moins
responsables d’environ trois millions d’épisodes par an. Leur prise en charge repose d’abord sur une
analyse précise de leur sémiologie, permettant de séparer deux grands groupes : les diarrhées invasives
responsables d’un syndrome dysentérique caractérisé par une fièvre et l’émission de sang dans les selles,
et les diarrhées toxiniques provoquant un syndrome cholériforme fait de l’émission de selles aqueuses,
fréquentes, dans un contexte apyrétique. Les examens complémentaires ne sont pas systématiques et ne
sont à discuter qu’en cas de diarrhées suspectées invasives ou de diarrhée persistant plus de trois jours
malgré un traitement symptomatique bien conduit. Sur le plan thérapeutique, la première étape consiste
à dépister et traiter une éventuelle déshydratation. Le traitement antibiotique n’est pas systématique et
dépend soit de l’intensité des symptômes, soit du pathogène que les coprocultures ont permis de mettre en
évidence. Il est notamment systématique en cas de shigellose ou d’amoebose. Le traitement antibiotique
des salmonelloses mineures est par contre réservé à des situations particulières, comme les âges extrêmes,
les patients immunodéprimés ou porteurs de lésions vasculaires ou de matériel endovasculaire, ainsi que
les patients atteints de drépanocytose. Le reste de la prise en charge repose sur les antisécrétoires qui
peuvent être prescrits sans restriction alors que les ralentisseurs du transit doivent être évités au maximum
et restent contre-indiqués en cas de suspicion de diarrhée invasive.
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Mots clés : Syndrome dysentérique ; Syndrome cholériforme ; Salmonellose mineures ; Shigellose ; Amoebose ;
Clostridium difficile
Plan Introduction
■ Introduction 1 La diarrhée est définie par l’émission de selles trop fréquentes
■ Épidémiologie 2 et anormales en qualité. Le poids des selles est alors supérieur
■
à 300 g/j. De façon plus pratique, l’Organisation mondiale de
Physiopathologie 2
la santé (OMS) définit la diarrhée comme l’émission de plus de
■ Particularité sémiologique en fonction des différentes trois selles par jour, molles ou liquides [1] . On parle de diarrhée
étiologies 2 aiguë lorsqu’elle évolue depuis moins de deux semaines, pro-
Syndrome dysentérique 2 longée entre deux et quatre semaines, et de diarrhée chronique
Syndrome cholériforme 3 au-delà d’un mois d’évolution.
Autres diarrhées infectieuses 3 Les diarrhées infectieuses sont le plus souvent des diarrhées
Diarrhées postantibiotiques à Clostridium difficile 3 aiguës et représentent un motif de consultation en médecine géné-
■ Conduite à tenir 4 rale fréquent. Leur impact en termes de morbidité et en termes
Évaluer la gravité de la diarrhée 4 économiques reste en France majeur, avec un arrêt de travail de
Faire des hypothèses étiologiques 4 durée médiane de trois jours prescrit dans un tiers des cas [2] . Bien
Intérêt de réaliser un bilan complémentaire ? 4 que leur évolution soit le plus souvent spontanément favorable,
Quel traitement symptomatique prescrire ? 5 des complications parfois graves peuvent survenir sur des terrains
Quand prescrire des antibiotiques ? 5 fragilisés, personnes âgées ou nourrissons notamment. Le diag-
■ Conclusion 6 nostic étiologique et donc le choix de la stratégie thérapeutique
doivent s’appuyer sur une analyse précise du contexte épidémio-
logique et de la sémiologie.
Épidémiologie
Tableau 1.
Germes responsables des diarrhées infectieuses.
Dans les pays en développement, les diarrhées infectieuses sont Syndromes Pathogènes
responsables d’environ deux millions de décès par an. Ces décès Syndrome cholériforme Vibrio cholerae (Choléra)
touchent essentiellement les enfants de moins de 5 ans, 80 % sur- E. coli entérotoxinogène (ETEC)
venant avant l’âge de deux ans [3] . Maladies du péril fécal, leur Staphylococcus aureus a
fréquence est directement corrélée aux conditions d’hygiène et Clostridium perfringens a
donc à la pauvreté. Bacillus cereus a
En France, on estime à environ trois millions le nombre Syndrome dysentérique Shigella
d’épisode de diarrhées aiguës infectieuses par an. Il existe une E. coli entéroinvasif et
réelle saisonnalité dans la survenue de ces épisodes, avec un pic entérohémorragique
important survenant durant l’hiver et un pic de moindre impor- Campylobacter jejuni
tance au cours de l’été [4] . Entamoeba histolytica histolytica
(non fébrile)
Syndrome intermédiaire b Salmonella non typhi
Physiopathologie Yersinia
E. coli entéropathogène
Deux grands types de mécanismes physiopathologiques sont Virus (rotavirus, calicivirus,
possibles : adénovirus, astrovirus)
• Mécanisme toxinique : les symptômes sont liés à la libération a
Ne se voient qu’en cas de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC).
d’une toxine par des bactéries qui se fixent sur l’épithélium b
Associe une diarrhée fécale non sanglante, des douleurs abdominales, des
digestif sans le pénétrer. Cette toxine va stimuler la sécrétion vomissements et de la fièvre modérée.
d’eau et d’électrolytes par les cellules intestinales. L’incubation
est courte et il n’y a pas de destruction cellulaire (pas de sang
dans les selles), ni d’invasion de la paroi (pas de fièvre ni de Shigella dysenteriae est la plus fréquente et la plus virulente (sécré-
syndrome inflammatoire). Ce mécanisme est responsable du tion de toxine). Les autres espèces sont moins fréquentes (Shigella
syndrome cholériforme. À noter que la toxine responsable est flexneri, Shigella boydii et Shigella sonnei). Le réservoir est stricte-
soit préformée dans l’aliment ingéré, soit produite au moment ment humain et la transmission est interhumaine directe (mains
de la pénétration dans l’organisme. sales) ou par l’ingestion d’aliments peu ou pas cuits ou d’eau
• Mécanismes invasifs : les bactéries pénètrent alors les cellules contaminés. L’inoculum infestant peut être très faible (aux alen-
épithéliales. Ensuite, deux situations sont possibles selon le tours de 100 bactéries), ce qui explique la grande contagiosité de
pathogène : cette infection.
◦ soit une multiplication dans les cellules épithéliales et une Les symptômes sont liés à l’invasion puis à la destruction de
destruction de celles-ci avec émission de selles glairosan- l’épithélium digestif mais également à une sécrétion de toxine
glantes dans un contexte fébrile (syndrome dysentérique) : (pour S. dysenteriae), cette toxine pouvant être responsable des
Shigella, Campylobacter jejuni, Escherichia coli entéro-invasif et signes extra-digestifs. L’incubation est de 2 à 5 jours, puis survient
entérohémorragique ; un syndrome dysentérique typique et sévère avec fièvre élevée
◦ soit une traversée des cellules épithéliales par la bactérie cau- (40 ◦ C). Des formes graves avec signes neurologiques sont pos-
sale en entraînant une destruction de la muqueuse digestive sibles (convulsions, troubles de conscience, confusion).
moins importante que pour le mécanisme précédent, la mul- Le diagnostic est fait par la coproculture. Les hémocultures sont
tiplication bactérienne se faisant dans les tissus lymphoïdes rarement positives.
sous-muqueux. Par contre, une fois la muqueuse digestive Les mesures d’isolement s’appliquent ici de façon draconienne.
traversée, ces bactéries peuvent disséminer (Salmonelles non
typhiques, Yersinia). La diarrhée est alors peu ou pas sanglante Syndrome dysentérique à Escherichia coli
et survient dans un contexte fébrile. (entéroinvasif [EIEC] et entérohémorragique
À ces mécanismes physiopathologiques différents sont sou-
[EHEC])
vent associés des tableaux cliniques spécifiques. Le syndrome
cholériforme, témoin du mécanisme toxinique, associe des vomis- Ces germes sont cosmopolites, pouvant atteindre l’adulte et
sements et quelques douleurs abdominales à une diarrhée aqueuse l’enfant. La physiopathologie est identique à celle de la shigellose
extrêmement importante conduisant rapidement à la déshydra- avec à la fois un caractère invasif, mais également la produc-
tation, évoluant dans un contexte apyrétique. À l’opposé, le syn- tion de toxines. La symptomatologie est identique à celle de la
drome dysentérique comporte des selles glaireuses et sanglantes, shigellose.
des douleurs abdominales diffuses et importantes, un syndrome Certaines souches (E. coli entérohémorragique O157H7 rencon-
rectal avec épreintes, ténesmes et faux besoins et une fièvre. trée surtout chez l’enfant, et O154H4 responsable d’une épidémie
Entre ces deux syndromes clairement individualisés, on majeure chez l’adulte au printemps 2011 en Allemagne) pro-
retrouve des syndromes moins typiques, parfois dénommés syn- duisent une vérotoxine (ou shigatoxine) pouvant entraîner, outre
drome gastroentéritique ou syndrome intermédiaire, associant la diarrhée hémorragique, un syndrome hémolytique et uré-
des selles fécales non sanglantes, des douleurs abdominales, des mique.
vomissements et de la fièvre. Le Tableau 1 schématise ces différents Le diagnostic repose sur la coproculture et la caractérisation des
syndromes et les pathogènes responsables. souches bactériennes (polymerase chain reaction [PCR]).
Campylobacter jejuni
Particularité sémiologique Le réservoir de cette bactérie est animal (tube digestif des
oiseaux notamment). L’incubation est de 1 à 3 jours, puis apparaît
en fonction des différentes un syndrome dysentérique classique.
étiologies [5] Le diagnostic est fait sur la coproculture.
la plus fréquente de diarrhée à amibes, qui est le plus souvent Autres diarrhées infectieuses
représentée par une diarrhée subaiguë faite de selles pâteuses.
Le contexte de voyage en zone tropicale doit être recherché. Salmonelloses
La contamination se fait par l’intermédiaire des mains sales Elles sont provoquées par des Salmonella enterica non Typhi.
ou par l’ingestion d’aliments contaminés. En zone tempérée, Elles se rencontrent soit au cours d’un voyage en pays tropical,
l’homosexualité masculine a été rapportée comme facteur de soit au cours de TIAC (1re cause de TIAC en France).
risque d’acquisition. En cas de TIAC, la contamination se fait par ingestion
d’aliments non ou insuffisamment cuits (viandes, œufs, fruits
de mer). Beaucoup de ces bactéries sont retrouvées dans le
Syndrome cholériforme tube digestif d’animaux (oiseaux). Les salmonelles vont péné-
Choléra trer les entérocytes pour les traverser et se multiplier dans la
sous-muqueuse en intramacrophagique. De là, elles peuvent dis-
Maladie tropicale qui touche exceptionnellement le voyageur, séminer vers d’autres organes (bactériémies, atteintes vasculaires,
le choléra est endémique en Inde et survient par épidémies. Il est atteinte osseuse) surtout en cas d’immunodépression, de drépa-
dû à Vibrio cholerae (sérovars O1 de répartition mondiale et O139 nocytose, ou chez la personne âgée.
limité à l’Inde et au Bangladesh). Le réservoir de cette bactérie L’incubation est de 12 à 24 heures. Ensuite apparaissent des diar-
est représenté par l’homme malade ou le porteur sain. La trans- rhées fécales non sanglantes, associées à des douleurs abdominales
mission se fait soit par l’intermédiaire des mains sales, soit par et des vomissements, dans un contexte fébrile (38,5-39 ◦ C). Le
ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. diagnostic sera fait par mise en évidence du germe dans les selles,
L’incubation est le plus souvent courte (quelques heures) mais voire les hémocultures.
peut aller jusqu’à 5 jours. Puis survient brusquement un syndrome
cholériforme typique, très intense, les patients pouvant émettre Yersinioses
jusqu’à 15 litres de selles afécales par jour. Il n’y a pas de fièvre.
Le diagnostic est fait par mise en évidence de la bactérie dans les Deux bactéries peuvent être en cause : Yersinia enterocolitica et
selles (retrouvée à l’examen direct et en culture). Yersinia pseudotuberculosis.
Le pronostic est essentiellement conditionné par la qualité de la Elles provoquent des diarrhées associées à une fièvre modérée
prise en charge symptomatique qui consiste en une compensation et des douleurs abdominales importantes. L’évolution est le plus
des pertes hydriques. Sans cette compensation, le tableau évolue souvent favorable, mais des syndromes post-infectieux peuvent
rapidement vers le collapsus voire le décès. apparaître (érythème noueux, syndrome de Fiessenger-Leroy-
L’antibiothérapie (doxycycline en première intention) a comme Reiter).
principal intérêt de réduire l’excrétion de bactéries dans les selles
afin d’éviter les cas secondaires. Elle raccourcit de plus la durée E. coli entéropathogènes
d’évolution. Provoque des tableaux de gastroentérites banaux, notamment
Les mesures d’isolement sont primordiales (isolement des en collectivité (crèches, écoles).
malades, désinfection des selles).
La prévention par la vaccination est réservée aux personnels de
santé allant travailler dans une zone où sévit une épidémie.
Gastroentérites virales
Très fréquentes et survenant par épidémies, elles sont le plus
souvent dues aux rotavirus, aux calicivirus, aux norovirus et aux
E. coli entérotoxinogène (ETEC) astrovirus. Elles sont très contagieuses.
Il s’agit de la principale cause des diarrhées des voyageurs ou Le tableau est celui de diarrhées fébriles, vomissements, dou-
turista. L’incubation est courte. Elle provoque des diarrhées non leurs abdominales et parfois signes extradigestifs (myalgies). Ce
fébriles peu sévères associées à des douleurs abdominales et qui tableau est classiquement plus marqué chez l’enfant.
vont spontanément régresser en 2 à 3 jours. L’évolution est spontanément favorable, mais il faut se méfier
La plupart du temps, la diarrhée a cessé lors du retour du voyage des déshydratations pouvant survenir chez le nourrisson.
et le diagnostic étiologique n’est pas fait (caractérisation de la
bactérie retrouvée dans les selles par PCR). Diarrhées infectieuses chez le patient séropositif
Aucun traitement antibiotique n’est nécessaire. pour le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH)
Staphylococcus aureus
Chez le patient dont le statut immunitaire reste conservé,
Responsable de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) les causes de diarrhées infectieuses sont similaires à celles ren-
par mécanisme toxinique, la toxine étant préformée dans contrées chez le patient séronégatif. Par contre, à un stade
l’alimentation. Cette toxine est thermostable, donc résistante à la avancé d’immunodépression, les patients présentent volontiers
cuisson. La contamination se fait par ingestion d’aliments (pro- des diarrhées chroniques parfois responsables de pertes de poids
duits laitiers, crèmes glacées, plats cuisinés, salades composées) majeures. Une place importante est alors occupée par les para-
contaminés lors de leur préparation par un porteur sain ou pré- sites et notamment Cryptosporidum (également rencontré chez
sentant une pathologie cutanée à S. aureus. l’immunocompétent mais donnant alors des diarrhées sponta-
L’incubation est courte (2 à 4 heures), puis apparaît une diarrhée nément résolutives), Isospora belli ou des microsporidies. Les
hydrique dans un contexte apyrétique, associée à des douleurs salmonelles sont également fréquentes, volontiers récidivantes et
abdominales et des vomissements. responsables de bactériémies.
L’évolution est spontanément favorable.
Tableau 2.
Caractéristiques des toxi-infections alimentaires collectives.
Bactéries Mécanisme Incubation Aliments en cause
S. aureus Toxinique (toxine thermostable 2 à 4 heures Plats cuisinés, produits laitiers, crèmes
préformée) glacées, salades composées, pâtisseries
C. perfringens Toxinique (toxine sécrétée par la 8 à 16 heures Viandes en sauce peu cuites
bactérie dans le tube digestif)
B. cereus Toxinique (toxine préformée) 2 à 8 heures Riz, purée, légumes germés
Salmonella sp. Invasif 12 à 24 heures Viandes, œufs, fruits de mer peu cuits
• les -lactamines : représentent en réalité, les principaux antibio- • contexte de toxi-infection alimentaire collective : définie
tiques pourvoyeurs de colite à C. difficile en termes de fréquence comme la survenue d’au moins deux cas de la même symp-
(beaucoup plus utilisés que les lincosamides) ; tomatologie dont l’origine peut être rattachée à la même
• les fluoroquinolones. origine alimentaire. Les évocations étiologiques peuvent alors
Le tableau clinique se limite le plus souvent à une diarrhée dans s’appuyer sur :
les suites d’une prise d’antibiotique. ◦ l’incubation : elle est courte en cas de mécanismes toxi-
Parfois, le tableau est grave avec colite pseudomembraneuse : niques (2 à 4 heures pour S. aureus, 2 à 8 heures pour Bacillus
diarrhée glairosanglante, douleurs abdominales intenses, altéra- cereus et 8 à 16 heures pour Clostridium perfringens) et plus
tion de l’état général, fièvre élevée. longue pour les mécanismes invasifs (12 à 24 heures pour les
Le diagnostic repose essentiellement sur la mise en évidence des salmonelloses),
toxines A et B dans les selles. ◦ le type d’aliment ingéré (Tableau 2) :
- S. aureus : plats cuisinés, produits laitiers, crèmes glacées,
salades composées, pâtisseries,
Conduite à tenir - C. perfringens : viandes en sauce peu cuites,
- B. cereus : riz, purée, légumes germés,
Sa chronologie est stéréotypée. - Salmonelles : viandes, œufs, fruits de mer peu cuits ;
• la prise récente d’antibiotiques : une diarrhée à C. difficile doit
être évoquée ;
Évaluer la gravité de la diarrhée • en fonction du tableau clinique : comme précisé plus haut,
les syndromes cholériformes et dysentériques doivent faire
La première étape de la prise en charge consiste à rechercher
évoquer différents pathogènes.
des signes de déshydratation chez le patient, témoin d’une mau-
vaise tolérance [6] . Ces signes sont particulièrement à rechercher
chez le jeune enfant, la personne âgée et les personnes trai-
tées par des médicaments à impact sur la perfusion glomérulaire Intérêt de réaliser un bilan
(diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine 2, anti-inflammatoires non complémentaire [7] ?
stéroïdiens [AINS]). D’autres signes de gravité sont également pos-
Le bilan complémentaire n’est pas systématique (Fig. 1). Sa réa-
sibles :
lisation dépend du tableau clinique :
• syndrome pseudo-occlusif : par hypokaliémie ou par colite
• en cas de diarrhée non sanglante, non fébrile, sans signe cli-
grave (Shigellose, Amoebose, Clostridium difficile, etc.) ;
nique de déshydratation, aucun bilan complémentaire n’est
• signes neurologiques pouvant évoquer un syndrome hémoly-
nécessaire. L’évolution est le plus souvent spontanément
tique et urémique (E. coli) ;
favorable en 2 à 3 jours, sous couvert éventuellement d’un
• des signes de bactériémies voire de sepsis sévères : les bacté-
traitement symptomatique. En cas de persistance des symp-
riémies sont particulièrement à risque en cas de salmonellose
tômes sans amélioration au-delà de 3 jours, une coproculture
survenant chez des patients splénectomisés ou drépanocytaires.
avec recherche de salmonelle, shigelle, Yersinia et Campylobac-
ter, ainsi qu’un examen parasitologique des selles doivent être
prescrits ;
• en cas de diarrhées sanglantes et/ou fébriles, le bilan sera systé-
“ Point fort matique et comportera :
◦ une coproculture en précisant la demande de recherche
de Campylobacter et Yersinia. Une coproculture standard ne
La recherche de signe de déshydratation est le premier comporte que la recherche de salmonelle et de shigelle,
temps de l’examen clinique devant une diarrhée suspectée ◦ un examen parasitologique des selles qu’il faut savoir répé-
infectieuse. ter trois fois, sur des selles fraîches matinales du fait d’une
sensibilité non parfaite,
◦ une numération formule sanguine (NFS),
◦ un ionogramme sanguin, urée, créatininémie,
◦ des hémocultures en cas de syndrome septique au premier
Faire des hypothèses étiologiques plan,
◦ en cas de retour d’une zone tropicale, il faut savoir évoquer le
Certains facteurs épidémiologiques particuliers doivent être paludisme qui peut se présenter comme une diarrhée fébrile
recherchés : au moins initialement. Le frottis sanguin à la recherche de
• existence d’un voyage récent à l’étranger : certains pathogènes paludisme doit être prescrit dans ce contexte ;
sont en effet essentiellement rencontrés en milieu tropical et • en cas de signe clinique de déshydratation, quel que soit le type
seulement exceptionnellement en zone tempérée. Il s’agit des de diarrhée :
shigelles, des amibes et bien sûr du choléra. Ce dernier reste ◦ ionogramme sanguin, urée, créatininémie,
exceptionnel et ne peut concerner qu’un personnel de santé ◦ NFS ;
ayant travaillé auprès de personnes atteintes de choléra ; • en cas de diarrhée survenant durant ou après une antibiothéra-
• en fonction de la saison : les rotavirus et les astrovirus se pie, la recherche de toxines de Clostridium difficile dans les selles
rencontrent surtout en hiver ; est systématique.
Pas de déshydratation
antibiotique, reposant sur les fluoroquinolones en première inten- • les infections par Entamoeba histolytica nécessitent un traite-
tion, doit être administré. On étend également cette indication ment par métronidazole 500 mg × 3/j pendant 7 jours associé
aux patients connus pour être porteurs d’un anévrisme athéro- à un amoebocide de contact : tiliquinol-tibroquinol (Intétrix® ),
mateux de l’aorte ou d’une prothèse valvulaire cardiaque, du fait 2 gélules matin et soir pendant 10 jours.
de la grande propension des salmonelles à se fixer à un endo-
thélium vasculaire pathologique et à provoquer dans les suites
une infection à ce niveau. En dehors de ces situations, aucune Conclusion
antibiothérapie n’est nécessaire, du fait d’une évolution sponta-
nément favorable et d’un effet modéré de l’antibiothérapie sur la De par leur fréquence, les diarrhées infectieuses occupent
durée et l’intensité des symptômes. Elle pourrait en outre favori- une place importante en médecine générale. La connaissance
ser le portage chronique des salmonelles. Enfin, la résistance aux de la physiopathologie de ces infections permet d’évoquer des
antibiotiques des salmonelles est une problématique importante, pathogènes précis et aide le clinicien dans la prise en charge
notamment en cas de retour du sud-est asiatique, région où la thérapeutique de ce patient. Loin d’être systématique, le bilan
prévalence de la résistance de ces bactéries aux fluoroquinolones complémentaire peut parfois aider à cette prise en charge, pour
est élevée. En cas d’indication d’antibiothérapie, le traitement réserver l’antibiothérapie.
repose alors sur les céphalosporines de troisième génération injec-
tables.
En ce qui concerne les diarrhées à Campylobacter, les données
sont également contrastées. Le traitement antibiotique n’a proba-
blement que peu d’intérêt. S’il est proposé (diarrhée importante
qui persiste au-delà de 3 jours), il repose sur l’azithromycine en
“ Points essentiels
première intention. • Une diarrhée fébrile et/ou sanglante oriente vers un
Des propositions de traitement antibiotique sont fournies dans
le Tableau 3, pour chaque étiologie.
mécanisme invasif.
• Une diarrhée aqueuse, non fébrile, oriente vers un méca-
nisme toxinique.
• La recherche de signes cliniques de déshydratation doit
“ Points forts être systématique devant toute diarrhée.
• Un bilan complémentaire n’est nécessaire qu’en cas de
mauvaise tolérance clinique de la diarrhée et/ou de diar-
• L’antibiothérapie est systématique en cas de shigellose. rhée fébrile avec émission de sang.
• L’antibiothérapie n’est pas systématique en cas de sal- • Le traitement antibiotique ne doit pas être systématique,
monellose. mais est réservé aux diarrhées avec signes de gravité, ou à
certaines étiologies comme les shigelloses.
• La notion de voyage en zone tropicale tout comme
La plupart du temps, la question de l’antibiothérapie se pose la prise récente d’antibiotiques doit être recherchée par
avant que les résultats de la coproculture ne soient disponibles. l’interrogatoire.
La réflexion de l’indication de l’antibiothérapie empirique doit
alors se baser sur l’intensité et les caractéristiques sémiologiques
de la diarrhée. Cette antibiothérapie empirique doit être débutée
devant : Références
• une diarrhée invasive (fièvre et/ou sang et glaires) marquée ;
• tout type de diarrhée avec signe de gravité et notamment signe [1] Thielman NM, Guerrant RL. Clinical practice. Acute infectious diar-
de déshydratation intense ; rhea. N Engl J Med 2004;350:38–47.
• en cas de terrain très fragile : patient âgé, pathologies asso- [2] Letrilliart L, Desenclos JC, Flahault A. Risk factors for winter out-
ciées de type insuffisance cardiaque sévère, insuffisance rénale, break of acute diarrhoea in France: case-control study. Br Med J
patient immunodéprimé. 1997;315:1645–9.
Elle repose alors sur les fluoroquinolones en première inten- [3] Kosek M, Bern C, Guerrant R. The global burden of diarrhoeal disease,
tion : ciprofloxacine, 500 mg/j pendant 3 jours. Ce traitement as estimated from studies published between 1992 and 2000. Bull WHO
2003;81:197–204.
empirique sera secondairement adapté aux résultats des copro-
[4] Yazdanpanah Y, Beaugerie L, Boelle PY, Letrilliart L, Desenclos JC,
cultures qui auront été prélevées avant son initiation.
Flahault A. Risk factors of acute diarrhoea in summer–a nation-wide
Enfin, il existe deux cas particuliers nécessitant un traitement French case-control study. Epidemiol Infect 2000;124:409–16.
spécifique : [5] DuPont HL. Clinical practice. Bacterial diarrhea. N Engl J Med
• Clostridium difficile : le traitement antibiotique inducteur doit si 2009;361:1560–9.
possible être interrompu. Un traitement spécifique est le plus [6] DuPont HL. Guidelines on acute infectious diarrhea in adults. The
souvent prescrit même si une guérison survient dans 25 % des Practice Parameters Committee of the American College of Gastroen-
cas grâce au seul arrêt de l’antibiothérapie responsable. Ce trai- terology. Am J Gastroenterol 1997;92:1962–75.
tement spécifique repose sur le métronidazole, 250 mg × 4/j [7] Bouchaud O. Diarrhées aiguës infectieuses. Rev Prat 2008;58:
pendant 10 jours. Des rechutes sont possibles ; 1179–86.
M. Revest (matthieu.revest@chu-rennes.fr).
P. Tattevin.
Service des maladies infectieuses et réanimation médicale, Hôpital Pontchaillou, CHU Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Revest M, Tattevin P. Diarrhées infectieuses. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 4-0900].
Neutropénies fébriles
S. Choquet
Les neutropénies fébriles représentent une complication fréquente des chimiothérapies actuelles. Leur
prise en charge précoce permet de limiter la mortalité à moins de 10 % des cas. L’utilisation de facteurs
pronostiques justifie parfois de proposer un traitement antibiotique à domicile, sous la surveillance du
médecin généraliste. Dans tous les autres cas, l’hospitalisation est de règle pour débuter une
antibiothérapie à large spectre. Un germe n’est isolé que dans un tiers des cas.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
■ Introduction Définition de la neutropénie fébrile.
Neutrophiles Température
Rançon des progrès de l’oncologie et de l’hématologie, les
< 500/mm 3
≥ 38,3 °C
neutropénies fébriles font partie du lot quotidien de ces
< 1000/mm3 et prochainement ≥ 38 °C à 2 reprises en moins de 12 h
spécialités et sont devenues une situation fréquemment rencon-
< 500/mm3
trée en ville. Le pronostic vital étant mis en jeu, une attitude
Tableau 3.
Score de la Multinational association of supportive care in cancer. Neutrophiles + monocytes < 500/mm3
Critères Score
Pas ou peu de symptômes 5
Pas d’hypotension 5
≥ 38°C deux fois
Pas de BPCO 4
≥ 38,3°C une fois
Tumeur solide ou absence d’ATCD d’infection 4
fongique si tumeur hématologique
Pas de déshydratation 3
Symptômes modérés 3 Critères
Oui d'antibiothérapie à
Fièvre à domicile 3
domicile ?
Âge < 60 ans 2
≥ 21 : faible risque ; ≤ 20 : haut risque. ATCD : antécédents ; BPCO :
bronchopneumopathie chronique obstructive. Non
“ Conduite à tenir
hypotensions, les cellulites, les sinusites, les infections fungiques
systémiques et les défaillances multiviscérales.
Indication de la vancomycine
Hémoculture positive à un germe sensible.
Infection de la voie centrale.
Malade porteur ou service infecté par un staphylocoque
“ Conduite à tenir
méti-R. Indications du G-CSF
Insuffisance cardiaque. En prophylaxie primaire
Choc septique. Chimiothérapie donnant plus de 20 % d’aplasies fébriles.
Antécédent de prophylaxie par fluoroquinolone. En prophylaxie secondaire
Mucite sévère. Antécédent d’aplasie fébrile avec une cure de
Risque d’endocardite. chimiothérapie identique.
Utilisation de l’Aracytine® à forte dose. Âge > 65 ans.
Mauvais état général.
Radiochimiothérapie.
Les dosages des antibiotiques doivent être vérifiés, ainsi que Cytopénie par envahissement médullaire.
l’état du cathéter central ou de la chambre implantable. Infection active.
Une radiographie de thorax est nécessaire, voire un scanner Comorbidités importantes.
thoracique et une échographie abdominale au moindre doute. En curatif
Pneumopathie.
Hypotension.
“ Points importants
Défaillance multiviscérale.
Cellulite.
Sinusite.
Causes de fièvre persistante sous antibiotiques Infection fungique systémique.
Causes infectieuses Aplasie estimée à plus de 10 jours.
Taux d’antibiotiques insuffisants. Neutrophiles < 100/mm3.
Surinfection. Fièvre apparue en cours d’hospitalisation.
Résistance.
Foyer infectieux.
Infection non bactérienne. ■ Utilisation des voies centrales
Causes non infectieuses
Phlébite. Épidémiologie
Embolie pulmonaire.
Les infections des voies centrales représentent 75 % des
Atélectasie. infections du neutropénique.
Cause iatrogène (fièvre aux antibiotiques). Dans les 10 premiers jours, l’infection est d’origine cutanée :
40 % de staphylocoques coagulase négative, 26 % de staphylo-
coques aureus, 15 % de bacilles à Gram négatif et 11 % de
Candida.
Choix de l’antibiothérapie Après 10 jours, l’origine est habituellement la lumière du
En cas d’indication reconnue, il convient d’associer de la cathéter ou la chambre implantable : 25 % de staphylocoques
vancomycine. coagulase négatif, 45 % de bacilles à Gram négatif, 2 % de
Pour les autres cas, il faut élargir le spectre en visant le Candida.
Pseudomonas aeruginosa, en général grâce à la ceftazidime ou à
l’ajout d’un aminoside en cas de monothérapie initiale. Soins
La tiénamycine est généralement réservée à la troisième ligne.
Le meilleur antiseptique semble être la chlorexidine.
Les antifongiques sont habituellement introduits après 7 jours
Le changement des voies doit se faire tous les trois jours.
de fièvre, sauf si la sortie est attendue dans les 5 jours. La
L’intérêt de la Coumadine® (1 mg/j) est discuté, il semble
référence est l’amphotéricine B mais actuellement sa toxicité lui
important en oncologie.
fait souvent préférer le voriconazole ou la caspofungine, voire
les formes liposomales de l’amphotéricine B.
Arguments évocateurs d’une infection
En cas d’apyrexie de la voie centrale
Les éléments généraux sont représentés par : un choc septi-
En cas d’aplasie persistante il faut poursuivre l’antibiothérapie
que, une apparition brutale, l’inflammation du point d’entrée
à large spectre, même si un germe multisensible est isolé.
de la voie centrale.
Dans les faibles risques (cf. supra), le relais per os est possible.
Les germes impliqués sont : le staphylocoque doré ou coagu-
L’antibiothérapie, en l’absence de germe isolé durant l’hospi-
lase négatif, Corynebacterium, Bacillus, Candida, Malassezia.
talisation, est arrêtée à la sortie d’aplasie.
Si l’aplasie persiste, il est recommandé d’arrêter les antibioti-
ques après 14 jours, sauf en cas de mucite, de neutropénie Indications de retrait
inférieure à 100/mm3 ou de site infectieux. Le retrait est indiqué en cas de :
• éléments généraux : un point d’entrée sale, une endocardite,
Utilisation des facteurs de croissance une thrombose septique ;
• bactéries : Staphylococcus aureus, Corynebacterium jeikeium,
(G-CSF) [12] Bacillus, Stenotrophomonas, Pseudomonas aeruginosa, Xantho-
Les G-CSF (granulocyte-colony stimulating factor) (Neupogen®, monas maltophilia, entérocoque vancomicyne-résistant,
Neulasta®, Granocyte®) ne sont pas systématiquement utilisés. Acinetobacter, mycobactéries ;
• champignons : champignon filamenteux, Malassezia, Can- [3] Hugues WT, Armstrong D, Bodey GP, Bow EJ, Brown AE, Calandra T,
dida ; et al. 2002 guidelines for the use of antimicrobial agents in neutropenic
• fièvre en sortie d’aplasie. patients with cancer. Clin Infect Dis 2002;34:730-51.
La sortie d’aplasie, avec l’apparition des neutrophiles, peut [4] Lin SJ, Schranz J, Teutsch SM. Aspergillosis case-fatality rate:
exacerber, l’espace de quelques jours, une infection, notamment systematic review of the literature. Clin Infect Dis 2001;32:358-66.
pulmonaire. [5] Guidelines and recommendations of the infectious diseases working
En cas de fièvre persistante, l’antibiothérapie est arrêtée après party (AGIHO) of the German Society of Hematology and Oncology
4 à 5 jours. En l’absence de foyer évident, une échographie ou (DGHO). Ann Hematol 2003;82(suppl2):S105-S117.
un scanner abdominal sont recommandés, notamment à la [6] Klastersky J. Management of fever in neutropenic patients with
recherche d’une candidose hépatosplénique. different risks of complications. Clin Infect Dis 2004;39(suppl1):
Les causes habituelles de fièvre persistante sont la fièvre aux S32-S37.
antibiotiques, les thromboses, les pneumopathies, les infections [7] Talcott JA, Siegel RD, Finberg R, Goldman L. Risk assessment in
fongiques et virales. cancer patients with fever and neutropenia: a prospective, two-center
validation of a prediction rule. J Clin Oncol 1992;10:316-22.
■ Conclusion [8] Freifeld AG, Pizzo PA. The outpatient management of febrile
neutropenia in cancer patients. Oncology 1996(10):599-606 (611-2).
Grâce à ces attitudes empiriques, la prise en charge des [9] Klastersky J, Paesmans M, Rubenstein EB, Boyer M, Elting L, Feld R,
aplasies fébriles a permis de diminuer considérablement leur et al. The Multinational Association for Supportive Care in Cancer risk
mortalité. L’arrivée de nouveaux antifongiques a récemment index: a multinational scoring system for identifying low-risk febrile
bouleversé le traitement des infections systémiques à neutropenic cancer patients. J Clin Oncol 2000;18:3038-51.
champignons. [10] Freifeld A, Marchigiani D, Walsh T, Chanock S, Lewis L, Hiemenz J,
.
Ces progrès permettent actuellement de limiter les complica- et al. A double-blind comparison of empirical oral and intravenous
tions des aplasies, et par là même, d’utiliser des chimiothérapies antibiotic therapy for low-risk febrile patients with neutropenia during
intensives plus efficaces. cancer chemotherapy. N Engl J Med 1999;341:305-11.
[11] Kern WV, Cometta A, De Bock R, Langenaeken J, Paesmans M,
.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Choquet S. Neutropénies fébriles. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-0920,
2007.
Les blessures d’origine animale sont fréquentes en raison de l’accroissement de la population des
animaux de compagnie. Des complications infectieuses sont à redouter : les infections bactériennes dont
les pasteurelloses et le tétanos ainsi que le risque de rage. La qualité et la précocité des soins locaux sont
déterminantes pour la prévention de ces risques. Cette prise en charge est complétée par une
antibiothérapie adaptée avec en première intention la doxycycline, par une éventuelle sérovaccination
antitétanique selon le statut vaccinal du patient et une consultation au centre de traitement antirabique.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Morsures ; Animaux ; Chauves-souris ; Pasteurelloses ; Tétanos ; Rage ; Infection de plaie ;
Antibioprophylaxie ; Vaccination
La suture est contre-indiquée pour les plaies profondes ou pathie satellite est fréquente. De l’orifice de la plaie sourd un
examinée plus de 24 heures après la morsure, les plaies clini- liquide purulent ou sanieux qui permettra de confirmer le
quement infectées et les plaies de la main. Les plaies de la face diagnostic clinique par un prélèvement bactériologique à
doivent être suturées, ou au moins rapprochées par des points l’écouvillon.
séparés espacés, pour des raisons esthétiques [6]. Des complications sont possibles localement : suppuration
isolée des gaines synoviales, arthrite suppurée de l’articulation
de voisinage, ostéite et ostéomyélite. L’atteinte de la gaine
synoviale lors d’une plaie de la face palmaire de la main ou des
doigts constitue un risque important de séquelles sous forme
“ Point essentiel d’une griffe.
Une évolution locorégionale subaiguë peut survenir en
l’absence de traitement. Elle est liée à un mécanisme inflamma-
Pour prévenir les infections, notamment les infections toire et/ou immunoallergique de type hypersensibilité retardée.
locales, les soins des plaies par blessures d’origine animale Elle donne lieu à des séquelles douloureuses avec parfois une
(lavage, nettoyage, parage, etc.) doivent être impotence fonctionnelle sous forme d’algoneurodystrophies
particulièrement rigoureux. rebelles aux antalgiques.
Chez un patient immunodéprimé (par une cirrhose, une
splénectomie, une corticothérapie au long court, une leucémie
chronique, etc.), une atteinte généralisée est possible avec
septicémie et métastases septiques. La mortalité de ces septi-
■ Infections bactériennes cémies est élevée et concerne près de 40 % des patients mais
peut atteindre 60 % chez le cirrhotique.
Les antibiotiques de choix pour les pasteurelloses d’inocula-
Les bactéries d’origine buccale animale qui infectent les plaies
tion sont les cyclines telles que la doxycycline en raison d’une
sont très diverses : il peut s’agir d’aérobies ou d’anaérobies de
bonne diffusion tissulaire. Il faut parfois les traiter 15 jours à
toutes sortes, mais souvent d’infection mixte avec un potentiel
3 semaines selon l’évolution de la plaie. Pour les femmes
nécrotique important. Les bactéries telluriques (Clostridium
enceintes et les enfants avant 8 ans l’alternative est l’association
tetani) ou de l’environnement (Enterobacter, Pseudomonas,
amoxicilline-acide clavulanique.
Serratia) sont occasionnellement portées dans la gueule des
Les infections systémiques justifient une antibiothérapie
animaux et peuvent surinfecter la plaie.
bactéricide avec l’association amoxicilline-acide clavulanique
On peut distinguer les maladies par inoculation, parmi
ou une céphalosporine de 3e génération ou une fluoroquino-
lesquelles les pasteurelloses, mais aussi les infections à germes
lone [6, 7, 10, 11].
banals, les gangrènes à Clostridium perfringens, ainsi que le risque
Après une blessure d’origine animale, le risque de pasteurel-
de tétanos [4, 6].
lose peut justifier une antibioprophylaxie : la doxycycline a
toute sa place à raison de 200 mg par jour pendant 5 jours. En
cas de grossesse ou chez l’enfant de moins de 8 ans l’association
amoxicilline-acide clavulanique sera l’alternative.
“ Point essentiel
Les plaies par blessures d’origine animale doivent être
considérées comme souillées, contaminées par différents
agents infectieux et à haut risque d’infections.
“ Point essentiel
Les pasteurelles sont les agents bactériens le plus souvent
en cause : ils donnent lieu à des infections localisées
sévères qui parfois peuvent s’étendre et justifient une
antibiothérapie (doxycycline, bêtalactamines, quino-
Pasteurelloses lones).
La plupart des animaux de compagnie sont porteurs de
pasteurelles, Pasteurella multocida et Pasteurella pneumotropica
surtout. Le taux d’isolement dans la gueule des chiens et des
chats est de 40 % à 80 % et différents facteurs modifient ce Autres maladies d’inoculation rare [4]
portage tels que l’âge, l’état de la dentition, la saison, le rut [8].
L’incidence des pasteurelloses d’inoculation après blessures La maladie des griffes du chat est due à Bartonella henselae et
animales est élevée. Pasteurella multocida est retrouvée dans plus rarement Bartonella quintana. Le réservoir est tellurique. La
25 % des prélèvements bactériologiques systématiques sur des transmission se fait surtout par griffures ou morsures de chat,
lésions d’allure inflammatoire dans une étude effectuée à mais aussi de lapin ou de furet. Elle peut aussi être provoquée
Toulouse en 1984 [9]. À Clermont-Ferrand, en 1986, la propor- par une piqûre végétale. Une ou des adénopathies douloureuses,
tion d’infections à pasteurelles aux prélèvements effectués au parfois volumineuses, apparaissent dans le territoire de drainage
Centre de Traitement Antirabique était de 36 % [4]. Les blessures du point d’inoculation, surtout sus-épitrochléennes ou axillaires
d’origine féline s’infectent plus souvent que celles d’origine pour une plaie de la main. L’évolution se fait fréquemment vers
canine et des pasteurelloses se développent fréquemment à la suppuration nécessitant des ponctions évacuatrices qui
partir de ces plaies punctiformes difficiles à traiter [6]. n’évitent pas la fistulisation. L’antibiothérapie est d’autant plus
La forme clinique la plus courante est l’infection locale efficace qu’elle est pratiquée tôt. Plusieurs antibiotiques ont été
d’inoculation [6, 10]. Il s’agit d’une infection cutanée et sous- proposés : doxycycline, macrolides, aminosides, quinolones.
cutanée au niveau et autour de la plaie qui s’exprime par des L’haverhilliose et le sodoku sont des infections consécutives
douleurs très vives, irradiantes associées à un aspect local très aux morsures de rat.
inflammatoire, avec un gonflement localisé effaçant les méplats, L’haverhilliose est une infection aiguë d’incubation courte, de
une peau rouge, luisante et chaude. 2 à 4 jours, très fébrile, marquée par une éruption morbilliforme
La survenue rapide de ces symptômes en moins de 24 heures et des arthrites d’où l’agent bactérien, Streptobacillus monilifor-
est caractéristique. L’apparition d’une lymphangite avec adéno- mis, peut être isolé.
Tableau 1.
Prise en charge des blessures potentiellement tétanigènes (d’après le BEH 1998 n° 28).
Type de blessure Patient non immunisé ou vaccination Patient totalement immunisé
incomplète Délai depuis le dernier rappel
5 à 10 ans Plus de 10 ans
Mineure, propre Commencer ou compléter la vaccination : Pas d’injection Anatoxine tétanique : 0,5 ml
anatoxine tétanique 0,5 ml
Majeure, propre ou tétanigène Dans un bras : immunoglobuline tétanique Anatoxine tétanique : 0,5 ml Dans un bras : immunoglobuline
humaine : 250 UI tétanique humaine : 250 UI
Dans l’autre bras : anatoxine tétanique(a) : Dans l’autre bras : anatoxine
0,5 ml tétanique(a) : 0,5 ml
Tétanigène, débridement retardé Dans un bras : immunoglobuline tétanique Anatoxine tétanique : 0,5 ml Dans un bras : immunoglobuline
ou incomplet humaine : 500 UI Antibiothérapie tétanique humaine : 500 UI
De plus de 20 heures Dans l’autre bras : anatoxine tétanique(a) : Dans l’autre bras : anatoxine
Poids > 80 kg 0,5 ml tétanique(a) : 0,5 ml
Antibiothérapie Antibiothérapie
(a)
Mise à jour de la vaccination selon le calendrier vaccinal.
Le sodoku est une infection d’incubation longue, de 20 à et à la nature de la plaie, aucun prélèvement bactériologique
40 jours, associant une fièvre, et quelques jours plus tard une n’est nécessaire et une antibioprophylaxie est inutile. Il est
éruption cutanée. La plaie d’inoculation revêt un aspect possible de suturer ;
ulcéronécrotique et il existe une lymphadénite satellite permet- • si la plaie est prise en charge au-delà de 6 heures, le risque
tant un prélèvement local à partir duquel Spirillum minus peut de voir se développer une pasteurellose peut justifier une
être détecté. antibioprophylaxie et l’antibiotique de choix pour un adulte
Les deux germes sont sensibles à la pénicilline G. est la doxycycline et l’amoxicilline + acide clavulanique pour
un enfant, ceci pendant 5 jours. Il ne faudra pas suturer.
Infections non spécifiques [4] Une autre donnée que l’on doit prendre en compte dans la
décision thérapeutique est l’existence d’une comorbidité chez la
Il peut s’agir de germes banals, agents de surinfection personne blessée. Nous avons vu que certaines infections
vraisemblablement originaires de la peau du blessé tels que comme les pasteurelloses étaient potentiellement plus graves
staphylocoques dorés, streptocoques, pyogènes, déterminant chez un patient immunodéprimé (par une corticothérapie
parfois des infections locales (érysipèle, plaies impétiginisées) ou prolongée, un traitement immunosuppresseur, une splénecto-
locorégionales sévères. mie, un cancer, une leucémie chronique, une cirrhose, etc.) avec
Une gangrène à Clostridium perfringens peut s’observer après risque d’infection systémique.
morsure ou griffure animale et ce risque grave ne doit pas être Des troubles de la circulation lymphatique, après le traite-
négligé car ces bactéries sont occasionnellement retrouvées dans
ment d’un cancer du sein par exemple, au bras qui a été blessé,
la gueule de nombreux carnivores ou herbivores.
peuvent être à l’origine d’une cellulite étendue.
La prévention du tétanos doit systématiquement être envisa-
Une antibioprophylaxie est alors justifiée, quel que soit le
gée. Les blessures d’origine animale doivent toujours être
considérées comme des plaies à haut risque : elles peuvent délai de la prise en charge, par doxycycline ou amoxicilline
constituer une porte d’entrée à ce germe tellurique qu’est + acide clavulanique.
Clostridium tetani qui peut être transporté dans la gueule ou sur L’aspect de la plaie est également à prendre en compte.
les griffes de nombreux animaux. Les règles préconisées devant Le risque d’infection à pasteurelles est paradoxalement plus
toute plaie doivent être appliquées devant une blessure animale. grand en cas de plaies punctiformes des crocs des chats : en
Le Tableau 1 peut résumer la conduite à tenir vis-à-vis de ce effet le parage est souvent insuffisant devant une plaie qui
risque selon l’état vaccinal du patient [12]. paraît anodine. Une antibioprophylaxie systématique par
doxycycline ou amoxicilline-acide clavulanique peut être
justifiée d’emblée dans cette situation.
Si la plaie est vue après 24 heures ou est manifestement déjà
infectée, il faut craindre une infection à pasteurelles, pyogènes
“ Point essentiel et/ou anaérobies. La suture est contre-indiquée. Un prélèvement
bactériologique est nécessaire avant de débuter une antibiothé-
rapie de première intention par doxycycline pour les adultes ou
Le risque de contamination par des anaérobies
amoxilline-acide clavulanique pour les enfants. Une plaie
(Clostridium) justifie toujours une actualisation de infectée doit être traitée longtemps, pendant 15 jours à 3 semai-
l’immunité antitétanique et éventuellement une nes en général. Il est nécessaire de revoir le patient pour ses
antibioprophylaxie. pansements, ce qui permettra d’apprécier la nécessité de
l’éventuelle poursuite du traitement antibiotique.
En cas de plaies contuses, anfractueuses, avec délabrements
tissulaires mal limités, la crainte est l’infection à anaérobies.
Prévention des infections bactériennes [5-7]
La précocité de la prise en charge et des soins locaux précé-
demment détaillés est un élément essentiel pour éviter les ■ Rage
infections des plaies d’origine animale :
• si la plaie est traitée moins de 6 heures après la morsure et La rage est une zoonose virale à laquelle tous les mammifères
en l’absence de facteurs de risque aggravants liés au terrain sont sensibles. Le virus de la rage appartient à la famille des
Tableau 2.
Traitement antirabique (TAR) après exposition.
Nature du contact État de l’animal(a) au moment de la morsure Conduite à tenir
Contact à risque nul : Sain Aucun traitement si anamnèse fiable
- toucher ou nourrir l’animal Disparu/enragé
- léchage sur peau intacte Suspect(b)
Mort
Quel que soit le contact (sauf si la personne exposée Cas particulier des chauves-souris Sérovaccination(d)
peut exclure une morsure, ou une griffure ou l’ex-
position à une muqueuse)
(a)
En France, l’exposition à des rongeurs, lapins et lièvres ne requiert pas de traitement antirabique. (b) Modification de comportement, morsures inexpliquées, animal errant
près des gares, sur des stations d’autoroutes, etc. (c) La période d’observation vétérinaire est de 15 jours en France, avec 3 visites obligatoires à j0, j7 et j15 et s’adresse aux chats,
chiens et furets. (d) Deux protocoles de vaccination sont possibles : ZAGREB = 2 doses à j0 puis 1 dose à j7 et j21 ou ESSEN = 1 dose à j0, j3, j7, j14 et j28 (obligatoire en cas de
sérovaccination).
Rhabdoviridae et au genre Lyssavirus. Il présente un tropisme (confinement, ou à l’inverse errance, voire voyage dans un pays
pour les cellules nerveuses et peut être responsable d’une d’enzootie). Cette évaluation constitue l’essentiel de la prise en
encéphalite d’évolution mortelle chez les mammifères terrestres charge d’un sujet blessé par un animal pour ce qui concerne le
ou volants. risque de rage. Elle est effectuée dans un centre de traitement
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans le antirabique.
monde, la rage est responsable annuellement, et principalement Le Tableau 2 résume la conduite à tenir dans la prise charge
dans les pays en voie de développement, de 55 000 décès, du risque rabique lors d’une blessure animale [12, 14, 18].
touchant des enfants dans 60 % des cas [13]. Les chiens errants
en incubation de la maladie en sont le principal vecteur.
La France était indemne de rage animale jusqu’en 1968 où
s’est installée la rage vulpine, qui affectait l’Est européen,
progressant jusqu’à envahir le quart nord-est du pays. La
vaccination des animaux sauvages par des appâts largués par
“ Point essentiel
hélicoptère, débutée en 1986, a fait disparaître cette rage La rage doit toujours être envisagée, même dans un pays
selvatique en 1998. La France a été déclarée indemne de rage
comme la France indemne de rage parmi les animaux
terrestre en avril 2001 [14]. Mais, en février 2008, elle a perdu ce
terrestres autochtones. La prévention passe par la
statut à la suite de la contamination de deux chiens autochto-
surveillance de l’animal mordeur avant le recours de
nes par un autre chien qui avait séjourné au Maroc [15].
l’immunoprophylaxie.
Il existe par ailleurs une rage des chauves-souris (35 isole-
ments en France de 1989 à septembre 2008) pouvant être à
l’origine de cas secondaires chez des mammifères terrestres ou
même chez l’homme (aucune observation jusqu’à présent en
France) [16, 17]. Les plaies de chauves-souris sont de petites tailles
et peuvent passer inaperçues. Tout contact avec une chauve- ■ Conclusion
souris même morte peut exposer celui qui la manipule sans
précaution. Le nombre très élevé des animaux de compagnie est à
L’incubation habituellement longue de la rage autorise une l’origine de très nombreuses blessures qui sont susceptibles
vaccination « après exposition ». Cependant, certaines blessures, d’être source d’infections. Une prise en charge rapide et
par leur localisation ou leur gravité permettent une incubation rigoureuse est indispensable pour éviter ces risques : infections
courte qui pourrait devancer l’installation de l’immunité à pyogènes, tétanos et rage.
déterminée par la vaccination : une sérovaccination doit être .
alors proposée.
Le critère essentiel dans le choix de la pratique (ou non) de
■ Références
l’immunoprévention est représenté par l’évaluation du risque de [1] Praud A, Dufour B, Moutou F. NAC exotiques : importations illégales
rage chez l’animal : condition de l’agression, histoire de l’animal et risques zoonotiques. Point Vét 2009(n°296):25-29.
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Médecine vétérinaire], Maisons-Alfort, 2009. 233p. animal sauvage ou domestique : place et choix de l’antibiothérapie.
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http://www.facco.fr/enseignement.htm. [13] World Health Organization Consultation on rabies: first report,
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préventives. Le Quotidien du Médecin. Le Médecin du Centre-Est, juin de France. Recommandations relatives à la vaccination antirabique pré-
1995. p. 47-50. ventive, au traitement postexposition, au virus et au suivi sérologique
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Lhttp://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/consensus/
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du14 janvier 2005. http://www.sante.gouv.fr.
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Gén 1992;6(188):43-6. et prophylaxie de la rage humaine en France. 2007;(vol26).
S. Dydymski (sdydymski@chu-clermontferrand.fr).
J. Beytout (jbeytout@chu-clermontferrand.fr).
Service de maladies infectieuses et tropicales, CHRU Gabriel Montpied, 63000 Clermont-Ferrand, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dydymski S., Beytout J. Blessures d’origine animale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine
Akos, 4-0940, 2011.
Les infections nosocomiales (IN) sont des infections contractées dans un établissement de santé. Cette
définition, qui est restreinte aux infections contractées en établissement de santé, a été complétée par la
notion d’infection associée aux soins (IAS) en novembre 2006. Les infections nosocomiales correspondent
donc à un sous-ensemble des IAS. Le dispositif de lutte contre les infections nosocomiales a été déployé à la
faveur des deux plans nationaux pluriannuels successifs (1995–2000 et 2005–2008) de lutte contre les
IN suivi d’un troisième, le plan stratégique national 2009–2013 de prévention des infections associées
aux soins tenant compte de cette nouvelle définition (le programme national de prévention des IN
[PROPIN] 2009–2013 traduit les principes du plan stratégique national 2009–2013 de prévention des
infections associées aux soins). Le taux de prévalence des IAS en France se situe dans les limites basses
des autres pays d’Europe, autour de 5 %. Les infections les plus fréquentes sont l’infection urinaire, la
pneumopathie, la bactériémie/septicémie et l’infection du site opératoire. Les IN sont favorisées par la
présence de dispositifs invasifs ou de procédures invasives. Les bactéries représentent trois quarts des
micro-organismes isolés. Ceux le plus souvent en cause sont Escherichia coli, Staphylococcus aureus et
Pseudomonas aeruginosa. Certaines de ces bactéries posent le problème majeur de la multirésistance
aux antibiotiques (par exemple : S. aureus résistant à la méticilline). La prévention de ces infections repose
sur un meilleur respect des précautions d’hygiène, l’application de protocoles d’antibiothérapie et la mise
en place de programmes de surveillance. Ces IAS restent une préoccupation majeure de santé publique
en termes tant de morbidité que de mortalité et de coût.
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Mots-clés : Infections associées aux soins ; Antisepsie ; Hygiène ; Surveillance ; Bactérie multirésistante
Plan ■ Usagers 6
Information des usagers 6
■ Introduction et définition 1 Tableau de bord des infections nosocomiales 6
■ Conclusion 7
■ Caractéristiques des infections associées aux soins 2
Comment se transmettent les infections associées aux soins ? 2
Gravité d’une infection associée aux soins 2
Surveillance des infections associées aux soins contractées
■
en établissement de santé en France 2
Introduction et définition
Épidémiologie 2
Données générales 2 Les infections nosocomiales (IN) sont les infections contrac-
Bactéries multirésistantes et bactéries hautement résistantes tées dans un établissement de santé (ES) posant ainsi un critère
émergentes 3 distinguant les infections communautaires des infections noso-
■ Diagnostic et prévention des infections associées aux soins 3 comiales.
Infection urinaire 3 Cette définition de 1999, qui est restreinte aux infections
Pneumopathie 4 contractées en ES, a été complétée de la notion d’infection
Bactériémies/septicémies 4 associée aux soins (IAS) par le Comité technique des infec-
Infection du site opératoire 5 tions nosocomiales et des infections liées aux soins (CTINILS) en
■ Diagnostic et prévention des infections associées aux soins novembre 2006.
à germes de l’environnement 5 L’infection nosocomiale est désormais intégrée dans l’ensemble
des IAS. Une infection est considérée comme IAS si elle survient
■ Risque particulier du personnel de soins lors des accidents
au cours ou au décours d’une prise en charge (diagnostique, thé-
exposant au sang 5
rapeutique, palliative, préventive ou éducative) d’un patient, et si
■ Prévention et lutte contre les infections associées aux soins 5 elle n’était ni présente, ni en incubation, au début de la prise en
Mesures générales 5 charge [1] .
Quels sont les moyens disponibles ? 6 Lorsque l’état infectieux au début de la prise en charge n’est pas
Quelles sont les précautions d’hygiène ? 6 connu précisément, un délai d’au moins 48 heures ou un délai
Comment est organisée la lutte et quels en sont les aspects supérieur à la période d’incubation est couramment accepté pour
réglementaires ? 6 définir une IAS.
Pour les infections du site opératoire (ISO), on consi- Surveillance des infections associées
dère habituellement comme associées aux soins (c’est-à-dire à
l’intervention chirurgicale elle-même) les infections survenant aux soins contractées en établissement
dans les 30 jours suivant l’intervention ou, s’il y a mise en place de santé en France
d’un implant, d’une prothèse ou d’un matériel prothétique, dans
l’année qui suit l’intervention. Les différentes sources d’information relatives à ces IAS sont
les données issues de la surveillance épidémiologique (enquêtes
d’incidence et de prévalence) des infections nosocomiales et
le dispositif de signalement obligatoire à l’autorité sanitaire de
certaines infections nosocomiales mis en place en juillet 2001
“ Point important (décret no 2001-671 du 26 juillet 2001). Depuis la loi HPST du
21 juillet 2009, ce sont les Agences régionales de santé (ARS) qui
font autorité sanitaire ; cette loi en effet fait disparaître les DRASS
Ancienne définition CTIN 1999 : infection nosoco- et réunit, à travers la création et la mise en place des ARS, les
miale en général forces de l’État et de l’Assurance maladie. La surveillance des
Une infection est dite nosocomiale si elle apparaît au cours infections nosocomiales fait partie des actions que les établisse-
ou à la suite d’une hospitalisation et si elle était absente à ments de santé sont tenus de mettre en place (décret no 99-1034
l’admission à l’hôpital. Ce critère est applicable à toute du 6 décembre 1999). Le Réseau d’alerte, d’investigation et de sur-
infection. veillance des infections nosocomiales (RAISIN), partenariat entre
l’Institut de veille sanitaire (InVS), les centres interrégionaux de
Nouvelle définition CTINILS 2006 : infections noso-
coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (C-
comiales et liées aux soins CLIN) et la structure du ministère de la Santé en charge de cette
Infection acquise dans une structure de santé, ni en incu- mission a été constitué en mars 2001 afin d’harmoniser au plan
bation, ni présente à l’admission en ES et/ou liée aux soins. national la méthodologie de recueil des données et coordonner
Lorsque la situation précise à l’admission n’est pas connue, les actions des C-CLIN en matière d’alerte nosocomiale. Une sur-
un délai d’au moins 48 heures après l’admission (ou un veillance de l’incidence des IAS contractées en ES est réalisée au
délai supérieur à la période d’incubation lorsque celle-ci niveau national grâce à la coordination RAISIN fondée sur quatre
est connue) est communément accepté pour distinguer réseaux thématiques : ISO, bactéries multirésistantes (BMR), infec-
une infection d’acquisition nosocomiale d’une infection tions en réanimation et accidents avec exposition au sang des
communautaire. Toutefois, il est recommandé d’apprécier, professionnels de santé (AES) qui permettent d’obtenir des don-
nées épidémiologiques au plan national.
dans chaque cas douteux, la plausibilité du lien causal
entre hospitalisation et infection.
Épidémiologie
Données générales
Selon l’enquête nationale de prévalence réalisée en France en
Caractéristiques des infections 2012 [2] , le taux de prévalence des infections nosocomiales était de
associées aux soins 5,3 % et le taux de prévalence des patients infectés était de 5,1 %,
soit environ un patient sur 20. Il est dans les limites basses des
Comment se transmettent les infections 4,9 % à 8,5 % mesurés lors d’enquêtes multicentriques réalisées
dans différents pays européens depuis 2000.
associées aux soins ? Ces taux d’IN (on parle d’IN puisque l’enquête de prévalence
ne mesure pas pour le moment la prévalence des IAS survenues
Les infections peuvent être directement liées aux soins dis-
en dehors des établissements de santé ou de l’hospitalisation à
pensés au patient (par exemple l’infection sur cathéter) ou
domicile) varie en fonction du type d’activité du service, du recru-
simplement survenir lors de l’hospitalisation, indépendam-
tement de l’établissement, de la méthode de calcul des taux et de
ment de tout acte médical (par exemple une épidémie de
la qualité du travail de recueil des informations. Les IN sont plus
grippe).
fréquentes dans les centres de lutte contre le cancer, hôpitaux uni-
Il existe plusieurs types d’IN relevant de modes de transmis-
versitaires, soins de suite et de réadaptation/soins de longue durée
sion différents : les infections d’origine « endogène » au cours
et hôpitaux locaux, et plus faibles dans les cliniques de médecine,
desquelles le malade s’infecte avec ses propres micro-organismes,
chirurgie, obstétrique, les maternités et les centres hospitaliers
à l’occasion d’un acte invasif et/ou en raison d’une fragilité
spécialisés ou psychiatriques.
particulière, et les infections d’origine « exogène » où les micro-
Le taux d’IN varie en fonction de la spécialité ; le taux des ser-
organismes ont pour origine les autres malades (transmission
vices de réanimation est quatre fois supérieur à celui des services
croisée entre malades, transmission manuportée ou transmis-
de médecine ou de chirurgie (Fig. 1). Ces différences s’expliquent
sion via des matériels), les personnels ou l’environnement
en grande partie par un recrutement de patients différent en
hospitalier contaminé (eau, air, équipements, alimentation,
termes de gravité : les patients de réanimation sont plus lourds
etc.).
en termes de prise en charge, fréquemment polypathologiques,
avec des comorbidités souvent sévères et de multiples dispositifs
Gravité d’une infection associée aux soins invasifs.
Les infections les plus fréquentes touchent l’appareil urinaire
Toutes les infections n’ont pas la même gravité. Elle dépend (30 % des IN), les voies respiratoires (la pneumopathie représente
d’une part de l’état du patient et d’autre part de la virulence 15 % des IN) et le site opératoire (intervention chirurgicale, 14 %)
de l’agent infectieux. Plus le patient est fragilisé, plus l’infection (Fig. 2).
est grave. Les infections urinaires, qui représentent les infections L’enquête nationale de prévalence 2012 fournit une descrip-
nosocomiales les plus fréquentes, ne sont en général pas graves. tion précise de l’écologie bactérienne liée aux IN : Escherichia coli
En revanche, certaines infections pulmonaires ou certaines septi- (26,0 % des micro-organismes isolés), Staphylococcus aureus
cémies (infections provoquées par des agents pathogènes présents (15,9 %) et Pseudomonas aeruginosa (8,4 %) sont les micro-
dans le sang) peuvent être très graves et parfois entraîner le décès. organismes le plus fréquemment isolés des IN.
L’imputabilité du décès à l’IAS reste néanmoins difficile à évaluer Le risque de développer une IN est plus élevé chez les patients
compte tenu de la multiplicité des causes de décès qui peuvent immunodéprimés [3] (pathologies malignes, traitements immuno-
être associées. suppresseurs), chez les patients qui ont été opérés depuis moins
d’un mois, chez des patients transférés d’un hôpital ou d’un ser- résistant aux glycopeptides. Bien que ces bactéries aient un faible
vice à un autre, chez les patients porteurs d’un dispositif invasif pouvoir pathogène, il existe un risque de transférer la résistance
(cathéter intravasculaire, sonde urinaire ou endotrachéale, intu- aux glycopeptides, en particulier la résistance à la vancomy-
bation), chez les patients trachéotomisés. cine, chez le staphylocoque doré. La France connaissant, comme
ses voisins européens, une situation endémique en matière de
résistance à la méticilline des S. aureus, ce transfert de résistance
Bactéries multirésistantes et bactéries pourrait avoir un impact gravissime sur la mortalité et la morbidité
hautement résistantes émergentes liées aux infections staphylococciques sévères.
D’autre part, on note l’émergence depuis 2010 des entérobacté-
Les bactéries sont dites BMR lorsqu’elles ne sont plus sensibles ries productrices de carbapénémases ; là aussi, c’est un problème
qu’à un petit nombre d’antibiotiques utilisables en thérapeu- de santé publique majeur car les entérobactéries peuvent être
tique, voire totalement résistantes à tous les antibiotiques. La pathogènes et la production de carbapénémases mener à terme
lutte contre les BMR dans les ES est une priorité nationale qui à des impasses thérapeutiques.
implique toute la communauté hospitalière. En raison de leur Pour les bactéries émergentes, une politique de prévention plus
fréquence élevée et de leur potentiel pathogène, les BMR qui « agressive » que pour les BMR est mise en place : les patients sus-
font l’objet du programme national sont les S. aureus résistants ceptibles d’être porteurs (rapatriés de l’étranger ou venant d’un ES
à la méticilline (SARM) et les entérobactéries productrices de bêta- concerné par la BHR) doivent être dépistés le plus précocement
lactamases à spectre étendu (EBLSE). La surveillance des IN [4] possible et placés en précautions complémentaires le plus tôt pos-
a mis en évidence une augmentation de l’incidence des EBLSE sible, et en cas d’épidémie non maîtrisée des mesures de cohorting
avec l’émergence d’E. coli producteur de bêtalactamases à spectre peuvent être mises en place avec des soignants dédiés aux patients
étendu qui représente une menace pour la communauté. À noter porteurs.
que désormais les courbes d’évolution de l’incidence des infec-
tions nosocomiales à SARM et celle des IN à EBLSE se sont croisées,
les IN à EBLSE dépassant largement maintenant les IN à SARM
(Fig. 3). Diagnostic et prévention
Les bactéries hautement résistantes (BHR) sont les BMR émer- des infections associées aux soins
gentes. Ainsi, dans le cadre du RAISIN, a été constatée une
augmentation du nombre de signalements d’IN à entérocoque (Tableau 1)
Infection urinaire
L’infection urinaire représente 30,9 % des infections nosoco-
Psychiatrie 1
miales (Fig. 2). À noter que les simples colonisations urinaires
SLD 4 (ou bactériuries asymptomatiques) ne font pas partie des IAS
alors qu’elles étaient dénombrées en tant que telles lors des
SSR 6,6 premières enquêtes nationales de prévalence. La fréquence des
formes d’infections urinaires paucisymptomatiques, en particulier
Réanimation chez les patients sondés, les fait souvent méconnaître si un dépis-
23,2 tage à la bandelette et, en cas de positivité, une uroculture ne sont
Obstétrique 0,8 pas pratiqués systématiquement. E. coli est le micro-organisme le
plus souvent isolé (37 %), suivi de P. aeruginosa, des entérocoques
Chirurgie 5,6
et des entérobactéries. En plus des facteurs de risque habituels de
5,5
l’infection urinaire communautaire, le principal facteur de risque
Médecine
de l’infection urinaire nosocomiale est l’existence d’une sonde
0 5 10 15 20 25 urétrale. Le risque d’infection urinaire nosocomiale augmente
avec la durée du sondage (le risque infectieux existe aussi lors
Prévalence (%) d’un simple sondage évacuateur). La prévention de cette infec-
Figure 1. Prévalence des patients infectés par type de séjour (d’après tion repose avant tout sur un dispositif de sondage en système
l’Enquête nationale de prévalence 2012 en France [2] ). SLD : soins de clos qui ne doit jamais être déconnecté lors de son utilisation et
longue durée ; SSR : soins de suite et de réadaptation. le retrait de ce dispositif dès que le sondage n’est plus nécessaire.
Pneumonie 16,7
Bactériémie 10,1
Autres 6,9
ORL/stomatologique 2,8
0 5 10 15 20 25 30 35
Infections (%)
0,50
0,44 0,44
0,42
0,40
0,37 0,38
0,31
0,30
0,26
0,20
0,19 0,18
0,10
0,00
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Tableau 1.
Caractéristiques et facteurs de risque selon le type d’infection nosocomiale.
Site Premier lieu d’acquisition Facteurs de risque Micro-organisme principal
Voies urinaires Médecine Sonde urétrale Escherichia coli
Poumons Réanimation Ventilation Pseudomonas aeruginosa
Sang (bactériémie) Transplantation Cathéter intravasculaire Staphylococcus aureus
Immunodéprimés
Site opératoire Chirurgie Durée et type d’intervention Staphylococcus aureus
Score ASA
“ Point important
• Les IN (IAS contractées en ES) en France (Enquête nationale de prévalence 2006) :
◦ touchent un patient hospitalisé sur 20 ;
◦ sont quatre fois supérieures en réanimation qu’en médecine ou en chirurgie ;
◦ concernent surtout l’appareil urinaire et les voies respiratoires.
• E. coli, S. aureus et P. aeruginosa représentent plus de 50 % des micro-organismes isolés.
• Les infections nosocomiales à SARM en 2006 ont diminué de 38 % par rapport à 2001.
dispositifs les plus à risque, et le risque infectieux augmente avec La prévention de la légionellose passe par la surveillance de
la durée de maintien et la fréquence d’utilisation du cathéter. l’environnement (prélèvements d’eau), et la maintenance des sys-
Parmi les micro-organismes identifiés, E. coli (20,5 %), S. aureus tèmes de refroidissement de l’air et des circuits de distribution de
(18,1 %) et les staphylocoques à coagulase négative (14,5 %) repré- l’eau.
sentent à eux seuls plus de la moitié (53,1 %) des germes identifiés. L’aspergillose pulmonaire invasive est une infection fongique
Les espèces du genre Staphylococcus (aureus et à coagulase négative) opportuniste, due aux Aspergillus, survenant principalement
étaient impliquées dans 64,8 % des bactériémies nosocomiales dans les services d’hématologie chez les greffés de moelle. Elle
liées à une infection sur cathéter. Leur fréquence témoigne du rôle représente dans ces unités de soins et dans les services de trans-
joué par les manipulations de la voie veineuse et par la colonisa- plantation d’organes une cause importante de mortalité. La
tion progressive du point de pénétration cutanée du cathéter par contamination se fait par voie aérienne. Les facteurs de risque
la flore cutanée résidente qui paraît aujourd’hui l’un des éléments sont liés au patient (immunodépression) et à l’environnement.
les plus importants dans la survenue des bactériémies. Les entéro- L’augmentation du niveau d’aérocontamination par des spores
bactéries (en particulier E. coli) étaient en revanche plus souvent d’Aspergillus est fréquente en cas de dysfonctionnement des sys-
impliquées dans les bactériémies à porte d’entrée urinaire (67,1 %) tèmes de traitement de l’air ou en cas de travaux [9] . La prévention
et foyer infectieux digestif. de l’aspergillose pulmonaire invasive comprend la prise en charge
La réduction des bactériémies nosocomiales repose avant tout des patients à risque dans un environnement protégé avec un
sur la prévention des infections sur cathéter veineux : limitation système de traitement de l’air (filtration, surpression, taux de
des manipulations de la ligne veineuse, restriction des indications renouvellement élevé) associée à une étroite surveillance de
de pose, ablation de la ligne dès que possible ou changement l’environnement (prélèvements d’air et de surface), en particu-
toutes les 48 à 72 heures pour les lignes périphériques, et antisepsie lier lors de travaux dans l’hôpital. En cas de travaux au sein de
cutanée régulière (avec des antiseptiques alcooliques : chlorhexi- l’ES, le risque infectieux fongique est caractérisé en fonction de la
dine alcoolique ou polyvidone iodée alcoolique) au moment de typologie des travaux, de la localisation des travaux et du risque
la pose et lors des manipulations du cathéter. en lien avec les populations de patients exposées (cancérologie,
hématologie, blocs, transplantation).
liés au contact avec les malades porteurs ou leur environne- Comment est organisée la lutte et quels
ment immédiat. Les mesures d’hygiène de base, essentiellement
l’hygiène des mains, sont indispensables pour éviter la trans- en sont les aspects réglementaires ?
mission de BMR de patients à patients, donc pour prévenir la Le dispositif de lutte contre les infections nosocomiales s’est
transmission croisée. L’hygiène comprend l’ensemble des mesures déployé à la faveur des deux plans nationaux pluriannuels suc-
non spécifiques destinées à prévenir la transmission d’agents cessifs (1995–2000 et 2005–2008) de lutte contre les IN.
pathogènes entre individus : de patient à patient, de patient à soi- Depuis le décret de 1988 imposant aux établissements publics
gnant et de soignant à patient. La maîtrise de l’environnement de santé la création des comités de lutte contre l’infection noso-
hospitalier est aussi (air, eau, surfaces, dispositifs médicaux) un comiale (CLIN), le dispositif de surveillance épidémiologique et
élément fondamental pour la prévention des IAS contractées en de prévention des IN a été renforcé avec la mise en place des
ES. cinq centres interrégionaux de coordination, les C-CLIN, et d’un
comité technique national (arrêté du 3 août 1992). Le décret de
1999 (abrogeant le décret de 1988) a étendu l’obligation de créa-
Quels sont les moyens disponibles ? tion d’un CLIN aux établissements privés. Les établissements de
L’hygiène des mains par friction hydroalcoolique (solution santé doivent se doter d’une équipe opérationnelle d’hygiène
hydroalcoolique, gel) est la technique de référence pour lut- hospitalière et définir un programme annuel d’actions. Ils sont
ter contre la transmission croisée. Elle doit remplacer en toutes tenus de signaler aux autorités sanitaires et aux C-CLIN les IAS
circonstances le lavage des mains. Le port de gants protège contractées en ES ayant un caractère rare ou particulier du fait
l’utilisateur (précautions standard) et prévient aussi la trans- du micro-organisme en cause, de la localisation de l’infection, de
mission croisée à partir du patient (précautions contacts), mais la gravité, ou de leur liaison avec un dispositif médical ou une
n’exonère pas de l’hygiène des mains. À l’hygiène des mains procédure exposant à un risque d’épidémie.
s’ajoute l’antisepsie, en particulier lors des soins invasifs (interven- De 1995 à 2008, les actions menées par le ministère de la Santé
tion chirurgicale, cathéters veineux, sondes, etc.). La désinfection se sont inscrites dans le cadre de trois plans nationaux de lutte
et stérilisation des instruments doivent respecter une chronologie contre les IAS contractées en ES [11] . Ils sont articulés autour de
précise. L’élimination des déchets fait l’objet d’une réglementa- cinq grandes priorités : adapter les structures et faire évoluer le dis-
tion très précise avec des conteneurs spéciaux pour tous les objets positif de lutte ; améliorer l’organisation des soins et des pratiques
piquants et tranchants, et une filière de ramassage, de transport, et professionnelles ; optimiser le recueil et l’utilisation des données
d’élimination des déchets d’activité de soins à risques infectieux. de surveillance et du signalement ; promouvoir la recherche sur les
Enfin, la lutte contre l’émergence des BMR passe par un usage mécanismes, l’impact, la prévention et la perception de ces IAS ;
contrôlé des antibiotiques (« bon usage des antibiotiques »). mieux informer les patients et communiquer sur le risque infec-
tieux lié aux soins. Une évaluation de la politique menée depuis
15 ans a été réalisée et a permis de définir un nouveau programme
Quelles sont les précautions d’hygiène ? national 2009–2012, « plan stratégique national de prévention des
infections associées aux soins » [12] , autour de trois axes princi-
Les précautions standard sont des précautions d’hygiène uni- paux : structurer l’organisation de la prévention des IAS, structurer
verselles, devant impérativement être appliquées envers tout les actions de prévention des IAS et agir sur les déterminants des
patient quel que soit son statut infectieux, afin d’assurer une IAS.
protection systématique des personnels vis-à-vis des risques infec-
tieux d’une part et une protection des patients d’autre part. La
prévention repose aussi sur des mesures spécifiques définies en
fonction de l’agent infectieux, des modes de transmission et de
l’infection regroupées sous le terme de précautions particulières
Usagers
ou complémentaires (contact, gouttelettes ou air). Une troisième
mesure, l’isolement protecteur, vise à protéger le patient immu-
Information des usagers
nodéprimé de toute contamination extérieure, afin d’éviter tout Les établissements de santé sont tenus de renseigner le public
contact avec les micro-organismes. sur la lutte contre les IN. Une commission au sein de chaque ES qui
a pour objet d’aider les usagers pour la sécurité des soins a été ins-
tituée par la loi du 4 mars 2002. Sa principale mission est de veiller
au respect des droits des usagers et de faciliter leurs démarches afin
“ Point important qu’ils puissent exprimer leurs difficultés. D’autre part, il existe
une mission auprès du ministère de la Santé qui représente les
usagers. Enfin, une association d’usagers a vu le jour ces dernières
années qui défend les patients et les usagers de la santé. Son action
Précautions d’hygiène
s’exerce dans le cadre de la lutte contre les IAS et les évènements
• Précautions standard :
indésirables associés aux soins.
◦ friction hydroalcoolique des mains ;
◦ port de gant si risque de contact avec du sang, ou
tout autre produit d’origine humaine ;
◦ port de surblouses, masques, lunettes ; Tableau de bord des infections nosocomiales
◦ décontamination, stérilisation ou élimination des L’objectif du tableau de bord des IN est d’inciter tous les établis-
matériels souillés ; sements de santé à mesurer leurs actions et leurs résultats dans le
◦ décontamination, stérilisation des surfaces souillées ; domaine de la lutte contre les IN [13] . Il offre une vision d’ensemble
◦ respect des règles de transport de prélèvements bio- synthétique de la gestion du risque infectieux dans les ES. Il vise
logiques, de linge et de matériels souillés. à améliorer la qualité des soins en permettant un suivi dans le
• Précautions particulières : précautions standard renfor- temps et des comparaisons entre les établissements. Il répond
cées par l’isolement septique : à une demande d’information et de transparence de la part des
◦ « contact » pour prévenir la transmission croisée par usagers.
contact interhumain ; Il existe des indicateurs obligatoires que chaque ES doit afficher
concernant ses activités de lutte contre les IAS, sa consommation
◦ « gouttelettes », pour prévenir la transmission par les
en produit hydroalcoolique (reflet du niveau d’hygiène des mains
sécrétions oro-trachéo-bronchiques ; dans l’ES), sa surveillance des ISO, le taux de SARM (indicateur de
◦ « air » pour prévenir la transmission aérienne. résultat). En 2006 a eu lieu la première diffusion publique de ce
tableau de bord et depuis d’autres indicateurs y ont été intégrés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Astagneau P, Ambrogi V. Infections nosocomiales et infections associées aux soins. EMC - Traité de
Médecine Akos 2014;9(1):1-7 [Article 4-0970].
Abcès du cerveau
J.-J. Laurichesse, J. Souissi, C. Leport
L’abcès cérébral est une pathologie devenue rare en France, au XXe siècle. Son diagnostic a été facilité par
l’imagerie moderne (scanner cérébral et imagerie par résonance magnétique), les signes cliniques étant
parfois aspécifiques. La nature de l’agent causal varie selon la porte d’entrée, les abcès cérébraux étant le
plus souvent secondaires à des foyers à distance. Compte tenu de la difficulté de documentation
microbiologique de l’agent infectieux responsable, le choix du traitement anti-infectieux doit tenir compte
des micro-organismes suspectés ou isolés, et de données pharmacocinétiques incomplètes, diffusion et
concentration des antibiotiques dans le parenchyme cérébral. Ils sont initialement administrés par voie
parentérale et à posologie élevée ; un relais oral est ensuite possible, lorsque l’état du patient s’améliore.
Une recherche de la porte d’entrée est nécessaire pour reconnaître un foyer d’origine associé, pouvant
nécessiter un traitement propre et éviter une récidive. Un traitement chirurgical, avec une biopsie
stéréotaxique à double visée diagnostique et curative, est associé dans la majorité des cas. Grâce aux
avancées techniques en matière diagnostique et thérapeutique, associant traitements antibiotiques et
souvent drainage chirurgical, les séquelles sont devenues plus rares et souvent moins marquées. La
mortalité a été réduite à moins de 10 %.
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Mots clés : Abcès cérébral ; Antibiothérapie diffusion intracérébrale ; Drainage chirurgical ; Porte d’entrée
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 L’abcès cérébral est une pathologie devenue rare en France
dans la deuxième partie du XXe siècle avec une incidence entre
¶ Définition 1
0,3 et 1/100 000 habitants/an [1]. Son pronostic a été complète-
¶ Contexte épidémiologique 2 ment modifié du fait de la conjonction de plusieurs facteurs :
¶ Physiopathologie 2 un diagnostic plus précoce et plus facile par l’apparition d’outils
Abcès par contiguïté 2 peu ou pas invasifs (scanner et imagerie par résonance magné-
Abcès par diffusion hématogène 2 tique [IRM]), la meilleure connaissance des micro-organismes
Abcès par ensemencement direct 2 responsables d’abcès cérébraux, le développement d’antibioti-
Abcès d’origine indéterminée 2 ques ayant un spectre adapté à la bactériologie de ces abcès et
¶ Micro-organismes responsables 2 une bonne diffusion intracérébrale, et enfin des indications
chirurgicales plus sélectives, grâce à l’apport de la chirurgie
¶ Clinique 2
stéréotaxique.
Forme habituelle 2
Les abcès cérébraux chez les sujets immunodéprimés, ainsi
Autres formes cliniques 2
que les abcès fongiques, parasitaires ou à mycobactéries ne sont
¶ Examens complémentaires 3 pas traités dans ce chapitre consacré aux abcès bactériens.
¶ Diagnostic microbiologique 3
¶ Recherche de la porte d’entrée 4
¶ Traitement 4 ■ Définition
Traitement médical 4
Traitement chirurgical 4 . L’abcès est une suppuration intracrânienne réalisant une
Traitements adjuvants 4 cavité néoformée. Cette caractéristique le différencie d’un
Traitement de la porte d’entrée 4 empyème sous-dural ou extradural, suppuration intracrânienne
développée dans une cavité préexistante. Les pyogènes, et plus
¶ Suivi et pronostic 4
particulièrement les streptocoques, les staphylocoques, les
¶ Conclusion 5 anaérobies et certains bacilles à Gram négatif, qui sont des
bactéries à multiplication extracellulaire responsables des
suppurations, sont les principaux agents responsables.
■ Diagnostic microbiologique
suspicion d’abcès cérébral, en raison du risque d’engagement. La
rupture brutale de l’abcès dans un ventricule cérébral peut aussi Les hémocultures doivent être prélevées devant toute fièvre
être cause de décès. même modérée à 38 °C, avant toute antibiothérapie. Elles
peuvent isoler l’agent bactérien responsable, surtout dans deux
situations : l’endocardite avec abcès cérébral secondaire (où
■ Examens complémentaires Staphylococcus aureus est souvent incriminé) et la listériose
cérébroméningée. Elles contribuent ainsi au diagnostic étiologi-
Le diagnostic d’abcès cérébral repose sur le scanner cérébral que de l’abcès cérébral dans près de 10 % des cas.
avant et après injection de produit de contraste. Il reste La ponction lombaire est classiquement contre-indiquée en
l’examen de référence pour le diagnostic des abcès cérébraux cas de suspicion d’abcès cérébral, en raison de la majoration du
avec une excellente sensibilité, de 90 à 100 % [2, 3]. Typique- risque d’engagement de tout processus expansif intracrânien à
ment, il montre une image arrondie, hypodense avec effet de la suite de ce geste.
masse, et, après injection de produit de contraste, apparaît La ponction-biopsie stéréotaxique permet de mettre en
l’image en « cocarde » : hypodensité centrale (correspondant à la culture le contenu de l’abcès. Son rendement est maximal si elle
zone de suppuration et de nécrose collectées), prise de contraste est effectuée avant toute antibiothérapie préalable. Néanmoins,
intense, annulaire, régulière en périphérie (correspondant à la elle reste un geste invasif ; il est donc indispensable de s’assurer
coque) et hypodensité en périphérie (correspondant à l’œdème que le produit obtenu sera traité de manière optimale durant les
cérébral) (Fig. 1A à C). Cet aspect typique est plus ou moins différentes étapes d’acheminement et de traitement au labora-
complet en fonction du stade de développement de l’abcès au toire : mise en milieux de culture différemment enrichis, durées
moment de la réalisation du scanner. Le scanner permet d’observation des cultures appropriées, recours aux techniques
également de guider une éventuelle biopsie stéréotaxique ou de de biologie moléculaire.
Tableau 1.
Diffusion des antibiotiques dans le cerveau. Infections neuroméningées postopératoires. B. Veber. Conférences d’actualisation 2001.
Diffusion satisfaisante Diffusion intermédiaire Diffusion mauvaise ou nulle
Chloramphénicol Pénicilline G Aminosides
Péfloxacine/ofloxacine Aminopénicillines Vancomycine
Fosfomycine Uréidopénicillines Polymyxine
Sulfamides Carboxypénicillines Macrolides
Cotrimoxazole Céphalosporines de 3e génération Lincosamides
Rifampicine Imipénème Tétracyclines
Imidazolés Ciprofloxacine Céphalosporines
Isoniazide Pénicilline M
Inhibiteurs des bêtalactamases
Synergistines
Acide fusidique
Toute référence à cet article doit porter la mention : Laurichesse J.-J., Souissi J., Leport C. Abcès du cerveau. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 4-0975, 2009.
Les infections cutanées bactériennes regroupent l’ensemble des infections des trois tuniques de la peau,
épiderme, derme et hypoderme et des tissus sous-cutanés. Les deux principales bactéries en cause sont
Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus. Le spectre clinique est large. L’antibiothérapie est
probabiliste, le diagnostic clinique permettant d’orienter vers un germe particulier. De plus, il est
primordial, dans le cadre des dermohypodermites bactériennes, de rechercher et de traiter une éventuelle
porte d’entrée.
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Plan
¶ Introduction 1
¶ Dermohypodermites bactériennes aiguës 1
Érysipèle 1
Dermohypodermite bactérienne nécrosante et fasciite nécrosante 2
¶ Impétigo 3
Définition 3
Formes cliniques 3
Examens complémentaires 4
Évolution 4
Traitement 4
¶ Folliculite, furoncle, anthrax et furonculose 4
Définitions 4
Formes cliniques 4
Diagnostic 4
Évolution 4
Traitement 4
¶ Conclusion 5
■ Introduction
Les infections cutanées bactériennes sont des infections par
des bactéries des différentes parties de la peau, épiderme, derme
et hypoderme, auxquelles on rattache arbitrairement les infec- Figure 1. Érysipèle.
tions des tissus sous-cutanés. Le spectre clinique est large. Le
diagnostic est le plus souvent clinique. Les deux principales
bactéries en cause sont Streptococcus pyogenes (S. pyogenes) et bactérienne aiguë (DHBA) est préféré à celui de cellulite
Staphylococcus aureus (S. aureus). L’antibiothérapie est probabi- infectieuse. Le spectre clinique est très large, tous les intermé-
liste, le diagnostic clinique permettant d’orienter vers un germe diaires étant possibles de l’érysipèle à la fasciite nécrosante. La
particulier. principale bactérie en cause est S. pyogenes qui doit toujours être
pris en compte. Une conférence de consensus a eu lieu en
2000 afin d’optimiser la prise en charge des DHBA, de l’érysi-
■ Dermohypodermites pèle et de la fasciite nécrosante [1].
Définition
L’érysipèle est une dermohypodermite bactérienne aiguë, non
nécrosante, d’origine streptococcique (streptocoque b hémolyti-
que du groupe A), pouvant récidiver. Il doit être différencié des
dermohypodermites bactériennes d’origine non streptococcique,
qui sont le plus souvent dues à S. aureus.
L’atteinte prédomine le plus souvent aux membres inférieurs
mais peut toucher d’autres régions anatomiques comme le
visage. Les facteurs de risque d’érysipèle combinent une insuf-
fisance vasculaire, d’origine veineuse ou lymphatique, et une
porte d’entrée, par rupture de la barrière cutanée, le plus
souvent un intertrigo interorteil, à rechercher systématique-
ment, ou un ulcère de jambe [2, 3].
Présentation clinique
L’érysipèle associe trois signes cliniques apparaissant dans
l’ordre chronologique suivant : fièvre élevée (39-40 °C), frissons, Figure 2. Dermohypodermite bactérienne nécrosante.
puis quelques heures plus tard, apparition d’un placard cutané
inflammatoire. Une présentation moins typique des symptômes
doit faire suspecter une origine non streptococcique. La lésion comorbidité, d’un contexte social qui peut entraver l’observance
cutanée est une plaque érythémateuse, douloureuse, œdéma- au traitement, d’une absence d’amélioration à 72 heures du
teuse, bien limitée par un bourrelet périphérique au niveau du début du traitement.
visage, de limites moins nettes au niveau des membres infé- L’antibiothérapie doit être à visée antistreptococcique. La
rieurs, sans nécrose. Une porte d’entrée locale est fréquemment pénicilline G injectable est le traitement de référence (10 à
retrouvée. La présence d’une adénopathie inflammatoire 20 mUI/j en 4 à 6 perfusions/j ou en continu sur 24 heures)
satellite est fréquente, mais l’association à une traînée de mais, pour des raisons pratiques, l’amoxicilline (50 mg/kg/j soit
lymphangite est inconstante. environ 3 à 4,5 g/24 h, en trois prises par jour) lui est préférée
Les signes cliniques de gravité faisant suspecter une forme en première intention. La posologie devra tenir compte du
grave de DHBA et obligeant à un transfert vers un milieu poids et de la fonction rénale du patient. En cas d’allergie aux
hospitalier spécialisé sont des signes généraux (signes de sepsis) b-lactamines, le choix se portera sur une synergistine, la
et locaux (nécrose, lividité, cyanose, anesthésie locale, intensité pristinamycine (2 à 3 g/j selon le poids, en deux à trois prises
des douleurs locales) qui sont à rechercher systématiquement. quotidiennes). La résistance croissante de S. pyogenes aux
macrolides et lincosamides en France (15-20 %) ne permet plus
Examens complémentaires de recommander ces antibiotiques dans le traitement de
Le diagnostic est avant tout clinique et aucun examen l’érysipèle et oblige à une surveillance très attentive en cas de
complémentaire n’est indispensable au diagnostic. Le bilan traitement par la pristinamycine, du fait de la grande fréquence
biologique montre éventuellement une hyperleucocytose à des résistances croisées.
polynucléaires neutrophiles, plus souvent une élévation de la En cas de persistance de la fièvre après 4 jours d’une antibio-
protéine C réactive (CRP). Les hémocultures sont recommandées thérapie bien conduite ou de suspicion d’emblée de dermohy-
en présence d’une fièvre élevée avec présence de facteurs de podermite bactérienne non streptococcique, le spectre doit être
comorbidité, mais sont peu contributives, puisque positives élargi vers d’autres germes, dont S. aureus. La pristinamycine ou
dans moins de 5 % des cas [4]. l’association amoxicilline plus acide clavulanique peuvent être
utilisées.
Diagnostics différentiels Le traitement adjuvant associera une anticoagulation préven-
tive en cas d’hospitalisation, un traitement systématique de la
Les diagnostics différentiels à évoquer sont : les dermohypo- porte d’entrée et des antalgiques. Les anti-inflammatoires non
dermites bactériennes nécrosantes (DHBN) et les fasciites stéroïdiens (AINS) et les corticoïdes sont fortement déconseillés
nécrosantes, d’origine streptococcique ou non, les thromboses car ils favorisent l’évolution vers la nécrose.
veineuses profondes et superficielles et les dermites de stase. La surveillance sera biquotidienne en cas d’hospitalisation et
La recherche d’une thrombose veineuse profonde n’est pas quotidienne en cas de maintien au domicile. Pour une sur-
systématique. Elle est faite en fonction des signes cliniques et en veillance plus précise, les lésions doivent être délimitées à l’aide
cas d’existence de facteurs favorisant les complications d’un marqueur indélébile à l’arrivée du patient afin de détecter
thromboemboliques. précocement une éventuelle extension et de suivre l’involution
des lésions [6].
Évolution
Sous antibiothérapie adaptée, l’évolution est satisfaisante.
L’apyrexie est obtenue en 48 à 72 heures. L’amélioration des
Dermohypodermite bactérienne nécrosante
signes locaux est plus longue (environ 7 jours) et la guérison est et fasciite nécrosante (Fig. 2)
obtenue en 10 jours en moyenne, après une phase de desqua-
mation superficielle. Les complications locales sont rares : Définition
nécrose, abcès, thromboses veineuses profondes. Les complica-
Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN)
tions générales sont exceptionnelles et sont essentiellement liées
sont des infections cutanées provoquant une nécrose de
au terrain sous-jacent (toxidermie à la pénicilline, septicémies,
l’hypoderme avec thrombose vasculaire, nécrose de l’aponévrose
décompensations de tares) [5]. Les récidives sont possibles et
superficielle sous-jacente (ce qui définit la fasciite nécrosante
sont d’autant plus fréquentes que la porte d’entrée persiste. De
[FN]) et, secondairement, nécrose du derme. L’agent causal le
ce fait, le traitement de la porte d’entrée est un point primordial
plus fréquent est le streptocoque b-hémolytique du groupe A (S.
de la prise en charge.
pyogenes) mais d’autres germes peuvent être en cause selon le
terrain et la localisation [7]. Une origine plurimicrobienne est
Traitement mise en évidence dans 40 à 90 % des cas (streptocoques,
Le traitement peut être réalisé en ambulatoire sous certaines anaérobies, entérobactéries, S. aureus et entérocoques).
conditions [1]. L’hospitalisation est indispensable en cas de La DHBN-FN survient le plus souvent chez des patients de
signes généraux marqués, de complications locales, d’une plus de 50 ans, diabétiques dans un quart des cas. Le risque est
Tableau 1.
Antibiothérapie proposée en fonction de la localisation et du germe suspecté dans les dermohypodermites bactériennes nécrosantes et fasciites
nécrosantes [1].
Localisation Bactéries responsables Antibiothérapie
Membres Streptocoques Pénicilline G + clindamycine
Cervicofaciale (périorbitaire, cervicale) S. aureus, S. pneumoniae, streptocoque du groupe A, Pénicilline G + clindamycine
H. influenzae, anaérobies
Thoracoabdominale Entérobactéries (E. coli, P. mirabilis) Uréidopénicilline + métronidazole ± aminoside
Anaérobies (Clostridium et Bacteroides)
Périnéale Aérobies (E. coli, S. aureus, streptocoque) Uréidopénicilline + métronidazole ± aminoside
Anaérobies (Bacteroides, Clostridium)
Présentation clinique
Le diagnostic est clinique. Les signes généraux de sepsis grave
sont au premier plan avec une fièvre supérieure à 39 °C ou une
hypothermie, une confusion, une hypotension artérielle, une
hypoxémie, une oligoanurie et une thrombopénie. Les signes
locaux sont moins importants, associant une douleur intense,
un œdème, un érythème avec quelquefois des bulles hémorra-
giques, des taches cyaniques, froides, hypoesthésiques, une
crépitation neigeuse à la palpation. L’ensemble de ces signes
cliniques nécessite une prise en charge médicochirurgicale en
urgence en milieu spécialisé.
Examens complémentaires
Figure 3. Impétigo bulleux.
Ils permettent d’évaluer le retentissement général et de
préparer l’intervention chirurgicale. Outre le syndrome inflam-
matoire biologique, il existe des signes indirects de sepsis grave
comme une insuffisance rénale fonctionnelle, une acidose vascularisés. Une exérèse complémentaire est souvent néces-
métabolique. L’élévation des créatinines phosphokinases (CPK) saire dans les jours qui suivent. Une chirurgie de reconstruc-
traduit une nécrose musculaire associée et représente un signe tion sera envisagée secondairement lorsque le processus
de gravité. Les radiographies sans préparation de la région infectieux sera contrôlé ;
atteinte recherchent systématiquement des images aériques • anticoagulation efficace : elle est nécessaire en raison d’un
sous-cutanées, témoignant d’une infection associée par des haut risque thrombotique.
germes anaérobies. Une échographie des parties molles peut être
indiquée à la recherche de corps étrangers quand l’histoire
clinique est évocatrice. L’imagerie par résonance magnétique ■ Impétigo
(IRM) permettrait de mieux évaluer la gravité d’une DHBN et
ainsi de guider le geste chirurgical pour qu’il soit le plus précis
et le moins délabrant possible mais elle ne doit en aucun cas Définition
retarder le geste chirurgical qui est urgent [8].
L’impétigo est une infection cutanée superficielle, épidermi-
que, à streptocoque b-hémolytique du groupe A (S. pyogenes)
Évolution
et/ou à S. aureus. La maladie est plus fréquente chez l’enfant et
Le taux de mortalité est de 30 % environ. Cela nécessite donc le nourrisson. Elle est très contagieuse et survient par petite
de poser le diagnostic rapidement et d’orienter le patient en épidémie dans les collectivités d’enfants ou en milieu familial,
milieu spécialisé où une équipe médicochirurgicale peut assurer justifiant une éviction scolaire. Chez l’adulte, l’impétigo est
la prise en charge. Les deux causes principales de mortalité sont rarement primitif et doit faire rechercher une dermatose sous-
le choc septique et l’embolie pulmonaire. Les séquelles de jacente, secondairement impétiginisée, comme une
l’excision chirurgicale nécessitent ultérieurement des gestes de ectoparasitose.
reconstruction.
Formes cliniques
La folliculite est une infection superficielle du follicule
pilosébacé réalisant une papulopustule centrée par un poil
(prenant le nom de sycosis pour la barbe et d’orgelet pour les
cils).
Le furoncle est une forme clinique particulière de folliculite
profonde, nécrosante, où l’infection est due à un S. aureus
Figure 5. Lymphangite aiguë sur ecthyma. sécréteur d’une toxine nécrosante. Il se manifeste par une lésion
papulonodulaire, très inflammatoire profonde, qui évolue en 5
à 10 jours vers la nécrose et l’élimination du follicule pileux
habituellement localisée aux membres inférieurs et survenant (bourbillon).
sur terrain débilité (Fig. 4, 5). Il guérit au prix d’une cicatrice L’anthrax est un agglomérat de furoncles, réalisant un placard
indélébile. inflammatoire hyperalgique parsemé de pustules. Il peut
L’impétiginisation d’une dermatose sous-jacente est fréquente s’accompagner de fusées purulentes sous-jacentes, de fièvre et
en cas de dermatose prurigineuse. Elle est marquée par l’appa- d’adénopathies régionales. Son siège électif est le cou et le haut
rition, au cours d’une dermatose, de croûtes mélicériques et/ou du dos.
de pustules. De ce fait, il est primordial de rechercher une La furonculose correspond à une répétition de furoncles, avec
dermatose devant tout impétigo de l’adulte. passage à la chronicité sur des périodes de plusieurs mois. Elle
doit faire rechercher un facteur favorisant sous-jacent (diabète,
Examens complémentaires surmenage, obésité, facteur mécanique, déficit immunitaire,
carence martiale), mais surtout un réservoir cutané à Staphylo-
Le diagnostic est avant tout clinique. Le prélèvement bacté-
coccus aureus au niveau des gîtes (narines, sillons rétroauriculai-
riologique peut mettre en évidence un streptocoque du groupe
res, interfessiers et cicatrices d’anciens furoncles) à rechercher
A et/ou un S. aureus, mais l’isolement de ces bactéries sur des
systématiquement.
prélèvements cutanés ne signe pas pour autant leur responsabi-
lité dans l’infection sauf si le prélèvement porte sur une bulle
non rompue. Le prélèvement est indispensable en cas d’hospi- Diagnostic
talisation récente (suspicion de staphylocoque doré résistant à la Il est purement clinique. La mise en évidence du S. aureus
méthicilline [SARM]) ou de suspicion d’épidémie en collectivité. dans les gîtes peut être utile pour la conduite thérapeutique.
Évolution Évolution
Traité, l’impétigo évolue favorablement. En l’absence de Le passage à la chronicité est la complication la plus fré-
traitement, de nouvelles lésions apparaissent sur plusieurs quente mais toute infection cutanée profonde à S. aureus peut
semaines puis régressent spontanément. Le risque majeur, mais être la porte d’entrée d’une septicémie. Il existe un risque,
en réalité exceptionnel, est l’apparition d’une glomérulonéphrite devenu aujourd’hui exceptionnel, de staphylococcie maligne de
poststreptococcique, due à certains sérotypes, dit « néphritigè- la face, survenant principalement après manipulation d’un
nes », de streptocoques. En conséquence, un contrôle de la furoncle centrofacial. Le tableau clinique associe dans ce cas un
protéinurie à 3 semaines de l’épisode infectieux est nécessaire. syndrome infectieux marqué et un œdème centrofacial
douloureux.
Traitement
Il peut bénéficier d’une antibiothérapie locale dont les
Traitement
indications et les modalités d’utilisation ont récemment fait La prise en charge thérapeutique est résumée dans le
l’objet de recommandations officielles [9]. Le traitement local Tableau 2. La folliculite et le furoncle isolé sont traités par des
Tableau 2.
Traitement des infections du follicule pilosébacé.
Traitement général Traitement local Autres
Folliculite Non Désinfection
Antibiotiques locaux 5 à 7 jours
Furoncle Antibiothérapie antistaphylococcique Pas de manipulation Arrêt de travail pour les professions à risque
(pénicilline M, acide fusidique ou synergisti- Antisepsie
nes)
Hygiène rigoureuse
pendant 10 jours
Seulement si :
– localisation à risque (centrofaciale)
– furoncles multiples
– terrain débilité (diabète, immunodépression)
Anthrax Antibiothérapie antistaphylococcique Drainage chirurgical souvent nécessaire
Furonculose Antibiothérapie antistaphylococcique pendant Désinfection du gîte staphylocccique nari- Arrêt de travail pour les professions à risque
10 jours naire (fucidine ou mupirocine si S. aureus Rechercher un facteur favorisant (diabète, obé-
méthi-R) sité, déficit immunitaire)
Hygiène rigoureuse Évaluation microbiologique familiale (gîtes) et
antibiogramme dans les formes réfractaires
soins d’hygiène seuls et par antisepsie locale. Il faut éviter toute imposant un avis spécialisé et une prise en charge en milieu
manipulation intempestive. L’intérêt d’une antibiothérapie hospitalier en urgence. Dans ces infections, l’antibiothérapie
locale n’a pas été démontré à ce jour [9]. Si le furoncle est situé locale n’est que rarement indiquée.
dans une zone à risque (centrofaciale), s’il existe de la fièvre, un
terrain particulier (diabète, immunodépression) ou des lésions .
G. Monsel.
V. Martinez (valerie.martinez@psl.aphp.fr).
E. Caumes.
Service des maladies infectieuses et tropicales, groupe hospitalier Pitié-Salpétrière, AP-HP, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Monsel G., Martinez V., Caumes E. Conduite à tenir devant une infection cutanée bactérienne. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-0980, 2007.
La pneumonie aiguë communautaire demeure grevée d’une morbidité et d’une mortalité élevées. Des
progrès importants dans ses méthodes diagnostiques ont été effectués ces dernières années avec le
développement des outils de biologie moléculaire. Ces techniques permettent d’améliorer la détection
des bactéries atypiques et des virus respiratoires saisonniers. Elles ont permis de souligner la place des
virus respiratoires dans leur survenue. La prise en charge thérapeutique repose toujours sur la mise en
route rapide d’une antibiothérapie le plus souvent empirique. Les recommandations européennes de
prise en charge des pneumonies communautaires ont été réactualisées en 2011. Les recommandations
vaccinales vis-à-vis du pneumocoque ont également évolué récemment. Cet article résume les étiologies
des pneumonies, leur diagnostic, les scores permettant d’évaluer la sévérité et d’orienter la prise en
charge du patient, les données de sensibilité aux antibiotiques et les recommandations de traitement qui
en résultent, les stratégies préventives.
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défense locaux (toux, clairance mucociliaire, système immuni- coque les pathogènes les plus fréquemment identifiés, isolés chez
taire) éliminent les bactéries avant qu’une infection ne puisse se 15 à 23 % des patients, auparavant sous-estimés en l’absence de
développer. techniques diagnostiques simples disponibles [6] . Dans une large
Les principaux facteurs de risque de pneumonies sont : étude multicentrique récente ayant inclus 2483 patients hospita-
• l’existence de fausses routes (du fait de troubles de la conscience lisés pour PAC aux États-Unis, les virus respiratoires étaient les
ou de la déglutition). Ainsi, chez les patients qui ont eu un plus fréquemment retrouvés, représentant 25 % des isolements
accident vasculaire cérébral et sont soumis à une évaluation de (n = 597 ; dont rhinovirus 206, influenza 125, métapneumovi-
la déglutition, il existe une forte corrélation entre le volume des rus 87, VRS 66, para-influenza 58, coronavirus 57) versus 13 %
inhalations et le développement d’une pneumonie [3] ; d’identification bactérienne (S. pneumoniae, 4,7 %) (étude EPIC,
• une diminution des défenses locales (tabagisme, broncho- Center for Disease Control [CDC], Atlanta, congrès de l’American
pneumopathie chronique obstructive [BPCO], insuffisance Thoracic Society, Philadelphie, 2013).
cardiaque) [4] ; Le rôle pathogène du virus, directement causal de la pneumonie
• une diminution des défenses générales (dénutrition, diabète ou par le biais d’une surinfection bactérienne non documen-
non équilibré, splénectomie, insuffisance rénale chronique, cir- tée reste débattu. Cependant dans l’étude EPIC, la médiane du
rhose, déficit immunitaire primitif ou secondaire altérant la taux de procalcitonine (pCT), disponible chez 1866 patients, était
réponse humorale ou la fonction des polynucléaires neutro- plus faible au cours des pneumonies virales (0,09 ng/ml) qu’au
philes). cours des pneumonies bactériennes à pyogène (2,11 ng/ml) ou
Les sujets âgés sont également particulièrement à risque de lorsqu’une bactérie atypique était identifiée (0,20 ng/ml). Un taux
pneumonie. Une étude finlandaise a montré que chaque année faible de pCT était donc observé dans une large proportion des
supplémentaire après 65 ans augmentait le risque de contracter patients et semblait être au moins en partie expliqué par l’étiologie
une pneumonie d’un facteur de 1,07 [5] . En effet, les malades âgés virale de la pneumonie.
cumulent plusieurs facteurs de risque. Le système immunitaire
subit une sénescence. Les troubles de déglutition sont fréquents.
L’hyposalivation induite par les médicaments (antidépresseurs,
antiparkinsoniens, diurétiques, antihypertenseurs, antihistami-
Diagnostic de la pneumonie
niques par exemple) et la pathologie parodontale favorisent la communautaire
colonisation par des bactéries pathogènes. Enfin, les comorbidités
augmentant le risque de pneumonie par diminution des défenses Diagnostic positif
locales ou générales sont également plus fréquentes avec l’âge.
Dans la littérature anglo-saxonne, bronchite aiguë et pneu-
monie communautaire sont souvent regroupées sous le terme
d’infection respiratoire basse (IRB) communautaire, définie par
Étiologie : pathogènes une toux plus ou mois productive, au moins un signe fonction-
nel ou physique orientant vers une atteinte respiratoire basse
responsables des pneumonies (dyspnée, douleur thoracique, sifflement, signes auscultatoires
aiguës communautaires récents en foyer ou diffus) et au moins un signe général suggé-
rant une infection (fièvre, sueurs, céphalées, myalgies, arthralgies,
L’étiologie des PAC a fait l’objet de nombreuses études qui dif- mal de gorge ou rhume). Néanmoins, bronchite aiguë et pneumo-
fèrent de par les investigations diagnostiques mises en œuvre, les nie communautaire n’ayant pas le même pronostic et le même
comorbidités des malades, la zone géographique de l’étude, ainsi traitement, la recherche de symptômes, de signes ou de scores dis-
que la sévérité des pneumonies [6] . Une étiologie est identifiée dans criminant ces deux pathologies a toute son importance. Metlay et
un tiers à la moitié des cas. Fine ont synthétisé les données des quatre études sur ce sujet ayant
Bien que les agents infectieux susceptibles d’entraîner une comporté une relecture indépendante de la radiographie de tho-
pneumonie soient nombreux, seule une petite minorité d’entre rax et calculé les rapports de vraisemblance positif (RVP) et négatif
eux (Streptococcus [S.] pneumoniae, Haemophilus [H.] influenzae, (RVN) de chaque symptôme afin de déterminer une probabilité
Staphylococcus [S.] aureus, Chlamydia [C.] pneumoniae, les entéro- finale de PAC [13] . Ils retrouvent ainsi une probabilité de pneumo-
bactéries, Pseudomonas (P.) aeruginosa, Legionella [L.] pneumophila, nie inférieure à 1 % chez un patient ambulatoire si la fréquence
les virus grippaux, le VRS) est responsable de la grande majorité respiratoire est inférieure à 30, la fréquence cardiaque inférieure à
des infections. S. pneumoniae est la bactérie la plus fréquemment 100 et la température inférieure à 37,8 ◦ C. À l’opposé, si le patient
responsable dans toutes les études. Les infections plurimicro- est fébrile, tachycarde et qu’il existe des crépitants, la probabilité
biennes ne sont pas rares, présentes chez 5 à 10 % des patients de pneumonie se situe entre 18 et 42 %. Il faut cependant noter
avec identification microbiologique [7–9] . Certaines bactéries sont que la symptomatologie est également modifiée par le terrain de
associées à des contextes particuliers : les bactéries anaérobies l’hôte. Les patients âgés de plus de 65 ans atteints de pneumonie
chez les patients présentant des troubles de la déglutition ou se plaignent moins de symptômes que les plus jeunes. La fièvre,
un mauvais état dentaire ; H. influenzae chez les patients atteints les frissons, la douleur pleurale sont souvent absents. La polypnée
de BPCO ; Klebsiella pneumoniae dans le contexte d’un éthylisme et la tachycardie peuvent être les seuls signes physiques orientant
chronique [4] . Parmi les bactéries atypiques, Mycoplasma [M.] pneu- vers l’atteinte respiratoire. Plus le sujet est âgé et débilité, plus
moniae et C. pneumoniae sont plus souvent identifiées chez les les symptômes classiques sont absents. À l’inverse, les symptômes
patients sans comorbidité et sans signe de gravité alors que atypiques comme le syndrome confusionnel et les chutes sont
L. pneumophila est plutôt isolée chez les patients hospitalisés et fréquents.
a fortiori admis en réanimation. Au sein des pyogènes, hor- En conclusion, l’absence de tout signe de gravité et de toute
mis S. pneumoniae, S. aureus et les bacilles à Gram négatif sont anomalie auscultatoire réduit suffisamment la probabilité de
également fréquemment retrouvés chez les patients admis en pneumonie pour qu’il n’y ait pas besoin de pousser plus loin
réanimation [4, 10, 11] . Certaines souches de S. aureus décrites régu- les investigations. En revanche, une radiographie doit être réa-
lièrement depuis 2002 ont la particularité d’être sécrétrices de la lisée lorsque les données cliniques sont peu évocatrices du
leucocidine de Panton-Valentine et le plus souvent résistantes diagnostic de pneumonie, mais que le contexte de survenue
à la méticilline [12] . Elles sont observées avec une plus grande (âge > 75 ans, vie en institution, comorbidité) expose à une sémio-
fréquence chez des patients jeunes et au décours d’une grippe. Cli- logie trompeuse et à un risque potentiel d’évolution compliquée.
niquement, il s’agit d’un tableau de pneumonie nécrosante sévère, La radiographie thoracique (de face et de profil en position
avec atteinte parenchymateuse rapidement extensive, hémopty- debout) reste à ce jour le gold standard pour le diagnostic de
sies, une leucopénie associée, dont la létalité se situe entre 50 et pneumonie exigé dans toute étude. Il faut noter qu’il peut être
60 %. difficile d’obtenir un cliché de qualité, que l’interprétation est
À côté de ces pneumonies bactériennes, plusieurs études délicate en cas d’insuffisance cardiaque ou de pathologie pulmo-
récentes montrent que les virus respiratoires sont avec le pneumo- naire préexistante (BPCO, séquelles de tuberculose, dilatation des
bronches ou pneumopathie interstitielle) et les anomalies radio- ner un diagnostic rapide, ce qui n’est pas le cas des autres tests
logiques variables selon le terrain et le pathogène responsable. diagnostiques pour cette pathologie. La culture de L. pneumophila
Le scanner thoracique permet de voir plus d’anomalies paren- nécessite un milieu spécial (sensibilité de 50 à 80 %, spécifi-
chymateuses que celles détectées sur la radiographie de thorax cité de 100 %, résultats nécessitant un délai > 3 j). Elle demeure
mais le pronostic de ces pneumonies non vues à la radiographie une alternative en cas de suspicion élevée ou de cas groupés et
est surtout déterminé par les signes cliniques associés. L’évolution est recommandée si l’antigénurie est positive, pour identifier la
est le plus souvent favorable sans antibiothérapie s’il n’y a pas souche et réaliser l’enquête épidémiologique. Enfin un diagnostic
de signes de gravité (13 % de reconsultations) [14] . En revanche, rétrospectif peut également être obtenu par réalisation de deux
lorsqu’elles nécessitent une hospitalisation, elles peuvent être assi- sérologies itératives. La mise en évidence d’une augmentation
milées à des « pneumonies radiologiques » (positivité similaire des par 4 du titre des anticorps est significative. Elle possède surtout
examens microbiologiques et mortalité de 8 %) [15] . une valeur épidémiologique du fait du caractère tardif du résul-
tat. Des approches sérologiques ont également été proposées pour
les autres bactéries atypiques (M. pneumoniae et C. pneumoniae). La
Diagnostic microbiologique sérologie M. pneumoniae souffre d’un défaut de standardisation des
antigènes et d’une faible sensibilité [6] . De plus, l’approche sérolo-
Plus la pneumonie est sévère et/ou de sémiologie inhabi- gique ne permet qu’un diagnostic rétrospectif limitant son intérêt
tuelle, plus la recherche du germe en cause est recommandée, en routine.
d’autant plus que la sémiologie clinique ou radiologique ne Du fait de ces limitations, la détection des bactéries par poly-
permet pas de prédire avec une sensibilité et une spécificité suffi- merase chain reaction (PCR) sur les prélèvements respiratoires s’est
santes l’étiologie microbienne des PAC. On peut seulement noter développée ces dernières années. La PCR peut se faire soit par des
une certaine homogénéité du tableau clinique des pneumonies techniques développées localement, soit par des kits multiplex
à M. pneumoniae : âge inférieur à 40 ans, absence de comorbidité, commercialisés qui couvrent également les virus respiratoires. La
infection associée des voies aériennes supérieures, contexte épi- réalisation d’une PCR sur expectoration couplée à la réalisation
démique, début progressif, fièvre inférieure à 38,5 ◦ C. d’une sérologie immunoglobuline M (IgM) spécifique pour les
En ce qui concerne la biologie de routine, les pneumonies à infections à M. pneumoniae, C. pneumoniae, ou d’une antigénu-
pyogènes s’accompagnent plus souvent d’une hyperleucocytose rie pour les infections L. pneumophila permettrait un diagnostic
et d’un taux élevé de protéine C réactive (CRP) qu’au cours des rapide d’un plus grand nombre de malades [6] . Les données sont
autres étiologies de pneumonie [4] . Cependant, ces résultats ne peu nombreuses mais la sensibilité de la PCR pour les bactéries
sont ni assez sensibles ni assez spécifiques pour orienter le diag- atypiques ne serait pas optimale sur les prélèvements rhino-
nostic. La pCT est un marqueur plus sensible et spécifique des pharyngés et nasopharyngés, faisant privilégier les prélèvements
infections bactériennes. S’il paraît difficile dans l’état actuel des bronchiques (expectoration, aspiration bronchique) ou le liquide
données de ne pas débuter d’antibiothérapie en cas de pneumo- de lavage bronchoalvéolaire (LBA) [6] . Le diagnostic des bacté-
nie radiologiquement confirmée quel que soit le résultat de la pCT, ries respiratoires par biologie moléculaire n’est cependant pas
celle-ci pourrait permettre une remise en question plus précoce du limité aux bactéries atypiques. La détection du pneumocoque
diagnostic de pneumonie bactérienne si le taux de pCT demeure sur expectoration par PCR quantitative en temps réel, en défi-
bas (inférieur à 0,1 g/l) [16] . nissant un seuil différenciant colonisation et infection, pourrait
En cas de pleurésie significative associée à la pneumonie, il est être une approche plus sensible pour le diagnostic des infections
de bonne pratique de réaliser une ponction pleurale pour ana- à pneumocoque, notamment chez les malades ayant reçu une
lyse biochimique, cytologique et microbiologique [4] . De même les antibiothérapie préalable [6] .
sociétés savantes recommandent la réalisation de deux hémocul- Le développement des kits PCR multiplex (cf. supra) permet
tures bien que leur rentabilité soit faible (3 à 7 % de positivité) [6] . maintenant un diagnostic quasiment de routine des virus respira-
L’examen cytobactériologique des crachats (ECBC) a un intérêt toires chez les patients hospitalisés, de nombreux laboratoires de
limité [17] . Les dernières recommandations européennes proposent microbiologie ayant acquis la technique. Ces tests ont l’avantage
cependant sa réalisation lorsqu’un échantillon purulent peut d’être plus sensibles que l’immunofluorescence pour la détection
être obtenu [6] . Les critères de qualité témoignant d’un prélève- des virus respiratoires. Ils peuvent être réalisés sur un écouvillon
ment vraiment bronchique (plutôt que salivaire) sont : plus de rhinopharyngé, un lavage nasopharyngé ou sur un prélèvement
25 polynucléaires neutrophiles et moins de dix cellules épithé- des voies aériennes inférieures. Pour certains de ces tests, chaque
liales par champ. Le seuil de significativité microbiologique est la échantillon est traité individuellement selon un processus entiè-
présence d’une espèce prédominante de bactéries à la coloration rement automatisé. Dans ce cas, le délai de rendu du résultat est
de Gram et supérieures ou égales à 107 unités formant colonies très rapide, limité seulement par le temps d’acheminement du
(UFC)/ml en culture. En ambulatoire, il ne répond pas, dans la prélèvement au laboratoire et la durée de la PCR (autour de 1 h
grande majorité des cas, aux normes de transport et de traitement habituellement), alors que l’approche par PCR classique nécessite
du prélèvement ou d’interprétation des résultats. En hospitalisa- de regrouper les prélèvements et un temps technicien supérieur
tion, l’interprétation de résultats non valides induit fréquemment de sorte que la technique n’est souvent réalisée que 2 à 3 fois par
le clinicien en erreur. Sa réalisation est rarement possible chez le semaine. La grippe bénéficie d’un test rapide commercialisé ne
patient âgé. nécessitant pas de temps technicien au laboratoire, le Xpert® Flu
Il est également possible de détecter de manière non développé selon le même principe que le Xpert® MTB/RIF pour la
invasive la présence d’antigènes urinaires au cours des pneu- tuberculose. Il s’agit d’une PCR entièrement automatisée, réalisée
monies à pneumocoque ou des légionelloses. La sensibilité de par un appareil de PCR spécifique, le GeneXpert® . Les échan-
l’antigénurie pneumocoque (Immunochromatographic Test [ICT tillons peuvent être analysés individuellement et sont traités en
test], BinaxNOW® ) se situe entre 43 à 75 % selon les études avec une heure.
une spécificité supérieure à 90 % [6] . Cependant, malgré un apport Ces PCR ont permis de préciser le rôle des anciens virus
diagnostique supplémentaire évalué de 7 à 39 %, son impact dans (influenza A et B, para-influenza, VRS, adénovirus, rhinovirus)
la prise en charge des PAC reste limité, permettant seulement dans les PAC, comme l’a montré l’étude EPIC (cf. supra), mais aussi
de simplifier l’antibiothérapie en cas d’antigénurie positive et de détecter de nouveaux virus (bocavirus, parvovirus et mimi-
d’absence d’arguments pour une pneumonie plurimicrobienne ou virus) dont la pathogénicité n’est pas encore bien définie. Leur
un portage chronique ou un antécédent semi-récent de pneumo- utilisation en routine est limitée par un coût demeurant élevé et
nie. En effet, l’antigénurie demeure positive plusieurs semaines un impact thérapeutique uniquement pour les bactéries atypiques
après le diagnostic [18] . Elle peut également être réalisée sur le et la grippe. L’utilisation des kits multiplex paraît légitime chez les
liquide pleural avec une sensibilité et une spécificité de 79 et 94 % patients hospitalisés pour PAC s’il existe des signes d’orientation
respectivement [6] . vers une infection virale (atteinte des voies aériennes supérieures,
L’antigénurie légionelle est un examen sensible (85–90 %) et contexte épidémique) ou une atteinte radiologique diffuse. Le
spécifique (100 %). Elle ne concerne cependant que L. pneumophila test rapide individuel de la grippe est très intéressant lorsque
sérogroupe 1 (80 % des légionelloses) [19] . Elle a l’avantage de don- l’utilisation d’un kit multiplex ne semble pas nécessaire mais que
PAC
Non
Comorbidités ?
Signes de gravité Oui
Age > 65 ans ?
Non Oui
Pneumopathie Facteurs de risque
Amoxicilline Indication
nécrosante, de Pseudomonas :
Alternative Hospitalisation ?
suspicion de Bronchectasies,
pristinamycine
SARM PVL+ *** mucoviscidose,
Non Oui
antécédents
Oui Non d’exacerbation
Amoxicilline Amoxicilline
Acide clavulanique Acide clavulanique Cefotaxime ** Ceftriaxone ou de BPCO dues à
Ou FQAP Ou céfotaxime + glycopeptide Cefotaxime P. aeruginosa
Ou ceftriaxone Ou FQAP et clindamycine + macrolide
ou rifampicine IV ou Oui
ou cefotaxime *+ FQAP
linezolide (levofloxacine) Beta-lactamines
anti-Pseudomonas *
+ aminoside
(amikacine
ou tobramycine)
+ macrolide IV
ou FQAP
Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une pneumonie aiguë communautaire (PAC) généralisée hospitalisée. FQAP : fluoroquinolone antipneumo-
coccique ; SARM PVL+ : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline producteur de la toxine de Panton-Valentine ; BPCO : bronchopneumopathie chronique
obstructive ; i.v. : intraveineux.
le patient présente un risque d’évolution compliquée de grippe apparaissent supérieurs pour l’identification des patients à haut
ou que les signes cliniques suggèrent ce diagnostic du fait des risque de mortalité. Ces scores restent assez peu utilisés en pra-
conséquences en termes de traitement et de prévention du risque tique par les cliniciens. Il a pourtant été montré que l’utilisation en
épidémique.(Fig. 1) routine du PSI permet d’augmenter le nombre de patients traités
en ambulatoire sans conséquences sur la mortalité.
Outre leur complexité éventuelle, ces scores ont également
Prise en charge thérapeutique leurs limites, notamment l’absence de prise en compte d’une
comorbidité respiratoire ou des facteurs sociaux et ne doivent
pas faire oublier le jugement clinique. Ainsi, l’hospitalisation
Elle repose sur le début rapide d’une antibiothérapie adaptée et
peut également s’imposer lorsqu’il est prédictible que l’observance
sur l’évaluation du lieu de prise en charge en fonction de sa sévé-
thérapeutique et le suivi du malade seront difficiles (conditions
rité, des comorbidités à risque de décompensation et d’éventuels
socioéconomiques défavorables, isolement, notamment chez les
facteurs sociaux.
personnes âgées) ou en cas de complication locale de la pneumo-
nie (suspicion de pleurésie purulente associée ou d’abcédation ou
Quand hospitaliser ? de pneumonie sur obstacle).
Tableau 1.
Modèle prédictif du risque de mortalité à 30 jours. Score de Fine, 1997.
Calcul du score Points
Facteurs démographiques Âge Hommes Âge (en années)
Femmes Âge – 10
Vie en institution + 10
Comorbidité Maladie néoplasique + 30
Maladie hépatique + 20
Insuffisance cardiaque congestive + 10
Maladie cérébrovasculaire + 10
Maladie rénale + 10
Données de l’examen physique Atteinte des fonctions supérieures + 20
Fréquence respiratoire ≥ 30/min + 20
TA systolique < 90 mmHg + 20
Température < 35 ◦ C ou ≥ 40 ◦ C + 15
Fréquence cardiaque ≥ 125/min + 10
Données biologiques et radiologiques pH artériel < 7,35 + 30
Urée ≥ 11 mmol/l + 20
Na < 130 mmol/l + 20
Hématocrite < 30 % + 10
PaO2 < 60 mmHg + 10
Épanchement pleural + 10
II ≤ 70 0,6–0,7
III 71–90 0,9–2,8
IV 91–130 8,2–9,3
V > 131 27–31
Tableau 2. Tableau 3.
Critères de pneumonie aiguë communautaire (PAC) sévère selon Modèle prédictif du risque de mortalité à 30 jours. Score de CURB65
l’American Thoracic Society/Infectious Diseases Society of America (confusion-urée-fréquence respiratoire-blood pressure-âge ≥ 65 ans).
(ATS/IDSA) 2007.
Symptômes Points
Critères majeurs Nécessité de ventilation mécanique invasive
Confusion 1
Présence d’un choc septique
Urée > 7 mmol/l 1
Critères mineurs Fréquence respiratoire ≥ 30/min
Fréquence respiratoire > 30 1
Rapport PaO2 /FiO2 ≤ 250
Blood pressure : PAS < 90 mmHg, PAD < 60 mmHg 1
Opacités multilobaires (> deux lobes)
Âge ≥ 65 ans 1
Leucopénie < 4,109 cellules/l
Thrombopénie < 100,109 cellules/l
Score CURB65 CRB65
Confusion et/ou désorientation
Urée ≥ 7 mmol/l Risque de mortalité faible (1–3 %) 0–1 0
Hypothermie < 36 ◦ C Risque de mortalité intermédiaire (8–10 %) 2 1–2
Hypotension : PAS < 90 mmHg nécessitant un Risque de mortalité élevé (> 20 %) 3 ou + 3 ou +
remplissage vasculaire
La PAC sévère est définie par un critère majeur ou trois critères mineurs ou plus.
Elle requiert une hospitalisation en réanimation. PaO2 : pression artérielle en
oxygène ; FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; PAS : pression artérielle systolique. souches de pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline
(PSDP, 44,1 % des souches en France en 2006 à 2007, données
du réseau de suivi des résistances du pneumocoque, Drugeon
critères objectifs d’admission en réanimation (recours ultérieur à HB, Réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuse
la ventilation mécanique ou aux amines vasopressives) lorsqu’il [RICAI], Paris, décembre 2007), du fait de l’absence d’échec cli-
est supérieur ou égal à 3 (Tableau 4) [24, 25] . nique reconnu pour l’amoxicilline à 3 g/j [6] . Cependant, de hauts
niveaux de résistance à la pénicilline (concentration minimale
inhibitrice [CMI] ≥ 4 mg/l) constitueraient un facteur de risque
Quels antibiotiques sont actifs indépendant de mortalité [26] .
sur les bactéries respiratoires ? Les FQAP, dont le spectre comprend outre S. pneumoniae, Haemo-
philus spp., Moraxella catarrhalis parmi les pyogènes, ont obtenu
Les antibiotiques actuellement régulièrement actifs clinique- des indications relativement larges dans les infections respira-
ment sur le pneumocoque sont : l’amoxicilline, les céphalospo- toires de l’adulte. Cette situation s’accompagne de l’émergence de
rines antipneumococciques (céfotaxime, ceftriaxone), la télithro- souches de pneumocoque ayant acquis au moins un mécanisme
mycine, la pristinamycine, les fluoroquinolones antipneumo- de résistance aux fluoroquinolones. En France, la prévalence de
cocciques (FQAP) (lévofloxacine, moxifloxacine). L’amoxicilline ces souches est estimée autour de 1 % en 2006 à 2007 (données du
reste l’antibiotique de choix sur ce germe malgré la présence de réseau de suivi des résistances du pneumocoque). Les principaux
Tableau 4. Tableau 5.
Calcul du SMART-COP et SMRT-CO. Antibiothérapie probabiliste pour pneumonies aiguës communautaires
(PAC) ambulatoires.
S PAS < 90 mmHg 2 points
M Atteinte multilobaire 1 point Premier choix Échec à 48 heures
sur la radiographie de Sujet sans comorbidité
thorax
Suspicion de Amoxicilline Macrolide
A Albuminémie < 35 g/l 1 point pneumocoque ou FQAP
R Fréquence ≤ 50 ans > 50 ans 1 point (début brutal) (lévofloxacine)
respiratoire ≥ 25/min ≥ 30/min ou pristinamycine
T Tachycardie 1 point ou télithromycine
≥ 125/min Doute entre Amoxicilline FQAP
C Confusion 1 point pneumocoque et ou pristinamycine
bactéries atypiques ou télithromycine
Oxygénation ≤ 50 ans > 50 ans 2 points
PaO2 < 70 mmHg < 60 mmHg Ou pristinamycine ou Hospitalisation pour
télithromycine réévaluation
O Ou SaO2 ≤ 93 % ≤ 90 %
diagnostique et
Ou PaO2 /FiO2 (si < 333 < 250 thérapeutique b
sous O2 )
Suspicion de Macrolide Amoxicilline
P pH artériel < 7,35 2 points bactérie atypique a ou FQAP
(lévofloxacine)
SMART-COP : systolic blood pressure, multilobar infiltrates, albumin, respiratory rate,
tachycardia, confusion, oxygen and pH ; SMRT-CO : systolic blood pressure, multilobar ou pristinamycine
involvement, respiratory rate, tachycardia, confusion, oxygenation ; SaO2 : saturation ou télithromycine
artérielle en oxygène ; PaO2 : pression artérielle en oxygène ; FiO2 : fraction ins- Adulte avec comorbidité ou sujet âgé
pirée en oxygène.
Interprétation SMART-COP : 0–2 points : risque faible pour ventilation méca- Amoxicilline-acide Hospitalisation
nique/vasopresseurs ; 3–4 points : risque modéré (un patient sur huit) pour clavulanique
ventilation mécanique/vasopresseurs ; 5–6 points : risque élevé (un patient sur ou FQAP (lévofloxacine)
trois) pour ventilation mécanique/vasopresseurs ; ≥ 7 points : risque très élevé
ou ceftriaxone
(deux patients sur trois) pour ventilation mécanique/vasopresseurs.
Interprétation SMRT-CO : 0 point : risque très faible pour ventilation méca-
FQAP : fluoroquinolone antipneumococcique.
nique/vasopresseurs ; 1 point : risque faible (un patient sur 20) pour ventilation a
mécanique/vasopresseurs ; 2 points : risque modéré (un patient sur dix) pour Âge inférieur à 40 ans, absence de comorbidité, infection associée des voies
ventilation mécanique/vasopresseurs ; 3 points : risque élevé (un patient sur six) aériennes supérieures, contexte épidémique, début progressif, fièvre inférieure
pour ventilation mécanique/vasopresseurs ; ≥ 4 points : risque élevé (un patient à 38,5 ◦ C.
b
sur trois) pour ventilation mécanique/vasopresseurs. Hospitalisation : la pristinamycine et la telithromycine étant actives sur le
pneumocoque et les bactéries atypiques, leur échec doit conduire à une rééva-
luation diagnostique et thérapeutique.
Prévention des infections Malgré l’absence de données cliniques, les données d’immuno-
génicité ont abouti à la modification des recommandations vacci-
respiratoires basses nales en 2013 [35] . Elles proposent la vaccination par VPC 13 chez
les patients adultes immunodéprimés : déficit immunitaire héré-
Malgré l’antibiothérapie et les autres soins de support, la pneu- ditaire, greffés ou en attente de greffe d’organe solide, greffés de
monie reste donc une infection fréquente et sévère justifiant cellules souches hématopoïétiques, recevant une chimiothérapie
l’importance des stratégies préventives. pour une pathologie maligne ou recevant une corticothérapie,
une biothérapie ou un traitement immunosuppresseur pour une
pathologie auto-immune ou inflammatoire chronique, asplé-
Vaccination nie fonctionnelle ou splénectomie, drépanocytose homozygote,
infection par le VIH quel que soit le statut immunovirologique,
Vaccination antigrippale syndrome néphrotique. Le VPC 13 ayant un effet sur le portage
La vaccination antigrippale est actuellement recommandée en du pneumocoque, il est également recommandé chez les per-
France aux personnes âgées de plus de 65 ans, aux patients pré- sonnes porteuses d’une brèche ostéoméningée ou d’un implant
sentant certaines comorbidités, aux femmes enceintes quel que cochléaire. Le schéma vaccinal chez les patients non préalable-
soit le trimestre et au personnel soignant. Il s’agit d’un vaccin tri- ment vaccinés par VP 23 ou dont le rappel date de plus de trois
valent (une souche AH3N2, une souche AH1N1, et une souche B) ans est une vaccination par VPC 13 suivie d’une vaccination huit
inactivé préparé à partir de virus élevés sur des œufs de poule. semaines après par VP 23. Les modalités de revaccinations ne sont
Son efficacité chez l’adulte jeune en bonne santé est de 70 à 90 % pas définies actuellement. Son action sur le portage pharyngé des
sur les grippes confirmées virologiquement et peut varier selon les souches de pneumocoques peut faire craindre l’augmentation de
années en fonction de la compatibilité entre le vaccin et la grippe la fréquence des infections dues à des souches non vaccinales.
saisonnière et de l’immunocompétence du sujet. Elle semble dimi- Le VP 23 reste recommandé pour la vaccination des patients
nuer quand le sujet est atteint d’une pathologie chronique. Chez à risque non immunodéprimés. Ce vaccin procure une couver-
les sujets âgés, la vaccination est associée à une diminution des ture sérotypique plus large et il n’existe pas à ce jour de preuve
épisodes grippaux ainsi qu’une diminution de la mortalité et des d’une meilleure efficacité du vaccin VPC 13 dans ce type de popu-
hospitalisations pour pneumonie ou grippe [32] . La vaccination du lation. Ses indications sont inchangées : insuffisance respiratoire,
personnel des institutions s’occupant de personnes âgées permet insuffisance cardiaque, patients alcooliques avec hépatopathie
également une diminution des épisodes grippaux, du recours au chronique, antécédent d’infection pulmonaire ou d’IIP.
système de soins et de la mortalité des patients institutionnali- Enfin, plusieurs études ont démontré l’effet additif des vaccina-
sés [33] . tions antigrippale et antipneumococcique chez les sujets âgés par
une diminution de mortalité et des hospitalisations pour grippe
ou pneumonie [36] .
Vaccination antipneumococcique
Il existe deux vaccins antipneumocciques actuellement com-
mercialisés : le vaccin Pneumo 23® (VP 23) non conjugué
contenant 23 antigènes polysaccharidiques et le Prevenar 13®
(VPC 13), vaccin polyosidique conjugué composé de polysaccha-
rides de 13 sérotypes pneumococciques couplés à une protéine
“ Points essentiels
porteuse. En 2010, le VP 23 couvrait 74 % des sérotypes de pneu-
mocoque isolés des méningites et bactériémies chez les adultes • La PAC est une pathologie fréquente et demeure une
de plus de 50 ans. Ce vaccin élargit de façon significative la cou- cause de mortalité importante chez l’adulte. On estime le
verture sérotypique du vaccin VPC 13 dans toutes les tranches nombre de cas annuels en France à 800 000. La mortalité
d’âge, notamment au-delà de l’âge de 5 ans (Centre national de chez les patients hospitalisés se situe entre 7 et 15 %.
référence des pneumocoques. Rapport d’activité 2011 disponible • Un certain nombre de facteurs favorisants ont pu être
sur www.invs.sante.fr). Une méta-analyse portant sur l’efficacité mis en évidence : l’âge supérieur à 65 ans, les troubles de
du VP 23 a été réactualisée en 2013 [34] . Elle confirme l’efficacité
déglutition, la diminution des défenses locales (maladie
du vaccin contre les infections invasives à pneumocoque (IIP)
(odd ratio [OR] = 0,26 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95 %]
respiratoire chronique, tabagisme notamment) ou géné-
0,14–0,45). L’efficacité est moins évidente chez les adultes atteints rales (dénutrition, diabète non équilibré, splénectomie,
d’une pathologie chronique, peut-être par manque de puissance insuffisance rénale chronique, cirrhose, déficit immunitaire
des études. La méta-analyse n’apporte pas d’argument en faveur primitif ou acquis).
d’une réduction de la mortalité ni d’arguments pour une efficacité • Son étiologie est souvent bactérienne. Le pneumocoque
sur les pneumonies de toutes causes. est la première bactérie responsable. Les autres bactéries
Il est certain que le VP 23 souffre d’une faible immunogénicité, souvent identifiées sont parmi les pyogènes H. influenzae,
notamment chez les sujets âgés et en cas d’immunodépression. Staphylococcus aureus, les entérobactéries, P. aeruginosa
En outre, la protection conférée est relativement transitoire (3 à et les germes anaérobies ; parmi les bactéries aty-
5 ans) et il a été décrit une diminution de la réponse immuno-
piques, C. pneumoniae, M. pneumoniae et L. pneumophila.
logique contre certains sérotypes lors des rappels vaccinaux. Ces
constatations ont conduit à l’évaluation du VPC 13 chez l’adulte.
Les études récentes ont mis en évidence le rôle impor-
Les études d’immunogénicité, fondées sur la mesure des titres tant des virus respiratoires dans sa survenue, la grippe mais
d’immunoglobulines G (IgG) et de l’activité opsonophagocytaire, aussi les autres virus respiratoires saisonniers.
montrent qu’il est plus immunogène vis-à-vis de la plupart des • La prise en charge thérapeutique repose sur une anti-
sérotypes communs. Il devrait avoir une efficacité plus grande biothérapie le plus souvent empirique, réévaluée à la
chez les adultes mauvais répondeurs à la stimulation par les 72e heure, couvrant au moins le pneumocoque sauf excep-
antigènes polyosidiques mais les études actuellement disponibles tion, les autres pyogènes en fonction de l’âge et du terrain.
n’ont été réalisées que chez des patients immunocompétents. Son Une bithérapie visant les bactéries pyogènes et les aty-
profil de tolérance est globalement comparable au VP 23. piques est proposée d’emblée dans les formes sévères.
Son efficacité clinique reste à démontrer et une étude de
L’utilisation de la pCT pourrait aider à raccourcir les durées
phase III est actuellement en cours chez des personnes de plus
de 65 ans (essai CAPITA). Le critère de jugement principal est le
de traitement.
nombre de bactériémies à pneumocoque de sérotype vaccinal,
• La prévention des pneumonies repose sur la vaccina-
avec comme critères secondaires le nombre d’infections pul- tion antigrippale, antipneumococcique dans les groupes à
monaires non bactériémiques et les autres IIP. Des études sont risque et la diminution de la colonisation buccodentaire.
également en cours chez des patients immunodéprimés.
[36] Christenson B, Lundbergh P, Hedlund J, Ortqvist A. Effects of a [37] Woodhead M. Pneumonia in the elderly. J Antimicrob Chemother
large-scale intervention with influenza and 23-valent pneumococcal 1994;34(Suppl. A):85–92.
[38] Terpenning M, Bretz W, Lopatin D, Langmore S, Dominguez B,
vaccines in adults aged 65 years or older: a prospective study. Lancet Loesche W. Bacterial colonization of saliva and plaque in the elderly.
2001;357:1008–11. Clin Infect Dis 1993;16(Suppl. 4):S314–6.
E. Catherinot (e.catherinot@hopital-foch.org).
Service de pneumologie, Pôle des maladies des voies respiratoires, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France.
Laboratoire de pharmacologie respiratoire UPRES EA220, Hôpital Foch, 11, rue Guillaume-Lenoir, 92150 Suresnes, France.
E. Rivaud.
Service de pneumologie, Pôle des maladies des voies respiratoires, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France.
C. Bron.
Service de pneumologie, Pôle des maladies des voies respiratoires, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France.
Unité de formation et de recherches Sciences de la santé Simone-Veil, Université Versailles Saint-Quentin, 2, avenue de la Source-de-la-Bièvre, 78180 Montigny-
Le-Bretonneux, France.
L.-J. Couderc.
Service de pneumologie, Pôle des maladies des voies respiratoires, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France.
Laboratoire de pharmacologie respiratoire UPRES EA220, Hôpital Foch, 11, rue Guillaume-Lenoir, 92150 Suresnes, France.
Unité de formation et de recherches Sciences de la santé Simone-Veil, Université Versailles Saint-Quentin, 2, avenue de la Source-de-la-Bièvre, 78180 Montigny-
Le-Bretonneux, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Catherinot E, Rivaud E, Bron C, Couderc LJ. Pneumonie aiguë communautaire. EMC - Traité de Médecine
Akos 2016;11(2):1-10 [Article 4-0985].
Infection ostéoarticulaire
G. Gras, J. Druon, S. Floch, L. Bernard
Les infections ostéoarticulaires sont des infections fréquentes et de présentation clinique très variées avec
un potentiel impact fonctionnel majeur. On distingue l’arthrite septique, l’ostéomyélite, l’ostéite postopé-
ratoire ou de continuité, l’infection sur prothèse articulaire et la spondylodiscite dont le mode d’installation
peut être aigu ou chronique. L’examen clinique (articulation inflammatoire, fistule, douleurs) oriente
souvent le diagnostic. Les signes radiologiques sont souvent retardés et le scanner (recherche d’abcès
associés, ostéites et ostéomyélites à la recherche de séquestres) et l’imagerie par résonance magnétique
(spondylodiscites) sont parfois nécessaires. Le diagnostic de certitude est parfois difficile et repose sur
l’identification microbiologique par les hémocultures, ponction ou prélèvements multiples peropératoires.
La prise en charge (hormis pour la spondylodiscite) est médicochirurgicale. La stratégie thérapeutique doit
intégrer les bénéfices/risques en prenant notamment en compte le pronostic fonctionnel. L’antibiothérapie
est initialement probabiliste puis secondairement adaptée aux micro-organismes identifiés. La durée de
l’antibiothérapie varie de quatre à 12 semaines. En France, en 2008, le ministre en charge de la Santé a
mis en place des centres de références interrégionaux (huit) pour la prise en charge des infections ostéo-
articulaires complexes. Depuis 2011, il y a deux centres correspondants pour chaque centre de référence.
Ces centres ont une mission de coordination, d’expertise, de formation et de recherche.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan ■ Spondylodiscites 9
Agents responsables 9
■ Introduction 1 Épidémiologie et facteurs de risque 9
Physiopathologie 9
■ Arthrite septique 2 Clinique 9
Agents responsables 2 Arguments du diagnostic 9
Épidémiologie 2 Attitude thérapeutique 9
Clinique 2
■ Conclusion 10
Arguments du diagnostic 2
Attitude thérapeutique 3
■ Ostéomyélites et ostéites 3
Agents responsables
Épidémiologie
4
4
Introduction
Clinique 4
Les infections ostéoarticulaires sont de présentation clinique
Arguments du diagnostic 4
très variée. On distingue, hors pied diabétique, l’arthrite septique,
Attitude thérapeutique 4
l’ostéomyélite, l’ostéite, l’infection sur prothèse articulaire et la
■ Infection de prothèse ostéoarticulaire 5 spondylodiscite. Le diagnostic microbiologique doit être systé-
Agents responsables 5 matique et guide l’antibiothérapie. La prise en charge est dans
Épidémiologie et facteurs de risque 5 la grande majorité des cas médicochirurgicale. En France, huit
Physiopathologie 6 centres de références interrégionaux et 16 centres correspondants
Clinique 6 ont été désignés pour la prise en charge des infections ostéoarticu-
Examens complémentaires 6 laires complexes [1] . Ces centres ont une mission de coordination,
Diagnostic différentiel 7 d’expertise, de formation et de recherche.
Attitude thérapeutique 7 Les infections ostéoarticulaires suivantes sont considérées
Prévention 9 comme complexes :
Arguments du diagnostic
Arthrite septique Diagnostic de l’atteinte articulaire
Aucun examen d’imagerie ne permet de discerner, en cas
Une articulation inflammatoire est un motif fréquent de d’arthrite aiguë, une origine septique d’une autre origine.
consultation. Si de nombreux diagnostics différentiels existent, • Radiographie : elle est initialement normale. En l’absence de
l’étiologie la plus grave est l’arthrite septique. Une arthrite sep- prise en charge adaptée, il apparaît vers le 15e jour une déminé-
tique est une atteinte infectieuse de la cavité articulaire survenant ralisation épiphysaire puis à quatre semaines un pincement de
le plus souvent par voie hématogène lors d’une bactériémie, par- l’interligne traduisant la destruction du cartilage et des érosions
fois par inoculation (infiltration, plaie, morsure) ou par contiguïté sous-chondrales (Fig. 1).
(ostéomyélite de la métaphyse). Une prise en charge retardée ou • Échographie : elle permet de mettre en évidence un épanche-
inadaptée expose au risque d’une destruction articulaire irréver- ment articulaire, notamment dans les articulations d’examen
sible. difficile (hanche).
• Scanner, imagerie par résonance magnétique (IRM), scintigra-
phie : dans des situations cliniques difficiles, ils permettent
Agents responsables d’évaluer le degré d’atteinte osseuse (scanner, scintigraphie)
Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) est le micro- ainsi que l’atteinte des tissus mous associée (IRM).
organisme le plus fréquemment incriminé dans toutes les classes
d’âges et dans tous les groupes à risque (deux tiers des cas) suivi Diagnostic microbiologique
par les autres bactéries à Gram positif, notamment les strepto- Une ponction articulaire doit être réalisée avant toute antibio-
coques (20 %). Chez les patients âgés, la fréquence des arthrites thérapie (en l’absence de tout risque vital à court terme). Elle
à bactéries à Gram négatif est plus importante probablement du peut être guidée par une échographie ou un scanner (hanche).
fait des comorbidités associées (infections urinaires, ulcères). La Le prélèvement doit être acheminé rapidement au laboratoire de
fréquence des infections à Haemophilus influenzae chez l’enfant a microbiologie. Les prélèvements de liquide articulaire imposent
considérablement diminué grâce à la vaccination. Les arthrites une culture sur des milieux spécifiques de façon prolongée (14 j).
gonococciques et brucelliennes sont devenues exceptionnelles L’analyse cytologique oriente vers une origine septique en cas de
(Tableau 1). leucocytes supérieurs à 10 000/mm3 dont plus de 90 % de poly-
nucléaires neutrophiles. Elle ne peut cependant discerner avec
Épidémiologie certitude une étiologie septique d’une autre étiologie d’arthrite
aiguë, notamment microcristalline. L’examen direct par colo-
L’incidence annuelle est faible, de l’ordre de quatre à dix ration de Gram est inconstamment positif. L’identification du
cas pour 100 000 dans la population générale. Les facteurs micro-organisme repose sur les cultures. Une biopsie synoviale
Tableau 2.
Antibiothérapie probabiliste des infections ostéoarticulaires à débuter
après les prélèvements microbiologiques.
Traitement de Alternative
1re intention
Arthrite, Oxacilline Si allergie : clindamy-
ostéomyélite aiguë, i.v. ± gentamicine (1/j qsp cine ± gentamicine (si
spondylodiscite 48 h si sepsis sévère ou sepsis sévère ou
primitive bactériémie) bactériémie)
Infection sur Vancomycine + ceftriaxone
prothèse, ostéite, (ou uréidopénicil-
ostéomyélite line/inhibiteur
chronique, bêtalactamase)
spondylodiscite
postopératoire
Tableau 3.
Posologie des antibiotiques utilisés au cours des infections ostéoarticulaires.
Antibiotique (voie d’administration) Posologie/24 h Rythme d’administration
Bêtalactamines
Amoxicilline (i.v./p.o.) 150–200 mg/kg 4
Cloxacilline/oxacilline (i.v.) 100–150 mg/kg 4 ; jamais per os
Céfazoline (i.v.) 60–80 mg/kg 4 ou i.v. à la seringue électrique
Ceftriaxone (i.m./i.v.) 30–35 mg/kg 1–2 injection(s) i.v. lente
Ceftazidime (i.v.) 100 mg/kg i.v. à la seringue électrique ou 3–4 injections i.v. lente
Imipénème (i.v.) 2–3 g 3
Glycopeptides – à adapter aux taux sériques (30–40 mg/l)
Vancomycine (i.v.) 40–60 mg/kg i.v. à la seringue électrique
Teicoplanine (i.v. lente, s.c.) 12 mg/kg 12 h pendant 3–5 j puis 12 mg/kg
Aminosides
Gentamicine (i.v.) 5 mg/kg (résiduelle < 1 mg/l) 1 sur 30 min
Amikacine (i.v.) 15 mg/kg (résiduelle < 5 mg/l) 1 sur 30 min
Fluoroquinolones
Ofloxacine (i.v./p.o.) 400–600 mg 2–3
Ciprofloxacine (i.v./p.o.) 1500 mg p.o.–1200 mg i.v. 2
Divers
Clindamycine (i.v./p.o.) 1800–2400 mg 3–4
Rifampicine (i.v./p.o.) 20 mg/kg 2
Acide fusidique (p.o.) 1500 mg 3
Cotrimoxazole (i.v./p.o.) 3200 mg/640 mg 2
Doxycycline (p.o.) 200 mg 2
Linézolide (hors AMM) (i.v./p.o.) 1200 mg 2
i.v. : intraveineux ; i.m. : intramusculaire ; p.o. : per os ; s.c. : sous-cutané ; AMM : autorisation de mise sur le marché.
Agents responsables radiographie reste normale dans les 15 premiers jours. Ensuite
apparaissent des signes de résorption osseuse avec destruction
S. aureus est le micro-organisme le plus souvent mis en évidence. des travées osseuses. Ensuite apparaît une atteinte de la corticale
En fonction de la pathogénie et de la localisation, d’autres germes en « pelures d’oignon ». Dans la forme chronique, il existe une
peuvent être identifiés : staphylocoques à coagulase négative, cavité à contours nets (Fig. 2) : l’abcès de Brodie évoluant possi-
streptocoques, entérobactéries, anaérobies. Chez le nouveau-né, blement vers une fistulisation. L’IRM est l’examen le plus sensible
il s’agit du streptocoque B et chez le nourrisson et l’enfant le strep- et spécifique.
tocoque A et Kingella kingae. Dans l’ostéite postopératoire ou de continuité : les signes cli-
niques locaux suffisent habituellement à affirmer le diagnostic
Épidémiologie (fistule). Sur le plan radiologique, un retard de consolidation, des
géodes, une déminéralisation sont évocateurs. Scanner et IRM
Dans le cas des infections sur fracture ouverte, le risque aug- peuvent être utiles pour préciser l’atteinte et guider la stratégie
mente avec le stade de gravité de la fracture mesuré par la chirurgicale.
classification de Gustilo qui prend en compte les lésions muscu-
laires et vasculaires associées à la fracture (grade I : 0 à 2 %, grade II :
1 à 7 %, grade III : 7 à 50 %). Diagnostic différentiel
Les diagnostics différentiels de l’ostéomyélite aiguë sont : frac-
Clinique ture, ostéosarcome.
Une grande variété de tableaux cliniques est décrite allant de
la fistule chronique quasi asymptomatique au tableau septique Diagnostic microbiologique
généralisé aigu avec impotence fonctionnelle totale.
Schématiquement, on distingue : • L’ostéomyélite aiguë : les hémocultures sont parfois positives.
• l’ostéomyélite aiguë de l’enfant touchant les cartilages de crois- En cas de négativité, une biopsie osseuse est parfois nécessaire.
sance « près du genou, loin du coude », à début brutal avec fièvre • L’ostéite et ostéomyélite chronique : des biopsies osseuses
supérieure à 38,5 ◦ C et impotence fonctionnelle. À l’examen, ou des prélèvements peropératoires profonds en l’absence
une douleur exquise est déclenchée à la palpation des méta- d’antibiothérapie permettent d’identifier les germes respon-
physes sans atteinte articulaire ; sables.
• l’ostéite postopératoire ou de continuité avec l’installation
progressive de signes inflammatoires locaux, douleur et écoule-
ment purulent. La fièvre est inconstante. En cas de fracture, Attitude thérapeutique
l’évolution peut se faire vers une pseudarthrose (absence de
consolidation), la présence d’os non vascularisé (séquestres) et La prise en charge est le plus souvent médicochirurgi-
la présence d’une fistule intermittente ou permanente. cale. La multiplicité des tableaux cliniques peut nécessiter le
recours aux Centres de référence des infections ostéoarticulaires
complexes pour optimiser la prise en charge diagnostique et
Arguments du diagnostic thérapeutique.
Diagnostic positif
Antibiothérapie
Dans l’ostéomyélite aiguë, l’association des signes cliniques et
du syndrome inflammatoire permet d’affirmer le diagnostic. La Le protocole est le suivant :
Tableau 4.
Antibiothérapie (AB) en fonction des micro-organismes identifiés dans les infections ostéoarticulaires.
Pas d’allergie Allergie à la pénicilline
Staphylocoques sensibles à la AB initiale i.v. (OX ou céfazoline) L a ou VA/TEC + GEN5 ou RA
méticilline + (GEN5 ou RA) ou VA/TEC + FA
Relais p.o. en fonction RA + OFX ou RA + FA b ou FA + L a ou OFX + FA ou SXT + RA
de l’antibiogramme
Staphylocoques résistants à la AB i.v. VA/TEC + (RA c ou FA c ou doxycycline)
méticilline ou
L a + GEN e puis L + RA d
Relais p.o. en fonction RA + (FA b ou L a,d ou SXT ou doxycycline ou linézolide f )
de l’antibiogramme
Streptocoques AB initiale i.v. AMX + GEN e L a + GEN e
ou céfazoline + GEN e
ou ceftriaxone + GEN e
Relais oral AMX ou L a
Entérocoques AB initiale i.v. AMX g + GEN e puis AMX g ± RA VA/TEC + GEN e
Puis VA/TEC + RA
Relais oral AMX g ± RA
Anaérobies à AMX ou céfazoline ou ceftriaxone La
Gram positif (Propionibacterium
acnes)
Anaérobies à Gram négatif L ou métronidazole ou AMC L ou métronidazole
(Bacteroides)
Bacilles à Gram négatif (hors AB initiale i.v. Ceftriaxone + OFX
pyocyanique) ou IMP + GEN e
Relais oral OFX
Pseudomonas aeruginosa AB initiale i.v. (CAZ ou IMP) + (AN ou CIP ou FOS)
Association 3 semaines
Relais oral CIP
AMX : amoxicilline ; AMC : amoxicilline + acide clavulanique ; AN : amikacine ; CAZ : ceftazidime ; CIP : ciprofloxacine ; FA : acide fusidique ; FOS : fosfomycine ; GEN :
gentamicine ; IMP : imipénème ; L : clindamycine ; OFX : ofloxacine ; OX : oxacilline ; RA : rifampicine ; SXT : cotrimoxazole–triméthoprime + sulfaméthoxazol ; TEC :
teicoplanine ; VA : vancomycine ; i.v. : intraveineux ; p.o. : per os.
a
Si souche érythromycine sensible.
b
Cette association nécessite une surveillance régulière de la biologie hépatique.
c
Différer la prescription de rifampicine et d’acide fusidique de 48 h en cas de prescription conjointe avec des glycopeptides.
d
Existence d’une interaction entre la clindamycine et la rifampicine (intérêt d’un dosage de la clindamycine car risque de sous-dosage).
e
Durée du traitement par aminosides inférieure à 5 j.
f
Le linézolide n’a pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Prescription limitée à 28 j avec surveillance clinique et biologique rapprochée.
g
Sous réserve de la sensibilité de l’entérocoque à l’amoxicilline.
• initialement probabiliste : par voie intraveineuse, à débuter est impossible et la dégradation fonctionnelle importante. Ces
après la ponction articulaire (Tableaux 2, 3) ; infections nécessitent une prise en charge médicochirurgicale [5, 6] .
• puis adaptée dès réception des cultures définitives avec antibio- Les infections ostéoarticulaires considérées comme complexes et
gramme (Tableau 4) ; relevant d’une prise en charge dans un centre de référence sont
• durée : rappelées dans l’introduction.
◦ ostéomyélite aiguë : trois semaines,
◦ ostéite chronique ou ostéomyélite chronique : six semaines.
Agents responsables
Prise en charge chirurgicale • Staphylocoques à coagulase négative (30 à 40 %).
• S. aureus (20 %).
• Ostéomyélite aiguë : en cas de prise en charge précoce, le traite- • Streptocoques et entérocoques (10 %).
ment médical seul suffit associé au repos et à l’immobilisation. • Anaérobies (notamment Propionibacterium acnes) (5 à 10 %).
• Infection aiguë de fracture ouverte : lavage–résection des tissus • Bacilles à Gram négatif (5 à 10 %).
infectés avec ablation du matériel d’ostéosynthèse si cela est • Infection polymicrobienne (10 %).
possible. Les staphylocoques sont prédominants en cas de contamina-
• Séquestre osseux infecté : séquestrectomie chirurgicale. tion peropératoire, les streptocoques et entérobactéries en cas de
• Ostéite chronique : une chirurgie en deux temps doit être dis- contamination hématogène. Mais tout type d’espèce bactérienne
cutée (chirurgie de type membrane induite). peut être responsable d’une infection. Une infection fungique est
également possible.
Infection de prothèse
Épidémiologie et facteurs de risque
ostéoarticulaire
On estime le risque infectieux entre 1 et 2 % pour une prothèse
L’infection de prothèse ostéoarticulaire est une complication de hanche et un peu plus élevé pour les prothèses de genou ou
redoutable, tant sur le plan individuel qu’en termes de santé d’épaule.
publique. Les facteurs de risque identifiés sont ceux habituellement asso-
Le diagnostic n’est pas toujours aisé et le traitement associe une ciés au risque d’infection postopératoire :
antibiothérapie et un lavage chirurgical, voire un changement de • score American Society of Anesthesiologists (ASA) ;
matériel de prothèse. Parfois, la repose de matériel de prothèse • diabète ;
A B
• obésité (indice de masse corporelle [IMC] > 40) ; Une infection est dite « précoce » si elle survient avant le premier
• polyarthrite rhumatoïde ; mois.
• temps opératoire (> 2,5 h) ; Dans le mois qui suit la mise en place d’une prothèse, les signes
• tabagisme actif ; suivants doivent faire évoquer une infection [7] :
• hématome postopératoire ; • une douleur d’intensité anormale ou sa réapparition à intervalle
• délai entre fracture et intervention chirurgicale ; libre ;
• cirrhose ; • un écoulement de la plaie opératoire ;
• traitement anticoagulant préopératoire (international normali- • une désunion ou nécrose ou inflammation cicatricielle.
zed ratio [INR] > 1,5). L’existence de signes généraux (fièvre, frissons) augmente la
Les autres facteurs de risque sont le changement de prothèse, probabilité d’infection.
un antécédent d’infection, de radiothérapie locale et l’existence En cas d’infection subaiguë ou chronique, le diagnostic peut
d’un foyer infectieux à distance, notamment cutané. être difficile à établir. Dans les infections évoluant depuis plus d’un
mois, une douleur et/ou un descellement radiologique doivent
faire évoquer une infection. La cicatrice peut devenir rouge,
Physiopathologie inflammatoire. Une fistule affirme l’infection jusqu’à preuve du
La contamination peut se faire : contraire. Toute luxation de prothèse doit faire rechercher une
• au moment de l’intervention (à partir de la flore endogène du infection.
patient ou plus rarement de l’air ou de l’équipe chirurgicale) ; En cas d’intervalle libre prolongé entre la pose de la prothèse
• en période postopératoire précoce à partir de la cicatrice ; et la survenue de signes infectieux, il faut évoquer une infection
• par voie hématogène, à partir d’un foyer infectieux à distance. par voie hématogène et rechercher un foyer infectieux à distance
Les bactéries adhèrent au matériel directement ou par (stomatologique, oto-rhino-laryngologique, digestif, cutané).
l’intermédiaire de protéines de l’hôte (fibrinogène, fibronec-
tine, collagène). Les bactéries s’agrègent entre elles grâce à des
adhésines intercellulaires et la production de polysaccharides Examens complémentaires
(slime). Ceci aboutit à la présence d’un biofilm. Les bactéries s’y
La seule certitude diagnostique est apportée par un isolement
trouvent en position stationnaire de croissance et y sont protégées
bactériologique (ponction articulaire et/ou biopsies osseuses). Les
de l’action de polynucléaires neutrophiles et des antibiotiques.
prélèvements doivent être effectués avant toute antibiothérapie
L’activité bactéricide des polynucléaires est diminuée par la seule
(sauf risque vital). Ils doivent être multiples, profonds et effectués
présence de matériel étranger.
en zone pathologique, mis en culture sur milieux spécifiques et
L’ensemble de ces phénomènes aboutit à une réaction inflam-
de manière prolongée (14 j).
matoire autour de la prothèse avec activation d’ostéoclastes et
résorption osseuse à l’origine d’un descellement prothétique.
Infection postopératoire précoce
Clinique La radiographie est normale. L’échographie peut guider pour
ponctionner une éventuelle collection. Le bilan inflammatoire
Les infections ostéoarticulaires sont classées en fonction du est d’interprétation difficile, la normalisation de la CRP dans
mode de contamination (par inoculation ou par voie hémato- une intervention non compliquée pouvant se faire en trois à
gène) et de la durée d’évolution. quatre semaines. Les arguments en faveur du diagnostic sont
A B C
Figure 3. Infection sur prothèse totale de hanche. Ostéolyse (flèches, A, B) ; descellement prothétique (tête de flèche, B) ; appositions périostées (astérisque,
C).
Pas d’imagerie
Pas de prélèvement
superficiel
CRP
Ponction articulaire
Surveillance :
- clinique
- CRP
- ± ponctions répétées
+
Reprise chirurgicale Antibiothérapie
Figure 4. Arbre décisionnel. Algorithme de prise en charge d’une suspicion d’infection dans le mois suivant la pose d’une prothèse de hanche ou de genou.
Recommandations de bonne pratique. Haute Autorité de santé, mars 2014. CRP : C reactive protein.
Agents responsables
Diagnostic différentiel
Spondylodiscites par contamination hématogène
Un tassement vertébral, une poussée de spondylarthropathie
S. aureus est le micro-organisme le plus fréquemment incriminé inflammatoire, une atteinte vertébrale myélomateuse, une loca-
suivi des streptocoques, entérocoques et entérobactéries. Myco- lisation secondaire néoplasique peuvent se présenter sous des
bacterium tuberculosis est désormais plus rarement incriminé. La tableaux cliniques comparables.
brucellose vertébrale est devenue exceptionnelle en France.
A B C
Figure 5. Aspect en imagerie par résonance magnétique d’une spondylodiscite L5-S1. Hypersignal T2 du disque ainsi qu’un hyposignal T1 et un hypersi-
gnal T2 des vertèbres adjacentes. Prise de contraste par le gadolinium du disque atteint (A à C).
Références
“ Points essentiels [1] Centres de référence interrégionaux pour la prise en charge des infec-
tions ostéo-articulaires complexes. www.sante.gouv.fr/centres-de-
• Présentations cliniques variées reference-interregionaux-pour-la-prise-en-charge-des-infections-
• Potentiel impact fonctionnel majeur osteo-articulaires-complexes.html.
• Orientation diagnostique par l’examen clinique et radio- [2] Mathews CJ, Weston VC, Jones A, Field M, Coakley G. Bacterial
logique septic arthritis in adults. Lancet 2010;375:846–55.
• Nécessité d’une identification microbiologique par [3] Pilly E. Infections ostéo-articulaires. Maladies infectieuses et tropi-
hémocultures, ponction ou prélèvements peropératoires cales. CMIT. Alinéa Plus; 2012.
• Prise en charge médicochirurgicale [4] Lew DP, Waldvogel FA. Osteomyelitis. Lancet 2004;364:369–79.
◦ antibiothérapie ciblée et prolongée de [5] Recommandations de pratique clinique : infections ostéo-articulaires
4 à 12 semaines sur matériel (prothèse, implant, ostéosynthèse). SPILF 2008. www.
infectiologie.com/site/medias/ documents/consensus/inf-osseuse-
◦ chirurgie : lavage, séquestrectomie, voire
court.pdf.
changement prothèse
[6] Osmon DR, Berbari EF, Berendt AR, Lew D, Zimmerli W, Steckelberg
• Existence de centres de référence et correspondants JM, et al. Diagnosis and management of prosthetic joint infection: cli-
pour la prise en charge des cas complexes nical practice guidelines by the Infectious Diseases Society of America.
Clin Infect Dis 2013;56:e1–25.
[7] Prothèse de hanche et de genou : diagnostic et prise en charge [8] Zimmerli W. Clinical practice. Vertebral osteomyelitis. N Engl J Med
de l’infection dans le mois suivant l’implantation. Recom- 2010;362:1022–9.
mandations de bonne pratique. HAS; 2014. www.has-sante. [9] Recommandations pour la pratique clinique : spondylodiscites infec-
fr/portail/jcms/c 1228574/fr/prothese-de-hanche-ou-de-genou- tieuses primitives, et secondaires à un geste intra-discal, sans mise en
diagnostic-et-prise-en-charge-de-l-infection-dans-le-mois-suivant- place de matériel. SPILF 2007. www.infectiologie.com/site/medias/
limplantation. documents/consensus/2007-Spondylodiscites-Court.pdf.
G. Gras (g.gras@chu-tours.fr).
Service de maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire Bretonneau, 2, boulevard Tonnelé, 37044 Tours cedex, France.
J. Druon.
S. Floch.
Chirurgie orthopédique, Centre hospitalier universitaire Trousseau, avenue de la République, 37170 Chambray-lès-Tours, France.
L. Bernard.
Service de maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire Bretonneau, 2, boulevard Tonnelé, 37044 Tours cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gras G, Druon J, Floch S, Bernard L. Infection ostéoarticulaire. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(4):1-
11 [Article 4-0990].
Le choc septique est défini par la présence d’une insuffisance circulatoire avec au moins une défaillance
d’organe en rapport avec une infection. Son pronostic dépend de la rapidité de prise en charge, et
notamment d’instauration d’une antibiothérapie adaptée. Le choc septique est une pathologie fréquente,
grevée d’un taux de mortalité aux alentours de 40 %, ce qui en fait un enjeu de santé publique. La bonne
connaissance de cette pathologie permet d’optimiser la prise en charge initiale, et de reconnaître les signes
d’alertes de patients septiques à haut risque de développer un choc septique. La prise en charge initiale
repose sur l’antibiothérapie, réalisée après les prélèvements ; la restauration d’une hémodynamique satis-
faisante grâce au remplissage et aux catécholamines ; et la gestion des défaillances d’organes associées.
La prise en charge de ces patients nécessite un monitorage rapproché, et ils doivent être orientés dans
les unités de réanimation.
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Prise en charge thérapeutique L’antibiothérapie doit être la plus précoce possible, et ne doit
être retardée que de quelques minutes, le temps de réaliser
Notion de « golden hours » les prélèvements bactériologiques minimaux (hémocultures, exa-
men cytobactériologique des urines, prélèvements pulmonaires).
Depuis la parution de l’étude de Rivers et al. en 2001, la rapi- Une étude ancienne de Kumar et al. [10] a montré que la sur-
dité et l’intensité de la prise en charge d’un sepsis sévère se vie des malades en choc septique était directement liée au délai
sont imposées comme des facteurs majeurs du pronostic [8] . Cette d’instauration de l’antibiothérapie. Chaque heure supplémentaire
étude reflète avant tout l’importance d’une prise en charge diag- avant l’instauration d’une antibiothérapie chez un malade en
nostique et réanimatoire rapide afin d’optimiser les paramètres choc septique grevait le pronostic vital de 12 %.
vitaux comme la pression artérielle moyenne et la perfusion tis- Du fait de l’urgence à l’instauration de l’antibiothérapie dans
sulaire indirectement monitorée par la saturation veineuse en le choc septique, celle-ci est probabiliste, sans attendre le résul-
oxygène. L’amélioration importante de survie du groupe inter- tat des examens bactériologiques. L’efficacité de l’antibiothérapie
ventionnel par rapport au groupe contrôle dans l’étude de Rivers probabiliste introduite est un facteur pronostique majeur. Une
et al. n’a pas été retrouvée dans trois études randomisées récem- étude de cohorte sur plus de 5700 patients a montré que la sur-
ment publiées, portant sur un total de 4183 patients et utilisant vie des patients ne recevant pas un antibiotique efficace sur
dans le groupe interventionnel un protocole un peu différent [9] . le germe retrouvé n’est que de 10 %. L’antibiothérapie empi-
Dans ces études, la mortalité, y compris dans le groupe contrôle, rique n’est pas pour autant une antibiothérapie à l’aveugle.
était plus basse que la mortalité de l’étude de Rivers et al. Cela Elle dépend de plusieurs facteurs : le site de l’infection sus-
démontre l’amélioration importante des pratiques de réanimation pectée et les germes principalement en cause dans ce type
depuis dix ans et suggère que plus que le protocole lui-même, c’est d’infection, le caractère nosocomial ou communautaire du
la rapidité d’intervention et d’optimisation de l’hémodynamique patient (et l’écologie bactérienne), les antécédents antibio-
qui compte. tiques du patient, et son caractère immunodéprimé ou non.
L’antibiothérapie doit être adaptée à l’infection suspectée, mais
Traitement de l’infection être large, c’est-à-dire couvrir tous les germes potentiellement
en cause, bactéricide et synergique. Une association antibio-
Le traitement de l’infection repose en urgence sur l’éradication tique est en effet souvent recommandée afin d’élargir le spectre
du foyer infectieux et l’antibiothérapie probabiliste adaptée à d’action de l’antibiothérapie introduite [11] . Classiquement, il est
l’infection suspectée et aux germes principalement en cause. Le adjoint un aminoglycoside à l’antibiothérapie ciblée, notam-
contrôle de la source de l’infection est primordial, il doit être réa- ment pour sa bactéricidie, son très large spectre d’action,
lisé le plus rapidement possible, idéalement dans les 12 heures et le faible taux de résistances acquises. Les antibiothéra-
suivant la prise en charge initiale. Le drainage d’un abcès, le lavage pies probabilistes des principales infections chez les patients
de la cavité péritonéale, l’excision de tissus nécrotiques chez un communautaires sont renseignées dans la Figure 1, avec les
patient en choc septique ne doivent pas être retardés. principaux germes ciblés. Cette antibiothérapie probabiliste doit
Streptococcus pneumoniae
Haemophilus influenzae Amoxicilline + acide clavulanique
Pneumonie BGN chez la personne âgée ou céfotaxime
Germes intracellulaires + rovamycine® (contre les intracellulaires)
Anaérobies en cas d’inhalation
Escherichia coli
Infection urinaire Céfotaxime
Autres entérobactéries
Membres ou cervicofacial :
Membres ou cervico-facial : Streptocoques Amoxicilline + acide clavulanique
et anaérobies + clindamycine
Fasciite nécrosante
Abdomen ou périnée : Entérobactéries Abdomen ou périnée :
et anaérobies amoxicilline + acide clavulanique
+ gentamicine
Avant PL:
céfotaxime (300 mg/kg par jour en 4 injections)
Méningocoque
Pneumocoque
Avec l’examen direct de la PL :
Méningite Listeria monocytogenes (chez la personne âgée)
– Cocci à Gram + (pneumocoque) : céfotaxime
H. influenzae
– Cocci à Gram – (méningocoque) : céfotaxime
E. coli
– BGP (Listeria) : amoxicilline (200 mg /kg
par jour en4 injections) + gentamicine
– BGN: céfotaxime
Figure 1. Antibiothérapies probabilistes des syndromes septiques graves communautaires de l’adulte. Les principaux germes des infections sont renseignés,
ainsi que l’antibiothérapie adéquate selon l’infection suspectée. Astérisque : ajout de fluconazole si trois critères parmi sexe féminin, origine sus-mésocolique,
antibiothérapie supérieure à 48 heures, défaillance hémodynamique. PL : ponction lombaire ; BGN : bacille à Gram négatif ; BGP : bacille à Gram positif.
Amines Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
La noradrénaline est le vasopresseur de choix dans le choc sep- relation avec cet article.
tique, dès que le patient reste hypotendu malgré le remplissage,
voire donc d’emblée si la pression artérielle diastolique est par-
ticulièrement basse. Outre son effet vasoconstricteur qui permet Références
de corriger la vasoplégie et donc l’hypotension, elle induit éga-
lement une augmentation du retour veineux systémique. Elle va [1] Quenot J, Pavon A, Fournel I, Barbar S, Bruyère R. Septic shock
permettre de limiter la surcharge volumique qui survient à terme in adult in France: 20 years of epidemiological data. Reanimation
et qui est associée à une surmortalité [16] . À l’inverse, des doses 2015;24:303–9.
de noradrénaline trop importantes chez un patient qui resterait [2] Hawiger J, Veach RA, Zienkiewicz J. New paradigms in sepsis: from
hypovolémique sont susceptibles d’entraîner une ischémie tissu- prevention to protection of failing microcirculation. J Thromb Haemost
2015;13:1743–56.
laire et d’aggraver les défaillances d’organes [17] .
[3] King EG, Bauzá GJ, Mella JR, Remick DG. Pathophysiologic mecha-
La dysfonction ventriculaire gauche (VG) est fréquente dans
nisms in septic shock. Lab Investig 2014;94:4–12.
le choc septique et doit donc être systématiquement recherchée, [4] De Backer D, Creteur J, Preiser JC, Dubois MJ, Vincent JL. Micro-
en général par une échocardiographie. En effet, l’incidence de la vascular blood flow is altered in patients with sepsis. Am J Respir Crit
dysfonction VG dans les 72 premières heures du choc septique Care Med 2002;166:98–104.
est de 60 % [18] , sans qu’il y ait de facteur pronostique péjoratif [5] Repessé X, Charron C, Vieillard-Baron A. Evaluation of left ventricular
retrouvé à cette dysfonction. En cas de dysfonction VG, il peut systolic function revisited in septic shock. Crit Care 2013;17:164.
être utile d’adjoindre un agent inotrope comme la dobutamine, [6] De Backer D. Anomalies de la microcirculation dans le choc septique.
si le patient présente des signes persistants de choc. Reanimation 2004;13:120–5.
[7] Sakr Y, Dubois MJ, De Backer D, Creteur J, Vincent JL. Persistent
microcirculatory alterations are associated with organ failure and death
Traitements adjuvants in patients with septic shock. Crit Care Med 2004;32:1825–31.
[8] Rivers E, Nguyen B, Havstad S, Ressler J, Muzzin A, Knoblich B,
Corticoïdes et al. Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and
septic shock. N Engl J Med 2001;345:1368–77.
L’utilisation de faibles doses d’hémisuccinate d’hydrocortisone
[9] Gupta RG, Hartigan SM, Kashiouris MG, Sessler CN, Bearman GM.
(50 mg × 4/j par voie intraveineuse) est recommandée lorsque le Early goal-directed resuscitation of patients with septic shock: current
sepsis ne semble pas contrôlé. Son intérêt reste cependant encore evidence and future directions. Crit Care 2015;19:286.
débattu et les études contradictoires [19] . Le rationnel est qu’une [10] Kumar A, Roberts D, Wood KE, Light B, Parrillo JE, Sharma S, et al.
partie des patients en choc septique ont une insuffisance surrénale Duration of hypotension before initiation of effective antimicrobial
relative et qu’ils n’ont plus la capacité de sécréter suffisamment therapy is the critical determinant of survival in human septic shock.
de cortisol en réponse au stress infectieux. Ce déficit relatif en Crit Care Med 2006;34:1589–96.
cortisol provoque une hyporéactivité vasculaire aux vasocons- [11] Kumar A, Zarychanski R, Light B, Parrillo J, Maki D, Simon D, et al.
tricteurs endo- et exogènes. En pratique, les corticoïdes doivent Early combination antibiotic therapy yields improved survival compa-
être débutés chez les patients chez qui des doses croissantes de red with monotherapy in septic shock: a propensity-matched analysis.
noradrénaline (> 2 mg/h) sont nécessaires malgré une réanima- Crit Care Med 2010;38:1773–85.
tion initiale bien conduite. L’hémisuccinate d’hydrocortisone est [12] Page B, Vieillard-Baron A, Chergui K, Peyrouset O, Rabiller A, Beau-
poursuivi pour une durée de cinq jours ou arrêté avant en cas chet A, et al. Early veno-venous haemodiafiltration for sepsis-related
d’amélioration rapide du patient. multiple organ failure. Crit Care 2005;9:R755–63.
[13] Asfar P, Teboul JL, Radermacher P. High versus low blood-pressure
target in septic shock. N Engl J Med 2014;371:283–4.
Autres [14] Vieillard-Baron A, Charron C, Chergui K, Peyrouset O, Jardin
L’hémofiltration dans le choc septique en l’absence d’une F. Bedside echocardiographic evaluation of hemodynamics in sep-
défaillance rénale ou d’acidose profonde n’est plus recomman- sis: is a qualitative evaluation sufficient? Intensive Care Med
dée en routine suite à plusieurs études négatives [20] , même si 2006;32:1547–52.
certaines équipes continuent à la proposer dans leur arsenal thé- [15] Caironi P, Tognoni G, Masson S, Fumagalli R, Pesenti A, Romero
M, et al. Albumin replacement in patients with severe sepsis or septic
rapeutique dans l’hypothèse de filtrer et d’adsorber les cytokines
shock. N Engl J Med 2014;370:1412–21.
pro-inflammatoires. [16] Boyd JH, Forbes J, Nakada T, Walley KR, Russell JA. Fluid resus-
citation in septic shock: a positive fluid balance and elevated central
Conclusion venous pressure are associated with increased mortality. Crit Care Med
2011;39:259–65.
La rapidité de prise en charge initiale du choc septique est un [17] Murakawa K, Kobayashi A. Effects of vasopressors on renal tis-
facteur pronostique majeur. La recherche de la porte d’entrée, sue gas tensions during hemorrhagic shock in dogs. Crit Care Med
1988;16:789–92.
la réalisation des prélèvements microbiologiques et la mise en
[18] Vieillard-Baron A, Caille V, Charron C, Belliard G, Page B, Jardin F.
route d’une antibiothérapie sont des points capitaux de la prise
Actual incidence of global left ventricular hypokinesia in adult septic
en charge initiale. Cela doit être associé à la restauration rapide shock. Crit Care Med 2008;36:1701–6.
d’une hémodynamique grâce au remplissage et à la mise en [19] Sprung CL, Annane D, Keh D, Moreno R, Singer M, Freivogel K, et al.
route d’amines vasoactives, et à la gestion des autres défaillances Hydrocortisone therapy for patients with septic shock. N Engl J Med
d’organes. Le défi est de diagnostiquer rapidement les états de 2008;358:111–24.
choc septiques afin de les orienter au plus vite en réanimation. [20] Bouman CS, Oudemans-Van Straaten HM, Tijssen JG, Zandstra DF,
Kesecioglu J. Effects of early high-volume continuous venovenous
hemofiltration on survival and recovery of renal function in intensive
“ Points essentiels care patients with acute renal failure: a prospective, randomized trial.
Crit Care Med 2002;30:2205–11.
Groupe transversal sepsis. Conférence de consensus. Prise en charge initiale Ousmane M, Lebuffe G, Vallet B. Utilisation de la SvO2 . Reanimation
des états septiques graves de l’adulte et de l’enfant ; 2007. 2003;12:109–16.
Charbonneau P, Ramakers M, Daubin C, Bosquet C. Choc septique. In: Marik P, Bellomo R. A rational approach to fluid therapy in sepsis. Br J
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SPILF. Conférence de consensus. Prise en charge des infections des voies Huang SJ, Nalos M, McLean AS. Is early ventricular dysfunction or
respiratoires basses de l’adulte immunocompétent ; 2006. dilatation associated with lower mortality rate in adult severe
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communautaires de l’adulte. 2014. R96.
SFAR. Recommandations formalisées d’experts. Infections intra abdomi- Annane D, Sébille V, Charpentier C, Bollaert PE, François B, Korach
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Conférence de consensus; 2008. 2002;288:862–71.
A. Aubry (alix.aubry@aphp.fr).
Service de réanimation médicochirurgicale, pôle Thorax–Vaisseaux–Abdomen–Métabolisme, Hôpitaux universitaire Paris Île-de-France Ouest, site Ambroise
Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne Billancourt, France.
UFR des sciences de la Santé Simone Veil, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2, avenue de la Source-de-la-Bièvre, 78180 Montigny-le-
Bretonneux, France.
A. Vieillard-Baron.
Service de réanimation médicochirurgicale, pôle Thorax–Vaisseaux–Abdomen–Métabolisme, Hôpitaux universitaire Paris Île-de-France Ouest, site Ambroise
Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne Billancourt, France.
UFR des sciences de la Santé Simone Veil, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2, avenue de la Source-de-la-Bièvre, 78180 Montigny-le-
Bretonneux, France.
Inserm U-1018, CESP, Team 5 (EpReC, Epidémiologie rénale et cardiovasculaire), UVSQ, 16, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94807 Villejuif, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Aubry A, Vieillard-Baron A. Sepsis, choc septique de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2016;11(2):1-6
[Article 4-1020].
4-1040
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
J Frottier
L es infections streptococciques demeurent l’un des grands chapitres de la pathologie infectieuse. Certains de
leurs aspects restent permanents en dépit de la bonne sensibilité habituelle de ces germes aux antibiotiques.
Des tableaux caractérisés par leur gravité, imposant un diagnostic très précoce, doivent aujourd’hui être soulignés :
les fasciites nécrosantes, les pyomyosites streptococciques et le choc toxique streptococcique.
© 1999 , Elsevier, Paris.
■
une immunité spécifique durable. Le peptidoglycane, Les complications poststreptococciques s’observent
Introduction comme chez toutes les bactéries, est formé de au décours d’infections à streptocoques du groupe A :
polyosides et de peptides ; antigénique et rhumatisme articulaire aigu (RAA), glomérulonéphrite
immunogène, il s’oppose à la phagocytose et à la aiguë (GNA), érythème noueux. Si tous les sérotypes
Les infections streptococciques sont variées et migration des macrophages. En outre, les peuvent être responsables de complications
polymorphes. Les unes sont localisées et générale- streptocoques du groupe A élaborent de nombreuses rhumatismales, seuls certains ont un potentiel
ment bénignes, d’autres sont graves du fait de leur substances dont certaines sont antigéniques et néphritogène. Le mécanisme des complications
diffusion dans l’organisme ou de leurs particularités déterminent l’apparition d’anticorps spécifiques utilisés poststreptococciques est essentiellement
épidémiologiques. pour le diagnostic. Les toxines érythrogènes, de nature immunoallergique.
protéique, sont responsables de l’éruption de la Toutes les infections streptococciques du groupe A
scarlatine ; elles sont synthétisées par certains sont à transmission strictement humaine, à partir de
■
streptocoques du groupe A qui ont subi une gouttelettes de salive ou d’une infection cutanée. Elles
Rappel bactériologique conversion lysogénique par un bactériophage sont exceptionnelles avant l’âge de 2 ans et sont plus
spécifique. La streptolysine O est une hémolysine à nombreuses dans les collectivités. Il existe, dans la
effet cardiotoxique et antigénique ; lors d’une infection population, des porteurs sains de streptocoques au
Les streptocoques sont des bactéries ubiquitaires à streptocoques du groupe A, l’élévation du titre des niveau du pharynx, avec une recrudescence en hiver
dont la classification s’appuie sur leurs propriétés antistreptolysines O (ASLO) constitue un diagnostic et au printemps. Le RAA, fréquent dans les pays en
antigéniques : la plupart possèdent un polysaccharide sérologique rétrospectif utilisé pour le diagnostic des voie de développement, est devenu exceptionnel en
pariétal (polyoside C) dont la spécificité permet de complications postinfectieuses. La streptolysine S est France en raison du traitement antibiotique
classer les streptocoques dits groupables en 19 une hémolysine cytotoxique non antigénique qui rend systématique des angines streptococciques. Les GNA,
groupes (classification de Lancefield), désignés par des compte de l’hémolyse bêta entourant les colonies dues plus particulièrement à certains sérotypes et qui
lettres A, B, C… Ce sont les streptocoques le plus streptococciques A, C et G. La streptodornase B suscite résultent du dépôt de complexes immuns circulant au
souvent en cause dans les infections humaines. des anticorps utilisés pour le diagnostic sérologique niveau des membranes basales glomérulaires,
D’autres streptocoques ne possèdent pas ce des complications poststreptococciques (antistrepto-
polyoside C : ce sont les streptocoques non surviennent par petites épidémies.
dornases). Les streptokinases ou fibrolysines
groupables, essentiellement commensaux. dégradent la fibrine ; ce sont des protéines ‚ Manifestations cliniques et traitement
Il s’agit de coques à Gram positif, groupés en antigéniques qui induisent l’apparition d’antistreptoki-
« chaînettes » plus ou moins longues, aéroanaérobies nases. Les streptocoques du groupe A élaborent Angine streptococcique
facultatifs. Leurs caractères culturaux varient d’un encore d’autres substances (strepto-NADase,
groupe à l’autre. L’angine à streptocoques du groupe A (les groupes
hyaluronidase, protéinases…) dont le rôle est moindre.
Les streptocoques du groupe A (Streptococcus C et G en sont plus rarement responsables) a un début
pyogenes) sont des bactéries strictement humaines qui brutal, marqué par une dysphagie fébrile,
habituellement sans frissons. L’examen de la gorge
■
se localisent essentiellement au niveau des amygdales
et du pharynx. Ils présentent des exigences nutritives
Infections à Streptococcus met en évidence un pharynx congestif, des amygdales
particulières ; sur gélose au sang de cheval ou de
pyogenes (streptocoques hypertrophiées et érythémateuses, sur lesquelles peut
du groupe A) [1] s’observer un enduit blanc crémeux, se décollant
mouton, les colonies sont petites, transparentes,
entourées d’une zone d’hémolyse totale de type bêta, facilement (angine érythématopultacée). La présence
d’où le terme de streptocoques hémolytiques donné ‚ Généralités d’adénopathies sous-angulomaxillaires est habituelle.
aux streptocoques du groupe A, bien que d’autres À l’inverse, on ne note ni toux, ni rhinite, ni signes
Ces bactéries sont responsables de nombreuses
groupes (C, G…), et même certains streptocoques bronchiques. Les principaux symptômes disparaissent
infections aiguës, mais aussi de complications non
ingroupables puissent être également bêtahémolyti- spontanément en 3 à 4 jours, même sans traitement,
suppurées appelées poststreptococciques.
ques. Leur structure antigénique comporte, outre une mais l’angine streptococcique peut néanmoins
capsule superficielle qui s’oppose à la phagocytose, Parmi les infections aiguës, les unes ne sont pas progresser vers la scarlatine, une bactériémie, un
une paroi avec plusieurs composants. Le polysaccha- spécifiques : angines érythémateuses et érythémato- bubon cervical et surtout être à l’origine d’un RAA ou
ride C est spécifique de chaque groupe pultacées, sinusites, otites moyennes suppurées, d’une glomérulonéphrite. Le diagnostic de certitude est
© Elsevier, Paris
streptococcique. Parmi les protéines M, R et T, la adénites cervicales, infections cutanées telles que difficile. Le prélèvement de gorge peut mettre en
protéine M, spécifique de sérotype (on distingue plus l’impétigo, les surinfections de plaies et de brûlures, les évidence des streptocoques bêtahémolytiques.
de 60 sérotypes), constitue le facteur majeur de cellulites. Toutes ces infections peuvent se compliquer Certains tests biologiques rapides devraient permettre,
virulence ; elle intervient, en outre, dans l’attachement de bactériémies. D’autres sont spécifiques à ces dans un avenir proche, d’affirmer, avec une bonne
des streptocoques aux cellules épithéliales et confère germes : érysipèle et scarlatine. sensibilité et une spécificité suffisante, la responsabilité
1
4-1040 - Infections dues aux streptocoques
de ces streptocoques devant un tableau d’angine. La – infections ORL : adénite cervicale, otite, par voie générale ou locale, sans antibiothérapie
sérologie (ASLO) n’apporte qu’un diagnostic mastoïdite, sinusite, laryngite ; associée. La survenue d’une glomérulonéphrite est
rétrospectif. – complications précoces d’origine toxinique : rare. Chez le diabétique, l’érysipèle peut être à l’origine
En l’absence d’arguments cliniques spécifiques, le glomérulonéphrite précoce, guérissant sans séquelle, d’une décompensation acidocétosique.
traitement antibiotique des angines aiguës, dirigé rhumatisme scarlatin toujours résolutif, exceptionnel- Les récidives représentent la complication la plus
contre le streptocoque du groupe A, reste les complications viscérales ; fréquente de l’érysipèle des membres ; elles sont
systématique : pénicilline V ou aminopénicilline, ou – complications tardives : elles correspondent aux favorisées par l’obésité, une stase veineuse ou
céphalosporine de première génération pendant syndromes poststreptococciques. lymphatique, une ulcération chronique, une plaie ou
10 jours. Si le sujet est allergique aux bêtalactamines, Le diagnostic de scarlatine repose sur la clinique et une mycose cutanée récidivante.
un macrolide sera prescrit pendant également sur l’éruption, en particulier l’énanthème, toujours
Le traitement de l’érysipèle, qui justifie
10 jours, sauf si l’azithromycine est choisie (3 jours présent, même dans les formes frustes.
fréquemment l’hospitalisation du patient, est
seulement). Certaines céphalosporines orales en Les anomalies biologiques se limitent à une
représenté par l’antibiothérapie : pénicilline G, 10 à
traitement court (4 à 5 jours) ont la même activité que hyperleucocytose modérée avec polynucléose
20 000 000 U/j en perfusion veineuse continue
les bêtalactamines plus anciennes, mais elles ne font neutrophile et à l’isolement d’un streptocoque A, C ou
pendant 5 à 7 jours, avec un relais possible dès
pas encore l’objet d’une autorisation de mise sur le G au prélèvement de gorge. Quant à l’augmentation
l’apyrexie par l’amoxicilline per os, 50 mg/kg/j ou la
marché (AMM) spécifique dans les angines des anticorps antistreptococciques, elle est tardive et
streptococciques. L’antibiothérapie prévient la pénicilline V, 4 à 6 000 000 U/j pendant 10 jours.
inconstante.
survenue des syndromes poststreptococciques qui Lorsque les pénicillines sont contre-indiquées, il
Le traitement repose sur une antibiothérapie
atteignent surtout les enfants de plus de 4 ans et les convient de choisir soit un macrolide, soit une
antistreptococcique : pénicilline V orale, 50 000 UI/kg/j
adolescents, alors que les adultes y sont peu exposés. chez l’enfant, 3 000 000 UI/j chez l’adulte, ou synergistine, 50 mg/kg/j pendant 10 à 15 jours.
benzathine benzylpénicilline intramusculaire. En cas Devant une hypodermite des membres inférieurs
Scarlatine succédant à une plaie ou une ulcération cutanée
d’allergie à la pénicilline, un macrolide tel que
Elle est due aux streptocoques du groupe A suppurée, lorsque l’association staphylocoque doré-
l’érythromycine est prescrit. La durée du traitement est
(exceptionnellement C ou G) qui sécrètent une toxine streptocoque du groupe A ne peut être exclue, une
de 10 jours avec un repos au lit jusqu’à l’apyrexie.
érythrogène (avec trois sous-types antigéniques), sous pénicilline M ou une synergistine sera préférée à la
Chez l’enfant, la réadmission en milieu scolaire est
l’influence d’un bactériophage. pénicilline G. Le traitement anticoagulant n’est justifié
subordonnée à la présentation d’un certificat médical
C’est une maladie évoluant sur un mode attestant qu’il a été soumis à une thérapeutique qu’en cas de phlébite associée.
sporadique ou par petites épidémies, pendant la appropriée. Il n’y a pas d’éviction des sujets au contact L’érysipèle récidivant nécessite une antibiothérapie
saison froide. Elle affecte surtout l’enfant de 5 à 10 ans, du malade ; chez ceux-ci, la prévention de la maladie à chaque poussée. Il convient surtout de traiter tout
alors qu’elle est rare chez le nourrisson et chez l’adulte. repose sur la prescription de pénicilline V ou d’un facteur favorisant : ulcère, plaie cutanée chronique ou
La transmission est le plus souvent directe, par voie macrolide pendant 7 jours. récidivante, stase veineuse ou lymphatique des
aérienne. L’incubation est de 2 à 5 jours. À partir du La scarlatine confère une solide immunité contre le membres inférieurs, foyer streptococcique chronique
pharynx ou, beaucoup plus rarement, d’une porte sous-type antigénique du streptocoque en cause. oto-rhino-laryngologique (ORL) ou dentaire... Une
d’entrée cutanée ou génitale, la toxine diffuse dans
Infections dermoépidermiques [2] antibiothérapie préventive peut être proposée sous
l’organisme et provoque l’éruption cutanée et
forme d’une injection de benzathine benzylpénicilline
muqueuse. ¶ Érysipèle 2 400 000 UI par voie intramusculaire tous les
Le début de la scarlatine est brutal par une fièvre à C’est une dermoépidermite aiguë localisée,
21 jours, ou de la prise de pénicilline V, 2 000 000 U/j
39-40 °C, des douleurs pharyngées et abdominales, succédant à un foyer infectieux, le plus souvent
ou de roxithromycine, 300 mg/j.
des vomissements. L’examen met en évidence une cutané, à Streptococcus pyogenes. Il est favorisé par
angine érythémateuse ou érythématopultacée et des une stase veineuse ou lymphatique (lymphœdème), ¶ Impétigo streptococcique
adénopathies sous-angulomaxillaires sensibles. l’obésité, le diabète. C’est une pyodermite aiguë superficielle, fréquente
La période d’état s’installe en 2 jours et associe un L’érysipèle de la face se caractérise par un début chez l’enfant d’âge scolaire, contagieuse, en particulier
exanthème et un énanthème. brutal avec des frissons, une fièvre élevée, un malaise dans les collectivités. Elle se traduit par des vésicules
L’exanthème débute sur le thorax et à la racine des général. Quelques heures plus tard, autour de la porte qui s’ulcèrent rapidement, puis se recouvrent d’une
membres, puis s’étend en 2 à 3 jours sur le tronc. Au d’entrée, la peau devient rouge, chaude, indurée et croûte épaisse dite mellicérique. Ces lésions siègent, le
niveau des extrémités, il respecte les paumes et les douloureuse. Cette infiltration concentrique est limitée plus souvent, autour du nez et de la bouche ou sur le
plantes, ainsi que la région péribuccale. Il prédomine en périphérie par un bourrelet bien visible ; la peau est cuir chevelu où elles peuvent revêtir l’aspect de
au niveau des plis de flexion. C’est un érythème diffus, parfois recouverte de petites vésicules. Il s’y associe des placards circinés ou arrondis, ou encore au niveau des
en « nappe », sans intervalles de peau saine, qui adénopathies prétragiennes ou sous-maxillaires, extrémités. L’état général est bien conservé. Le
s’efface à la pression et peut être légèrement sensibles à la palpation. traitement comporte des soins locaux (badigeonnage
prurigineux. À la palpation, la peau est sèche, chaude, L’érysipèle des membres inférieurs est plus fréquent avec un antiseptique ou application de compresses
donnant une impression de granité. que celui de la face. La porte d’entrée est représentée imbibées d’un liquide ou de pommade antiseptique
Il n’y a pas d’exanthème lorsque la porte d’entrée par une plaie ou un eczéma surinfecté, un intertrigo pour faire tomber les croûtes) et une antibiothérapie
est cutanée (plaie infectée) ou génitale, mais celle-ci est des orteils, un ulcère variqueux. Le début est brutal générale : pénicilline V (50 000 à 100 000 U/kg/j),
érythémateuse. comme dans l’érysipèle de la face. Le tableau est celui amoxicilline (50 mg/kg/j) ou macrolide (50 mg/kg/j)
L’énanthème associe l’angine et une glossite : la d’une grosse jambe rouge aiguë fébrile ; la peau est pendant 10 jours. Il est essentiel d’y associer certaines
langue, initialement saburrale, va desquamer de la chaude, tendue, indurée, luisante, rouge vif, mais sans mesures d’hygiène : douche quotidienne, lavage
périphérie vers le centre pour devenir rouge (langue bourrelet périphérique. Les douleurs sont vives, fréquent des mains, respect des lésions cutanées, linge
dite framboisée par mise à nu des papilles), vers le exagérées par la mobilisation. La recherche d’une
de toilette de l’enfant infecté lavé à part. L’enfant doit
sixième jour. thrombose veineuse associée à l’érysipèle doit être
être isolé et sa réadmission scolaire est subordonnée à
Les signes généraux comportent une fièvre élevée systématique.
la présentation d’un certificat médical attestant qu’il a
avec tachycardie. Sous antibiothérapie, ils régressent Les autres localisations sont très rares.
été soumis à une thérapeutique appropriée.
rapidement. L’exanthème disparaît en 8 à 10 jours, Sous antibiothérapie, l’évolution de l’érysipèle est
laissant persister une desquamation, fine sur le tronc, Les streptocoques du groupe A peuvent aussi être
favorable avec une apyrexie en 3 à 4 jours et une
plus large aux extrémités. La langue redevient régression plus lente des signes locaux. Les responsables de l’impétiginisation de certaines
normale vers le 15e jour. complications ne concernent que les formes dermatoses telles que l’eczéma, la gale, la varicelle…
À côté de cet aspect typique, les formes frustes sont méconnues ou traitées avec retard. Il s’agit En l’absence de traitement, l’impétigo peut évoluer
plus fréquentes, avec des signes généraux atténués et essentiellement de complications infectieuses locales : vers des complications locales (adénite suppurée …)
un exanthème limité dans son intensité et sa diffusion. suppuration des lésions cutanées, adénophlegmon, ou générales (bactériémie, glomérulonéphrite
Seul l’énanthème reste caractéristique. À l’inverse, les phlébite, pouvant être à l’origine d’une bactériémie. La poststreptococcique).
formes malignes sont très rares. complication la plus grave est la cellulite aiguë ou L’impétigo staphylococcique revêt le plus souvent
Les complications ne s’observent qu’au cours des fasciite nécrosante, souvent favorisée par la l’aspect de bulles à contenu purulent. Mais
scarlatines non traitées : prescription d’un anti-inflammatoire non stéroïdien Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus
2
Infections dues aux streptocoques - 4-1040
peuvent être associés et justifier une antibiothérapie hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et à Les formes les plus graves peuvent justifier la
dirigée contre les deux espèces bactériennes un syndrome inflammatoire biologique (vitesse de prescription d’un diurétique, d’un traitement
(oxacilline, synergistine). sédimentation supérieure à 100 mm à la première antihypertenseur ou faire entreprendre une dialyse.
heure). Le pronostic de la GNA poststreptococcique est
Syndromes poststreptococciques
En pratique, on distingue les syndromes généralement favorable en quelques mois, sans
Ils représentent des complications secondaires non poststreptococciques majeurs (polyarthrite aiguë, séquelles. Si une surveillance clinique et biologique
suppurées d’une infection à Streptococcus pyogenes. manifestations cardiaques, chorée) et les syndromes régulière du patient s’impose, la prescription d’une
Ce sont le RAA, la GNA et l’érythème noueux poststreptococciques mineurs, beaucoup plus antibiothérapie préventive, semblable à celle du RAA,
poststreptococciques. fréquents, tels que la survenue de polyarthralgies n’est pas justifiée.
Les lésions des syndromes poststreptococciques fébriles, de troubles du rythme ou de la conduction, ou
sont de type inflammatoire. Le streptocoque intervient encore la persistance d’un syndrome inflammatoire au ¶ Érythème noueux poststreptococcique
indirectement dans leur genèse, par des mécanismes décours d’une angine streptococcique ou d’une Il réalise un tableau de dermohypodermite aiguë
immunologiques liés à des communautés antigéni- scarlatine non traitée. nodulaire, sous forme de nouures inflammatoires,
ques entre certains composants streptococciques et les fermes, sensibles, évoluant par poussées successives,
Dans tous les cas, l’élévation significative du titre
tissus intéressés. Le foyer infectieux responsable est qui siègent sur la face d’extension des membres et
des anticorps antistreptococciques vient confirmer le
uniquement pharyngé pour le RAA, pharyngé ou sont fréquemment associées à des arthralgies. Elles
diagnostic. La présence de streptocoques du groupe A
parfois cutané ou même dentaire pour la GNA. Le au prélèvement de gorge constitue un argument régressent spontanément en 10 à 15 jours.
syndrome poststreptococcique débute habituellement supplémentaire. Le diagnostic d’érythème noueux poststreptococci-
15 à 20 jours après l’infection initiale. que repose sur des antécédents récents d’angine,
En l’absence de traitement, les complications
l’élévation des ASLO et des autres enzymes
¶ Rhumatisme articulaire aigu cardiaques (myocardite, pancardite) dominent le
Si le RAA a presque complètement disparu dans les pronostic immédiat. Ultérieurement, le risque majeur streptococciques, et fait discuter les autres étiologies de
pays industrialisés, la maladie reste endémique dans est celui des rechutes liées à des réinfections l’érythème noueux. La persistance du foyer ORL initial
toute la zone intertropicale et dans les pays en voie de streptococciques généralement pharyngées. Enfin, les peut être à l’origine de récidives, plus fréquentes
développement. Récemment, dans plusieurs pays séquelles valvulaires de l’endocardite rhumatismale qu’avec les autres causes d’érythème noueux. Le
d’Europe et d’Amérique du Nord, des cas groupés de exposent le patient à la survenue d’une insuffisance traitement associe la prescription d’un antibiotique
RAA ont été observés, associés à certains sérotypes cardiaque ou d’une endocardite bactérienne. (pénicilline ou macrolide) destiné à stériliser le foyer
(streptocoques M1, 3, 5, 6, 18). Le foyer streptococci- Outre le repos au lit pendant plusieurs semaines, le infectieux responsable. En présence d’un érythème
que initial semblerait avoir été méconnu et non traité. traitement du syndrome poststreptococcique majeur noueux suspect d’être streptococcique, il importe de
Le RAA est plus fréquent chez l’enfant de plus de repose sur la corticothérapie, à la dose initiale de rechercher un foyer muqueux (ORL ou dentaire) en
4 ans et l’adolescent que chez l’adulte. 2 mg/kg/j, sans dépasser 80 mg/j, qui sera réduite particulier chez l’adulte, et de le traiter.
Les manifestations articulaires intéressent les progressivement en 8 à 10 semaines en fonction de la
grosses articulations, sous la forme d’une polyarthrite clinique et de la régression du syndrome inflamma- Infections graves à streptocoques
aiguë migratrice ; l’inflammation aiguë ne dure que toire. On y associe la prise quotidienne de pénicilline V du groupe A [3]
quelques jours, disparaissant sans séquelle, mais à la posologie de 1 à 2 000 000 d’U/j, pendant 10 Elles comprennent des bactériémies et des
d’autres localisations surviennent alors sans jours, afin de stériliser un éventuel foyer pharyngé. Le infections localisées mais rapidement extensives telles
systématisation. Il est plus rare qu’il s’agisse d’une syndrome poststreptococcique mineur, plus fréquent que les cellulites qui peuvent se compliquer du
oligoarthrite inflammatoire. Les symptômes se limitent chez l’adulte, est traité par les salicylés (acide syndrome de choc toxique avec défaillance de
parfois à des arthralgies. La durée de la poussée de acétylsalicylique : 50 mg/kg/j), associés à la péni- plusieurs fonctions vitales. En dépit des traitements
RAA non traitée est d’environ 1 mois. cilline V. (antibiothérapie, chirurgie, réanimation), le décès du
Les manifestations cardiaques dominent le Ultérieurement, une antibiothérapie préventive est patient survient encore dans 25 à 30 % des cas.
pronostic immédiat et à long terme, par le risque de instituée afin de prévenir une rechute du RAA
séquelles valvulaires. Elles sont d’autant plus ¶ Épidémiologie
consécutive à une angine. On utilise soit la benzathine
fréquentes que le sujet est plus jeune. Il peut s’agir de Les souches de sérotypes M1 et M3, avec présence
benzylpénicilline (une injection toutes les 3 semaines),
l’atteinte des trois tuniques ou de lésions limitées à d’une capsule, semblent le plus fréquemment
soit la pénicilline V ou un macrolide en prise
l’une d’entre elles : responsables des syndromes de choc toxique et des
quotidienne. Cette antibioprophylaxie est poursuivie
– l’endocardite se traduit au début par l’apparition infections streptococciques graves, tant aux États-Unis
classiquement pendant 5 ans en cas de forme majeure
d’un souffle d’insuffisance, plus souvent mitral qu’en Europe. De plus, 90 % des souches associées à
et moins longtemps dans les formes mineures.
qu’aortique, dont l’organicité est affirmée par un syndrome de choc expriment le gène de
l’échographie cardiaque ; ¶ Glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique l’exotoxine de type A ou plus rarement de type C
– la myocardite est révélée par la survenue de Seules certaines souches sont néphritogènes. La (exotoxine pyrogène Spe A et Spe C) dont les gènes
signes d’insuffisance cardiaque, avec assourdissement GNA survient 10 à 20 jours après une infection sont codés par des bactériophages, qui lysogénisent
des bruits du cœur et galop. Les troubles du rythme, de streptococcique pharyngée ou cutanée. Il est rare que les souches streptococciques. Ces toxines se
la repolarisation et/ou de la conduction sont le tableau clinique soit très aigu : fièvre, douleurs comportent comme des superantigènes qui stimulent
fréquents : allongement de l’espace PR, bloc abdominales, pâleur, oligurie, œdèmes d’abord les lymphocytes T et peuvent induire ainsi la
auriculoventriculaire complet ou incomplet, périodes palpébraux puis des membres inférieurs, parfois production de lymphokines de l’inflammation,
de Luciani-Wenckebach ; hypertension artérielle modérée. Le tableau clinique notamment d’interleukine (IL) 1, IL6 et de tumor
– la péricardite, plus rare, est suspectée devant des est souvent beaucoup plus discret, marqué par un état necrosis factor α (TNFα). Toutefois, certaines souches
précordialgies, un frottement péricardique, une subfébrile et une prise de poids rapide. isolées au cours de chocs toxiques ne possèdent ni le
augmentation de volume du cœur ou des troubles de Les examens biologiques mettent en évidence une gène Spe A, ni le gène Spe C mais le gène Spe B ; ce
la repolarisation à l’électrocardiogramme (ECG). Elle est hématurie microscopique, une protéinurie modérée, gène de la toxine Spe B intervient dans la synthèse de
confirmée par l’échographie. une élévation de l’urée et de la créatininémie et une l’IL1-bêta, qui va induire l’état de choc. L’exotoxine F
Aux manifestations cardiaques peuvent s’associer : baisse de la natriurèse. Il est fréquent d’observer une (Spe F) est également un superantigène susceptible de
– des signes cutanés : nodosités de Meynet, diminution du complément total et plus précisément jouer un rôle dans le déterminisme de ce choc. La
érythème marginé sous forme de macules non de la fraction C3. streptolysine O, inductrice de TNFα et d’IL1β,
prurigineuses siégeant sur le tronc ou sur les membres, Le diagnostic de GNA poststreptococcique repose contribuerait aussi aux lésions tissulaires. Enfin,
disparaissant en quelques heures ; sur les antécédents récents d’infection streptococcique certains facteurs liés à l’hôte sont aussi impliqués dans
– des manifestations neurologiques : chorée de ORL ou cutanée et l’élévation secondaire des anticorps le déterminisme des formes graves, plus fréquentes
Sydenham, généralement tardive et se révélant par antistreptococciques. chez les sujets âgés ou atteints de déficiences
des mouvements involontaires, désordonnés, Un repos strict au lit, associé à un régime désodé de immunitaires. L’absence d’anticorps anti-M1 ou
bilatéraux des membres. courte durée, sous surveillance du poids, de la diurèse, anti-M3 faciliterait la diffusion bactériémique et
La fièvre est habituelle, d’intensité variable, cédant de la protéinurie, est indiqué. Le rôle de l’antibiothéra- l’invasion des tissus, à l’origine du syndrome de choc
sous anti-inflammatoires. Elle s’associe à une pie se limite à l’éradication du foyer streptococcique. toxique.
3
4-1040 - Infections dues aux streptocoques
¶ Clinique et traitement Syndrome de choc toxique streptococcique [5, 6] – manifestations cutanées : exanthème
Fasciites nécrosantes Il associe un état de choc et au moins deux des scarlatiniforme, placards érysipélatoïdes, vésicules ou
syndromes suivants : syndrome de détresse pustules cutanées, purpura pétéchial, nouures
Encore appelées cellulites nécrosantes streptococci-
ques ou gangrènes streptococciques, elles ont une respiratoire, érythème et nécrose des parties molles, hypodermiques ;
incubation courte (1 à 4 jours) et succèdent à une insuffisance rénale, troubles de l’hémostase. Il – signes articulaires : arthralgies, arthrite
lésion cutanée, souvent minime (plaie, dermatose, s’observe à tous les âges mais en particulier chez sérofibrineuse ou purulente ;
brûlure, piqûre d’insecte…), parfois d’origine l’adulte, sans facteur de risque particulier. Dans 80 % – phlébite : elle siège le plus souvent aux membres
infectieuse (varicelle…). Après un début banal par un des cas, il succède à une infection des parties molles inférieurs, d’évolution parfois prolongée ou récidivante
placard d’allure érysipélatoïde autour de la porte évoluant le plus souvent vers une fasciite nécrosante (septicémie veineuse subaiguë de Vaquez).
d’entrée, un œdème des parties molles se développe, ou une pyomyosite. Le choc est associé à un état Les hémocultures isolent facilement la souche de
la peau devient érythémateuse, cartonnée et se couvre infectieux grave et à des signes viscéraux : insuffisance streptocoques responsable. En l’absence d’antibiothé-
de lésions purpuriques et nécrotiques ainsi que de rénale, syndrome de détresse respiratoire, collapsus rapie, des localisations tissulaires peuvent s’observer :
bulles à contenu sérosanglant. Ce placard vasculaire. Diverses localisations de l’infection à pleuropulmonaires, hépatiques, plus rarement
inflammatoire, qui intéresse à la fois les plans cutanés streptocoque A peuvent se développer, périhépatite, ostéoarticulaires, musculaires ou péritonéales. Une
et les fascias, s’étend rapidement tandis que l’état endophtalmie, péritonite, etc. Les hémocultures sont septicémie à streptocoques du groupe A peut être
général du malade s’altère. Plusieurs espèces positives dans 60 % des cas. Un tel syndrome de choc associée à une fasciite nécrosante ou à une
bactériennes sont souvent en cause, à côté des toxique peut survenir, exceptionnellement, au cours
pyomyosite. Le diabète, la corticothérapie, les
streptocoques A : staphylocoques pathogènes, d’une scarlatine ou d’une angine. Le traitement associe
syndromes myéloprolifératifs représentent des
anaérobies. Les hémocultures isolent le streptocoque une antibiothérapie antistreptococcique, telle qu’une
facteurs favorisants.
chez environ la moitié des patients. Un tel tableau pénicilline ou la clindamycine, la prise en charge de
Le traitement des streptococcémies repose sur les
implique à la fois un débridement et un drainage diverses défaillances viscérales en unité de soins
perfusions intraveineuses de pénicilline G :
chirurgical, ainsi qu’une antibiothérapie. En l’absence intensifs, et parfois une intervention chirurgicale de
500 000 U/kg/j sans dépasser 30 000 000 U/j chez
d’intervention, l’évolution se ferait vers la gangrène drainage, en cas de fasciite nécrosante, de pyomyosite
ou d’une localisation suppurée profonde. En dépit de l’adulte pendant 20 à 30 jours pour les septicémies à
cutanée, le développement de fusées purulentes le
ces traitements, le pronostic reste grave (35 à 45 % de streptocoques A, C et G. Vis-à-vis des autres groupes
long des fascias et l’apparition de signes généraux
mortalité). D’autres thérapeutiques ont été préconisées streptococciques ou des streptocoques non
graves (choc, défaillances viscérales…). En dépit du
sans avoir fait l’objet d’études contrôlées : groupables, une association pénicilline G, ou
traitement, le taux de mortalité reste élevé, de l’ordre
de 30 %. immunoglobulines, échanges plasmatiques, amoxicilline + aminoside est indispensable. Pour les
antagonistes du TNFα et de l’IL1. patients sensibilisés aux bêtalactamines, on aura
Pyomyosites streptococciques [4] recours soit à un glycopeptide, soit à la clindamycine,
Le streptocoque du groupe A est à l’origine de 1 à Bactériémies à streptocoques la fosfomycine ou la rifampicine, associée à un
4 % des pyomyosites. Succédant à une porte d’entrée aminoglycoside.
cutanée, les premiers symptômes sont plus progressifs À côté des streptocoques du groupe A, d’autres
Si le pronostic des bactériémies à streptocoques est
qu’au cours des cellulites. Après une incubation de 1 à espèces peuvent être à l’origine de bactériémies :
streptocoques C et G avec une porte d’entrée le plus généralement favorable sous antibiothérapie, il
3 semaines, la maladie débute par une fièvre associée
souvent cutanée ; streptocoques B, responsables de convient de ne pas méconnaître une localisation
à des douleurs musculaires localisées. En quelques
bactériémies secondaires à une infection urogénitale suppurée qui justifierait un drainage chirurgical. Chez
jours, le muscle augmente de volume tandis qu’un
et/ou du postpartum ; streptocoques D, à porte les splénectomisés, on observe des formes
œdème dur et ligneux se développe en regard.
d’entrée digestive, biliaire ou urinaire. Une bactériémie fulminantes rapidement mortelles.
L’échographie confirme le diagnostic de myosite aiguë
suppurée. Le traitement associe une antibiothérapie à streptocoques D, à entérocoques ou à streptocoques
générale, la ponction évacuatrice et/ou le drainage non groupables impose la recherche d’une
■
chirurgical de la collection suppurée. En l’absence de endocardite. La porte d’entrée est alors soit
traitement, les signes locaux, marqués par des oropharyngée ou dentaire, soit digestive. Conclusion
douleurs de plus en plus vives, vont s’accentuer avec Les bactériémies à streptocoques des groupes A, C
une fréquence élevée de bactériémie et de signes et G succèdent le plus souvent à une porte d’entrée
généraux graves : choc, coma. Seule la précocité du cutanée, parfois pharyngée. La dissémination peut En dépit de leur sensibilité conservée aux
traitement (antibiothérapie, chirurgie) peut ainsi s’effectuer à partir d’une thrombophlébite, plus antibactériens, les streptocoques, en particulier
atténuer la gravité du pronostic. Qu’il s’agisse des rarement d’une lymphangite infectée. Ces Streptococcus pyogenes, sont susceptibles d’induire
fasciites ou des pyomyosites, un traitement anti- bactériémies se caractérisent par un tableau aigu des infections graves, mettant en jeu le pronostic vital.
inflammatoire non stéroïdien est susceptible de fébrile avec température élevée, frissons, altération de Il importe d’en poser rapidement le diagnostic sur les
masquer les premiers symptômes d’atteinte des l’état général et splénomégalie. symptômes cliniques, afin d’entreprendre les
parties molles et de faciliter le développement de Certaines manifestations peuvent faire évoquer traitements qu’elles requièrent : antibiothérapie,
lésions tissulaires. l’étiologie streptococcique : mesures de réanimation, geste chirurgical éventuel.
Jacques Frottier : Professeur des Universités, chef du service des maladies infectieuses et tropicales,
pavillon A Lemierre, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : J Frottier. Infections dues aux streptocoques.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-1040, 1999, 4 p
Références
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(E. Pilly) Associations des professeurs de pathologie infectieuse et tropicale. Presse Méd 1998 ; 27 : 110-112
Montmorency : 2M2, 1997 : 250-252
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[2] Bisno AL, Stevens DL. Streptococcal infections of skin and soft tissues. N 1995 ; 71 : 978-986
Engl J Med 1996 ; 334 : 240-245
[6] Stevens DL. Streptococcal toxic-shock syndrome: spectrum of disease, patho-
[3] Bouvet A. Infections sévères dues à Streptococcus pyogenes ou streptocoque genesis and new concepts in treatment. Emerg Infect Dis 1995 ; 1 : 69-78
du groupe A. Méd Mal Infect 1996 ; 26 : 803-808
4
¶ 4-1045
Infections à staphylocoques
F. Caby, R. Bismuth, P. Bossi
Les infections à staphylocoques sont extrêmement diverses, que ce soit en termes d’atteinte lésionnelle
comme en termes de gravité, en grande partie du fait de facteurs de virulence (protéines de structure,
enzymes et toxines) très différemment exprimés d’une souche bactérienne à une autre. Ainsi, en fonction
du phénotype de virulence du staphylocoque, mais aussi selon le terrain du patient, les manifestations
pathologiques peuvent se compliquer de métastases septiques ou encore de syndromes toxiniques parfois
sévères. L’immense majorité de ces infections sont liées à Staphylococcus aureus en milieu
communautaire comme hospitalier et leur traitement de référence est la pénicilline M complété d’un geste
chirurgical en cas de collection profonde. La méticillino-résistance qui confère une résistance à l’ensemble
des bêtalactamines doit être prise en compte d’emblée lors de la prescription d’un traitement
antistaphylococcique, en dépistant les facteurs de risque d’infection à SARM et/ou en cas d’infection
sévère ne permettant pas d’attendre les résultats de l’antibiogramme. Cela sous-entend la réalisation,
aussi souvent que possible, d’un prélèvement initial du foyer suppuratif ou d’hémocultures afin d’adapter
au mieux l’antibiothérapie à l’agent infectieux responsable, mais aussi dans un souci d’épargne
écologique bactérienne. Actuellement, deux catégories de SARM doivent être distinguées : les SARM
hospitaliers – première cause d’infections nosocomiales et à l’origine d’infections chez les patients à
risque de portage – et les SARM communautaires. Même si les infections à SARM communautaires sont
encore relativement rares à l’heure actuelle, elles doivent être reconnues comme de véritables pathologies
infectieuses émergentes au potentiel évolutif gravissime et fulgurant, survenant chez des patients sans
facteur de risque de SARM hospitalier. Leur phénotype de résistance est différent de celui des SARM
hospitaliers avec une plus grande sensibilité aux familles d’antibiotiques autres que les bêtalactamines.
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Tableau 2. Tableau 3.
Antibiotiques actifs sur le Staphylococcus aureus sensible à la méticilline Infections sévères à S. aureus : associations d’antibiotiques selon le germe
(SAMS) [11, 12]. et le site de l’infection [12].
Antibiotique Voie d’administration Germe Première intention Alternative
et posologie
Bactériémie
Bêtalactamines SAMS Pénicilline M + gentamicine Ofloxacine + rifampicine
Pénicilline M i.v., i.m., p.o. (à éviter) SARM Glycopeptide + gentamicine Linezolide + rifampicine
2-12 g/24 h
Endocardite
Pénicilline A + acide clavulanique i.v., i.m., p.o. 2-3 g/24 h
SAMS Pénicilline M + gentamicine Glycopeptide
Céfalotine i.v., i.m. 4-8 g/24 h + gentamicine
Céfazoline i.v., i.m. 4-8 g/24 h SARM Glycopeptide + gentamicine Glycopeptide + acide
Imipénème i.v. 2-4 g/24 h fusidique
Aminosides Ostéoarthrite
Gentamicine i.m., i.v., s.c. 3 mg/kg/24 h SAMS Ofloxacine + rifampicine Pénicilline M
Nétilmicine i.m., i.v., s.c. 6 mg/kg/24 h + gentamicine
Synergistines SARM Glycopeptide + rifampicine Pristinamycine
+ rifampicine
Pristinamycine p.o. 2-3 g/24 h
Méningite
Lincosamides
SAMS Céfotaxime + fosfomycine Ofloxacine + rifampicine
Clindamycine i.v., p.o. 0,6-1,2 g/24 h
SARM Vancomycine + rifampicine Pristinamycine
Fluoroquinolones
+ rifampicine
Pefloxacine i.v., p.o. 0,8-1,6 g/24 h
Ofloxacine i.v., p.o. 0,4-0,6 g/24 h SAMS : S. aureus sensible à la méticilline ; SARM : S. aureus résistant à la méticilline.
Figure 2.
A. Lésions érythémateuses et croûteuses, initiale-
ment localisées au pourtour narinaire et buccal,
rapidement extensives, d’un impétigo.
B. Impétigo staphylococcique : lésion bulleuse
thoracique et érosions postbulleuses de la face
interne du bras.
Endocardites
Les endocardites surviennent plus souvent sur une valvulopa-
.
thie qui préexiste, et sont plus rares sur un endocarde sain. Le
tableau clinique est aigu et brutal avec une mortalité élevée de
l’ordre de 25 % à 50 %.
Les complications neurologiques sont particulièrement
fréquentes avec S. aureus. L’endocardite tricuspidienne s’observe
essentiellement chez les sujets toxicomanes ou porteurs d’un
cathéter central. Elle est révélée parfois par des embolies Figure 4. Décollement superficiel extensif au cours d’un syndrome des
pulmonaires septiques à répétition, mimant une pleuropneu- enfants ébouillantés.
mopathie traînante ou récidivante.
■ Références
.
F. Caby.
Service de maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
R. Bismuth.
Service de bactériologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
P. Bossi (philippe.bossi@yahoo.com).
Service de médecine interne et de maladies infectieuses, Hôpital privé d’Antony, 1, rue Velpeau, 92160 Antony, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Caby F., Bismuth R., Bossi P. Infections à staphylocoques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 4-1045, 2010.
Salmonelloses
B. Terrier, V. Martinez
Les salmonelloses, infections dues à des bactéries à Gram négatif de la famille des Entérobactéries, sont
responsables d’infections à tropisme digestif de présentation clinique et d’épidémiologie variable. En effet,
la fièvre typhoïde est un problème majeur de santé publique dans les pays en développement, alors
qu’elle est rare et majoritairement importée dans les pays industrialisés. Les salmonelloses non typhiques
sont des maladies endémiques avec poussées sur le mode épidémique, en augmentation constante,
responsables dans plus de 50 % des cas de toxi-infections alimentaires collectives. On assiste depuis une
vingtaine d’années à l’émergence et à la diffusion de S. typhi et typhimurium multirésistantes aux
antibiotiques. L’identification des germes repose sur les examens bactériologiques (hémocultures,
coproculture). Le traitement, indiqué formellement en cas de fièvre typhoïde ou quelle que soit la forme
chez les sujets à risque, repose sur une antibiothérapie (essentiellement fluoroquinolones ou
azithromycine en cas de souches résistantes) et des mesures sanitaires.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Quatre-vingt dix-neuf pour cent des souches isolées dans les Afrique, Amérique du Sud). Dans les pays en développement, la
infections à salmonelles non typhiques appartiennent à la sous- fièvre typhoïde pose un problème majeur de santé publi-
espèce 1 de l’espèce Salmonella enterica, dont les principaux que avec 17 millions de cas annuels et 600 000 morts, selon les
sérotypes sont S. enteritidis et S. typhimurium. données mondiales les plus récentes (incidence : 730 cas/
100 000 vs 0,2 cas/100 000 dans les pays tempérés). Dans les
régions les plus touchées, le pic d’incidence survient parmi les
enfants et les adolescents âgés de 4 à 19 ans.
“ Point important
Risque de formes graves et/ou disséminées chez le
nourrisson, le sujet âgé ou immunodéprimé.
Le traitement repose sur une antibiothérapie bactéricide, à de risque d’exposition. Il est obligatoire pour les personnels de
forte pénétration lymphatique, intracellulaire (surtout laboratoire, et conseillé pour les voyageurs et les personnels de
intramacrophagique) et biliaire. La voie orale doit être privilé- santé.
giée, la voie intraveineuse étant utile en cas d’intolérance
digestive. Salmonelloses non typhiques
Les molécules utilisables sont dans les pays en voie de
développement les phénicolés, le cotrimoxazole et l’amoxicil- L’antibiothérapie n’est pas recommandée dans les formes
line : habituelles car elle augmente le risque de portage chronique du
• chloramphénicol, thérapeutique de choix dans de nombreux germe et le taux de rechute, ne raccourcit pas l’évolution et
pays du monde en raison de son prix très réduit, mais expose expose au risque d’émergence de résistance. Les antibiotiques
au risque d’aplasie médullaire. La posologie est de 2 à 3 g/j par voie orale sont réservés aux gastroentérites des immunodé-
(50 mg/kg/j), poursuivie 14 jours après la défervescence primés, aux formes graves de l’adulte (colite) ou du nourrisson,
thermique. Par rapport au chloramphénicol, le thiamphénicol chez les porteurs d’une valvulopathie, aux âges extrêmes de la
partage les mêmes inconvénients (taux de rechute élevé, vie et aux porteurs chroniques. Les fluoroquinolones sont
défervescence tardive), mais aucun cas d’aplasie médullaire particulièrement efficaces ainsi que le cotrimoxazole, l’ampicil-
mortelle n’a été rapporté, justifiant ainsi la préférence line ou le chloramphénicol. La durée du traitement est souvent
accordée au thiamphénicol ; limitée à la durée de la diarrhée. Le traitement est par ailleurs
• ampicilline à la dose de 100 mg/kg/j, poursuivie 15 jours symptomatique : antipyrétiques si besoin, réhydratation et
régime sans résidu. Les antidiarrhéiques sont contre-indiqués,
après l’apyrexie ;
exposant au risque de colite grave.
• le cotrimoxazole reste une alternative thérapeutique. La dose
L’hygiène alimentaire industrielle et domestique est primor-
de 2 comprimés en 2 prises orales quotidiennes pour une
diale pour la prévention et repose sur le contrôle bactériologi-
durée totale de 15 jours permet d’obtenir la guérison.
que des boissons et des aliments, et par le dépistage et l’éviction
Dans les pays industrialisés, le traitement repose sur les
des porteurs chroniques asymptomatiques travaillant dans
fluoroquinolones chez l’adulte et les céphalosporines de
l’alimentation collective ou industrielle. La meilleure protection
3e génération chez l’enfant, pour une durée de 5 à 10 jours, ou contre le risque de salmonellose reste une cuisson suffisante des
de 10 à 14 jours en cas de formes compliquées : aliments, en particulier des viandes, à au moins 65 °C pendant
• les céphalosporines, dont la plus utilisée est la ceftriaxone. A 5 à 6 minutes. Il est conseillé de conserver les œufs au réfrigé-
la dose unique quotidienne de 2 g/j par voie parentérale rateur, de maintenir au froid les préparations à base d’œufs sans
(60 mg/kg/j), l’apyrexie est habituelle en 3 à 4 jours mais, cuisson (mayonnaise, crèmes, pâtisseries) et de les consommer
surtout, la durée du traitement est réduite. Il existe cependant rapidement. De plus, les personnes les plus vulnérables (person-
un risque d’échec clinique et de rechute car la pénétration nes âgées, nourrissons, femmes enceintes) devraient éviter la
intracellulaire des b-lactamines est faible ; consommation d’œufs crus ou peu cuits. Une prophylaxie par
• les fluoroquinolones ont les mêmes avantages que les cépha- cotrimoxazole peut être prescrite chez les sujets immunodépri-
losporines de 3e génération (durée de traitement réduite, més, à risque élevé.
diminution des effets secondaires). De nombreuses fluoroqui-
nolones ont fait la preuve de leur efficacité : ciprofloxacine 1
à 1,5 g/j, ofloxacine 400 mg/j, pefloxacine 800 mg/j ; ■ Quelle est l’évolution ?
• l’azithromycine est aussi efficace que les fluoroquinolones
dans les formes non sévères à la dose de 1 g per os le premier
jour, puis 500 à 1000 mg/j, à utiliser en cas de souches Fièvre typhoïde
résistantes aux fluoroquinolones. La guérison spontanée peut survenir en 3 à 4 semaines, mais
En cas de portage chronique, l’ampicilline à la dose 100 mg/ le pronostic peut être aggravé par la survenue de complications.
kg/j pendant 6 semaines est efficace. Les fluoroquinolones sont L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement avec
également efficaces dans cette indication à la dose 1 g/j de un retour à l’apyrexie en 2 à 6 jours. Une fatigue et un amai-
ciprofloxacine pendant 4 semaines chez l’adulte. La cholécys- grissement peuvent persister.
tectomie chez les sujets porteurs de lithiase biliaire en cas L’évolution peut cependant être émaillée de complications :
d’échec de l’antibiothérapie peut être proposée. • digestives : hémorragies, perforations intestinales ;
Les autres mesures thérapeutiques sont : la déclaration • toxiniques dues à la libération d’endotoxines :
obligatoire, le régime sans résidu, la réhydratation, la cortico- C cardiaques : myocardite, insuffisance cardiaque, voire choc
thérapie en cas de signes toxiniques neurologiques ou cardia- endotoxinique,
ques, la chirurgie en cas de perforation digestive, la transfusion C neurologiques : encéphalite, méningite, myélite, névrite du
en cas d’hémorragie, les antidiarrhéiques sont à proscrire car ils nerf VIII ;
augmentent la durée du portage. • dissémination bactérienne (ostéomyélites et ostéoarthrites à
La surveillance est clinique et biologique avec notamment la distinguer des arthrites réactionnelles bien que d’authentiques
réalisation de deux coprocultures à 48 h d’intervalle à la fin du syndromes de Fiessinger-Leroy-Reiter aient été décrits, abcès
traitement pour dépister les porteurs sains. spléniques, cholécystites, glomérulonéphrites).
Le traitement repose également sur la prévention. La pro- Malgré les traitements classiques, les rechutes et le portage
phylaxie générale comporte l’isolement des patients infectés, la chronique restent possibles. Les rechutes sont fréquentes (5 à
désinfection du linge et de la chambre, le lavage des mains. La 20 %) et surviennent préférentiellement chez les malades non
prévention repose aussi sur la surveillance épidémiologique, la traités ou chez les malades traités, 8 à 30 jours après l’arrêt du
lutte contre le péril fécal avec l’épuration des eaux de boisson traitement ou après la disparition spontanée de la symptomato-
et le traitement des eaux usées, l’éducation sanitaire, le dépis- logie, sous forme d’une reprise thermique. Les rechutes impo-
tage et le traitement des porteurs de germes, le respect de la sent la recherche d’un gîte à Salmonella typhi qui est le plus
chaîne du froid, la surveillance des produits alimentaires (le souvent biliaire. Le portage chronique de salmonelles complique
contrôle des zones de récolte des coquillages, la pasteurisation environ 5 % des fièvres typhoïdes et 20 % des salmonelloses
des aliments), permettant d’enrayer la dissémination des non typhiques. L’incidence augmente avec l’âge, l’existence
salmonelles. La prophylaxie individuelle repose sur la vaccina- d’une lithiase vésiculaire essentiellement ou urinaire. Un porteur
tion, assurée par un vaccin polyosidique capsulaire (Typhim chronique se définit comme une personne excrétant dans ses
Vi®, Typherix®), qui protège contre S. typhi mais pas contre selles ou dans ses urines S. typhi depuis au moins 1 an. Le taux
S. paratyphi A ou B (qui n’ont pas d’antigène Vi). Une seule dose de mortalité de la fièvre typhoïde est de 1,5 %. Sa fréquence
est nécessaire par voie intramusculaire. La tolérance est bonne décroît du fait de la généralisation de la vaccination antityphoï-
et l’efficacité est de 75 % pendant 3 ans. Le vaccin est réalisable dique chez le voyageur, qui ne confère néanmoins qu’une
à partir de 2 ans et les réinjections se font tous les 3 ans en cas protection partielle.
Salmonelloses non typhiques ment devant une fièvre au retour d’un pays tropical. Les formes
majeures sont rares dans les pays industrialisés mais possible-
Des complications sont possibles, en particulier chez les très ment graves. Les formes mineures, moins graves, sont beaucoup
jeunes enfants et les personnes âgées : déshydratation, colite plus fréquentes et en augmentation constante posant un
exposant au risque de mégacôlon toxique, de perforation et problème de santé publique.
d’hémorragie digestive. Les formes extradigestives, également
plus fréquentes aux âges extrêmes de la vie, chez les sujets
immunodéprimés ou chez le sujet drépanocytaire, sont poly-
morphes : méningite, abcès cérébraux, endocardite, ostéomyé-
.
B. Terrier.
V. Martinez (valerie.martinez@psl.ap-hop-paris.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Assistance publique-hôpitaux de Paris, Université Pierre et Marie Curie,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Terrier B., Martinez V. Salmonelloses. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1050, 2006.
M aladie ancienne et très classique, la diphtérie a partout régressé là où la vaccination a été bien effectuée et
maintenue dans de bonnes conditions.
L’actualité récente illustre parfaitement la nécessité du maintien d’un respect du calendrier vaccinal. La circulation de
la bactérie responsable est source de reprise de ce type d’infection lorsque la population cible est mal ou non
protégée.
© Elsevier, Paris.
■
‚ Aspects cliniques [5]
Introduction Tableau I. – Localisations des épidémies et
endémies les plus récentes [2, 6]. Quand doit-on penser à une diphtérie ?
¶ Angine diphtérique
Nouveaux États indépendants 1991
Les infections à corynébactéries se sont Après une courte incubation de 1 à 4 jours,
de l’ex-URSS (surtout la Russie
longtemps résumées à la diphtérie, maladie et l’Ukraine) apparaît la classique angine diphtérique, peu fébrile.
infectieuse épidémique [6]. La généralisation de la Algérie 1993-1996 Les amygdales sont recouvertes de fausses
vaccination antidiphtérique dans de nombreux pays Thaïlande 1994 membranes blanchâtres ou grises, voire jaunâtres,
du monde s’est accompagnée d’une diminution, Nigeria 1996 adhérant à la muqueuse, pouvant s’étendre au
voire d’une disparition de cette maladie.
Madagascar 1996 niveau de l’ensemble de l’arbre respiratoire, vers la
États-Unis (northern planis indian luette et le nasopharynx, mais surtout vers le larynx
Parallèlement, le développement des techniques 1996
community) et la trachée, avec un risque d’obstruction (croup ou
diagnostiques et l’augmentation des techniques Inde
invasives et du nombre de patients immunodé- laryngite diphtérique) des voies aériennes imposant
Népal, Laos, Indonésie 1995
primés ont permis l’émergence de nouvelles Brésil, Équateur 1996 une libération en urgence (trachéotomie ou
infections à corynébactéries. Enfin, le dévelop- intubation trachéale si elle est possible).
pement de la biologie moléculaire a conduit à des Le croup associe, dans un premier temps, une
La diphtérie a disparu de la plupart des pays dysphonie avec toux et voix rauque, puis la voix
reclassifications des bactéries corynéformes [3].
développés sous sa forme endémoépidémique. Il s’éteint avec persistance de la raucité de la toux, puis
persiste cependant régulièrement des cas extinction de la voix et de la toux s’accompagnant
d’importation dans ces pays, soit à partir de régions d’une dyspnée qui devient permanente. Cette
■
Diphtérie
où il existe une poussée épidémique (c’est le cas des
pays d’Europe de l’Est et de l’épidémie dans
l’ex-URSS depuis 1991), soit à partir de zones
d’endémie, souvent liées aux relations avec
dyspnée associe cornage et tirage, puis accès de
suffocation.
À l’angine s’associent des adénopathies
sous-angulomaxillaires et un coryza avec jetage
‚ Aspects épidémiologiques d’ex-colonies (Grande-Bretagne et Inde). mucopurulent.
À partir de ces cas, peuvent survenir de petites L’hémogramme montre une hyperleucocytose à
Le risque de diphtérie existe-il encore poussées épidémiques de quelques cas, comme cela polynucléaires neutrophiles, contrairement à la
aujourd’hui ? a été observé en Grande-Bretagne. mononucléose infectieuse (MNI), principal diagnostic
La diphtérie est une maladie infectieuse Certains pays sont soumis à des poussées différentiel, où il existe un syndrome mononucléo-
contagieuse liée à un bacille à Gram positif. Cette épidémiques relevant toujours des même sique. Le MNI-test et la recherche d’anticorps de type
bactérie a un double pouvoir pathogène, lié à la mécanismes : baisse de la couverture vaccinale, IgM anti-VCA (viral capsid antigen) sont alors positifs.
bactérie elle-même et à la production d’une toxine, mouvements de populations, destruction
sociopolitique, économique et sanitaire à la suite de ¶ Angine diphtérique maligne
produit d’un gène acquis à partir d’une L’infection peut être d’emblée gravissime. C’est
lysogénisation par le phage lambda. Ceci expliquera guerres ou de changements politiques brutaux. Les
deux exemples les plus récents sont ceux de l’angine diphtérique maligne ou hypertoxique, qui
les signes cliniques de la maladie. L’homme associe des signes locaux de gravité (extension
représente le seul réservoir bactérien (transmission l’Algérie, avec plus de 1 000 cas entre 1993 et 1995,
et des nouveaux états indépendants de l’ex-URSS, rapide des fausses membranes, haleine fétide,
aérienne par les goulettes de Flügge). La muqueuse œdématiée et hémorragique,
avec plus de 50 000 cas en 1995, principalement en
transmission indirecte, à partir d’objets ou d’aliments, volumineuses adénopathies cervicales avec
Russie et en Ukraine.
est beaucoup plus rare. Elle est connue depuis des périadénites responsables du cou proconsulaire),
Les autres épidémies sont rapportées dans le
siècles et évolue par cycles séparés d’une centaine généraux (fièvre élevée, prostration, pâleur) et
tableau I.
d’années [6]. toxiniques (cardiaques et nerveux).
Malgré la généralisation de la vaccination grâce
© Elsevier, Paris
1
4-1070 - Infections à corynébactéries. Diphtérie et autres infections à bactéries corynéformes
2
Infections à corynébactéries. Diphtérie et autres infections à bactéries corynéformes - 4-1070
■
‚ Urgence thérapeutique
en France. Une étude récente réalisée dans trois Infections liées aux autres
Le traitement de la diphtérie est une urgence centres hospitaliers révèle que, comme dans bactéries corynéformes
médicale [1]. beaucoup de pays développés, seule la moitié de
Il concerne à la fois le patient atteint, mais adultes a un titre protecteur d’anticorps spécifiques.
également les sujets contacts de l’entourage, afin de Une surveillance régulière avec revaccination ‚ Existe-t-il un intérêt à identifier une
rompre la chaîne épidémiologique. Il est double, s’impose donc [7]. corynébactérie ?
vis-à-vis de la bactérie par les antibiotiques et À côté de C diphtheriae, il existe deux autres Les corynébactéries ont longtemps été
vis-à-vis de la toxine par les anticorps spécifiques. espèces proches : C ulcerans et C pseudotuberculosis, considérées comme des contaminants des
Le patient doit avant tout être isolé (isolement d’écologie principalement animale. Elles peuvent prélèvements microbiologiques. Notre attitude à leur
respiratoire+ + +). être porteuses de gène de la toxine et transmises égard doit changer : il faut les considérer certes
Le traitement antibiotique est immédiatement accidentellement de l’animal à l’homme. Des comme commensaux de la peau et des muqueuses,
débuté, après la réalisation des prélèvements infections liées à ces bactéries sont ponctuellement mais aussi comme des opportunistes potentiels chez
microbiologiques. Il repose sur la pénicilline, en rapportées à travers le monde (États-Unis, les patients hospitalisés. D’une part, C diphtheriae,
l’absence de contre-indication : pénicilline G Grande-Bretagne, France [données personnelles]). réputée être le seul pathogène, classiquement isolée
intramusculaire (IM) ou intraveineuse (IV) (3 MU chez de prélèvement de gorge dans la diphtérie, est
■
l’adulte et 50 000 à 100 000 U/kg/j chez l’enfant), ou responsable d’infections systémiques variées, mais
pénicilline A (amoxicilline 3 g/j chez l’adulte, Infections à C diphtheriae encore de nombreuses autres espèces de
50 mg/kg/j chez l’enfant). L’activité des non toxinogènes corynébactéries se rencontrent en pathologie
céphalosporines de troisième génération injectables humaine (tableau IV). Les corynébactéries sont
est constante (céfotaxime, ceftriaxone), mais les Malgré la généralisation de la vaccination naturellement résistantes à l’aztréonam et à la
formes orales doivent être proscrites en raison de antidiphtérique, qui n’est d’ailleurs dirigée que contre fosfomycine. Leur sensibilité aux antibiotiques est
leur efficacité très inconstante. En cas d’allergie aux la toxine diphtérique, les souches de C diphtheriae très variable d’une espèce à l’autre, et est
bêtalactamines, l’érythromycine doit être employée continuent de circuler à travers le monde [6]. En caractérisée par une multirésistance habituelle.
(50 mg/kg/j chez l’enfant, 2 à 3 g/j chez l’adulte), en France, aucun cas de diphtérie n’a été notifié depuis Les localisations les plus graves non spécifiques
s’assurant bien de la sensibilité in vitro de la souche. 10 ans. Cependant, chaque année, ce type de sont septicémiques, avec fréquence des
Le traitement sera de 14 jours et un contrôle souches continue à être isolé de sites très variés : endocardites associées et des complications de la
microbiologique est indispensable avant l’arrêt du peau, gorge, nez, prélèvements respiratoires bas, neurochirurgie. Certaines espèces ont un tropisme
traitement (négativation du prélèvement de gorge). hémocultures (tableau III) [4]. C’est ainsi que près de particulier [3].
Une sérothérapie antitoxinique spécifique est 40 cas de septicémies ont été colligés depuis 10 ans.
administrée parallèlement, en urgence, pour Les souches peuvent être responsables d’angines à ‚ Corynebacterium urealyticum
neutraliser la toxine diphtérique. Les posologies fausses membranes, évoquant une diphtérie. C’est Elle est essentiellement isolée d’infections
varient de 20 000 à 100 000 U selon la gravité de la pourquoi, pour des raisons épidémiologiques et de urinaires basses chez des patients porteurs
maladie. Elle est injectée en une seule fois santé publique, il est urgent de rechercher le gène de d’uropathies malformatives, âgés, immunodéprimés,
(sous-cutanée, IM ou IV) après un test de tolérance la toxine. Ces infections surviennent sur des terrains avec des urines alcalines. Les bêtalactamines et les
(technique de Besredka), en raison du risque particuliers : adultes d’âge mur (40 à 60 ans), avec aminosides sont inactifs. Le traitement repose
d’anaphylaxie (origine équine du sérum). souvent une hygiène précaire, sans domicile fixe, habituellement sur les glycopeptides et les
Une revaccination sera systématique au décours alcooliques et cirrhotiques. fluoroquinolones.
de la maladie car il s’agit d’une infection peu La découverte de cette bactérie est souvent
immunisante. fortuite au niveau des prélèvements pathologiques ‚ Arcanobacterium haemolyticum
Les sujets contacts doivent bénéficier d’un et elle doit être considérée comme pathogène. Elle est responsable de pharyngites et d’angines
prélèvement pharyngé systématique, à la recherche L’isolement et l’identification de la souche sont chez l’adulte jeune (jusqu’à 2 % chez des sujets de
de bacille diphtérique, et être traités par antibiotique, identiques à ceux des souches toxinogènes, et la 15 à 25 ans).
3
4-1070 - Infections à corynébactéries. Diphtérie et autres infections à bactéries corynéformes
■
(bronchites, pneumonies). Elle est habituellement
– C diphtheriae mitis, gravis, belfanti
– C ulcerans sensible aux antibiotiques (pénicilline, aminosides). Conclusion
– C pseudotuberculosis
C xerosis ‚ Corynebacterium xerosis
Les infections à bactéries corynéformes sont
C striatum Elle est isolée d’infections superficielles et
C minutissimum responsables de nombreuses pathologies
profondes postopératoires.
C amycolatum méconnues jusqu’à récemment. La diphtérie,
C glucuronolyticum principale manifestation pathologique de ces
‚ Corynebacterium striatum
C argentoratense bactéries, a laissé la place aux Corynebacterium non
C matruchotii Elle est habituellement isolée d’infections sur diphtheriae, saprophytes de nombreux sites de
matériel étranger. Elle reste sensible aux l’organisme humain et responsables d’infections
Corynébactéries non fermentatives non lipo- bêtalactamines et aux glycopeptides, mais
philiques opportunistes. La découverte d’un bacille à Gram
résistantes aux macrolides, aux cyclines et aux positif ne doit plus être considérée comme une
C afermentans fluoroquinolones. « souillure », mais interprétée en fonction du contexte
C pseudodiphtericum clinique et traitée comme tel.
C propinquum ‚ Corynebacterium minutissimum
Corynébactéries lipophiliques C’est un hôte habituel de la peau et qui est mis en Remerciements : M Kiredjian et F Bimet, laboratoire des
cause dans l’érythrasma, pathologie dermatolo- identifications bactériennes, Centre national de référence, Institut
C jeikeium
C urealyticum gique particulière. Pasteur.
C accolens
C macginleyi
C groupe F1 et G du CDC Renseignements pratiques
Turicella ✔ Sérum antidiphtérique (IgG spécifiques d’origine équine) disponible auprès de
Arthrobacter Pasteur Mérieux Connaught. Tél : 04 72 80 40 00 ; fax : 04 72 80 44 00.
Brevibacterium ✔ Centre national de référence de la diphtérie (laboratoire des identifications
Dermabacter
Propionibacterium bactériennes), Institut Pasteur, M Kiredjian, F Bimet. Tél : 01 45 68 83 36 -
Rothia 01 40 61 36 75 ; fax : 01 45 68 89 53.
Exiguobacterium ✔ Banque OMS des ribotypes de C diphtheriae. Centre national de référence, unité
Aureobacterium des entérobactéries, Institut Pasteur, PAD Grimont. Tél : 01 45 68 83 44 ; fax :
Arcanobacterium
Actinomyces 01 45 68 88 37.
Oerskovia ✔ Épidémiologie clinique de la diphtérie. Unité des maladies infectieuses et
Cellulomonas tropicales, centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, O Patey,
Sanguibacter
S Dellion. Tél : 01 43 86 21 72 - 01 43 86 21 61 ; fax : 01 43 86 22 98 -
Microbacterium
01 43 86 24 56.
CDC : Center for Disease Control.
✔ Unité maladies infectieuses du Réseau national de santé publique (RNSP),
hôpital Saint-Maurice, J Desenclos. Tél : 01 41 79 67 20 ; fax : 01 41 79 67 69.
✔ Direction générale de la santé, sous-direction de la veille sanitaire, bureau des
Des échecs thérapeutiques par la pénicilline sont
maladies transmissibles. Tél : 01 40 56 45 40 ; fax : 01 40 56 50 56.
observés par phénomène de tolérance. Macrolides,
Toute référence à cet article doit porter la mention : O Patey et S Dellion. Infections à corynébactéries. Diphtérie et autres infections à bactéries corynéformes.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-1070, 1999, 4 p
Références
[1] Baron S, Bimet F, Lequellec Nathan M, Patey O, Ribierre I, Vachon F. [5] Mouton Y, Bissagnene E, Deboscker Y. Diphthérie. Encycl Med Chir (Else-
Conduite à tenir lors de l’apparition d’un cas de diphtérie. Bull Epidemiol Hebd vier, Paris), Maladies infectieuses, 8-017-P-10, 1986
1998 ; 23 : 97-101
[6] Patey O, Dellion S, Halioua B. Diphtérie et infection à Corynebacterium
[2] Eurosurveillance. 1997 ; 8-9 : 59-68 diphtheriae en 1995. Lettre Infectiol 1996 ; 17 : 539-548
[3] Funke G, Von Graevenitz A, Claridge JE, Bernard KA. Clinical microbiology [7] Vincent-Ballereau F, Schrive I, Fisch A et al. Immunité antidiphtérique de la
of coryneform bacteria. Clin Microbiol Rev 1997 ; 10 : 125-159 population française adulte d’après une enquête multicentrique. Bull Epidemiol
Hebd 1995 ; 15 : 65-66
[4] Groupe d’étude sur les infections à Corynebacterium diphtheriae. Situation
de C diphtheriae en France (1987-1995). Bull Epidemiol Hebd 1996 ; 17 : 78-79
4
¶ 4-1090
Infections à mycobactéries :
tuberculose, mycobactéries atypiques
C. Billy
Les infections à mycobactéries, dont en premier lieu la tuberculose, sont des pathologies toujours
responsables d’une morbidité et d’une mortalité importante dans le monde. À côté des descriptions
classiques des différents stades de l’infection, les présentations cliniques peuvent être variées. Les
modalités diagnostiques et thérapeutiques sont bien codifiées pour permettre des recours curatifs et
préventifs efficaces. Au XXIe siècle, la tuberculose est toujours un fléau d’actualité. Elle reste une des
maladies les plus répandues dans le monde malgré l’existence de thérapeutiques efficaces et de
programmes de lutte nationaux ou internationaux.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
.
En 2009, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime
qu’au niveau mondial il y a plus de 9 millions de nouveaux cas ■ Bactériologie – Pathogénie
par an [1].
La plupart des cas sont enregistrés en Asie (55 % : Inde, Les bactéries responsables de la tuberculose humaine sont des
Chine, Indonésie) et en Afrique (31 % : Nigeria, Afrique du mycobactéries du complexe tuberculosis : Mycobacterium tuber-
Sud). culosis, Mycobacterium bovis et Mycobacterium africanum. Ce sont
L’augmentation du nombre total de nouveaux cas de tuber- .
des bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR), aérobies stricts.
culose qui s’explique par la croissance démographique est La tuberculose est presque toujours due à M. tuberculosis
contrebalancée par une prévalence ou nombre de cas par (BK = bacille de Koch).
habitant en diminution progressive lente, constatée sur la Les analyses bactériologiques pour toute recherche de BAAR
dernière décennie (1999-2009). L’épidémie liée au virus de sur prélèvement biologique (expectoration, liquide cérébrospinal
l’immunodéficience humaine (VIH) a amplifié l’incidence et la [LCS], moelle osseuse, biopsie, etc.) procèdent de la même
mortalité liées à la tuberculose, en particulier en Afrique. La démarche. Il s’agit d’abord d’un examen microscopique direct
tuberculose représente le plus souvent l’infection opportuniste minutieux après coloration de Ziehl-Neelsen (bacilloscopie). Puis
principale du sida dans les pays pauvres. Sur l’ensemble des le prélèvement est placé en culture sur milieu spécifique de
nouveaux cas estimés chaque année, 15 % sont porteurs du Löwenstein-Jensen. Les bacilles sont à croissance lente, poussant
VIH. D’après les données les plus récentes, collectées en 2007, en 3 à 6 semaines. Des antibiogrammes peuvent ensuite être
on estime que 1,3 million de décès sont survenus parmi les réalisés pour tester leur sensibilité aux antituberculeux. L’ampli-
nouveaux cas de tuberculose VIH-négatifs. Près d’un demi- fication génique par polymerase chain reaction (PCR) est moins
million de décès supplémentaires ont été comptabilisés parmi sensible que la culture classique mais est très spécifique. Sa
les nouveaux cas de tuberculose VIH-positifs. réalisation n’est pas de pratique courante et relève d’un labora-
.
La progression du nombre de cas de tuberculoses résistantes toire spécialisé.
est aussi sous surveillance. La proportion de tuberculoses L’analyse anatomopathologique permet d’observer un exsudat
multirésistantes est estimée à un peu plus de 5 %. Des écarts à prédominance lymphocytaire parfois hématique sur liquide
sont importants selon les régions du monde, quasi inexistante .
obtenu par ponction (pleurésie, ascite, abcès) ou un granulome
dans des pays d’Europe de l’Ouest à plus de 35 % dans des pays épithélioïde gigantocellulaire, avec nécrose caséeuse dans sa
de l’ex-URSS et en Chine [2]. forme la plus caractéristique, à partir d’un tissu biopsié.
Réactivation
dans les 2 ans (5 %)
Guérison
Virage IDR Réactivation
spontanée
en 6 à 8 semaines au-delà de 2 ans (5 %)
en 6 mois
Réactivation concomitante
d'une infection VIH
(10 % par an)
Figure 1. Schéma de l’histoire naturelle de la tuberculose. IDR : intradermoréaction ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
À l’origine de toute forme de tuberculose, il y a une conta- Les raisons invoquées pour expliquer cette topographie
mination essentiellement interhumaine, par voie aérienne, à particulière sont la présence d’oxygène prédominant aux apex
partir de gouttelettes de sécrétions respiratoires aérosolisées. et correspondant à la caractéristique aérobie du bacille, ainsi
La primo-infection tuberculeuse (PIT), qui fait suite à l’inha- que la moindre circulation lymphatique à ce niveau. De façon
lation de bacilles, guérit habituellement spontanément. Cepen- générale, on considère que dans les pays industrialisés où le
dant, les bacilles peuvent rester vivants sous une forme latente risque de contagion est bas, le développement d’une tuberculose
(bacilles dormants) pendant des années. L’infection tuberculeuse active correspond à une réactivation endogène de la maladie,
définit le portage chronique asymptomatique de M. tuberculosis alors qu’il s’agirait plutôt d’une infection exogène dans les pays
après la guérison apparente de la PIT. La tuberculose active ou à forte endémicité.
tuberculose maladie correspond à la réactivation des bacilles
pouvant survenir à n’importe quel moment (Fig. 1). La réacti-
vation de la maladie peut être favorisée par une baisse de
l’immunité cellulaire : vieillissement, stress, malnutrition, mais
surtout immunodépression (infection par le VIH, leucémie, “ Point important
transplantation d’organe, chimiothérapie, diabète, corticothéra-
pie prolongée, dénutrition sévère, etc.). Tout organe peut être Les signes cliniques associent habituellement une
impliqué et révéler la maladie, mais la forme pulmonaire est la altération de l’état général avec asthénie, amaigrissement,
plus caractéristique, soit isolément soit associée à une atteinte fièvre, sueurs nocturnes, et des signes respiratoires (toux
extrapulmonaire. Une localisation extrapulmonaire existe dans prolongée, expectoration mucopurulente ou hémo-
25 % des cas, plus fréquemment au cours de certaines immu- ptoïque, douleurs thoraciques). La radiographie
nodépressions (environ 70 % au cours de l’infection par le VIH).
thoracique est évocatrice lorsqu’elle montre des infiltrats
Une dissémination est possible par voie lymphatique ou par
voie sanguine, entraînant une tuberculose miliaire qui définit la partant du hile vers le(s) sommet(s), souvent excavés.
forme hématogène.
direct, une fibroscopie bronchique peut être indiquée pour la biopsie osseuse à visée microbiologique et histologique est
aspiration, biopsie ou lavage bronchoalvéolaire. nécessaire au diagnostic. Les sérites (pleurésie, péricardite,
La tuberculose miliaire est l’infection généralisée (poumons, .
péritonite) tuberculeuses sont des atteintes par suffusion de
foie, rate, moelle osseuse, méninges, etc.) faite de multiples contiguïté ou par dissémination.
granulomes. Les manifestations cliniques et biologiques n’ont La méningite tuberculeuse est d’installation plutôt progressive
.
pas de spécificité, mais les opacités radiographiques micronodu- . sur quelques semaines, isolée, ou associée à des signes neurolo-
laires disséminées à la limite du visible sont évocatrices (aspect giques focaux, avec en particulier une atteinte évocatrice de la
en « grain de mil »). L’examen direct des crachats est souvent base du crâne. Une autre atteinte tuberculeuse concomitante
négatif (2/3 des cas). Des hémocultures sur milieu spécial . suggère le diagnostic, mais n’est pas systématique. L’orientation
peuvent être positives. Une ponction lombaire doit être réalisée diagnostique est principalement donnée par l’analyse du LCS
en cas de signes méningés. Une biopsie de foie ou de moelle qui est souvent à prédominance lymphocytaire et hypoglycora-
osseuse peut être indiquée. L’IDR est souvent négative car chique avec une hyperprotéinorachie franche. L’isolement de
l’hypersensibilité non encore acquise. La forme miliaire survient M. tuberculosis à partir du LCS est relativement rare. Des
classiquement peu de temps après une primo-infection ou à un .
tuberculomes intracérébraux peuvent accentuer les troubles
stade terminal d’évolution d’une tuberculose chronique non neurologiques ou psychiatriques, ou se manifester par des crises
traitée. Des facteurs prédisposants ont été décrits tels que convulsives.
l’alcoolisme, une cirrhose, un cancer, la grossesse en particulier La tuberculose urogénitale est évoquée devant une pyurie
dans la période du post-partum, un traitement par immunosup- aseptique. L’urographie standard ou par tomodensitométrie
presseurs, mais souvent il n’existe aucun antécédent de tuber- révèle des anomalies d’autant plus importantes que l’évolution
culose. Le traitement doit être rapidement initié. est prolongée : voies urinaires rétrécies et rigides, calcifications,
hydronéphrose. Dans la majorité des cas, le diagnostic est fait
par la mise en évidence de BAAR dans les urines.
“ Point important
■ Traitement – Surveillance
Les formes extrapulmonaires de tuberculose peuvent – Mesures annexes [5, 6]
Tableau 1.
Antituberculeux de référence.
Médicaments Posologie quotidienne adulte Effets indésirables Surveillance
Isoniazide 4 mg/kg/j p.o. ou i.v. Hépatite(a), polynévrite, algodystrophie, ASAT, ALAT
(INH) (enfant : 10 mg/kg/j) troubles psychiques, amaigrissement Risque d’hépatite majoré avec l’âge et l’alcool
max-300 mg Polynévrite rare, pyridoxine (50 mg/j) surtout si
5 mg/kg/j si non associé à RMP diabète, VIH, malnutrition, grossesse
Rifampicine 10 mg/kg/j p.o. ou i.v. Coloration orangée des urines et des sécrétions, ASAT, ALAT
(RMP) max-600 mg nausées, vomissements, hépatite(a), fièvre, Interactions : anticoagulants oraux, hypoglycé-
allergie, hémolyse, thrombopénie miants oraux, corticoïdes, estrogènes,
kétoconazole, anti-VIH, ciclosporine, digitaliques,
phénytoïne
Éthambutol 15-20 mg/kg/j p.o. ou i.v. Névrite optique rétrobulbaire, nausées, Examen ophtalmologique
(EMB) max-2,5 mg vomissements, céphalées, vertiges, allergie Surveiller le champ visuel et toute modification
cutanée de la vision
Pyrazinamide 15-30 mg/kg/j p.o. Hépatite(a) (dose-dépendante), hyperuricémie, ASAT, ALAT
(PZA) max-2 g arthralgies, fièvre, nausées, vomissements, Hyperuricémie habituelle, goutte rare
phototoxicité, allergie cutanée
Arthralgies contrôlées par aspirine
p.o. : per os ; i.v. : intraveineux ; IM : intramusculaire. (a) Tout patient recevant isoniazide, rifampicine, et/ou pyrazinamide doit consulter en cas de symptômes évocateurs
d’hépatite : anorexie, nausées, vomissements, ictère, malaise général, fièvre de plus de 3 jours, douleurs abdominales.
Tableau 2.
Surveillance minimale du traitement d’une tuberculose pulmonaire.
Initial j0-j15 j30 M2 M4 M6 M9 M12
Consultation × × × × × × × ×
(a)
Bactériologie × × si expectoration × si expectoration
Radiographie du thorax × × × × × × × ×
Transaminases × × × × si anomalie
Uricémie ×
Examen ophtalmologique × × si éthambutol × si éthambutol
Créatininémie ×
(a)
L’examen bactériologique précoce entre le 10e et le 15e jour de traitement est indiqué chez les malades hospitalisés en isolement afin de vérifier la négativation de l’examen
microscopique direct.
“ Point fort
minimum une résistance à l’INH et à la RMP. Tout malade
suspect ou confirmé d’être dans cette situation doit impérative-
ment être strictement isolé et confié à un spécialiste. L’antibio-
Le traitement de référence pour toute tuberculose gramme doit être vérifié dans un centre de référence. Le
maladie, quelle que soit l’atteinte organique et hors de principe du traitement est d’associer au-moins trois ou quatre
tout contexte de suspicion de multirésistance, s’organise médicaments, actifs d’après les données de l’antibiogramme
(antituberculeux de 2e ligne), pour une durée très prolongée
sur 6 mois. Quatre antibiotiques sont associés pendant les
(≥ 18 mois).
2 mois de la phase d’attaque initiale ( Tableau 1 ) :
Parmi les mesures annexes, les personnes sous traitement
l’isoniazide (INH), la rifampicine (RMP), le pyrazinamide curatif ont accès à une prise en charge à 100 % (affection de
(PZA) et l’éthambutol (EMB). longue durée [ALD]) qui doit être sollicitée auprès de la Caisse
.
primaire d’assurance maladie. De plus, une déclaration obliga-
toire (DO) doit être effectuée par le médecin, sur un imprimé
résistants, il faut privilégier les associations fixes de médica-
spécifique, auprès de la Direction départementale des affaires
ments combinés sous une seule forme galénique : Rifater ®
sanitaires et sociales (DDASS) pour toute tuberculose mise sous
= INH + RMP + PZA (1 cp/12 kg de poids) ; Rifinah® = INH
traitement curatif, y compris en l’absence de preuve bactério-
+ RMP (1 cp = 150 mg d’INH + 300 mg de RMP). La durée du
.
Traitement d’une
tuberculose-maladie
IDR à T0 positive +
- > 10 mm si IDR antérieure négative Recherche d’une
- ou variation de plus de 10 mm par tuberculose maladie
rapport à IDR antérieure –
Traitement d’une
tuberculose-infection
IDR positive
Intradermoréaction ≥ 10 mm
+ On ne peut conclure,
Radiographie IDR négative Refaire IDR IDR entre sauf chez l'enfant dont
pulmonaire < 5 mm à 3 mois 5 et 10 mm l'IDR à T0 était
+ égale à 0
Consultation IDR négative
< 5 mm
5 ≤ IDR < 10 mm
Infection ancienne Surveillance
probable mais non à T3 et T12-18*
récente
10 ≤ IDR < 14 mm
Infection probable et Traitement d’une
Pas d’IDR de
contexte en faveur tuberculose-maladie
référence
d’une infection +
récente Recherche d’une
tuberculose-maladie
IDR ≥ 15 mm – Traitement d’une
Infection récente très tuberculose-infection
probable récente ?
Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir en fonction de l’intradermoréaction (IDR) à T0 chez les individus âgés de plus de 5 ans au contact d’un sujet
bacillifère (d’après [8]). IDR : intradermoréaction à la tuberculine ; RP : radiographie pulmonaire ; Cs : consultation médicale. * Surveillance associant Cs, RP et
IDR.
L’obligation vaccinale par le vaccin antituberculeux BCG Cependant, l’interprétation d’une IDR positive entre 5 mm et
(bacille de Calmette et Guérin) est suspendue depuis 2007. Le 9 mm est incertaine. Pour aider l’interprétation, il est indispen-
BCG est une préparation à partir d’une souche vivante atténuée sable de connaître le contexte épidémiologique (enquête autour
de M. bovis. Il est contre-indiqué en cas d’immunodépression ou d’un cas, surveillance systématique) et les caractéristiques
de maladie évolutive. Le BCG protège l’enfant à 75 % des individuelles de chaque sujet au moment de la réalisation du
formes graves de tuberculose (miliaire, méningite) et à environ test (antécédent et délai du vaccin BCG, facteurs pouvant
50 % de la tuberculose pulmonaire commune. Il est indiqué influencer l’IDR) (Fig. 2, Tableau 3). L’IDR peut être minorée,
chez les enfants n’ayant pas fait de PIT (IDR négative). La voire négative, dans certaines circonstances réduisant l’immu-
technique de référence est l’injection intradermique. La nou- nité cellulaire (infection virale, immunodépression, vieillesse,
velle politique de vaccination par le BCG prend en compte le dénutrition). Le virage tuberculinique est défini, dans des
rapport bénéfice/risque. Il s’agit maintenant d’une vaccination conditions standard, par une augmentation du diamètre
ciblée, fortement recommandée pour les enfants à risque élevé d’induration d’au moins 10 mm entre deux IDR pratiquées à
de tuberculose (résidence en Île-de-France ou en Guyane, 3 mois d’intervalle.
naissance ou séjour prévu de plus de 1 mois dans un pays de Un nouveau test pour le dépistage et le diagnostic d’infection
forte endémie, un parent originaire d’un pays à forte endémie, tuberculeuse détecte la production d’interféron gamma à partir
antécédents familiaux de tuberculose). L’obligation vaccinale est d’un prélèvement sanguin standard (QuantiFERON ® ,
maintenue pour les professionnels des secteurs sanitaire et T-SPOT.TB®). Cet examen n’est pas utilisé en pratique courante.
social. Ses indications sont validées chez l’adulte pour l’enquête autour
L’IDR à la tuberculine est un test cutané qui évalue la d’un cas, à l’embauche des professionnels soumis à l’obligation
réaction d’hypersensibilité retardée induite par les antigènes vaccinale, pour l’aide au diagnostic des formes extrapulmonaires
mycobactériens. C’est le seul test mesurable validé témoignant et avant mise en route d’un traitement par anti-tumor necrosis
de la réponse immunitaire à médiation cellulaire vis-à-vis du alpha (TNFa).
BK. Les indications de l’IDR sont l’enquête autour d’un cas de
tuberculose, le dépistage et la surveillance des professionnels
fréquemment exposés, et en test prévaccinal. L’IDR est inutile
en cas d’antécédent de tuberculose, risquant de provoquer une
■ Infections à mycobactéries
réaction importante non informative. Pour une interprétation atypiques [9]
Tableau 3.
Aide à l’interprétation de l’intradermoréaction (IDR) pour la décision thérapeutique chez l’enfant de moins de 15 ans (E) et l’adulte de 15 ans ou plus (A) en
fonction de la date de vaccination BCG (d’après [8]).
IDR, diamètre d’induration BCG < 10 ans BCG ≥ 10 ans Absence de BCG
en millimètres (mm)
IDR < 5 mm IDR négative
Tuberculose infection ancienne ou récente peu probable
Pas de traitement(a)
Surveillance à 3 mois
liées à l’épidémie de sida ; M. xenopi, M. kansasii, M. marinum, renouvelée 3 jours de suite avec mise en culture concomitante.
M. fortuitum dont le milieu de prédilection et leur réservoir de En dehors des atteintes respiratoires, le diagnostic s’établit au
diffusion est l’eau. La contamination est donc principalement mieux par biopsie dirigée pour analyse anatomopathologique à
environnementale, sans risque de transmission interhumaine. la recherche d’un granulome tuberculoïde et pour culture
Les formes pulmonaires sont les plus fréquentes, concernant microbienne.
surtout les personnes âgées avec une maladie pulmonaire La présence fréquente des mycobactéries atypiques dans
chronique préexistante (bronchopathie chronique obstructive, l’environnement rend difficile le discernement entre colonisa-
dilatation des bronches, fibrose pulmonaire). La présentation tion et infection évolutive lorsqu’elles sont isolées d’un prélè-
clinique peut ressembler à celle d’une tuberculose, mais les vement respiratoire. En revanche, la mise en évidence de la
symptômes respiratoires sont variables et sans spécificité. En cas bactérie à partir d’un prélèvement en site stérile (biopsie de
d’immunodépression sévère, en particulier lors de l’infection moelle, hémoculture, biopsie cutanée ou osseuse) affirme le
VIH avec un taux de CD4+ inférieur à 100/mm3, c’est une diagnostic.
infection à suspecter, mais l’absence fréquente de corrélation Dans chaque situation de diagnostic supposé ou confirmé
clinique et bactériologique rend le diagnostic difficile. d’une infection à mycobactéries atypiques, les choix thérapeu-
D’autres atteintes organiques ont été décrites. En dehors du tiques sont fondés essentiellement sur la connaissance des
sida et contrairement aux enfants, les adultes présentent sensibilités in vitro de chaque espèce vis-à-vis des antibiotiques.
rarement des adénopathies liées à des infections à mycobactéries Ainsi, le traitement n’est pas univoque et n’est pas formelle-
atypiques. Des infections cutanées ou des tissus mous sont
ment déterminé pour toutes les espèces de mycobactéries
susceptibles de survenir après inoculation directe quelle que soit
atypiques.
la taille de l’effraction initiale (blessure minime, fracture
Si une mycobactérie atypique est isolée, la recommandation
ouverte, intervention chirurgicale). Selon le même processus, les
principale est de réaliser un antibiogramme de façon systémati-
articulations ou leurs structures adjacentes ainsi que l’os
peuvent être atteints (ex : spondylodiscite). L’évolution de que et d’adresser la souche à un centre de référence. Dans
l’infection se présente plutôt sur un mode chronique indolore. l’attente de ces informations, l’option thérapeutique initiale doit
Des infections disséminées surviennent chez les patients comporter une association de deux à trois antibiotiques permet-
immunodéprimés tels que les patients infectés par le VIH à un tant de couvrir les mycobactéries les plus fréquentes.
stade avancé de sida, lors de transplantations d’organes, de Il ne faut pas systématiquement recourir aux antituberculeux
leucémies, de corticothérapie prolongée, de chimiothérapie, de habituels, dont l’utilisation historique conduisait fréquemment
dénutrition sévère. à des échecs ou à des récidives. L’utilisation des macrolides
L’association de critères cliniques avec des constatations récents a changé le pronostic de ces infections. L’association de
radiographiques (tomodensitométriques) et des examens bacté- la clarithromycine ou de l’azithromycine avec l’éthambutol et la
riologiques est indispensable pour établir le diagnostic. Les rifabutine a démontré son efficacité clinique et microbiologique,
explorations par imagerie recherchent des arguments compati- et est recommandée en première intention face aux infections
bles sous la forme de lésions multifocales associant dilatation à M. avium et M. intracellulare.
des bronches et petits nodules pulmonaires. Les conditions Face aux infections à M. xenopi ou M. kansasii, le plus souvent
d’analyses bactériologiques sont les mêmes que pour la tuber- responsables d’infections pulmonaires similaires à la tubercu-
culose. Ainsi dans les formes respiratoires, l’analyse est faite à lose, la combinaison classique des antituberculeux habituels est
partir des produits d’expectorations obtenus le matin à jeun, efficace, à l’exception du pyrazinamide. Vis-à-vis de M. xenopi,
la clarithromycine est décrite avec un avantage d’efficacité en [3] Institut de Veille Sanitaire. Actualités de la tuberculose. Bull Epidemiol
remplacement de l’isoniazide dans cette combinaison. Hebd 2009;(n°12-13), 24 mars 2009. http://www.invs.sante.fr/
La durée du traitement est le plus souvent prolongée sur recherche/index2.asp?txtQuery=tuberculose+france.
plusieurs mois, et peut aller jusqu’à se compter en années. La [4] EuroTB and the national coordinators for tuberculosis surveillance in
surveillance sous traitement doit être rapprochée pour en Europe. Surveillance of tuberculosis in Europe – EuroTB – Report on
mesurer la tolérance, en surveiller la toxicité et s’assurer de tuberculosis cases notified in 2006, InVS, France, Mars 2008. http:
l’observance. L’amélioration clinique apparaît dans un délai de //www.eurotb.org/rapports/2006/full_report.pdf.
3 à 6 mois. Cependant, dès les premières semaines le risque de [5] Prévention et prise en charge de la tuberculose en France. Synthèse et
développement de résistance précoce doit inciter à une vigilance recommandations du groupe de travail du Conseil supérieur d’hygiène
vis-à-vis des causes d’échec et, en cas de doute, consolider publique de France (2002-2003). Rapport InVS – 2005. http:
l’antibiothérapie par l’adjonction d’un ou plusieurs antibioti- //www.isplf.org/s/IMG/pdf/RMR2003CSHPFtuberc.pdf.
ques (ciprofloxacine, amikacine). Le recours complémentaire à [6] Billy C, Perronne C. Aspects cliniques et thérapeutiques de la tubercu-
la chirurgie n’est plus indispensable. lose chez l’enfant et l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
.
Maladies Infectieuses, 8-038-C-30, 2004.
[7] Billy C, Lévy-Bruhl D. Vaccin BCG et place de l’intradermoréaction en
■ Références [8]
2006. Rev Med Interne 2007;28:151-60.
Prévention et prise en charge de la tuberculose en France. Synthèse du
[1] Global tuberculosis control: epidemiology, strategy, financing. WHO groupe de travail du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France.
report 2009. Geneva: World Health Organization; (WHO/HTM/ Med Mal Infect 2004;34(8-9):337-434.
TB/2009.411). http://www.who.int/tb/publications/global_report/en/ [9] Denis F, Perronne C. Mycobacterium tuberculosis et mycobactéries
index.html. atypiques. Guides Médi/BIO. Paris: Elsevier; 2004.
[2] Anti-tuberculosis resistance in the world, Fourth Global Report, The
WHO/IUATLD Global Project on Anti-tuberculosis Drug Resistance
Surveillance 2002-2007, Geneva, World Health Organization Pour en savoir plus
(WHO/HTM/TB/2008.394). http://www.who.int/tb/publications/
2008/drs_report4_26feb08.pdf. http://wwwnc.cdc.gov/travel/yellowbook/2010/chapter-5/tuberculosis.aspx.
C. Billy (c.billy@ch-mantes-la-jolie.fr).
Service des maladies infectieuses, Centre Hospitalier François Quesnay, 2, boulevard Sully, 78200 Mantes-la-Jolie, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Billy C. Infections à mycobactéries : tuberculose, mycobactéries atypiques. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1090, 2011.
Rickettsioses
J.-C. Lagier, B. Doudier, P. Parola
Les rickettsioses sont des maladies infectieuses dues à des bactéries intracellulaires strictes transmises par
des arthropodes vecteurs (poux, puces, tiques et autres acariens). Ces maladies comprennent de
nombreuses maladies émergentes. Elles sont divisées en trois groupes : celles dues aux bactéries du genre
Rickettsia, comprenant le groupe boutonneux et le groupe typhus, les ehrlichioses et anaplasmoses, et
enfin le typhus des broussailles dû à Orientia tsutsugamushi. Les signes cliniques débutent généralement
après 6 à 10 jours d’incubation, sont aspécifiques, une fièvre accompagnant le plus souvent un
exanthème. L’évolution peut être fatale. Le diagnostic est fait par sérologie, culture et biologie
moléculaire. Le traitement est fondé sur l’utilisation de cyclines.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Arthropode ; Tique ; Typhus ; Fièvre Q ; Bartonellose ; Fièvre boutonneuse méditerranéenne ;
Pou ; Puce ; Ehrlichiose
■ Rickettsioses éruptives
■ Définition d’une rickettsiose Rickettsioses à tiques
Une rickettsiose est une maladie infectieuse causée par une
rickettsie, bactérie appartenant à la famille des Rickettsiaceae au Fièvre boutonneuse méditerranéenne
sein de l’ordre des Rickettsiales. Les rickettsies avaient été Elle est endémique dans le sud-est de la France et dans les
initialement décrites comme des bactéries intracellulaires à pays du pourtour méditerranéen. On la rencontre également
Gram négatif colorées en rouge par la coloration de Gimenez [1]. .
dans quelques pays d’Afrique subsaharienne [3]. Elle est due à
Ces dernières années, l’avènement des techniques de biologie Rickettsia conorii conorii et est transmise par la piqûre indolore de
moléculaire appliquées à la microbiologie a entraîné des la tique brune du chien, Rhipicephalus sanguineus [1, 2].
remaniements considérables dans la classification de ce groupe C’est une maladie saisonnière, estivale, urbaine et rurale,
hétérogène de bactéries. Ainsi, les « vraies rickettsioses » sont les pouvant survenir de mai à octobre, principalement de juillet à
maladies déterminées d’une part par les bactéries des genres septembre. La tique Rhipicephalus sanguineus est peu infectée par
Rickettsia, responsables des rickettsioses transmises par des Rickettsia conorii (< 1 % à Marseille). De plus, elle a peu d’affinité
arthropodes, principalement les tiques, d’autre part par les pour l’homme et doit de plus rester fixée au moins 20 heures
bactéries du genre Orientia, dont le seul membre, Orientia pour transmettre la maladie, ce qui explique une incidence
tsutsugamushi, est responsable du typhus des broussailles, et relativement faible de la maladie (environ 48/100 000 habitants
enfin par les bactéries de la famille des Anaplasmataceae [1]. Si la dans le Sud-Est). Cependant, le pic d’incidence constaté en
10 % des formes sont anéruptives. Dans l’ouest des États-Unis, signes cliniques. Elle est d’abord maculopapuleuse puis vésicu-
le vecteur est la tique des bois, Dermacentor andersoni, tandis que leuse et enfin croûteuse. La maladie évolue généralement vers la
Dermacentor variabilis, une tique du chien est le vecteur princi- guérison en 3 semaines en l’absence de traitement et ne laisse
pal dans l’est. Rickettsia rickettsii peut également infecter d’autres aucune cicatrice. Des céphalées et une asthénie peuvent persis-
espèces de tiques dont certaines piquent l’homme comme ter une à deux semaines. Des cas de rickettsioses vésiculeuses
Rhipicephalus sanguineus qui a été récemment identifiée comme ont été rapportés principalement aux États-Unis, en Croatie, en
vecteur potentiel de Rickettsia rickettsii [7]. Slovénie, en Ukraine, en Afrique du Sud et récemment en
Turquie [12].
Autres rickettsies du groupe boutonneux
transmises par les tiques Typhus des broussailles ou « scrub typhus »
De nombreuses autres rickettsioses transmises par les tiques
ont été décrites ces dernières années. Les caractéristiques des Il est dû à Orientia tsutsugamushi dont il existe plusieurs
autres rickettsioses du groupe boutonneux sont résumées dans
.
souches [13] . La maladie est connue en Asie du Sud-Est, au
le Tableau 1. Japon, dans les îles du Pacifique ouest, au Pakistan, en
Astrakhan en Inde et au nord de l’Australie.
Les vecteurs de la maladie sont des acariens du genre Lepto-
Autres rickettsioses éruptives trombidium. Leurs piqûres peuvent être plus ou moins doulou-
Typhus épidémique dû à Rickettsia prowazekii reuses selon l’espèce et on peut retrouver plusieurs sites de
piqûres. L’incubation varie de 5 à 20 jours. La maladie débute
Il est transmis à l’homme par les poux de corps (Pediculus brutalement et associe fièvre, céphalées et myalgies. L’examen
humanus corporis) [8] qui survivent dans les vêtements au contact peut alors retrouver une petite plaie ou vésicule au lieu d’ino-
du corps profitant du froid et du manque d’hygiène pour se culation, qui deviendra l’escarre, et qui est drainée par une
multiplier (Fig. 4). Rickettsia prowazekii est transmis soit par adénopathie sensible. Le tableau clinique habituel comporte des
contact avec les déjections de poux infectés en cas de lésions de céphalées, des myalgies, une fièvre élevée supérieure à 39 °C en
grattage dues au prurit déclenché par leurs piqûres, soit par plateau pendant 10 jours environ et surtout une polyadénopa-
inhalation ou contact des muqueuses ou conjonctives avec ces thie généralisée (85 %). On peut retrouver une escarre (50 %),
fèces ou des poux écrasés. Actuellement, dans le monde, le une injection conjonctivale. En revanche, l’éruption est incons-
typhus à poux reste un problème dans les hautes terres d’Afri- .
tante (34 %). Elle apparaît vers le 3e jour de la maladie, atteint
que (Éthiopie, Nigeria, Burundi), d’Amérique centrale, d’Améri- le tronc, les membres et la face, et disparaît vers le 7e jour. Elle
que du Sud et d’Asie. Il reste une menace si un cas importé est maculeuse ou maculopapuleuse.
entre en contact avec la population des sans-domicile fixe (SDF)
Une hépatosplénomégalie peut exister (30 %). Des signes
parasités par les poux de corps dans les pays occidentaux.
biologiques non spécifiques sont fréquents. En dehors des cas
L’incubation dure une semaine environ et le début est brutal.
sévères, l’évolution est favorable en 2 à 3 semaines. La mortalité
L’invasion associe un frisson solennel à des céphalées intenses,
varie de 0 % à 30 % selon le terrain, la localisation géographi-
des myalgies et une fièvre à 40 °C. Il n’y a pas d’escarre
que et la souche. L’antibiothérapie précoce permet une guérison
d’inoculation. Une éruption maculopapuleuse apparaît ensuite
rapide et sans séquelle.
dans 20 % à 60 % des cas. Les complications neurologiques ou
cardiaques font la gravité de la maladie et 30 % des patients
sans traitement décèdent [1]. Sous antibiothérapie spécifique Diagnostic à évoquer devant toute fièvre
(doxycycline), l’apyrexie est obtenue en 48 heures.
éruptive en zone endémique ou au retour
Typhus murin ou typhus endémique de voyage
Il est dû à Rickettsia typhi [1]. Les rats sont réservoirs et leurs Le diagnostic de rickettsiose éruptive est avant tout présomp-
puces Xenopsylla cheopis transmettent la maladie à l’homme par tif fondé sur les éléments cliniques (fièvre élevée, céphalées
les déjections [9], inhalées ou pénétrant la peau par des lésions violentes, éruption, et/ou escarre) et le contexte épidémiologi-
de grattage, ou par piqûre. La répartition du typhus murin est que (piqûre d’arthropode, particulièrement de tique, fièvre au
mondiale [10]. L’incubation varie de 7 à 14 jours. La maladie est retour de voyage).
peu sévère et les signes sont peu spécifiques : fièvre et céphalées Le diagnostic spécifique repose sur la sérologie et l’immuno-
sont fréquentes, mais l’éruption, souvent transitoire ou non fluorescence indirecte est la méthode de référence. La présence
remarquée, est absente dans la moitié des cas. Des signes d’immunoglobuline M (IgM) sur le premier test ou une aug-
biologiques non spécifiques sont fréquents. Moins de la moitié mentation du titre d’immunoglobuline G (IgG) à 10-15 jours
des patients rapportent un contact avec des puces ou des rats. d’intervalle affirme le diagnostic. Les kits commerciaux ne
Sans traitement, la fièvre disparaît en 7 à 15 jours et en testent cependant en général que deux antigènes (R. conorii et
48 heures sous antibiotique. R. typhi), qui ont des réactions croisées avec les autres bactéries
du groupe. Les techniques moléculaires et de culture ne se font
Fièvre boutonneuse à puces ou « cat flea typhus » que dans les centres spécialisés, en pratique, le Centre national
Elle est due à Rickettsia felis. C’est une maladie émergente de référence des rickettsioses (CNR) à Marseille, où tous les
incomplètement décrite [3]. Son agent, Rickettsia felis, a été antigènes peuvent être testés en sérologie.
détecté dans de nombreuses espèces de puces à travers le Le traitement doit être prescrit avant les résultats de la
monde, y compris les puces de chiens et de chats du genre sérologie. Le traitement de référence reste la doxycycline
Ctenocephalides. L’infection semble ubiquitaire, d’autant que les 200 mg/j. Dans les formes sévères, elles peuvent être utilisées
puces pourraient être réservoir de la bactérie. Une fièvre ou une chez l’enfant. La durée de ce traitement dépend de l’évolution
escarre ont été rapportés dans certains cas documentés. clinique ; une dose unique peut suffire dans le typhus épidémi-
que, le typhus murin et dans certains cas de fièvre boutonneuse
Rickettsiose vésiculeuse méditerranéenne ; pour les autres cas, la durée n’est pas
Elle est due à Rickettsia akari et est transmise par Liponyssoides codifiée, mais le traitement peut classiquement être stoppé après
sanguineus, acarien ectoparasite des souris également détecté 3 jours d’apyrexie. Malgré son efficacité, le chloramphénicol
chez l’écureuil [11]. L’incubation est de 7 à 10 jours. Au niveau n’est pas recommandé en raison de ses effets secondaires.
du site d’inoculation apparaît en général une papule rouge et En cas de contre-indication, la josamycine (3 g/j chez l’adulte
indolore devenant vésiculeuse, une adénopathie satellite ou 50 mg/kg par jour chez l’enfant pendant 8 jours) et les
pouvant être parfois retrouvée. Le début est brutal avec une nouveaux macrolides comme l’azithromycine et la clarithromy-
fièvre élevée, accompagnée de frissons, de myalgies, d’une cine peuvent être prescrits [2]. Le traitement prophylactique est
anorexie et d’une photophobie. L’éruption apparaît habituelle- limité à la lutte et à la prévention antivectorielle, comme le port
ment en 3 jours mais elle peut être concomitante des premiers de vêtements longs et l’utilisation de répulsifs.
Tableau 1.
Caractéristiques cliniques et épidémiologiques des rickettsioses à tiques du groupe boutonneux.
Rickettsia sp. Tiques vectrices reconnues Nom de la maladie Caractéristiques cliniques Localisation
ou potentielles
Rickettsia rickettsii Dermacentor andersoni Fièvre pourprée Printemps et été, pas d’escarre, fièvre éle- États-Unis, Amérique du Sud
Dermacentor variabilis des montagnes vée, céphalées, pétéchies, douleurs abdomi-
Rocheuses nales, défaillance multiviscérale possible
Rhipicephalus sanguineus
Formes graves et fatales sans traitement
Amblyomma cajennense
Amblyomma aureolatum
Rickettsia conorii Rhipicephalus sanguineus Fièvre boutonneuse Maladie urbaine et rurale, éruption macu- Sud de l’Europe,
conorii méditerranéenne lopapuleuse dans 97 % des cas, escarre uni- Afrique du Nord
que en général, formes sévères : 1-5 % Afrique subsaharienne
Rickettsia conorii Rhipicephalus sanguineus Fièvre boutonneuse Escarre plus rare que dans la fièvre bouton- Israël
israelensis d’Israël neuse méditerranéenne (7 %), maladie
pouvant être sévère
Rickettsia sibirica Dermacentor nuttalli Typhus à tiques Maladie rurale, printemps et été, éruption Russie, Chine
sibirica Dermacentor marginatus de Sibérie (100 %), escarre (77 %), ADP
Dermacentor silvarum
Haemaphysalis concinna
Rickettsia australis Ixodes holocyclus Typhus du Queensland Maladie rurale, de juin à novembre, exan- Australie
Ixodes tasmani thème vésiculeux (100 %), escarre (65 %),
ADP (71 %)
Rickettsia japonica Ixodes ovatus Fièvre boutonneuse Maladie rurale (cultures de bambous, acti- Japon
Dermacentor taiwanensis japonnaise vités agricoles), avril à octobre, peut être
sévère
Haemaphysalis longicornis
Haemaphysalis flava
Rickettsia conorii Rhipicephalus sanguineus Fièvre boutonneuse Maladie rurale, escarre (23 %), exanthème Astrakhan,
caspia Rhipicephalus pumilio d’Astrakhan maculopapuleux (94 %), conjonctivite Afrique subsaharienne
(34 %) (Tchad)
Rickettsia africae Amblyomma hebraeum Fièvre à tiques africaine Cas groupés chez les voyageurs, fièvre Afrique, Antilles
Amblyomma variegatum (88 %), escarres multiples, ADP
Rickettsia honei Aponomma hydrosauri Fièvre boutonneuse Maladie rurale, décembre et janvier, exan- Australie (Îles Flinders),
Amblyomma cajennense des îles Flinders thème (85 %), escarre (25 %), ADP (55 %) Thaïlande, peut-être aux
États-Unis
Ixodes granulatus
Rickettsia sibirica Hyalomma asiaticum Peu de cas décrits en France (printemps) et Asie, France, Afrique
mongolotimonae Hyalomma truncatum en Afrique de Sud, escarre (75 %), exan-
thème (63 %), ADP (25 %), lymphangite
Rickettsia slovaca Dermacentor marginatus TIBOLA Fièvre et exanthème rares, escarre sur le Europe, Afrique du Nord
Dermacentor reticulatus cuir chevelu, ADP cervicales
Rickettsia Dermacentor silvarum Exanthème, escarre, ADP Est de l’Asie
heilongjangensis
Rickettsia Hyalomma marginatum Exanthème maculopapuleux, escarre Maroc, Afrique du Sud, Corse,
aeschlimannii marginatum Espagne
Hyalomma marginatum rufipes
Rhipicephalus appendiculatus
Rickettsia parkeri Amblyomma maculatum Escarres multiples, fièvre, exanthème États-Unis, Amérique du Sud
Amblyomma americanum
Amblyomma triste
Rickettsia massiliae Rhipicephalus sanguineus Exanthème maculopapuleux, escarre Europe du Sud, Afrique
Rhipicephalus turanicus
Rhipicephalus muhsamae
Rickettsia Rhipicephalus sanguineus Indian tick typhus Escarre rare. Rash souvent purpurique. Mo- Inde
conorii indica dérée à sévère
Rickettsia helvetica Ixodes ricinus Serait impliqué dans les myopéricardites, Thaïlande, France, Espagne,
Ixodes ovatus cas documentés par les sérologies Italie, Europe de l’Est
Ixodes persulcatus
Ixodes monospinus
Rickettsia marmionii Haemaphysalis novaguineae, Fièvre boutonneuse Février à juin, escarre et/ou exanthème ma- Australie
Ixodes holocyclus d’Australie culopapuleux
ADP : adénopathie.
Le diagnostic repose sur la sérologie et les hémocultures. Le [11] Paddock CD, Koss T, Eremeeva ME, Dasch GA, Zaki SR, Sumner JW.
.
traitement est fondé sur l’utilisation des aminosides et des Isolation of Rickettsia akari from eschars of patients with
tétracyclines. La maladie des griffes du chat guérit quant à rickettsialpox. Am J Trop Med Hyg 2006;75:732-8.
elle le plus souvent spontanément ou après exérèse [12] Ozturk MK, Gunes T, Coker C, Radulovic S. Rickettsialpox in Turkey.
ganglionnaire [18]. Emerg Infect Dis 2003;9:1498-9.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Lagier J.-C., Doudier B., Parola P. Rickettsioses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
4-1110, 2009.
Brucellose
M. Maurin, J.-P. Brion
La brucellose humaine est devenue rare dans les pays ayant instauré une politique d’éradication de la
maladie chez les bovidés, notamment par la vaccination. En France, moins de 50 cas sont déclarés
annuellement à l’Institut de veille sanitaire. La brucellose demeure endémique dans le bassin
méditerranéen, au Moyen Orient, en Asie de l’Ouest, en Afrique et en Amérique latine. Les limites
classiques du diagnostic spécifique de la brucellose (sensibilité variable de la culture, réactions
sérologiques croisées), ont été partiellement compensées par les techniques de biologie moléculaire. Trois
nouveaux défis ont relancé récemment l’intérêt médical et vétérinaire pour cette maladie : l’expansion de
la brucellose dans la faune sauvage, qui représente une menace pour les animaux d’élevage, l’émergence
d’infections bovines à B. melitensis, pour lesquelles l’efficacité des vaccins disponibles n’est pas établie, et
la découverte d’un nouveau réservoir, constitué par les mammifères marins, dont l’impact en santé
humaine est quasi inconnu.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Maladies infectieuses 1
8-038-A-10 ¶ Brucellose
Les Brucella ont d’abord été considérées comme agents poten- enrichi au sang, en atmosphère contenant 5 % à 10 % de CO2.
tiels de guerre bactériologique [1, 7]. Ces bactéries sont considérées L’isolement des Brucella en primoculture est lente, de quelques
comme agents incapacitants. Après la Première Guerre mondiale, jours jusqu’à cinq à six semaines en milieu solide. Les Brucella
des programmes de production d’armes bactériologiques ont été sont des bactéries aérobies strictes, catalase positive, oxydase
lancés dans de nombreux pays. La plupart de ces programmes ont habituellement positive [26]. La plupart des souches isolées en
utilisé des agents infectieux ou des produits d’origine bactérienne pathologie humaine produisent une uréase d’action rapide et
à effet létal, tels que Bacillus anthracis, Francisella tularensis, intense. Du fait d’une faible réactivité biochimique, l’identifica-
Yersinia pestis ou la toxine botulique. Les bactéries du genre tion de ces bactéries par les méthodes phénotypiques usuelles
Brucella ont été utilisées comme armes biologiques aux États- est difficile et peut parfois conduire à des erreurs d’identification
Unis, en ex-URSS et vraisemblablement en Iraq. B. suis, espèce (par exemple Moraxella phenylpyruvica en galerie d’identification
la plus pathogène chez l’homme, a été utilisée aux États-Unis API®-NE [27]).
pour la fabrication d’armes biologiques pour l’US Air Force en Le lipopolysaccharide (LPS) est l’antigène le plus
1955. Plus récemment, les Brucella ont été classées comme immunogène [28-30]. Ce LPS est caractérisé par une variation de
pathogènes potentiellement utilisables à des fins de bioterro- phase, à l’origine des phénotypes lisse (S-LPS) et rugueux
risme [8], dans la catégorie B du Center for disease control and (R-LPS). Le S-LPS est retrouvé à l’état sauvage chez la plupart des
prevention, aux États-Unis [7, 9]. espèces et biovars. B. canis et B. ovis possèdent naturellement un
R-LPS. Les chaînes latérales polysaccharidiques (antigène « O »)
du S-LPS sont constituées d’un homopolymère comprenant
■ Données bactériologiques environ 100 résidus de 4-formamido-4,6-didéoxy-D-manno-
pyranosyl, support essentiel des réactions croisées entre Brucella
Le genre Brucella est classé dans le groupe alpha des Proteo-
spp. et Yersinia enterocolitica O:9, ou plus accessoirement
bacteria et dans la famille des Rhizobiaceae [10, 11]. Sur le plan
Francisella tularensis, Vibrio cholerae O:1, Escherichia hermanii, E.
taxonomique, le genre Brucella ne comprend qu’une seule
coli O:157 et Salmonella O:30. L’immunogénicité des protéines
espèce, Brucella melitensis [5, 11-13]. Les espèces les plus proches
membranaires, périplasmiques ou cytoplasmiques, est bien
sur le plan phylogénique sont des bactéries de l’environnement,
inférieure à celle du LPS [29, 30] . Certaines protéines sont
notamment les genres Rhizobium spp. Agrobacterium spp.,
responsables de réactions sérologiques croisées entre Brucella
Ochrobactrum spp., Afipia spp., Bosea spp. L’ancienne classifica-
spp. et d’autres membres de la famille des Rhizobiales [31].
tion séparant le genre Brucella en plusieurs espèces sur la base
d’une relative spécificité du réservoir animal, bien que non
correcte sur le plan taxonomique, est toujours utilisée du fait de
son intérêt médical (Tableau 1). Parmi les espèces infectant les
mammifères terrestres, on distingue B. melitensis (moutons,
chèvres), B. abortus (bovins, ongulés sauvages), B. suis (suidés),
“ Point fort
B. ovis (ovins), B. canis (canidés) et B. neotomae (rats du désert,
Les bactéries du genre Brucella sont :
dans l’Utah, États-Unis) et au sein de certaines espèces plusieurs
biovars sont reconnus. Plus récemment, deux nouvelles espèces
• de petits coccobacilles à Gram négatif
ont été caractérisées chez des mammifères marins : B. ceti • de croissance lente (cinq à dix jours ou plus) en milieu
(cétacés, principalement dauphins), et B. pinnipedialis (pinnipè- enrichi
des : morses, otaries, phoques) [5, 17-19]. • donnant des colonies oxydase positive, catalase
Le génome des Brucella présente un ratio G + C de 58 % à positive, à activité uréasique rapide
59 %. Le plus souvent, ce génome est constitué par deux • d’identification difficile par les méthodes phéno-
chromosomes circulaires de 1,15 mégabases (Mb) et 2,1 Mb typiques
pour la souche B. melitensis 16 M [20, 21]. B. suis biovar 3 fait • plus facilement identifiées actuellement par méthode
exception, car son génome ne comprend qu’un seul chromo- moléculaire
some de 3,2 Mb [22]. Les Brucella ne possèdent pas de plasmide.
• de culture à risque, à limiter en laboratoire NSB3
Les séquences complètes des génomes de B. melitensis souche
16M [20], B. abortus souche 9-941 [23], B. abortus souche 2308 [24],
B. suis souche 1330 [25], et B. ovis souche ATCC 25840
(NC009505) sont disponibles dans GenBank. Le pouvoir pathogène des Brucella chez l’homme varie en
Les Brucella sont de petits coccobacilles à Gram négatif, fonction de l’espèce et du biovar considérés (Tableau 1). Les
mesurant 0,6 µm à 1,5 µm de long et 0,5 µm à 0,7 µm de souches de B. suis biovars 1 et 3 sont les plus virulentes chez
diamètre [26], de croissance optimale à 34 °C-35 °C, en milieu l’homme. B. melitensis est cependant responsable de la majorité
Tableau 1.
Les différentes espèces (nomenspecies) et biovars du genre Brucella, leurs caractéristiques épidémiologiques, et leur pouvoir pathogène chez l’homme [14].
(anciennement B. pinnipediae)
a
Rares cas d’infections humaines rapportés dans la littérature [15].
b
Deux cas probables de neurobrucellose, rapportés chez des patients péruviens émigrés récemment aux États-Unis [6], et un cas de spondylodiscite rapporté en
Nouvelle-Zélande [16].
2 Maladies infectieuses
Brucellose ¶ 8-038-A-10
des cas humains de brucellose dans le monde [32, 33]. B. abortus pays, comme l’Inde, sont vraisemblablement endémiques pour
présente une virulence plus atténuée. B. canis a été très rare- la brucellose, mais aucune donnée officielle concernant le
ment associé à des infections humaines, décrites principalement nombre de cas humains n’est disponible.
en Amérique (Argentine, Mexique, Sud des États-Unis). B. ovis En France, la brucellose est une maladie à déclaration
et B. neotomae sont considérées comme non pathogènes chez obligatoire [15]. La surveillance de cette zoonose est organisée
l’homme. Les espèces isolées de mammifères marins, B. ceti et depuis octobre 2002 par l’action conjointe de l’Institut de veille
B. pinnipedialis, sont considérées comme hautement pathogènes sanitaire, du Centre national de référence des Brucella (Unité des
chez l’homme, même si les cas d’infections rapportées demeu- zoonoses bactériennes, Agence française de sécurité sanitaire des
rent anecdotiques [6, 16]. En effet, deux cas d’infection humaine aliments [AFSSA]), et de son laboratoire associé (Laboratoire de
potentiellement liés à une souche de Brucella de mammifère bactériologie, Centre hospitalier universitaire de Grenoble), sous
marin ont été décrits chez deux patients péruviens présentant la tutelle du ministère de la Santé. Son incidence n’a cessé de
une atteinte neurologique [6] . Plus récemment, un cas de diminuer au cours des 30 dernières années, du fait de la
spondylodiscite due à une Brucella marine a été rapporté en vaccination systématique des animaux d’élevage et d’une
Nouvelle-Zélande [16]. surveillance vétérinaire drastique. La Commission des commu-
nautés européennes a reconnu la France comme État indemne
de brucellose bovine (statut officially brucellosis free [OBF]) en
■ Pathogénie de la brucellose 2005. Elle devrait obtenir prochainement le statut OBF pour les
ovins et caprins. La brucellose des porcins a quasi disparu dans
Les contaminations humaines par Brucella se font essentielle- les élevages extensifs. En revanche, le réservoir animal sauvage
ment par voie respiratoire et par voie digestive. L’incubation de de Brucella persiste, en particulier à B. suis biovar 2 chez les
la maladie est variable, de deux à trois semaines en moyenne à sangliers et les lièvres. L’Institut de veille sanitaire recense
plusieurs mois. La phase aiguë de la maladie correspond à une annuellement moins de 50 cas de brucellose humaine, soit une
septicémie d’origine lymphatique, au cours de laquelle les incidence inférieure à 0,1/105 habitants/an [15]. La majorité des
bactéries colonisent les cellules du système réticuloendothé- cas diagnostiqués sont importés de pays d’endémie (Portugal,
lial [29]. Cette phase correspond aux décharges bactériémiques et Espagne, Maghreb, Turquie, etc.). Les cas autochtones, rares,
se manifeste cliniquement par une fièvre classiquement ondu- sont en premier lieu des contaminations de laboratoire chez le
lante, avec myalgies, arthralgies et suées nocturnes malodoran- personnel manipulant les cultures de Brucella, très rarement des
tes (odeur de paille mouillée). Il s’agit de la phase récidives tardives d’infections anciennes, des infections récentes
sudoroalgique. Après quelques semaines d’évolution, la bacté- suite à la consommation de produits laitiers importés (parfois
riémie disparaît et la fièvre diminue, du fait du contrôle partiel illégalement) de pays d’endémie. Deux cas d’infections à B. suis
de l’infection par le système immunitaire. Cette phase subaiguë biovar 2 ont été décrits récemment chez des chasseurs exposés
est surtout caractérisée par la possible survenue de localisations à des sangliers infectés [15].
secondaires. Il s’agit le plus souvent de localisations ostéoarti-
culaires touchant le squelette axial (sacro-iléites, spondylodisci- Réservoir et modes de transmission
tes) ou d’arthrites. Ces localisations secondaires peuvent être
également neuroméningées (méningites, méningoencéphalites, Le réservoir animal des Brucella est constitué de nombreux
myélites), cardiaques (myocardites, endocardites, péricardites), mammifères terrestres, mais aussi marins. Les animaux d’élevage
hépatospléniques (granulomes), ou génitales (orchites). Les (bovins, ovins, caprins) sont la première source d’infection chez
formes chroniques se définissent de façon arbitraire par une l’homme. Il existe une spécificité d’hôte relative à chaque espèce
évolution prolongée au-delà de six mois, avec ou sans décou- (Tableau 1). Ces animaux sont souvent infectés de façon chronique
verte d’un foyer infectieux focalisé [33]. Ces formes chroniques, et essaiment les Brucella dans l’environnement par leurs fèces, leur
sensibles au traitement antibiotique spécifique, sont à différen- urines, les produits d’avortement et le lait chez les femelles.
cier des symptômes fonctionnels chroniques (dépression, L’homme peut s’infecter directement au contact des animaux
patraquerie brucellienne, etc.) observés chez certains patients, d’élevage (bovins, ovins, caprins), principalement par voie
sans signe clinique objectif, sans localisation secondaire aérienne ou plus accessoirement par voie cutanée ou conjoncti-
identifiable, insensibles au traitement antibiotique, et traités vale. Ce mode d’infection concerne principalement les personnes
autrefois par désensibilisation à la brucelline. exposées professionnellement et, de ce fait, plus souvent les
Les Brucella sont des bactéries intracellulaires facultatives du hommes que les femmes : éleveurs, travailleurs des abattoirs,
monocyte-macrophage [34]. Leur S-LPS est peu toxique pour les équarrisseurs, vétérinaires, etc. L’infection par voie indirecte est
macrophages, peu pyrogène et peu inducteur de sécrétion essentiellement digestive, après consommation de produits laitiers
d’interféron-c et de tumor necrosis factor (TNF)-a. D’autre part, à base de lait non ou mal pasteurisé provenant d’animaux
ces bactéries sécrètent un facteur empêchant l’apoptose des infectés. Ce mode de contamination prédomine dans les pays où
macrophages infectés [35]. La multiplication intracellulaire a lieu la pasteurisation du lait n’est pas systématique et concerne alors
dans un autophagosome, après inhibition de la fusion phagoly- l’ensemble de la population. Enfin, l’infection par Brucella peut
sosomiale [30]. L’acidification de la vacuole de phagocytose être accidentelle, chez le personnel de laboratoire lors de la
induit l’expression d’un système de sécrétion de type IV (VirB), manipulation des cultures de Brucella [27] ou lors de la manipu-
essentiel à la virulence des Brucella dans les modèles expérimen- lation des vaccins animaux chez les vétérinaires et éleveurs [40],
taux cellulaires ou animaux [36-38]. par inoculation transcutanée (piqûre accidentelle) ou conjonc-
tivale de la souche vaccinale. La transmission interhumaine de
la brucellose est soit inexistante, soit très secondaire [41].
■ Épidémiologie de la brucellose
■ Aspects cliniques de la brucellose
Incidence et répartition géographique La durée d’incubation de la brucellose est habituellement de
La brucellose demeure une maladie endémique dans de une à trois semaines, mais peut aller jusqu’à plusieurs mois [1,
nombreux pays du monde [39] : en Europe (Portugal, Espagne, 32, 33]. L’interrogatoire des patients suspects de brucellose doit
Sud de l’Italie, notamment la Sicile, République macédonienne, donc rechercher une exposition à risque, au moins dans l’année
Albanie et Grèce principalement), en Asie (tout le proche et le qui précède l’épisode infectieux. Les manifestations cliniques
Moyen Orient, Inde et Mongolie notamment), en Amérique peuvent apparaître brutalement (en 48 heures) ou plus progres-
centrale et du Sud (Mexique, Pérou, Argentine, Guatemala et sivement (environ une semaine). Elles sont peu spécifiques et
Panama notamment), et en Afrique (pays du Maghreb notam- très variables dans leur présentation et leur intensité. Il est
ment). L’incidence de la brucellose dépasse les 100 cas pour 105 vraisemblable que de nombreux patients infectés demeurent
habitants et par an en République macédonienne, en Iraq, en peu symptomatiques.
Iran, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Mongolie, en Arabie On distingue classiquement une phase clinique aiguë, une
Saoudite, en Syrie, au Tadjikistan, en Turquie. De nombreux phase subaiguë et une phase chronique.
Maladies infectieuses 3
8-038-A-10 ¶ Brucellose
4 Maladies infectieuses
Brucellose ¶ 8-038-A-10
Figure 4.
A. Pleuropéricardite brucellienne avec tampon-
nade, chez une patiente de 70 ans.
B. Évolution à 6 mois après drainage péricardique
et antibiothérapie durant 3 mois.
“ Point important
Dans les pays où la brucellose a été éradiquée
(notamment la France), le diagnostic bactériologique de
certitude de la brucellose repose sur :
• l’isolement en culture des Brucella sur prélèvement de
sang (hémocultures) en phase aiguë ou subaiguë de la
maladie ;
• l’isolement en culture des Brucella sur prélèvement de
suppuration ou biopsie tissulaire en phase focalisée de la
maladie.
Figure 5. Granulome épithélioïde brucellien de Bang sur une biopsie En l’absence de ces éléments, le diagnostic de brucellose
hépatique. Aspect histologique après coloration au May Grunwald peut être évoqué devant l’association :
Giemsa. Amas de cellules épithélioïdes, sans caséum. Grossissement envi- • d’un séjour en zone d’endémie de brucellose, ou d’une
ron 400. exposition professionnelle (technicien de laboratoire
ayant manipulé sciemment ou non une culture de
Brucella) ;
thrombopénie. Un syndrome inflammatoire est généralement • de signes cliniques compatibles avec une brucellose ;
présent, avec élévation franche de la protéine C réactive sérique. • de la détection des bactéries par technique
Une élévation des transaminases hépatiques peut être observée. d’amplification génique (PCR) sur prélèvement de sang
Le diagnostic est souvent aidé par les techniques d’imagerie, (sang EDTA) en phase aiguë de la maladie ou sur
notamment la scintigraphie osseuse, le scanner et l’IRM. Les prélèvement de suppuration ou biopsie tissulaire en phase
atteintes les plus caractéristiques se situent au niveau de la
focalisée ;
colonne vertébrale et du bassin : sacro-iléite (Fig. 1, 2), spondy-
lodiscite touchant préférentiellement les vertèbres lombaires
• et/ou de tests sérologiques positifs, avec séroconversion
(Fig. 3). Des abcès hépatiques ou spléniques peuvent être ou multiplication par quatre au moins des titres
visualisés, parfois évoluant vers la calcification. De nombreuses sérologiques à 15 jours d’intervalle (en tenant compte de
autres localisations sont possibles au cours des formes focalisées la fréquence des faux positifs par réactions sérologiques
de la brucellose. croisées).
Diagnostic spécifique
Le diagnostic de certitude de la brucellose repose sur l’isole- Isolement des Brucella en culture
ment en culture d’une souche de Brucella (Tableau 2). Le L’isolement d’une souche de Brucella en culture, quel que soit
diagnostic sérologique manque de sensibilité et de spécificité, le prélèvement clinique considéré, est la seule méthode capable
avec de nombreux faux positifs du fait de nombreuses réactions d’établir avec certitude un diagnostic de brucellose [26]. Toute
sérologiques croisées. Les techniques d’amplification génique suspicion de brucellose doit être impérativement signalée au
basées sur la PCR permettent parfois de pallier les limites de la laboratoire effectuant ces cultures. Les Brucella sont des agents
culture, en particulier lorsque les prélèvements pour recherche infectieux de classe 3 de risque biologique et la manipulation
Maladies infectieuses 5
8-038-A-10 ¶ Brucellose
Tableau 2.
Intérêt des différentes méthodes diagnostiques de la brucellose.
Méthode Brucellose Commentaire
Aiguë Focalisée Chronique
Culture
Hémoculture +++ + - Spécificité ± 100 % - identification de l’espèce et du biovar en cause
Myéloculture +++ ++ - Intérêt notamment si antibiothérapie préalable
Culture du foyer infectieux - ++ - Sensibilité souvent faible
Sérologie
EAT +++ + - Détecte IgG principalement - précoce - réactions croisées +++
SAW +++ + - Référence OMS - détecte IgM + IgG - réactions croisées +++
IF/Elisa ++ +++ ++ Détecte IgM et/ou IgG séparément - plus tardif/SAW - réactions
croisées +++
Amplification génique
PCR bcsp31 ++ ++ - Sensible, spécifique [49] - identification du genre
(sang, sérum) (pus, tissu)
PCR IS711 ++ ++ - Gène multicopies - détermination du biovar (AMOS PCR) [50]
des cultures de ce pathogène expose le personnel à un risque sang total, couche leucocytaire ou sérum, chez un patient traité
élevé de contagion par voie respiratoire. Ces cultures ne pour brucellose, est un marqueur fiable du risque de rechute de
devraient être manipulées qu’en laboratoire NSB3. L’isolement la maladie.
des Brucella nécessite l’utilisation de milieux enrichis (géloses au La détection de l’ADN de Brucella dans diverses suppurations
sang), un temps d’incubation prolongé (quatre à six semaines) ou biopsies tissulaires, au cours des formes focalisées de
et, pour certaines souches, une atmosphère enrichie en CO2. brucellose, est plus rare. Cette technique est cependant plus
L’isolement des Brucella est obtenu le plus souvent à partir sensible que la culture [59].
d’hémocultures. Les systèmes automatisés d’hémoculture
permettent habituellement d’isoler cette bactérie en moins de Identification et typage des Brucella
dix jours [51], mais quelques souches poussent plus lentement. Dans le cas de l’isolement d’une souche bactérienne, le genre
Il est nécessaire d’adapter la durée d’incubation des flacons Brucella peut être suspecté sur certains caractères culturaux et
d’hémoculture à trois semaines minimum en cas de suspicion biochimiques : coccobacilles à Gram négatif donnant des
de brucellose. La sensibilité du diagnostic de brucellose par colonies non hémolytiques, de croissance lente, en milieu
hémoculture est supérieure à 80 % en phase aiguë de la mala- enrichi, catalase et oxydase positives, uréase rapide. Les systèmes
die [26, 51], mais inférieure à 50 % en phase subaiguë et infé- d’identification bactérienne phénotypique utilisés couramment
rieure à 10 % en phase chronique. Beaucoup plus rarement, les dans les laboratoires de bactériologie sont mal adaptés à
Brucella peuvent être isolées d’autres prélèvements : moelle l’identification des Brucella et peuvent même conduire à de
osseuse, ganglion, os, liquide articulaire, tissu hépatique, liquide fausses identifications (par exemple Moraxella phenylpyruvica sur
céphalorachidien, végétation cardiaque, etc. La sensibilité de ces galerie API® 20 NE [27]).
cultures est habituellement faible. L’identification du genre Brucella est couramment confirmée
par utilisation d’un sérum agglutinant anti-Brucella polyvalent.
Techniques d’amplification génique L’identification phénotypique d’espèce et de biovar nécessite
Les techniques de polymerase chain reaction (PCR) [49, 52-59] et plusieurs méthodes combinées : étude de la sensibilité à certains
plus récemment de PCR en temps réel [60-62] sont les plus colorants, typage par technique de lysotypie, utilisation de
utilisées. Les gènes cibles amplifiés à titre diagnostique sont sérums agglutinants monospécifiques.
principalement le gène bcsp31 codant pour une protéine de Différentes techniques de biologie moléculaire permettent
membrane externe de 31 kDa [49, 56-59], la séquence d’insertion une identification des Brucella au niveau du genre, de l’espèce,
IS711 [50, 60, 61], dont plusieurs copies sont présentes dans le mais seulement de certains biovars. Ces techniques sont rapides
génome des Brucella et, plus récemment, le gène per codant et exposent moins le personnel au risque de brucellose acquise
pour une perosamine synthétase [63]. La plupart de ces tests PCR en laboratoire, du fait de la manipulation de bactéries inacti-
sont spécifiques de genre et ne permettent pas de déterminer vées. Le séquençage du gène codant pour l’ARN ribosomal 16S
l’espèce en cause. L’interprétation de ces tests doit être pru- ne permet qu’une identification du genre Brucella [13]. Une
dente. La présence d’inhibiteurs de l’ADN polymérase dans les identification d’espèce et de certains biovars peut être obtenue
échantillons cliniques peut conduire à de faux négatifs. Il existe par analyse de profil de restriction en champ pulsé du génome
également des faux positifs, principalement par contaminations bactérien, par amplification-séquençage du gène omp2, par
en laboratoire. technique d’amplification-hybridation (nommée AMOS PCR) ou
L’ADN des Brucella est le plus souvent amplifié à partir du par technique de PCR en temps réel [50, 52, 61] . Une seule
sang total, de la couche leucocytaire ou du sérum des patients technique de typage de souches de Brucella par analyse multi-
infectés. La sensibilité de cette technique, évaluée chez des locus de séquences d’ADN répété en tandem (MLVA) a été
patients présentant une bactériémie à Brucella spp., varie de décrite sous le terme de HOOF printing [65]. La différenciation des
60 % à plus de 80 %. Par rapport à l’hémoculture, le diagnostic espèces isolées de mammifères marins par rapport à celles
moléculaire de la brucellose par PCR sur échantillon de sang est isolées de mammifères terrestres peut être réalisée par
moins sensible, mais plus rapide (quelques heures) ; il est moins amplification-séquençage des gènes omp2a ou bp26 [6] . La
influencé par l’administration préalable d’une antibiothéra- présence d’une séquence d’insertion IS711 en aval du gène bp26
pie [49, 53, 57, 58] et il limite considérablement le risque infectieux est également considérée comme caractéristique des souches de
pour le personnel de laboratoire. La PCR sur couche leucocytaire mammifères marins [66].
après centrifugation à basse vitesse de sang recueilli sur tube
acide éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA) semble actuelle- Techniques sérologiques
ment la méthode la plus sensible [64]. Récemment, Navarro et De nombreuses techniques ont été développées pour le
al. [64] ont montré que la persistance d’une PCR positive sur diagnostic sérologique de la brucellose, notamment la technique
6 Maladies infectieuses
Brucellose ¶ 8-038-A-10
Maladies infectieuses 7
8-038-A-10 ¶ Brucellose
des cas), une fièvre Q dans un cas, et une polyarthrite rhuma- préalable. L’étude histologique des prélèvements osseux ou la
toïde dans deux cas. Dans la moitié des cas, aucun diagnostic biopsie de synoviale doit être associée aux analyses microbiolo-
alternatif n’a pu être proposé. giques en montrant un aspect évocateur.
Le diagnostic différentiel est très souvent celui d’une fièvre La brucellose peut être évoquée au niveau histopathologique.
prolongée (supérieure à 15 jours), plus ou moins élevée, L’aspect est celui d’un granulome inflammatoire à cellules
habituellement associée à des signes généraux (asthénie, géantes. Il s’agit habituellement d’une biopsie hépatique, mais
amaigrissement) et à une sudation importante. En l’absence tout autre organe peut être concerné. De multiples étiologies
d’isolement bactériologique, et malgré la présence éventuelle sont regroupées sous cet aspect, granulomes à corps étrangers,
d’un test sérologique positif, il est difficile d’asseoir avec granulomes des maladies de système, aspect granulomateux lors
certitude le diagnostic de brucellose sans avoir préalablement de certaines hémopathies et maladies infectieuses dans leur
éliminé une pathologie confondante et réuni l’ensemble des ensemble. En effet, une atteinte granulomateuse peut être
arguments cliniques et épidémiologiques en faveur d’une observée lors d’une infection bactérienne, virale, fongique ou
authentique brucellose. Toute fièvre prolongée doit bénéficier parasitaire.
d’une stratégie diagnostique morphologique (scanner X thora- En particulier, lors de lésions granulomateuses, la présence de
coabdominal, échographie cardiaque, scintigraphies, positon caséum est évocateur de tuberculose. L’œil averti de l’anatomo-
emission topography (PET) scan et prélèvements dirigés à visées pathologiste pourra orienter le diagnostic, mais c’est par des
histopathologique et biologique (tests microbiologiques, mar- colorations spécialisées (Gram, Ziehl, acide périodique Schiff
queurs d’inflammation et de maladies auto-immunes) exhaus- [PAS]), des cultures associées des prélèvements et une recherche
tifs. Les différents examens et leur chronologie seront organisés du génome (hybridation, amplification) bactérien viral ou
en fonction des signes d’orientation et des résultats déjà fongique que le diagnostic sera réalisé.
obtenus. Le diagnostic de brucellose s’intègre dans cette En pratique, en France métropolitaine en 2007, il faudra
exploration globale et, s’il ne doit pas être oublié, il ne doit pas toujours remettre en doute le diagnostic de brucellose autoch-
non plus être posé par excès. tone sur des signes cliniques compatibles associés à une
La yersiniose à Yersinia enterocolitica sérotype 0:9 reste le sérologie positive et, dans ce contexte, il est nécessaire de
diagnostic différentiel le plus fréquent. Des formes trompeuses rechercher la réelle étiologie qui devrait bénéficier d’un traite-
(fièvre prolongée et douleurs articulaires) peuvent effectivement ment spécifique. C’est lors d’un contexte épidémiologique
faire errer le diagnostic. La notion d’une scène digestive à type favorable, en l’absence d’un des diagnostics différentiels
de gastroentérite, d’un érythème noueux, d’une épidémie et une précédemment évoqués et d’un isolement bactérien négatif que
sérologie spécifique (Elisa) positive peut orienter vers ce l’on pourra alors évoquer la brucellose chez un patient présen-
diagnostic. Celui-ci peut être confirmé parfois par l’isolement tant une sérologie positive, la séroagglutination de Wright et
d’une souche de Y. enterocolitica en coproculture, en hémocul- l’immunofluorescence restant les tests de référence. On ne peut
ture ou dans un autre type de prélèvement (par exemple liquide que souligner l’intérêt d’une concertation multidisciplinaire
articulaire), qui peuvent redresser le diagnostic. (clinicien, microbiologiste et anatomopathologiste) dans ces
La fièvre Q due à Coxiella burnetii peut évoquer une brucellose diagnostics difficiles.
de primo-invasion (fièvre et cytolyse hépatique) dans un
contexte professionnel assez proche. Dans les deux cas, les
sérologies spécifiques peuvent ne pas être informatives, en ■ Traitement, prophylaxie
particulier du fait de faux négatifs en phase précoce de la
maladie. L’atteinte pulmonaire infiltrative associée à des
hémocultures négatives est évocatrice de fièvre Q. Sensibilité aux antibiotiques
La tularémie représente un faux positif classique de la
Lors de l’isolement d’une souche de Brucella, il n’est classi-
sérologie brucellienne, mais le contexte zoonotique est habi-
quement pas recommandé de réaliser un antibiogramme en
tuellement différent et, surtout, la clinique est généralement
routine, du fait de la rareté des résistances acquises et du risque
évocatrice d’une maladie d’inoculation. infectieux lié à la manipulation de ces cultures [72]. Il n’existe
Les autres infections bactériennes pouvant être responsables pas de méthode standardisée de détermination des concentra-
de faux positifs en sérodiagnostic de Wright sont généralement tions minimales inhibitrices (CMI) pour ce genre bactérien. La
bruyantes et spécifiques pour ne pas faire errer le diagnostic : réalisation de CMI nécessite l’utilisation de techniques adaptées
choléra, infection à E. coli 0:157, salmonelles du groupe D. aux exigences de croissance de ce pathogène.
La primo-infection à cytomégalovirus (CMV) du sujet sain est Les CMI réalisées in vitro, en milieu acellulaire, montrent que
facile à reconnaître. Ce diagnostic ayant été évoqué, la présence les antibiotiques les plus actifs sont les aminosides, comme la
d’une pharyngite et de petites adénopathies pouvant orienter streptomycine et la gentamicine, la rifampicine, les tétracyclines
vers ce diagnostic, que la sérologie spécifique et, surtout, la et les fluoroquinolones [2, 73, 74]. Les aminosides et la rifampi-
recherche du génome viral par PCR dans le sang confirmeront. cine ont une activité bactéricide [2]. L’activité du cotrimoxazole
En dernier lieu, lors de certaines maladies auto-immunes, varie en fonction des souches testées et de la technique utili-
essentiellement le lupus et la polyarthrite rhumatoïde, de faux sée [73]. Les macrolides sont peu actifs, l’azithromycine présen-
positifs de la sérologie brucellienne sont classiquement décrits. tant les CMI les plus basses (CMI90 = 0,5-2 mg/l) [75, 76]. Le
Il est là encore facile de redresser le diagnostic sur les critères chloramphénicol est peu actif [73]. Les Brucella sont sensibles in
cliniques de ces maladies et sur l’expertise biologique vitro aux céphalosporines de troisième génération (céfotaxime,
auto-immune. ceftriaxone) et à l’imipénème [2, 73, 77, 78], mais ces antibiotiques
La brucellose doit être évoquée lors d’atteinte focale, surve- n’ont pas d’intérêt clinique.
nant parfois à distance de la primo-invasion. Les hémocultures Les résistances acquises aux antibiotiques chez Brucella sont
sont habituellement négatives au cours de ces formes subaiguës vraisemblablement rares, de mécanismes mal connus et de
et chroniques. Il s’agit notamment des infections ostéoarticulai- description récente [2]. Il est aisé de sélectionner in vitro des
res (monoarthrites aiguës inflammatoires ou suppurées, sacro- mutants résistants à la rifampicine [79]. Parmi les souches isolées
iléites, spondylodiscites). Lors de formes subaiguës ou en clinique humaine, on note une variabilité des CMI, surtout
chroniques, la tuberculose ostéoarticulaire doit être systémati- pour le cotrimoxazole [78] et la rifampicine [80]. Pour le cotri-
quement évoquée. D’autres atteintes viscérales soulèvent ce moxazole, des niveaux élevés de résistance ont été décrits
problème de diagnostic différentiel : orchiépidydimite, ménin- récemment en Arabie Saoudite [81]. D’autre part, al-Sibai et
gite à liquide clair, hépatite non virale, rarement endocardite al. [82] ont rapporté l’isolement d’une souche résistante à la
infectieuse à hémoculture négative. Dans ces situations clini- ciprofloxacine chez un patient traité par cet antibiotique. Ces
ques, l’examen microbiologique des prélèvements dirigés ou des données récentes justifient la surveillance de la sensibilité aux
liquides biologiques permet, dans plus de 80 % des cas, de faire antibiotiques des Brucella au niveau des laboratoires de réfé-
un diagnostic précis en l’absence de traitement antibiotique rence.
8 Maladies infectieuses
Brucellose ¶ 8-038-A-10
Les Brucella sont des bactéries intracellulaires facultatives. est considérée comme supérieure à celle doxycycline-
Elles ont pour cible essentielle les monocytes et macrophages, rifampicine [91-94] . Le traitement des spondylodiscites peut
dans lesquels elles se multiplient à l’intérieur de phagosomes parfois nécessiter une cure chirurgicale, notamment en cas de
acides. L’acidité de milieu intracellulaire modifie vraisemblable- déficit neurologique [43]. L’utilisation d’une fluoroquinolone
ment l’activité des antibiotiques. En effet, Akova et al. [83] ont associée à la rifampicine a été suggérée au cours des neurobru-
montré qu’à pH5, seule la doxycycline et la rifampicine conser- celloses, du fait de la bonne pénétration de ces antibiotiques
vent leur activité bactériostatique vis-à-vis des Brucella, alors que dans le liquide céphalorachidien. Le traitement de l’endocardite
la streptomycine, les macrolides ou les fluoroquinolones sont brucellienne associe habituellement deux à trois antibiotiques
inactivés. actifs, pendant une durée globale de deux à trois mois. L’éten-
Chez la souris ou le cobaye infectés par B. abortus, les due des lésions valvulaires peut nécessiter parfois une chirurgie
aminosides (streptomycine), les tétracyclines et la rifampicine cardiaque pour remplacement valvulaire [100].
sont efficaces [2, 84]. En revanche, les fluoroquinolones sont
inactives chez l’animal en monothérapie [84].
Traitement de la brucellose
La brucellose se caractérise par une évolution clinique
“ Point important
souvent prolongée sur plusieurs semaines ou mois, par la
survenue de complications, notamment de localisations septi- Traitement antibiotique de la brucellose
ques secondaires qui font la gravité de la maladie, et la possibi- • Il repose sur une association de deux antibiotiques
lité d’évolution vers une infection latente, pouvant récidiver minimum, classiquement la doxycycline associée à la
précocement ou au contraire plusieurs années après la contami- rifampicine, ou plus rarement à un aminoside (la
nation. L’objectif du traitement de la brucellose est donc à la streptomycine ou plus souvent la gentamicine
fois de faire disparaître les manifestations cliniques, d’éviter la actuellement) :
survenue de formes focalisées et d’éviter les rechutes précoces
C pendant une période minimale de six semaines en
ou tardives. Les données cliniques ont permis de définir
quelques règles de bases, qui se vérifient actuellement quel que phase aiguë et subaiguë non focalisée ;
soit le traitement antibiotique administré. Ce traitement C pendant une période minimale de trois mois en cas
antibiotique doit associer deux molécules actives, pendant une de forme focalisée.
période minimum de six semaines [2, 85-87]. L’administration • Il est associé éventuellement à un traitement chirurgical
d’un traitement antibiotique en monothérapie et/ou une durée (cure chirurgicale d’une endocardite, d’une
d’antibiothérapie inférieure s’accompagnent d’un nombre élevé spondylodiscite, etc.).
d’échecs thérapeutiques ou de rechutes à l’arrêt du • L’efficacité du traitement est évaluée sur la clinique et la
traitement [88-91]. paraclinique, aucun test bactériologique n’étant
Le traitement de référence au cours de la brucellose aiguë ou réellement prédictif (intérêt potentiel de la PCR sur sang).
subaiguë non focalisée correspond à l’administration de la
doxycycline (200 mg/j per os en une à deux fois) pendant une
durée minimale de six semaines, associée soit à la rifampicine
(600 mg/j à 900 mg/j) pendant six semaines, soit à un amino- Prophylaxie de la brucellose
side (streptomycine, 1 g/j en injection intramusculaire pendant
les deux premières semaines ou actuellement la gentamicine, La prévention des infections humaines à Brucella dans la
5 mg/kg/j, en une injection journalière pendant les sept à dix population générale dépend principalement du contrôle de
premiers jours) [91-94] . La doxycycline, comme toutes les l’infection au niveau du réservoir animal domestique et de la
tétracyclines, est contre-indiquée chez l’enfant avant huit ans, pasteurisation du lait [14]. L’éradication de la brucellose des
du fait du risque de coloration dentaire définitive et d’hypopla- bovins, ovins et caprins a été obtenue dans plusieurs pays
sie de l’émail dentaire, et chez la femme enceinte, du fait du européens, dont la France, à la fois par la vaccination systéma-
risque de retard de croissance osseuse chez le fœtus. Les tique de ces animaux et par un contrôle vétérinaire strict des
aminosides exposent au risque de toxicité cochléovestibulaire. troupeaux, avec dépistage sérologique et abattage des animaux
Récemment, l’association d’une fluoroquinolone à la rifampi- infectés. Il existe plusieurs vaccins atténués efficaces chez
cine s’est avérée aussi efficace que celle de la doxycycline à la l’animal : B. abortus souche S19 ou souche RB51 pour la
rifampicine [95, 96] . L’utilisation d’une fluoroquinolone est vaccination des bovins, B. melitensis souche Rev1 pour la
cependant déconseillée actuellement en première intention [97], vaccination des ovins et caprins. En France, la vaccination a été
du fait notamment d’une absence d’activité bactéricide in vivo rendue obligatoire en 1975 pour les bovins, en 1977 pour les
et du fait du risque potentiel de sélectionner des mutants caprins et en 1981 pour les ovins [14]. La diminution franche de
résistants à ces antibiotiques. Les fluoroquinolones sont égale- l’endémie brucellienne chez ces animaux d’élevage a permis
ment contre-indiquées chez l’enfant et chez la femme enceinte récemment de stopper cette vaccination systématique, tout en
du fait de leur toxicité ostéoarticulaire potentielle. maintenant une surveillance vétérinaire stricte des troupeaux.
Chez l’enfant avant huit ans, le cotrimoxazole (80 mg de La prophylaxie de la brucellose humaine correspond également
triméthoprim/kg 2 fois par jour pendant six semaines) peut être au contrôle des infections d’origine alimentaire, principalement
associé à la streptomycine (30 mg/kg/j, en une injection par la pasteurisation du lait. Celle-ci date de 1955 en France.
intramusculaire par jour, pendant trois semaines), à la gentami- La brucellose peut être reconnue maladie professionnelle chez
cine (5 mg/kg/j, en une injection intramusculaire par jour les éleveurs, les agriculteurs, les vétérinaires, les travailleurs des
pendant sept jours) ou à la rifampicine (15 mg/kg/j pendant six abattoirs et les personnels des laboratoires réalisant la culture de
semaines) [85, 94, 98, 99]. En cas d’intolérance au cotrimoxazole, ce pathogène. La prévention de la brucellose chez les personnes
l’association de la rifampicine à un aminoside est également au contact direct d’animaux potentiellement infectés nécessite
possible. Chez la femme enceinte, le cotrimoxazole est habi- des mesures spécifiques de protection évitant la contamination
tuellement utilisé en première intention, seul ou en association par voie respiratoire, cutanée ou conjonctivale. La contamina-
avec la rifampicine [85]. tion peut être également accidentelle, chez les personnels de
Le traitement antibiotique des formes cliniques focalisées laboratoire lors de la manipulation de cultures de Brucella [27] ou
et/ou chroniques repose sur les mêmes associations d’antibioti- chez les éleveurs et les vétérinaires lors de la vaccination des
ques, mais une durée de traitement de trois mois minimum à animaux [40] . En effet, les souches vaccinales utilisées chez
plus de six mois [85]. Le traitement optimum de ces formes reste l’animal sont pathogènes pour l’homme. En France, du fait de
à définir. Concernant les localisations osseuses, deux antibioti- l’éradication de la brucellose animale, les personnels de labora-
ques actifs sont habituellement associés pour une période toire constituent la catégorie professionnelle la plus exposée
minimale de trois mois [43]. L’association doxycycline-aminoside actuellement. La contamination a lieu habituellement lors de la
Maladies infectieuses 9
8-038-A-10 ¶ Brucellose
manipulation des repiquages d’hémocultures prélevées chez des [20] DelVecchio VG, Kapatral V, Redkar RJ, Patra G, Mujer C, Los T, et al.
patients présentant une brucellose au retour d’un pays d’endé- The genome sequence of the facultative intracellular pathogen Brucella
mie, l’identification fastidieuse de la bactérie pouvant prolonger melitensis. Proc Natl Acad Sci USA 2002;99:443-8.
d’autant l’exposition du personnel. Il est nécessaire de sensibi- [21] Michaux S, Paillisson J, Carles-Nurit MJ, Bourg G,Allardet-ServentA,
liser à nouveau cliniciens et biologistes à ce risque infectieux Ramuz M. Presence of two independant chromosomes in the Brucella
rare, mais persistant. melitensis genome. J Bacteriol 1993;175:701-5.
En cas d’exposition avérée à Brucella, l’administration pro- [22] Jumas-Bilak E, Michaux-Charachon S, Bourg G, O’Callaghan D,
phylactique de doxycycline (200 mg/j) associée à la rifampicine Ramuz M. Différences in chromosome number and genome
(600 mg/j) pendant au moins trois semaine a été recommandée rearrangements in the genus Brucella. Mol Microbiol 1998;27:99-106.
récemment [27] . Le cotrimoxazole (160/800 mg 2 fois/j de [23] Halling SM, Peterson-Burch BD, Bricker BJ, Zuerner RL, Qing Z,
triméthoprime/sulfaméthoxazole) est préconisé pendant trois Li LL, et al. Completion of the genome sequence of Brucella abortus
semaines chez la femme enceinte. Dans tous les cas, un suivi and comparison to the highly similar genomes of Brucella melitensis
sérologique prolongé (trois mois minimum) est recommandé. Il and Brucella suis. J Bacteriol 2005;187:2715-26.
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n’existe pas à ce jour de vaccin efficace et bien toléré chez
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vaccins peptidiques ou à ADN, permettent d’espérer le dévelop-
[25] Paulsen I, Seshadri R, Nelson KE, Eisen JA, Heidelberg JF, Read TD,
pement prochain de nouveaux vaccins efficaces chez l’homme.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Maurin M., Brion J.-P. Brucellose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-038-A-10,
2009.
12 Maladies infectieuses
4-1151
Borréliose de Lyme
S. Sunder, L. Bernard
La borréliose de Lyme est une infection due à Borrelia burgdorferi senso lato transmise par les tiques
du genre Ixodes. Son incidence est globalement rare, mais il existe des zones d’endémie élevée, notam-
ment en Europe de l’Est et en Alsace et Lorraine en France. La phase précoce localisée de l’infection est
l’érythème migrant (EM). La phase de dissémination précoce est dominée par les manifestations neuro-
logiques en Europe (méningoradiculite, méningite, etc.) et par les manifestations rhumatologiques aux
États-Unis (arthrite). La phase de dissémination tardive, exceptionnelle, comprend des manifestations
neurologiques (encéphalomyélite chronique), articulaires (arthrite chronique) et dermatologiques (acro-
dermatite chronique atrophiante). Le diagnostic repose sur la présentation clinique et les résultats de la
sérologie, avec notamment la recherche de synthèse intrathécale d’immunoglobulines G spécifiques dans
les neuroborrélioses. Les traitements antibiotiques sont dans la grande majorité des cas efficaces.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction
Microbiologie
La borréliose de Lyme est une anthropozoonose transmise par
piqûre de tique due à une bactérie du genre Borrelia (B.). Il s’agit B. burgdorferi sl appartient à l’ordre des Spirochetales et au genre
de la principale pathologie infectieuse transmise par les tiques en Borrelia. La bactérie mesure 20 à 30 m de long. Elle est dotée de
Amérique du Nord et en Europe. flagelles lui conférant une grande mobilité.
Ixodes ricinus et
Ixodes persulcatus
Ixodes
persulcatus
Ixodes Ixodes
pacificus scapularis Ixodes
ricinus
Le complexe B. burgdorferi sl comprend plusieurs espèces, parmi Ces facteurs environnementaux expliquent la distribution sai-
lesquelles certaines sont pathogènes pour l’homme. sonnière des cas d’érythème chronique migrant (ECM) chez
Aux États-Unis, la seule espèce responsable de borréliose est l’homme, qui surviennent essentiellement aux mois de juin et
B. burgdorferi sensu stricto (ss). juillet ainsi qu’au début de l’automne. Les deux tranches d’âges
En Europe, plusieurs espèces sont pathogènes : B. afzelii, qui sont les plus touchées sont les 5–14 ans et les 50–64 ans (pra-
B. garinii et moins fréquemment B. burgdorferi ss. D’autres tiquant plus d’activité en plein air) [9] .
espèces potentiellement pathogènes sont également présentes :
B. bavariensis et B. spielmanii, B. valaisiana et B. lusitaniae.
En Asie, seules les espèces pathogènes B. afzelii, B. garinii sont Physiopathologie de l’infection
retrouvées.
Le portage de B. burgdorferi sl par les tiques du genre Ixodes se
D’autres espèces sont non pathogènes pour l’homme
situe au niveau des glandes salivaires. Le risque de transmission
(B. japonica, B. janukii, B. turdae, B. sinica, B. andersonii) [4] .
de la bactérie en cas de piqûre par une tique infectée augmente
avec le temps d’exposition. Il est faible avant 72 heures, mais
une transmission de B. afzelii est possible à partir de huit heures
Épidémiologie d’exposition.
L’ECM est la manifestation clinique de la phase d’invasion cuta-
née de B. burgdorferi (quelle que soit l’espèce pathogène).
Les données épidémiologiques de la borréliose de Lyme sont L’atteinte systémique survient suite à la diffusion de la bactérie
très disparates, du fait de l’absence de système de surveillance par voie hématogène. Toutes les espèces du complexe B. burgdorferi
commun. sl n’ont pas le même tropisme de diffusion systémique. Ainsi,
Aux États-Unis, l’incidence annuelle nationale était esti- B. burgdorferi ss est plus fréquemment associée à des atteintes arti-
mée à 7,8 cas pour 100 000 habitants en 2011, avec dans le culaires, B. garinii a un tropisme méningé (neuroborrélioses) et
nord-ouest des incidences annuelles entre 30 et 80 cas pour B. afzelii est pourvoyeuse d’acrodermatite chronique atrophiante
100 000 habitants [5] . (ACA). Les manifestations cliniques des borrélioses de Lyme sont
En Europe, les taux d’incidence annuels varient beaucoup en plus variées en Europe qu’en Amérique du Nord.
fonction des pays, avec un gradient est-ouest (de moins d’un cas L’immunodépression, notamment l’infection par le virus de
pour 100 000 habitants en Italie et au Portugal à 100–200 pour l’immunodéficience humaine (VIH), ne semble pas être un facteur
100 000 habitants en Autriche et en Slovénie) [6] . influant sur l’évolution de la maladie primaire. Peu de données
En France, l’incidence nationale a été estimée à 9,4 cas pour sont disponibles concernant l’impact de l’immunodéficience sur
100 000 habitants, mais il existe de grandes disparités régionales, l’évolution des stades plus tardifs [3] .
avec un pic d’incidence en Alsace (200 cas pour 100 000 habitants
par an). Cette grande disparité dans la répartition des cas
s’explique par l’exposition plus ou moins importante de la popu-
lation aux Ixodes, exprimée par la corrélation entre le nombre
Manifestations cliniques
de cas humains et la densité de nymphe infectée au kilo- et paracliniques
mètre carré. Dans les pays où l’incidence de la borréliose de
Lyme est très faible, on peut ainsi trouver des foyers hyper Les manifestations de la borréliose de Lyme se distinguent en
endémiques [7] . trois phases : deux précoces et une tardive.
Plusieurs déterminants influent sur ces paramètres : le climat,
l’importance du réservoir sauvage (rongeurs, écureuils, petits Infection précoce localisée : phase primaire
oiseaux), la facilité pour les tiques de trouver à se nourrir (pré-
sence de cervidés), la proximité de l’habitat humain et la pratique L’ECM en constitue la manifestation principale. Il survient dans
d’activités en plein air (professionnels ou loisirs) [8] . environ 70 à 80 % des cas. Son aspect très caractéristique et sa
spécificité élevée permettent de poser le diagnostic de borréliose. • névrite optique : cause rare de neuropathie optique, mais pro-
Il apparaît en moyenne sept à 14 jours après la piqûre de tique bablement sous-estimée car peu recherchée ;
(en règle plus de 24 h, maximum 180 j). Il se présente sous la • atteintes cérébrovasculaires (1 % des neuroborrélioses) : acci-
forme d’une macule érythémateuse ou bleu rouge, d’extension dent vasculaire cérébral touchant volontiers les noyaux gris
centrifuge, gagnant quelques millimètres par jour en Europe centraux, le système vertébrobasilaire ou les régions sous-
(extension un peu plus rapide en Amérique du Nord), mesurant corticales [11, 12] .
de quelques centimètres à parfois plus de 30 cm, avec un aspect Quelle que soit la manifestation neurologique, la recherche
allant en s’éclaircissant par le centre (caractéristique inconstante). d’une méningite à prédominance lymphocytaire (parfois très
Les borrélies se trouvent au niveau du front de progression de la discrète) est essentielle au diagnostic. La protéinorachie est aug-
lésion (zone à biopsier si volonté de mise en culture). mentée, aux alentours de 1 g/l dans les méningoradiculites et
Des formes atypiques ont été décrites (squameuses, centre méningites, un peu plus faible dans les encéphalites. La glyco-
bleuté, plusieurs anneaux concentriques donnant un aspect de rachie est le plus souvent normale, mais peut également être
cocarde, lésion purpurique, lésion ulcérée, lésion bulleuse). En abaissée, devant alors faire éliminer une tuberculose neuroménin-
général, l’ECM n’est pas source de signes fonctionnels ou géné- gée.
raux.
Plusieurs ECM peuvent survenir chez le même patient (ECM
multiple). Cette présentation est rare en Europe (environ 3–4 % Manifestations rhumatologiques
des ECM), mais elle est plus fréquente en Amérique du Nord. Ceci B. burgdorferi ss étant la seule espèce présente en Amé-
traduit la diffusion hématogène de la bactérie. Les signes généraux rique du Nord, l’arthrite y est la manifestation secondaire
sont alors plus fréquents [10] . la plus fréquente, survenant dans plus de 50 % des cas non
traités. En Europe, cette manifestation est plus rare (7–20 %
des borrélioses). Elle survient quelques semaines ou mois
Infection précoce disséminée : phase après la piqûre. La présentation habituelle est une monoar-
thrite touchant une grosse articulation (le plus souvent genou,
secondaire coude et cheville), d’apparition brusque, évoluant sans trai-
La phase secondaire de l’infection correspond à la dissémina- tement par poussées de quelques jours à quelques semaines,
tion hématogène de la bactérie, dans les jours à semaines suivant entrecoupées par des périodes de rémission plus ou moins
la piqûre. Elle peut survenir sans ECM, ou bien de façon conco- complètes. Des cas d’oligoarthrites asymétriques, touchant prin-
mitante. cipalement les membres inférieurs, ont été également décrits.
Des formes atypiques sont également rapportées (ténosynovites,
bursites, arthrites temporomandibulaires, arthrites pseudorhu-
Neuroborréliose précoce matoïdes touchant les petites articulations des mains). Les
radiographies des articulations n’ont que peu d’intérêt à ce
B. garinii étant un des principaux agents de la borréliose de
stade [13] .
Lyme en Europe, les complications neurologiques y sont donc
plus fréquentes (16–46 % des patients) qu’aux États-Unis (8 %).
Un antécédent de piqûre de tique ou d’ECM est retrouvé chez Manifestations cutanées
moins d’un patient sur deux.
La principale manifestation est la méningoradiculite, survenant Outre l’ECM multiple, pouvant être considéré comme une
en moyenne trois semaines après la piqûre. Elle se présente clas- manifestation précoce disséminée de l’infection, l’autre mani-
siquement initialement sous une forme sensitive, puis dans les festation cutanée secondaire est le lymphocytome borrélien (LB)
deux semaines suivantes apparaît une parésie (survenant fréquem- ou lymphocytome cutané bénin (LCB). Principalement lié aux
ment dans la zone de l’ECM). On peut observer trois types de infections par B. afzelii et moins fréquemment B. garinii, il est
méningoradiculites : presque uniquement observé en Europe. Il survient chez 2 %
• spinales : radiculalgies (isolées dans 30 % des cas), sans topogra- des adultes et 7 % des enfants atteints de borréliose, quelques
phie radiculaire stricte, pouvant s’accompagner d’hypoesthésie semaines ou mois après la piqûre de tique. Il s’agit d’un nodule
ou dysesthésie, avec un déficit moteur survenant dans environ ou d’une plaque dermique érythémateuse ou violacée, mesu-
70 % des cas, avec ou sans perturbation des réflexes ostéotendi- rant de 1 à 5 cm, localisé principalement au mamelon chez
neux ; l’adulte ou au lobule de l’oreille chez l’enfant. L’examen histo-
• crâniennes : atteinte des paires crâniennes, se manifestant par pathologique met en évidence un nodule dermique constitué
une paralysie faciale dans plus de 90 % des cas, unilatérale dans par un infiltrat lymphocytaire dense, souvent fait de follicules
deux tiers des cas ; lymphocytaires (mixte, à prédominance B) bien délimités avec
• craniospinales (plus de 50 % des cas). des centres germinatifs. Parfois, le LB peut mimer un lym-
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut mon- phome B cutané et le diagnostic différentiel histopathologique
trer une prise de contraste des nerfs crâniens ou spinaux. peut ne pas être possible. L’évolution se fait d’un seul tenant
L’électromyogramme (EMG) retrouve une atteinte axonale. ou par poussées, avec une régression en plusieurs mois ou
Les neuroborrélioses précoces peuvent également se manifester années [10] .
sous d’autres formes :
• méningite aiguë isolée : syndrome méningé moins marqué que
dans les méningites purulentes, le plus souvent sans fièvre, tou-
Manifestations cardiaques
chant préférentiellement les enfants, pouvant se chroniciser ; Les manifestations myocardiques de la borréliose de Lyme ou
• myélite aiguë (5 % des cas de neuroborréliose) : souvent associée cardite de Lyme sont rares (5 % des patients américains non
à une méningoradiculite, syndrome médullaire avec paraparé- traités, 0,3 à 4 % des patients au stade de dissémination en
sie, ataxie proprioceptive et troubles urinaires. Le plus souvent Europe). Elles surviennent quatre à huit semaines après la piqûre.
visualisée à l’IRM, concernant plus de trois métamères, tou- Elles se manifestent sous la forme de troubles de la conduc-
chant principalement la région cervicale ; tion auriculoventriculaire, le plus souvent bénins, intermittents
• encéphalite aiguë (0,5 à 8 % des cas de neuroborréliose) : et spontanément régressifs. De rares patients développent des
peuvent s’associer, par ordre de fréquence décroissant, troubles troubles de conduction du deuxième ou troisième degré, poten-
de l’humeur, troubles mnésiques, désorientation temporo- tiellement responsables de syncope, pouvant nécessiter la pose
spatiale, troubles du sommeil, céphalées, ataxie cérébelleuse, d’un pacemaker. Des cas de myopéricardites sont rapportés,
syndrome extrapyramidal asymétrique, hémiparésie, troubles souvent infracliniques et révélés par des troubles de la repolarisa-
de la conscience. L’électroencéphalogramme (EEG) est patho- tion, parfois symptomatiques et exceptionnellement responsables
logique. L’IRM cérébrale est normale dans plus de 70 % des d’une mort subite. Un cas d’endocardite a récemment été
cas ; décrit [13] .
Tableau 1.
Indications et résultats des examens complémentaires en fonction de la présentation clinique.
Forme clinique Indication et résultat des examens essentiels Examens optionnels
au diagnostic
Érythème migrant Aucun Aucun
Neuroborréliose précoce Réaction cellulaire lymphocytaire dans le LCS Culture et PCR du LCS
et/ou hyperprotéinorachie Séroconversion ou ascension du titre sérique d’IgG
Sérologie positive dans le LCS, parfois retardée
dans le sang
Synthèse intrathécale d’IgG spécifiques
Arthrite Sérologie positive dans le sang avec IgG élevées Culture et PCR sur liquide et/ou liquide synovial
Liquide articulaire inflammatoire
Lymphocytome borrélien Aspect histologique du lymphocytome Culture et PCR de biopsie cutanée
Sérologie positive (sang)
Atteinte cardiaque Sérologie positive (sang) Avis spécialisé
Culture et PCR sur prélèvement myocardique ou de valve
Neuroborréliose tardive Synthèse intrathécale d’IgG spécifiques Culture et PCR du LCS
Acrodermatite chronique atrophiante Aspect histologique en faveur Culture et PCR du prélèvement cutané
Sérologie positive avec titre élevé d’IgG
Atteintes oculaires Sérologie positive Sur avis spécialisé
Avis spécialisé
Approche sérologique commune à toutes • calcul de l’index d’anticorps spécifiques (en laboratoire spé-
cialisé, il s’agit d’un dosage comparatif entre sérum et LCS à
les formes de borréliose une concentration fixe d’Ig) : rapport du quotient d’anticorps
Dépistage par sérologie « enzyme-linked spécifiques (IgG spécifiques LCS/IgG spécifiques sérum) sur le
quotient d’IgG (IgG totales LCS/IgG totales sérum). Un index
immunosorbent assay » (Elisa) sur prélèvement supérieur à 2 traduit une synthèse intrathécale d’anticorps. La
sanguin sensibilité de cet index dans la neuroborréliose est de 75 % et
Cette méthode de diagnostic indirect cherche à mettre en évi- sa spécificité de 97 % [4, 18] .
dence des anticorps spécifiques dirigés contre B. burgdorferi sl par
méthode immunoenzymatique. Les tests de dernière génération
sont plus sensibles, notamment pour les phases précoces de la Biologie moléculaire
maladie. Les immunoglobulines M (IgM) sont détectables quatre
à six semaines après le contage, la séroconversion IgG survenant Les techniques d’amplification génétique par polymerase chain
deux à trois semaines après. De nombreux kits de réactifs de dépis- reaction (PCR) permettent la mise en évidence directe du génome
tage sont commercialisés, dont les performances sont variables. de la bactérie. En France, cette technique est réalisée par le Centre
La sensibilité de 11 tests dans une étude française variait de 21 à national de référence de Strasbourg. Sur biopsie cutanée, sa sen-
98 % pour les IgG, et la spécificité variait de 69 à 99 % pour les sibilité est de 60 à 70 % dans l’ECM et de 76 % dans l’ACA. Sur
IgG et de 70 à 100 % pour les IgM. Ainsi, une sérologie n’est pas prélèvement de synoviale, sa sensibilité dans l’arthrite est de 60 à
recommandée en l’absence de situation clinique évocatrice de bor- 83 % (sensibilité inférieure sur le liquide articulaire). Sa sensibilité
réliose, notamment dans le cadre d’un bilan de santé systématique sur le LCS et dans le plasma est moins bonne, avec une sensibilité
(nombreux faux négatifs et faux positifs). inférieure à 40 et 15 % respectivement. L’importance de la cytolo-
Pour qu’un test soit fiable, une spécificité de 90 % est exigée, et gie du LCS, l’ancienneté des symptômes, la prise d’antibiotiques
la sensibilité du test doit être établie pour chacune des principales sont des facteurs pouvant modifier la sensibilité [4] .
formes cliniques.
En cas de positivité du test Elisa, une confirmation par tech-
nique d’immunoempreinte doit être réalisée, notamment en cas Culture de Borrelia burgdorferi
de résultat douteux.
La mise en culture de liquides (LCS, liquide synovial ou plasma)
ou de tissus (biopsie cutanée ou synoviale) nécessite un ense-
Confirmation par immunoempreinte mencement sur milieux spécifiques. Le délai de positivité est en
moyenne de dix à 20 jours ; les prélèvements doivent être gardés
(western blot) en culture 8 semaines. Sa sensibilité est de 50 à 80 % sur biopsie
Cette technique consiste à séparer les différents antigènes de d’ECM, 60 % sur biopsie d’ACA, de 24 % sur biopsie de LB et de
B. burgdorferi sl en fonction de leur poids moléculaire par électro- 10 % sur le LCS. Les données sont manquantes concernant les
phorèse sur gel et à les révéler par immunofluorescence. prélèvements articulaires [4] .
Les différents coffrets commerciaux doivent remplir des critères Les stratégies diagnostiques en fonction du stade de la maladie
de performance, avec notamment une spécificité de plus de 95 % sont présentées dans le Tableau 1[4] .
et une sensibilité spécifiée pour chacune des formes cliniques [4] .
Traitements
Approche sérologique spécifique du liquide
cérébrospinal En l’absence de traitement, l’ECM évolue en quelques semaines
ou mois vers la guérison, mais la survenue d’une forme disséminée
La mise en évidence d’une synthèse intrathécale d’anticorps est possible. L’objectif du traitement à ce stade est donc double :
spécifiques de B. burgdorferi sl a été démontrée comme hautement • diminuer la durée des symptômes ;
spécifique dans les neuroborrélioses. Elle peut être démontrée de • empêcher la dissémination de la bactérie.
deux façons : L’objectif du traitement des phases disséminées aiguës et tar-
• sérologie positive dans le LCS et négative dans le sérum ; dives est l’éradication de la bactérie et la guérison des symptômes.
Tableau 2.
Traitements de la phase primaire (érythème migrant [EM]).
Molécule Posologie Durée
Adulte
Première intention Amoxicilline 1 g × 3/j 14 jours a
ou
doxycycline b 100 mg × 2/j
Deuxième intention Céfuroxime–axétil 500 mg × 2/j 14 jours a
Troisième intention ou contre-indication Azithromycine c 500 × 1/j 10 jours
aux première et deuxième
Enfants
Première ligne Amoxicilline 50 mg/kg/j en trois prises 14 jours
ou
doxycycline d 4 mg/kg/j en deux prises
Deuxième ligne Céfuroxime–axétil 30 mg/kg/j en deux prises 14 jours
Troisième ligne Azithromycine 20 mg/kg/j en une prise 10 jours
a
En cas d’EM multiple ou de signes généraux ou extracutanés, la durée de traitement est de 21 jours (phase primosecondaire).
b
Contre-indiqué en cas de grossesse ou d’allaitement.
c
Possible à partir du deuxième trimestre de grossesse.
d
Contre-indiquée avant 8 ans.
Tableau 3.
Traitements des phases secondaires et tertiaires.
Situation clinique Première intention Deuxième intention Durée
Paralysie faciale isolée Doxycycline per os 200 mg/j a 14–21 jours
ou amoxicilline per os 1 g × 3/j b
ou ceftriaxone i.v. 2 g/j c
Autres formes de neuroborréliose Ceftriaxone i.v. 2 g/j Pénicilline G i.v. 18–24 MUI/j 21–28 jours
ou doxycycline per os 200 mg/j
Arthrites aiguës Doxycycline per os 200 mg/j Amoxicilline per os 1 g × 3/j 21–28 jours
Arthrites récidivantes ou chroniques Doxycycline per os 200 mg/j 30–90 jours
i.v. : intraveineux.
a
Chez l’enfant : contre-indiqué avant 8 ans ; 4 mg/kg par jour en deux prises (maximum 200 mg).
b
Chez l’enfant : 50 mg/kg par jour en trois prises (maximum 3 g).
c
Chez l’enfant : 75 à 100 mg/kg par jour (maximum 2 g).
d
Si lymphocytome borrélien de grande taille, privilégier 21 jours de traitement.
e
Sur avis spécialisé.
Les classes d’antibiotiques utilisées dans le traitement de la bor- prospective et randomisée a démontré la non-infériorité à court et
réliose de Lyme, infection à spirochète, sont : long terme de la doxycycline pendant dix jours versus 15 jours [19] .
• les bêtalactamines : pénicilline G, amoxicilline, ceftriaxone, Une autre étude rétrospective américaine retrouvait une effica-
céfuroxime–axétil (pas d’autorisation de mise sur le marché cité comparable pour des durées d’antibiothérapie (doxycycline
[AMM] dans cette indication, à réserver en cas de contre- ou amoxicilline principalement) de dix jours ou moins, 11 à
indication aux cyclines et allergie à l’amoxicilline sans allergie 15 jours et plus de 15 jours, chez des patients atteints principa-
croisée aux céphalosporines) ; lement d’ECM simple ou multiple [15] . La persistance des signes
• les cyclines : doxycycline. La minocycline est mentionnée dans d’EM à la fin du traitement ne signe pas l’échec de celui-ci (déca-
la conférence de consensus de la Société de pathologie infec- lage fréquent entre la disparition des symptômes et l’éradication
tieuse de langue française (SPILF), mais son usage est déconseillé de la bactérie). Des cas de nouvel ECM ont été rapportés, surve-
du fait du risque de la survenue de toxidermie sévère (drug reac- nant chez des patients déjà traités. Ils sont plus souvent liés à des
tion (rash) with eosinophilia and systemic symptoms [DRESS]) ; réinfections plutôt qu’à des récidives (la borréliose de Lyme n’est
• les macrolides : pas d’AMM dans cette indication. pas une infection immunisante) [20] .
L’azithromycine est à privilégier car il s’agit du macrolide En cas de récidive précoce de signes de neuroborréliose à
le plus étudié, avec les meilleurs résultats. l’arrêt du traitement par ceftriaxone, un traitement par doxycy-
Les indications thérapeutiques et les posologies de ces molé- cline peut être proposé, dans l’hypothèse d’une persistance de
cules sont présentées pour la phase primaire (Tableau 2) et pour la bactérie sous forme intracellulaire. Toutefois, les traitements
les phases secondaire et tertiaire (Tableau 3) [4] . des neuroborrélioses en phase précoce sont efficaces quand ils
Le traitement de l’ECM se fait par voie orale, pour une sont bien conduits, et la possibilité d’une réinfection est à consi-
durée de 14 jours (21 j en cas d’ECM multiple ou d’ECM avec dérer en cas de nouveaux symptômes avec persistance d’une
signes généraux ou extracutanés). Une étude européenne récente pléiocytose.
Le contrôle de la sérologie à la fin du traitement n’est pas recom- [4] Société de pathologie infectieuses de langue française (SPILF).
mandé. 16e conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse.
Borréliose de Lyme: démarches diagnostiques, thérapeutiques et pré-
ventives. 2006. Disponible sur : www.infectiologie.com/site/medias/
Prévention [5]
documents/consensus/2006-lyme-long.pdf.
CDC Statistics - Lyme disease. Disponible sur : www.cdc.gov/lyme/
stats/index.html.
La prévention de la borréliose de Lyme repose essentiellement
[6] Smith R, Takkinen J. Lyme borreliosis: Europe-wide coordinated sur-
sur deux points :
veillance and action needed? Euro Surveill 2006;11 [E060622.1].
• éviter les piqûres de tiques : port de vêtements longs lors des [7] Chapuis J, Ferquel E, Patey O, Vourc’h G, Cornet M. Borréliose de
sorties en forêt, rentrer le pantalon dans les chaussettes ; Lyme : situation générale et conséquences de l’introduction en Île-de-
• retrait de toute tique après piqûre : par traction perpendiculaire France d’un nouvel hôte, le tamia de Sibérie. Bull Epidemiol Hebd
à la peau dans le sens antihoraire. L’usage de vaseline, essence, 2010;(6–8.).
alcool, éther est déconseillé, ces produits induisant un stress [8] Ostfeld RS, Canham CD, Oggenfuss K, Winchcombe RJ, Keesing F.
chez la tique, ce qui augmente sa sécrétion salivaire et donc le Climate, deer, rodents, and acorns as determinants of variation in Lyme-
risque de transmission. disease risk. PLoS Biol 2006;4:1058–68.
Une antibioprophylaxie monodose par doxycycline après [9] Rizzoli A, Hauffe H, Carpi G, Vourc HG, Neteler M, Rosa R. Lyme
piqûre de tique a été démontrée comme étant efficace pour borreliosis in Europe. Euro Surveill 2011;16(27) [pii:19906].
éviter une borréliose de Lyme. Toutefois, le risque de déclarer [10] Lipsker D. Dermatological aspects of Lyme borreliosis. Med Mal Infect
une borréliose après une piqûre de tique est faible et la surve- 2007;37:540–7.
nue d’effet indésirable lié à l’antibiotique est possible. D’autres [11] Hansen K, Lebech AM. The clinical and epidemiological profile of
études ont étudié une antibioprophylaxie par amoxicilline pen- Lyme neuroborreliosis in Denmark 1985-1990. A prospective study
dant trois à cinq jours. Le rapport coût/efficacité n’était pas of 187 patients with Borrelia burgdorferi specific intrathecal antibody
favorable. En France, une antibioprophylaxie monodose peut production. Brain 1992;115:399–423.
donc être proposée en cas de piqûre de tique de plus de 48 à [12] Blanc F. Neurologic and psychiatric manifestations of Lyme disease.
72 heures en zone d’endémie importante (Alsace ou Lorraine). Med Mal Infect 2007;37:435–45.
[13] Begon E. Lyme arthritis, Lyme carditis and other presentations poten-
Chez la femme enceinte et l’enfant de moins de 8 ans, en
tially associated to Lyme disease. Med Mal Infect 2007;37:422–34.
zone d’endémie, une antibioprophylaxie par amoxicilline pen-
[14] Fallon BA, Nields JA. Lyme disease: a neuropsychiatric illness. Am J
dant dix jours peut être proposée (grade C dans la conférence de Psychiatry 1994;151:1571–83.
consensus). [15] Klempner MS, Hu LT, Evans J, Schmid CH, Johnson GM, Trevino
RP, et al. Two controlled trials of antibiotic treatment in patients with
persistent symptoms and a history of Lyme disease. N Engl J Med
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en 2001;345:85–92.
relation avec cet article. [16] Krupp LB, Hyman LG, Grimson R, Coyle PK, Melville P, Ahnn S,
et al. Study and treatment of post-Lyme disease: a randomized double
masked clinical trial. Neurology 2003;60:1923–30.
Références [17] Lantos PM. Chronic Lyme disease: the controversies and the science.
Expert Rev Anti Infect Ther 2011;9:787–97.
[1] Steere AC, Malawista SE, Snydman DR, Shope RE, Andiman WA, [18] Blanc F, Jaulhac B, Fleury M, de Seze J, de Martino SJ, Remy V, et al.
Ross MR, et al. Lyme arthritis: an epidemic of oligoarticular arthritis in Relevance of the antibody index to diagnose Lyme neuroborreliosis
children and adults in three connecticut communities. Arthritis Rheum among seropositive patients. Neurology 2007;69:953–8.
1977;20:7–17. [19] Stupica D, Lusa L, Ruzić-Sabljić E, Cerar T, Strle F. Treatment of
[2] Burgdorfer W, Barbour AG, Hayes SF, Benach JL, Grunwaldt erythema migrans with doxycycline for 10 days versus 15 days. Clin
E, Davis JP. Lyme disease-a tick-borne spirochetosis? Science Infect Dis 2012;55:343–50.
1982;216:1317–9. [20] Nadelman RB, Hanincová K, Mukherjee P, Liveris D, Nowakowski
[3] Stanek G, Wormser GP, Gray J, Strle F. Lyme borreliosis. Lancet J, McKenna D, et al. Differentiation of reinfection from relapse in
2012;379:461–73. recurrent Lyme disease. N Engl J Med 2012;367:1883–90.
S. Sunder (sunders@ch-blois.fr).
Service de médecine interne et maladies infectieuses, Centre hospitalier de Blois, Mail Pierre-Charlot, 41000 Blois, France.
L. Bernard.
Service de médecine interne et maladies infectieuses, Centre hospitalier de Blois, Mail Pierre-Charlot, 41000 Blois, France.
Université François Rabelais de Tours, 60, rue du Plat-D’Etain, 37000 Tours, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Sunder S, Bernard L. Borréliose de Lyme. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(4):1-7 [Article 4-1151].
Leptospirose
P. Abgueguen
La leptospirose est une anthropozoonose. Le réservoir naturel est les rongeurs qui peuvent contaminer les
animaux domestiques, soit directement par morsure, soit, le plus souvent, par de l’eau contaminée par leur
urine. L’homme reste un hôte accidentel. Il s’agit d’une maladie infectieuse très courante dans le monde,
en particulier dans les pays tropicaux humides. Elle est rare en France métropolitaine et plus fréquente
en outremer. Il existe de très nombreux sérogroupes et sérovars. Alors qu’en France métropolitaine la
maladie est le plus souvent bénigne ou inapparente, les formes graves sont plus habituelles dans les
pays en voie de développement ou le taux de mortalité peut atteindre jusqu’à 20 %. La forme clinique
la plus fréquente associe une atteinte hépatique et rénale. La fièvre est constante et la thrombopénie est
un bon signe d’orientation. D’autres signes cliniques plus rares se rencontrent dans les formes graves.
Les signes méningés avec une méningite clinique et biologique, les signes pulmonaires avec parfois un
syndrome de détresse respiratoire aiguë, les signes cardiaques avec péricardite et/ou myocardite, les signes
hémorragiques. Le diagnostic est avant tout clinique, des signes cliniques et biologiques conduisant à
rechercher un contexte épidémiologique favorisant. Le diagnostic est confirmé par une sérologie, souvent
négative initialement et qu’il ne faut pas hésiter à répéter, ou bien par une polymérisation en chaîne
(PCR, polymerase chain reaction) en temps réel en cours de développement, semblant prometteuse et
pouvant être faite dans le sang, le liquide cérébrospinal (LCS) ou dans les urines. Le traitement repose sur
une antibiothérapie par amoxicilline ou doxycycline. Il est efficace surtout quand le traitement est précoce
et réduit la durée de l’évolution et l’intensité des signes cliniques. Les mesures de prévention individuelles
et collectives sont essentielles dans certaines professions à risque. Un vaccin peut être proposé qui protège
uniquement contre le sérogroupe Icterohaemorrhagiae.
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“ Point fort
La leptospirose comprend de nombreux sérogroupes et
sérovars, si bien que l’on peut faire plusieurs leptospiroses
au cours de sa vie.
Physiopathologie
La voie cutanéomuqueuse est la voie de contamination princi-
Figure 1. Leptospira interrogans.
pale. La transmission se fait le plus souvent de manière indirecte,
par l’exposition d’eau contaminée par les urines des animaux
porteurs, au travers d’excoriations cutanées ou des muqueuses,
des lieux témoignent de la variété des formes cliniques liées à notamment de la conjonctive. La transmission directe par mor-
différents habitats, aux professions exposées, à des sérovars parti- sure ou contact direct avec l’animal ou l’urine d’un mammifère
culiers. contaminé est plus rare. La contamination par voie respiratoire
La fièvre des jeunes porchers qui touchait les personnes gardant par inhalation de microgouttelettes est possible de même que la
ou soignant les porcs est une infection due à Leptospira pomona voie digestive, mais ces voies de contamination restent anecdo-
dont le réservoir est le porc. La fièvre de la canne à sucre qui était tiques. Le temps d’incubation est de cinq à 14 jours, mais peut
décrite principalement en extrême orient et touchait les agricul- aller jusqu’à 30 jours. Les bactéries pénètrent par voie transcuta-
teurs des plantations humides est due à Leptospira australis avec née, puis passent dans le sang où elles se multiplient rapidement
des signes méningés fréquents. La plus connue, la fièvre ictéro- avant de gagner tous les sites de l’organisme, y compris le système
hémorragique, nom donné au classique tableau ictère fébrile et nerveux central et l’humeur aqueuse, leur mobilité étant favori-
syndrome hémorragique est plus fréquemment lié au sérogroupe sée par une paire de flagelles. Les lésions les plus précoces sont des
Leptospira icterohaemorrhagiae, etc. [3] lésions des endothéliums vasculaires conduisant à des ischémies,
Aujourd’hui, de nouveaux outils biologiques permettent de par l’intercalation d’une toxine glycoprotéique, entraînant une
revenir à un concept synthétique de la maladie répondant à rupture des cellules endothéliales des petits vaisseaux. Celles-ci
la diversité des signes cliniques rencontrés. Il n’existe aucun sont responsables de lésions pétéchiales pouvant expliquer cer-
syndrome spécifique de sérovar et la pathogenèse de toute lepto- taines complications graves comme les hémorragies alvéolaires,
spirose est la même, tout type de sérovar pouvant être responsable la nécrose des tubules rénaux expliquant l’insuffisance rénale,
d’une forme bénigne, sévère ou mortelle. les lésions d’hépatite expliquant l’ictère, les méningites ou les
Son caractère émergent est d’une part expliqué par des change- myosites [4] . Cependant, le mécanisme des hémorragies n’est pas
ments écologiques liés à la déforestation, l’extension des terres univoque. En effet, dans les formes pulmonaires sévères avec
cultivables avec la mise en place de systèmes d’irrigations, hémorragie intra-alvéolaire, un modèle animal chez le cochon
l’aquaculture, la création de lacs artificiels. D’autre part, les loisirs d’Inde a permis de mettre en évidence par immunofluorescence
en pleine expansion favorisent l’exposition de l’homme à cette des dépôts d’immunoglobulines A, M et G (IgA, IgM, IgG), et de
maladie et en fait une préoccupation bien réelle dans les pays complément C3 sur la surface des membranes alvéolaires, sug-
développés. gérant que l’atteinte hémorragique pulmonaire pouvait être un
phénomène de type auto-immun [6] .
Les leptospires possèdent également sur leur membrane externe
Agent responsable un lipopolysaccharide. Celui-ci a une activité antiphagocytaire et
Les leptospires sont des bactéries à Gram négatif de l’ordre permet de déterminer les sérogroupes. C’est lui qui est à l’origine
des Spirochaetales (du grec speira, « boucle » ou « spire ») et du de la réponse immunitaire humorale avec production des IgM et
genre Leptospira (du grec letos, « fin », « petit », « délicat »). Les lep- des IgG. La durée de la persistance des anticorps est inconnue et
tospires sont des bactéries hélicoïdales flexibles et fines de 6 à ceux-ci protègent seulement contre un seul type de sérovar. Le
15 m de long sur 0,1 de large. Formés de 18 à 30 tours de spires, germe peut, malgré les anticorps, persister dans des sites privilé-
ils présentent des inflexions leur donnant l’allure de lettres de giés comme les tubes rénaux proximaux, le cerveau, la chambre
l’alphabet. Leurs extrémités sont souvent en forme de crochet antérieure de l’œil ou le tractus génital.
(Fig. 1). Il s’agit de bactéries aérobies strictes et de croissance lente
avec un temps de génération de trois à 15 heures.
Le genre Leptospira contient deux espèces : Leptospira biflexa, Réservoir
saprophyte aquicole non pathogène et Leptospira interrogans,
pathogène. Les leptospires sont classés en sérovars et sérogroupes ; La leptospirose est une anthropozoonose. Une anthropozoo-
l’espèce pathogène comprend aujourd’hui près d’une trentaine de nose (du grec anthropos, « homme », zôon, « animal » et nosos,
sérogroupes et plus de 300 sérovars. Parmi les sérogroupes patho- « maladie ») est une maladie ou infection qui se transmet des ani-
gènes, les plus fréquents sont : L. australis, Leptospira autumnalis, maux vertébrés à l’être humain.
Leptospira ballum, Leptospira bataviae, Leptospira canicola, Leptospira La leptospirose est parfois appelée « maladie du rat » et, dans la
grippotyphosa, Leptospira ictérohaemorrhagiae, Leptospira panama, plupart des régions du monde, les micromammifères (rats, souris,
Leptospira pomona, Leptospira pyrogenes, Leptospira sejroë [4, 5] . etc.) sont présumés en être le réservoir sauvage [7] .
Tous les sérogroupes et tous les sérovars pathogènes pour les Les animaux domestiques peuvent ensuite être contaminés à
animaux peuvent être également pathogènes pour l’homme. Cer- leur tour, notamment les chiens, les chevaux, les porcs et les
tains sérovars sont fréquemment associés à une espèce animale bovins. Les animaux infectés peuvent être malades et/ou por-
particulière. Les formes graves peuvent s’observer avec tous les teurs sains. Généralement, les animaux sauvages sont des porteurs
sérogroupes, même si le sérogroupe L. icterohaemorrhagiae est plus sains (qui présentent, toutefois, une multiplication de la bactérie
“ Point fort
Urines ou morsure Urines
• La leptospirose reste le plus souvent une maladie infec-
tieuse bénigne notamment en France métropolitaine, mais
Baignade, sport aquatique, dans certaines régions du monde, notamment éloignées
Eau des centres hospitaliers, le taux de mortalité peut aller
métier à risque
jusqu’à 20 %.
• Il s’agit d’une maladie infectieuse cosmopolite, plus
Figure 2. Modes de transmission de la leptospirose à l’homme. fréquente dans les milieux humides, mais rencontrée éga-
lement dans les pays tempérés, partout où il y a de l’eau.
dans les reins), alors que la maladie se déclare chez les ani-
maux domestiques. Les espèces de mammifères, mêmes proches,
semblent plus ou moins sensibles à l’infection. Ainsi, en Europe,
l’espèce invasive introduite qu’est le rat gris (qui a aussi apporté
la peste) semble bien plus à risque que l’espèce plus autochtone En France
(ou en tout cas beaucoup plus ancienne et aujourd’hui en forte Le Centre national de référence (CNR) de la leptospirose en
régression), le rat noir. Ils éliminent les leptospires dans leurs assure la surveillance épidémiologique en France métropolitaine
urines et contaminent les milieux hydriques et le sol. L’homme, ainsi qu’en outremer. Il a une mission d’expertise et assure l’alerte
au contact de ces animaux infectés ou de leurs déjections, peut en cas de recrudescence inhabituelle ou d’apparition des cas grou-
alors se retrouver contaminé. Il s’agit d’un hôte accidentel. C’est pés. Il fait partie des cinq centres collaborateurs de l’Organisation
en fait l’urine des animaux infectés qui semble presque tou- mondiale de la santé (OMS) à travers le monde. Les données
jours la source directe ou indirecte des infections humaines présentées ici sont fondées sur leur rapport d’activité annuel.
(Fig. 2). L’incidence moyenne en métropole pour les années 2006 à 2011
Certaines populations sont donc plus exposées et notamment est située entre 0,3 et 0,55 cas pour 100 000 habitants. La majo-
les éleveurs, les agriculteurs, les vétérinaires, les égoutiers ainsi que rité des cas est diagnostiquée par la sérologie MAT (microscopic
les professionnels et les adeptes de loisirs aquatiques (cf. infra). agglutination test) qui retrouve en 2011, comme d’habitude, une
Il n’y a pas de transmission interhumaine. prédominance du sérogroupe Icterohaemorrhagiae (31 %), suivi du
sérogroupe Grippotyphosa (18 %), puis Canicola (7 %) et Austra-
lis (6 %). La place de la PCR progresse, et participe à 14 % au
“ Point fort recensement des cas de leptospirose en métropole, sans pouvoir
apporter d’indication sur le sérogroupe. On constate une réparti-
tion estivo-automnale avec plus de 50 % des cas qui se répartissent
• La leptospirose est une anthropozoonose, c’est-à-dire entre les mois d’août à octobre.
une maladie qui se transmet naturellement des animaux En outremer, l’incidence est de dix (Guyane, Martinique, Gua-
deloupe, La Réunion) à 100 fois (Nouvelle-Calédonie, Polynésie
vertébrés à l’être humain.
française, Mayotte) plus élevée qu’en métropole et semble glo-
• Le réservoir naturel est les rongeurs et le mode de trans-
balement en progression (Fig. 3). Le caractère saisonnier de la
mission le plus fréquent est un contact cutanéomuqueux leptospirose est aussi marqué par l’apparition de pics épidémiques
avec de l’eau contaminée par l’urine d’animaux infectés.
• Il n’y a pas de transmission interhumaine.
1200
1000 Métropole
Guadeloupe
Épidémiologie 800 Martinique
Guyane
Dans le monde 600
La Réunion
Peu de données fiables sont réellement disponibles. Il s’agirait Mayotte
de la première anthropozoonose au monde, avec des estimations 400
Nouvelle-Calédonie
qui chiffrent à plus d’un million le nombre de cas sévères de lep-
tospirose chaque année associé à un taux de mortalité allant de 5 200 Polynésie française
à 20 %. Total
La leptospirose est une infection bactérienne de répartition 0
mondiale survenant préférentiellement dans les zones tropi- 2006 2007 2008 2009 2010 2011
cales, mais les zones tempérées sont également atteintes, et elles
touchent les pays industrialisés comme les pays en développe-
ment. Les niveaux d’incidence sont sous-estimés en raison de la Figure 3. Nombre de cas de leptospirose en France métropolitaine et
fréquence des formes bénignes et des tests diagnostiques trop peu en outremer entre 2006 et 2011.
Tableau 1.
Fréquence des signes cliniques et des anomalies biologiques retrouvées dans les principales séries de la littérature (en pourcentage).
Heath Katzet Pertuiset Bourrier Abgueguen Jeandel Cointet Jauréguiberry
et al. [10] al. [11] et al. [12] et al. [13] et al. [2] et al. [14] et al. [15] et al. [16]
n = 483 n = 353 n = 249 n = 99 n = 62 n = 60 n = 57 n = 34
Fièvre 100 99 68 67 95 100 95 100
Douleurs
Myalgies 68 91 67 67 66 65 91 55
Céphalées 77 89 – 62 61 60 77 75
Signes cutanéomuqueux
Ictère 43 39 87 60 39 56 81 34
Suffusion conjonctivale 33 28 – 18 16 38 58 18
Exanthème 9 8 – 10 18 – 58 37,5
Co-infection herpétique – – – 14 11 12 – –
Signes neurologiques
Méningite 37 27 20 41 19 23 35 –
Méningoencéphalite 23 – – 1 3 21 29 3
Signes hémorragiques 1
Épistaxis 3 – – 16 8 16 –
Hémoptysie 3 – – – 5 11 9 3
Signes pulmonaires
Toux 23 – 26 20 26 42 36 12
Radiographie pulmonaire – 17 26 – 26 13 – –
anormale
Signes cardiovasculaires
Choc 7 – 2 13 13 5 2 –
Myopéricardite – – 11,5 3 9,5 – – –
Signes électrocardiographiques 9 – 23 – 6 5 11 –
Signes rénaux
Insuffisance rénale (taux de 26 54 71 67 56 58 60 53,3
créatinine > 120 mol/l)
Protéinurie 19 54 – 24 80,5 56 33 76,7
Résultats biologiques
Thrombopénie – 58 87 65 65,5 69 73 75
Myélémie – – – – 9,5 8 – –
Lymphopénie – – – – 63 – – 85
Cytolyse hépatique (ASAT – 73 71 – 68 70 71 83
> 40 UI/l)
Hyperprotéinorachie 28 – – 30 50 (n = 8/16) 79 59 22
Pléiocytose du LCS 47 – – 34 75 (n = 12/16) 63 36 55,5
“ Point fort
• La leptospirose est communément appelée « grippe
d’été », témoignant du syndrome grippal au premier plan.
• Les signes cliniques les plus fréquents sont la fièvre asso-
ciée à l’atteinte hépatique avec fréquemment un ictère et
l’atteinte rénale avec une protéinurie.
• Les signes biologiques les plus fréquents sont la throm-
bopénie, la cytolyse hépatique, une augmentation de la
créatinémie, une protéinurie et une lymphopénie.
Formes graves
Figure 4. Ictère conjonctival chez un patient présentant une forme
grave de leptospirose. • La classique et bien connue leptospirose ictérohémorragique est
en fait une forme habituelle et souvent peu grave de la maladie.
Dans la majorité des situations, les troubles de l’hémostase sont
fréquents mais rarement sévères. Les manifestations hémor-
ragiques plus sévères, de fréquence très variable selon les
séries, sont rares en France métropolitaine, plus fréquentes
dans certains territoires d’outre-mer ou d’autres pays en rai-
son de sérovars particuliers. Elles sont généralement attribuées
à des lésions vasculaires et favorisées par la thrombopénie. Les
saignements peuvent se produire au niveau des tractus respira-
toire, digestif, rénal, génital et des surrénales. Les hémorragies
massives, en particulier les hémorragies gastro-intestinales ou
d’autres hémorragies internes, peuvent entraîner la mort. Les
infections avec coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
restent relativement exceptionnelles.
• L’atteinte pulmonaire est peu fréquente en France. Son inci-
dence est variable selon les séries. Elle est à l’origine d’une
grande partie des formes graves. Les signes les plus fréquents
sont la toux, la dyspnée et des signes radiologiques aspéci-
fiques parfois découverts de façon fortuite [18] . Cependant, des
hémoptysies sont des signes précoces qui doivent conduire à la
vigilance pour ne pas méconnaître un contexte d’hémorragie
intra-alvéolaire ou d’œdème pulmonaire lésionnel pouvant
Figure 5. Ictère cutané chez un patient présentant une forme grave de alors conduire à une intubation [19] . L’atteinte pulmonaire est
leptospirose. souvent considérée comme un facteur prédictif de morta-
lité. Des troubles hémodynamiques, une insuffisance rénale
supérieure à 265 mol/l et un taux de potassium supérieur à
Formes classiques 4 mmol/l sont considérés comme des facteurs aggravant la mor-
talité [20] . Dans les modèles animaux, c’est le contraste entre le
Les signes généraux sont quasi constants, avec une fièvre, une grand nombre de bactéries retrouvées dans les tissus hépatiques
hyperleucocytose, un syndrome pseudo-grippal avec des douleurs et rénaux et le peu de bactéries détectées dans les tissus pulmo-
musculaires souvent au premier plan. La thrombopénie, très fré- naires qui a conduit à évoquer l’hypothèse d’un mécanisme
quente est un excellent signe d’orientation. L’atteinte musculaire, auto-immun dans l’atteinte pulmonaire. L’exposition pulmo-
se manifestant par des myalgies, est parfois responsable d’une naire à des toxines circulantes produites à distance, dans le foie
rhabdomyolyse. par exemple, est une autre hypothèse pour expliquer les lésions
L’atteinte hépatique et rénale est la plus fréquente, allant de la pulmonaires [18] .
cytolyse hépatique modérée jusqu’à l’ictère (Fig. 4, 5) et de la pro- • L’atteinte cardiaque est plus rarement rapportée, mais peut éga-
téinurie ou de la leucocyturie isolée jusqu’à l’insuffisance rénale lement être grave voire létale lorsqu’elle se manifeste par un
nécessitant une dialyse. L’atteinte rénale organique dans la lepto- collapsus, et elle est sans doute sous-estimée. Elle est le plus
spirose est généralement à diurèse conservée. L’insuffisance rénale souvent en rapport avec une myocardite interstitielle, mais des
peut être en partie fonctionnelle, répondant alors favorablement péricardites sont également décrites. Au cours de cette atteinte,
au remplissage. L’oligurie persistante est considérée comme un les anomalies électriques sont fréquentes, le plus souvent à type
facteur pronostique de mortalité et multiplierait ce risque par de bloc auriculoventriculaire (BAV), de troubles de la repolari-
neuf [17] . Le mécanisme des lésions rénales reste incertain et les sation et d’arythmies diverses. Une étude autopsique récente a
explications sont multiples. L’atteinte méningée est relativement montré que les atteintes cardiaques sont plus fréquentes que
fréquente chez près d’un quart des patients mais rarement grave. la clinique ne le laissait supposer et qu’elles sont sans doute
Elle peut se présenter comme une méningite avec céphalées, masquées par l’atteinte pulmonaire [21] .
fièvre, photophobie, vomissements et raideur de nuque. Souvent,
les céphalées sont intenses et conduisent à réaliser une ponc-
tion lombaire qui retrouve alors une méningite le plus souvent Diagnostic microbiologique
lymphocytaire, mais parfois à polynucléaires neutrophiles avec
une glycorachie normale et une protéinorachie modérée. Des cas La leptospirose reste une maladie de diagnostic difficile. Les
d’encéphalite sont décrits. Quelques cas de mononévrites ou de signes cliniques sont très variés, parfois discrets et incons-
polyradiculonévrites sont rapportés. L’atteinte oculaire se mani- tants, toujours non spécifiques. Les signes biologiques sont
feste principalement par des suffusions conjonctivales ; une uvéite peu spécifiques et également inconstants. C’est devant cer-
ou une choriorétinite sont des complications parfois décrites. tains signes, cliniques et/ou biologiques, compatibles avec une
Phase septicémique
Phase d’incubation
De 3 à 30 jours
Exposition j0 j7
Début des symptômes Début de la phase
cliniques immune
utilisés en pratique. Ils peuvent avoir un intérêt dans les zones Elles peuvent être proposées dans certaines situations à risque
éloignées d’outremer où la réalisation des autres tests tels que la d’exposition aux lieux infestés par les rongeurs, notamment Rattus
PCR ou l’Elisa n’est pas possible. norvegicus.
Elles doivent être évoquées, proposées et mises en place chez
certains professionnels, chez certains voyageurs et dans certaines
Tableau 2.
Schéma vaccinal contre la leptospirose par Spirolept® .
Schéma vaccinal Effets indésirables Contre-indications
Première injection j0 Réactions locales ou locorégionales à type de douleur, En cas d’allergie à l’un des composants
induration, scapulalgies du vaccin
Deuxième injection j15
Troisième injection Entre 4 et 6 mois Réactions systémiques rares : fièvre, céphalées, malaise, Ne doit pas être utilisé en cas de grossesse
vertiges, nausées, myalgies, paresthésies, éruptions
cutanées urticariennes
Rappels Tous les 2 ans Pas de données chez l’enfant
j : jour.
Des mesures collectives de prévention peuvent également être Elle peut également être proposée aux vétérinaires.
proposées lorsqu’elles sont possibles. Elles sont basées sur la déra- Pour les voyageurs, la vaccination peut aussi être proposée, rare-
tisation et les mesures de contrôle des pullulations de rongeurs, le ment et toujours au cas par cas, après une évaluation précise des
brûlage des cultures de canne à sucre par exemple, ou toute mesure risques (les voyageurs le plus à risque sont précisés plus haut).
adaptée pour diminuer le contact potentiel entre l’homme et les Pour ce qui est de la population générale, la vaccination est
rongeurs. actuellement disponible dans certaines indications restreintes,
Enfin, les mesures individuelles de protection comportent : le posées au cas par cas par le médecin traitant, après une évaluation
port de gants, de lunettes antiprojections, de bottes, de cuissardes individualisée prenant en compte l’existence de cas documentés
et de vêtements protecteurs. Par ailleurs, une désinfection à l’eau de la maladie pour des personnes soumises aux mêmes condi-
potable ou à l’aide d’une solution antiseptique de toute plaie ou tions ou ayant des activités identiques, notamment dans une zone
égratignure est recommandée ainsi que la protection ultérieure de géographique de haute endémicité connue à la leptospirose, la
cette plaie ou égratignure par un pansement imperméable. répétition ou la persistance de l’exposition au risque de leptospi-
rose ainsi que la pratique régulière et durable d’une activité de
loisir à risque (les activités de loisirs le plus à risque sont précisées
Vaccination plus haut).
On dispose aujourd’hui en France d’un vaccin inactivé, le Il est important de retenir qu’en aucun cas le vaccin ne doit
Spirolept® . C’est un vaccin qui protège uniquement contre être pris comme une « garantie » permettant de se passer des autres
Leptospira interrogans du sérogroupe Icterohaemorrhagiae. Son effi- moyens de prévention.
cacité est considérée comme bonne [26] . Il s’agit d’une seringue
préremplie de 1 ml contenant 200 millions d’unités (les unités
correspondent au nombre de bactéries inactivées) de Leptospira
interrogans du sérogroupe Icterohaemorrhagiae. “ Point fort
Le schéma vaccinal comporte deux injections à 15 jours
d’intervalle suivies d’un rappel de quatre à six mois plus tard, puis • Le vaccin contre la leptospirose protège uniquement du
de rappels tous les deux ans. Le schéma vaccinal est résumé dans le sérogroupe Icterohaemorrhagiae.
Tableau 2. Ce vaccin doit être administré lentement par voie sous- • Le vaccin est à proposer dans certaines situations à
cutanée au niveau de la fosse sous-épineuse ou de la face externe
du deltoïde. Le vaccin doit être conservé entre + 2 ◦ C et + 8 ◦ C et ne
risque bien identifiées.
doit pas être congelé. Comme tous les vaccins inactivés, la seule
vraie contre-indication est l’hypersensibilité à l’un de ses compo-
sants. Il reste classiquement conseillé de différer la vaccination si
le patient présente une infection aiguë ou une maladie fébrile. En Antibiothérapie préventive
l’absence d’étude, de façon totalement arbitraire, il est toujours Une antibioprophylaxie n’a de place que dans des situations
recommandé de respecter un délai de trois semaines entre cette très particulières, après une exposition avérée, en cas d’exposition
vaccination et toutes les autres. accidentelle de laboratoire ou dans des situations ponctuelles à
Les effets indésirables sont également ceux habituellement ren- risque élevé, répété mais ponctuel. C’est le cas des personnes
contrés dans une vaccination classique. Les réactions locales et travaillant transitoirement dans des équipes de secours pour trem-
locorégionales prédominent à type de douleur, induration, sca- blements de terre ou inondations ou des équipes de compétiteurs
pulalgie. Des réactions systémiques, comme de la fièvre, des de très haut niveau susceptibles d’évoluer temporairement sur des
céphalées, malaises, vertiges, nausées, myalgies, paresthésies et plans d’eau douce à haut risque de contamination (température
éruptions urticariennes peuvent parfois survenir. de l’eau supérieure à 26 ◦ C, présence de rongeurs sur les berges)
Les indications de la vaccination contre la leptospirose sont res- pourraient être considérées comme des populations candidates
treintes en raison à la fois de son rôle protecteur exclusif sur le à l’antibioprophylaxie (sans omettre les précautions d’hygiène
sérogroupe Icterohaemorrhagiae et aussi du fait que la leptospirose générale précédemment recommandées) [27, 28] .
reste une infection peu fréquente en France métropolitaine. Il faut Le traitement proposé est alors de la doxycycline, à la posologie
rappeler que le sérogroupe Icterohaemorrhagiae, agent des formes de 200 mg par semaine en dose unique, sur de courtes périodes.
les plus graves de la maladie, ne représente que 25 à 30 % des cas
alors que dans les collectivités d’outre-mer, il est responsable de 40
à 50 % des cas. Traitement curatif
La vaccination ne doit être proposée qu’en association avec les
mesures de protection générales et individuelles qui sont décrites La règle est que l’antibiothérapie est d’autant plus efficace
ici. qu’elle est commencée précocement. Elle diminue la durée
Pour les professionnels, l’indication de la vaccination est posée de l’évolution et l’intensité de l’expression clinique. Les anti-
au cas par cas par le médecin du travail, et se base notamment sur biotiques recommandés et la durée sont présentés dans le
une évaluation reposant sur le risque d’exposition aux lieux infes- Tableau 3 [29–31] .
tés par les rongeurs (les activités à risque sont citées plus haut), Une réaction de Jarisch-Herxheimer, situation exceptionnelle
l’existence de cas documentés de la maladie pour des personnes en pratique, peut se voir à l’initiation de l’antibiothérapie. Elle
ayant occupé le même poste dans des conditions et pour des acti- résulte de la libération d’une exotoxine des leptospires lysés. Elle
vités identiques ainsi que sur l’existence et la possibilité sur le survient de 6 à 8 heures après l’administration de l’antibiotique et
lieu de travail de la mise en place de protections collectives ou de se manifeste pendant 12 à 24 heures par des frissons, un malaise
mesure contre les rongeurs. général, de la fièvre et des myalgies [32] .
Tableau 3.
Traitement antibiotique recommandé.
Molécule Posologie Durée
Traitement de Amoxicilline 1 g trois fois par jour 7 jours
première intention
Si nécessité de voie Pénicilline G 6–10 millions d’unités 7 jours
veineuse Amoxicilline 50–100 mg/kg en trois fois par jour 7 jours
Ceftriaxone 1 g une fois par jour 7 jours
En cas d’allergie Doxycycline 100 mg matin et soir 7 jours
Tableau 4.
Régime général – Tableau no 19 : spirochétoses (à l’exception des tréponématoses).
Désignation des maladies Délai de prise en Liste limitative des principaux travaux susceptibles de provoquer ces
charge maladies
Toute manifestation clinique de 21 jours Travaux suivants exposant à des animaux susceptibles d’être porteurs de
leptospirose provoquée par Leptospira germe et effectués notamment au contact d’eau ou dans des lieux
interrogans humides, susceptibles d’être souillés par les déjections de ces animaux :
La maladie doit être confirmée par a) travaux effectués dans les mines, carrières (travaux au fond), les
identification du germe ou à l’aide d’un tranchées, les tunnels, les galeries, les souterrains ; travaux du génie ;
sérodiagnostic d’agglutination, à un taux b) travaux effectués dans les égouts, les caves, les chais ;
considéré comme significatif
c) travaux d’entretien des cours d’eau, canaux, marais, étangs et lacs,
bassins de réserve et de lagunage ;
d) travaux d’entretien et de surveillance des parcs aquatiques et stations
d’épuration ;
e) travaux de drainage, de curage des fossés, de pose de canalisation d’eau
ou d’égout, d’entretien et vidange des fosses et citernes de récupération
de déchets organiques ;
f) travaux effectués dans les laiteries, les fromageries, les poissonneries,
les cuisines, les fabriques de conserves alimentaires, les brasseries, les
fabriques d’aliments du bétail ;
g) travaux effectués dans les abattoirs, les chantiers d’équarrissage,
travaux de récupération et exploitation du cinquième quartier des
animaux de boucherie ;
h) travaux exécutés sur les bateaux, les péniches, les installations
portuaires ; travaux de mariniers et dockers ;
i) travaux de dératisation et de destruction des rongeurs inféodés au
milieu aquatique ;
j) travaux de soins aux animaux vertébrés ;
k) Travaux dans les laboratoires de bactériologie ou de parasitologie ;
l) travaux piscicoles de production et d’élevage ;
m) travaux d’encadrement d’activité en milieu aquatique naturel
(exception faite du domaine maritime) : activités nautiques, halieutiques,
subaquatiques ;
n) travaux d’assistance, de secours et de sauvetage en milieu aquatique
naturel (exception faite du domaine maritime) ;
o) travaux de culture de la banane, travaux de coupe de cannes à sucre.
Tableau 5.
Régime agricole – tableau no 5 : leptospiroses.
Désignation des maladies Délai de prise en Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies
charge
Toute manifestation clinique de 30 jours Travaux suivants exposant au contact d’animaux susceptibles d’être
leptospirose provoquée par Leptospira porteurs de germe et effectués notamment au contact d’eau ou dans des
interrogans lieux humides susceptibles d’être souillés par leurs déjections :
La maladie doit être confirmée par a) travaux effectués dans les tranchées, les tunnels, les galeries, les
identification du germe ou à l’aide d’un souterrains ;
sérodiagnostic d’agglutination, à un taux b) travaux effectués dans les égouts, les caves, les chais ;
considéré comme significatif
c) travaux d’entretien des cours d’eau, canaux, marais, étangs et lacs,
bassins de réserve et de lagunage ;
d) travaux d’entretien et de surveillance des parcs aquatiques ;
e) travaux de pisciculture, de garde-pêche, de pêche professionnelle en
eau douce :
f) travaux de drainage, de curage des fossés, de pose de canalisation d’eau
ou d’égout, d’entretien et vidange des fosses et citernes de récupération
de déchets organiques ;
g) travaux de culture de la banane, travaux de coupe de canne à sucre ;
h) travaux effectués dans les laiteries, les fromageries, les poissonneries,
les cuisines, les fabriques de conserves alimentaires, les brasseries, les
fabriques d’aliments du bétail ;
i) travaux effectués dans les abattoirs, les chantiers équarrissage, travaux
de récupération et d’exploitation du 5e quartier des animaux de
boucherie ;
j) travaux de dératisation, de piégeage, de garde-chasse ;
k) travaux de soins aux animaux vertébrés.
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P. Abgueguen (piabgueguen@chu-angers.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers Cedex 9, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Abgueguen P. Leptospirose. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(3):1-11 [Article 4-1161].
Listériose
L. Epelboin, P. Bossi
La listériose est une infection bactérienne due à Listeria monocytogenes. C’est un organisme ubiquitaire
de l’environnement, qui est une cause rare d’infection chez l’être humain. La listériose est transmise dans
la majorité des cas par un aliment contaminé, sur un mode sporadique ou épidémique. On distingue deux
grands tableaux : la listériose maternonéonatale (atteignant femmes enceintes et nouveau-nés) et la
listériose de l’adulte, atteignant préférentiellement les sujets âgés de plus de 60 ans et les sujets
immunodéprimés. Chez la femme enceinte, la listériose se présente sous la forme d’un syndrome fébrile
banal, mais peut être à l’origine de fausses couches, d’accouchements prématurés et de morts fœtales in
utero. Chez le nouveau-né, cette bactérie est responsable d’une infection disséminée souvent associée à
une méningite. Chez les adultes, les atteintes les plus fréquentes sont neurologiques (méningite et
rhombencéphalite) et des bactériémies isolées. La mortalité globale est élevée et le principal facteur
pronostique est la précocité du diagnostic et la mise en route d’un traitement antibiotique adapté. Des
recommandations alimentaires devraient permettre de réduire le risque d’infection listérienne parmi les
groupes à risque.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Quelques exemples d’épidémies de listérioses de 1980 à 2008 avec les aliments incriminés.
Date Lieu Nombre de cas Nombre de décès Aliments incriminés Cas périnataux
(%)
1980-1981 Provinces maritimes du Canada 41 17 (34 %) Salade de choux à la mayonnaise 83
1983 Nouvelle-Angleterre (Boston) 49 14 (29 %) Lait pasteurisé 14
1983-1984 Suisse 57 nd (32 %) Vacherin Mont-d’Or 9
1984-1985 Californie du Sud 142 48 (34 %) Fromage frais mexicain 65
1989 Connecticut 10 nd (10 %) Crevettes nd
1992 France 279 63 Langue de porc en gelée 20
1993 France 38 nd (32 %) Rillettes de porc 82
1993 Italie 39 nd Salade de riz nd
1994 Illinois 45 nd Lait chocolaté nd
1995 France 20 4 Brie de Meaux nd
1997 Italie 1 566 nd Salade de maïs nd
1997 France 15 2 Fromages à pâte molle 12
1998 États-Unis (11 états) 101 20 (21 %) Hot dog 12
1999 France 32 nd (31 %) Langue de porc 28
2000 France 6 2 (33 %) Rillettes 17
2002 États-Unis (neuf États) 54 8 Jambon de dinde nd
2003 Angleterre 5 0 Sandwich de cafétéria hospitalière 3
2005 Suisse Nord-Ouest 10 20 Tomme 20
2008 Canada 43 16 Viandes froides nd
nd : donnée non disponible.
■ Clinique
La période d’incubation varie de 3 à 70 jours selon l’inocu-
lum et le type d’infection. On distingue deux grands tableaux :
Figure 1. Listeria monocytogenes dans un liquide amniotique, coloration la listériose maternonéonatale et la listériose de l’adulte en
de Gram, grossissement × 1 000. (Avec l’aimable autorisation de dehors de la grossesse.
M. Gestin, laboratoire de microbiologie du groupe hospitalier Saint-
Joseph, Paris).
Listériose maternonéonatale
Pendant la grossesse, l’immunité à médiation cellulaire est
altérée, favorisant ainsi l’infection listérienne. La bactérie
prolifère dans le placenta. L’infection survient le plus souvent
au cours du troisième trimestre de grossesse.
1
Chez la femme enceinte : listériose gravidique
2 La présentation habituelle chez la femme enceinte est celle
d’un syndrome pseudogrippal le plus souvent banal et aspécifi-
que (fièvre, arthromyalgies, céphalées et dorsalgies), parfois
3
associé à des troubles digestifs (douleurs abdominales et
diarrhées). La présentation peut être paucisymptomatique et
4 8 l’infection est alors révélée par ses conséquences obstétricales.
7
5 Biologiquement, on retrouve généralement une hyperleucocy-
6 tose et une altération du bilan hépatique. Les hémocultures sont
positives dans un tiers des cas. Les formes septiques graves sont
rares [21]. En cas de chorioamniotite, la fièvre peut persister
jusqu’à l’expulsion spontanée ou provoquée du fœtus.
En l’absence de traitement, les conséquences peuvent être
dramatiques : 32 % des infections listériennes périnatales
Figure 2. Cycle de vie de Listeria monocytogenes. Après avoir pénétré aboutissent à une fausse couche, une mort fœtale in utero, un
dans la cellule (1), la bactérie se retrouve dans une vacuole de phagocy- accouchement prématuré et/ou une listériose chez le nouveau-
tose (2) qu’elle va lyser sous l’action d’une hémolysine (listériolysine O : né [12]. La listériose serait responsable de 3,3 % des fausses
LLO) (3). Une fois dans le cytoplasme (4), elle se multiplie rapidement (5) couches spontanées [22].
et peut se propulser dans la cellule en induisant une polymérisation de
l’actine de la cellule-hôte (6), au niveau de l’un de ses pôles. En repoussant Chez le nouveau-né
la membrane de la cellule-hôte, elle forme des filopodes (7) qui sont
ingérés par les cellules adjacentes dans lesquelles elle peut pénétrer (8). Listériose néonatale précoce
Le cycle peut alors recommencer.
L’infection néonatale précoce se présente généralement sous
la forme d’une infection maternofœtale aspécifique survenant
quelques heures après la naissance, semblable à l’infection par
à l’examen direct un aspect de cocci à Gram positif (confusion streptocoque B. Le tableau classique est celui d’une détresse
avec un streptocoque ou un entérocoque), de Corynebacterium respiratoire aiguë à la naissance, associée à un liquide méconial
ou de bacilles diphtéroïdes. trouble, de la fièvre, une éruption cutanée, un ictère chez un
enfant léthargique. Il peut parfois se présenter sous la forme
d’une méningite précoce. Des formes asymptomatiques sont
■ Physiopathologie parfois décrites lors du dépistage systématique du germe en cas
d’infection maternelle. Une forme plus grave appelée granulo-
matose septique infantile est possible et se traduit par la
L. monocytogenes est un modèle d’étude des infections par des
présence de microabcès et de granulomes disséminés, notam-
pathogènes intracellulaires (Fig. 2). Après ingestion, il traverse la
ment dans le poumon, la peau, le foie et la rate.
barrière muqueuse intestinale par endocytose active à travers les
cellules endothéliales. Une fois dans la circulation sanguine, la
Listériose néonatale tardive
bactérie se dissémine par voie hématogène vers n’importe quel
site. La bactérie a un tropisme électif pour le système nerveux On observe parfois des infections tardives, survenant à partir
central et le placenta. Elle possède un pouvoir invasif très de la deuxième semaine suivant l’accouchement chez des bébés
efficace qui lui permet de pénétrer dans des cellules épithéliales à terme, sous forme de méningite pure. Listeria est l’une des
grâce à des protéines de la paroi, les internalines A et B. Après trois principales étiologies de méningites du nouveau-né.
avoir pénétré dans la cellule, la bactérie se trouve dans une La mortalité des formes néonatales varie de 0 % à 30 % et les
vacuole de phagocytose qu’elle va lyser sous l’action d’une séquelles sont généralement liées à l’atteinte méningée.
Autres localisations
D’autres infections focales à L. monocytogenes ont plus
rarement été décrites : arthrite septique (mono- ou oligoarthrite,
Figure 4. Imagerie par résonance magnétique cérébrale en coupe
touchant surtout les grosses articulations, sur articulation native
coronale, pondération T2 Flair (fluid attenuated inversion recovery) : hyper-
ou sur prothèse, souvent dans un contexte de rhumatisme
signal du mésencéphale et de la moelle allongée. (Avec l’aimable autori-
sation du docteur Gayet, service de radiologie, centre hospitalier Beaujon,
inflammatoire traité par corticothérapie, immunosuppresseurs
Clichy-sous-Bois). ou biothérapie), ostéomyélite, hépatite et abcès hépatiques,
cholécystite, péritonite, abcès splénique, infections pleuropul-
monaires, péricardite, myocardite, artérite (pouvant se compli-
quer d’anévrisme artériel et dissection aortique) et atteintes
généralement chez des personnes en bonne santé et n’aboutis- ophtalmologiques (endophtalmie, kératite, sclérite, conjoncti-
sent pas à de sérieuses complications. Les patients hospitalisés vite), infection cutanée et lymphadénite.
sont en général les enfants et les personnes âgées. La sympto- Pour résumer, l’infection par L. monocytogenes est une situa-
matologie survient généralement dans les 24 heures suivant tion rare mais potentiellement grave ; elle doit être évoquée par
l’ingestion d’un aliment contaminé et dure en moyenne le clinicien devant certaines situations.
“ Point fort
électrophorèse classique ou électrophorèse en champ pulsé
(pulse field gel electrophoresis [PFGE]), cytofluorométrie de flux,
méthode enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) (utilisant un
Situations cliniques pour lesquelles la listériose antigène spécifique de genre), et polymerase chain reaction (PCR)
doit être évoquée du gène de l’hémolysine, de séquence de l’acide ribonucléique
• Méningite ou sepsis néonatal (ARN) ribosomique 16S, puce à ADN. Une PCR multiplex
• Méningite ou infection du parenchyme cérébral chez permet de différencier les quatre sérovars majeurs et est utilisée
en routine dans le processus de caractérisation des souches pour
un patient suivi pour hémopathie maligne, syndrome de
la détection des cas groupés.
l’immunodéficience acquise (sida), transplantation
d’organe, traitement immunosuppresseur et cortico-
thérapie
• Méningite ou infection du parenchyme cérébral chez
■ Évolution
un adulte de plus de 50 ans
Les taux de mortalité varient selon la forme clinique. En
• Infection simultanée des méninges et du parenchyme France, le taux global de mortalité des listérioses invasives de
cérébral l’adulte est de l’ordre de 23 % et celui des cas maternonéonatals
• Abcès cérébral sous-cortical de 32 % [13]. Chez les patients immunodéprimés, la mortalité
• Fièvre au cours de la grossesse, particulièrement au s’élève à 39 %, quelle que soit la présentation [14]. Le taux de
troisième trimestre mortalité des patients pris en charge pour listériose sans facteur
• Présence de « diphtéroïdes » à la coloration de Gram du de risque préexistant est pratiquement nul. La mortalité de la
LCR, d’une hémoculture ou de tout autre prélèvement listériose a peu varié depuis les années 1970.
normalement stérile Les facteurs de risque de mortalité de la listériose non
• Toxi-infection alimentaire avec gastroentérite fébrile maternonéonatale suivants ont été listés [17].
pour laquelle les cultures de routine n’ont pas permis de
mettre en évidence un pathogène
“ Point fort
■ Examens complémentaires
Facteurs de risque de mortalité de la listériose de
l’adulte sur une étude réalisée en Californie sur
Diagnostic microbiologique 281 cas
• Néoplasie non hématologique
Prélèvements • Alcoolisme chronique
Le diagnostic de l’infection à Listeria repose donc avant tout • Âge ≥ 70 ans, corticothérapie
sur l’isolement et l’identification de la bactérie à partir de • Maladie rénale
prélèvements normalement stériles : • Transfusion sanguine
• hémocultures : à prélever quel que soit le tableau clinique, • Asthme
souvent contributives ; • Origine africaine, asiatique et sud-américaine
• LCR : l’examen direct est souvent négatif ; • Prise d’antibiotiques préalable
• tout tissu ou liquide biologique en cas de suspicion d’atteinte • Hypertension artérielle
focale ; • Traitement par chimiothérapie antinéoplasique
• prélèvement vaginal : la période de positivité de cet examen
s’étend de quelques jours avant à quelques jours après la
naissance d’un enfant infecté, la bactérie n’étant pas un
commensal habituel de la flore vaginale ;
• placenta et liquide méconial : lors des infections maternofœ- ■ Traitement
tales ;
• prélèvements du nouveau-né : liquide gastrique, méconium, Le traitement de la listériose est avant tout médical et repose
aspiration bronchique et prélèvement cutané ; sur une antibiothérapie adaptée.
• aliments suspects : en cas de suspicion d’une toxi-infection
alimentaire. Molécules disponibles
Sérodiagnostic L. monocytogenes est sensible à de nombreux antibiotiques in
vitro [41, 42], mais elle est constitutionnellement résistante aux
Les sérologies sont d’un intérêt limité car elles sont peu
céphalosporines ainsi qu’à la pénicilline M et à la clindamy-
fiables et difficiles d’interprétation. La détection d’anticorps
cine [43, 44]. Elle est généralement résistante aux fluoroquinolones,
antilistériolysine O aurait cependant montré un intérêt au cours
mais les nouvelles fluoroquinolones antipneumococciques, dont
des gastroentérites à L. monocytogenes pour distinguer les
la moxifloxacine, auront peut-être un rôle à jouer dans le futur.
individus infectés des porteurs sains [6, 36] et au cours d’une
L’antibiothérapie de référence en France est l’amoxicilline
grossesse fébrile, en l’absence de germe isolé et avec une
en association avec un aminoside, la gentamicine. Peuvent
suspicion forte de listériose.
également être proposés le cotrimoxazole (triméthoprime/
sulfaméthoxazole), l’érythromycine et la vancomycine.
Typage moléculaire
De nombreuses méthodes de biologie moléculaire existent Modalités
pour le typage de L. monocytogenes. La plupart ne sont pas
utilisées en routine, mais essentiellement à visée épidémiologi- Le traitement d’une infection par Listeria doit être initié la
que. On peut citer : la comparaison de profils d’isoenzymes plupart du temps en hospitalisation, sauf en cas de gastroenté-
(multilocus enzyme electrophoresis), ribotypage, analyse de profils rite aiguë sans facteur de gravité, ou de fièvre pendant la
de restriction de l’acide désoxyribonucléique (ADN) total grossesse. Il n’existe pas d’études contrôlées pour déterminer le
Tableau 2.
Prise en charge de la listériose selon le tableau clinique.
Infection Traitement Durée
Première ligne Deuxième ligne
Bactériémie Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v. en 4 fois Érythromycine 4 g/j 14 j
par jour ou en administration continue ou cotrimoxazole 100 mg/kg de sulfaméthoxa-
zole et 20 mg/kg de triméthoprime par jour,
en trois à quatre perfusions
ou vancomycine 1 g/j i.v. en administration
continue
Bactériémie pendant Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v. en 4 fois Érythromycine 4 g/j 7 à 14 j ; si fœtus vivant
la grossesse par jour ou en administration continue traitement plus long
Gastroentérite aiguë Aucun traitement chez un patient En cas d’immunodépression ou de grossesse : Quelques jours
en bonne santé amoxicilline ou cotrimoxazole oral
Endocardite infectieuse Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v. en 4 fois Vancomycine 1 g/j i.v. en administration 6 semaines valves natives
par jour ou en administration continue continue 8 semaines prothèse valvulaire
+ gentamicine 3 à 5 mg/kg/j en une prise + gentamicine 3 à 5 mg/kg/j en une prise
journalière les 7 premiers jours journalière les 7 premiers jours
i.v. : intraveineuse
“ À retenir
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L. Epelboin, MD (epelboincrh@hotmail.fr).
Service de médecine interne et maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire de Bicêtre, 78, avenue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre,
France.
P. Bossi, MD, PhD.
Service de médecine interne, Hôpital privé d’Antony, 1, rue Velpeau, 92160 Antony, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Epelboin L., Bossi P. Listériose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1170, 2010.
Coqueluche
A. Lemaignen, S. Jauréguiberry
La coqueluche est une infection respiratoire toxinique strictement humaine due à des bactéries du genre
Bordetella. Elle touche classiquement le jeune enfant. Le tableau clinique associe une toux quinteuse
prolongée avec chant du coq. C’est une maladie hautement contagieuse, potentiellement mortelle pour le
nourrisson non vacciné. Elle touche également l’adulte ayant perdu son immunité vaccinale ou naturelle.
Celui-ci est aujourd’hui le principal réservoir de la maladie. Celle-ci se présente alors comme une toux
sèche chronique sans fièvre. Dans tous les cas, la confirmation biologique se fait par culture et surtout
par polymerase chain reaction dans les trois premières semaines de toux. Le traitement préventif est la
vaccination et le dépistage systématique des cas contacts. Le traitement curatif repose sur les macrolides
prescrits avant la troisième semaine de toux.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan Introduction
■ Introduction 1 La coqueluche est une maladie respiratoire bactérienne de
■ Bactériologie 1 grande importance en santé publique du fait de la morbimorta-
■
lité qu’elle induit. On estime son incidence en 2008 à 16 millions
Épidémiologie actuelle 2
de cas, dont environ 195 000 décès de par le monde [1] , et ce mal-
Généralités 2
gré une excellente couverture vaccinale des jeunes enfants. Les
Transmission : « sous le toit et au travail » 2
récents changements dans l’épidémiologie et la présentation de
« Les jeunes parents contaminent leurs nourrissons » 2
la maladie, la haute contagiosité des germes impliqués, et les pro-
Épidémies 2
grès techniques récents dans le diagnostic de la coqueluche en
Facteurs explicatifs de ces modifications épidémiologiques 3
font une maladie à bien connaître par les cliniciens.
■ Manifestations cliniques 3
Forme classique de l’enfant non vacciné : « toux sans fièvre
avec chant du coq » 3
Forme du nourrisson de moins de 6 mois non ou incomplètement
vacciné : « gravité potentielle » 3 Bactériologie
Forme du sujet adulte anciennement vacciné : « toux sèche
chronique banale d’aggravation nocturne » 4 La coqueluche est une infection de l’arbre respiratoire par des
Complications 4 bactéries du genre Bordetella, dont le principal représentant est
Cas de l’immunodéprimé 4 Bordetella pertussis, décrit pour la première fois en 1900 et isolé en
■ Diagnostic paraclinique 4 culture en 1906 par Bordet et Gengou [2] .
Microbiologie 4 Le genre Bordetella comporte huit espèces :
Biologie standard 4 • B. pertussis : principal agent de la coqueluche, strictement
Imagerie 4 humaine ;
■
• Bordetella parapertussis : responsable d’environ 10 à 15 % des cas
Traitement 5
de coqueluche [3] ;
Hospitalisation 5
• Bordetella bronchiseptica : pathogène respiratoire de nombreux
Traitement antibiotique 5
mammifères, parfois isolé dans des tableaux proches de la
Traitement antitussif 5
coqueluche ;
Traitement préventif 5
• Bordetella holmesii : responsable de bactériémies chez
■ Conduite à tenir en pratique devant une suspicion l’immunodéprimé, impliqué dans certaines épidémies de
de coqueluche 6 coqueluche [4] .
Prise en charge diagnostique 6 Les quatre autres espèces ne sont qu’exceptionnellement retrou-
Prise en charge thérapeutique du cas index 6 vées en pathologie humaine : Bordetella avium, Bordetella hinzii,
Prise en charge de l’entourage 7 Bordetella trematum, Bordetella petrii.
■ Conclusion 7 Ce sont de petits coccobacilles à Gram négatif, immobiles, aéro-
bies stricts. Leur isolement en culture est difficile.
B. pertussis et parapertussis en particulier sont des germes fragiles vivant sous le même toit ou partageant le milieu scolaire d’un
qui nécessitent un ensemencement rapide sur milieu spécifique. malade atteint 90 % et 50 à 80 % respectivement [7] .
Deux milieux de culture peuvent être utilisés : le milieu de Le risque de contamination est donc d’autant plus grand que :
Bordet-Gengou et celui de Regan-Lowe. Ils permettent la for- • l’exposition à un cas est répétée ou prolongée ;
mation de colonies en « goutte de mercure » avec un halo • elle se déroule dans un espace fermé et de petite dimension ;
hémolytique secondaire en cinq à sept jours [5] . • le cas est dans une phase précoce de la maladie.
La cible des Bordetella est l’épithélium cilié respiratoire des On distingue alors en fonction du risque de contamination :
voies aériennes supérieures dans lequel elles vont se multiplier et • les contacts proches (personnes vivant sous le même toit,
persister. Elles produisent un grand nombre de toxines qui leur conjoint(e), enfants en crèche et garde partagée et le personnel
confèrent leur pouvoir pathogène, permettant l’adhésion puis s’en occupant) ;
l’invasion de l’épithélium respiratoire et sont à l’origine des mani- • les contacts occasionnels (classes, milieu professionnel, amis
festations systémiques caractéristiques. proches avec contacts réguliers, en milieu de soin toute per-
La toxine pertussique notamment, propre à B. pertussis, semble sonne exposée à un cas au sein d’une institution).
être impliquée dans l’hyperlymphocytose accompagnant classi-
quement la maladie.
Ces toxines sont pour certaines immunogènes et sont utilisées « Les jeunes parents contaminent leurs
pour le développement du vaccin acellulaire. nourrissons »
Malgré une diminution nette de l’incidence depuis la générali-
sation de la vaccination, la coqueluche reste une cause importante
Épidémiologie actuelle de mortalité chez les nourrissons en étant la première cause par
infection bactérienne communautaire chez les enfants de moins
Généralités de 2 mois [5] .
Entre 1996 et 2011, le réseau français de surveillance hospita-
La coqueluche est une maladie endémoépidémique, ubiqui- lière Renacoq a enregistré 228 cas pédiatriques par an, dont 42 %
taire, cyclique avec des phases épidémiques saisonnières environ concernent des nourrissons de moins de 3 mois. Parmi les nourris-
tous les trois à cinq ans (Fig. 1). sons de moins de 6 mois, 17 % sont hospitalisés en réanimation
Avant l’ère vaccinale, la coqueluche touchait principalement avec un taux de décès de 1,5 %. Parmi ces patients, 77 % n’ont
les enfants de moins de 5 ans et était responsable d’une mortalité reçu aucune dose de vaccin et seul 0,6 % avait reçu les trois doses
importante. recommandées.
Les grandes campagnes de vaccination débutées en 1959 en Les formes graves touchent donc principalement le nourrisson
France ont permis une très nette réduction de la morbimortalité peu ou incomplètement vacciné. Un contaminateur est retrouvé
infantile avec une couverture vaccinale excellente chez l’enfant dans les contacts proches chez 51 à 56 % des cas de coqueluche
(97 % à 2 ans pour trois doses en 2008 [5] ). chez le nourrisson et concerne dans 50 à 70 % des cas les parents [8] .
On assiste cependant depuis les années 1980 à une recrudes- Le réservoir, strictement humain, est donc actuellement consti-
cence de la maladie dans la plupart des pays occidentaux. Elle tué de la population adulte. La bactérie circule dans cette
touche aujourd’hui davantage les adolescents et les jeunes adultes, population avec une incidence largement sous-estimée. Deux
et prédomine chez les nourrissons de moins de 6 mois. raisons expliquent ce phénomène : les présentations cliniques
souvent atypiques chez l’adulte et une couverture vaccinale nette-
ment moins bonne que chez les jeunes enfants avec une moyenne
Transmission : « sous le toit et au travail » de 10,7 % pour les plus de 20 ans en France [9] (Fig. 2).
Après contact avec un sujet infecté, la période d’incubation est
de sept à 21 jours avec une médiane de dix jours [5] . Épidémies
La phase d’invasion correspond à la phase dite « catarrhale » et
dure cinq à dix jours. Du fait de son caractère hautement contagieux, la coqueluche
La contagiosité est alors maximale. En l’absence de traitement est à l’origine d’épidémies de plus ou moins grande ampleur, à
antibiotique la contagiosité décroît au cours du temps jusqu’à l’origine d’une morbidité et de coûts importants.
devenir négligeable à partir de la troisième semaine d’évolution. En France, l’Institut national de veille sanitaire (InVS) analyse
La contamination se fait par voie aérienne par les gouttelettes les cas groupés déclarés aux Agences régionales de santé (ARS).
de Pflügge [6] émises par un sujet infecté lors de la toux et concerne Entre 2000 et 2006, 67 foyers épidémiques ont ainsi été
donc principalement les contacts proches et répétés (famille, amis, décrits : 36 hors établissement de soins, impliquant un total de
collègues). 333 personnes, dont 30 % d’adultes, principalement dans des
La contagiosité est importante, avec un taux de reproduction écoles, lycées, ou en milieu professionnel, et 26 en établissements
R0 estimé entre 10 et 14 (un cas contamine dix à 14 personnes). de soins, touchant 258 personnes, dont 88 % d’adultes et impli-
Le taux de transmission observé chez les personnes susceptibles quant dans tous les cas le personnel de santé [5] .
500
400
300
200
100
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Diminution Primovaccination
progressive 2–3–4 mois
de l'immunité Taux de
couverture : 94 %
Absence de
rappels ultérieurs
Rappel 16–18 mois
Taux de couverture : 84 %
Diagnostic paraclinique
Surinfections (bronchiques ou Otite moyenne aiguë
parenchymateuses, bactériennes ou Mécaniques
virales) Fractures de côtes
Otite moyenne aiguë Pneumothorax Microbiologie
Neurologiques Hernie inguinale
Comitialité Autres Culture
Encéphalopathie hypoxique Anorexie, La culture reste l’examen de référence pour la mise en évi-
Autres, liées aux quintes amaigrissement dence de B. pertussis avec une spécificité proche de 100 % et permet
Dénutrition et déshydratation l’analyse des souches par le Centre national de référence (Institut
Saignements intracrâniens Pasteur). La difficulté d’isolement du germe fait que cette méthode
Hémorragie sous-conjonctivale
est aujourd’hui reservée au milieu hospitalier. Cet examen est
Hernie diaphragmatique, inguinale ou
remboursé.
ombilicale
Elle peut rester positive jusqu’à 15 jours après le début des
Fracture de côte
À long terme
quintes, mais avec une sensibilité qui baisse rapidement après la
Dilatation de bronches séquellaire première semaine et doit donc être réalisée le plus précocement
possible.
Le recueil se fait par une aspiration nasopharyngée ou par écou-
villonnage nasopharyngé. L’ensemencement doit être fait le plus
À l’extrême se trouve le tableau de coqueluche maligne. Il s’agit rapidement possible.
d’une bronchopneumopathie grave à B. pertussis survenant chez L’isolement de colonies de Bordetella sur milieu spécifique se fait
des nourrissons de moins de 3 mois, et rendant compte de la en cinq à sept jours.
grande majorité des décès attribuables à la coqueluche. Elle se tra-
duit par une détresse respiratoire avec défaillance multiviscérale
et hyperleucocytose majeure. « Real time-polymerase chain reaction » (Rt-PCR)
La PCR en temps réel est l’examen le plus sensible pour le diag-
nostic de coqueluche, avec une bonne spécificité. L’analyse est
Forme du sujet adulte anciennement vacciné : effectuée sur le même prélèvement que pour la culture. Elle reste
« toux sèche chronique banale d’aggravation positive jusqu’à trois semaines après le début des quintes. Il existe
nocturne » des kits commerciaux de PCR multiplex permettant de reconnaître
B. pertussis ou B. parapertussis par amplification génique [16] .
La symptomatologie est souvent plus fruste ou incomplète et Cette technique est remboursée depuis mars 2011 à condition
très variable en fonction de l’âge, de l’exposition antérieure à la que la toux dure depuis moins de 21 jours et que le sujet soit
coqueluche ou à son vaccin. Les tableaux cliniques possibles vont vacciné depuis plus de trois ans.
de la maladie typique à la forme asymptomatique. La coqueluche
semble également être une cause fréquente de toux chronique : Sérologie
10 à 30 % des adultes se présentant pour une toux de plus de deux
semaines ont un diagnostic de coqueluche confirmé au labora- La sérologie a un intérêt plus limité : peu standardisée et diffi-
toire [5] . cilement interprétable, seuls les anticorps antitoxine pertussique
Une nouvelle proposition de critères cliniques a été propo- peuvent avoir une valeur car spécifiques de B. pertussis. Seule la
sée pour définir une coqueluche probable du sujet de plus de technique enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) utilisée par
10 ans [14] : toux sèche persistant plus de deux semaines, quinteuse, les centres de référence est validée.
sans fièvre (ou modérée) avec : Le Haut Comité de santé publique recommande que la pratique
• chant du coq ; de la sérologie soit limitée aux situations où une confirmation
• ou apnée ; biologique est indispensable, chez des sujets toussant depuis plus
• ou épisodes de sueurs entre les quintes ; de trois semaines et n’ayant pas été vaccinés depuis trois ans, après
• toux émétisante ; avis d’expert. Elle n’est plus remboursée désormais dans les autres
• aggravation des symptômes en soirée. indications.
Immunofluorescence
Complications
Cette technique n’a pas sa place dans la stratégie diagnostique.
La coqueluche est responsable de nombreuses complications,
principalement chez les jeunes nourrissons. Elles sont d’ordre
mécanique, infectieux et neurologique (Tableau 1). Biologie standard
On recherche une hyperlymphocytose sur la
Cas de l’immunodéprimé numération–formule sanguine chez les jeunes enfants et les
nourrissons. Elle est souvent manquante chez l’adulte. Une
Les infections à B. pertussis et parapertussis ne sont pas associées polynucléose neutrophile doit attirer l’attention sur une possible
à une surmortalité chez les patients immunodéprimés et la gravité surinfection bactérienne (pneumocoque).
potentielle est surtout liée au terrain sous-jacent, notamment de
pathologie respiratoire.
Les autres espèces de Bordetella en revanche sont le plus sou- Imagerie
vent retrouvées dans un contexte d’immunodépression locale
ou générale, dont l’infection par le virus de l’immunodéficience Une imagerie thoracique n’est jamais nécessaire en cas de
humaine (VIH). coqueluche typique chez l’enfant ou l’adulte ; elle peut se dis-
En particulier, B. bronchiseptica est responsable de pneu- cuter à la recherche d’un diagnostic différentiel en cas de toux
monies chez les patients présentant des pathologies respira- chronique chez l’adulte, ou en cas de suspicion de complication
toires chroniques (mucoviscidose, cancer bronchopulmonaire, infectieuse ou mécanique.
Tableau 2.
Modalités du traitement antibiotique (curatif et prophylactique) [5, 18] .
Antibiotique Posologie Modalité Durée Effets secondaires Contre-indications
journalière
Azithromycine E : 20 mg/kg/j (max Une prise/j 3j Hypersensibilité, Hypersensibilité aux
500 mg/j) toxicité hépatique macrolides
A : 500 mg
Clarithromycine E : 15 mg/kg/j Deux prises/j 5j Hypersensibilité, Hypersensibilité aux
A : 1 g/j toxicité hépatique macrolides
Cotrimoxazole E : TMP 6 mg/kg/j Deux prises/j 14 j Hypersensibilité, ictère Allergie, femme
(triméthoprime–sulfamétoxazole : A : TMP 320 mg/j néonatal, toxicité rénale enceinte au 3e trimestre,
TMP–SMX) âge < 2 mois
E : enfant ; A : adulte.
Tableau 3.
Calendrier vaccinal 2013 [21] .
Vaccin utilisé 2 mois 3 mois 11 mois 6 ans 11 ans 12–14 ans a 25 ans b
Vaccin hexavalent X X X
Vaccin tétra DTCaP X X
Vaccin tétra dTcaP X X
Vaccin hexavalent : combiné avec diphtérie, tétanos, poliomyélite, Haemophylis influenza de type B, virus de l’hépatite B ; vaccin tétravalent DTCaP : combiné avec diphtérie,
tétanos et poliomyélite, dose pleine de toxines diphtérique et pertussique ; vaccin tétravalent dTcaP : combiné avec diphtérie, tétanos et poliomyélite, dose réduite de
toxines diphtérique et pertussique.
a
Injection de rattrapage uniquement pour les adolescents n’ayant pas reçu le premier rappel de 6 ans.
b
En plus du deuxième rappel, rattrapage recommandé après 25 ans en cas de désir d’enfant à court terme (cocooning), ou de profession à risque (personnel soignant ou en
charge de la petite enfance). On ne recommande pas plus d’une vaccination anticoquelucheuse à l’âge adulte.
Éviction
Prise en charge thérapeutique du cas index
L’éviction du patient pendant la phase contagieuse est une
mesure fondamentale pour limiter la contagiosité. Une hospitalisation est recommandée avant l’âge de 3 mois et
Elle est nécessaire dès la suspicion diagnostique et ce jusqu’à selon la tolérance avant l’âge de 6 mois.
cinq jours de traitement en cas d’utilisation de clarithromycine, L’éviction est nécessaire pendant la période de contagiosité, en
trois jours en cas d’azithromycine et 21 jours après le début de la évitant tout contact avec des nourrissons non ou insuffisamment
toux en l’absence de traitement. protégés.
Dépistage des
Symptomatiques/Tousseurs
sujets contacts
Contacts occasionnels
Antibioprophylaxie si sujet à risque
Asymptomatiques (nourrisson non protégé, immunodépression,
grossesse, maladie respiratoire chronique)
Surveillance simple + mise à jour des
vaccinations sinon
Contacts proches
Antibioprophylaxie
le plus tôt possible et dans
les 21 jours du dernier contact
chez les sujets dont la vaccination
remonte à plus de 5 ans
“ Points essentiels
• Maladie contagieuse à réservoir strictement humain transmise par voie aérienne
• Deux agents : Bordetella pertussis et Bordetella parapertussis
• Epidémiologie modifiée par l’introduction de la vaccination : touche principalement les enfants non ou insuffisamment vaccinés,
particulièrement avant l’âge de 6 mois, circulation de la bactérie chez les adolescents et les adultes, principale source de contamination
des nourrissons
• Gravité de la maladie avant l’âge de 3 mois avec une mortalité conséquente
• Présentation clinique variable en fonction de l’âge et du statut vaccinal avec des formes cliniques typiques peu fréquentes. Il faut
penser à la coqueluche en cas de toux chronique sans fièvre
• Confirmation biologique par culture et PCR en cas de toux depuis moins de trois semaines
• La sérologie n’est plus recommandée sauf cas très particulier
• Traitement antibiotique court par azithromycine ou clarithromycine à donner dans les trois semaines depuis le début de la toux.
L’objectif est de diminuer la durée de la phase contagieuse, avec peu d’effet sur la durée totale des symptômes
• Aucune efficacité des traitements symptomatiques
• Éviction jusqu’à la fin du traitement antibiotique et enquête autour du cas index indispensables
• Antibioprophylaxie recommandée pour les contacts proches sans protection vaccinale efficace, et chez les contacts occasionnels
présentant des facteurs de risque de complication
• Vaccination par vaccin acellulaire combiné : primovaccination en schéma « deux + un », rappel à 6 et 11 ans, puis rappel à 25 ans.
Vaccination recommandée du personnel soignant et du personnel en charge de la petite enfance
• Cocooning : vaccination des adultes avec projet d’enfant à court terme et vaccination de l’entourage familial en cas de grossesse
et de la mère en post-partum immédiat
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A. Lemaignen (alemaignen@hotmail.com).
S. Jauréguiberry.
Service de maladies infectieuses et tropicales, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemaignen A, Jauréguiberry S. Coqueluche. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(4):1-8 [Article
4-1185].
Grippe
I. Leclercq, J.-C. Manuguerra
La grippe est une maladie virale, partagée par l’homme et l’animal, qui présente de nombreuses facettes,
quelquefois apparemment contradictoires. La langue française a retenu son aspect clinique puisque le
mot pour la désigner souligne, par son étymologie (greifen : saisir), le saisissement brutal de l’individu
infecté. Les Anglo-saxons ont emprunté à l’italien le terme d’influenza, influence, mettant l’accent sur son
aspect épidémique. En médecine vétérinaire, une forme spectaculaire chez les oiseaux lui vaut le nom de
la peste aviaire. Ainsi, la grippe frappe l’imagination par la brutalité qui la caractérise quand elle survient,
et par le caractère explosif des épidémies et des épizooties qui lui sont associées. La grippe nous semble
familière, mais elle est globalement méconnue. Chez l’homme, son taux de létalité, très faible, en fait une
maladie vécue comme bénigne sur le plan individuel tandis qu’elle représente un véritable fléau pour la
collectivité, le taux de mortalité qui lui est associé certaines années la plaçant parmi les premières causes
de mortalité par maladie infectieuse dans les pays développés. Médecine et sciences ont su progresser
pour proposer une prévention efficace grâce au vaccin et plus récemment un traitement étiologique grâce
aux inhibiteurs de la neuraminidase.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan ■ Prévention 14
Composition du vaccin 15
■ Historique 1 Indications 15
Contre-indications 15
■ Virologie 2 Précautions d’emploi 16
Taxonomie et nomenclature 2 Effets indésirables et mises en garde 16
Propriétés morphostructurales 3 Immunité postvaccinale 16
Cycle de multiplication virale 4 Efficacité vaccinale 16
Virulence 4 Vaccins et pandémies 17
■ Espèces infectées 5
Espèces naturellement infectées 5
Espèces qu’il est possible d’infecter expérimentalement 6
■ Mécanismes de variations des virus grippaux 6 Historique
Glissements antigéniques 6
Cassures antigéniques 6 La première description de ce qui pourrait être la grippe remonte
■ Épidémiologie de la grippe 7 aux environs de 400 avant Jésus Christ. Hippocrate a décrit, au
Modes de transmission 7 nord de la Grèce, une épidémie de toux, suivie notamment de
Formes épidémiques 7 pneumonie. Il faut attendre 1173-1174 pour trouver la première
Surveillance de la grippe 8 description convaincante d’une épidémie de grippe [1] .
Aspect économique de la grippe 9 La pandémie la plus meurtrière de tous les temps fut la pandé-
■ Diagnostic et tableaux cliniques 9 mie dite de grippe espagnole, en 1918-1919. Elle fit entre 20 et
Tableau clinique 9 50 millions de morts et aurait touché au total environ la moitié
Diagnostic différentiel 11 de la population mondiale.
Au lendemain de cette première pandémie du XXe siècle, Dujar-
■ Diagnostic et identification biologiques 12 ric de la Rivière, chercheur à l’Institut Pasteur, démontra que
Diagnostic virologique 12 l’agent étiologique de la grippe était un « virus filtrable » [2] . En
Diagnostic sérologique 13 1931, Shope isola le premier virus de grippe chez le porc. Deux
■ Traitement curatif et prophylactique 13 ans plus tard, en 1933, à la faveur d’une épidémie de grippe
Traitement étiologique 13 en Grande-Bretagne, trois chercheurs du National Institute for
Traitement symptomatique 14 Medical Research (Smith, Andrewes et Laidlaw) isolèrent pour la
1968
A (H1N1) Grippe espagnole 2009 A (H1N1) v
A (H1N1) Grippe russe
1918 1957
1977
Réémergence de souches A (H5N1) Grippe du poulet
proches de celles circulant 1997
dans les années 1950 2003 A (H5N1) Grippe aviaire
première fois un virus de grippe humaine grâce à une espèce ani- Après 1997, différents réassortants continuèrent à émerger
male inattendue : le furet [3] . Deux autres types de virus grippaux parmi les oiseaux aquatiques sauvages et les volailles de Hong
humains ont ensuite été identifiés : en 1940, Francis Jr découvrit Kong. Le gène codant la HA de ces différents réassortants est
le virus de la grippe B [4] et en 1947, Taylor isola le premier virus resté stable du point de vue antigénique, les phénomènes de réas-
de grippe C [5] . sortiment concernant plutôt les gènes dits « internes ». En 2002,
En 1957, un nouveau virus de grippe de type A, différent de ceux un nouveau génotype de virus A (H5N1) est apparu, avec une
isolés précédemment par la nature de ses antigènes de surface, dérive antigénique marquée de la HA et un caractère hautement
émergea, causant la pandémie de grippe asiatique. La pandémie pathogène pour les canards et les oiseaux aquatiques sauvages.
a été décrite d’abord au sud de la Chine en février 1957. Elle s’est L’épizootie qui a eu lieu durant l’hiver 2002-2003 s’est ensuite
ensuite étendue en Extrême-Orient, puis au Moyen-Orient et en étendue dans tous les élevages de volailles d’Asie du Sud-Est.
Afrique. La grippe due à ce virus n’a démarré en Europe qu’à De nombreux génotypes résultant de nombreux réassortiments
l’automne. Le nombre de personnes atteintes a été considérable ont circulé jusqu’en 2004, période à laquelle le génotype Z est
mais la grippe asiatique n’a pas été particulièrement sévère. devenu dominant en Asie, sauf au Japon et en Corée, où le géno-
Plus tard, en 1968, ce virus A (H2N2) fut supplanté par un type V est devenu prédominant [9] . Le virus est devenu endémique
nouveau virus de grippe A, résultat d’un réassortiment génétique pour la plupart des pays d’Asie. Fin juillet 2005, le virus s’est
qui aboutit, notamment, à la substitution de l’hémagglutinine propagé pour affecter les oiseaux migrateurs en Mongolie et au
(notée HA ou H) du virus A (H2N2) par une HA de virus aviaire, Koweït, puis les continents européen et africain. Depuis 2003,
donnant naissance au sous-type A (H3N2). Cet événement fut à 61 pays ont déclaré l’influenza aviaire à sous-type A (H5N1) chez
l’origine de la dernière pandémie du XXe siècle, dite grippe de des volailles domestiques ou des oiseaux sauvages (Office inter-
Hong Kong. C’est en effet là qu’a été observée à l’été 1968 une national des épizooties). Depuis 2008, l’épizootie a globalement
flambée de syndromes grippaux due à un virus proche mais diffé- régressé mais il y a toujours des foyers actifs. Des cas zoonotiques
rent du virus A (H2N2). Le déroulement géographique de la grippe d’infection humaine sont sporadiquement observés. Depuis 2003
de Hong Kong fut assez semblable à celui de la précédente pandé- (et au 12 mars 2013), 622 cas humains ont été confirmés dont
mie. 371 sont décédés [10] . Une pandémie est toujours à craindre : le
En 1977, les virus de sous-type A (H1N1) qui avaient été sup- virus continue de circuler au sein des oiseaux et il est en évolution
plantés par le virus de la grippe asiatique en 1957 resurgirent, permanente.
provoquant l’épidémie dite de grippe russe (Fig. 1). Le 25 avril 2009, l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
Les outils actuels de la biologie moléculaire du gène ont permis lançait une alerte mondiale pour la grippe due à un nouveau
à l’équipe de Taubenberger de détecter puis de séquencer des frag- virus de sous-type A (H1N1). Au 11 juin 2009, alors que près de
ments d’acide ribonucléique génomiques issus de trois personnes 30 000 cas confirmés avaient été notifiés dans 74 pays, elle décide
décédées de la grippe espagnole [6, 7] . Son équipe a ainsi pu démon- d’élever le niveau d’alerte à la pandémie de grippe de la phase 5 à
trer que ce virus était bien un représentant du sous-type A (H1N1), la phase 6 [11] .
comme le laissaient prévoir les résultats d’« archéosérologie ». Ce nouveau virus A (H1N1) pandémique (pdm), devenu pré-
L’analyse de la séquence de l’HA semble montrer que, même si dominant au sein de son sous-type, était constitué de segments
l’origine du virus est aviaire, le virus A (H1N1) responsable de la génomiques communs avec les virus porcins dits « triples réassor-
grippe espagnole a été introduit dans une espèce de mammifères tants » qui avaient été responsables de cas humains sporadiques
quelques années avant le début de la pandémie. Il aurait alors d’infections respiratoires aux États-Unis de 2005 à 2009, et avec
évolué, s’éloignant des virus aviaires pour devenir un virus mam- une autre souche porcine eurasiatique [12] . La pandémie a été peu
malien. Aujourd’hui, le virus entier a pu être reconstitué [8] . sévère. Cependant, elle a été d’expression clinique plus grave que
L’épisode dit de la « grippe du poulet », qui a éclaté à Hong Kong la grippe saisonnière pour certains malades et a concerné une
en 1997, a été le premier exemple de la contamination zoono- population plus jeune. Au total dans le monde, elle aura fait plus
tique d’un humain directement à partir d’un oiseau. Le virus en de 18 449 décès dont 312 en France.
cause, précurseur du virus A (H5N1), fut détecté dès 1996, dans la Actuellement chez l’homme circulent deux sous-types de virus
province de Guangdong en Chine, causant la mort d’oies mais de grippe A, A (H1N1) et A (H3N2), aux côtés des virus des
attirant peu l’attention. En mai 1997, un virus aviaire de sous- grippes B et C.
type A (H5N1) a été isolé chez un garçon de 3 ans, décédé quelques
jours après d’une pneumonie. Puis 17 nouveaux cas d’infection
par le même sous-type viral ont été répertoriés et cinq nouveaux
décès ont été enregistrés. Des analyses phylogénétiques montrent Virologie
que ce virus était issu de réassortiments multiples entre plusieurs
virus circulants chez les oiseaux aquatiques en Asie. Le virus a Taxonomie et nomenclature
circulé au sein des marchés de volailles vivantes de Hong Kong
avant de provoquer des cas humains. Les 18 cas humains étaient Position taxonomique
liés à des événements zoonotiques de transmission du poulet Les virus de la grippe appartiennent à la famille des Orthomyxo-
à l’homme indépendants les uns des autres, sans transmission viridae. Ce sont des virus enveloppés à ARN simple brin de polarité
interhumaine. L’abattage massif des élevages de volailles a permis négative. Leur génome est segmenté. Il existe trois types de virus
d’éradiquer l’épidémie. grippaux répartis en trois genres : Influenzavirus A, Influenzavirus B
Protéines internes translocation fait intervenir la NP, qui possède plusieurs signaux
Ribonucléoprotéines. À l’intérieur de la particule virale, huit de localisation nucléaire et des protéines cellulaires de la famille
(virus A et B) ou sept (virus C) nucléocapsides de symétrie hélicoï- des importines [18] .
dale résultent, chacune, de l’association d’une molécule d’ARN La protéine PB1 représente le cœur du complexe polymérase
et de monomères de nucléoprotéine (NP). Cette protéine codée (PA, PB1 et PB2), et interagit avec les protéines PA et PB2. La
par le segment no 5 comporte entre 500 et 565 aa. La NP a de transcription primaire du génome en ARNm est catalysée par ces
nombreux rôles dans la structure des RNP et dans le cycle de trans- complexes emportés par les virions [19] . Lorsque débute la trans-
cription/réplication du virus. Elle fait partie des antigènes internes cription, PB2 capture les ARNm cellulaires en se fixant à leur
et c’est elle qui détermine le type viral A, B ou C. Trois protéines coiffe méthylée en position N7. Elles sont ensuite clivées, grâce
appelées protéine acide (PA, 716 aa), protéine basique 1 (PB1, à l’activité endonucléase de la protéine PA, dix à 15 nucléotides
757 aa) et protéine basique 2 (PB2, 759 aa) forment un complexe en aval du site de fixation de PB2. Les petits ARN coiffés résultant
impliqué dans les phénomènes de transcription et de réplication. de ce clivage sont utilisés par PB1 pour synthétiser de l’ARN à
Le segment PB1 de certaines souches de virus grippaux contient partir de l’ARNv matrice. La transcription se termine en amont de
également un AUG interne à partir duquel est initiée la traduc- l’extrémité de l’ARN sur une séquence de cinq à sept uridines,
tion d’une autre protéine dans une phase de lecture décalée de qui servent à la synthèse de la queue poly-A. Ces ARNm coif-
+1 par rapport à celle de PB1 [16] . Cette protéine, appelée PB1- fés et polyadénylés sont donc des copies incomplètes de l’ARNv,
F2, est un facteur proapoptotique de virulence, qui augmente qui sont ensuite exportées dans le cytoplasme de la cellule pour
le risque d’infections secondaires. Récemment, il a été décou- être traduits en protéines virales. La réplication du génome peut
vert qu’une autre protéine, appelée PB1 N40, était codée par ce commencer quand les premières synthèses de protéines virales
segment. Son rôle dans le cycle réplicatif du virus est encore ont eu lieu. Les ARN positifs ou ARN complémentaires (ARNc)
inconnu. qui servent d’intermédiaires pour la synthèse de copies nou-
Protéines NS1 et NEP. Le plus petit segment NS code deux velles du génome viral sont synthétisées, sans amorçage par
protéines NS1 et NEP. La NS1 résulte de la traduction de la un fragment d’ARN coiffé, et un processus dit d’antiterminaison
totalité de l’ARNm tandis que la NEP est traduite à par- permet de ne pas « bégayer » sur la séquence de cinq à sept
tir d’un ARNm ayant subi un épissage. La NEP intervient uridines. Comme pour la transcription, c’est la protéine PB1
dans l’exportation des RNP néosynthétisées à partir du noyau qui joue le rôle d’ARN polymérase ARN dépendante dans la
vers le cytoplasme, en association avec la protéine M1, avec réplication.
laquelle elle interagit. La NS1, quant à elle, via une multitude Pendant l’infection par les virus grippaux, la protéosynthèse se
d’interactions protéine–protéine ou protéine–ARN, est directe- maintient à un niveau élevé. Il se produit un remarquable bascule-
ment impliquée dans de nombreux aspects du cycle réplicatif ment de la synthèse des protéines cellulaires à celle des protéines
du virus, comme la réplication de l’ARN viral (ARNv), et la syn- grippales, sans doute au moins en partie à cause du blocage de la
thèse des protéines virales. Ainsi, NS1 régule la synthèse des traduction des ARNm cellulaires privés de leur coiffe.
ARNv, et inhibe l’épissage des ARN prémessagers et l’exportation
des ARNm polyadénylés. Une des fonctions majeures de la pro- Traduction, transport et assemblage
téine NS1 consiste à limiter la réponse antivirale de l’hôte, en
La traduction se déroule dans le cytoplasme. Les protéines
interagissant directement ou indirectement avec des protéines
virales comme l’HA et la NA arrivent à la surface cellulaire en
cellulaires impliquées dans les voies d’activation de la réponse
passant dans le réticulum endoplasmique, puis par l’appareil
interféron [17] .
de Golgi et le trans-Golgi. Les autres protéines virales arrivent
sous la membrane plasmique par simple diffusion. Le processus
Cycle de multiplication virale d’export des RNP du noyau vers le cytoplasme est médié par le
récepteur nucléaire CRM1 (ou exportine-1) et ferait intervenir les
Entrée du virus protéines NEP et M1 ; le rôle exact de ces deux protéines n’est pas
encore clairement défini et des études plus récentes suggèrent que
Attachement
la protéine NP, qui possède plusieurs signaux d’export nucléaire,
Le cycle viral débute par l’attachement du virus à la surface de serait également impliquée dans le processus.
la membrane plasmique. Les récepteurs sont des sialoglycolipides La formation des virions néosynthétisés se fait par bourgeon-
ou des sialoglycoprotéines. Ce qui est reconnu, c’est l’acide sia- nement à la surface cellulaire, au niveau de radeaux lipidiques
lique terminal, ce qui explique l’affinité des virus grippaux pour les riches en cholestérol et en sphingolipides. La HA et la NA sont
mucus. Ces derniers constituent de véritables leurres pour les virus associées à ces radeaux lipidiques alors que M2 en est exclue. La
et participent ainsi aux mécanismes de défense non spécifiques de protéine M1 interagit à la fois avec les queues cytoplasmiques des
l’appareil respiratoire, en synergie avec les mouvements de sur- glycoprotéines HA et NA, et avec la nucléoprotéine NP des RNP.
face des cellules ciliées de l’épithélium respiratoire. C’est l’HA qui La polymérisation de la M1 permet le bourgeonnement du virion
est responsable de l’attachement viral par son site récepteur situé et la polarisation des RNP dans la particule virale. La protéine M2
dans sa partie globulaire distale. interviendrait dans la scission de la membrane plasmique et donc
dans le relargage des virions néoformés [20] . Le cycle viral aboutit
Endocytose, fusion et « décapsidation »
plus à l’épuisement de la cellule infectée qu’à sa lyse.
Après l’attachement, la particule virale est endocytée. À mesure
de la fusion de lysosomes avec la vésicule d’endocytose, le pH du
contenu s’abaisse. Lorsqu’il est suffisamment acide (généralement Virulence
autour de 5,0 ou 5,1), l’HA subit un changement de conforma-
tion qui extériorise la partie hydrophobe de la sous-unité HA2 . La pathogénicité et la virulence des virus grippaux sont mul-
Ceci permet la fusion entre la membrane endosomale cellulaire tigéniques. Ainsi, il a été décrit, dans le cas des souches de virus
et la bicouche lipidique virale. Pour les virus de type A, la pro- grippaux aviaires de sous-type A (H5N2) que l’insertion d’un motif
téine M2 permet de déstabiliser l’enveloppe virale, notamment la polybasique au site de clivage de l’HA en ses deux sous-unités HA1
protéine M1, et d’abolir principalement les interactions entre les et HA2 était associée à une apparition de virulence extrême pour
protéines M1 et les complexes RNP, permettant à ces dernières de les poulets [21] . Les virus A (H5N1) isolés récemment chez l’homme
pouvoir migrer, libres, jusque dans le noyau. possèdent également un site de clivage multibasique, ce qui favo-
rise la réplication du virus en dehors de la sphère respiratoire et
contribue ainsi à la virulence de ce virus.
Transcription/réplication du génome viral De même, la nature du résidu 627 de la protéine PB2 confère
Les trois types d’ARN spécifiques du virus (ARNm viral, au virus grippal la capacité ou non de se répliquer dans les cel-
ARNv antigénomique et ARNv génomique) sont synthétisés dans lules de mammifères, et serait responsable de la virulence de
le noyau. L’entrée des RNP dans le noyau s’effectue grâce à certaines souches chez la souris et de leur réplication dans le trac-
la machinerie cellulaire à travers les pores nucléaires. Cette tus respiratoire supérieur. De manière notable, les infections par
ces virus sont caractérisées par une sécrétion très importante de peu, et le lignage « américain » [24] qui, depuis, a donné des sous-
cytokines et de chimiokines pro-inflammatoires. La protéine NS1 lignées, dont la plus abondante et la plus rapide en évolution est
serait impliquée dans ce phénomène, dénommé « tempête cytoki- la sous-lignée Florida.
nique », au moins pour les virus A (H5N1). D’autres déterminants Contrairement à ce qui se passe pour la surveillance virolo-
moléculaires, situés sur la NS1, la NP et les protéines du complexe gique des virus grippaux humains, le nombre de souches de virus
polymérase, ont été décrits. grippaux équins isolées est plus limité à travers le monde. Cepen-
Enfin, la propension des virus A (H5N1) à se fixer sur les acides dant, les virus équins sont, comme leurs équivalents humains,
sialiques liés par une liaison O-glycosidique en ␣2-3 présents dans capables de glissements antigéniques. Toutefois, les H3 des virus
les pneumocytes et les macrophages alvéolaires du tractus respi- équins évoluent moins rapidement que les H3 des virus humains.
ratoire inférieur humain pourrait être impliquée dans la sévérité Certains virus ont même circulé pendant près de 25 ans, sans
de l’infection. De même, des virus A (H1N1) pdm de 2009 portant variations antigéniques majeures [25] . Cependant, et d’un point
la mutation D222G sur la HA, et isolés à partir de cas graves ou de vue global, il semble que depuis 1984 se soit instituée une
sévères, ont une affinité accrue pour les acides sialiques liés en relation linéaire entre le nombre de différences en nucléotides et
␣2-3. L’infection de ces cellules par ces virus semble cependant l’année d’isolement. Le vaccin antigrippal chez le cheval pourrait
limiter leur propagation d’un individu à un autre. être « mis à jour » sur le même mode que le vaccin humain.
Cliniquement, la grippe chez le cheval est assez semblable à
celle de l’homme. Les animaux apparaissent abattus et sont ano-
Espèces infectées rexiques. Les complications sont relativement fréquentes chez
le cheval : laryngite chronique, paralysie pharyngée, bronchite
Espèces naturellement infectées chronique avec emphysème alvéolaire et bronchopneumonie
chronique. La grippe équine est souvent suivie de surinfections
Oiseaux bactériennes.
On observe le plus grand nombre de sous-types de virus de Grippe porcine
grippe A chez les oiseaux sauvages et les oiseaux domestiques.
La grippe chez le porc est importante pour plusieurs raisons :
Alors que chez l’homme n’ont circulé que des virus portant à leur
• les porcs sont susceptibles de transmettre des virus grippaux,
surface les H1, H2 et H3 (et, ponctuellement seulement, H5, H7 et
porcins ou non, à l’homme, constituant ainsi un risque zoono-
H9), des virus portant les H1 à H16 circulent chez les oiseaux [22] .
tique identifié ;
Pareillement, les NA des virus humains n’appartiennent qu’aux
• ils peuvent être infectés par des virus aviaires et l’hypothèse
types N1 et N2 alors que celles des virus aviaires appartiennent aux
les plaçant au centre de l’émergence par réassortiment de
types N1 à N9. Les oiseaux constituent donc un véritable réservoir
sous-types nouveaux de virus de grippe A chez l’homme est
de virus de grippe A.
actuellement toujours très admise ;
La prévalence la plus élevée chez les oiseaux a été observée
• enfin, la grippe peut entraîner des pertes économiques consi-
chez les espèces de canards du genre Anas [23] dans l’ordre des
dérables dans l’industrie porcine.
Ansériformes (canards et oies), mais également dans d’autres
La situation de la grippe chez le porc est complexe sur le plan
ordres comme les Galliformes (poules, dindes, cailles). Ces der-
virologique car de nombreux génotypes différents au sein de
niers peuvent migrer sur de très grandes distances, allant d’un
chaque sous-type viral circulent.
hémisphère à l’autre. Les Ansériformes sont de bons voiliers et de
Virus porcins classiques A (H1N1). Le premier virus isolé
très nombreuses espèces sont migratrices. Après nidification dans
chez le porc en 1931 était un virus A (H1N1) probablement intro-
leur « patrie », les espèces migratrices commencent leur déplace-
duit chez les porcs en Amérique du Nord au début du XXe siècle.
ment. Le passage par des points de repos communs entraîne la
Ces virus, dits virus porcins classiques A (H1N1), ont circulé depuis
rencontre de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs venant
lors aux États-Unis, sous forme essentiellement enzootique. Dans
de lieux de nidification très variés. Au moment du début de la
les années 1970, ces virus ont été introduits dans les popula-
migration, une proportion importante des oiseaux est constituée
tions porcines d’Asie. Au début des années 1980, des épizooties de
de jeunes qui migrent pour la première fois. Ces jeunes, immu-
grippe porcine à virus A (H1N1) ont éclaté en Europe du Nord et se
nologiquement plus « naïfs » que leurs parents, représentent une
sont répandues sur tout le continent européen. Ces virus étaient
population particulièrement sensible à l’infection par les virus
antigéniquement et génétiquement distincts des virus A (H1N1)
grippaux. De plus, l’utilisation de points d’eau douce ou saumâtre
porcins dits classiques, mais antigéniquement apparentés aux
favorise la présence dans l’eau de virus de sous-types différents en
virus A (H1N1) aviaires. Ainsi, deux lignages établis de virus por-
fonction des virions éliminés dans les excrétas des oiseaux infec-
cins A (H1N1) ont cocirculé dans le monde : les virus A (H1N1)
tés. Il existe aussi de nombreuses migrations intertropicales, même
classiques dans le nouveau monde, et les virus porcins issus de
si elles sont d’ampleur beaucoup moins grande. Malgré la grande
virus aviaires dans le vieux monde, dits avian-like.
variété d’itinéraires, il existe des routes majeures de migration des
Virus porcins A (H3N2). Ce sous-type a été isolé chez le porc
oiseaux, dont plusieurs passent par l’Europe et par la Chine.
pour la première fois à Taiwan, au cours d’une épidémie de grippe
Les épizooties causées par les virus H5Nx ou H7Ny hautement
humaine, peu après l’apparition de ce sous-type chez l’homme en
pathogènes peuvent être violentes et intenses. La plus grande épi-
1968. Depuis, des virus A (H3N2) circulent chez le porc dans de
zootie à virus A (H5N1) jamais observée est celle qui a démarré à
nombreux pays. Cependant, contrairement aux virus A (H1N1),
la fin de l’année 2003, et qui a touché un nombre inédit de pays,
ces virus ne sont pas associés à une forte morbidité chez le porc et
chez les oiseaux domestiques et/ou dans la faune sauvage.
leur prévalence est beaucoup plus faible.
Virus porcins réassortants A (H1N2) et autres. Des
Mammifères virus A (H1N2) ont été isolés au Japon en 1979-1980, en
Grippe équine France en 1987 et 1988, puis de nouveau au Japon en 1989-1990.
Les chevaux, les ânes et les individus issus de leurs croise- Leur isolement en des lieux différents semble confirmer que ces
ments sont naturellement sensibles à l’infection par des virus virus ont circulé plus ou moins largement dans les populations
grippaux A (H7N7) et A (H3N8). Alors qu’aucun virus de sous- porcines.
type A (H7N7) n’a été isolé depuis 1980, le sous-type A (H3N8) À la fin des années 1990 sont apparus aux États-Unis des virus
circule actuellement de façon enzootique dans les pays dévelop- dits virus triples réassortants porcins : les gènes PB2 et PA sont
pés. Dans de nombreux pays, la vaccination contre la grippe est d’origine aviaire, leur PB1 d’origine humaine et leurs gènes NP,
exigée pour les chevaux qui participent à des compétitions. Les M et NS d’origine porcine classique. Ces virus triples réassortants
H3 des virus équins – sauf celles de virus équins issus du passage le ont circulé depuis en Amérique du Nord, ont également atteint
plus récent de virus aviaire H3 chez le cheval, dont la souche pro- l’Asie, mais n’ont jamais été détectés en Europe [26] . En Asie, il a
totype est A/Equi/Jilin/1/89(H3N8) – circulent actuellement dans été observé des virus A (H3N2) résultant de réassortiments entre
le monde. Vers 1987, le lignage principal s’est séparé en deux le virus porcin dérivé du virus humain saisonnier A (H3N2) et
branches distinctes : le lignage « eurasien », qui circule et évolue les virus porcins A (H1N1) avian-like ou les virus porcins A (H1N1)
2 4
3 5
Figure 4. Réassortiment de segments génomiques : mécanisme hypothétique de l’apparition des sous-types A (H2N2) puis A (H3N2) chez l’homme comme
événement initial des pandémies de grippe asiatique (1957) et de grippe de Hong Kong (1968) respectivement. Selon l’hypothèse la plus admise, le porc
aurait joué le rôle de creuset de mélange ayant permis l’émergence des nouveaux virus grippaux ayant causé les deux dernières pandémies en date. Le
virus A (H2N2) apparu chez l’homme aurait pris trois segments génomiques, PB1, HA et NA, à un virus grippal de canards sauvages et aurait conservé les
cinq autres segments du virus en circulation à ce moment-là chez l’homme : PA, PB2, NP, M et NS. Le virus A (H3N2), qui a été introduit chez l’homme et a
supplanté le virus A (H2N2) humain, et qui est associé à la pandémie de 1968-1969 dite de Hong Kong, aurait pris deux segments génomiques, PB1 et HA, à
un virus grippal de canards sauvages, et aurait conservé les six autres segments du virus en circulation à ce moment-là chez l’homme : PA, PB2, NP, NA, M et
NS1. 1. Virus A (H1N1), grippe espagnole (1918) ; 2. PB1, HA, NA ; 3. virus A (H2N2), grippe asiatique (1957) ; 4. PB1, HA ; 5. virus A (H3N2), grippe de Hong
Kong (1968).
virus A (H1N1) de 1918, quant à lui, fait encore débat et est dif- mouvements respiratoires expulsent des particules virales qui se
ficile à déterminer. À l’heure actuelle, il semble probable que le retrouvent soit en suspension dans l’air constituant alors de véri-
virus ait été transmis de l’homme au porc puisque l’infection chez tables aérosols infectieux, soit sur des surfaces souillées.
le porc est survenue pendant la seconde vague de la pandémie, Ainsi, la transmission du virus est facile et plus efficace dans les
durant l’automne 1918 [34] . Plus récemment, une étude phylogé- lieux clos ou confinés, comme les transports en commun ou les
nétique suggère que ce virus pourrait être issu d’un réassortiment collectivités. Le virus grippal voyage d’un continent à l’autre par
entre une souche provenant d’un hôte animal inconnu et d’un tous les moyens de transport, mais ne s’implante pas partout où
précurseur humain [35] . il arrive. Il faut que la souche soit assez virulente et que la densité
En marge de ces événements de réassortiments pouvant de population soit suffisante.
avoir des conséquences désastreuses sur la population humaine,
une analyse phylogénétique réalisée en 2005 sur 156 génomes
complets de virus A (H3N2), isolés entre 1999 et 2004 à New
Formes épidémiques
York aux États-Unis, a montré que de multiples lignages de Pandémies
virus A (H3N2) cocirculaient chez l’homme, et que les différentes
On parle de pandémie lorsque l’épidémie de grippe atteint la
souches de ces virus subissaient des réassortiments fréquents à la
totalité du globe en un temps court. Les formes pandémiques de
suite de co-infections [36] .
la grippe sont liées à une forte mortalité. En 1918-1919, ce sont
les jeunes adultes qui ont connu les plus forts taux de morbidité
et de mortalité. La grippe espagnole a fait entre 20 et 50 millions
Épidémiologie de la grippe de morts dans le monde. Aux États-Unis, le nombre cumulé de
morts dues aux pandémies de 1957 (grippe asiatique) et de 1968
Modes de transmission (grippe de Hong Kong) s’élève à 98 000 morts directes.
Entre les espèces La première pandémie du XXIe siècle due au virus A (H1N1) pdm
a été extensive mais peu meurtrière.
Le porc peut être infecté directement par des virus aviaires Depuis l’apparition du génotype Z des virus A (H5N1) en Asie,
de façon naturelle [37] ou expérimentale [38] . La contamination de puis son explosion épizootique à la fin de 2003, de nombreux
l’homme par des virus aviaires n’avait pas été démontrée avant cas humains d’infection à virus aviaire A (H5N1) ont été observés.
l’épisode dit de la « grippe du poulet », en 1997, et qui s’est pour- D’abord limités au Vietnam, au Cambodge et à la Thaïlande, ils
suivi de fin 2003 à nos jours par l’épisode dit de la « grippe aviaire ont ensuite été rapportés dans plusieurs pays (15 au total).
à virus A (H5N1) ».
Épidémies
Chez l’homme
Pendant les périodes interpandémiques, la grippe sévit sous
Le tropisme des virus grippaux est respiratoire et leur mode de forme d’épidémies d’ampleur variable, et sur un mode saisonnier
transmission est encore actuellement sujet à controverse. dans les régions tempérées, au cours de l’automne et de l’hiver.
La transmission à courte distance, par contact direct ou indi- Dans les régions tropicales, elle survient tout au long de l’année,
rect et par gouttelettes, est privilégiée par certains [37] . À l’opposé, mais plus particulièrement pendant la saison des pluies. Cette sai-
la transmission à courte ou moyenne distance faisant intervenir sonnalité a été mise en relation avec l’humidité relative dans de
de façon prédominante les aérosols est le mode principal pour nombreuses études [40, 42, 43] .
d’autres [39–41] . Les contacts main–visage semblent avoir un impact Cependant, l’humidité absolue expliquerait beaucoup mieux
extrêmement faible [39] . Les éternuements, la toux ou de simples le caractère saisonnier de la grippe, la transmission comme la
35 MG Grippe A 200
Pédiatres Grippe B
30
MG et pédiatres
IRA/acte (%)
20
100
15
10
50
5
0 0
36 38 40 42 44 46 48 50 52 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34
Semaines
Figure 5. Infections respiratoires aiguës (IRA) en médecine générale (MG) et nombre de virus grippaux isolés ou détectés en France, saison 2010-2011
(d’après groupes régionaux d’observation de la grippe).
(Atlanta, Pékin, Londres, Melbourne, Tokyo), 136 centres natio- (5,5), forte (8,1) et intense (8,8) respectivement. Les résultats
naux de la grippe (CNG) répartis dans 106 pays, 11 laboratoires H5 indiquent que selon l’ampleur de l’épidémie le coût global hors
de référence, et quatre laboratoires d’essais et de standardisation. hospitalisation a varié de 250 millions d’euros à près d’un milliard
La fonction essentielle des CCM est l’identification précise des d’euros (source : Open Rome).
souches de virus grippaux adressées par les laboratoires nationaux. Aux États-Unis, dans une étude publiée en 2007 [50] , les auteurs
Ils centralisent les virus isolés, comparent leurs caractères antigé- ont réalisé une estimation spécifique par âge et par risque du
niques et effectuent des analyses génétiques. Les conclusions sont fardeau que représente la grippe dans ce pays, ainsi que les
capitales car elles conditionnent la prise de décisions importantes frais médicaux et les coûts indirects imputables aux épidémies
lorsqu’un nouveau variant à potentiel épidémique apparaît. Ces annuelles, en utilisant un modèle probabiliste et les données
résultats constituent la base des recommandations de l’OMS pour épidémiologiques publiquement disponibles. Le nombre de cas
la composition vaccinale lors de réunions annuelles en février, au de grippe menant à des consultations en médecine de ville, à
siège de l’OMS, et diffusées par le canal du relevé hebdomadaire des hospitalisations ou à des décès, ainsi que le temps perdu
de l’OMS et de son site web. consécutif aux arrêts de travail ou aux décès prématurés ont été
En Europe évalués. Sur la base de la population des États-Unis en 2003,
ils ont estimé que les épidémies annuelles de grippe entraînent
Depuis 2008, les responsabilités anciennement assurées par le
en moyenne 610 660 années de vie perdues, 3,1 millions de
réseau European Influenza Surveillance Scheme ont été transférées
jours d’hospitalisation et 31,4 millions de consultations médi-
au Centre européen de lutte contre les maladies (European Centre
cales externes. Les coûts médicaux directs sont en moyenne de
for Disease Prevention and Control [ECDC]).
10,4 milliards de dollars (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] :
L’objectif de l’ECDC est de fournir aux décideurs des états
4,1–22,2 millions) par an. L’estimation des pertes de revenus
membres, aux experts nationaux, mais aussi aux professionnels
consécutives à la grippe et aux décès prématurés s’élevait à
de santé et même au grand public, une évaluation de l’activité
16,3 milliards de dollars (IC 95 % : 8,7–31,0 millions) par an. Le
grippale à l’échelle de notre continent.
fardeau économique total des épidémies de grippe annuelles a été
Plus largement, la région Euro de l’OMS analyse et présente les
évalué à 87,1 milliards de dollars (IC 95 % : 47,2–149,5 millions).
données épidémiologiques et virologiques des 53 pays de cette
zone du monde, et les données sont collectées et présentées à
travers la plateforme informatique Euroflu.
Diagnostic et tableaux cliniques
Aspect économique de la grippe Le diagnostic clinique de la grippe doit toujours tenir compte de
Il y a relativement peu d’études sur le coût de la grippe en la situation épidémiologique. Ainsi, en tout début de circulation
général, encore moins pour ce qui concerne les pays en voie de des virus grippaux et avant l’épidémie, le nombre de virus grip-
développement. Les quelques études mentionnées ici donnent un paux isolés ou détectés au cours d’une infection respiratoire aiguë
ordre de grandeur de ce coût. est faible, tandis qu’au pic de l’épidémie il atteint son maximum
En 2006, une étude baptisée Ecogrippe 2006 a été réalisée et peut atteindre des proportions qui dépassent les 50 % (Fig. 5).
en France par les GROG. Dans cette étude, le coût direct de Ceci illustre l’importance du contexte viroépidémiologique lors
l’épidémie modérée de grippe B de 2005 à 2006 a été estimé à de l’établissement du diagnostic.
partir des données de surveillance. Il s’agit d’une enquête rétros-
pective réalisée auprès de l’ensemble des patients ayant eu une
grippe confirmée par les GROG. Chaque cas de grippe a induit Tableau clinique
un « coût direct moyen » de 37 à 51 euros, en fonction de l’âge
des patients, auquel il faut ajouter les indemnités journalières
Virémie
et les pertes de production occasionnées par les arrêts de tra- Chez l’homme, l’existence d’une phase de virémie systématique
vail. L’étude a chiffré 4,8 jours d’arrêt de travail en moyenne n’est pas admise de façon consensuelle. Cela est sans doute lié au
pour 70 % des adultes grippés ayant un emploi ; trois jours d’arrêt fait qu’elle a souvent été recherchée, mais très peu détectée. Si elle
« enfant malade » dans un quart des cas de grippe chez des existe, cette phase est sans doute de courte durée et doit être plus
enfants. Le coût direct de cette épidémie a donc été évalué à intense chez les individus qui sont primo-infectés par un virus
près de 100 millions d’euros, les indemnités journalières consti- grippal. En revanche, la virémie dans l’inoculation expérimentale
tuant une masse financière au moins égale aux coûts directs. de porcs « naïfs » est admise largement. Après une première infec-
Les pertes d’exploitation n’ont pas été prises en compte dans tion, la présence d’anticorps même en faible quantité empêche
cette étude. la virémie (ou sa détection). Ce serait le même phénomène chez
Une étude antérieure avait été menée par le même groupe sur l’homme : la virémie n’existerait que chez les enfants lors de leur
quatre années (1997-1998 ; 1998-1999 ; 1996-1997 et 1999-2000) première infection par un type ou sous-type viral donné, ou lors
dont les épidémies ont été faible (2,8 millions de cas), moyenne de l’apparition d’un nouveau virus grippal.
Grippe typique Elle est plutôt décrite pour les virus de grippe A et plus particu-
lièrement lors de pandémies. Elle est rarement suivie de séquelles
Cliniquement, il existe tous les intermédiaires entre le simple
à long terme liées à une fibrose ou à une bronchopneumopathie
rhume et le syndrome de détresse respiratoire aiguë qui entraîne
obstructive chronique.
le décès en quelques jours. Après une incubation de un à deux
La pneumonie bactérienne secondaire à la grippe est très fré-
jours seulement, la maladie débute par une fièvre, pas toujours
quente et très bien décrite dès la pandémie de 1918. Pendant
intense, qui peut cependant atteindre ou dépasser 40 ◦ C, accom-
celle de 1957, deux tiers des cas fatals étaient associés à une
pagnée de myalgies, arthralgies, céphalées. Ces symptômes vont
pneumonie bactérienne. Les germes bactériens associés ont été
quelquefois de pair avec des malaises et un état anorexique. Très
catalogués : Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, strepto-
rapidement, l’atteinte respiratoire se manifeste, le plus souvent
coques hémolytiques, Branhamella catarrhalis et enfin, et surtout,
sous la forme d’une pharyngite. Dans de nombreux cas, celle-ci est
Streptococcus pneumoniae pour la majorité des cas. Lors de la der-
accompagnée d’une conjonctivite. Depuis le pharynx, l’infection
nière pandémie cependant, seuls 29 % des cas d’infection fatale
grippale gagne de proche en proche l’appareil respiratoire plus
à virus A (H1N1) pdm étaient associés à une infection bactérienne
profond. Pendant ce temps, la fièvre baisse transitoirement vers
secondaire [56] . La séquence entre infection grippale et infection
le quatrième jour pour remonter entre le cinquième et le sixième
bactérienne secondaire semble suivre un schéma de type : début
jour pour ensuite diminuer définitivement. La courbe de tempé-
brutal de la grippe à j1, épisode grippal puis début des symp-
rature dessine ainsi ce que l’on appelle le V grippal. À mesure que tômes de pneumonie bactérienne à partir de j5 à j7. Les individus
l’infection avance, les symptômes respiratoires prennent le pas sur infectés par le virus grippal sont plus sensibles à l’infection bac-
les symptômes généraux. Premier signe de bronchopneumonie, la térienne entre le quatrième et le quatorzième jour après le début
toux apparaît alors, d’abord sèche, douloureuse et en quintes. En des symptômes. S’il ne semble pas utile d’instaurer une prophy-
fin de maladie, elle devient productive. Il peut également appa- laxie antibiotique dès l’apparition de la grippe, il est important,
raître à ce stade une douleur à la base du thorax et d’un seul côté, dès confirmation du diagnostic de pneumonie bactérienne par
justifiant une radiographie. Les clichés revêtent l’aspect typique radiographie, d’initier le plus précocement possible une antibio-
des bronchopneumonies. Ils révèlent l’atteinte des bronches et thérapie curative. L’âge, le statut médical ou encore la nature de
des alvéoles immédiatement autour. Autour des bronches, il y l’agent bactérien en cause ont été identifiés comme facteurs inter-
a des opacités diffuses, et ce sont surtout les lobes inférieurs les venant dans l’évolution vers le décès. Enfin, il a été montré que
plus touchés. Ces signes peuvent également être accompagnés la vaccination contre le pneumocoque entraînait une diminution
d’une atteinte pleurale. L’intensité des symptômes cliniques n’est significative des cas de pneumonies associés à une infection virale.
pas obligatoirement corrélée à celle des signes radiographiques.
Dans l’extrême majorité des cas, il n’y a pas de séquelles radiogra- Cardiovasculaires
phiques bien que les signes radiographiques s’estompent moins L’association entre augmentation de décès pour causes cardio-
rapidement que les signes cliniques. L’évolution est en général très vasculaires et épidémies de grippe a été observée au cours de
favorable et seule demeure une asthénie qui peut durer plusieurs la plupart des grandes épidémies et plus particulièrement des
semaines. pandémies. Au cours de la pandémie de grippe asiatique, les
autopsies de personnes décédées de grippe ont révélé des ano-
Grippe « maligne » malies cardiovasculaires dans la plupart des cas : cardiomégalie,
Elle est heureusement rare et dépend, très certainement en par- œdème myocardique, nécroses des fibres musculaires et infiltra-
tie, de la virulence de la souche virale. Elle sévit surtout lors des tion lymphocytaire. La grippe peut provoquer des perturbations,
pandémies. L’infection grippale provoque un œdème aigu mas- notamment hémodynamiques, parfois sévères, des fonctions car-
sif diffus et irréversible, et aboutit à une insuffisance respiratoire diovasculaires. Un alitement prolongé dû à une grippe chez une
aiguë et mortelle en quelques jours. De nos jours, elle apparaît être personne âgée par exemple, peut entraîner des phlébites, de
plus fréquente chez les individus chez qui il existe une cardiopa- manière indirecte.
thie gauche préalable. Des atteintes directes du cœur sont plus rares. Des péricar-
dites surviennent quelquefois au cours de la phase aiguë de
l’épisode grippal, avec ou sans épanchement pleural. L’évolution
Évolution et complications est généralement favorable avec disparition des douleurs et signes
De très nombreuses complications de la grippe ont été décrites électriques associés. Les myocardites cliniques sont plus rares mais
dans la littérature. Celles le plus souvent rapportées sont : la bron- sont parfois plus sévères. Elles sont retrouvées de manière pra-
chite aiguë ; le croup ; la bronchiolite ; la pneumonie ; l’empyème tiquement systématique au cours des examens autopsiques des
pulmonaire ; les exacerbations de bronchites chroniques de personnes décédées de grippe. Les myocardites subcliniques sont
l’asthme et de la mucoviscidose. probablement beaucoup plus fréquentes. Des virus grippaux ont
Les personnes les plus vulnérables sont les très jeunes enfants, été, quoique rarement, isolés du cœur.
les personnes âgées et les individus présentant des maladies chro- La grossesse représente un état qui peut prédisposer aux
niques (diabète, insuffisance rénale, maladies cardiaques, etc.). complications pulmonaires et cardiovasculaires de la grippe.
Respiratoires Oto-rhino-laryngologiques
Bronchite aiguë. La bronchite aiguë est l’évolution L’otite moyenne aiguë est souvent précédée de, ou concomi-
compliquée respiratoire basse la plus fréquente. L’estimation tante à, une infection respiratoire aiguë. Une étude finlandaise a
de son incidence est très variable selon les auteurs et varierait montré que plus d’un tiers (35 %) des enfants hospitalisés pour
notamment avec le type, le sous-type et même le variant viral. grippe A avaient également une otite moyenne [57] . Une autre
Elle est plus élevée chez les patients âgés ou souffrant de maladies étude prospective sur la prévention de l’otite moyenne a mon-
chroniques préexistantes. tré l’efficacité du vaccin antigrippal chez les enfants âgés de 1 à
Croup. Les virus de type A, avec des variations en fonction 3 ans particulièrement sujets aux otites [58] .
des sous-types, sont plus associés que les virus de grippe B à
cette complication, principalement observée chez les enfants. Une Neurologiques
étude réalisée sur 144 enfants atteints de croup a montré que le C’est encore la pandémie de grippe asiatique qui a permis des
virus grippal de type A n’était pas plus fréquent dans ce groupe études détaillées sur le tableau clinique de la grippe et sur le spectre
que dans le groupe contrôle, constitué d’enfants atteints d’asthme des complications qui y sont associées : encéphalites ; méningites ;
aigu [55] . polynévrite de type Guillain-Barré. Des isolements de virus à partir
Pneumonie. L’incidence des pneumonies virales associées à la de cerveau ne sont pas exceptionnels, mais la preuve formelle de
grippe varie énormément en fonction des études, des types, sous- l’implication de virus grippaux dans les atteintes neurologiques
types et variants viraux. Elles sont plus fréquemment observées n’a pas encore été acceptée de façon consensuelle.
chez les personnes de plus de 65 ans, les individus atteints de mala- Ces complications peuvent être classées en trois groupes prin-
dies cardiovasculaires ou pulmonaires, et les femmes enceintes. cipaux :
• les convulsions qui surviennent principalement chez les jeunes d’infection chez l’homme ; 88 % des individus infectés ont déve-
enfants pendant les accès fébriles (environ un cinquième des loppé une conjonctivite en l’absence de tout syndrome grippal
jeunes enfants hospitalisés à cause d’une grippe) ; associé.
• coma ou parésie avec ou sans convulsions, avec liquide céré- Infection à virus A (H5N1). L’âge médian des patients infec-
brospinal « normal » (les symptômes pouvant dans ce cadre tés est d’environ 18 ans, avec 90 % des patients âgés de 40 ans ou
être consécutifs à une encéphalite ou à une encéphalomyélite moins, la plupart en bonne santé. À l’heure actuelle, le taux de
à composante immunitaire) ; létalité avoisine les 61 %. Des expériences de séroneutralisation et
• coma ou parésie avec ou sans convulsions, avec un liquide d’inhibition de l’hémagglutination réalisées sur 800 individus ori-
cérébrospinal contenant des cellules et un taux anormal de ginaires d’une région rurale de Thaïlande ont montré que 9,1 %
protéines. des personnes testées possédaient des anticorps dirigés contre une
Certains patients ont des atteintes cérébelleuses. Les complica- souche de virus aviaire A (H5N1) [64] . Cette étude suggère que des
tions neurologiques ne sont pas particulièrement associées à l’un individus sont susceptibles d’être infectés par le virus A (H5N1)
ou l’autre des types et des sous-types de virus grippaux. sans développer de symptômes apparents, ce qui remet en ques-
Plusieurs études, dont une publiée en 2010, montrent tion le taux de létalité observé.
l’association, au moins temporelle, entre les infections à ménin- La période d’incubation est de deux à cinq jours. La mala-
gocoques et les infections à virus de grippe A ou à virus respiratoire die se manifeste sous plusieurs formes, allant d’un syndrome
syncytial (VRS) [59] . grippal modéré à une pneumonie sévère, pour la majorité des
patients. Cette dernière peut provoquer un syndrome de détresse
Syndrome de Reye respiratoire aigu avec atteinte multiple des organes. L’infection
Le syndrome de Reye est caractérisé par une encéphalopathie à virus A (H5N1) est fréquemment associée à une leucopénie, en
et une dégénérescence graisseuse du foie. Il est dans la grande particulier des lymphocytes, à une élévation des transaminases
majorité des cas associé à une varicelle, une gastroentérite ou et à une thrombocytopénie. On retrouve du virus majoritaire-
à une infection respiratoire aiguë, et particulièrement dans ce ment dans les pneumocytes de type II et les cellules épithéliales
cas aux grippes A et B. Le syndrome de Reye survient surtout de la trachée, et de manière plus sporadique dans les intestins et
chez les enfants, avec un pic entre 5 et 14 ans, mais existe aussi le système nerveux central. Des diarrhées ont été observées chez
chez l’adulte. Il serait plus fréquent au cours de la grippe B (31 plusieurs patients, et du virus a été détecté dans les fèces. D’autre
à 58 pour 100 000 cas) [60] par rapport à la grippe A (2,5 à 4,3 part, il a été montré une bonne corrélation entre la réplication
pour 100 000 cas) [61] . Une corrélation avec l’usage de salicylés du virus et la sévérité de la maladie [65] . De manière notable, on
au cours d’une infection virale est mise en évidence par un retrouve chez la plupart des patients un taux élevé de cytokines
nombre croissant d’études. L’attitude consistant à ne pas pres- pro-inflammatoires et de chimiokines.
crire de salicylés, particulièrement chez l’enfant de moins de Infection à virus A (H1N1) pdm. Dans le cas de ce virus, les
18 ans, a permis de diminuer considérablement l’incidence de ce taux d’attaque les plus élevés ont été observés pour les enfants
syndrome. et les jeunes adultes ; les personnes de plus de 65 ans ont été
moins touchées par la pandémie, probablement en raison d’une
Autres complications et cas particuliers immunité préexistante. Cependant, lorsqu’elles l’ont été, elles
Chez certaines personnes souffrant d’affections préexistantes ont développé majoritairement des formes graves de la mala-
d’organes essentiels, des complications non infectieuses peuvent die. Des formes graves ont été aussi fréquemment observées chez
survenir. Lors de l’infection par le virus grippal, des troubles les femmes enceintes, avec un risque d’hospitalisation multiplié
mineurs sont causés à ces organes et l’équilibre fragile qui existait d’un facteur quatre à sept, spécialement pour les femmes au
est rompu. troisième trimestre, et les personnes en situation d’obésité mor-
La grippe implique fréquemment une atteinte musculaire. Cette bide (indice de masse corporelle [IMC] supérieur ou égal à 40)
atteinte peut être très fréquente, banale et peu sévère comme ou sévère (IMC supérieur ou égal à 30). Une étude rétrospec-
les myalgies, ou au contraire être plus sévère comme dans le cas tive portant sur 534 adultes infectés par le virus A (H1N1) pdm
des myosites et polymyosites. La myosite postgrippale, qui peut et pour lesquels l’IMC était disponible a été réalisée : 51 % avaient
s’accompagner de myoglobinurie avec complications rénales, un IMC supérieur ou égal à 30, et sur les 92 patients décédés 56
ou plus souvent d’une élévation des créatine phosphokinases (61 %) avaient un IMC supérieur ou égal à 30, et 28 (30 %) un
sériques, s’observe pour la grippe A et surtout pour la grippe B, IMC supérieur ou égal à 40 [66] .
et plus particulièrement chez les enfants. Les caractéristiques cliniques de l’infection sont les mêmes
Les taux de mortalité chez les femmes enceintes au cours des que celles observées pour les virus grippaux saisonniers, avec
pandémies de 1918 et 1957 ont été anormalement élevés. Des un éventail assez large de symptômes cliniques. Les symptômes
complications pulmonaires sont aussi plus fréquemment obser- gastro-intestinaux (nausée, vomissements, diarrhées) sont cepen-
vées chez les femmes enceintes pendant les épidémies de grippe dant plus fréquents, surtout chez les adultes. Le symptôme
saisonnière. Toutefois, les effets de l’infection grippale sur le fœtus majeur conduisant à une hospitalisation et au recours à une
lui-même sont encore mal connus. La virémie est quasi nulle et la unité de soins intensifs est une pneumonie virale diffuse asso-
transmission placentaire relativement rare. Cependant, des études ciée à une hypoxie sévère, un syndrome de détresse respiratoire
réalisées chez l’animal suggèrent que des effets néfastes pour le aigu et parfois une insuffisance rénale. Ceci a été observé pour
fœtus sont possibles. Une étude réalisée chez la souris montre que 49 à 72 % des admissions dans des unités de soins intensifs.
l’infection à virus A (H1N1) peut entraîner des altérations mor- L’intubation est généralement nécessaire dans les 24 heures qui
phologiques du cerveau de souriceaux et des modifications de suivent l’admission aux urgences.
comportement [62] . La réponse maternelle à l’infection plutôt que
le virus lui-même serait impliquée. Une étude rétrospective, basée
sur l’analyse de 22 843 nouveau-nés ou fœtus présentant des ano- Diagnostic différentiel
malies congénitales et couvrant la période 1980 à 1996, montre De nombreux agents pathogènes peuvent provoquer des syn-
que les mères de ces enfants ont développé plus souvent une dromes grippaux.
grippe au cours des deuxième et troisième mois de grossesse par
rapport aux nouveau-nés contrôles. La différence était cependant
Autres viroses
relativement modérée [63] . Plus sûrement, l’hyperthermie caracté-
ristique de l’infection peut entraîner un certain nombre d’effets Virus respiratoire syncytial
indésirables pour le nouveau-né. L’utilisation d’antipyrétiques Le VRS est sans doute l’agent pathogène pour lequel le diag-
contribue à leur diminution. nostic différentiel est le plus difficile à établir. Contrairement
Conjonctivite. Des cas de conjonctivite ont été décrits à la grippe, les épidémies de VRS arrivent constamment à la
chez l’homme, après infection par des virus hautement patho- même époque (vers la semaine 42 en France Nord). Lorsqu’elles
gènes A (H7N7) ou A (H7N3). Ainsi, en 2003, une épidémie à coïncident avec l’épidémie de grippe, le problème du diagnostic
virus A (H7N7) chez la volaille aux Pays-Bas a entraîné 89 cas différentiel se pose. Le VRS peut être dangereux chez les enfants
Les antigènes utilisés sont des préparations de virus. Les sérums • l’oseltamivir et le zanamivir, qui sont des molécules plus
de référence choisis correspondent aux souches qui entrent dans récentes ciblant la NA des virus grippaux.
la composition du vaccin de la saison en cours. La plupart de ces antiviraux est administré sous forme de mono-
thérapies.
directement dans le tractus respiratoire supérieur. Le Tamiflu® , lui, diminution des symptômes était obtenue dans les 29 heures qui
est administré sous une forme encapsulée inactive, qui doit être suivent le traitement. Les effets secondaires étaient classiques
hydrolysée dans l’organisme. Son efficacité a été évaluée dans de et disparaissaient rapidement [79] . L’Agence fédérale américaine
nombreuses études réalisées ces dix dernières années. La majorité des produits alimentaires et médicamenteux (Food and Drug
des virus grippaux de type A et B sont sensibles à l’oseltamivir. Administration) a autorisé son utilisation au cours de la pan-
Chez l’adulte et les adolescents de plus de 12 ans, le traitement démie à virus A (H1N1) pdm pour des formes graves nécessitant
recommandé par l’OMS consiste en deux doses par jour de 75 mg des hospitalisations et en cas d’urgence sanitaire (Emergency
pendant cinq jours ou une dose de 75 mg une fois par jour pen- Use Authorization). Le favipiravir (encore appelé T-705), quant
dant dix jours pour une prophylaxie post-exposition. Environ 1 % à lui, inhibe spécifiquement la synthèse de l’ARNv ; cette nou-
seulement des patients traités au Tamiflu® développent des effets velle drogue a été testée chez la souris contre des souches de
secondaires indésirables. Ceux le plus fréquemment rencontrés virus A (H5N1) hautement pathogènes. La molécule semble effi-
sont les nausées, les vomissements et le mal de tête. Générale- cace, y compris contre les souches de virus A (H5N1) résistantes à
ment, ces effets indésirables apparaissent après un à deux jours l’oseltamivir [80] .
de traitement et disparaissent rapidement. Les effets secondaires
sont moindres avec le zanamivir. Traitement de l’infection à virus A (H5N1)
Jusqu’en 2009, l’oseltamivir était recommandé chez les indivi-
À l’heure actuelle, l’OMS recommande l’administration
dus de plus de 1 an pour le traitement des infections dues aux
d’oseltamivir par voie orale pour traiter l’infection à
virus saisonniers et cette recommandation a ensuite été étendue
virus A (H5N1). La durée du traitement et les doses utilisées ne sont
aux nourrissons de moins de 1 an pour les virus pandémiques.
pas encore clairement définies. Des virus résistants à l’oseltamivir
L’OMS a ainsi harmonisé ses recommandations pour tous les
ont été décrits chez quelques patients [81] . L’apparition de résis-
virus grippaux de type A, saisonniers ou pandémiques [72] . En cas
tance est très variable d’une clade à l’autre, voire d’une sous-clade
d’infection avec une présentation clinique sans complications,
à l’autre. Les données sont encore limitées, mais les études
l’OMS recommande le traitement rapide des patients à risque,
suggèrent un effet bénéfique du traitement antiviral. L’utilisation
comme les enfants de moins de 2 ans, les femmes enceintes, les
conjointe de plusieurs antiviraux, y compris la ribavirine, pour-
individus atteints de maladies cardiaques, d’une maladie respira-
rait empêcher l’apparition de mutations de résistance [82] . Malgré
toire chronique ou du métabolisme, ainsi que les personnes de
une réponse inflammatoire anormalement élevée, l’utilisation de
plus de 65 ans. En cas d’infection sévère, le traitement est sys-
corticoïdes n’est pas recommandée par l’OMS, aucun effet béné-
tématiquement préconisé, même pour les personnes en bonne
fique n’ayant été observé jusqu’à présent. De la même manière,
santé. En effet, de nombreuses études ont démontré l’efficacité
l’utilisation d’aspirine est déconseillée pour les patients âgés de
de la molécule à diminuer la durée de l’infection et la sévérité
moins de 18 ans, en raison du risque de développer un syndrome
de la maladie [73, 74] . L’administration d’oseltamivir à des patients
de Reye. Quelques patients en insuffisance respiratoire ayant reçu
infectés par le virus A (H5N1) réduit significativement la mortalité
du sérum de patients infectés par A (H5N1) et ayant survécu ont
associée, et ce d’autant plus que l’antiviral est administré dans les
pu être guéris [83] . Mais une étude chez le furet suggère que pour
48 heures qui suivent le début des symptômes [75] . Pour le traite-
être efficace l’administration de sérum hyperimmun doit se faire
ment des infections à virus A (H1N1)pdm, un résultat identique
de manière précoce après l’infection [84] .
est obtenu. L’effet bénéfique de l’utilisation en prophylaxie de ce
médicament a aussi été observé pour le virus A (H1N1) pdm [76] .
Jusqu’en 2007, l’incidence de la résistance est restée relative- Traitement symptomatique
ment faible (< 1 %) et principalement cantonnée à des patients
immunodéprimés ou des enfants mis sous traitement. Une étude Le traitement de la grippe est encore le plus souvent unique-
rétrospective de l’ensemble des études cliniques financées par le ment symptomatique. La plupart des traitements reposent sur
laboratoire commercialisant le Tamiflu® en période de grippe sai- les antipyrétiques. Leur utilisation est souvent automatique chez
sonnière a montré que 0,4 % des adultes (5/1245) et 5,4 % des les enfants et la prescription de ces molécules chez l’adulte per-
enfants (25/464) développaient une résistance à l’oseltamivir [77] . met d’apporter un certain confort au patient. Il faut cependant
Une autre étude réalisée sur un groupe plus réduit d’enfants infec- garder en mémoire que la fièvre est un mécanisme de défense
tés par un virus de sous-type A (H3N2) a retrouvé des mutations de non spécifique souvent efficace contre les virus grippaux dont
résistance chez 18 % d’entre eux [78] . La mutation de résistance le la température idéale de réplication se trouve ainsi dépassée, ce
plus fréquemment observée est la mutation H275Y de la NA. Cette qui entrave leur multiplication et permet au système immuni-
mutation rend les virus porteurs d’une NA de type 1 – A (H1N1) ou taire de se rendre maître de la situation. Parmi les autres classes
A (H5N1) – résistants à l’oseltamivir, mais pas les virus A (H3N2) de médicaments utilisés, il y a les antitussifs. Il faut veiller à la
ou de type B. Ces souches résistantes restent cependant sen- bonne hydratation des patients. La prescription d’antibiotiques
sibles au zanamivir. Pendant la saison grippale 2007-2008, des doit se faire sur des bases rationnelles et non systématiques, même
souches de virus A (H1N1) résistantes à l’oseltamivir et porteuses aux personnes âgées. Dans le cas de grippe sévère ou maligne,
de cette mutation ont émergé de manière inattendue et sont il convient de lutter contre l’œdème pulmonaire, l’hypoxie et
devenues prédominantes, notamment en Europe, avec un taux l’insuffisance circulatoire.
de souches résistantes pouvant avoisiner les 100 % à la fin de
l’épidémie. L’apparition de ce virus résistant n’a pas été corré-
lée à une augmentation préalable de l’utilisation de l’oseltamivir Prévention
dans le traitement de la grippe. L’apparition dans la population
humaine de la souche d’origine porcine A (H1N1) pdm a permis La prévention repose presque exclusivement sur la vaccination,
la réintroduction d’un virus sensible à cet antiviral. qui est l’arme la plus répandue et la plus efficace pour préve-
Jusqu’à présent, la majorité des virus A (H5N1) isolés restent sen- nir la grippe. Le vaccin, constitué de virions cultivés sur œuf
sibles à l’oseltamivir et les cas de résistance sont rares. En ce qui embryonné de poule et inactivés au formol, n’a véritablement été
concerne le virus A (H1N1) pdm, là encore l’incidence de la résis- utilisé qu’après la pandémie de 1957. De considérables progrès
tance est très faible et ne concerne aucune région particulière de la technologiques ont permis d’obtenir des préparations vaccinales
planète. Sur les 20 000 échantillons cliniques ou isolats provenant d’une pureté optimale, et le vaccin antigrippal doit sa perfor-
de 85 régions du monde et répertoriés par l’OMS, 99 % étaient mance actuelle à l’adéquation entre les souches qui entrent dans
sensibles à l’oseltamivir. sa composition et celles qui circulent.
Un troisième inhibiteur de NA a été développé mais n’a pas En France, la vaccination antigrippale a pour objectif principal
encore reçu d’AMM, le peramivir ; il est inefficace quand il est la prévention des risques graves, c’est-à-dire de réduire l’incidence
administré oralement, mais des études ont été menées pour de la maladie dans les groupes les plus exposés à une grippe
tester son efficacité sous forme intraveineuse. Une étude multi- sévère. Au cours de l’hiver 2009-2010, selon une étude réalisée
centrique réalisée sur 106 enfants âgés de 125 jours à 15 ans et pour le Groupe d’expertise et d’information sur la grippe), 26 %
traités par le peramivir (à raison de 10 mg/kg/j) a montré qu’une des Français se sont fait vacciner contre la grippe. Malgré la loi
de santé publique de 2004 qui a fixé comme objectif d’atteindre recommandations particulières ; doivent se faire vacciner les per-
un taux de couverture vaccinale d’au moins 75 % dans tous les sonnes, y compris les enfants à partir de 6 mois et les femmes
groupes à risque et tout particulièrement celui des personnes enceintes, atteintes des pathologies listées ci-après :
âgées de plus de 65 ans, seulement 71 % des plus de 65 ans se • affections bronchopulmonaires chroniques répondant aux cri-
sont fait vacciner. Pire, environ 60 % des patients de moins de tères de l’affection de longue durée 14 (asthme et bronchopneu-
65 ans présentant une affection de longue durée ne sont pas mopathie chronique obstructive), insuffisances respiratoires
vaccinés. chroniques obstructives ou restrictives, y compris les mala-
dies neuromusculaires à risque de décompensation respiratoire,
malformations des voies aériennes supérieures ou inférieures,
Composition du vaccin malformations pulmonaires ou de la cage thoracique ;
• maladies respiratoires chroniques ne remplissant pas les cri-
Les trois types ou sous-types de virus grippaux humains sont
tères de l’affection de longue durée mais susceptibles d’être
représentés dans le mélange vaccinal. Celui-ci contient donc une
aggravées ou décompensées par une affection grippale, dont
souche de virus A (H1N1), une souche de virus A (H3N2) et une
asthme, bronchite chronique, bronchiectasies, hyperréactivité
souche de type B, et quelquefois dans certaines pays ou zones
bronchique ;
géographiques une deuxième souche de type B appartenant au
• dysplasie bronchopulmonaire traitée au cours des 6 mois pré-
second lignage. Le choix des souches vaccinales est revu annuelle-
cédents par ventilation mécanique et/ou oxygénothérapie
ment pour l’hémisphère Nord et repose sur l’analyse comparative
prolongée et/ou traitement médicamenteux continu (corti-
des souches, réalisée par les CMR, à partir des éléments et virus
coïdes, bronchodilatateurs, diurétiques) ;
fournis par les CNG répartis dans le monde. Les souches qui pré-
• mucoviscidose ;
sentent le degré d’évolution antigénique le plus grand et qui ont
• cardiopathies congénitales cyanogènes ou avec une hyperten-
été capables de circuler à un niveau significatif sont les candi-
sion artérielle pulmonaire et/ou une insuffisance cardiaque ;
dats au vaccin. À ce jour en France, tous les vaccins sont de
• insuffisances cardiaques graves ;
type inactivé. Les virus produits sont purifiés et inactivés (for-
• valvulopathies graves ;
maldéhyde ou bêtapropiolactone par exemple). Ils sont ensuite
• troubles du rythme graves justifiant un traitement au long
fragmentés ou « splités » avec des solvants de lipides et/ou des
cours ;
détergents (tween-éther par exemple). Les trois souches sont
• maladies des coronaires ;
ensuite mélangées. Pour les vaccins sous-unitaires, les antigènes
• antécédents d’accident vasculaire cérébral ;
de surface HA et NA sont séparés des autres antigènes. Les deux
• formes graves des affections neurologiques et musculaires (dont
types de vaccins présents sur le marché français sous la forme
myopathie, poliomyélite, myasthénie, maladie de Charcot) ;
de sept spécialités (Immugrip® , Mutagrip® , Vaxigrip® et Fluarix®
• paraplégies et tétraplégies avec atteinte diaphragmatique ;
pour les vaccins à virions fragmentés et Agrippal® , Gripguard® et
• néphropathies chroniques graves ;
Influvac® pour les virus à antigènes de surface), plus une avec une
• syndromes néphrotiques ;
valence tétanos, sont d’efficacité comparable et provoquent les
• drépanocytoses, homozygotes et doubles hétérozygotes S/C,
mêmes effets secondaires pratiquement toujours très bénins. Le
thalassodrépanocytose ;
vaccin Gripguard® qui contient de l’adjuvant type émulsion huile
• diabète de type 1 et de type 2 ;
dans eau (MF-59c.1) est recommandé chez les patients de 65 ans
• déficit immunitaire primitif ou acquis (pathologies onco-
et plus.
logiques et hématologiques, transplantation d’organe et de
Un vaccin à virus fragmenté contre la grippe par voie intrader-
cellules souches hématopoïétiques, déficits immunitaires héré-
mique appelé Intanza® a obtenu l’AMM le 24 février 2009 dans
ditaires, maladies inflammatoires et/ou auto-immunes recevant
le cadre d’une procédure centralisée. Intanza® n’est pas recom-
un traitement immunosuppresseur), excepté les personnes qui
mandé pour les enfants et adolescents de moins de 18 ans. Au
reçoivent un traitement régulier par immunoglobulines ;
moment de l’écriture de ce texte, la date de sa disponibilité en
• personnes infectées par le virus de l’immunodéficience
France n’est pas connue.
humaine (VIH) quel que soit leur âge et leur statut immuno-
Depuis longtemps, de nombreuses études ont été menées pour
virologique.
élaborer un vaccin antigrippal à virus vivant atténué. Un tel vac-
Il est également recommandé de vacciner l’entourage fami-
cin atténué par adaptation au froid est présent sous le nom de
lial des nourrissons de moins de 6 mois présentant des facteurs
Flumist® aux États-Unis, et est destiné à l’enfant et à l’adulte
de risque de grippe grave ainsi définis : prématurés, notam-
jusqu’à 49 ans. L’efficacité de ce vaccin va au-delà de la protec-
ment ceux porteurs de séquelles à type de bronchodysplasie, et
tion « homologue » puisqu’une étude publiée en 1999 [85] a montré
enfants atteints de cardiopathie congénitale, de déficit immu-
que le vaccin trivalent vivant atténué, administré par voie nasale,
nitaire congénital, de pathologie pulmonaire, neurologique ou
contenant un variant A/Wuhan/359/95 (H3N2) a pu protéger les
neuromusculaire ou d’une affection longue durée, ainsi que les
enfants contre un variant épidémique différent, apparenté à la
personnes séjournant dans un établissement de soins de suite,
souche A/Sydney/5/97 (H3N2) significativement différente sur le
ainsi que dans un établissement médico-social d’hébergement
plan antigénique. Il est, chez les enfants, au moins aussi efficace
quel que soit leur âge.
que le vaccin trivalent inactivé (entre 87 et 100 %, en fonction du
En milieu professionnel, la recommandation s’étend aux pro-
type viral et en fonction des années). En Europe, ce vaccin por-
fessionnels de santé et tout professionnel en contact régulier et
tant le nom de Fluenz® a obtenu une AMM le 27 janvier 2011. Il
prolongé avec des sujets à risque de grippe sévère ; ainsi que le
est disponible en France depuis la saison 2012-2013.
personnel navigant des bateaux de croisière et des avions, et le
Fluenz® contient 107 particules virales infectieuses de chacun
personnel de l’industrie des voyages accompagnant les groupes
des trois virus vaccinaux. Il est indiqué dans la prévention de
de voyageurs (guides).
la grippe chez les sujets âgés de 24 mois à moins de 18 ans. La
En plus des recommandations du calendrier vaccinal 2011, le
dose recommandée est de 0,2 ml (0,1 ml administré dans chaque
Haut conseil de la santé publique recommande la vaccination
narine).
des femmes enceintes à partir du second trimestre de grossesse et
Comme pour les vaccins inactivés, une seconde dose doit être
des personnes obèses (indice de masse corporel supérieur ou égal
administrée dans un intervalle d’au moins quatre semaines, chez
à 30).
les enfants n’ayant pas été auparavant vaccinés contre la grippe
saisonnière.
Contre-indications
Indications
Les contre-indications de la vaccination antigrippale se limitent
Selon le calendrier vaccinal français 2011, la recommanda- aux allergies aux constituants et aux résidus indésirables éven-
tion générale est que toutes les personnes âgées de 65 ans tuels présents dans les préparations vaccinales, notamment les
et plus se fassent vacciner contre la grippe. S’y ajoutent des protéines de l’œuf (principalement l’ovalbumine), mais aussi aux
conservateurs comme le mercurothiolate par exemple. Dans cer- d’un vaccin, dont la composition antigénique est seulement un
tains vaccins seulement, il peut exister des traces indécelables de peu différente du vaccin administré l’année précédente, entraîne
polymyxine B ou de néomycine, et il faut en tenir compte pour l’apparition d’anticorps dirigés contre la souche qui a infecté
les patients présentant une sensibilité particulière à ces deux anti- l’individu pour la première fois dans sa vie [88–90] .
biotiques.
Attention : comme c’est un vaccin vivant atténué, le vaccin
Fluenz® ne peut pas être utilisé chez les enfants immunodépri- Efficacité vaccinale
més, ainsi que chez les personnes de leur entourage. Cependant,
il peut être utilisé chez les enfants séropositifs pour le VIH sans Il existe plusieurs niveaux d’appréciation de l’efficacité vacci-
immunodépression sévère. nale. Ainsi, on peut mesurer :
• la prévention de l’infection ;
• la prévention de la maladie, et dans ce cas il faut pouvoir distin-
Précautions d’emploi guer la grippe confirmée au laboratoire et la « grippe clinique »
Pour les patients immunodéprimés infectés par le VIH, il faut ou syndrome grippal ;
évaluer le rapport risque (même hypothétique) et bénéfices. Bien • la prévention des effets ou complications graves (hospitalisa-
que le vaccin antigrippal soit inactivé et donc non contre-indiqué, tions) ;
le problème des stimulations antigéniques artificielles addition- • la prévention des décès par grippe.
nelles doit être posé dans le cadre de l’interférence avec la latence L’évaluation de cette efficacité est extrêmement difficile. Selon
virale du VIH. Des séroconversions ou des élévations de taux les données de 20 études compilées dans une méta-analyse [91] , la
d’anticorps au-delà du seuil protecteur ont été constatés lorsque vaccination antigrippale est associée à :
les individus avaient une concentration de lymphocytes CD4 • 56 % de réduction des maladies respiratoires (IC 95 % :
supérieur ou égal à 400. Au-dessous de 200, la vaccination semble 39–68 %) ;
inutile. • 53 % de réduction des cas de pneumonies (IC 95 % : 35–66 %) ;
Il est raisonnable de ne pas prescrire la vaccination dans le pre- • 48 % de réduction des hospitalisations (IC 95 % : 28–65 %) ;
mier trimestre de la grossesse, sauf si l’état de santé de la patiente • 68 % de réduction de la mortalité (IC 95 % : 56–76 %).
l’indique (insuffisance respiratoire ou cardiaque tout particulière- Le paradoxe de Hoskins, qui stipule que la répétition annuelle
ment). de la vaccination en altère son efficacité [92] , a été remis en ques-
tion par de nombreuses publications. Ainsi, l’étude de Keitel et al.,
publiée en 1997, démontre que la vaccination répétée permet
Effets indésirables et mises en garde une protection en continu des individus [93] . Plus récemment,
une modélisation menée sur deux saisons grippales et basée sur
Les effets indésirables sont le plus souvent de très faible inten- l’hypothèse de la « distance antigénique » permet de modéliser les
sité. Il s’agit surtout de réactions locales au point d’injection, de variations d’efficacité de la vaccination en fonction de la distance
réactions fébriles et de céphalées précoces dans les deux jours sui- génétique entre la souche du vaccin de la première saison, celle
vant l’injection. De très rares troubles neurologiques mal définis, du vaccin de la deuxième saison et celle des souches épidémiques
ou de rares et transitoires trombocytopénies, ont été signalés. au cours des deux saisons consécutives et de comprendre les résul-
Au cours de la grippe porcine à virus A (H1N1) de l’épisode de tats des études de Hoskins et Keitel, apparemment contradictoires.
Fort-Dix, la vaccination antigrippale a été soupçonnée de pouvoir L’efficacité vaccinale prise en compte ici se situe au niveau de la
provoquer un syndrome de Guillain-Barré [86] qui est une atteinte prévention de la maladie (mesure des taux d’attaque). C’est un
parfois sévère mais transitoire des nerfs, associée à des douleurs et des niveaux d’observation de l’efficacité vaccinale.
des paralysies partielles pouvant conduire à une hospitalisation Une étude publiée en 1995 a analysé l’efficacité vaccinale sur la
voire un séjour en réanimation. Si l’étiologie de cette maladie prévention du décès en Grande Bretagne au cours de l’épidémie de
est mal connue, il semble qu’elle suive souvent une infection y 1989-1990 en fonction du statut vaccinal [94] . L’efficacité vaccinale
compris grippale. En revanche, il n’a jamais été démontré que les calculée était de :
vaccinations à virus inactivés puissent provoquer cette maladie, • 0 % (IC 95 % : 0–47 %) pour les personnes qui n’avaient reçu
la difficulté étant le taux de base de survenue de ce syndrome qui qu’une seule vaccination entre 1985 et 1988 ;
est estimé aux États-Unis à un à deux par million de personnes • 9 % (IC 95 % : 0–59 %) pour les personnes qui avaient reçu leur
par mois d’observation [87] . première vaccination en 1989, l’année de l’épidémie ;
• 75 % (IC 95 % : 31–91 %) pour les personnes qui avaient été
Immunité postvaccinale vaccinées en 1989, l’année de l’épidémie et lors d’une saison
précédente entre 1985 et 1990.
L’immunité postvaccinale repose presque exclusivement sur Cette étude fait apparaître un bénéfice de la vaccination répétée
les anticorps dirigés contre les antigènes de surface : NA et HA, sur la prévention des décès associés à la grippe.
cette dernière représentant l’antigène immunodominant. Une Plus récemment, une méta-analyse portant sur 31 études a été
séroconversion ou une élévation de titre d’anticorps inhibant publiée en 2011. Au cours de huit saisons sur 12, les dix études
l’hémagglutination au-delà de 40 sont, de manière générale, bien randomisées ont démontré un effet du vaccin trivalent inactivé
corrélées à la protection conférée par l’existence de ces anticorps. chez les adultes de 18 à 65 ans avec une efficacité poolée de 59 %
L’apparition des anticorps commence vers le quatrième jour, mais (IC 95 % : 51–67). Le vaccin vivant atténué a montré un béné-
la protection devient réellement efficace vers le dixième ou le fice chez les enfants de 6 mois à 7 ans au cours de neuf saisons
quinzième jour. Plus la personne vaccinée est jeune et en bonne sur douze avec une efficacité poolée de 83 % (IC 95 % : 69–91). La
santé, plus la protection se met vite en place et à des niveaux éle- meilleure efficacité a été observée pour les adultes de 18 à 55 ans
vés. En revanche, chez les personnes âgées et qui ont tendance séropositifs pour le VIH au cours de la saison 2008-2009. La pro-
à avoir une mauvaise alimentation, la protection est plus longue tection conférée par le vaccin contre la grippe clinique nécessitant
à se mettre en place. Le taux d’anticorps postvaccinaux de type un recours au soin a été variable en fonction des saisons [95] .
immunoglobuline G circulant atteint un plateau après un pic vers Dans une revue de la littérature publiée en 2008 dans la
la troisième ou la quatrième semaine. Ce plateau se maintient Cochrane Database of Systematic Reviews portant sur 51 études,
jusqu’au huitième mois, date à laquelle la chute des anticorps il n’y a pas de preuve d’une efficacité supérieure du vaccin par
peut être importante. Ainsi, après le huitième ou neuvième mois, rapport au placebo chez les enfants âgés de 6 mois à 2 ans et en
le taux d’anticorps postvaccinaux peut descendre au-dessous du bonne santé [96] .
seuil protecteur. Comme la vaccination en France est recomman- Dans une revue de la littérature publiée en 2010 dans la
dée en octobre, celle-ci protège donc au moins jusque vers juin ou Cochrane Database of Systematic Reviews les auteurs concluent que
juillet. la vaccination antigrippale a un effet modeste sur la réduction des
Une théorie basée sur un phénomène original a été décrite symptômes de grippe et le nombre de jours non travaillés. Ils ne
pour la grippe : le péché originel. Selon cette théorie, l’injection trouvent pas non plus de preuve d’un effet sur les complications
telle que la pneumonie et sur la transmission chez les adultes [10] World Health Organization. Cumulative number of confirmed human
de 16 à 65 ans en bonne santé [97] . Enfin dans une étude de cases for avian influenza A (H5N1) reported to WHO, 2003–2013.
2010 et publiée aussi dans cette Database, les auteurs établissent www.who.int/influenza/human animal interface/EN GIP 20130312
des conclusions similaires pour les personnes âgées de 65 ans et CumulativeNumberH5N1cases.pdf.
plus [98] . [11] WHO | Evolution of a pandemic [Internet]. WHO. [cité 12 janv 2012].
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connus chez l’homme jusque-là, le concept de dossier maquette A distinct lineage of influenza A virus from bats. Proc Natl Acad Sci
(ou mock up) a été développé en Europe. L’idée est de mettre au USA 2012;109:4269–74.
point des vaccins pour les sous-types A (H5Nx), A (H7Ny) voire [14] Mould JA, Paterson RG, Takeda M, Ohigashi Y, Venkataraman P, Lamb
A (H9Nz) et A (H2N2) en période prépandémique et de les enre- RA, et al. Influenza B Virus BM2 protein has ion channel activity that
gistrer pour que le jour venu le vaccin pandémique puisse être conducts protons across membranes. Dev Cell 2003;5:175–84.
fabriqué après une simple substitution de souche comme on le [15] Wang J, Pielak RM, McClintock MA, Chou JJ. Solution structure and
fait pour le vaccin saisonnier. Des vaccins dits « pandémiques » functional analysis of the influenza B proton channel. Nat Struct Mol
non utilisables avant l’arrivée potentielle du virus pandémique Biol 2009;16:1267–71.
ont reçu une AMM avec des restrictions d’utilisation. [16] Chen W, Calvo PA, Malide D, Gibbs J, Schubert U, Bacik I, et al. A
À partir de 2007 est apparu le concept de vaccination prépandé- novel influenza A virus mitochondrial protein that induces cell death.
mique ; il est basé sur des données de modélisation qui suggèrent Nat Med 2001;7:1306–12.
un bénéfice potentiel d’une vaccination avec un vaccin de plus [17] Hale BG, Randall RE, Ortín J, Jackson D. The multifunctio-
nal NS1 protein of influenza A viruses. J Gen Virol 2008;89(Pt10):
faible efficacité que celle d’un vaccin pandémique, mais réalisée
2359–76.
avant le pic de la vague pandémique. Des laboratoires ont obtenu
[18] Melén K, Fagerlund R, Franke J, Köhler M, Kinnunen L, Jul-
une AMM pour un vaccin dirigé contre le virus A (H5N1). Il pour-
kunen I. Importin ␣ nuclear localization signal binding sites for
rait être utilisé pour une vaccination prépandémique si la souche STAT1, STAT2, and Influenza A virus nucleoprotein. J Biol Chem
virale capable de se transmettre d’homme à homme dérivait de ce 2003;278:28193–200.
virus. [19] Hay AJ, Lomniczi B, Bellamy AR, Skehel JJ. Transcription of the
La stratégie de vaccination face à une pandémie grippale pour- influenza virus genome. Virology 1977;83:337–55.
rait donc reposer sur deux volets : [20] Rossman JS, Lamb RA. Influenza virus assembly and budding. Viro-
• la vaccination prépandémique. Elle pourrait s’envisager si le logy 2011;411:229–36.
vaccin peut avoir un effet sur la souche virale qui apparaîtrait [21] Horimoto T, Kawaoka Y. Molecular changes in virulent mutants arising
en phase 4, afin de contribuer à la protection des sujets consi- from avirulent avian influenza viruses during replication in 14-day-old
dérés comme devant être protégés prioritairement ou réduire le embryonated eggs. Virology 1995;206:755–9.
taux d’attaque de la maladie. Elle pourrait venir renforcer les [22] Ito T, Kawaoka Y. Avian influenza. In: Nicholson KG, Webster RG,
autres moyens de protection mis en place, notamment dans Hay AJ, editors. Textbook of influenza. Oxford: Blackwell Science Ltd;
l’hypothèse où les antiviraux perdraient de leur efficacité vis-à- 1998, p. 126–36.
vis du virus ; [23] Global patterns of Influenza A virus in wild birds [Internet]. [cité
• la vaccination pandémique. Elle serait l’élément essentiel 13 janv 2012]. Disponible sur : http://www.sciencemag.org/content/
pour arrêter la circulation du virus et donc le phénomène 312/5772/384.long.
pandémique, en évitant la maladie à un grand nombre [24] Daly JM, Lai AC, Binns MM, Chambers TM, Barrandeguy M, Mum-
d’individus. ford JA. Antigenic and genetic evolution of equine H3N8 influenza A
Ce type de réflexion est mené par ailleurs, au sein de plusieurs viruses. J Gen Virol 1996;77(Pt4):661–71.
pays, ainsi que par l’OMS qui a mandaté, en novembre 2008, un [25] Endo A, Pecoraro R, Sugita S, Nerome K. Evolutionary pattern of the
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I. Leclercq.
Institut Pasteur, Cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU), 25, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris, France.
Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité (Cellule Pasteur), 25, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris, France.
J.-C. Manuguerra (jmanugu@pasteur.fr).
Institut Pasteur, Cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU), 25, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Leclercq I, Manuguerra JC. Grippe. EMC - Maladies infectieuses 2013;10(3):1-19 [Article 8-069-A-10].
Infections à Hantavirus
C. Strady, C. Penalba
Les Hantavirus sont des anthropozoonoses cosmopolites considérées comme maladie émergente
responsables de plusieurs milliers de cas d’infection dans le monde. Deux tableaux cliniques ont été
rapportés : le syndrome pulmonaire à Hantavirus (HPS), souvent sévère sur le continent américain, et les
fièvres hémorragiques avec syndrome rénal (FHSR), de gravité variable, en Asie et en Europe. Le virus
Puumala est responsable d’une forme mineure de la maladie qui sévit par foyers dans la partie
occidentale de l’ex-URSS, en Scandinavie et dans le reste de l’Europe, notamment dans le nord-est de la
France. Une revue de toutes les formes d’hantaviroses et notamment du tableau de FHSR sévissant en
France est réalisée dans cet article.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan
¶ Virologie 1
¶ Physiopathologie 1 N
¶ Syndrome pulmonaire à Hantavirus 2 M
¶ Fièvre hémorragique avec syndrome rénal 2 G2 S
FHSR de forme moyenne à sévère 2 G1
Forme modérée ouest-européenne de la FHSR ou nephropathia L
epidemica 2
¶ Prise en charge thérapeutique 6
¶ Prévention 6
¶ Conclusion 6
Figure 1. Représentation schématique de l’Hantavirus (Bunyaviridae).
N : ARN segmenté ; S : segment court ; M : segment moyen ; L : segment
■ Virologie [1-3] long ; G : glycoprotéines d’enveloppe.
comme le virus grippal. Chaque hantavirus est inféodé à une Les mécanismes physiopathologiques sont mal connus. Le
espèce donnée de rongeurs. Un hantavirus ancestral aurait manque de modèle animal fait que les données reposent
existé depuis le début de la spéciation des rongeurs et son essentiellement sur l’observation de cas cliniques. Toutes les
génome a évolué de la même façon que le rongeur qu’il infections à Hantavirus ont en commun la propriété de provo-
infectait. Trois familles de rongeurs constituent le réservoir quer une atteinte de l’endothélium capillaire responsable de
(Tableau 1). La famille des Sigmodontinae est le réservoir fuites plasmatiques à l’origine d’hémorragies ou de syndrome de
notamment du virus Sin nombre responsable du syndrome choc. D’énormes quantités d’antigènes viraux sont visualisées
pulmonaire à hantavirus (HPS) survenant sur le continent par histochimie dans les cellules endothéliales des différents
américain. La famille des Murinae est le réservoir des virus capillaires. Dans la FHSR, c’est principalement au niveau du rein
Hantaan, Séoul et Dobrava responsables du tableau de fièvre que se déroulent les réactions inflammatoires, alors que dans
hémorragique avec syndrome rénal (FHSR) de sévérité grave et l’HPS, c’est au niveau pulmonaire [6]. Au cours des différentes
Tableau 1.
Les Hantavirus, leurs hôtes naturels et leur pathogénicité chez l’homme.
Hantavirus Rongeurs Région Syndrome
Type Sin nombre Sigmodontinae Amérique HPS
Type Hantaan Murinae Balkans FHSR
Dobrava Apodemus flavicollis Asie, Balkans FHSR
Hantaan Apodemus agriarus Asie, monde FHSR
Séoul Rattus norvegicus
Rattus rattus
Type Puumala Arvicolinae Europe, Russie, Balkans FHSR (nephropathia epidemica
Puumala Clethrionomys glareolus
phases de la maladie, on va retrouver une dilatation des l’état général, asthénie, prostration, anorexie et une soif
capillaires, une stase, une augmentation de la perméabilité avec marquée. La phase algique peut survenir d’emblée ou avant le
exsudation plasmatique. 5e jour. Elle est semblable à celle décrite ultérieurement dans les
formes mineures. La phase hypotensive est surtout observée
dans les formes asiatiques survenant au 5e jour et durant 3 à
■ Syndrome pulmonaire à 5 jours. Elle est d’intensité variable, réalisant un état de choc
Hantavirus [1, 7, 8] dans les cas les plus sévères responsables d’un quart des décès.
La phase oligurique survient entre le 3e et le 9e jour et dure 1 à
Le réservoir du virus de type Sin nombre est une souris, 6 jours pouvant aller jusqu’à l’anurie témoignant de la sévérité
Peromyscus maniculatus, présente uniquement sur le continent de la maladie. Le syndrome hémorragique est majeur et fré-
américain. Le syndrome clinique typique a été décrit à l’occa- quent en Asie du Sud-Est avec hémoptysie, hématurie, méléna,
sion de l’épidémie de 1993 dans la région des Four Corners métrorragie, hémorragie pulmonaire ou cérébrale. Il n’est pas
permettant d’isoler ce nouvel Hantavirus. Il débute par une corrélé avec l’importance de la thrombopénie. La phase polyu-
phase prodromique de 3 à 6 jours, associant fièvre, myalgies, rique débute brutalement entre le 6e et le 20e jour et dure
troubles digestifs. Une atteinte respiratoire apparaît rapidement quelques jours. La fonction rénale s’améliore rapidement avec
avec toux sèche, progressivement croissante, râles pulmonaires une polyurie d’intensité variable, de 3 à 8 l/j. L’hémodynami-
à l’auscultation aboutissant en 7 jours en moyenne à une que est souvent instable, oscillant entre collapsus et surcharge,
détresse respiratoire aiguë. Il s’y associe sur le plan cardiaque : responsable d’un tiers des décès. La phase de convalescence qui
tachycardie, hypotension artérielle, troubles du rythme pouvant dure 3 semaines à 3 mois correspond à la guérison clinique.
aboutir à un tableau de choc. Il n’y a pas de manifestations Habituellement il n’y a pas de séquelles, mais quelques patients
hémorragiques ni d’atteinte rénale spécifique. L’évolution se fait gardent une hypertension artérielle (HTA), une insuffisance
dans 40 à 60 % des cas vers le décès. Depuis la description rénale chronique, une protéinurie persistante.
initiale, ce tableau infectieux s’est développé dans plusieurs
États des États-Unis (de la Californie à la côte Atlantique) mais Forme modérée ouest-européenne
aussi dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. Un cas importé en
France a été hospitalisé à Compiègne (en pleine zone endémi-
de la FHSR ou nephropathia epidemica [1, 3]
que de FHSR) provenant d’Amérique du Sud ; l’évolution Elle est due au sérotype Puumala responsable de la forme
favorable a été récemment décrite. mineure de la FHSR dans la partie occidentale de l’ex-URSS, en
Scandinavie et dans le reste de l’Europe. En Suède, une forme
bénigne de FHSR décrite en 1934 a été appelée nephropathia
■ Fièvre hémorragique avec epidemica en 1945. Au cours de la Première Guerre mondiale,
Ameuille a décrit en 1916 un syndrome très évocateur de FHSR
syndrome rénal concernant les troupes militaires de la ville de Verdun et des
régions de Champagne et d’Artois. Les auteurs anglo-saxons ont
FHSR de forme moyenne à sévère [1, 6, 9]
décrit un syndrome similaire appelé « trench nephritis ». Lors de
Cette infection a été décrite en 1932 par les Russes en Sibérie la 2e Guerre mondiale, 16 000 cas d’une néphropathie épidémi-
et par les Japonais chez leurs soldats basés en Chine du Nord- que bénigne ont été observés chez les troupes militaires alle-
Est. Plus de 3 000 soldats des Nations-Unies ont développé la mandes et finlandaises stationnées en Laponie. Pour l’Europe de
maladie durant la guerre de Corée de 1951 à 1954 sous forme l’Ouest, les premiers cas ont été décrits en Belgique en 1979, en
de syndromes grippaux pour les deux tiers et sous forme de France au début des années 1980. Rétrospectivement, une
manifestations hémorragiques pour un tiers avec une létalité de épidémie datant de 1977, dans la région d’Hirson, a été sérolo-
10 à 15 %. L’agent causal de la forme coréenne a été isolé par giquement documentée. Le virus responsable a été identifié en
immunofluorescence indirecte en 1976 chez le mulot, en 1980 dans les poumons d’un campagnol roussâtre capturé près
1978 chez des patients. En 1980, le virus développé en cultures d’un lac de Finlande. Isolé en 1983, ce sérotype a été baptisé du
cellulaires, a été dénommé Hantaan virus, du nom de la rivière .
nom du lac.
séparant la Corée du Nord de celle du Sud.
Le sérotype Hantaan est transmis à partir d’un mulot appelé Réservoir [1, 3, 8, 9]
Apodemus agrarius responsable de la forme sévère de la maladie Clethrionomys glareolus, campagnol roussâtre, est le réservoir
en Asie rurale avec plus de 100 000 cas par an en Chine avec du virus. Sa reproduction a lieu au printemps et en été, sa durée
5 % de mortalité. Le sérotype Séoul est transmis à partir du rat de vie est de 18 mois. En Europe du nord, il existe des cycles
Rattus rattus et/ou Rattus norvegicus responsable d’une forme tous les 3 à 4 ans où la densité de population est maximale de
de sévérité moyenne dans les zones urbaines d’Asie et aussi des l’été à l’hiver 1 an et demi plus tard. Il vit en forêt avec
cas contractés dans des laboratoires d’Asie et d’Europe. En fait, plusieurs étages de végétations, dans les taillis, les talus de
c’est un sérotype de distribution mondiale (Amérique, Europe). bocage, à la lisière des forêts de feuillus, et l’on retrouve de 10
Le sérotype Dobrava ou Belgrade sévit dans les Balkans, respon- à 100 individus par hectare. Il a une vaste aire de répartition,
sable d’une forme modérée à sévère ; le réservoir est un mulot du nord de l’Espagne jusqu’à la limite de la Toundra en
(Apodemus flavicollis). Scandinavie. Les larges forêts continues d’Europe du Nord
La phase d’incubation est de 10 à 25 jours, avec des extrêmes paraissent plus propices à la transmission virale entre rongeurs
de 4 à 42 jours. La phase fébrile et algique dure entre 10 et que les forêts fragmentées d’Europe de l’Ouest. Dans celles-ci,
14 jours ; son début est brutal. Il s’agit d’une fièvre entre 38 et les fluctuations de population sont plus stables avec néanmoins
41 °C avec frissons, sueurs nocturnes profuses, altération de un pic saisonnier en automne. Le virus est présent dans les
et dans l’Oise. Une nouvelle épidémie d’ampleur plus impor- montré des chiffres de séroprévalence de 14 % dans le départe-
tante est survenue en 2005. Le nombre de cas signalés par le ment de l’Oise et de 4 % dans celui de la Seine-et-Marne et 0 %
Centre national de Référence au 9 septembre 2005 depuis le dans les autres départements de la région Île-de-France.
début de l’année était de 223 cas, alors qu’il était de 55 cas pour L’âge médian est voisin pour les deux sexes, 36 et 37 ans, les
toute l’année 2004. La plupart des cas résident dans les régions extrêmes sont de 7 à 90 ans, mais les cas pédiatriques sont
connues comme endémiques. Le nombre de cas ardennais est exceptionnels (n = 5 dans la série ardennaise). L’âge habituel se
estimé autour de 80 cas pour la même période. Il existe cepen- situe entre 20 et 50 ans. Le sex-ratio est de 4,1. Les activités
dant un nombre de cas inhabituel (35 cas) pour les départe- exposantes peuvent être professionnelles ou de loisirs. Elles sont
ments du Doubs et du Jura. Le nombre de cas était de 4 en multiples : travaux du bâtiment, mais aussi rénovation de
1996 et 14 en 1999 dans le Doubs et aucun n’avait été décrit maison ancienne, bricolage, nettoyage de maison, cave, grenier,
dans le Jura depuis le début de la surveillance. garage, grange ; activités agricoles ; activités forestières, débar-
La répartition mensuelle montre une prédominance d’avril à dage du bois, manipulation du bois stocké ou de terre. La
juillet soit 51 % des cas décrits tout au long de l’année. Là présence de rongeurs dans ou autour de la maison est un
encore l’enquête récente menée entre 10/2001 et 12/2002 mon- facteur de risque si la maison est à proximité de la forêt. Parfois
trait une évolution avec les 4e trimestres 2001 et 2002 les plus .
aucune de ces activités n’est mentionnée. Les cas groupés sont
représentés. Cette répartition temporelle des cas en automne et exceptionnels parmi l’ensemble des cas pris en charge dans le
l’hiver a été observée dans les pays scandinaves. L’épidémie département des Ardennes.
actuelle de 2005 retrouve de nouveau un pic estival avec un Dans la plupart des cas, la contamination se fait par voie
nombre maximal de cas en juin et une décroissance à partir de respiratoire, dans certaines conditions en inhalant des aérosols
juillet. provenant des excrétions de rongeur. Plus rarement, l’homme se
La répartition des cas est inégale dans le département des contamine par contact direct dû à une morsure de rongeur ou
Ardennes : 4 % proviennent du Sud agricole, 15 % de la zone par manipulation de cadavres de ceux-ci. Une étude sérologique
intermédiaire des crêtes Ardennaises (boisement de 28 %) et menée par l’AFFSA sur les piégeurs de rongeur lors des études
81 % de la zone Nord le long de la vallée de la Meuse et de la chez l’hôte réalisées dans les Ardennes sur 2 ans (n = 17) ne
Semois (massif Ardennais avec 78 % de couverture de forêt : montre aucun séropositif parmi ceux-ci. Un cas de transmission
3/4 de feuillus, 1/4 de résineux). La notion de biotope est par transfusion sanguine a été décrit, la patiente ayant donné
importante pour expliquer la circulation virale parmi les son sang 8 jours avant le début des symptômes. Aucune
rongeurs et la transmission à l’homme. Dans cette zone Nord, transmission aux soignants n’a pu être documentée.
les contacts entre l’homme et la forêt sont fréquents, renforcés
par la pratique de l’affouage. C’est un facteur social et compor- Manifestations cliniques [1, 3, 12, 13]
temental qui favorise les contacts répétitifs avec les gîtes des La durée d’incubation est estimée de 1 à 6 semaines. L’évo-
rongeurs. En effet, la commune décide d’attribuer une part de lution clinique suit classiquement les phases de la FHSR :
bois de chauffage dans une parcelle de la forêt communale pour algique et fébrile puis hypotensive, oligo-urique, polyurique et
chaque foyer. Cette pratique remontant au début du siècle a été convalescente (Fig. 4). Mais celles-ci ne sont pas toujours
relancée dans les années 1970 suite à la crise économique distinctes cliniquement. La description clinique qui suit est tirée
touchant durement ce bassin industriel de la vallée de la Meuse. de l’analyse des 76 premières observations ardennaises. L’ana-
Une enquête sérologique faite de 1987 à 1989 sur 5 000 lyse de la série rémoise (n = 34) permet d’observer les mêmes
militaires du quart Nord-Est a montré 0,1 % de positivité. Une tendances sur la description clinique des formes observées en
enquête sérologique chez 2 008 donneurs de sang des Ardennes France. Le Tableau 2 fait la synthèse de 541 observations issues
a montré une séroprévalence de 0,45 %. Une autre enquête de 126 observations scandinaves, 320 observations françaises,
réalisée dans le second foyer épidémique en Franche-Comté a 21 observations croates et 74 observations suédoises.
obtenu un chiffre analogue de 0,45 % sur un échantillon de La présentation initiale du patient est évocatrice d’un pro-
5 000 personnes. Ces chiffres représentent le niveau de séropré- blème viral dans 57 %, d’une FHSR dans 18 %. Pour les 25 %
valence de la population générale en zone épidémique. Une restants, le diagnostic est plus difficile car le tableau oriente vers
enquête avec la mutuelle sociale agricole des Ardennes en un organe : rein, tube digestif, appareil pulmonaire, neurologi-
1994 et 1995 auprès de 2667 adhérents a montré un chiffre de que, urgence chirurgicale, bilan de thrombopénie, d’asthénie, de
1 % avec des disparités cantonales : 0,15 % dans la zone myalgies.
agricole du sud du département, 2,9 % dans l’Argonne, et plus
de 5 % en Ardenne primaire. Une étude menée avec le person- Syndrome algique et fébrile
nel de l’Office national des Forêts (n = 55) a montré une Le début est le plus souvent brutal, le patient pouvant
séroprévalence de 14,5 % et pour le groupe le plus sur le terrain préciser le jour exact de la poussée fébrile initiale. La fièvre est
(les agents techniques) une séroprévalence de 20 %. Des présente dans 96 % des cas, supérieure à 39 °C chez 83 % des
enquêtes similaires effectuées chez les travailleurs forestiers ont patients, associée à des myalgies (70 %), des céphalées (89 %),
Tableau 2. Elles évoquent alors, selon leur localisation, une sigmoïdite, une
Pourcentage des différents symptômes cliniques et des signes biologiques appendicite, une cholécystite, une colique néphrétique. Nausées,
présents dans les infections à virus Puumala (Finlande : n = 126, France : n vomissements sont présents chez 36 % des patients. Les études
= 320, Croatie : n = 21, Suède n = 74) D’après [3]. endoscopiques ont montré un aspect congestif et purpurique
pétéchial antral ou fungique quasi constant, une gastrite dans
Fièvre 90-100
43 % des cas. L’examen peut montrer une hépatomégalie, voire
Céphalées 62-90 une splénomégalie.
Douleurs abdominales 64-75
Atteinte cardiovasculaire
Douleurs lombaires 63-82
Une bradycardie sinusale (40 % des cas) se manifeste par une
Nausées-vomissements 33-83
dissociation du pouls et de la température, ou survient de façon
Vertiges 12-25 retardée par rapport à l’épisode fébrile initial. Des hypotensions
Pétéchies 12 symptomatiques ont été observées, quelques poussées hyperten-
Conjonctivites 14 sives, rarement des troubles de la repolarisation. Les péricardites
Complications hémorragiques 2 décelées en échographie sont en général non symptomatiques.
Hypotension 1-2 Un bloc auriculoventriculaire de premier degré est possible. De
rares cardiomyopathies ont été décrites, mais pas dans les séries
Myopie transitoire 10-36
françaises.
Oligurie < 0,5 l/j 54-70
Manifestations neurologiques
Polyurie > 2 l / j 97-100
Hyperleucocytose > 10 000/mm 3
23-57
Elles sont rares et d’interprétation délicate : anxiété, somno-
lence, confusion, troubles mnésiques, syndrome méningé. La
Thrombopénie 52 000 à 75 000/mm3 56-68
ponction lombaire est le plus souvent normale. Une hyperpro-
Protéinurie 84-100 téinorachie est possible mais modérée ; une méningite lympho-
Hématurie 58-85 cytaire est exceptionnelle. Très rarement ont été observés une
Créatininémie > 150 µmol/l 90 crise d’épilepsie, une encéphalite, une encéphalomyélite aiguë
Cytolyse hépatique 41-60 disséminée, un syndrome de Guillain-Barré.
Dialyse 5-7 Autres atteintes
Polyarthralgies, éruptions maculeuses, polyadénopathie,
une sensation de malaise (70 %). Ce tableau évoque un syn- œdème du visage, atteinte hypophysaire ont été observés.
drome viral respiratoire, surtout lorsqu’il existe une pharyngite
(21 %), une toux sèche (27,3 %). Signes biologiques [1, 3, 14]
Le syndrome algique suit habituellement le syndrome fébrile La thrombopénie est présente dans 90 % des cas lorsque le
de quelques jours, mais il peut le précéder. Les lombalgies patient est vu tôt, dans les 7 premiers jours. Sa valeur moyenne
arrivent en tête avec 57 % des cas, suivies par les douleurs est de 72 000/mm3, près de 25 % des cas en ont moins de
abdominales (48 %), les dorsalgies (8 %), les douleurs thoraci- 50 000. Elle est d’origine périphérique et jamais corrélée au
ques (6,5 %) et les cervicalgies. Tout peut se résumer à un syndrome hémorragique. Une thrombocytose secondaire est
syndrome grippal isolé (17 %). observée 11 fois dans la série de 34 observations rémoises. La
leucocytose est variable, normale dans 55 % des cas, une
Troubles visuels (« la fièvre floue »)
hyperleucocytose à moins de 15 000 avec polynucléose modérée
Les troubles de l’accommodation liés à un œdème des corps dans 36 % des cas, plus élevée dans 9 % des cas. Dans les
ciliaires sont des éléments quasi pathognomoniques de FHSR formes sévères, la leucocytose est supérieure à 30 000. Il existe
(38 %). Il faut les rechercher avec soin par l’interrogatoire, car un syndrome inflammatoire marqué avec une protéine C
le patient ne les signale pas toujours. réactive (CRP) ayant des valeurs comprises entre 5 et 125 mg/l.
Manifestations rénales L’atteinte rénale est quasi constante, même si elle peut être
L’atteinte rénale se manifeste par des lombalgies (50 à 80 %), très discrète : la protéinurie était absente chez 32 % des patients,
une oligurie (66 %), plus rarement une dysurie ou un œdème modérée chez 36 % et élevée chez 33 % (supérieure à 2 g/
des membres inférieurs. L’échographie peut montrer des reins 24 h), survenant habituellement entre le 4e et le 8e jour de la
augmentés de volume, hyperéchogènes avec parfois un épan- maladie. L’électrophorèse des protéines urinaires montre une
chement périrénal. origine mixte à prédominance glomérulaire. L’hématurie
microscopique est observée chez 34 % des patients. L’élévation
Signes hémorragiques de la créatinine est inconstante, notée chez 54,8 % des cas,
Ils sont habituellement modérés. Il s’agit d’épistaxis (21 %), modérée dans 27 %, moyenne dans 20 %, sévère dans 7 %
de pétéchies, d’hémorragies sous-conjonctivales, de saignements (> 500 µmol/l). Une corrélation a été établie entre la profondeur
aux points de ponction, exceptionnellement des saignements de la thrombopénie et le degré d’insuffisance rénale.
extériorisés : métrorragies, ménorragies, hématurie macroscopi- L’atteinte hépatique se manifeste par une cytolyse modérée
que, hémorragie alvéolaire, hémoptysie, saignement digestif. Un dans 42 % des cas, les gamma-GT sont rarement élevées (8,8 %
cas d’hématome splénique spontané a été décrit. des cas). Exceptionnellement, il est retrouvé des cytolyses
Atteinte pulmonaire importantes comme noté dans la série ardennaise supérieures à
Les signes fonctionnels respiratoires existent dans 30 % des 10 fois la normale.
cas. On retrouve une toux sèche parfois productive, des dou- Évolution [1, 3]
leurs thoraciques, une dyspnée, des signes auscultatoires variés
(râles bronchiques, foyer de crépitants, frottements pleuraux). La mortalité de cette forme de FHSR en Europe est très faible :
La radiographie pulmonaire est anormale une fois sur deux. de 0,1 à 0,4 %. En France, il n’a été rapporté que deux décès à
Dans deux tiers des cas, il s’agit de phénomène de surcharge à notre connaissance. Un patient de la série des 14 observations
type d’épanchements pleuraux ou d’infiltrats alvéolo-interstitiels hospitalisées en Île-de-France avec un terrain d’insuffisance
rapidement régressifs. Dans un tiers des cas, il s’agit de foyers rénale et hépatique est décédé au cours du suivi. Un décès sous
de condensation pulmonaire. Les Scandinaves ont retrouvé une forme d’une mort subite est survenu à j14 du début des
atteinte pulmonaire variable de 16 à 53 % si l’on pratique symptômes à son domicile parmi les patients de la série
systématiquement un scanner thoracique. Exceptionnellement, rémoise. Ce patient était sorti de l’hôpital j7 avec une atteinte
il a été rapporté quelques observations de syndrome de détresse rénale (créatinine initiale à 207 µmol/l) et une thrombopénie
respiratoire aiguë. (54 000/mm3 à l’entrée) en voie de normalisation. Plusieurs
valeurs de tension artérielle (TA) élevées autour de 15/11 mmHg
Manifestations digestives ont été notées chez ce patient sans antécédent d’hypertension
Les douleurs abdominales sont en général en barre, diffuses, artérielle au cours de son séjour. Il a été découvert à son
mais elles peuvent être au premier plan de la symptomatologie. domicile par son médecin traitant avec un coma profond sans
toire. Une autopsie n’a pas été réalisée pouvant confirmer les La prise en charge des hantaviroses repose sur le maintien
causes exactes du décès. Dans trois cas d’une série de quatre cas d’une hémodynamique stable et d’une diurèse efficace dans les
de décès rapportés, l’autopsie montrait une nécrose hémorragi- formes sévères. L’insuffisance rénale associée à des signes de
que hypophysaire. De même, le seul patient avec une forme surcharge impose parfois la dialyse. Le recours à celle-ci est rare
sévère parmi les cas ardennais présentait un choc hypovolémi- en France : une fois sur les 76 premières observations ardennai-
que avec insuffisance anté- et post-hypophysaire. Il a eu des ses, 5 fois sur les 34 observations rémoises sur une période de
séquelles à type de diabète insipide (régression de l’insuffisance 13 ans (mais avec un service de néphrologie comme biais de
antéhypophysaire) et une insuffisance rénale modérée recrutement), un patient sur les 58 cas nationaux documentés
persistante. entre 10/2001 et 12/2002. Le recours à la dialyse est de 5 % en
La durée moyenne d’hospitalisation est de 1 semaine en Europe du Nord.
Europe du Nord. Quelques semaines sont parfois nécessaires à Le traitement antalgique repose sur le paracétamol en évitant
l’obtention d’une guérison complète. En France la surveillance les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour leur
des FHSR entre 10/2001 et 12/2002 a montré un taux d’hospi- néphrotoxicité (6 fois prescrits sur les 34 observations rémoises).
talisation de 93 % avec une durée moyenne de 6,5 jours (de 1 Un traitement antiviral par ribavarine a démontré son
à 12 jours). Cette hospitalisation survenait en moyenne 6 jours efficacité en termes de réduction de la mortalité et de la sévérité
après l’apparition des premiers signes cliniques. des symptômes dans un essai contrôlé versus placebo en double
aveugle réalisé en Chine sur le syndrome de FHSR. Son emploi
La présence de séquelles à long terme est exceptionnelle.
ne paraît pas justifié dans les formes dues au sérotype Puumala
Cinq cas de glomérulonéphrites mésangiocapillaires ont été
devant l’absence de gravité habituelle. Un essai récent ne
décrits. Une association entre la FHSR et la maladie rénale
semble pas montrer de bénéfice dans le HPS. Cependant
hypertensive a été observée. Des signes de lésions tubulaires
l’objectif du nombre de sujets à inclure n’a pas été atteint.
modérées et une hypertension ont été observés chez quelques
patients après un recul de 5 ans. Ces séquelles rénales clinique-
ment significatives sont discutées par certains. Néanmoins, un ■ Prévention [1, 3]
■ Références
.
C. Strady (cstrady@chu-reims.fr).
Service de médecine interne et des maladies infectieuses - CHU Reims, avenue du Général Kœnig, 51092 Reims cedex, France.
C. Penalba.
Service de médecine interne – CHG 08011 Charleville-Mézières cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Strady C., Penalba C. Infections à Hantavirus. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
4-1240, 2007.
Infection à chikungunya
L. Lassel, G. Pialoux
Le virus chikungunya (CHK) est un arbovirus du genre alphavirus, isolé pour la première fois en 1953 en
Tanzanie et transmis par des moustiques du genre Aedes. Ce virus est responsable d’une maladie aiguë
fébrile, accompagnée d’une éruption et d’arthralgies invalidantes, qui peut être confondue avec d’autres
arboviroses, notamment la dengue. Jusqu’en 2005, la maladie gardait un caractère exclusivement bénin
et tropical. Mais depuis les épidémies réunionnaise et indienne de 2005 et 2006, CHK s’est révélé être une
maladie potentiellement grave et exceptionnellement mortelle avec des formes neurologiques et des cas
de transmissions maternofœtales. On a vu aussi que, sous cette forme, l’infection pouvait toucher
massivement les populations de tous les âges et de toutes les classes sociales et générer de véritables crises
sanitaires. À l’heure actuelle, CHK continue de donner des cas ou des épidémies sporadiques en Afrique et
en Asie, et d’être diagnostiqué chez des voyageurs de retour de ces mêmes zones. La compétence
vectorielle d’Aedes albopictus, jusque-là considéré comme un vecteur secondaire de la maladie derrière
Aedes aegypti, et son implantation dans les zones tempérées du Sud de l’Europe et d’Amérique font de
l’infection à CHK une maladie réémergente dont le potentiel épidémique sur de nouvelles populations non
immunes reste difficile à prévoir. La maladie n’ayant ni traitement spécifique ni vaccin disponible, lutter
contre CHK revient à lutter contre la dissémination et la reproduction de son vecteur, et à surveiller
activement les cas importés et les modifications de la transmission du virus.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Arbovirose ; Chikungunya ; Maladie infectieuse émergente ; Aedes albopictus ; La Réunion
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1
Le virus chikungunya (CHK) est un arbovirus du genre alpha
virus, transmis par les moustiques Aedes, et responsable d’une
¶ Épidémiologie et histoire naturelle de la maladie 2 maladie aiguë caractérisée par une fièvre et des arthralgies
Virus 2 invalidantes [1]. Ces dernières font la particularité de l’infection
Vecteurs 2 à CHK, et la distinguent notamment de la dengue avec laquelle
Réservoirs 3 elle est souvent confondue en raison de similitudes cliniques,
Géographie de chikungunya 3 géographiques et du partage d’une partie de leurs vecteurs. Le
Épidémies 3 terme « chikungunya » qui désigne indistinctement le virus et la
Historique de l’épidémie à la Réunion 4 maladie, fait référence à ces arthralgies particulières : il signifie
¶ Manifestations cliniques 4 en effet « celui qui marche courbé » en langue swahili.
Forme classique 4 Jusqu’en 2005 la maladie était peu connue, avait la réputa-
Cas particulier des arthralgies et arthrites 4 tion d’être exclusivement bénigne et ne constituait pas une
Formes rares et graves du chikungunya de l’adulte et de l’enfant pathologie émergente ou d’importation reconnue [2]. La situa-
observées à la Réunion 4 tion s’est totalement modifiée depuis l’épidémie de 2005-
Chikungunya lors de la grossesse et chez le nouveau-né 5 2006 qui a touché les pays de l’océan Indien et plus
Formes cliniques autres 5 particulièrement l’Inde et la Réunion [3, 4].
Anomalies biologiques non spécifiques 6 Les dernières estimations font état de plus d’un million et
demi de cas en Inde depuis 2006. L’épidémie réunionnaise a
¶ Diagnostic biologique de l’infection à chikungunya 6
quant à elle surpris par son intensité (266 000 cas), sa rapidité,
¶ Immunité spécifique anti-chikungunya et vaccination 6 son impact socioéconomique et par l’émergence de nouvelles
¶ Prévention 6 formes cliniques, rares mais potentiellement graves, inconnues
Au niveau individuel 6 jusque-là. Depuis, la circulation virale dans l’océan Indien a
Au niveau collectif 7 diminué, mais des épidémies continuent de se déclarer en
¶ Traitement 7 Afrique et en Asie. Fait plus extraordinaire, une zone tempérée
a été touchée durant l’été 2007 à partir d’un cas importé du Sud
¶ Surveillance en France métropolitaine et déclaration obligatoire 7 de l’Inde : l’Italie [5]. En effet, Aedes albopictus est présent dans
¶ Conclusion 7 le Sud de l’Europe et a pu transmettre l’infection à plus de
200 cas « secondaires » à partir d’un malade virémique.
L’implantation du vecteur sur les quatre continents et sa tout au long de la saison sèche, larves et adultes étant capables
capacité à transmettre la maladie à des personnes non immunes d’éclore à la saison des pluies suivante. Ces œufs peuvent ainsi
fait de CHK une des arboviroses émergentes des années à venir. voyager à distance sur des supports inertes contenant de l’eau.
De plus, l’absence de traitement spécifique et de vaccin, la Originaire d’Asie du Sud-Est, et initialement selvatique, Aedes
difficile lutte contre le moustique renforcent le caractère albopictus s’est considérablement répandu pour atteindre toutes
imprévisible que pourrait avoir une nouvelle épidémie. les îles de l’océan Indien, puis les régions extrême-orientales. Il
a atteint l’Amérique du Nord et s’y est développé à partir de
■ Épidémiologie et histoire 1985, où il est devenu un vecteur du virus West Nile. Plus
récemment Aedes Albopictus a envahi des zones plus tempérées
naturelle de la maladie dans le pourtour méditerranéen comme le Sud de la France
et l’Italie (Fig. 1) [7].
Virus C’est sa remarquable adaptabilité à l’homme et à l’urbanisa-
.
des échanges avec celles-ci a fait que des cas importés ont
depuis 2006 été diagnostiqués dans quasiment toute l’Europe et
en Amérique du Nord. Des cas sont ainsi survenus en France
(métropolitaine, mais aussi Antilles françaises et Guyane) du fait
des relations privilégiées entretenues avec les îles de l’océan
Indien, dans les pays scandinaves, en Allemagne, en Italie, etc.
Dans ce dernier pays, l’équation simple reliant virus, vecteur et
Épidémie Réservoir possibilité d’implantation a d’ailleurs pu être vérifiée : plus de
200 cas secondaires, c’est-à-dire contaminés par un Aedes
albopictus autochtone ayant prélevé un virus sur un malade
encore en phase virémique, ont été diagnostiqués à la fin de
l’été 2007 [5]. En France, la présence du vecteur dans le Sud-Est
du territoire rend possible la transmission virale autochtone et
plusieurs départements ont mis en place un système de sur-
Facteurs veillance renforcé (cf. Surveillance en France et déclaration
environnementaux obligatoire).
Vecteur
Hôte accidentel
Épidémies
Comme pour la plupart des arboviroses, la transmission et les
poussées épidémiques démarrent pendant la saison des pluies et
Larves Œufs sont corrélées à la densité vectorielle, elle-même dépendante de
l’intensité des précipitations [1].
Figure 2. Schéma du cycle viral de chikungunya. Les données disponibles suggèrent que le virus CHK sévit
sous deux formes : endémique et épidémique [4] . De façon
schématique, la forme endémique serait africaine et rurale,
Réservoirs caractérisée par une grande variété d’espèces vectorielles et de
En période épidémique, c’est l’homme qui sert de réservoir au réservoirs, une forte et durable transmission à des populations
virus CHK. Hors période épidémique, ce sont essentiellement largement immunes, et la survenue de cas sporadiques ou
des singes, mais également des rongeurs, oiseaux, et autres d’épidémies peu étendues, comme tout récemment au Gabon et
vertébrés qui constituent le réservoir, en un cycle sauvage au Cameroun [9]. Dans cette configuration épidémiologique, il
moustique – animal – moustique [1]. Des épizooties se produi- n’est pas rare que la maladie passe totalement inaperçue, étant
sent chez les singes, lorsqu’une majorité d’animaux ne sont pas non ou peu symptomatique. À l’inverse, la forme épidémique,
ou plus immunisés. Ces derniers développent une forte virémie, serait plutôt asiatique et urbaine, transmise par deux vecteurs
mais pas de maladie clinique apparente du moins les singes (Aedes aegypti et Aedes albopictus) à des populations de plus
verts, chimpanzés, et macaques d’Asie. Sur l’île de la Réunion, faible niveau d’immunité ; elle serait dès lors caractérisée par des
aucun réservoir animal n’a encore pu être clairement identifié épidémies soudaines et plus intenses [10]. Dans ce modèle, les
(Fig. 2). épidémies fléchissent puis s’arrêtent progressivement à mesure
que la population s’immunise, certaines peuvent donc dépasser
une année séparées par de longs intervalles de temps (Indoné-
Géographie de chikungunya (Fig. 3)
sie, Inde, Philippines) [11].
La présence du virus est désormais confirmée sur les quatre Un haut niveau de développement économique ne met pas à
continents, dans sa forme endémique, épidémique ou sous la l’abri des maladies vectorielles comme la dengue ou le CHK, ou
forme de cas importés. Au départ limité à l’Afrique de l’Est au contraire favorise leur survenue par des modifications
(Tanzanie, Ouganda, République du Congo), il a gagné l’Ouest profondes de l’écosystème et de l’urbanisation. La Malaisie, pays
de l’Afrique en touchant le Sénégal dès 1996 [8], puis le Bénin, riche et bien structuré qui n’avait jamais connu d’épidémie a
la Côte-d’Ivoire la Guinée et le Nigeria. En Asie et notamment été atteinte par le CHK en 1998. Les mêmes vecteurs étant
en Asie du Sud-Est, des épidémies ont été fréquemment signa- susceptibles de transmettre plusieurs arboviroses, des épidémies
lées de 1960 à nos jours : l’Inde, le Vietnam la Malaisie et doubles ont été décrites telles que fièvre jaune plus CHK, ou
surtout l’Indonésie ont été les plus touchés. En 2005-2006, dengue plus CHK. Des épidémies de CHK ont pu survenir
l’océan Indien a connu une intense circulation virale (Réunion, antérieurement et être confondues avec la dengue, ou d’autres
Comores, Mayotte, Madagascar, Maurice, Seychelles). La propa- arboviroses (Sindbis), toutes ces arboviroses ayant une expression
gation du virus dans des zones touristiques et la globalisation clinique voisine qualifiée de syndrome « dengue-like » [9].
La plus grande épidémie à l’heure actuelle est celle survenue manifestations articulaires à type d’arthrite ou d’arthopathie
en Inde dans le sillage de l’épidémie des îles de l’océan Indien. étaient mieux connues avec des alphavirus voisins tels que les
Le virus CHK continue de circuler dans ce pays et, selon les plus virus O’Nyong Nyong, Sindbis et Igbo Ora en Afrique, le Mayaro
récentes projections, on y a dénombré depuis 2006 plus d’un en Amérique du sud, le Ross River et le Barmah Forest en
million et demi de cas, dont seulement 2 000 ont été confirmés Australie. Ces derniers ont d’ailleurs été rattachés à des phéno-
biologiquement. mènes de « polyarthrites épidémiques » en Australie.
La récente phase épidémique qu’a connue le virus CHK entre
Historique de l’épidémie à la Réunion 2005 et 2006 a permis de dévoiler des formes et des fréquences
En touchant massivement près de 35 % des habitants de l’île d’arthropathies méconnues. À la Réunion, 96,6 % des cas ont
de la Réunion, jamais le CHK n’avait autant fait parler de lui. présenté des douleurs articulaires pendant leurs symptômes [12].
L’épidémie, par sa brutalité de survenue et son intensité, a Dans les pays où des cas importés ont été recensés, 100 % des
.
surpris les autorités sanitaires et bouleversé le système de soins voyageurs ont eu, dans les 10 jours qui ont suivi le début des
sur l’île. Les experts estiment à 266 000 le nombre de cas symptômes, des douleurs articulaires. Toutes les atteintes
survenus à la Réunion entre mars 2005 et avril 2006. articulaires ont été décrites : arthralgies, arthrites simples,
Selon des données récentes, l’épidémie pourrait avoir pris sa arthrites fébriles, ténosynovites intéressant les petites comme les
source sur la corne africaine, dans les villes de Lamu et Mom- grosses articulations.
basa au Kenya en 2004 où une période exceptionnellement Il semble toutefois que des atteintes distales symétriques et
chaude a été observée. Au début de l’année 2005, le virus nombreuses touchant les doigts, les poignets, les chevilles et les
traverse le détroit du Mozambique et atteint l’archipel des orteils soient les plus fréquemment constatées. Chez une
Comores (où il fera à terme plusieurs milliers de cas). Le proportion bien moins importante de malades, les douleurs
phénomène est porté à la connaissance des autorités sanitaires articulaires ont été prolongées, voire sont réapparues plusieurs
de la région par le GOARN (Global Allert and Response semaines ou plusieurs mois après la phase aiguë, constituant
Network), organisme chargé par l’Organisation mondiale de la ainsi une véritable seconde phase de la maladie. Ces polyarth-
santé de signaler les épidémies à travers le monde. Les autorités rites chroniques intéressaient préférentiellement des articula-
sanitaires de la Réunion mettent dès lors en place un dispositif tions initialement touchées, mais pouvaient aussi se voir dans
de vigilance, calqué sur le modèle de la lutte contre la dengue des localisations initialement indemnes. Dans de plus rares cas,
utilisée aux Antilles, proposant un signalement et une recherche des tableaux de ténosynovites chroniques subaiguës ont été
active dans l’entourage spatial des cas suspects ou confirmés. décrits.
Dès avril 2005, c’est Mayotte et Maurice qui sont touchés et, à Le diagnostic différentiel comprend, outre la dengue men-
la Réunion, le premier cas est confirmé le 29 avril 2005. tionnée à plusieurs reprises, les autres alphaviroses déjà citées
L’épidémie connaît alors une évolution en deux phases séparées qui ne sont à considérer qu’en fonction d’un contexte géogra-
par l’hiver austral de 2005. Le pic de la première phase survient phique ou épidémiologique particulier. En revanche, devant un
rapidement avec 450 cas rapportés durant la deuxième semaine cas isolé importé, il faut considérer d’autres maladies tropicales
du mois de mai 2005 [12] . De juillet à septembre 2005, la fébriles et algiques, notamment la leptospirose, les rickettsioses,
circulation virale diminue et seule une centaine de cas sont la fièvre typhoïde, le paludisme, ou d’autres viroses cosmopoli-
diagnostiqués chaque semaine. La seconde vague commence dès tes telles que rubéole, primo-infection à cytomégalovirus (CMV),
le mois d’octobre 2005 selon un mode de croissance exponen- à parvovirus B19, et la mononucléose infectieuse [14].
tiel pour atteindre un second pic dans la première semaine du
mois de février 2006 avec 46 000 cas estimés. À ce stade de Formes rares et graves du chikungunya
l’épidémie, toutes les localités de l’île et toutes les classes de l’adulte et de l’enfant observées
sociales sont touchées. Les femmes ont été un peu plus touchées
que les hommes, et comme cela avait déjà été observé, les
à la Réunion
enfants de moins de 10 ans ont été moins souvent atteints. Le Jusqu’en 2005, le virus CHK n’était pas connu pour mettre en
dispositif de surveillance initial qui fonctionnait grâce aux jeu le pronostic vital. En Asie, d’où provenaient la majorité des
équipes de démoustication (lutte antivectorielle) a été rapide- données disponibles, aucun décès ni aucune forme clinique
ment dépassé lors de la seconde vague épidémique. Il a laissé la grave particulière n’avaient été rapportés.
place à un réseau sentinelle de médecins généralistes et de Les choses ont changé en 2006 avec l’épidémie réunion-
laboratoires de proximité comme c’est le cas pour la surveillance naise [4] : 834 cas dits émergents hospitaliers (pédiatriques et
de la grippe hivernale en France métropolitaine. Bien que moins adultes) y ont été diagnostiqués. Parmi eux, 247 étaient des cas
réactif, ce réseau a permis de décrire l’épidémie quasiment en graves d’infection par le CHK et 67 sont décédés. Chez les
temps réel et d’adapter les mesures de lutte contre la 222 cas adultes graves, la moyenne d’âge était de 70 ans avec
maladie [13]. un sex-ratio (H/F) de 0,9, la plupart présentaient des antécé-
dents médicaux ou suivaient un traitement médical au long
■ Manifestations cliniques cours. Les manifestations les plus fréquemment observées
étaient cardiovasculaires (61 %) avec des cas de myo-/
Forme classique péricardites, neurologiques (53 %) avec des méningoencéphali-
tes (15) et des syndromes de Guillain-Barré (4), hépatiques
Les symptômes cliniques sont précédés d’une phase d’incu- (19 %) avec 16 cas d’hépatites aiguës, respiratoires (53 %) et
bation silencieuse moyenne de 4 à 7 jours (extrêmes : 1 à rénales (44 %). Pour les 65 adultes décédés où l’infection par le
12 jours). Le début est volontiers brutal avec une fièvre élevée, CHK figurait sur le certificat de décès comme cause principale
des céphalées, des dorsalgies, des myalgies et des arthralgies. Ces ou associée, la manifestation la plus fréquemment renseignée
dernières sont souvent au premier plan et touchent principale- était une décompensation cardiaque, décrite chez 18 (28 %) des
ment les extrémités (chevilles, poignets, phalanges, mais cas (Tableau 1) [15].
également les grosses articulations). Des signes cutanés sont Chez les enfants, 25 cas graves ont été recensés parmi les
rencontrés dans 30 à 50 % des cas environ (œdème facial, 224 cas émergents hospitaliers. Les manifestations les plus
éruption cutanée, purpura minime). L’évolution générale est le fréquentes étaient dermatologiques, neurologiques et digestives
plus souvent bénigne en moins de 10 jours. Les atteintes (Tableau 1). Les cas graves étaient plus souvent des garçons avec
articulaires peuvent persister plusieurs mois avec un caractère un sex-ratio (H/F) à 1,7 avec un âge médian inférieur à 1 an.
erratique, invalidant. Les femmes y seraient plus exposées que Deux enfants sans antécédents médicaux particuliers, une fille
les hommes. et un garçon de 9 ans sont décédés de méningoencéphalites,
avec comme seule cause retrouvée une infection à CHK (Fig. 4).
Cas particulier des arthralgies et arthrites En définitive, les infections graves à CHK apparaissent
Jusqu’à l’épidémie réunionnaise, ces formes cliniques exceptionnelles ; leur incidence peut en effet être chiffrée
n’avaient fait l’objet que de descriptions anecdotiques. Des à 3,5 cas émergents hospitaliers et une forme sévère
Tableau 1. Tableau 2.
Manifestations cliniques les plus fréquemment rencontrées chez les cas Enquête de prévalence à La Réunion 2006, Institut de veille sanitaire
émergents hospitaliers dans l’épidémie réunionnaise. (InVS).
Cas émergents hospitaliers adultes N Pourcentage Déclaration de Résultats sérologiques IgG (pourcentage, IC95 %)
(N = 610) symptômes
Chikungunya Négatif Positif Ensemble
Diabète déséquilibré 134 21 %
Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle 121 20 % Non 51,9 % 5,0 % 56,8 %
Diarrhées ou vomissements 111 18 % [49,5-54,2] [3,9-6,2] [54,5-59,1]
Éruptions maculeuses 104 17 % Oui 4,5 % 31,4 % 35,9 %
Pneumopathies interstitielles 102 17 % [3,7-5,6] [29,2-33,6] [33,7-38,2]
Cas émergents hospitaliers N Pourcentage Ne sait pas 5,5 % 1,8 % 7,3 %
pédiatriques (N = 224) [5,0-6,6] [1,3-2,6] [6,2-8,6]
Éruption cutanée 86 38 % Ensemble 61,8 % 38,2 % 100 %
Syndrome hyperalgique 61 27 % [59,5-64,1] [35,9-40,5]
Diarrhées ou vomissements 61 27 % IgG : immunoglobulines G ; IC : intervalle de confiance.
Convulsion 50 22 %
Dermatoses bulleuses 37 17 % • la mère est en phase virémique dans la période périnatale :
des phénomènes de transmission maternofœtale sont surve-
nus dans la moitié des cas (19 sur 39). La réalisation de
césarienne s’est révélée inefficace sur le risque de transmis-
sion. Les nouveau-nés infectés développèrent tous des
symptômes (douleurs, fièvre et prostration) dans les 4 jours
qui suivirent. Dix de ces nouveau-nés infectés, soit plus de la
moitié, développèrent une forme sévère de la maladie
(encéphalopathie pour la plupart) et quatre en gardèrent des
séquelles visibles à l’imagerie par résonance magnétique.
De telles complications sont semblables à celles documentées
au cours de la dengue et avec d’autres arboviroses. Les risques
tératogènes et les complications à long terme des cas de
transmission maternofœtale périnatale restent de fait mal
connus et demandent à être suivis sur le long terme.
avec fièvre et arthralgies constantes. Les autres symptômes ne démarche clinique et l’indication des tests diagnostiques. Il n’est
différaient pas d’avec les cas autochtones et aucune forme en effet pas utile de confirmer biologiquement chaque cas en
sévère n’a été recensée ni en France ni ailleurs. Il faut toutefois période épidémique. La sérologie peut en revanche être propo-
souligner que pour la majorité des cas, il y eut un retentisse- sée en début d’épidémie dans des zones à risque, dans les
ment fonctionnel important avec fatigue et arthralgies. Un formes atypiques ou sévères et chez le voyageur de retour d’une
nombre élevé d’arthralgies persistantes pendant plusieurs mois zone d’endémie.
ont été décrites. Dans une série réalisée sur des adultes jeunes Enfin, le diagnostic biologique s’applique également, avec des
et en bonne santé (militaires français), 85 % ont qualifié la techniques adaptées de PCR, de détection d’antigène, de culture
fatigue d’importante, voire de très importante, une majorité virale, au diagnostic de l’infection du moustique par le CHK.
(83 %) s’est dite moralement affaiblie pendant une période de Ces études sont fondamentales sur les plans épidémiologique et
plusieurs semaines à plusieurs mois et 5 % totalement démora- entomologique afin de déterminer la compétence vectorielle,
lisés [19] . Ces constatations montrent que les arboviroses c’est-à-dire l’aptitude des différents moustiques à s’infecter et
possèdent une grande variabilité clinique et qu’elles doivent leur capacité à transmettre le virus.
désormais figurer en bonne place parmi les étiologies des
pathologies d’importation.
■ Immunité spécifique
Anomalies biologiques non spécifiques anti-chikungunya et vaccination
Le taux de leucocytes est peu modifié (leucopénie ou
hyperleucocytose modérées) ; une lymphopénie est fréquente et Il est établi chez l’animal que le virus CHK induit une
parfois marquée (200-300/mm 3 ). Enfin, une thrombopénie immunité protectrice de longue durée. Dans les modèles
modérée (> 100 000, sauf dans les rares formes infantiles murins, il existe à la fois une protection croisée vis-à-vis des
sévères) est fréquente. L’élévation des transaminases est fré- différents isolats de virus CHK, et des réactions croisées avec
quente mais modérée (sauf les rares cas d’hépatite sévère). La C d’autres types d’alphavirus [20]. Les données concernant
reactive protein (CRP) est en règle normale ou modérément l’immunogénicité chez l’homme sont difficiles à obtenir. En se
élevée. Il n’y a pas d’anémie, Toutes ces anomalies sont identi- fondant sur les résultats de l’enquête de séroprévalence à la
ques à celles rapportées dans la dengue, laquelle s’accompagne Réunion, on peut observer que les chiffres de séroconversion
cependant de thrombopénie plus fréquente et plus marquée. sont du même ordre que ceux de survenue de symptômes soit
environ 30 % à 40 % (Tableau 2). Partant du principe que la
population réunionnaise était non immune avant 2005, on peut
■ Diagnostic biologique penser que l’infection induit la production d’anticorps dans la
majorité des cas. Reste à savoir si ces anticorps permettent aux
de l’infection à chikungunya (Fig. 5) individus d’être protégés d’une nouvelle infection par la même
souche ou par une autre.
Il existe deux types de tests diagnostiques : la reverse À ce jour, il n’existe pas de vaccin disponible contre le CHK.
transcription-polymerase chain reaction (RT-PCR), et la sérologie Quelques prototypes vaccinaux ont été évalués chez
spécifique immunoglobuline M (IgM) ou IgG anti-CHK. En l’homme [21]. Dans le dernier essai en date (fin des années 1990)
pratique, aucun de ces tests n’est encore commercialisé, chaque mené par l’armée américaine, un vaccin vivant atténué a été
laboratoire ayant développé sa propre technique. Un test de étudié. Ce type de vaccin a pour avantages de conférer une forte
détection par immunofluorescence indirecte (Euroimmun AG™) et durable immunité (98 % de séroconversion à j28, confirmée
est actuellement en cours d’évaluation. à un an chez 85 % des volontaires dans l’étude) et d’être facile
Les prélèvements réalisés dans les laboratoires sont envoyés à fabriquer et peu coûteux. Le vaccin a par ailleurs été bien
dans les centres nationaux ou internationaux de référence des toléré et ne comportait que très peu d’effets indésirables
arboviroses (pour la France : Institut Pasteur de Lyon, Labora- (quelques cas d’arthralgies aigües transitoires postinjection).
toires Marcel Mérieux et Institut de médecine tropicale du Cependant, des problèmes de stabilité du produit et des condi-
Service de santé des Armées de Marseille). La RT-PCR est utile tions de stockage ont stoppé son développement. La recherche
en phase initiale virémique (j0-j7), dans les formes graves ou vaccinale est en train d’être relancée en France, une nouvelle
dans le cas de transmission maternofœtale, sur des prélèvements étude pilote de phase I serait actuellement en cours, visant dans
(biopsie, liquides de bulles). Ce type de prélèvement doit être un premier temps à étudier la tolérance chez des volontaires
acheminé au laboratoire à 4 °C en 6 à 12 heures idéalement. La sains.
sérologie, quant à elle, utilise une gamme technique classique
(inhibition de l’hémagglutination, fixation du complément,
immunofluorescence, enzyme linked immunoabsorbent assay ■ Prévention
[Elisa]). Elle est de pratique plus aisée. Les IgM peuvent être
mises en évidence dès le 5 e jour, et persistent de quelques En l’absence de vaccin, les seuls moyens de prévention
semaines à 3 mois ; les IgG se positivent à partir de la 2 e véritablement efficaces concernent la protection contre les
quinzaine et peuvent être détectées pendant des années. La piqûres de moustiques et les mesures de lutte antivectorielle.
spécificité de la sérologie n’est pas bien établie, notamment la Cette dernière est en tout point superposable à celles qui ont été
possibilité de faux positifs par réactions croisées avec les IgM de appliquées à la dengue. Cependant, il s’agit d’une lutte perma-
la dengue ou d’autres arbovirus. La culture est réservée aux nente, coûteuse, mobilisant un grand nombre de personnels, et
laboratoires spécialisés (centres de référence). Elle est utile en qui n’est pas toujours bien acceptée par des populations dont la
début d’épidémie pour confirmer avec certitude la nature du collaboration est pourtant indispensable. Cette démoustication
virus en cause. C’est le contexte épidémique qui doit guider la peut en outre poser des problèmes de toxicité pour l’homme et
l’environnement, certes relativement mineurs, mais souvent
assez mal perçus et acceptés par la population. Ces difficultés ne
IgG sont pas minces, et interfèrent avec le champ politique et
Signes médiatique, ce qui ne concourt pas toujours à la sérénité.
IgM
Inoculation cliniques
Au niveau individuel
j2 - j4 j0 j4 - j7 j15
La prévention passe par l’utilisation de moyens de protection
Virémie physique : vêtements longs, moustiquaires et répulsifs. Les
moustiquaires de lit ne protègent qu’imparfaitement contre les
Figure 5. Schéma diagnostique biologique. IgG : immunoglobulines piqûres diurnes d’Aedes. Elles sont cependant à recommander
G ; IgM : immunoglobulines M. aux enfants, malades et personnes âgées qui font la sieste ou
restent alités dans la journée. Elles le sont aussi à l’hôpital dans Haute-Corse, Corse du Sud et Var) où Aedes albopictus est
les maternités et chez les hospitalisés virémiques pour réduire le implanté [24], la déclaration obligatoire est couplée à un système
risque de transmission homme – moustique – homme. Les de notification plus rapide. À ce jour, aucun cas autochtone n’a
répulsifs cutanés ont une efficacité suboptimale (ils repoussent, été diagnostiqué dans ces départements.
mais ne tuent pas), des contraintes d’utilisation (durée de
protection, humidité), et ils possèdent enfin des effets secondai-
res (irritation cutanéomuqueuse) et certaines contre-indications ■ Conclusion
notamment chez les nourrissons. Les produits actuellement
recommandés par l’Agence française de sécurité sanitaire des On peut dire que le monde entier a découvert ou redécouvert
produits de santé (AFSSAPS) dans le cadre des épidémies de CHK depuis 2005, sous la forme de grandes ou petites épidé-
dengue et de CHK contiennent les principes actifs suivants : le mies, de cas sporadiques ou importés. La maladie garde son
citridiol, l’IR 3535, le KBR 3023 et le diéthyltoluanide caractère bénin, mais on sait désormais que des formes graves
(DEET) [22]. Ce dernier produit chimique est le seul à pouvoir sont possibles. Cette gravité est liée au terrain sur lequel
être utilisé chez les enfants de moins 2 ans (à des concentra- l’infection se développe (patients âgés, insuffisants cardiaques),
tions inférieures à 30 % contre 50 % chez les adultes) et à mais aussi à certaines localisations de CHK, le système nerveux
comporter peu d’effets secondaires. Aucune de ces mesures n’est central notamment. La maladie présente aussi de sévères
efficace à 100 %. C’est leur utilisation conjointe couplée à des complications chez la femme enceinte en période périnatale. Le
mesures individuelles et collectives de lutte antivectorielle qui caractère brutal de l’infection, les nouvelles formes cliniques (ou
permet de diminuer la transmission virale. sous-diagnostiquées au préalable) et le taux d’attaque de la
maladie ont participé à la crise sanitaire qu’a vécue la Réunion
Au niveau collectif en 2005-2006.
Cette résurgence de CHK est en partie due à la compétence
Une des toutes premières étapes et la plus difficile à réaliser d’un vecteur secondaire jusqu’ici, Aedes albopictus, qui, par sa
est la réduction du nombre de gîtes larvaires par suppression de grande adaptabilité et sa robustesse, s’est solidement implanté
tous les contenants potentiels d’eau stagnante dans et à en zone tropicale et tempérée. Ce moustique a un cycle de
proximité des habitations. Lorsque cette suppression physique reproduction urbain très efficace, ce qui explique que des
n’est pas possible, on recourt à l’application de larvicides épidémies peuvent survenir dans des zones à forte densité de
chimiques de type organophosphorés (dans la plupart des pays population, non ou peu immunisée de surcroît. Selon certains
du monde : téméphos (Abate 500®) ou pyréthrinoïdes, ou de auteurs, il est probable que vecteur et virus se soient adaptés
larvicides biologiques tel le Bacillus thuringiensis israelensis. Cette l’un à l’autre, que compétence et potentiel épidémique se soient
lutte antilarvaire est inopérante sans une information solide et combinés selon un principe d’évolution convergente pour
une réelle coopération de la communauté locale. L’épandage donner ces millions de cas depuis 2005 [25]. Il reste alors un
aérien d’insecticides continue d’être utilisé, mais il est inefficace risque théorique non chiffrable qu’une nouvelle épidémie se
sur les larves de moustique et surtout mal perçu par les popu- produise dans les zones où le vecteur est présent et où le virus
lations. La décision quant au choix des insecticides à utiliser peut être importé.
doit prendre en compte le ratio bénéfice/risque qui varie en Il est donc fondamental de mener la surveillance de CHK sur
fonction de la situation épidémiologique locale, de la résistance ces deux aspects : surveillance entomologique du vecteur, de ses
des vecteurs, des conditions climatiques et de la nature de la
maladie que l’on veut contrôler. Les plans de lutte contre Aedes
albopictus à la Réunion associent les services publics (suppres-
sion des gîtes connus, lutte adulticide préventive, traitement
autour des cas) et la communauté encouragée par les pouvoirs
publics (traitements péridomestiques, traitements des cimetières,
“ Points essentiels
information au grand public, etc.). • L’infection à chikungunya est une arbovirose tropicale
transmise par la piqûre d’un moustique du genre Aedes.
• La maladie est bénigne dans la grande majorité des cas.
■ Traitement Les arthralgies sont caractéristiques de cette arbovirose,
Il n’existe aucun traitement antiviral efficace contre CHK. elles peuvent persister après la phase aiguë. Des formes
Une seule étude in vitro suggère que l’association interféron/ graves ont été décrites, mais demeurent exceptionnelles.
ribavirine aurait un effet antiviral synergique [23]. Des études • Le virus peut en théorie infecter des personnes partout
bien plus nombreuses et plus anciennes relatives à la dengue où un de ses vecteurs compétents est présent : Aedes
n’ont donné à ce jour aucun résultat. Le traitement de la albopictus, le moustique de l’épidémie réunionnaise est
maladie CHK est donc uniquement symptomatique : antalgi- présent sur les quatre continents et notamment dans le
ques non salicylés, dont le paracétamol en première intention, Sud de la France.
anti-inflammatoires non stéroïdiens. Un essai de traitement des
• L’épidémie de 2005-2006 dans l’océan Indien a fait
arthralgies mené en Afrique du Sud n’a pas confirmé l’efficacité
de la chloroquine un moment suggérée. La prise en charge
reconsidérer chikungunya comme une des arboviroses
préventive et curative du nourrisson et de la femme enceinte se émergentes à surveiller. La survenue d’une nouvelle
heurte aux contre-indications absolues ou relatives de certains épidémie est difficilement prévisible, dépendant de
produits répulsifs ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens. nombreux facteurs : virus, vecteur, climat, réservoir et
immunité des populations.
• Aucun traitement spécifique n’a pour l’instant fait la
■ Surveillance en France preuve de son efficacité. Des vaccins sont à l’heure actuelle
métropolitaine et déclaration à l’étude.
• La prévention de l’infection par chikungunya passe par
obligatoire la lutte contre son vecteur en se protégeant des piqûres
En France métropolitaine et dans les départements français d’insectes, mais aussi en luttant efficacement contre les
d’outre-mer, les cas biologiquement confirmés d’infection à gîtes larvaires où le moustique pond ses œufs.
CHK sont à déclaration obligatoire depuis avril 2006. Ce • La surveillance des cas importés des zones tropicales et
dispositif a pour objectifs la détection rapide des cas importés la surveillance entomologique des zones d’implantation
et d’éventuels cas autochtones pour mettre en place les mesures du vecteur sont fondamentales pour lutter contre
de lutte antivectorielle et de surveillance appropriées. Dans l’extension de la maladie.
quatre départements du Sud-Est du territoire (Alpes-Maritimes,
zones d’implantation, poursuite de la lutte contre ses gîtes de [15] Surveillance active des formes émergentes hospitalières de
reproduction et surveillance des cas épidémiques ou sporadiques chikungunya. La Réunion, avril 2005-mars 2006. Institut de Veille
d’infection à CHK, notamment les cas importés par les voya- Sanitaire; 2007.
geurs. La réémergence de CHK ouvre un large champ de [16] Obeyesekere I, Hermon Y. Myocarditis and cardiomyopathy after
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L. Lassel (ludovic.lassel@tnn.aphp.fr).
G. Pialoux.
Pôle UNIMED, Service des maladies infectieuses et tropicales, Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex
20, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lassel L., Pialoux G. Infection à chikungunya. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
4-1245, 2008.
Plan Être infecté par le VIH signifie actuellement devoir vivre avec
le virus pendant de très longues années avec une maladie
¶ Introduction 1 chronique. [1]
La prise en charge pluridisciplinaire, par exemple en réseau
¶ Principes actuels de la thérapeutique antirétrovirale 2
ville/hôpital, est un élément majeur de la qualité du suivi ; une
¶ Quand débuter un traitement antirétroviral ? 2 relation de confiance facilite le suivi ultérieur, la compréhension
¶ Quelles molécules antirétrovirales ? 2 et l’adhérence au traitement. L’attente du patient concerne bien
¶ Comment initier un traitement antirétroviral ? 3 des thèmes de sa vie quotidienne : qualité du suivi médical mais
aussi informations sur les nouveautés médicales, grande dispo-
¶ Comment suivre un patient VIH positif ? 3
nibilité, écoute quant aux difficultés thérapeutiques.
¶ Comment modifier la thérapeutique antirétrovirale ? 4 Le nouveau dispositif de notification obligatoire d’infection
¶ Comment simplifier un traitement antirétroviral ? 5 au VIH (Institut de veille sanitaire) a révélé (données 2003 arrê-
¶ Quel bilan de surveillance ? 5 tées à fin septembre) 53 % de contaminations hétérosexuelles,
Quels examens recommander? 6 43 % de contaminations chez les femmes et 33 % de diagnostics
¶ Quelles stratégies en cours d’évaluation ? 6
faits à un stade où il existe des signes cliniques.
Les avancées très significatives des traitements anti-VIH
doivent être tempérées par quelques préoccupations :
• l’échec thérapeutique virologique chez un nombre de patients
■ Introduction qui augmente avec le temps et le nombre de thérapeutiques
antérieures (5 % en France en 2003) ;
La signification et le pronostic de l’infection au virus de • la survenue de complications métaboliques – syndrome
l’immunodéficience humaine (VIH) ont considérablement lipodystrophique, anomalies glucidolipidiques – affectant de
évolué depuis 1996 avec l’apparition des trithérapies antirétro- façon très importante les patients recevant des traitements
virales qui ont permis une réduction spectaculaire de la morta- comportant analogues nucléosidiques et antiprotéases ;
lité et de la morbidité dues directement ou indirectement au • l’incapacité du traitement antirétroviral, quelle que soit son
VIH. efficacité, à éradiquer le virus de l’organisme, qui reste
présent dans les cellules mémoires latentes. D’où la nécessité En cas de nécessité d’interrompre un antirétroviral, il faut
d’un traitement au long cours avec ses contraintes ; privilégier l’interruption de toute la thérapeutique antirétrovi-
• selon les données DMI 2 (2003) : 50 % des patients pour rale afin d’éviter le développement de résistance vis-à-vis des
lesquels il y a une indication de traitement antirétroviral sont antirétroviraux plutôt que des diminutions de doses ou des
vus à un stade tardif (syndrome de l’immunodéficience arrêts partiels.
acquise [sida] ou/et CD4 < 200/mm 3 ) avec un risque de De même, en cas d’échec, il est recommandé d’éviter d’ajou-
mortalité 16 fois supérieur dans les 6 mois succédant à ter la dernière molécule disponible ou « à la mode ». En effet,
l’initiation du traitement antirétroviral ; cette molécule a peu de chances, dans une situation de fait de
• l’émergence de comorbidités jusque-là sous-estimées, au monothérapie, de conduire à une suppression maximale de la
premier rang desquelles figurent la co-infection au virus de charge virale.
l’hépatite C (VHC) ou au virus de l’hépatite B (VHB) et les Compte tenu de la variabilité de la progression de la maladie
addictions ; d’un individu à un autre, la décision et le choix du traitement
doivent être adaptés à chaque patient. Le traitement antirétro-
• la mise à disposition des antirétroviraux pour seulement 10 %
viral doit être adapté à la vie du patient et non l’inverse.
de la population vivant avec le VIH dans le monde malgré les
efforts récents et partiels du Fonds mondial du G8 et de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), etc.
Ainsi ont évolué non seulement les outils thérapeutiques,
■ Quand débuter un traitement
mais également les concepts qui doivent prévaloir et guider le antirétroviral ?
clinicien, en ville comme à l’hôpital, dans la décision et le
choix de la thérapeutique. L’actualisation du rapport d’experts 2004 dit « rapport
Delfraissy » [2] pose clairement les bornes de l’indication d’un
traitement antirétroviral :
• lymphocytes CD4 < 200/mm3 (ou < 15 %) ou patients symp-
■ Principes actuels tomatiques : traitement nécessaire dans tous les cas ;
• entre 200 et 350 CD4/mm3, le moment de l’initiation du
de la thérapeutique antirétrovirale traitement antirétroviral doit être entrepris en fonction de
Le virus, dès sa pénétration dans l’organisme, se réplique de trois critères :
façon massive. C état de la demande du patient ;
La quantification de la charge virale dans le plasma mesure C pente de décroissance des lymphocytes CD4 ;
l’intensité de la réplication virale et son corollaire, c’est-à-dire la C valeur de la charge virale plasmatique (notamment
vitesse de destruction des lymphocytes T CD4. > 100 000 copies/ml) ;
La valeur absolue du nombre de lymphocytes CD4 renseigne, • CD4 > 350/mm3 : traitement non recommandé.
quant à elle, sur l’état du dommage immunitaire provoqué. L’objectif du traitement initial est de rendre la charge virale
Cette valeur permet d’estimer le risque de survenue de manifes- plasmatique indétectable au seuil le plus bas et le plus rapide-
tations cliniques liées au VIH comme celui des infections ment possible. [3]
opportunistes. Dans le choix des molécules antirétrovirales, plusieurs
facteurs sont à prendre en compte :
Ces deux paramètres – charge virale et nombre de lymphocy-
• âge (> 50 ans) ;
tes CD4 – sont complémentaires et indispensables à l’instaura-
• anticipation des effets secondaires ;
tion et à la surveillance d’un traitement antirétroviral, même si
• facteurs de risques cardiovasculaires ;
leurs parts respectives ont changé depuis ces dernières années.
• projet de procréation ;
La valeur de la charge virale mesurant la vitesse de progres- • co-infection VHC ou VHB ;
sion de la maladie VIH constitue actuellement le marqueur • traitements associés (antituberculeux, substitution, etc.)
pronostique le plus prédictif d’une évolution clinique susceptibles d’interférer avec les antirétroviraux ; [4]
défavorable. • risque de résistances croisées en cas d’échappement
Ainsi, le concept essentiel de la thérapeutique antirétrovirale virologique.
est-il d’abaisser au maximum la charge virale pour freiner, voire Ainsi, la mise en route d’une thérapeutique antirétrovirale
arrêter, la progression de la maladie virale et restaurer au mieux doit-elle être :
l’immunité. C’est également le contrôle de la réplication virale • longuement expliquée au patient : intérêts, inconvénients,
qui permet d’éviter la sélection de souches virales résistantes, risques, conduite à tenir en cas d’effet secondaire et ce dans
facteur essentiel de durabilité de l’effet antiviral. l’application de la loi du 4 mars 2002 sur l’information des
Pour réduire au maximum la charge virale, il est essentiel de .
malades ; d’autant plus que le patient cliniquement asympto-
débuter une association de différents antirétroviraux jamais matique sait ne voir aucun bénéfice clinique immédiat à un
reçus par le patient et dépourvus de résistance croisée entre eux. traitement précoce ;
Ces multithérapies ont conquis le titre de highly active antiretro- • débutée seulement après que le patient a exprimé son
viral therapy (HAART). acceptation du traitement et son souhait d’être traité ;
Lors de changements thérapeutiques motivés par une effica- • adaptée autant que possible aux contraintes et habitudes de
cité insuffisante comme en attestent les résultats de charge vie du patient ;
virale, il faut s’efforcer de renouveler un maximum d’antirétro- • personnalisée dans le temps et dans le choix des molécules.
viraux (plutôt que de changer molécule par molécule) afin de
limiter le développement des résistances.
Les données les plus récentes suggèrent l’utilité des tests de ■ Quelles molécules
résistance, tels que les tests génotypiques dans l’aide au choix antirétrovirales ?
d’une modification de thérapeutique chez un patient en échec
virologique ; la mise à disposition par les laboratoires de • INTR : inhibiteur nucléosidique de la transcriptase reverse.
virologie hospitaliers des tests de résistance, au moins génoty- • INNTR : inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase
piques, notamment pour le suivi des patients en situation reverse.
d’échec thérapeutique, est en cours. • IP : inhibiteur de protéase.
Chaque antirétroviral utilisé dans le cadre d’une association • IF : inhibiteur de la fusion.
thérapeutique doit être prescrit selon le schéma posologique Les antirétroviraux actuellement disponibles agissent au
optimal. Il faut éviter impérativement l’introduction progressive niveau de deux enzymes nécessaires à la réplication du VIH :
– sauf exception pour des raisons de pharmacocinétique et de • inhibition de la reverse transcriptase, enzyme permettant la
tolérance (exemple : la névirapine) – des antirétroviraux. synthèse d’acide désoxyribonucléique (ADN) complémentaire
Tableau 1.
Principales toxicités des antirétroviraux. [1]
à partir de l’acide ribonucléique (ARN) viral et précédant son virale, ce qui doit être l’objectif-clé d’une première ligne de
intégration dans le génome de la cellule-hôte ; traitement chez un patient naïf de tout traitement antérieur.
• inhibition de la protéase, enzyme nécessaire au clivage des
précurseurs polypeptidiques viraux pour la production des
protéines virales. Les inhibiteurs de protéase conduisent à la
production de virions immatures non infectieux et donc à
■ Comment suivre un patient VIH
l’interruption du cycle viral. Inhibant la phase post- positif ?
traductionnelle de la réplication virale, ils sont actifs sur les
cellules infectées de façon chronique, contrairement aux Il est impératif de contrôler la tolérance immédiate et
inhibiteurs de la reverse transcriptase ; l’efficacité du traitement antirétroviral initial.
• inhibition de la fusion, étape-clé de la pénétration du virus L’institution d’un traitement antirétroviral est un moment
dans la cellule-cible. important dans la prise en charge de la maladie VIH. Revoir le
Compte tenu de l’ancienneté relative de certains des antiré- patient 2 à 4 semaines après le début du traitement permet de :
troviraux abordés ci-après et du grand nombre d’essais théra- • s’assurer de la bonne compréhension du traitement, du
peutiques conduits dans le domaine, l’accent est mis sur les régime thérapeutique ; c’est à ce moment que l’on peut
données les plus récentes et la bibliographie est nécessairement réajuster le message sur le moment des prises médicamenteu-
très sélective. Pour plus d’informations, on peut se reporter aux ses ;
recommandations actuellement en vigueur en France (cf. Pour • apprécier l’observance du traitement en demandant au
en savoir plus). La toxicité et les modes d’administration sont patient combien de fois le traitement aurait pu être oublié sur
résumés dans les Tableaux 1 et 2. la dernière semaine ; la mise en place dans les services
cliniques d’approches spécifiquement orientées sur l’obser-
vance (consultations non médicalisées) permet aux patients
■ Comment initier un traitement en difficulté dans leur prise de traitement de faire le point
quant aux solutions possibles ;
antirétroviral ? • évaluer la tolérance du traitement : il faut interroger le
patient quant aux effets secondaires possibles des traitements
Un traitement choisi vaut mieux qu’un traitement perçu (nausées, diarrhée, vomissements, crampes, rash, prurit). Il
comme « imposé », lequel conduira plus volontiers à une faut savoir aussi rassurer parfois un patient inquiet en
observance insatisfaisante et donc à une inefficacité au moins expliquant que bon nombre de désagréments peuvent dispa-
partielle et, si cette situation dure quelque temps, au dévelop- raître avec le temps ; sauf effet secondaire majeur, il faut
pement de la résistance du virus aux médicaments éviter l’écueil d’un changement trop rapide de molécules ;
antirétroviraux. revoir le patient rapidement permet souvent de dédramatiser
L’institution d’un traitement antirétroviral chez un patient la situation ;
séropositif n’est jamais une urgence. Débuter dans des condi- • évaluer l’efficacité de la thérapeutique. C’est un temps capital
tions optimales, le premier traitement antirétroviral est le à plusieurs titres. L’évaluation antirétrovirale de l’association
meilleur garant d’une observance adéquate et donc d’une thérapeutique choisie de l’activité doit être explicitée au
efficacité prolongée. patient, soucieux de voir l’impact du traitement auquel il se
À l’heure actuelle, il y a trois types de stratégies thérapeuti- soumet depuis quelques semaines ;
ques (Tableau 3) : • évaluer en permanence les comorbidités (VHC, VHB, alcool,
• deux analogues nucléosidiques + IP ; autres dépendances, etc.) et les risques d’interactions médica-
• deux analogues nucléosidiques + INNTR ; menteuses (se rapporter au site gratuit www.theriaque.com).
• trois analogues nucléosidiques, dans certaines conditions, Il ne faut pas perdre de vue que les traitements peuvent être très
permettent d’obtenir une réduction maximale de la charge lourds, associant le traitement de l’infection à VIH, le
Tableau 2.
Médicaments antirétroviraux disponibles, molécules commercialisées ou en autorisation temporaire d’utilisation (ATU), en France, en 2003. [1]
Inhibiteurs de protéase
Indinavir (IDV) Crixivan®* Merck 2 gélules à 400 mg × 3/j
Nelfinavir (NFV) Viracept® Agouron-Roche 3 gélules à 250 mg × 3/j
Ritonavir (RTV) Norvir® Abbott 6 gélules à 100 mg × 2/j
Saquinavir (SQV) Invirase® Hoffman-La Roche 3 gélules à 200 mg × 3/j
Saquinavir capsule molle Fortovase® Hoffman-La Roche 6 gélules à 200 mg × 3/j
Lopinavir (+ ritonavir) Kalétra® Abbott 3-4 gélules à 133/33 mg × 2/j
Amprénavir Agénérase®* Vertex/GSK 8 caspules à 150 mg × 2/j
Atazanavir Reyataz® Bristol-Myers-Squibb 2 gélules à 200 mg/j
Fosamprénavir Telzir® GSK 2 cp pelliculés à 700 mg/j en
deux prises en France
* Ne sont plus prescrits comme seuls inhibiteurs de protéases mais en association au ritonavir à faible dose.
Tableau 3. Tableau 4.
Principales possibilités de multithérapies antivirus de l’immunodéficience Dysfonctionnements mitochondriaux dus aux inhibiteurs nucléosidiques
humaine (VIH). [2] Associations recommandées pour un premier de la transcriptase inverse (INTI).
traitement antirétroviral.
Neuromusculaire :
Options à préférer • polyneuropathie d4T, ddl, ddC
2 IN + 1 INN Ou 1 IP/r • myopathie et cardiomyopathie ZDV
Zidovudine (1) fosamprénavir/r Hépatique :
ou ou • stéatose, tous les INTI
(1) éfavirenz (2) Gastro-intestinal :
ténofovir Lamivudine indinavir/r
ou • pancréatite ddl, d4T, 3TC (+/-)
ou ou ou
névirapine Hématologique :
didanosine emtricitabine (2)(3)(4)(5) lopinavir/r
ou ou • pancytopénie ZDV, ddl, ddC
abacavir (2)(3) saquinavir/r Rénal tubulaire proximal :
• cidofovir, ténofovir
(1)
La combinaison zidovudine + lamivudine est la combinaison de deux Métabolique :
IN la mieux étudiée. • lipoatrophie, tous les ARV
(2)
Il existe des risques de survenue précoce d’évènements indésirables • acidose lactique, stade ultime
graves liés à l’utilisation de ce produit, ce qui justifie le strict respect de ddI : didanosine ; 3TC : lamivudine ; d4T : stavudine ; ddC : zalcitabine ; ZDV :
mesures particulières de prescription et de surveillance. zidovudine.
(3)
L’association abacavir-névirapine est déconseillée.
(4)
Nécessité de respecter strictement l’augmentation progressive de la
dose. possible, pour confirmer l’effet secondaire si celui-ci avait
(5) disparu. Cela constitue une précaution supplémentaire pour
Pour certains, rapport bénéfice/risque amène à préférer l’éfavirenz.
vérifier la responsabilité d’un médicament dans la survenue
Autres choix possibles d’un effet secondaire et permet de ne pas l’écarter à tort.
Deux IN (cf. ci-dessus) + nelvinavir (6) Lorsque des effets secondaires de nature similaire sont
Stavudine + lamivudine + [1 INN ou 1 IP/r] (cf. ci-dessus) attendus avec deux médicaments différents, il est préférable de
ne pas les introduire en même temps ; c’est le cas par exemple
Zidovudine + didanosine + [1 INN ou 1 IP/r] (cf. ci-dessus)
de l’abacavir et des INNTR (névirapine ou éfavirenz) ; la
Zidovudine + lamivudine + abacavir (Trizivir®) (7)
survenue d’un rash fébrile pouvant conduire à l’arrêt définitif
des médicaments.
(6)
L’utilisation du nelfinavir impose une prise impérative avec un repas.
(7)
Si charge virale inférieure à 10 000 copies/ml. Constitue la seule tri-
thérapie d’IN validée. Il convient de peser, d’une part le risque d’une ■ Comment simplifier un
moins bonne réponse virologique et d’autre part, les avantages d’une
simplicité de prise, de l’absence de résistance de classe ou de multirésis- traitement antirétroviral ?
tance en cas d’échappement virologique, de la bonne tolérance à long
terme (une fois passé la période de risque d’hypersensibilité à l’abacavir),
Les traitements ont évolué rapidement, au fil des années, vers
et l’absence d’interaction médicamenteuse significative. une simplification en termes de nombre de gélules et de
nombre de prises.
Une trithérapie de deux analogues nucléosidiques + INNTR
des patients, l’absence d’exercice physique, la consommation comporte de 4 gélules à 6 ou 7 – en deux prises (AZT/3TC, D4T/
d’alcool ou de bière ; 3TC, D4T/ddI + névirapine ou éfavirenz) – ; elle est plus simple
• les modifications de la répartition des graisses constituent un et donc moins contraignante qu’une trithérapie comportant un
élément d’inquiétude habituel, que les patients en aient déjà IP bien que l’utilisation des antiprotéases boostées par le
souffert ou non. L’attitude du clinicien doit comme toujours, ritonavir, en réduisant les prises, ait conduit à simplifier ces
en face d’une question compliquée non résolue, être atten- régimes.
tive, écouter la demande, voire la plainte, expliquer que l’on Plusieurs études cliniques ont confirmé l’efficacité du chan-
ne sait pas encore tout, que l’on peut proposer des solutions gement d’une trithérapie avec IP vers une trithérapie avec
pour la lipoatrophie du visage, qu’il y a des études de INNTR ou vers une trithérapie d’analogues nucléosidiques avec
recherche clinique en cours. le maintien d’une charge virale indétectable.
Les effets secondaires doivent être suffisamment sévères ou Dans la mesure où l’observance d’un traitement est facilitée
gênants et/ou durables malgré des traitements symptomatiques par la simplification d’un traitement, il est important de
pour conduire à l’interruption du traitement. Il est important de proposer aux patients ces traitements simplifiés avant que ne
changer une thérapeutique seulement à bon escient, le nombre s’instaure un réel problème d’adhérence au traitement obligeant
de molécules antirétrovirales étant, par famille thérapeutique, à des prises plus rapprochées.
relativement limité. Il faut distinguer : L’avènement des nouvelles molécules et de nouvelles galéni-
• les effets secondaires immédiats ou liés à une molécule en ques permet d’envisager des traitements en une seule prise
particulier ; quotidienne (once a day = OAD) comportant des INTR, des
• les effets secondaires plus souvent liés à une classe thérapeu- INNTR ou des IP (Tableau 5). Plusieurs arguments plaident en
tique ou à la durée du traitement antirétroviral (lipoatrophie, faveur de ce type de traitement antirétroviral :
syndrome métabolique, fatigue chronique). Une attention • une meilleure adhésion au traitement ;
toute particulière est portée actuellement à la toxicité • une simplification des contraintes d’administration ;
mitochondriale des INTR (Tableau 4). • une meilleure adaptation aux conditions de vie du patient.
Le thérapeute doit, à travers l’interrogatoire, bien caractériser
l’effet secondaire rapporté par le patient ; il faut essayer au
maximum de définir l’imputabilité liée au médicament. En ■ Quel bilan de surveillance ?
effet, s’il n’est pas question de laisser se prolonger des effets
secondaires, même mineurs, des changements trop fréquents Une consultation 8 à 15 jours après initiation du traitement
risquent d’être préjudiciables au patient. antirétroviral afin de :
On peut être amené à tester avec certaines molécules la • s’assurer de la bonne compréhension du schéma thérapeuti-
responsabilité d’un médicament en le suspendant transitoire- que ;
ment d’un régime thérapeutique et en le réintroduisant, si • renouveler les conseils d’éducation thérapeutique ;
Tableau 5.
Antirétroviraux en prise unique quotidienne(1).
■ Quelles stratégies en cours
FDA/AMM En phase II
d’évaluation ?
Éfavirenz (Sustiva®) Stavudine (Zérit® PRC) • Traitements intermittents : non recommandés en 2005 en
Didanosine (Videx® EC) Atazanavir (Reyataz®) raison du risque d’apparition de résistance et de décroissance
Ténofovir Emtricitabine (FTC)
des CD4 d’autant plus rapide que le nadir de CD4 est bas.
• Traitements d’induction/maintenance : non recommandés
Névirapine*
actuellement (2005) mais en cours d’expérimentation,
Lamivudine* notamment avec des traitements d’induction hautement
Abacavir* efficaces.
Antiprotéases « boostées » • Associations sans inhibiteur nucléosidique : une première
rtv/SQV, rtv/APV, rtv/IDV, fos APV/rtv étude pilote semble montrer une moindre efficacité mais sans
rtv/NFV, rtv/LPV... le risque de toxicité lié à cette classe thérapeutique.
(1)
• Interruptions thérapeutiques +/- immunisations : néanmoins,
: liste non exhaustive, et pour certains hors AMM ; * Traitements once a day
une interruption peut se discuter lorsque les CD4 sont stables
(OAD) en évaluation Food and Drug Administration (FDA). AMM: autorisation de
mise sur le marché ; rtv : ritonavir ; SQV : saquinavir ; APV : amprénavir ; IDV : (> 500/mm3), sans nadir inférieur à 350 CD4/mm3 et dans les
indinavir ; NFV : nelfinavir ; LPV : lopinavir. situations où le traitement antirétroviral est mal toléré.
.
G. Pialoux* (gilles.pialoux@tnn.ap-hop-paris.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pialoux G. Suivi et prise en charge thérapeutique de l’infection au VIH en 2005. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Traité de Médecine Akos, 4-1255, 2005.
Rage
C. Strady
La rage est une zoonose mettant en péril la santé humaine. Le virus rabique et les autres lyssavirus sont
responsables chez l’homme d’une encéphalomyélite presque constamment mortelle. À l’échelle
mondiale, le chien constitue le réservoir et le principal vecteur du virus de la rage classique (génotype 1),
à l’origine de 95 % des cas humains. L’Organisation mondiale de la santé estime à plus de 50 000 le
nombre de décès dus à la rage chaque année dans le monde, dont plus de la moitié concernent des
enfants. Le traitement postexposition comprend les injections de vaccins, associées parfois à une
sérothérapie. En France, ses indications sont posées, y compris devant des morsures de chauves-souris,
par les centres antirabiques, les prises en charge médicale (risque infectieux) et chirurgicale (risques
fonctionnels et esthétiques) des blessures d’origine animale étant assurées par les médecins généralistes
et les services d’accueil des urgences. La vaccination préexposition est indiquée pour des voyages en pays
d’enzootie dans le cadre de séjours répétés ou pour un séjour prolongé, surtout en cas d’isolement ou
d’éloignement de structure de soins avec des vaccins modernes et des immunoglobulines facilement
disponibles. Elle est également indiquée chez des personnes en contact avec des animaux comme les
vétérinaires, les personnels de refuge, d’animalerie, les chiroptérologues, etc.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Classification des lyssavirus selon leurs génotype, distribution géographique et les espèces animales concernées (d’après [3]).
Génotype Nom du virus Distribution et espèces d’origine Autres hôtes sensibles
1 Virus de la rage classique Carnivores (chien+++) du monde entier Nombreux mammifères, dont homme
Chauves-souris en Amérique
3 Mokola Afrique, non retrouvé chez les chauves-souris Musaraignes, rongeurs, chiens, chats et hommes
5 Europan bat lyssavirus 1 (EBLV-1) Chauves-souris insectivores (Eptesicus serotinus) en Homme (Ukraine et Russie), mouton et fouine
Europe
6 Europan bat lyssavirus 2 (EBLV-2) Chauves-souris insectivores (Myotis) en Europe et Homme (Royaume-Uni et Finlande)
Asie centrale
7 Australian bat lyssavirus (ABLV) Chauves-souris insectivores et frugivores (Australie Homme (Australie)
orientale)
■ Épidémiologie [3, 5, 6]
En Europe, plusieurs cycles épidémiologiques de la rage
coexistent. Ces cycles épidémiologiques sont caractérisés par
une espèce animal réservoir d’un variant de lyssavirus qui lui est
Rage dans le monde plus spécifiquement adapté. Néanmoins, ces variants conservent
la faculté d’infecter les autres mammifères. Ces mammifères se
À l’échelle mondiale, le chien constitue le réservoir et le comportent alors soit en impasse épidémiologique (par exemple,
principal vecteur du virus, à l’origine de 95 % des cas humains. l’homme), soit en espèce vectrice non réservoir, responsable
L’impact de la rage sur la santé humaine est reconnu par d’une chaîne limitée de transmission (par exemple le bovin
l’OMS : avec les 55 000 décès estimés chaque année dans le atteint de la rage du renard).
monde, elle est considérée comme maladie prioritaire en termes Durant ce dernier siècle, des modifications importantes des
de prévention et de contrôle. La majorité de ces décès survien- cycles épidémiologiques de la rage en Europe ont été observées.
nent en région rurale (86 % des cas) et notamment chez des De plus, la mise en place de nouvelles investigations épidémio-
enfants de moins de 15 ans (40 % des cas). L’Asie du Sud-Est et logiques et biologiques a permis la mise en évidence de nou-
surtout le sous-continent indien, l’Afrique, sont les principales
veaux cycles.
régions concernées (56 % des cas en Asie et 44 % en Afrique) :
l’absence de contrôle vétérinaire, d’un programme de vaccina- Rage canine
tion spécifique et d’une prophylaxie postexposition efficace
explique en grande partie cette localisation géographique. Il Le chien constitue l’unique réservoir et le vecteur principal.
existe une très probable sous-notification, notamment en Cependant, de nombreuses autres espèces de mammifères
Afrique. Plusieurs éléments l’expliquent : les patients ne domestiques (bovins, ovins, caprins, porcins, chats, furets)
décèdent pas tous dans une structure de soins, les cas ne sont peuvent être atteintes et constituer des vecteurs efficaces entre
pas tous reconnus pas les acteurs de soins, la plupart des cas le chien et l’homme, d’une part, et d’autres animaux domesti-
reconnus ne sont pas confirmés par un laboratoire de référence, ques ou sauvages, d’autre part. Sauf cas exceptionnel (infection
les cas diagnostiqués ne sont pas tous transmis au système de au laboratoire ou contamination en captivité par des animaux
surveillance. sauvages infectés), les rongeurs et les lagomorphes ne consti-
tuent pas des relais d’infection.
Rage en Europe La rage canine, qui sévissait dans toute l’Europe, a progressi-
vement disparu de la plupart des pays d’Europe centrale et de
En Europe, la rage est toujours d’actualité. Son incidence est l’Ouest durant la première moitié du siècle dernier. Cette
faible (moins de cinq cas par an) et stable. Trois génotypes de disparition est probablement plus liée à la mise en place de
restriction de circulation des animaux qu’à une politique de De nombreux pays d’Europe (Irlande, Royaume-Uni, Suède,
vaccination animale. Néanmoins, l’analyse épidémiologique et Norvège, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique,
l’analyse génétique des isolats démontrent que la rage canine France, Suisse, République tchèque, Italie, Espagne et Portugal)
subsiste dans certains pays européens, ainsi qu’aux portes de sont aujourd’hui indemnes de rage des animaux non volants.
l’Europe. À l’est de l’Europe, des isolats de type canin sont
encore responsables de l’enzootie rabique. Au sud de l’Europe,
la rage canine est endémique dans tous les pays du Maghreb.
Tous ces virus appartiennent au génotype 1 des lyssavirus et à
la lignée phylogénétique commune aux virus circulant en
“ Point important
Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Il n’y a plus de rage d’animaux non volants en France en
Aujourd’hui, la rage canine a disparu des pays de l’Union
dehors des cas importés.
européenne. Le principal risque réside donc dans l’importation
d’animaux non contrôlés en provenance de pays limitrophes à
.
l’est et au sud de l’Europe, dans lesquels le contrôle de la rage
canine n’est pas encore réalisé (pays d’Afrique du Nord et Rage des chiroptères
Turquie). La rage des chauves-souris est de caractérisation ancienne en
Par ailleurs, le risque peut aussi provenir de régions plus Europe. Les premiers isolats datent de 1954. À partir de 1985,
distantes à l’occasion d’importations frauduleuses (comme des campagnes importantes de capture de chiroptères sont
l’Asie, l’Afrique subsaharienne). De nombreux exemples récents réalisées au Danemark et dans les Pays-Bas et révèlent l’impor-
illustrent cet aspect. Ils démontrent que les voyageurs ne sont tance de l’enzootie. Depuis la fin de ces campagnes exploratoi-
pas conscients des risques sanitaires qu’ils prennent et font res, environ 50 cas par an sont diagnostiqués dans de nombreux
courir à leur entourage en voyageant avec leur chien non . pays européens. Entre 1989 et 2007, 31 chauves-souris ont été
vacciné en zone d’endémie, voire en adoptant des animaux sur trouvées porteuses de virus EBLV en France. Un chat a égale-
place pour les ramener chez eux à l’issue de leurs vacances. En ment été trouvé porteur du virus EBLV en Vendée en 2007.
France, huit épisodes d’importation illégale d’animal atteint de
rage sont survenus entre 1998 et 2008. Rage humaine
Les quelques cas annuels en Europe résultent d’une mauvaise
Rage chez les animaux sauvages non volants ou d’une absence de prise en charge des patients contaminés.
Le principal cycle épidémiologique de rage des animaux Les causes les plus fréquentes sont l’absence d’administration de
traitement postexposition, l’absence d’administration d’immu-
sauvages en Europe est maintenu par le renard roux (vulpes
noglobulines antirabiques et une prise en charge trop tardive
vulpes). Un autre cycle épidémiologique, entretenu par le chien
après contamination.
viverrin (Nyctereutes procyonides, ou raccoon dog en anglais), un
Des cas de rage humaine surviennent en Europe dans deux
cousin du raton laveur (raccoon) venu d’Asie, semble se dévelop- situations épidémiologiques distinctes : cas autochtones au
per dans les Pays baltes et en Pologne. Les vecteurs d’infection contact d’un foyer enzootique connu en Europe ou cas importés
non-réservoirs sont constitués des mêmes espèces animales que à l’occasion d’un voyage en zone endémique, principalement
celles décrites dans le cas de la rage canine. l’Afrique et l’Asie. Ces deux situations sont abordées
La capacité spontanée de mutation du virus rabique lui séparément.
permet de générer, lors de sa multiplication, des mutants dont
certains peuvent aléatoirement présenter un avantage sélectif Rage humaine autochtone
pour des espèces animales autres que l’espèce réservoir d’origine. Le nombre de cas humains d’origine autochtone enregistrés
Un mutant du virus rabique, jusqu’alors adapté au chien, en Europe diminue de manière parallèle au recul du « front » de
semble avoir changé de vecteur dans les années 1930-1940 au la rage vulpine. De 2000 à 2004, 45 cas de rage humaine
niveau de la frontière russopolonaise. Un nouveau virus adapté autochtone ont été signalés, presque tous survenus dans des
au renard roux (Vulpes vulpes) est apparu. L’épizootie s’est alors pays où sévit l’enzootie de rage vulpine en Europe centrale et
étendue rapidement dans toutes les directions, avec une de l’Est. Tous ces cas, sauf le patient du Royaume-Uni en 2002,
progression moyenne de 20 km à 60 km par an, envahissant de ont été attribués à des infections par des lyssavirus du géno-
nombreux pays d’Europe de l’Est, centrale et de l’Ouest. type 1. Le patient du Royaume-Uni diagnostiqué en 2002 était
L’extension maximale nord-sud en Europe de l’Ouest a été un écossais, décédé d’une encéphalite à un EBLV-2, virus dont
atteinte à la fin des années 1970, s’étendant des Pays-Bas à les chauves-souris sont réservoirs. Ce patient, chiroptérologues
l’Italie. L’extension maximale vers l’ouest a été atteinte en 1989, professionnel, subissait plusieurs dizaines de morsures au cours
atteignant un large quart nord-est de la France. Aujourd’hui, de chaque saison de capture. Il n’était pas vacciné préventive-
cette extension est jugulée et le front de l’enzootie vulpine a été ment contre la rage et ne portait pas de gants pour manipuler
.
■ Physiopathologie [1, 2, 4]
Acteurs
Le virus pénètre directement dans les cellules nerveuses dans Les médecins généralistes, les services d’accueil des urgences,
les heures qui suivent l’inoculation. Le virus migre alors par les centres antirabiques (CAR) et le CNRR ont des rôles complé-
voie rétroaxonale, à la vitesse de 25 à 50 mm/jour, en direction mentaires. Il revient aux deux premiers d’organiser la prise en
du système nerveux central. Le virus se dissémine rapidement charge médicale (risque infectieux) et chirurgicale (risques
dans le système nerveux central. Les lyssavirus induisent peu de fonctionnels et esthétiques) des blessures d’origine animale. Il
revient aux CAR la décision et l’application du traitement
modifications histopathologiques. Il est actuellement admis que
antirabique après exposition. La centralisation et la validation
le virus entraîne un dysfonctionnement neural en relation avec
des recommandations prophylactiques, des données épidémio-
des modifications de la sécrétion et du recaptage de neurotrans-
logiques (en lien avec l’Institut national de veille sanitaire), du
metteurs. La dernière phase de l’infection virale est une dissé- diagnostic biologique et de la recherche sont du domaine du
mination centrifuge par voie axonale. Le virus infecte alors CNRR.
d’autres tissus que le système nerveux, notamment les glandes
salivaires. C’est dans cette dernière phase de l’infection que des
modifications comportementales entraînent une agressivité, qui Outils de l’immunoprophylaxie
se traduit par des morsures chez l’animal. La salive, chargée de
Vaccins et immunoglobulines spécifiques (RIG) ont peu
virus, est alors inoculée à un nouvel individu. évolué ces dernières années. Les vaccins préparés sur culture
cellulaire ou sur embryon aviaire — human diploid cell vaccine
(HDCV), purified verocell rabies vaccine (PVRV), purified chick
■ Aspect clinique classique [4] embryo cell vaccine (PCEC) —, ont une efficacité et une innocuité
confirmées et validées. La sélection des procédés d’extraction et
L’incubation dure le plus souvent de quelques semaines à de purification est celle actuellement validée pour limiter le
risque de transmission virale des immunoglobulines spécifiques
3 mois et est rarement supérieure à 3 mois. La phase prodromi-
d’origine humaine (HRIG). Les immunoglobulines spécifiques
que est de quelques jours, avec des signes non spécifiques :
d’origine équine (ERIG) disponibles sont hautement purifiées et
fièvre, céphalées, vomissements, malaise, léthargie, etc. Plus
comportent maintenant des risques réduits d’accidents d’hyper-
spécifiquement, peuvent apparaitre un prurit et des paresthésies sensibilité immédiate (inférieurs à 1 ‰) et de maladie sérique
au niveau du site de morsure. Ensuite, la rage furieuse, ou (inférieurs à 1 %). Il existe également des immunoglobulines
encéphalitique, représente environ 70 % des formes cliniques équines (Favirab®) amputées du fragment Fc afin de diminuer
chez l’homme. La symptomatologie peut associer des signes les effets secondaires potentiels.
d’agitation, d’anxiété, de confusion, de délire, des hallucina- Les modalités d’application de ces outils ont, en revanche,
tions. Les symptômes peuvent être transitoires. L’hydrophobie fait l’objet de nombreux travaux. L’accent a été mis sur l’utili-
et/ou l’aérophobie (test de l’éventail) sont pathognomoniques et sation des RIG, dont l’efficacité propre à court terme sur les
présentes dans 50 % à 80 % des cas. Ce sont des spasmes des expositions graves est fondamentale, mais dont l’effet dépres-
muscles inspiratoires douloureux et angoissants, provoqués par seur sur l’immunogénicité de certains protocoles vaccinaux a été
l’eau ou par l’air. Puis le patient évolue vers le coma et décède démontré. Deux types de protocoles vaccinaux par voie intra-
en 7 à 10 jours au maximum en l’absence de réanimation. musculaire dans le cadre du traitement postexposition figurent
dans les recommandations émises par l’OMS. Leur modalité
d’utilisation est décrite dans le Tableau 2. Le protocole à cinq
■ Diagnostic [4, 6] injections est le protocole de référence ; le protocole 2-1-1,
associé aux RIG, ne garantit pas constamment la séroconver-
sion. Plusieurs protocoles intradermiques, adaptés aux situations
Le diagnostic de certitude biologique de rage animale ou économiques difficiles, sont validés par l’OMS, mais les vaccins
humaine est du domaine du Centre national de référence pour sur cultures cellulaires par cette voie d’administration n’ont pas
la rage (CNRR). Les prélèvements chez l’homme intravitam ou l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France, compte
post-mortem à visée diagnostique doivent répondre à un tenu d’une technique et une sécurité de réalisation délicate.
protocole et à une procédure d’acheminement au CNRR bien
.
Tableau 2.
Protocoles de vaccination antirabique par voie intramusculaire (i.m.) validés par le comité d’experts de l’Organisation mondiale de la santé en 2005 dans le
cadre du traitement postexposition.
Protocoles i.m. J0 J3 J7 J14 J21 J28 J91
« Essen 5 injections » dose i.m. 1 1 1 1 1
« Zagreb 2-1-1 » dose i.m. 2 1 1
Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite prophylactique à tenir en fonction des caractéristiques de l’animal. DSV : Direction des services vétérinaires ;
CAR : centre antirabique.
Tableau 3.
Décision thérapeutique en fonction de la gravité du contact et en fonction traitement de référence est le protocole à cinq injections
des caractéristiques de l’animal. vaccinales, mais le protocole 2-1-1 est très largement utilisé. Le
protocole à cinq injections est impératif si des RIG doivent y
Gravité Nature du contact Traitement recommandé être associées.
I Contact ou alimentation de Aucun si une anamnèse fiable Les RIG sont utilisées à J0, simultanément à la vaccination,
l’animal peut être obtenue quel que soit le délai écoulé depuis l’exposition :
Léchage sur peau intacte • à la dose de 20 UI/kg pour les HRIG, préférentiellement
II Peau découverte mordillée Administrer immédiatement utilisées ;
Griffure(s) bénigne(s) ou exco- le vaccin • à la dose de 40 UI/kg pour les ERIG purifiées.
riation(s), sans saignement La plus grande quantité possible est administrée en infiltra-
Léchage sur peau érodée tion autour des lésions. La quantité restante est injectée en
injection intramusculaire. Le vaccin est injecté si possible
III Morsure(s) et griffure(s) ayant Administrer immédiatement controlatéralement aux sites d’administration des RIG. En cas
traversé la peau des immunoglobulines et le d’administration d’ERIG, il faut toujours être prêt à traiter une
Contamination des muqueu- vaccin
réaction anaphylactique précoce avec de l’adrénaline ; la
ses par la salive (léchage)
posologie est de 0,5 ml d’une solution à 0,1 % chez les adultes,
Exposition à des chauves- ou 0,01 ml/kg de poids corporel chez l’enfant, par voie intra-
souris
musculaire ou sous-cutanée.
Le traitement après exposition s’applique à la population
générale vivant en région enzootique. Les caractéristiques de
Le traitement local des lésions est le préalable urgent et l’animal (Fig. 1) en cause et la gravité du contact (Tableau 3)
essentiel : lavage et détersion des lésions (eau et savon), fondent la décision thérapeutique et ses modalités. La possibilité
désinfection (solution iodée), parage et sutures seulement si le de soumettre l’animal (disponible) à la surveillance vétérinaire
préjudice est esthétique et/ou fonctionnel. (animal vivant) ou au diagnostic virologique sur l’encéphale
La vaccination après exposition doit être pratiquée en (animal mort) permet de poser des indications rationnelles. Or,
injections intramusculaires dans la région deltoïdienne. Le la majorité des traitements en moyenne sont imputables à des
[3] Strady C. La rage humaine dans le monde : épidémiologie et moyens de Pour en savoir plus
lutte. Lettre Infectiol 2008;6:8-14.
[4] Rotivel Y, Goudal M. Rage. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), www.who.int/topics/rabies/en/.
Pédiatrie/Maladies Infectieuses, 4-284-B-10, 2007. www.cdc.gov/ncidod/dvrd/rabies/.
[5] Bourhy H, Dacheux L, Strady C, Mailles A. Rabies in Europe in 2005. www.pasteur.fr/externe/.
Euro Surveill 2005;10:213-6. WHO. Who expert consultation on rabies. Technical report series 931. First
Report. Geneva, 2005. www.who.int/rabies/931/en/index.html.
[6] Peigne-Lafeuille H, Bourhy H, Abiteboul D, Astoul J, Cliquet F,
Recommandations relatives à la vaccination antirabique préventive, au trai-
Goudal M, et al. Human rabies in France in 2004: update and manage-
tement post-exposition et au suivi sérologique des personnes réguliè-
ment. Med Mal Infect 2004;34:551-60. rement exposées au virus de la rage des chauves-souris en France
[7] Rupprecht CE, Gibbons RV. Prophylaxis against rabies. N Engl J Med métropolitaine. Rapport du groupe de travail du CHSP. 2005.
2004;351:2626-35. www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/cshp/r_mt_140105 rage.pdf.
[8] Strady A, Lang J, Rotivel Y, Jaussaud R, Fritzell C, Tsiang H. Épidémiologie et prophylaxie de la rage humaine en France 2007. Centre
L’immuno-prophylaxie de la rage : actualisation des recommandations. national de référence pour la rage. Institut Pasteur. www.pasteur.fr/
Presse Med 1996;25:1023-7. sante/clre/cadrecnr/rage/Bull2007.pdf.
C. Strady (cstrady@chu-reims.fr).
Centre antirabique, Service de médecine interne et des maladies infectieuses, Hôpital Robert Debré, Centre hospitalier universitaire de Reims, avenue du
général-Koenig, 51094 Reims cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Strady C. Rage. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1260, 2010.
En 20 ans, les progrès dans la connaissance des hépatites virales ont été considérables. Les connaissan-
ces épidémiologiques, virologiques et thérapeutiques en matière d’hépatites virales n’ont cessé de croître,
permettant aujourd’hui de mieux prendre en charge de manière diagnostique et thérapeutique des sujets
ayant une hépatite aiguë ou chronique. En plus des traitements prophylactiques majoritairement vac-
cinaux, l’identification des facteurs associés à la progression de la fibrose jusqu’à la cirrhose au cours
des infections chroniques hépatotropes permet de mettre en place les meilleurs traitements antiviraux.
Pour le médecin généraliste, les points principaux sont le dépistage et les traitements disponibles, ce qui
implique la connaissance des facteurs de risque d’infection et des marqueurs sérovirologiques d’infection,
des comorbidités hépatiques (surconsommation d’alcool et syndrome métabolique principalement) pour
une prise en charge hygiénodiététique et des traitements pour optimiser l’information et accompagner la
prise en charge spécialisée. Pour le virus de l’hépatite B (VHB) comme pour le virus de l’hépatite C (VHC),
seulement la moitié des sujets infectés en France connaissent leur statut, l’accès au traitement est facile
et couvert à 100 %. Les analogues nucléos(t)idiques de deuxième génération (entécavir et ténofovir)
permettent une virosuppression virale B chez tous les patients observants mais doivent le plus souvent
être poursuivis à vie, contrairement à l’interféron dont une cure de 48 semaines permet environ un tiers
de virosuppression durable et 10 % de perte de l’antigène de surface (Ag HBs). L’infection par le VHC
peut être guérie par des combinaisons d’antiviraux oraux dans plus de 95 % des cas : les manifestations
hépatiques et extrahépatiques sont majoritairement réversibles en cas de guérison virologique.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 Toute infection peut s’accompagner d’anomalies biologiques
■ Dépistage des hépatites virales : épidémiologie, diagnostic hépatiques. Le terme « hépatite virale » doit être réservé aux
et histoire naturelle des hépatites virales 2 maladies associées aux virus ayant un véritable hépatotropisme
Hépatites à transmission féco-orale 2 avec, comme manifestation prédominante, une hépatite clinico-
Hépatites à transmission parentérale 2 biologique.
■
Classiquement, en plus des risques d’hépatite fulminante, les
Dépister et diagnostiquer une hépatite virale 4
infections virales à transmission orofécale (A et E) donnent des
Conduite diagnostique à tenir devant une hépatite aiguë 4
hépatites aiguës spontanément résolutives alors que les infections
Diagnostic étiologique d’une hépatite aiguë 5
virales B, C et D peuvent évoluer vers la chronicité : les infec-
Conduite à tenir devant une hépatite chronique 5
tions virales B chroniques touchent 300 millions de sujets dans le
Évaluation de la fibrose 5
monde et les infections virales C 150 millions de personnes, pour
Proposer une sérologie de l’hépatite C ou B en médecine générale 5
lesquelles, dans un quart des cas, aucun facteur de risque viral
■ Prise en charge des hépatites virales 6 n’est objectivé. Les hépatites virales sont considérées comme un
Traitements prophylactiques 6 problème de santé publique.
Traitement curatif des hépatites virales 6 Les rapides progrès dans les stratégies diagnostiques et thé-
■ Conclusion 7 rapeutiques ont été majeurs ces 20 dernières années. Pour le
médecin généraliste, les points principaux sont le dépistage et les
104
Ag HBs+, Ag HBe– Ac HBe+
103
Basse
10 CV indétectable
Ag HBs–, Ac HBc+, Ac HBs+
Ac HBc+, Ac HBs–
« Guérison » séro-
virologique
normales et une charge virale faible (inférieure à 2000 UI/ml et au patients. Les situations d’immunosuppression augmentent pro-
maximum inférieure à 20 000 UI/ml si stable pendant trois ans) et bablement cette fréquence. Les patients ayant eu une hépatite
l’absence d’argument pour une maladie hépatique évoluée. Pour C aiguë résolutive peuvent être considérés comme guéris et ne
affirmer le portage inactif, un suivi minimum d’un an est néces- relèvent d’aucune prise en charge diagnostique ou thérapeutique.
saire avec un dosage des transaminases et de la charge virale tous Le risque de l’hépatite chronique C est l’évolution vers la cir-
les trois ou quatre mois. Ils doivent être suivis à vie afin de ne rhose dans 20 % des cas et le CHC (incidence annuelle de 3 à 5 %
pas méconnaître une hépatite chronique liée à un virus mutant. par an à partir de la constitution de la cirrhose).
Tant que l’Ag HBs est présent, des « réactivations », c’est-à-dire des Les principaux facteurs associés à la progression de la fibrose
reprises de la multiplication virale, sont possibles, spontanées ou sont : le sexe masculin, l’âge élevé lors de la contamination, la
favorisées par une immunosuppression. transplantation d’organe, la consommation d’alcool, le syndrome
La phase d’hépatite chronique B avec Ag HBe négatif peut surve- métabolique, le génotype 3 et la co-infection avec le VIH et le VHB.
nir après la séroconversion Ag HBe/anti-HBe ou après des années, Un certain nombre de manifestations extrahépatiques peuvent
voire des décennies de portage inactif. Elle est caractérisée par un compliquer l’évolution de l’infection virale C. Il s’agit prin-
Ag HBe négatif, une fluctuation des taux de transaminases et de cipalement de manifestations auto-immunes (cryoglobulinémie
la charge virale et par une hépatite active. Cette phase est liée à mixte, glomérulonéphrite membranoproliférative, syndrome de
la multiplication de virus mutants pré-C. Cette phase est à haut Sjögren, hépatite auto-immune de type II, lichen plan, etc.) ou
risque de progression vers la cirrhose et le CHC. générales telles que la porphyrie cutanée tardive sporadique de
La phase de clairance de l’Ag HBs est caractérisée par la perte type I.
de l’Ag HBs. L’apparition d’un CHC est toujours possible, notam- Surtout, l’inflammation chronique augmente d’un facteur 2 à 3
ment s’il existait une cirrhose avant la perte spontanée de l’Ag le risque de diabète, de manifestations cardio-, cérébro- ou réno-
HBs. vasculaires, de troubles neurocognitifs incluant l’asthénie et les
cancers extrahépatiques.
Infection par le virus de l’hépatite C (VHC)
Infection par le virus de l’hépatite « delta »
Le virus de l’hépatite C a été identifié en 1988 comme étant res-
ponsable de la majorité des hépatites non A, non B à transmission Particule virale
parentérale. La particule virale delta est composée de l’enveloppe de surface
du virus B (portant l’Ag HBs) et d’une nucléocapside. C’est un virus
Particules virales
défectif, c’est-à-dire qu’il est dépendant du VHB pour assurer sa
Le VHC est un virus enveloppé ayant un génome de type ARN. propagation. Le virus de l’hépatite delta (VHD) semble avoir une
Il appartient à la famille des Flaviviridae. action cytotoxique responsable d’hépatites aiguës, parfois graves,
Les régions codant pour la protéase NS3, l’ARN polymérase et d’hépatites chroniques actives.
NS5B et la région NS5A codant pour une protéine intervenant
dans le complexe de réplication sont les cibles des nouveaux anti- Diagnostic sérologique
viraux. Il existe au moins sept génotypes principaux. Une réplication virale delta active est affirmée par la présence :
• d’Ac anti-HD sériques de type IgM dont la persistance signe une
Diagnostic sérologique
infection chronique ;
La présence des Ac anti-VHC témoigne d’une rencontre anté- • de l’ARN viral sérique détecté par PCR.
rieure avec le virus. Le diagnostic d’une infection active repose sur En cas de guérison de l’infection delta, seuls persistent des Ac
la seule identification de l’ARN viral par PCR (confirmée sur deux anti-VHD de spécificité IgG.
prélèvements).
La séroconversion a lieu en moyenne dix semaines après la Épidémiologie
contamination, mais peut être plus retardée chez les immunodé- Les modes de contamination sont comparables à ceux du
primés. La virémie est en revanche détectable dans le sérum par VHB : parentéral, sexuel (surtout chez les homosexuels masculins),
PCR dans la semaine suivant l’infection. materno-infantile (vertical ou plus souvent horizontal par surin-
fection périnatale d’un nouveau-né porteur de l’antigène HBs) ou
Épidémiologie
sporadique.
Cent cinquante millions de personnes seraient porteuses d’une L’infection par le VHD touche 5 % des porteurs chroniques de
infection chronique par le VHC. Les régions les plus touchées sont l’Ag HBs, c’est-à-dire environ 15 millions de personnes dans le
l’Afrique, l’Asie centrale et l’Asie. L’enquête de l’Institut de veille monde.
sanitaire (InVS) de 2004 en France a estimé la prévalence de l’ARN
du VHC à 0,83 %, soit environ 232 000 adultes. Histoire naturelle
Deux situations épidémiologiques différentes rendent compte
Modes de transmission de l’infection delta. Il peut s’agir, soit d’une co-infection
Le VHC a une transmission principalement parentérale. VHB/VHD qui guérit habituellement, mais il existe un risque
La transfusion des produits sanguins a joué un rôle impor- d’hépatite fulminante (5 %), soit d’une surinfection par le VHD
tant en France avant 1990. Dans les pays développés, l’usage de chez un porteur chronique du virus B : celle-là est habituelle-
drogues par voie intraveineuse (et éventuellement par voie nasale) ment responsable d’une hépatite chronique active liée au VHD
reste le mode de transmission majeur du VHC. dans 95 % des cas, usuellement plus sévère qu’une infection
Le risque de transmission sexuelle est considéré comme extrê- liée au seul VHB, et s’associant à un arrêt de la multiplication
mement faible chez les couples hétérosexuels stables. Il peut être virale B.
augmenté en cas de rapports sexuels traumatiques, en particulier La fréquence des cirrhoses serait alors supérieure à 20 % et le
chez les homosexuels masculins atteints par le VIH. risque de CHC comparable à celui des autres cirrhoses virales.
Le risque de transmission de la mère à l’enfant est de l’ordre de
5 % mais est multiplié par quatre en cas d’infection associée par
le VIH.
D’autres modes de contamination existent puisque, après des
Dépister et diagnostiquer
interrogatoires poussés, environ 20 % des patients ayant une une hépatite virale
infection par le VHC n’ont pas de facteur de risque identifié. On
suspecte les risques nosocomiaux, les soins dentaires, les tatouages Conduite diagnostique à tenir devant une
ou piercing.
hépatite aiguë
Histoire naturelle
L’histoire naturelle de l’infection virale C est caractérisée par
Formes cliniques
une hépatite aiguë survenant 5 à 45 jours après la rencontre avec le Les hépatites virales aiguës sont majoritairement frustes, voire
virus. L’évolution vers la chronicité est observée chez 60 à 80 % des asymptomatiques. Les formes ictériques communes peuvent
être précédées d’une période pseudogrippale. L’ictère dure en Conduite à tenir devant une hépatite
moyenne deux à six semaines mais il existe des formes prolon-
gées (jusqu’à 12 mois), surtout chez les sujets immunodéprimés ou chronique
insuffisants rénaux. Des formes à rechute biphasique sont obser- Diagnostic étiologique
vées dans 10 à 15 % des cas d’hépatite A et 5 à 10 % des hépatites B
ou C. Une hépatite cholestatique peut survenir secondairement à Bilan sérologique
une forme commune. La guérison est habituellement complète Le diagnostic des hépatites virales chroniques pose en règle
en trois à quatre mois. générale peu de problèmes. Il faut rechercher la présence
Certaines formes d’hépatites virales peuvent être associées à des Ac anti-VHC (et l’ARN par PCR en cas de positivité sur
des manifestations extrahépatiques liées à l’infection virale elle- deux prélèvements), de l’AgHBs et de l’ARN du VHE en cas
même ou avec les réactions immunitaires provoquées par le virus d’immunodépression.
(pleurésie, péricardite, polyradiculonévrite du type syndrome de Les co-infections avec le VHB, le VHD, le VHC et le virus de
Guillain-Barré, anémie hémolytique, périartérite noueuse, glomé- l’immunodéficience humaine (VIH) doivent être systématique-
rulopathies ou cryoglobulinémie mixte). ment recherchées.
doivent être traités quel que soit le taux d’ADN du VHB, même si syndrome métabolique est un enjeu majeur de santé publique
les transaminases sont normales et les patients ayant une cirrhose du fait de leurs effets synergiques dans la pathogénie de la
décompensée doivent l’être en urgence par des analogues. cirrhose.
Bien que l’interféron puisse être efficace et à durée définie, les Chez les patients infectés de manière chronique par le VHB ou
analogues nucléosidiques ou nucléotidiques sont aujourd’hui les le VHC, une consommation excessive d’alcool ou l’existence d’un
molécules de choix pour le traitement de l’hépatite B. Tout patient syndrome métabolique entraîne une augmentation de la vitesse
ayant une infection virale B devant être traitée doit recevoir un de progression de la fibrose, une augmentation du risque de CHC,
traitement antiviral au long cours efficace et à barrière génétique un risque accru de cirrhose décompensée et augmente la morta-
élevée (faible taux de résistance), c’est-à-dire en 2016, principale- lité.
ment entécavir ou ténofovir, le plus souvent de façon définitive. Ces comorbidités doivent être dépistées et prises en charge.
La surveillance hépatique doit impérativement être maintenue
Traitement de l’hépatite chronique delta
chez les patients avec consommation excessive d’alcool ou syn-
Le but du traitement est l’éradication de l’infection virale. Ses drome métabolique, même en cas de guérison virologique, car le
indications sont le traitement d’une hépatite chronique delta risque de CHC ou de progression de la fibrose persiste.
histologiquement prouvée avec présence des marqueurs de répli-
cation virale. Dépistage du carcinome hépatocellulaire
La plupart des traitements de l’hépatite delta sont décevants. Le risque annuel de CHC chez un patient cirrhotique est
Le seul traitement efficace est l’interféron pour une durée d’un an d’environ 3 % par an. L’objectif du dépistage du CHC est de les
n’autorisant que 25 % de guérison virologique durable. détecter à un stade précoce afin d’espérer un traitement curatif.
Traitement de l’hépatite chronique C [3, 5] Ce dépistage doit être semestriel par une échographie abdominale
L’infection virale C est la seule infection virale chronique dont en première intention. Le dosage de l’AFP n’est plus recommandé
il soit possible de guérir. car peu sensible et peu spécifique mais il reste largement utilisé
Les bénéfices sont clairs : disparition de l’asthénie dans deux dans la pratique courante.
tiers des cas si préexistante et des manifestations extrahépatiques Concernant les patients pour lesquels il n’y a pas d’argument
de vascularite cryoglobulinémique, réduction significative de la clinicobiologique en faveur d’une cirrhose, le risque de CHC est
mortalité hépatique, surtout en cas de cirrhose préexistante et plus faible mais existe. Il n’y a pas de recommandation précise,
réduction de la mortalité extrahépatique (cardiovasculaire, céré- cependant, une échographie annuelle au minimum semble licite
brovasculaire ou par cancer extrahépatique) en cas de guérison. chez ces patients.
Historiquement, le traitement de l’hépatite C, par des combi-
naisons associant l’interféron et la ribavirine, permettait de guérir Vaccination
de 45 à 85 % des sujets infectés selon le génotype, avec cepen- En cas d’infection virale chronique, il est recommandé de vac-
dant de nombreux effets indésirables d’autant plus fréquents que ciner les patients contre l’hépatite A et l’hépatite B s’ils ne sont
le traitement était prolongé (24 à 48 semaines). pas immunisés.
La vraie révolution est le développement de stratégies théra- Chez les patients au stade de cirrhose, il est nécessaire de les
peutiques combinant des antiviraux directs s’affranchissant de la vacciner contre la grippe annuellement et de les vacciner contre
combinaison avec l’interféron pégylé. Ces multithérapies orales le pneumocoque tous les cinq ans.
ont l’avantage d’être bien tolérées et d’être efficaces (90 % de gué-
rison même chez les patients prétraités). Les différentes classes Immunodépression et virus de l’hépatite B
thérapeutiques disponibles sont les inhibiteurs de la protéase L’utilisation d’immunosuppresseurs (dont les corticoïdes ou la
NS3/4A (siméprévir, paritaprévir, etc.), les inhibiteurs de NS5A chimiothérapie) chez les patients infectés par le VHB peut être res-
(daclatasvir, ledipasvir, ombitasvir, etc.) et les inhibiteurs de la ponsable de réactivation aux conséquences pouvant être sévères.
polymérase NS5B (sofosbuvir, dasabuvir, etc.). Ainsi, avant toute utilisation d’immunosuppresseur, il est
Ces multithérapies orales de 12 à 24 semaines associées ou non à recommandé de faire une sérologie VHB (Ag HBs, Ac anti-HBc
la ribavirine permettent à moyen terme de guérir tous les patients et Ac anti-HBs) avec recherche de l’ADN chez les patients avec un
car : Ac anti-HBc positif.
• elles ont une activité pangénotypique ; Un traitement préemptif est recommandé dès le premier jour
• il n’y a pas de résistance croisée entre les différentes classes de l’immunodépression et jusqu’à un an après la fin du traite-
d’antiviraux directs ; ment en cas d’Ag HBs positif (et cela quelle que soit la charge
• de nouvelles molécules (troisième génération), voire de nou- virale) ou en cas de charge virale positive. En cas d’Ac anti-HBc
velles cibles (inhibiteurs d’entrée, inhibiteurs du relargage), isolé avec un ADN du VHB indétectable, et cela quel que soit le
sont en développement. statut des Ac anti-HBs, les patients doivent être monitorés (charge
Les recommandations concernant la prise en charge virale et transaminases) tous les un à trois mois et traités en cas
de l’hépatite C évoluent actuellement très rapidement de réactivation.
(www.afef.asso.fr). Du fait du coût des nouveaux traitements Si un traitement par rituximab est instauré, tous les patients
oraux de l’hépatite C, leur prescription est pour le moment Ac anti-HBc positifs doivent recevoir un traitement préemptif.
contrainte et limitée à des populations prioritaires et doit être Les patients Ag HBs négatifs recevant un organe d’un donneur
validée lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire. Ac anti-HBc positif doivent également recevoir un traitement
Les intéractions médicamenteuses avec les traitements oraux préemptif.
du VHC peuvent être consultées sur hep-druginteractions.
org.
Enfin, guérir de l’hépatite C ne confère pas d’immunité protec-
trice et une réinfection est possible. Conclusion
Traitement de l’hépatite E En conclusion, la connaissance de l’épidémiologie, de la viro-
L’hépatite E chronique peut être traitée par une réduction du logie et du traitement des hépatites virales n’a cessé de croître
traitement immunosuppresseur : l’interféron pégylé, la ribavirine ces dernières années. Cela permet aujourd’hui une meilleure prise
ou la combinaison des deux molécules. en charge diagnostique (Fig. 2) et thérapeutique des sujets ayant
une hépatite aiguë ou chronique. Pour le médecin généraliste,
Quelques mesures complémentaires les points principaux sont le dépistage, la prise en charge des
comorbidités hépatiques (surconsommation d’alcool et syndrome
indispensables
métabolique principalement) pour une prise en charge hygié-
Recherche et prise en charge des comorbidités hépatiques [3] nodiététique, les traitements préventifs et curatifs disponibles,
L’exposition conjointe aux infections virales chroniques et incluant la vaccination pour optimiser l’information et accom-
aux cofacteurs d’aggravation hépatique que sont l’alcool et le pagner la prise en charge spécialisée.
– + – +
Surinfection Co-infection
VHD/VHB
“ Points essentiels Déclaration d’intérêts : S. Pol déclare : Membre de board : BMS, Boehrin-
ger Ingelheim, Tibotec/Janssen Cilag, Gilead, Roche, Merck/Schering-Plough,
Sanofi, Abbott, GSK, Vertex. Orateur : GSK, BMS, Boehringer Ingelheim,
Tibotec/Janssen Cilag, Gilead, Roche, Merck/Schering-Plough. Bourses : BMS,
• Les hépatites virales sont fréquentes et doivent être
Gilead, Roche, Merck/Schering-Plough ;
mieux dépistées et prévenues par la vaccination. A. Laurain n’a pas transmis de liens d’intérêts en relation avec cet article.
• Les risques principaux des hépatites sont observés au
stade aigu (hépatite fulminante) et au stade chronique
avec des complications hépatiques (cirrhose, CHC) et
extrahépatiques (vascularites virales). Références
• Le diagnostic d’une hépatite virale est habituellement
[1] Wright TL, Lau JY. Clinical aspects of hepatitis B virus infection.
simple, fondé sur des critères sérologiques et virologiques.
Lancet 1993;342:1340–4.
Une autre hépatopathie chronique sous-jacente doit être [2] EASL-ALEH clinical practice guidelines: non-invasive tests for eva-
recherchée et les comorbidités hépatiques (alcool et syn- luation of liver disease severity and prognosis. J Hepatol 2015;
drome métabolique) doivent être prises en charge. 63:237–64.
• Toute fibrose significative justifie un traitement antiviral [3] Dhumeaux D. Prise en charge des patients infectés par les virus
afin d’obtenir une guérison (VHC, VHD) ou une virosup- de l’hépatite B ou l’hépatite C. 2014. Disponible sur : http://social-
sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport Prise en charge Hepatites 2014.pdf.
pression durable (VHB, VHD). La virosuppression permet
[4] EASL clinical practice guidelines: management of chronic hepatitis B
d’annuler toute activité nécrotico-inflammatoire, ce qui virus infection. J Hepatol 2012; 57:167–85.
autorise la réversibilité de la fibrose et donc la guérison [5] AFEF. Recommandations AFEF sur la prise en charge des hépatites
progressive de l’hépatopathie. virales C. 2016. Disponible sur : www.afef.asso.fr/ckfinder/userfiles/
files/recommandations-textes-officiels/Recoavril2016.pdf.
A. Laurain.
S. Pol (stanislas.pol@cch.aphp.fr).
Département d’hépatologie, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.
Université Paris Descartes, Inserm U-1223 et UMS20, Institut Pasteur, 25-28, rue du Dr-Roux, 75015 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Laurain A, Pol S. Prise en charge des hépatites virales en ville. EMC - Traité de Médecine Akos 2016;11(4):1-8
[Article 4-1271].
Avant de partir, il importe que le candidat au voyage se renseigne sur les conditions de son voyage de
façon à pouvoir ensuite s’informer sur les risques spécifiques auxquels il peut être exposé. Pour tout séjour
en zone intertropicale, une consultation auprès de son médecin traitant et/ou d’un Centre de conseils aux
voyageurs est indispensable pour préciser les vaccinations à effectuer ainsi que les différentes mesures à
prendre avant le départ, sur place et au retour. Pendant le voyage, il lui faut respecter certaines règles
d’hygiène, des mesures de prévention contre les moustiques, prendre éventuellement un traitement
antipaludique, se protéger des températures extrêmes ainsi que des contacts avec certains animaux. Il
convient par ailleurs qu’il sache se traiter en cas de diarrhée des voyageurs (« turista »). Les personnes
âgées, les femmes enceintes, les enfants ou les sujets porteurs d’une pathologie chronique doivent
bénéficier de conseils spécifiques. Au retour, enfin, il convient de poursuivre la chimioprophylaxie
antipaludique et de consulter en urgence en cas d’apparition d’une fièvre survenant dans les mois après le
retour.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Consulter
Il est bien sûr particulièrement souhaitable qu’avant de partir
■ Préparatifs il puisse consulter son dentiste ainsi que son médecin traitant
pour faire le point de son état de santé. Cela devient indispen-
S’il est un conseil valable pour tout voyage, c’est de bien le sable s’il est atteint d’une pathologie chronique et s’il prend un
préparer ! En effet, si l’imprévu a souvent du charme, en matière traitement au long cours.
de santé, il peut avoir des inconvénients majeurs. Il convient de le munir d’ordonnances rédigées si possible en
Que le voyageur soit en famille, invité ou en mission, qu’il anglais avec mention des DCI pour les médicaments.
parte sac au dos ou dans un complexe touristique, il est S’il s’agit d’une femme enceinte, il faut étudier avec elle la
souhaitable qu’il prenne certaines dispositions. compatibilité de la grossesse avec les risques d’exposition aux
Tableau 1.
Vaccination des voyageurs.
Vaccinations Systématique, En cas d’hygiène Longue durée et/ou isolement Cas particuliers
même pour un séjour court précaire
Fièvre jaune Oui si zone d’endémie
(cf. Fig. 1 à 3)
Diphtérie-tétanos-polio Oui
± coqueluche
maladies infectieuses (en particulier dans les régions intertropi- • produit d’imprégnation des vêtements ;
cales), avec les déplacements prévus en voiture ou en avion, • répulsifs cutanés ;
certaines compagnies aériennes refusant d’accepter les femmes • thermomètre ;
enceintes au-delà d’un certain stade de grossesse (7e ou 8e mois). • pince à échardes ;
• épingles de sûreté ;
S’équiper • gel ou solution hydroalcoolique de désinfection des mains ;
• comprimés désinfectants pour l’eau de boisson ;
La consultation avec le médecin traitant est un moment • crème solaire ;
privilégié pour envisager l’équipement nécessaire au voyageur
• produits d’hygiène ;
pour pallier ou prévenir les différents problèmes sanitaires qu’il
• préservatifs ;
peut rencontrer au cours du voyage.
• protections périodiques ;
• sachets de sucre et cubes de bouillon lyophilisé pour la
Trousse à pharmacie [1]
réhydratation orale.
Elle est à adapter aux différentes situations, mais doit En fonction des cas particuliers, cette trousse minimale peut
comporter au minimum : être étoffée selon le type ou le caractère aventureux du voyage,
• un antipaludique préventif adapté à la région visitée ; le degré d’isolement, la durée du séjour et les disponibilités
• un antalgique antipyrétique à base de paracétamol ; .
locales.
• un antidiarrhéique sécrétoire ;
• un antinaupathique si nécessaire ;
• un collyre en monodoses ; .
Se faire vacciner [1, 2]
(Tableau 1)(Fig. 1)
• des pansements tout prêts de différentes tailles (hydrocolloï- La constitution d’un « bagage immunitaire » est particulière-
des de préférence) ; ment importante pour les destinations à risques infectieux.
• des sutures adhésives ; La mise à jour des vaccinations de base s’impose dans tous les
• une crème contre les brûlures légères ; cas.
• éventuellement un antibiotique, avec son mode d’emploi ; Certaines vaccinations font l’objet d’une obligation adminis-
• une bande auto-adhésive ; trative et peuvent être exigées au passage d’une frontière (c’est
• une trousse comportant du matériel à usage unique si le le cas de celles contre la fièvre jaune et les méningites A, C, Y,
séjour doit se dérouler dans un pays aux infrastructures W135).
médicales limitées ; Toutefois, la mesure administrative ne reflète que la crainte
• tous les traitements suivis régulièrement par le patient du pays récepteur de voir introduire sur son territoire une
(hypotenseurs, antidiabétiques, antiarythmiques, anticomi- affection à potentiel épidémique et l’obligation est liée à la
tiaux, antiviraux, contraceptifs oraux, etc.), assortis de provenance du voyageur (pays de départ et/ou escales
l’ordonnance correspondante. éventuelles).
Cependant, l’absence d’obligation vaccinale pour l’entrée
Petit matériel dans un pays ne signifie pas l’absence de risque local.
Sont également à prévoir : Pour les autres vaccinations qui peuvent être conseillées, elles
• moustiquaire imprégnée d’insecticides ; sont à discuter en fonction de la destination, mais également
Hépatite A
Hygiène locale précaire
Fièvre typhoïde
Fièvre jaune
Destination à tiques
Encéphalites
japonaise
Promiscuité Hépatite B
Rougeole
Isolement médical
Rage
des conditions du voyage (qui modulent les risques infectieux) vaccination contre la rougeole dès l’âge de 9 mois. Dans ce
ainsi que de l’âge du sujet, de la durée du séjour, du type cas, en raison de sa moindre efficacité, si elle est pratiquée
d’activité prévue sur place et, enfin, des variations de l’épidé- avant l’âge de 1 an, il est recommandé d’effectuer une
miologie locale. revaccination antimorbilleuse à l’âge de 15 mois (associée à
celles contre les oreillons et la rubéole).
Pour les sujets de plus de 65 ans
“ Point important Pour ces sujets, la vaccination contre la grippe est nécessaire,
a fortiori en prévision d’un voyage en groupe augmentant la
promiscuité (cars de tourisme, croisières, etc.).
L’absence d’obligation vaccinale pour l’entrée dans un
pays ne signifie pas l’absence de risque local. En fonction de la situation épidémiologique
du lieu de destination
Fièvre jaune
Quelle que soit la destination La vaccination contre la fièvre jaune, en dehors de toute
obligation administrative, est indispensable pour tout séjour,
Pour tous les voyageurs
aussi court soit-il dans une région d’endémie (Fig. 2). Elle est
Une vérification des vaccinations contre la diphtérie, le conseillée à partir de l’âge de 9 mois, mais peut être avancée à
tétanos et la poliomyélite est indispensable avec, si nécessaire, partir de l’âge de 6 mois en cas de risque élevé.
un rappel par le dT Polio (contenant une concentration réduite En principe déconseillée pendant la grossesse, elle devient
d’anatoxine diphtérique), moins réactogène que le DTPolio®, cependant indispensable, en raison de la létalité élevée de
éventuellement associé à une valence coqueluche. De même, il l’affection, si le voyage ne peut être différé.
convient de vérifier l’existence d’une vaccination antérieure Elle n’est, pour l’instant, possible que dans les centres agréés
contre la rougeole ou d’un antécédent de la maladie. de vaccinations et doit être effectuée au moins 10 jours avant
le départ.
Pour les enfants
En dehors des recommandations du calendrier vaccinal Hépatite A
français, il peut s’avérer nécessaire d’avancer l’âge de certaines La vaccination contre l’hépatite A est conseillée à tous ceux
vaccinations : qui partent dans un pays où l’hygiène est insuffisante.
• le BCG peut être effectué dès la naissance en cas de forte Pour les sujets nés avant 1945, ainsi que pour les personnes
exposition au risque, ainsi que la vaccination contre l’hépa- originaires d’une zone d’endémie, il est préférable de faire une
tite B pour un séjour dans un pays de forte endémie ; sérologie préalable pour vérifier qu’ils n’ont pas déjà acquis une
• de même, en vue d’un séjour dans des conditions d’hygiène immunité naturelle (recherche d’immunoglobulines [Ig]G
précaires et d’accès aux soins difficile, on peut conseiller la antivirus de l’hépatite A [VHA] ou d’anticorps totaux).
Fièvre typhoïde
La vaccination contre la fièvre typhoïde est à associer à la
précédente chez les « routards » ou si le séjour est de longue
durée.
Elle peut être pratiquée à partir de l’âge de 3 ans et protège
environ 80 % des sujets pendant 3 à 5 ans.
Méningocoques (Fig. 3)
D’après les recommandations du Haut Conseil de la santé
publique, cette vaccination est recommandée aux :
• enfants de plus de 2 ans et aux jeunes adultes se rendant
dans une région où sévit une épidémie due à l’un de ces
méningocoques ;
• sujets se rendant en zone d’endémie (pays de la « ceinture de
la méningite » en Afrique) à la saison de transmission (saison
sèche) dans des conditions de forte promiscuité avec la
population locale.
Le vaccin habituellement utilisé est le vaccin bivalent contre Figure 3. En rouge, ceinture africaine de la méningite = risque épidé-
les méningocoques A + C. mique pendant la saison sèche.
Le vaccin tétravalent contre les méningocoques A + C + Y
+ W135 n’est disponible en France que dans les centre agréés de
vaccinations. Il est réservé aux : Trois injections pratiquées avant le départ à J0, J7, J28 per-
• pèlerins se rendant à la Mecque. Dans ce contexte, il est mettent au sujet de différer de quelques jours la consultation,
obligatoire et doit dater de plus de 10 jours et de moins de qui s’impose de toute façon après morsure, griffure ou léchage
3 ans ; sur une peau lésée.
Cette vaccination a un intérêt tout particulier chez le jeune
• voyageurs cités plus haut qui se rendent dans une région où
enfant à partir de l’âge de la marche.
une épidémie à méningocoque W135 est avérée.
Méningoencéphalite à tiques
Rage
Le vaccin contre la méningoencéphalite à tiques d’Europe du
La vaccination préventive contre la rage peut être conseillée Nord, du Centre et de l’Est est proposé à ceux qui sont exposés,
aux sujets devant séjourner dans des pays de forte endémie par leur activité professionnelle ou de loisir, aux morsures de
rabique (sous-continent indien, Afrique), dans des conditions où tiques au printemps et en été dans les parcs ou zones forestières
l’accès rapide à des vaccins modernes peut être difficile. (Fig. 4).
Figure 4. Localisation de l’encéphalite japonaise (trait en pointillés) et de l’encéphalite à tiques (trait plein).
Trois injections sont nécessaires : les deux premières à 1 mois lunettes de soleil, chapeau) et sur l’utilisation d’une crème
d’intervalle, la troisième 6 à 12 mois plus tard. La vaccination solaire adaptée au phototype du sujet, dont l’application est à
est possible à partir de l’âge de 1 an. renouveler fréquemment en évitant l’exposition en milieu de
journée. Toutes ces mesures sont particulièrement importantes
Encéphalite japonaise
pour les jeunes enfants. Il est à noter que certains traitements
La vaccination contre l’encéphalite japonaise est recomman- sont photosensibilisants et il convient d’en prévenir le patient.
dée aux voyageurs partant pour un séjour prolongé en zone
rurale dans une région d’endémie (Asie de l’Est et du Sud)
(Fig. 4). Un nouveau vaccin vient d’obtenir l’autorisation de
Adaptation au climat [2]
mise sur le marché. Dans les régions intertropicales, pour mieux supporter la
La vaccination s’effectue en deux injections à J0 et J28. Son chaleur, des vêtements amples en fibres naturelles sont
utilisation chez les moins de 18 ans n’est pas conseillée pour le conseillés, assortis d’un chapeau aux heures les plus chaudes. Il
moment. est recommandé de se reposer à l’ombre et d’éviter les efforts en
milieu de journée, de saler un peu plus les aliments au début
du séjour, de boire abondamment. Une hygiène corporelle
■ Voyage rigoureuse est de mise, sans multiplier toutefois les savonnages
(pas plus de deux par jour), qui risquent de fragiliser la peau.
Transports Pour les régions d’altitude [3], il convient évidemment d’avoir
un équipement vestimentaire adapté protégeant du froid et de
Les transports eux-mêmes nécessitent certaines précautions : l’humidité. Il est recommandé de laisser à l’organisme le temps
• les accidents de la circulation représentent la principale cause de s’adapter naturellement en ménageant au moins 48 heures
de rapatriement des voyageurs. Sont responsables le mauvais de repos avant d’accomplir des efforts physiques et en évitant
état des routes et des véhicules dans les pays en développe- les dénivelés supérieurs à 500 m entre deux nuits pour minimi-
ment ainsi que la discipline aléatoire des conducteurs. La plus ser le risque de mal aigu des montagnes. Il peut être utile de
grande prudence est de mise ;
consulter un service spécialisé en médecine de montagne pour
• les sujets souffrant de mal des transports doivent veiller à
étudier la résistance de l’organisme à l’hypoxie, d’une part, le
disposer de leur traitement et à le prendre suffisamment tôt
programme du voyage, d’autre part, et la nécessité éventuelle de
avant le départ ; il leur est déconseillé de voyager à jeun et
prendre un traitement préventif du mal aigu des montagnes par
une légère collation peut leur être utile en cours de voyage ;
l’acétazolamide (deux comprimés par jour, deux jours avant
• des provisions de boissons sont à prévoir quels que soient les
modes de transport pour les voyages de longue durée, en l’arrivée en altitude et deux jours après).
particulier pour les déplacements dans les régions intertropi-
cales ; Mesures antivectorielles [1]
• dans le cadre des voyages en avion, l’hydratation est particu-
lièrement importante, ainsi que la nécessité de se lever Elles sont primordiales pour la majorité des destinations
fréquemment pour faire quelques pas ou d’effectuer une intertropicales ou tempérées à la saison estivale (Tableau 2).
gymnastique des jambes. Le port de collants ou bas de En effet, de nombreuses affections sont transmises par les
contention est recommandé à ceux qui ont des antécédents moustiques (paludisme, dengue, virus Chikungunya, virus West
de problèmes veineux et, chez les sujets à risque de phlébite, Nile, encéphalite japonaise, etc.), les tiques (encéphalite à
une héparinothérapie peut se discuter. tiques, rickettsioses, maladie de Lyme), les phlébotomes (leish-
manioses), les mouches tsé-tsé (maladie du sommeil), les
punaises (maladie de Chagas). Se protéger des organismes
Protection solaire piqueurs est donc une nécessité. Les mesures à prendre doivent
Elle est indispensable pour toutes les régions, altitudes ou couvrir les tranches horaires à risque maximal de piqûres, à
saisons où l’ensoleillement est important. Elle repose bien sûr savoir pour les moustiques la nuit ainsi que le début (aube) et
sur la protection vestimentaire (vêtements couvrants, port de la fin de la journée (fin d’après-midi et soirée).
Tableau 2. Tableau 3.
Répulsifs (d’après AFFSAPS groupe d’experts 2008 [1]). Chimioprophylaxie antipaludique de l’adulte (d’après [1]).
À l’extérieur
Aux heures à risque, la protection repose : poids du voyageur, des associations à d’autres traitements, de
• sur le port de vêtements couvrants, de préférence traités l’éventualité d’une grossesse.
avant le départ avec un produit spécifique (perméthrine ou Une prescription médicale est nécessaire, qui doit prendre en
étofenprox) ; compte toutes ces données. Elle est l’occasion de préciser au
• sur des vêtements couvrants associés à l’utilisation de patient que le traitement doit être poursuivi au retour et que,
répulsifs cutanés à adapter à l’âge du patient ou à sa situation quelle que soit l’efficacité de l’antipaludique utilisé, il est parfois
(grossesse). Selon les recommandations de l’AFSSAPS possible qu’un accès de paludisme se déclare tardivement,
(Tableau 1), les produits utilisables sont : impliquant une consultation en urgence devant toute fièvre
C chez l’enfant de moins de 30 mois : aucun n’est recom- survenant dans les mois suivant le retour en France.
mandé, sauf en cas de risque élevé de contracter une
maladie grave. Dans ce cas, il est possible utiliser le N,
Hygiène [1]
N-diéthyl-3-méthylbenzamide (DEET) à une concentration
inférieure ou égale à 30 % à partir de l’âge de 2 mois, Avec les mesures antivectorielles, l’hygiène est une de clés de
C chez l’enfant de 30 mois à 12 ans : la prévention.
– le citrodiol (sauf en cas d’antécédent de convulsions) à
la concentration de 30 % à 50 %, Hygiène des aliments
– l’éthylbutylacétylaminopropionate (IR3535®) aux concen-
Elle consiste en un minimum de précautions :
trations de 20 % à 35 %, • laver soigneusement ou peler les légumes et fruits destinés à
– le DEET (sauf en cas d’antécédent de convulsions) aux être consommés crus ;
concentrations de 20 % à 35 %, • consommer la viande, le poisson, les œufs, crustacés et
C chez l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans, les mêmes coquillages bien cuits et chauds (dans les régions de récifs
produits peuvent être utilisés ainsi que les produits à base coralliens, ne consommer les produits de la pêche qu’après
de DEET (30 % à 50 %) ainsi que ceux à base de KBR 3023 avoir pris l’avis des autochtones) ;
(20 % à 30 %), • utiliser du lait pasteurisé, condensé ou en poudre. Éviter les
C chez les femmes enceintes, seuls les produits à base laitages crus non pasteurisés ;
d’IR3535® de 20 % à 35 % sont recommandés. • supprimer les glaçons, les crèmes glacées, les fruits coupés ou
pressés des marchands ambulants.
Prévention antipaludique [1, 4]
(Tableau 3)
Hygiène des boissons
Elle repose sur l’application rigoureuse des mesures antivec-
torielles et sur la prise d’une chimioprophylaxie visant à éviter Les boissons doivent être abondantes à base de thé, café
surtout les accès dus à Plasmodium falciparum, susceptibles de chauds, boisson capsulée ou d’eau désinfectée.
mettre la vie du patient en danger. Il existe plusieurs possibilités de traitement de l’eau :
Le choix de cette chimioprophylaxie doit se faire en fonction • utilisation d’un filtre à résine ou microcéramique ;
de la destination (en sachant que, dans certains pays, les risques • ébullition pendant 1 minute ;
de transmission peuvent différer selon les régions), des résistan- • adjonction d’un produit contenant du dichloro-isocyanurate
ces locales de Plasmodium falciparum aux antipaludiques, de la de sodium (DCCNa) au moins une demi-heure avant la
saison, des conditions et de la durée du séjour, de l’âge et du consommation.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Brousse G. Conseils aux voyageurs. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1275,
2010.
Paludisme
G. Le Loup, D. Malvy
Le paludisme d’importation demeure une pathologie fréquente (5 000 cas par an) et parfois mortelle
(environ 20 cas par an) en France métropolitaine, principalement en raison de retards au diagnostic et au
traitement. Un accès palustre à Plasmodium falciparum doit être systématiquement évoqué devant une
fièvre et de principe chez tout voyageur symptomatique après un séjour en région tropicale. Le diagnostic
de certitude repose sur la mise en évidence du parasite par examen microscopique direct (frottis sanguin
mince et goutte épaisse), sur les tests de diagnostic rapide et la recherche du génome circulant de
P. falciparum par polymerase chain reaction (PCR). Le frottis sanguin et la goutte épaisse doivent être
renouvelés s’ils sont initialement négatifs et que des arguments en faveur du paludisme demeurent. Le
paludisme est une urgence médicale. Une prise en charge hospitalière dans les premières heures ou
premiers jours du traitement d’un accès non compliqué est d’autant plus attendue que l’évolution initiale
est imprévisible. En l’absence de critère de gravité et de vomissements, le traitement est prescrit par voie
orale. Un patient présentant un diagnostic de certitude du paludisme et un seul critère de gravité doit être
hospitalisé en unité de soins intensifs ou réanimation, et traité par voie intraveineuse. Le suivi clinique et
paraclinique (frottis sanguin – goutte épaisse) est réalisé au cours du mois suivant le traitement, au
troisième, septième et vingt-huitième jour. La prévention du paludisme repose sur des mesures
mécaniques de protection (ports de vêtements couvrants, répulsifs cutanés, imprégnation des vêtements
par des répulsifs, usage d’une moustiquaire) complétées par une chimioprophylaxie antipaludique
adaptée et observée lorsque celle-ci est indiquée.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
■ Épidémiologie Leur vol est silencieux et la piqûre décrite comme non nuisante,
volontiers indolore, non urticante par opposition aux piqûres
Le paludisme est une priorité sanitaire mondiale. Il s’agit en d’autres genres de moustiques. Si une femelle prend son repas
. effet de la maladie parasitaire la plus fréquente, avec plus de sur un porteur de gamètocytes et si les conditions extérieures le
2 milliards de sujets exposés, une estimation sans doute sous- permettent, le développement puis la multiplication des
évaluée de 350 à 600 millions de cas d’expressions cliniques, et plasmodiums se déroulent.
. près d’un million de morts, principalement des enfants, en Quatre espèces d’hématozoaires, toutes transmises par la
rapport avec l’infection par l’espèce la plus fréquente et la plus piqûre d’un anophèle femelle, peuvent infecter l’homme :
vulnérante P. falciparum. P. falciparum, P. vivax, P. ovale et P. malariae. Une espèce
L’épidémiologie du paludisme est complexe et changeante. initialement simienne, P. knowlesi, a été reconnue responsable
L’incidence de la maladie n’a cessé d’augmenter dans la dernière de cas humains, notamment en Asie du Sud. L’évolution de ces
décennie en dépit des efforts déployés en vue de son contrôle, différentes espèces comprend un double cycle, asexué chez
parallèlement à l’accentuation de l’émergence de souches l’homme, sexué chez le moustique. Le cycle asexué, ou schizo-
résistantes aux médicaments antipaludiques. Cette situation . gonie, chez l’homme comprend une phase de développement
concerne certains des peuples les plus pauvres du monde et dans les hépatocytes (schizogonie pré- ou exoérythrocytaire)
constitue un obstacle déterminant au développement économi- sans expression clinique et une phase de développement dans
que. Par ailleurs, et en parallèle avec les migrations du Sud vers . les érythrocytes (schizogonie érythrocytaire). C’est sur les stades
le Nord, les phénomènes de mondialisation et globalisation de cette dernière phase du cycle que sont efficaces la majorité
dans le monde des affaires et du commerce, et le développe- des antipaludiques disponibles.
ment du tourisme international, sont responsables d’une P. falciparum est l’espèce la plus fréquemment responsable de
augmentation croissante du nombre de sujets exposés et des l’infection du paludisme et la plus vulnérante. Elle est respon-
quelques dizaines de milliers de cas importés dans les pays . sable des formes graves et d’évolution mortelle. Récemment, en
industrialisés. contexte endémique, la question de la responsabilité de P. vivax
En Europe et dans les régions tempérées, avec l’assèchement dans la survenue de présentations cliniques sévères a été posée.
des zones marécageuses, la lutte contre les moustiques et le L’émergence de l’infection humaine par P. knowlesi rend
traitement des malades, le paludisme a été éradiqué au cours du compte de l’expression de formes cliniques compliquées,
e
XX siècle. Les paludismes accidentels sont exceptionnels associée à un enjeu diagnostique (aspect microscopique proche
(congénital, iatrogénique). Le paludisme de port et d’aéroport de P. malariae). En 2009, ces développements ne concernent pas
représente pour la France une trentaine de cas rapportés au pour l’heure le périmètre du paludisme d’importation.
cours des 30 dernières années. Il s’agit de cas contractés par La prévention et le traitement de P. falciparum sont de plus
piqûres d’anophèles infestés et importés par aéronef ou plus en plus difficiles du fait de l’émergence puis de l’extension des
rarement par navire. Leur gravité découle de la difficulté à chimiorésistances. Ce phénomène entraîne un nombre croissant
évoquer cette étiologie en l’absence d’un contexte de voyage . d’accès palustres, une augmentation de la mortalité, le dévelop-
tropical. pement de formes cliniques frustes ou atypiques, des difficultés
Malgré une tendance à la baisse, la France est la nation et des retards au diagnostic.
européenne qui enregistre le plus de cas de paludisme d’impor- Depuis les années 1940, les inhibiteurs de la synthèse des
tation, estimés à environ 5 000 par an. En 2007, la majorité des folates (sulfadoxine et pyriméthamine, Fansidar®) et les structu-
patients était jeune (32 ans en moyenne, dont 16 % d’enfants). res amino-4-quinoléines (chloroquine, Nivaquine®) jouaient un
Environ 5 % avaient plus de 60 ans. Par ailleurs, 65 % des rôle majeur dans le traitement et la chimioprophylaxie de cette
patients étaient originaires d’un pays d’endémie, en très grande infection, en particulier du fait des propriétés exceptionnelles de
majorité d’Afrique subsaharienne. La quasi-totalité des infec- la chloroquine et de la lenteur d’apparition de la chloroquino-
tions a été contractée en Afrique subsaharienne (94 %), résistance. Elles ont contribué à l’éradication du paludisme
l’ensemble Amérique Latine-Caraïbes et l’ensemble Asie-Océanie autochtone dans le Sud de l’Europe, au Moyen-Orient et en
ne comptant respectivement que pour 4,5 % et 1,3 % des cas Amérique du Nord. À compter de 1970, les facultés d’adaptation
de paludisme importé. Quinze états représentent 90 % des du parasite ont conduit à la propagation de souches plasmodia-
origines supposées d’infection des patients, dont la Côte les résistantes aux antipaludiques. Ainsi, l’extension de la
d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali et les chloroquino-résistance à l’ensemble des zones d’endémie
Comores. Parmi les espèces plasmodiales en cause, P. falciparum palustre fut suivie par l’apparition de résistances à la plupart des
était à l’origine de 82 % des cas, P. ovale 6,2 %, P. vivax 6,6 % antipaludiques non reliés structurellement, notamment les
et P. malariae 2 %. Les médianes de délai d’apparition de antifolates. Les premiers cas documentés de résistance à la
symptômes et de diagnostic par rapport au retour en France quinine ont été rapportés dès les années 1960 au Brésil et en
étaient respectivement de 5 et 9 jours pour P. falciparum, et de Asie du Sud-Est. La résistance à la méfloquine est bien docu-
délai de recours aux soins de 3 jours. La mortalité est de l’ordre mentée en Asie, en Afrique de l’Est, en Afrique de l’Ouest et
d’une vingtaine de décès annuels indus, pour la plupart associés dans le bassin amazonien. Pour faire face à ce défi, des travaux
à un délai d’accès au soin tardif. et des programmes de lutte ont placé en première ligne des
Si TDR positif
Si TDR négatif
Traitement Discuter 2e prélèvement
Paludisme réfuté
avec clinicien
Si certitude épidémioclinique
ou un signe de gravité
Traitement d'emblée
Figure 1. Arbre décisionnel. Protocole de diagnostic parasitologique du paludisme (d’après [4]). CNR : Centre national de référence ; TDR : test de diagnostic
rapide ; EDTA : acide éthylène diamine tétra-acétique.
Diagnostic différentiel
Le traitement de l’accès palustre est un traitement
Le clinicien prenant en charge un patient au retour de voyage d’urgence [4, 9] (Fig. 2). La prise en charge du paludisme
en pays tropical et ayant une présentation symptomatologique d’importation, y compris de l’accès non compliqué, est en règle
. compatible avec un paludisme d’importation doit évoquer les conduite ou au moins inaugurée en milieu hospitalier. Les
diagnostics différentiels ayant en commun avec le paludisme un raisons principales, nombreuses, en sont la gravité potentielle de
risque d’évolution péjorative, et imposant la réalisation d’une la maladie chez un patient non immun. En effet, l’évolution
démarche diagnostique en urgence. Ces étiologies se partagent défavorable est possible malgré l’administration d’un traitement
à part égale chez le voyageur immunocompétent en pathologies adapté.
spécifiquement tropicales et pathologies cosmopolites. La deuxième raison est représentée par l’installation secon-
L’évaluation inaugurale du patient associe à l’examen clini- daire de troubles digestifs hauts et de vomissements grevant la
que la réalisation sans délai d’une exploration biologique et prise d’un traitement administré par voie orale voire au cours
. paraclinique de première intention, sans doute plus aisément d’une prise alimentaire comme cela est parfois nécessaire. Dans
conduite en milieu hospitalier. Le bilan comprend la prescrip- ce contexte, une contribution iatrogène peut démasquer un
tion des hémocultures, un examen cytobactériologique des tableau de troubles digestifs hauts (par exemple lors de la prise
de l’association antipaludique administrée per os à base
urines, une radiographie de thorax (à la recherche à la fois d’un
d’atovaquone).
.
P. falciparum
Hospitalisation ou en ambulatoire ?
Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un paludisme de l’adulte en France (d’après [4]). Si biparasitisme ou espèce non précisée, traiter comme un
P. falciparum. i.v. : intraveineuse.
à 24 heures d’intervalle. Le médicament est à prendre avec une Dans le cas où le patient a suivi une chimioprophylaxie
boisson lactée ou une prise alimentaire contenant un corps gras partielle ou complète avant le traitement, celui-ci doit utiliser
en vue de sa biodisponibilité et son absorption intestinale. En un médicament différent de celui de la chimioprophylaxie.
cas de vomissement dans l’heure qui suit la prise, la dose doit
être renouvelée, précédée de l’administration d’un antiémétique Traitement de l’accès simple
tel que la métopimazine. En cas de nausées et en vue de la
prévention de l’installation de troubles digestifs hauts incoerci-
à P. falciparum de l’enfant
bles, le traitement a recours à l’administration d’antiémétiques En 2009, la méfloquine [16] , l’artéméther-luméfantrine et
n’ayant pas d’interaction avec les antipaludiques prescrits. Cette l’atovaquone-proguanil [17] sont les médicaments de première
attitude est d’autant plus nécessaire que l’atovaquone, qui est ligne pour le traitement du paludisme de l’enfant [18]
un composé de l’association, est volontiers émétisante et peut (Tableau 3).
contribuer à démasquer un état nauséeux, voire des Il existe une forme pédiatrique de l’halofantrine, posée en
vomissements. traitement de deuxième intention et avec avis d’un référent
Le médicament est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale spécialisé. Sa biodisponibilité est médiocre et explique la relative
(clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min) ou hépatique fréquence des rechutes en l’absence de l’administration de la
sévères et sa prescription doit être évitée chez la femme deuxième prise à j7, à dose réduite pour limiter le risque de
enceinte. cardiotoxicité.
Tableau 2.
Médicaments antipaludiques du traitement de l’accès palustre de l’adulte (d’après [4]).
Tableau 3.
Médicaments antipaludiques du traitement de l’accès palustre de l’enfant (d’après [4]).
Traitement de l’accès simple schizogonie érythrocytaire chez un patient traité par quinine à
dose efficace. Compte tenu de la biomasse parasitaire du sujet
à P. falciparum en cas de vomissements infecté, la durée escomptée du traitement est trois ou quatre
incoercibles stades érythrocytaires de 48 heures chacun [19, 20]. Il est possible
Cette présentation inaugurale ou secondaire est fréquente et d’interrompre la perfusion une fois l’apyrexie obtenue et les
impose un traitement par voie parentérale, seule garante d’une troubles digestifs disparus pour un relais par voie orale par
biodisponibilité adéquate, par quinine, le seul antimalarique quinine (éventuellement associée à une prise unique de
disponible pour ce mode d’administration. La posologie est la sulfadoxine-pyriméthamine pour sa rémanence [21]) ou par un
même que par voie orale (8,3 mg/kg toutes les 8 heures) en autre régime antimalarique à dose complète pour éviter les
continu à la seringue électrique ou par perfusion de 4 heures. Il effets indésirables de cinchonisme. Dans cette situation, le choix
est conseillé d’associer la clindamycine (10 mg/kg toutes les de l’atovaquone-proguanil est bien adapté. La méfloquine exige
8 heures) si la souche parasitaire en cause provient du Sud-Est un délai minimal de 12 heures pour son administration après
asiatique ou du bassin amazonien. La durée recommandée de l’interruption de celle de quinine, afin d’éviter une cardiotoxi-
l’administration de quinine est de 7 jours. La quinine a une cité cumulative de ces deux antimalariques. Une durée d’admi-
demi-vie courte et n’est pas active sur le début et la fin du stade nistration plus courte de la quinine est possible en situation
érythrocytaire. En conséquence, l’échappement de 1 % à 5 % d’association à la clindamycine, avec avis d’un référent
des parasites d’une souche sensible est attendu à chaque spécialisé [22].
Traitement de l’accès simple Chez le patient adulte, et compte tenu des modifications des
volumes de distribution de l’albumine (et donc de la quinine)
à P. falciparum de la femme enceinte associées aux mécanismes physiopathologiques du paludisme
Chez la femme enceinte, le risque d’avortement spontané et grave, il est obligatoire d’administrer une dose de charge de
d’hypoglycémie (ainsi que celui de paludisme grave avec 16,7 mg/kg pendant 4 heures, habituellement à la seringue
œdème pulmonaire lésionnel) est élevé en cas de paludisme à électrique, afin de parvenir sans délai à une quininémie efficace.
P. falciparum. La quinine est l’antipaludique de référence en cas Quatre heures après la fin de l’administration de la dose de
de grossesse. Elle a fait la preuve, à la posologie habituelle charge, le relais est réalisé à la dose de 8,3 mg/kg toutes les
recommandée, d’une totale innocuité. Elle est utilisée à la 8 heures en continu à la seringue électrique ou en perfusion de
même posologie (et sans impact aux doses thérapeutiques vis- sérum glucosé pendant 4 heures et pendant 7 jours.
à-vis du risque d’avortement). L’atovaquone-proguanil et la
La surveillance de l’administration de quinine comprend
méfloquine ne sont pas recommandées en cas de grossesse.
l’évaluation de la tolérance cardiaque avec scope et électrocar-
Compte tenu des complications possibles, une surveillance
diogrammes, de la glycémie toutes les 4 heures compte tenu de
obstétricale est recommandée.
l’effet iatrogène hypoglycémiant de la quinine se surajoutant à
l’hypoglucagonisme associé au paludisme. Le contrôle de la
Traitement d’une parasitémie quininémie est réalisé quotidiennement pendant une durée
asymptomatique minimale de 72 heures. Il est indispensable à ce terme. Le
prélèvement est effectué en fin de perfusion lors d’une adminis-
C’est une situation rare en pathologie d’importation. Elle tration discontinue. L’index thérapeutique est étroit, avec une
peut être découverte de manière fortuite chez un résident en
valeur efficace entre 8 et 12 mg/l et une valeur toxique à partir
zone d’endémie et de passage en Europe. L’identification d’un
du seuil de 20 mg/l, voire de 15 mg/l. L’élimination de la
Plasmodium asexué peut autoriser par prudence la prescription
quinine est hépatique (80 %) et rénale (20 %), ce qui impose
d’un traitement éradicateur. L’objectivation de gamétocytes sans
forme asexuée associée est le témoin de la performance au une surveillance stricte de la quininémie en cas de cholestase.
moins récente d’une schizogonie érythrocytaire. Lorsque cette En cas d’insuffisance rénale sévère, la quininothérapie ne doit
identification est réalisée dans les semaines qui suivent un pas être modifiée au cours des 48 premières heures du traite-
traitement curatif adapté et observé, il n’y a pas d’argument ment, puis les doses quotidiennes sont diminuées (d’un tiers à
pour un traitement de deuxième ligne. En dehors de cette la moitié) en fonction des valeurs de la quininémie. Chez le
situation, il est autorisé de prescrire un traitement curatif et patient obèse, la dose de charge ne doit pas dépasser 1 800 mg
éradicateur. et la dose d’entretien celle de 3 g/j en fonction des valeurs de
la quininémie.
Le pronostic est moins dépendant du traitement anti-
Traitement symptomatique de l’accès infectieux étiologique que de la prise en charge des défaillances
palustre d’organes associées au sepsis sévère et au syndrome de
La prise en charge de la fièvre n’est en règle inaugurée qu’une défaillance multiviscérale (Tableau 4). L’épuration extrarénale est
fois le diagnostic étiologique réalisé. Elle doit exclure le recours mise en place en cas d’insuffisance rénale. L’expansion volémi-
à l’aspirine compte tenu des facteurs intrinsèques de risques que est prudente compte tenu du risque d’œdème pulmonaire
hémorragiques associés au paludisme. de surcharge démasquant, aggravant ou décompensant un
Le traitement des troubles digestifs hauts, en particulier si une syndrome de détresse respiratoire pulmonaire aigu lésionnel. En
tentative de traitement étiologique per os est discutée, a recours situation de choc ou d’acidose métabolique, une antibiothérapie
à l’administration d’antiémétiques n’ayant pas d’interaction contre les bactéries à Gram négatif adaptée au contexte écolo-
avec les antipaludiques prescrits. L’administration d’atovaquone- gique local est instaurée compte tenu du risque de sepsis
proguanil impose le choix restrictif d’un antiémétique tel que la d’origine digestive associé.
métopimazine (Vogalène ® ) et exclut la prescription de L’exsanguino-transfusion n’a pas démontré sa supériorité chez
métoclopramide. l’adulte par rapport à l’administration de quinine. L’administra-
Au plan hématologique, les transfusions plaquettaires ne sont tion d’héparine, de corticoïdes, est déconseillée.
indiquées qu’en cas d’hémorragies, en règle associées au En 2009, dans les pays anglo-saxons notamment, l’artésunate
paludisme grave ou d’indications de gestes invasifs. Elles sont
par voie intraveineuse, complété par un traitement per os à dose
discutées au cas par cas en situation de thrombopénie profonde
complète ayant recours à un antipaludique tel que
(moins de 20 000/mm3) et isolées. La thrombopénie palustre est
l’atovaquone-proguanil ou à la méfloquine si son administra-
en règle sans conséquence pronostique et de résolution rapide
au cours du traitement à la condition qu’elle ne soit pas tion est possible, tend à supplanter la quinine en première ligne
majorée ou aggravée par iatrogénie (administration d’aspirine, de l’accès grave, compte tenu des résultats favorables obtenus
d’anticoagulants ou de protéine C activée) ou de comorbidité sur le taux de létalité de l’adulte en Asie du Sud-Est [25].
(co-infection par le virus de la dengue). En termes de diagnostic différentiel, la fièvre bilieuse hémo-
globinurique est un tableau rare de mécanisme partiellement
identifié, parfois rencontré chez l’expatrié. Ce tableau est
Traitement du paludisme grave caractérisé par une hémolyse majeure déclenchée par la prise de
Il s’agit d’une urgence thérapeutique absolue dont la létalité quinine, de méfloquine ou d’halofantrine chez un patient
reste de 10 %, même dans les centres les plus expérimentés. Sa préalablement exposé à la prise répétée de ces antimalariques.
prise en charge est réalisée en unité de soins intensifs. Elle . La prise en charge impose l’arrêt de l’exposition au médicament
associe un traitement antiparasitaire par voie parentérale à celui imputé et en cas de paludisme avéré, le recours à un antimala-
d’un syndrome de défaillance multiviscérale comportant rique d’une autre classe.
souvent une encéphalite, un poumon de choc, une acidose
métabolique irréductible avec défaillance splanchnique et
cardiorespiratoire, une septicopyohémie d’origine digestive par Traitement des accès liés aux espèces
exclusion fonctionnelle des muqueuses digestives et transloca- non falciparum
tion de bactéries à Gram négatif [23, 24] (Tableau 4). En 2009, le
médicament des formes graves de paludisme d’importation à P. Plasmodium vivax se rencontre principalement en Asie, en
falciparum demeure la quinine administrée en perfusion intra- Amérique du Sud et sur la côte orientale de l’Afrique intertro-
veineuse à laquelle est associée la clindamycine si la souche . picale. Plasmodium malariae a une distribution ubiquitaire et
parasitaire provient d’Asie du Sud-Est (notamment des zones proche de celle de P. falciparum. Plasmodium ovale est pratique-
frontalières entre la Thaïlande et le Myanmar) ou d’Amazonie. ment limité à l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Tableau 4.
Prise en charge des complications du paludisme grave.
Manifestations Prise en charge
Fièvre Moyens physiques, paracétamol (50 mg/kg/24 heures en 3 ou 4 prises)
Convulsions Liberté des voies aériennes, décubitus latéral de sécurité
Diazépam (< 3 ans : 3-5 mg ; 3-10 ans : 5-10 mg injectable ou intrarectal)
Coma Maintien de la tête surélevée et droite
Liberté des voies aériennes
Intubation orotrachéale exclusive et ventilation si nécessaire
En présence de signes focaux ou en cas de prolongation ou d’aggravation du coma : réalisation d’une imagerie cérébrale
Sédation réglée par association benzodiazépines-morphiniques
Exclusion d’autres causes de coma : hypoglycémie, méningite cérébrospinale
Prévention d’un œdème cérébral (maintien PaCO2 à 40 mmHg ; SaO2 > 95 % ; hémodynamique stable ; natrémie comprise
entre 140 et 145 mmol/l ; mannitol en cas d’œdème cérébral sévère)
Hypoglycémie Injection intraveineuse directe d’une ampoule de sérum glucosé de 30 % à 50 %
Puis perfusion de base de sérum glucosé à 10 %
Si persistance de l’hypoglycémie, réduction du débit de quinine
Anémie Transfusion non indiquée dans les 3 premiers jours, sauf si hémoglobine inférieure à 6 g/dl ou si mauvaise tolérance cardiaque
Œdème pulmonaire Oxygène, diurétiques (furosémide)
Recherche et traitement d’une bactériémie, d’une pneumopathie bactérienne communautaire ou nosocomiale
Contrôle des apports liquidiens (< 50 ml/kg/24 h, adapté à la fonction rénale, sans dépasser 1 500 ml chez l’adulte)
Prévention d’un excès de remplissage en cas de choc et d’un excès d’apports hydrosodés en cas d’anurie
Natrémie comprise entre 140 et 145 mmol/l
Prévention d’une hypophosphorémie (en lien avec le sepsis ou le métabolisme propre au parasite)
Si coma, intubation orotrachéale (prévention d’une pneumopathie d’inhalation)
Anurie Réhydratation
Traitement d’un état de choc
Si échec (nécrose tubulaire aigüe) : dopamine (optimisation hémodynamique) / furosémide
Si échec : épuration extrarénale (hémodialyse)
Choc Traitement d’une hypovolémie (hyperthermie, polypnée, vomissements, diarrhée) : réhydratation par sérum physiologique
Si échec : remplissage vasculaire prudent (sans dépasser 1 000 ml de macromolécules ou 2 000 ml de sérum physiologique
dans les 12 premières heures)
Si échec : catécholamines avec monitoring hémodynamique
Suspicion d’une infection bactérienne associée avec défaillance multiviscérale : réalisation d’hémocultures puis antibiothé-
rapie probabiliste (association bêtalactamines-aminoglycosides)
Traitement d’un choc septique : hémisuccinate d’hydrocortisone si absence de réponse au test au Synacthène®
Discussion de l’indication d’une intubation orotrachéale si nécessaire
Prise en compte du risque de colonisation à germes multirésistants si prise en charge inaugurale hors de France
Prise en compte de l’immunodépression aiguë par le paludisme grave (risque de mycose profonde et systémique précoce
et fulminante)
La chloroquine (Nivaquine®, comprimé de 100 mg) reste grossesse est également une contre-indication. Le traitement par
efficace et est schizonticide envers les formes sanguines de ces primaquine est proposé aux patients atteints et traités en
espèces. Elle est le traitement de référence par voie orale des général pour un deuxième accès de recrudescence rapproché du
accès liés aux espèces P. vivax, ovale et malariae en dehors de premier et n’envisageant pas à terme de nouveau séjour poten-
rares souches de P. vivax dans quelques pays du Sud-Est asiati- tiellement infectant. Le traitement est administré per os à la
que et d’Océanie qui y sont résistantes. Sa tolérance est accep- posologie de 15 mg/j (certaines équipes anglo-saxonnes préco-
table aux doses thérapeutiques en dehors d’un prurit parfois nisent 30 mg/j) pendant 14 jours.
féroce chez les patients à phototype foncé. En cas d’incertitude
sur l’identification précise d’une espèce plasmodiale sur des
étalements sanguins, et sur la possibilité non exceptionnelle Surveillance
d’un double parasitisme incluant P. falciparum, mieux vaut Un bilan clinique et biologique incluant le frottis sanguin
recourir en cas de doute à un autre antipaludique que la doit être réalisé aux troisième et septième jours. Une augmen-
chloroquine pour le traitement (quinine, artéméther- tation initiale de la parasitémie sous traitement allant jusqu’à
luméfantrine, atovaquone-proguanil). une valeur multipliée par deux est possible et n’a pas de
Malgré un traitement bien conduit, des accès de recrudes- signification en terme d’échec thérapeutique [27]. La parasitémie
cence dans les mois ou années suivants (en règle générale doit être négative à j7. Il est recommandé de réaliser un frottis
jusqu’à 4 à 5 ans) sont possibles dans le cadre d’infection à sanguin à j28 afin de repérer une rechute tardive. Ces rechutes
P. vivax et P. ovale en raison de la persistance intrahépatique de sont rares et plus volontiers en rapport avec une mauvaise
formes dormantes (hypnozoïtes). En dehors des antipaludiques adhésion à un traitement adéquat qu’à une résistance de la
de la classe des amino-8-quinoléines, aucun antipaludique n’a souche. À l’issue du traitement d’un accès palustre importé, il
d’effet sur ces formes. En France, la primaquine est disponible n’y a pas d’indication à reprendre une chimioprophylaxie. En
uniquement à la pharmacie des hôpitaux, sur prescription cas d’échec d’un premier traitement et en l’absence de signe de
hospitalière et en autorisation temporaire d’utilisation, et chez gravité, un nouveau traitement doit être entrepris par un
des patients indemnes d’un déficit en glucose-6-phosphate antipaludique éventuellement administré per os, différent de
déshydrogénase [26]. Ce déficit est toujours recherché avant ceux utilisés pour la chimioprophylaxie (si elle a été réalisée) et
prescription compte tenu du risque d’hémolyse grave. La pour la première ligne de traitement.
.
décision se complètent dans le recours à une chimioprophylaxie
du voyageur :
• l’indication de prescription rend compte du risque d’infection
“ Points forts
au cours du séjour, qui dépend du type de séjour et du niveau • Le paludisme d’importation demeure une pathologie
.
de transmission dans la zone visitée d’un pays donné ; fréquente en France métropolitaine (5 000 cas par an) et
• le choix de la chimioprophylaxie est tributaire du groupe de
mortelle, principalement en raison de retards au
résistance auquel le pays appartient règlementairement et
diagnostic et au traitement. L’Afrique subsaharienne est
.
administrativement, et dont l’affectation est décidée à partir
des données de surveillance de la chimiosensibilité de de loin la zone de transmission la plus à risque du
P. falciparum. paludisme.
Les zones visitées sont classées en pays de groupe 1 (chloro- • Toute fièvre au retour de zone tropicale est un
quinosensibilité persistante), groupe 2 (chloroquinorésistance paludisme jusqu’à preuve du contraire. Un accès palustre
émergente) et groupe 3 (chloroquinorésistance élevée et multi- doit donc être systématiquement évoqué devant une
résistance) (Tableau 6). La chimiorésistance peut être appréciée fièvre après un séjour en région tropicale. Cependant,
par l’étude in vivo et in vitro, ou par le génotypage des souches l’apyrexie n’élimine pas le diagnostic et les examens
responsables d’accès auprès d’échantillons de population non diagnostiques (frottis sanguin mince, goutte épaisse, tests
immune vivant en zone d’endémie ou de voyageurs ne prenant
de diagnostic rapides, PCR), systématiquement
pas de chimioprophylaxie.
demandés, doivent être renouvelés s’ils sont initialement
À ce sujet, il faut noter le changement de statut de l’ensemble
des pays côtiers du golfe de Guinée en Afrique de l’Ouest entre négatifs et que la suspicion demeure.
le Sénégal et la Côte d’Ivoire, ainsi que de la zone soudano- • P. falciparum est responsable des formes graves et
sahélienne qui, compte tenu de l’extension de la chimiorésis- mortelles. La recherche des signes de gravité du
tance à l’association chloroquine-proguanil au-dessus du seuil paludisme est impérative. Un patient adulte présentant un
critique de 25 %, sont passés du groupe 2 au groupe 3. Par diagnostic de certitude du paludisme et un seul critère de
ailleurs, la répartition des zones de résistance de P. falciparum gravité doit être hospitalisé en urgence en unité de soins
doit être nuancée en fonction de niveaux de transmission, c’est- intensifs ou réanimation, et traité par quinine
à-dire à l’intérieur de chaque pays la région visitée, les condi- intraveineuse avec une dose de charge.
tions de séjour et le caractère éventuellement saisonnier (risque
• Une prise en charge hospitalière dans les premières
accru en situation d’hivernage). Par exemple, si l’on prend les
heures ou premiers jours du traitement d’un accès non
cinq pays africains qui ont rejoint en 2008 le groupe 3 de
chimiorésistance, à savoir le Mali, le Burkina Faso, la Maurita- compliqué est d’autant plus nécessaire que l’évolution
.
nie, le Niger, le Tchad, une grande partie septentrionale de ces initiale est imprévisible et que l’association artéméther-
pays ne connaît pas de paludisme ou ne connaît qu’un palu- luméfantrine est réservée au milieu hospitalier.
disme à forte variation saisonnière. • En l’absence de critère de gravité et de vomissements, le
Enfin, le choix d’une chimioprophylaxie tient également traitement antipaludique est prescrit par voie orale.
compte de l’âge, des antécédents personnels, d’une possible • Le suivi clinique et paraclinique (frottis sanguin, goutte
.
interaction médicamenteuse, d’une grossesse (ou de son éven- épaisse) doit être réalisé dans la première semaine et à la
tualité) et de l’évaluation des critères d’observance satisfaisante fin du mois suivant le traitement.
(tolérance, coût).
• La gravité de l’accès palustre ne dépend pas du niveau
Choix d’une chimioprophylaxie de résistance du pays où le patient a été infecté. Ainsi, un
accès grave peut aussi bien survenir après une infection à
Pour un très court séjour touristique ou professionnel infé-
P. falciparum contractée dans un pays classé en groupe
rieur à 7 jours (durée minimale d’incubation du paludisme à
1 sans chimiorésistance, qu’après une infection contractée
P. falciparum) et en zone de faible risque de transmission, la
chimioprophylaxie n’est pas indispensable à condition de dans un pays de groupe 2 ou de groupe 3.
respecter le recours à la prophylaxie d’exposition et d’être en • La prévention repose sur la prophylaxie d’exposition
mesure de consulter en urgence en cas de fièvre dans les mois (diminuer le nombre de piqûres de moustiques
qui suivent le retour. infectantes) et le plus souvent sur la prise d’un
Dans les zones de transmission faible souvent liée essentiel- antipaludique pendant le séjour et au retour.
lement à P. vivax, il est également admissible de ne pas prendre
de chimioprophylaxie, quelle que soit la durée du séjour. Il reste
là aussi indispensable d’être en mesure de consulter en cas de
fièvre pendant le séjour et dans les mois qui suivent le retour. fonction des contre-indications, contraintes et interactions
Dans les rares pays ou contrées où P. falciparum reste sensible médicamenteuses. Des antécédents de convulsion, de troubles
à la chloroquine, en particulier en Amérique centrale et dans les psychiatriques ou d’intolérance à la méfloquine (préconisant
Caraïbes, ainsi que dans certains pays à climat subtropical où une prise débutant 10 jours avant le départ, soit deux prises à
sont également présentes d’autres espèces plasmodiales, la une semaine d’intervalle) contre-indiquent son utilisation. Dans
chloroquine suffit à assurer une chimioprophylaxie si toutefois les régions de méfloquinorésistance, comme les zones forestières
cette attitude s’avère nécessaire (pays du groupe 1). de la Thaïlande frontalières du Cambodge, du Myanmar et du
Dans les pays tropicaux du groupe 2, notamment dans Laos, il est possible de recourir à l’association atovaquone-
certains pays du sous-continent indien, de l’Asie du Sud et à proguanil ou à la doxycycline. L’association atovaquone-
Madagascar, des souches de P. falciparum sont résistantes à la proguanil comporte une forme pédiatrique adaptée à l’enfant
chloroquine. L’association chloroquine-proguanil ou l’associa- pesant de 11 à 40 kg. Chez le nourrisson à partir de 5 kg, elle
tion atovaquone-proguanil peuvent être proposées en fonction peut être une alternative, bien qu’imposant l’administration de
des contre-indications, précautions d’emploi et interactions la moitié ou de trois quarts (en fonction du poids) d’une forme
médicamenteuses. comprimé difficilement sécable et écrasée au cours d’une prise
Dans les pays tropicaux du groupe 3, situés en zone de alimentaire adaptée (Tableau 8). Enfin, la doxycycline est
prévalence élevée de chloroquinorésistance ou de multirési- contre-indiquée chez l’enfant de moins de 8 ans et en cas de
tance, il est possible d’utiliser la méfloquine, l’association grossesse en cours.
atovaquone-proguanil ou la doxycycline (Tableau 7). Par Une femme enceinte doit éviter dans la mesure du possible
définition, les antipaludiques recommandables dans le cadre de se rendre en zone impaludée. Si le séjour ne peut être remis,
d’une chimioprophylaxie pour des séjours en groupe 3 peuvent l’association chloroquine-proguanil est prescrite sans réserve
compter parmi ceux proposés pour les séjours en groupe 2, en pour les séjours en groupe 2. En l’absence d’alternative, la
Tableau 6.
Pays d’endémie palustre et groupes de résistance (d’après BEH [Bulletin épidémiologique hebdomadaire] n° 25-26, 24 juin 2008 : recommandations sanitaires
pour les voyageurs 2008).
Pays Groupe Pays Groupe
Afghanistan Groupe 3 Mexique Groupe 1
Afrique du Sud Nord-Est : groupe 3 Mozambique Groupe 3
Arabie Saoudite Sud, ouest : groupe 3 Myanmar Groupe 3
Argentine Nord : groupe 1 Namibie Groupe 3
Bangladesh Tout le pays à l’exception de Dacca : Népal Teraï : groupe 2
groupe 3
Belize Groupe 1 Nicaragua Groupe 1
Bénin Groupe 3 Niger Groupe 3
Bhoutan Groupe 3 Nigeria Groupe 3
Bolivie Amazonie : groupe 3 Ouganda Groupe 3
Reste du pays : 1
Bostwana Groupe 3 Pakistan Groupe 3
Brésil Amazonie : groupe 3 Panama Ouest : groupe 1
Est : groupe 3
Burkina Faso Groupe 3 Papouasie-Nouvelle-Guinée Groupe 3
Burundi Groupe 3 Paraguay Est : groupe 1
Cambodge Groupe 3 Pérou Amazonie : groupe 3
Reste du pays : 1
Cameroun Groupe 3 Philippines Groupe 3
Chine Yunnan et Haina : 3 République Dominicaine Groupe 1
Nord-Est : groupe 1
Colombie Amazonie : groupe 3 République Groupe 1
Reste du pays : 2 Centrafricaine
Comores Groupe 3 République démocratique du Congo Groupe 3
Congo Groupe 3 Rwanda Groupe 3
Costa-Rica Groupe 1 El Salvador Groupe 1
Côte d’Ivoire Groupe 3 São Tomé et Principe Groupe 3
Djibouti Groupe 3 Salomon Iles Groupe 3
Equateur Amazonie : groupe 3 Sénégal Groupe 3
Erythrée Groupe 3 Sierra Leone Groupe 3
Ethiopie Groupe 3 Somalie Groupe 3
Gabon Groupe 3 Soudan Groupe 3
Gambie Groupe 3 Sri Lanka Groupe 2
Ghana Groupe 3 Surinam Groupe 3
Guatemala Groupe 1 Swaziland Groupe 3
Guinée Groupe 3 Tadjikistan Groupe 2
Guinée-Bissau Groupe 3 Tanzanie Groupe 3
Guinée équatoriale Groupe 3 Tchad Groupe 3
Guyana Groupe 3 Thaïlande Régions frontalières avec le Cambodge, le
Laos, le Myanmar et la Malaisie : groupe 3
Guyane française Fleuves : groupe 3 Timor-Oriental Groupe 3
Haïti Groupe 1 Togo Groupe 3
Honduras Groupe 1 Vanuatu Groupe 2
Inde État d’Assam : 3 Venezuela Amazonie : groupe 3
Reste du pays : 2 Reste du pays : 1
Indonésie Groupe 3 Vietnam Groupe 3 (sauf bande côtières et deltas : pas
Bali : pas de prophylaxie de prophylaxie)
Iran Sud-Est : groupe 3 Yémen Groupe 3 (sauf Ile Socotra : groupe 1)
Reste du pays 1
Iraq Groupe 1 Zambie Groupe 3
Jamaïque Groupe 1 (Kingston) Zimbabwe Groupe 3
Kenya Groupe 3
Laos Groupe 3
Libéria Groupe 3
Madagascar Groupe 2
Malaisie Groupe 3 (sauf zones urbaines et côtières)
Malawi Groupe 3
Mali Groupe 3
Mauritanie Groupe 3
Mayotte Groupe 3
Tableau 7.
Chimioprophylaxie antipaludique de l’adulte (d’après [4]).
Tableau 8.
Chimioprophylaxie antipaludique de l’enfant (d’après [4]).
méfloquine voire l’association atovaquone-proguanil sont palustre d’importation est habituellement inaugurée par la
envisageables en cas de séjour obligé dans les pays du groupe 3. fièvre. Cette présentation peut être néanmoins trompeuse.
La prévention du paludisme de l’expatrié ou du voyageur de Toute pathologie fébrile au retour des tropiques doit être
longue durée comporte en premier lieu la recommandation considérée a priori comme pouvant être d’origine palustre et
d’une prophylaxie d’exposition (moustiquaire imprégnée, impose une consultation en urgence. Un échantillon sanguin
équipement de l’habitation). Une chimioprophylaxie adaptée à doit être examiné afin de porter un diagnostic. La précocité du
la zone devrait être conduite pendant les 6 premiers mois d’un diagnostic et l’adéquation du traitement sont les facteurs
premier séjour. essentiels de survie en cas de paludisme à P. falciparum chez un
sujet non immun comme le voyageur se rendant en zone
d’endémie palustre.
■ Conclusion .
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G. Le Loup.
Centre René Labusquière (Médecine et hygiène tropicales), Université Victor Segalen Bordeaux 2, Case 58, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux, France.
D. Malvy (denis.malvy@chu-bordeaux.fr).
Centre René Labusquière (Médecine et hygiène tropicales), Université Victor Segalen Bordeaux 2, Case 58, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux, France.
Service de médecine interne et des maladies tropicales, Hôpital Saint-André, Centre hospitalier universitaire de Bordeaux, 1, rue Jean-Burguet, 33000
Bordeaux, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Loup G., Malvy D. Paludisme. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1280,
2010.
Toxoplasmose
L. Paris
La toxoplasmose fait en France l’objet de dispositions légales spécifiques pour la prévention des formes
potentiellement graves chez le fœtus et l’immunodéprimé. L’hôte définitif habituel de Toxoplasma
gondii est le chat ; tous les homéothermes peuvent être hôte intermédiaire. La contamination est
alimentaire. La prévalence baisse régulièrement en France où elle est actuellement d’environ 45 %. La
toxoplasmose acquise postnatale de l’immunocompétent est une parasitose bénigne, le plus souvent
asymptomatique, dont le diagnostic est sérologique. La toxoplasmose de l’immunodéprimé est grave,
mortelle sans traitement ; son diagnostic repose sur la recherche du parasite et/ou l’efficacité du
traitement d’épreuve. La toxoplasmose congénitale est le plus souvent latente (diagnostic uniquement
biologique) impliquant une prise en charge spécifique des femmes faisant une séroconversion en cours de
grossesse et le suivi des enfants suspects pendant 1 an au moins. Si le diagnostic de toxoplasmose
congénitale est confirmé, le suivi sera poursuivi jusqu’à l’âge adulte. Une atteinte oculaire est possible
dans toutes les situations. Le diagnostic biologique est réglementé dans sa prescription et sa réalisation :
dépistage en début de grossesse, suivi mensuel des séronégatives, bilan prégreffe (donneur et receveur) ;
recherche des immunoglobulines (Ig) G (titration en UI/ml) et des IgM (cet isotype pouvant persister plus
de 1 an, sa présence n’est pas un argument suffisant pour conclure à une infection récente). Le diagnostic
anténatal ne peut être réalisé que par un service agréé. La prévention, chez les patients séronégatifs pour
le toxoplasme, repose sur les mesures prophylactiques : viande bien cuite, lavage des crudités, hygiène
des ustensiles de cuisine et des plans de travail, port de gants pour jardiner et changer la litière du chat.
Un centre national de référence organisé en réseau existe depuis 2007.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan ■ Introduction
La toxoplasmose est une zoonose parasitaire cosmopolite due
¶ Introduction 1
à un protozoaire intracellulaire, Toxoplasma gondii. Habituelle-
¶ Cycle, modes de contamination et prévalence 1 ment bénigne, elle est potentiellement grave pour le fœtus et le
¶ Toxoplasmose acquise postnatale du sujet immunocompétent 2 sujet immunodéprimé. Elle fait l’objet en France de dispositions
Clinique 2 légales que tout médecin doit connaître et appliquer [1].
Diagnostic biologique 2
Évolution et traitement
Prophylaxie
3
3
.
“ À retenir
la guérison est spontanée.
Certaines souches de Toxoplasma gondii sont toutefois suscep-
tibles de provoquer chez l’immunocompétent des manifesta-
Toxoplasmose, modes de contamination de tions plus graves, identiques à celles de la toxoplasmose des
l’homme immunodéprimés. Ces cas, très rares, ont été décrits en Améri-
• Alimentaire que du Sud, notamment au Brésil et en Guyane française. Des
C ingestion d’oocystes : aliments ou eau souillés par souches d’origine animale, mal adaptées à l’homme, sont
incriminées et ont pu parfois être isolées.
des déjections de chat ;
C ingestion de kystes : viande saignante, principa-
lement bœuf et mouton. Diagnostic biologique
• Transplacentaire
• Greffe d’organe solide Un syndrome mononucléosique et une accélération de la
vitesse de sédimentation sont habituels mais non spécifiques.
• Inoculation directe (accident de laboratoire)
Chez l’immunocompétent, le diagnostic biologique repose sur
la sérologie dont la réalisation est réglementée.
Tableau 1.
Synthèse actualisée des recommandations de prévention de la
Titre
IgM toxoplasmose. D’après [2].
Hygiène personnelle Se laver les mains :
- après avoir : manipulé de le viande crue, ma-
IgG nipulé des crudités souillées, jardiné
IgA - avant de manger
Hygiène domestique Porter des gants pour jardiner ou tout contact
avec de la terre
Lavage quotidien à l’eau bouillante de la litière
±10 jours < 2 mois 4-12 mois du chat si possible par un tiers, à défaut avec
Contamination 4-24 mois
des gants
Faire attention aux jeunes chats qui chassent
Figure 1. Évolution des taux d’anticorps immunoglobulines (Ig) G,
et aux chats errants
IgM, IgA au cours de l’infection toxoplasmique.
Hygiène alimentaire Bien cuire les viandes, y compris volailles et
gibier. Éviter la cuisson au four à micro-ondes
Laver à grande eau :
- les légumes et les plantes aromatiques
l’immunocapture, permettent leur détection souvent pendant
consommés crus
plus de 1 an. Les IgG apparaissent habituellement à partir du
- les ustensiles de cuisine et les plans de travail
huitième jour ; leur délai d’apparition excède exceptionnelle-
La surgélation (congélation à une température
ment 3 semaines. Elles s’élèvent progressivement pour atteindre
< -18 °C) détruit les kystes
un plateau à partir du deuxième mois. La décroissance du titre
En dehors du domicile ne consommer que de
se fait ensuite sur plusieurs mois. Ces IgG persistent toute la vie
la viande bien cuite et éviter les crudités au
à un taux résiduel pouvant présenter des variations à l’occasion profit des légumes cuits
d’une maladie intercurrente ou d’une nouvelle infestation. Leur
titre est habituellement exprimé en UI/ml.
La toxoplasmose évolutive peut être affirmée par l’étude de
deux sérums espacés de 15 à 20 jours mettant en évidence une ■ Toxoplasmose
séroconversion (premier sérum négatif, second sérum positif),
ou la présence d’IgM avec une élévation significative du titre
des immunodéprimés
des IgG entre le premier et le second sérum titrés en parallèle Chez le patient immunodéprimé, la toxoplasmose est une
(les séroconversions sans IgM sont exceptionnelles). C’est infection grave d’évolution fatale sans traitement sauf les formes
l’apparition des IgG qui permet d’affirmer la séroconversion ; la oculaires isolées qui peuvent conduire à la cécité. Elle peut être
présence d’IgM isolées n’est pas un argument suffisant en raison disséminée ou localisée.
de possibles réactions non spécifiques ou de la présence d’IgM
naturelles. Les techniques actuelles détectant les IgM de façon
persistante, une sérologie unique montrant la présence conco- Forme disséminée
mitante d’IgG et d’IgM spécifiques ne permet pas d’affirmer une La toxoplasmose disséminée se présente initialement sous
toxoplasmose récente. L’étude d’un second sérum espacé de 10 forme d’une fièvre isolée. Secondairement, apparaissent une
à 20 jours et un travail plus fin sur les IgG (détermination du altération de l’état général et des atteintes viscérales multiples
coefficient d’avidité, recherche d’anticorps dirigés contre des (poumon, cœur, foie, système nerveux central, moelle, etc.).
antigènes spécifiques de la phase aiguë de la toxoplasmose)
associé parfois à la recherche des IgA spécifiques permettent le
plus souvent de trancher entre une infection récente (moins de
Forme localisée
4 à 6 mois selon les techniques) ou ancienne (plus de 6 mois). Parmi les formes localisées, la toxoplasmose cérébrale est la
Pour des raisons liées à l’absence de standardisation des réactifs, plus fréquente. La forme abcédée focalisée (80 % des cas) se
aucune conclusion correcte ne peut être tirée de la comparaison présente soit sous forme d’un déficit localisé d’apparition
de deux résultats de sérologie de la toxoplasmose qui n’auraient progressive, soit par une crise comitiale inaugurale dans un
pas été effectués dans le même laboratoire par la même techni- contexte de céphalées. La fièvre est inconstante (50 % des cas).
que et en parallèle. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) (Fig. 2) ou la
tomodensitométrie (TDM) (moins sensible) mettent en évidence
une ou plusieurs images en « cocarde » d’abcès cérébral avec un
Évolution et traitement halo d’œdème périphérique. La forme encéphalitique se traduit
par des troubles de la conscience et/ou une épilepsie généralisée.
La toxoplasmose acquise postnatale du sujet immunocompé- La toxoplasmose oculaire peut être uni- ou bilatérale. Le
tent guérit en général spontanément. En cas d’asthénie impor- patient se plaint de douleurs, photophobie, d’une baisse de
tante, le traitement classique associe la spiramycine (50 mg/ l’acuité visuelle, de vision floue ou d’un scotome. L’examen du
kg/j en pédiatrie, 3 g/j chez l’adulte) à de l’acide ascorbique fond d’œil (Fig. 3) permet de visualiser des foyers de nécrose
(1 g/j) pendant 1 mois. L’association triméthoprime- avec œdème et une couronne pigmentaire en périphérie. Chez
sulfaméthoxazole est certainement plus efficace mais il y a peu les patients infectés par le VIH, une localisation cérébrale est
de données bibliographiques dans cette indication. associée dans 40 % des cas.
La toxoplasmose pulmonaire réalise un tableau de pneumo-
pathie interstitielle diffuse hypoxémiante à ne pas confondre
Prophylaxie avec une pneumocystose qui peut être associée.
Les autres localisations isolées sont beaucoup plus rares.
Les femmes enceintes ainsi que les sujets immunodéprimés
séronégatifs pour la toxoplasmose doivent être informés des Chez quels patients évoquer ce diagnostic ?
mesures prophylactiques (circulaire du 27/09/1983) pour
la prévention des cas de séroconversion toxoplasmique • Les patients immunodéprimés (VIH, greffés de moelle,
(Tableau 1). corticothérapie, chimiothérapie) séropositifs pour la toxo-
Traitement de la toxoplasmose
des immunodéprimés
Le traitement classique de première intention est l’association
pyriméthamine-sulfamides. Le schéma le plus habituel est :
• sulfadiazine 4 à 6 g/j ;
• pyriméthamine 50 à 75 mg/j, après une dose de charge
initiale de 100 mg le premier jour.
La prescription d’acide folinique 25 mg/j doit être systémati-
que pour prévenir les effets secondaires hématologiques ainsi
qu’une hydratation suffisante avec alcalinisation.
Dans 40 à 60 % des cas, ce traitement est cause d’effets
indésirables :
• exanthème, volontiers fébrile, cédant le plus souvent sous
Figure 2. Toxoplasmose cérébrale. Aspect en imagerie par résonance traitement symptomatique. Une surveillance clinique rigou-
magnétique (T1). Avec l’aimable autorisation d’ANOFEL. (Association des reuse est nécessaire du fait du risque de syndrome de Stevens-
enseignants et praticiens hospitaliers titulaires de parasitologie et myco- Johnson et de syndrome de Lyell ;
logie médicale.) • toxicité hématologique principalement due à la pyrimétha-
mine qu’il faut parfois tolérer si elle ne cède pas à l’augmen-
tation de posologie de l’acide folinique.
L’alternative à ce traitement de référence est l’association
pyriméthamine (50 mg/j)-clindamycine (2,4 g/j) dont les effets
indésirables sont les mêmes, toutefois moins sévères pour ce qui
est de l’exanthème, avec en plus un risque de colite
pseudomembraneuse.
L’association triméthoprime 10 mg/kg/j-sulfaméthoxazole
50 mg/kg/j (soit 4 comprimés à 160 mg/800 mg chez un adulte
de poids standard), qui ne fait pas partie des traitements
classiques, est aussi efficace et a l’avantage d’un nombre de
comprimés plus réduit.
Le traitement d’attaque est maintenu pendant 3 à 6 semaines.
Un traitement d’entretien utilisant les mêmes molécules à demi-
dose doit être poursuivi ensuite tant que dure l’immunodépres-
Figure 3. Toxoplasmose oculaire, lésion cicatricielle au fond d’œil. Avec sion. Cette prophylaxie secondaire pourrait probablement être
l’aimable autorisation d’ANOFEL. (Association des enseignants et prati- réalisée aussi efficacement que la prophylaxie primaire par
ciens hospitaliers titulaires de parasitologie et mycologie médicale.) l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole, à la posologie de
1 comprimé à 160 mg/800 mg/j.
Les immunodéprimés séronégatifs pour la toxoplasmose
plasmose et ne recevant pas de prophylaxie. Chez les patients doivent être informés des mêmes mesures prophylactiques que
infectés par le VIH, le risque est significatif si les lymphocytes les femmes enceintes non immunisées (Tableau 1).
CD4 sont inférieurs à 100/mm3.
• Les greffés d’organe solide, séronégatifs pour la toxoplasmose
en prégreffe, ayant reçu un organe d’un donneur séropositif,
et ne recevant pas de prophylaxie. Le risque est maximal
■ Toxoplasmose congénitale
(supérieur à 50 %) pour les greffes cardiaques.
C’est sa gravité potentielle qui a conduit à la mise en place
d’un programme national de prévention, instituant le dépistage
Diagnostic biologique de la toxoplasmose en début de grossesse, avec un suivi mensuel des femmes
des immunodéprimés enceintes séronégatives. L’obligation liée au certificat prénuptial,
qui existait depuis 1978, a été supprimée au 1er janvier 2008. La
Chez les patients réactivant une toxoplasmose ancienne, la toxoplasmose congénitale grave se présente soit sous forme d’un
séropositivité à l’égard du toxoplasme permet seulement syndrome infectieux néonatal sévère, soit sous forme d’une
d’envisager le diagnostic comme possible. C’est la mise en atteinte neuro-oculaire associant rétinochoroïdite, hydrocéphalie
évidence du parasite qui permet le diagnostic. Cette recherche et calcifications intracrâniennes.
peut se faire par amplification génique (polymerase chain reaction La toxoplasmose congénitale bénigne réalise dès la naissance
[PCR]), inoculation à l’animal, coloration optique ou marquage des formes atténuées oculaires (microphtalmie, strabisme,
avec des anticorps monoclonaux à partir de n’importe quel rétinochoroïdite peu étendue...) ou neurologiques (troubles du
produit biologique (liquide bronchoalvéolaire [LBA], liquide tonus, calcifications intracérébrales, convulsions). Des manifes-
céphalorachidien [LCR], sang périphérique, moelle osseuse...). tations plus discrètes sont également possibles : ictère, hépato-
Dans le cas d’un abcès cérébral, on ne propose la biopsie mégalie isolée ou purpura thrombopénique.
qu’après l’échec du traitement antitoxoplasmique d’épreuve. La toxoplasmose congénitale latente est à la naissance
En cas de primo-infection chez un immunodéprimé, la d’expression uniquement sérologique. Si elle est méconnue, elle
sérologie reste contributive. Toutefois le retard possible à la se manifeste secondairement au cours de la petite enfance sous
séroconversion justifie la recherche directe du parasite dans un forme d’une hydrocéphalie, d’un retard psychomoteur de plus
contexte clinique évocateur. Chez les patients greffés d’organe en plus manifeste ou d’une comitialité. L’atteinte la plus
solide séropositifs pour la toxoplasmose en prégreffe, une fréquente est oculaire, une rétinochoroïdite pigmentaire pou-
réactivation sérologique est habituelle en postgreffe avec une vant se révéler très tardivement à l’adolescence.
Femme enceinte
Séroconversion toxoplasmique
certaine ou probable
(ITG) PS Spiramycine
Accouchement
Pas de spiramycine
pour l'enfant
Diagnostic néonatal
Figure 5. Arbre décisionnel. Algorithme de prise en charge d’une séroconversion toxoplasmique chez une femme enceinte. SA : semaines d’aménorrhée ;
* : possibilité de ponction plus précoce (15-18 SA) à renouveler au moindre doute échographique ; PS : pyriméthamine-sulfamides ; ITG : interruption
thérapeutique de la grossesse ; FO : fond d’œil ; diagnostic anténatal : échographie, amniocentèse pour polymerase chain reaction (PCR) et inoculation à la
souris ; diagnostic néonatal : clinique, sérologie (IgM-IgA), inoculation du placenta à la souris, profil immunologique comparé mère-enfant par western blot.
Tableau 2.
Forme clinique de la toxoplasmose congénitale (TC) en fonction du ■ Références
traitement prescrit chez la femme enceinte.
[1] Anofel. Toxoplasmose. In: Parasitoses et mycoses des régions tempé-
Mère traitée Mère non traitée rées et tropicales. Paris: Masson; 2007. p. 63-73.
TC latente 76 % 55,5 % [2] Groupe de travail Toxoplasma gondii de l’Afssa. Toxoplasmose :
TC bénigne 22 % 35,5 % état des connaissances et évaluation du risque lié à l’alimentation.
TC grave 2% 10 % Agence française de sécurité sanitaire des aliments, décembre 2005.
Rapport disponible sur http://www.afssa.fr/Documents/MIC-Ra-
D’après Hohlfeld et al. Outcome of pregnancy and infant follow-up after in utero
Toxoplasmose.pdf.
treatment. J Pediatr 1989;15:765-9.
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l’incidence et facteurs associés, 1995-2003. Bull Epidémiol Hebd 8
avril 2008;(n°14-15):117-21. Rapport disponible sur http:
• organiser le suivi clinique et sérologique des enfants suspects
//www.invs.sante.fr/publications/2007/toxoplasmose/.
de toxoplasmose congénitale pendant la première année de
[4] SYROCOT study group. Effectiveness of prenatal treatment for
vie et poursuivre le suivi ophtalmologique jusqu’à l’âge adulte
congenital toxoplasmosis : a meta-analysis of individual patients’data.
si le diagnostic est confirmé ; Lancet 2007;369:115-22.
• évoquer le diagnostic de toxoplasmose chez un immunodé- [5] Wallon M, Kodjikian L, Binquet C, Garweg J, Fleury J, Quantin C, et al.
primé présentant des céphalées persistantes, fébriles ou non, Long-term ocular prognosis in 327 children with congenital
avec ou sans signes de localisation. toxoplasmosis. Pediatrics 2004;113:1567-72.
[6] King L, Villena I, Ancelle T, Wallon M, Garcia P, Thulliez P, et al. La Pour en savoir plus
toxoplasmose congénitale : mise en place d’un dispositif de sur-
veillance en France. Bull Epidémiol Hebd 2008:122-4 (n°14-15). Campus Parasitologie de l’UMVF, université virtuelle médicale franco-
[7] Fekkar A, Bodaghi B, Touafek F, Le Hoang P, Mazier D, Paris L. phone. www.uvp5.univ-paris5.fr/campus-parasitologie/nescdefault.
Comparison of immunoblotting, Goldmann-Witmer coefficient and asp.
real-time PCR on aqueous humor for diagnosis of ocular Centre national de référence de la toxoplasmose. www.chu-reims.fr/
toxoplasmosis. J Clin Microbiol 2008;46:1965-7. professionnels/cnr-toxoplasmose-1/.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Paris L. Toxoplasmose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1285, 2009.
Bilharzioses
P. Bourée
Les bilharzioses sont des affections fréquentes, qu’il s’agisse de voyageurs ou de sujets originaires de
zones tropicales. Pour le praticien, deux grandes circonstances sont l’objet de prise en charge : la primo-
invasion (syndrome fébrile) survenant chez un voyageur revenu récemment d’une zone d’endémie et
l’apparition de symptômes digestifs ou urinaires témoignant de la phase d’état, plusieurs mois après avoir
quitté les zones d’endémie. Grâce à des moyens diagnostiques fiables, le traitement repose aujourd’hui
sur un médicament efficace et bien supporté.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan
¶ Introduction 1
¶ Épidémiologie 1
¶ Clinique 2
Infestation : phase cutanée 2
Invasion : troubles généraux 3
Phase d’état : troubles digestifs ou hématurie 3
¶ Diagnostic 4
Phase d’invasion 4
Phase d’état 4
¶ Traitement 5
¶ Prévention 5
■ Introduction
Les bilharzioses, ou schistosomoses, sont très répandues dans
le monde tropical. Selon l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), la prévalence de la bilharziose est estimée à 200 à
300 millions de personnes et est responsable de 500 000 morts
chaque année. L’incidence des bilharzioses, affections dues au
péril fécal, est en augmentation, en raison de l’extension du
réseau d’irrigation nécessaire au développement de l’agriculture.
Tableau 1.
Caractéristiques des différentes bilharzioses.
Espèces Répartition Ponte Mollusque Hôte définitif Localisation Pathogénicité Complications
géographique des femelles Hôte intermédiaire
Schistosoma haemato- Afrique 150 œufs/j Bulin Homme Veine mésentérique Urinaire Dilatation et sté-
bium Moyen-Orient inférieure nose urinaires
Bilharz, 1852 Madagascar Plexus
hypogastrique
Schistosoma mansoni Afrique, Madagascar, 200 œufs/j Planorbe Homme Veine mésentérique Intestinale Hypertension
Sambon Amérique centrale Rongeurs inférieure portale
et du Sud, Antilles Plexus péricolique +/-tardive
1907
Schistosoma intercalatum Afrique équatoriale 250 œufs/j Bulin Homme Veine mésentérique Rectale Rare
Fischer 1934 inférieure
Plexus rectal
Schistosoma japonicum Extrême-Orient 3 500 œufs/j Oncomélania Homme Veine mésentérique Hépatique Hypertension
Katsurada 1904 Animaux supérieure portale précoce
Schistosoma mekongi Laos, Thaïlande, 3 500 œufs/j Neotricula Homme Veine mésentérique Hépatique Hypertension
Voge, Bruckner, Bruce Cambodge Animaux ? supérieure portale précoce
1978
S. mansoni
S. haematobium
S. japonicum
S. intercalatum
S. mekongi
schistosomes femelles sont éliminés dans la nature par les La pathogénicité de la bilharziose est due aux œufs qui
excreta, selles ou urines selon l’espèce. Dans l’eau douce, ces forment autour d’eux un granulome inflammatoire ou « granu-
œufs éclosent et libèrent un embryon cilié de 100 µm ou lome bilharzien ». La multiplication de ces granulomes va
miracidium. Celui-ci va nager à la rencontre de l’hôte intermé- comprimer les cellules voisines et provoquer, au niveau hépati-
diaire, un mollusque, spécifique de l’espèce. À l’intérieur du que, une fibrose portale (Fig. 4). La ponte, dix fois plus impor-
mollusque, s’effectuent une transformation et une multiplica- tante, des espèces asiatiques, explique la survenue précoce d’une
tion des parasites, qui aboutissent à la formation de furcocercai- hypertension portale.
res (larve de 500 µm) qui quittent le mollusque.
Plusieurs milliers de furcocercaires (Fig. 3) ainsi libérées
nagent dans l’eau et doivent rencontrer l’hôte définitif (homme
■ Clinique
ou animal), en moins de 12 heures (survie maximale des Les manifestations cliniques évoluent en plusieurs phases. Les
furcocercaires). L’homme s’infeste uniquement par voie trans- symptômes, communs au début à toutes les formes de bilhar-
cutanée, lors d’un bain en eau douce (rivières, marigots, oueds). ziose, diffèrent ensuite, à la phase d’état.
En Asie, où une grande partie de l’activité est concentrée sur les
fleuves et les rizières, la bilharziose est très fréquente [3]. Infestation : phase cutanée
Chez l’hôte définitif, les furcocercaires traversent les tégu- Les premiers symptômes correspondent à la pénétration
ments en quelques minutes, deviennent des schistosomules et, transcutanée des furcocercaires. Dans les 10 minutes suivant le
par la circulation sanguine, gagnent le foie où elles muent en bain infestant, apparaissent un prurit, puis un érythème avec
vers adultes et copulent. Après la fécondation, les femelles des papules. Ces lésions disparaissent spontanément, en une
migrent vers leur territoire d’élection, le plexus veineux dizaine de jours. En cas d’infestation par les espèces asiatiques,
intestinal ou urinaire selon l’espèce. Elles pondent alors de très ces manifestations sont particulièrement prononcées
nombreux œufs qui sont éliminés par les selles ou les urines. Le (« kaburé »). Ces symptômes ne surviennent que lors de la
cycle s’effectue en 2 mois. première infestation.
Tableau 2.
Diagnostics différentiels des bilharzioses.
Invasion - Toutes les fièvres tropicales (surtout paludisme, ty-
phoïde)
- Syndromes méningés
Figure 3. Furcocercaires.
[15] Hatz CF. The use of ultrasound in schistosomiasis. Adv Parasitol 2001; [18] Jordan P, Webbe G, Sturrock RF. Human schistosomiasis. Wallingford:
48:225-84. CAB international; 1993.
[16] Andrade ZA. Schistosomiasis and hepatic fibrosis regression. Acta [19] Chen MG. Use of praziquantel for clinical treatment and morbidity
Trop 2008;108:79-82. control of schistosomiasis japonica in China: a review of 30 years’
[17] Doenhoff MJ, Cioli D, Utzinger J. Praziquantel: mechanisms of action, experience. Acta Trop 2005;96:168-76.
resistance and new derivatives for schistosomiasis. Curr Opin Infect [20] McManus DP, Loukas A. Current status of vaccines for
Dis 2008;21:659-67. schistosomiasis. Clin Microbiol Rev 2008;21:225-42.
P. Bourée, Professeur Collège de médecine, maître de conférences des Universités, praticien des hôpitaux (patrice.bouree@bct.aphp.fr).
CHU Bicêtre, Faculté de médecine Paris-sud, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourée P. Bilharzioses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-1290, 2010.
4-1300
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
Amibiase
J Delmont
L ’amibiase est définie par le portage dans la lumière colique ou par la présence, essentiellement au niveau de la
paroi colique et du foie, de l’amibe Entamoeba histolytica .
L’endémie amibienne concerne 10 % de la population des régions tropicales. Cette protozoose, moins souvent
observée qu’autrefois dans les pays à climat tempéré, risque de ce fait de n’être point reconnue et d’avoir une
évolution défavorable, alors que des médicaments amoebicides particulièrement efficaces sont, de nos jours,
disponibles.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
■
Cependant, après un temps variable pouvant D’installation brutale ou progressive, les douleurs
Épidémiologie atteindre plusieurs années et pour des raisons mal sont d’intensité et de siège variables. Parfois mal
connues (perturbation de la flore microbienne définies, à type d’endolorissement diffus et durable de
intestinale, changement de régime alimentaire, l’abdomen, elles peuvent aussi réaliser les classiques
En présence d’une symptomatologie clinique surmenage…), E. histolytica minuta peut se épreintes, douleurs expulsives violentes parcourant le
évocatrice, le médecin est conforté dans son transformer en une forme histolytica (E. histolytica cadre colique avec envie impérieuse mais souvent
orientation diagnostique en faveur d’une amibiase par histolytica), très mobile, munie de pseudopodes, infructueuse d’aller à la selle. Le ténesme, qui se définit
la notion d’un voyage ou d’un séjour, récent ou mesurant 20 à 40 µm de diamètre et au noyau bien comme une striction douloureuse du sphincter anal,
ancien, en milieu tropical ou subtropical. En effet, là visible, douée d’un pouvoir nécrotique et est plus rare.
sont rassemblées les conditions les plus favorables à la hématophage [3]. Selon les résultats de récentes Le nombre des évacuations varie de quatre à six
transmission de cette parasitose. Conséquence d’un recherches, seules certaines souches d’E. histolytica par 24 heures. Il s’agit plus souvent d’une diarrhée
défaut d’hygiène et d’assainissement, les kystes minuta, différenciables non sur le plan morphologique banale, constituée de selles pâteuses ou liquides plutôt
amibiens, éliminés avec les selles sur un sol mais par leurs zymodèmes et leurs génomes, que de l’émission de glaires mucosanglantes, afécales,
constamment chaud et humide, peuvent résister posséderaient cette potentialité de transformation [5]. réalisant les classiques « crachats dysentériques ».
plusieurs semaines, avant d’être ingérés par un enfant Les formes E. histolytica histolytica ne se transforment L’état général est peu altéré et l’apyrexie est
ou un adulte, à la suite d’une souillure des mains ou jamais en kystes. habituelle.
d’une contamination de crudités [2]. La rareté actuelle L’abdomen est discrètement météorisé ; le cadre
de l’amibiase importée en France, malgré une colique est douloureux à la palpation et le foie est de
■
augmentation des flux de voyageurs, s’expliquerait volume normal.
par des séjours outre-mer plus brefs qu’autrefois et Pathogénie
peut-être par une application plus stricte des mesures ‚ Amibiase colique suraiguë ou maligne
d’hygiène corporelle et alimentaire de nos Exceptionnelle en France, elle survient d’emblée sur
concitoyens. Conséquence probable du faible nombre Envahissant la paroi colique, surtout au niveau de un terrain déficient (grossesse, alcoolisme, diabète) ou
de porteurs de kystes amibiens dans notre pays et des ses portions cæcale, sigmoïdienne et rectale, E. consécutivement à une amibiase aiguë d’apparence
progrès de l’assainissement, on assiste à la quasi- histolytica histolytica détermine des ulcérations, bénigne et de ce fait négligée ou insuffisamment
disparition de l’amibiase autochtone, qui survenait à la responsables de microhémorragies et, de façon traitée. Elle est caractérisée par l’association d’un
suite de contacts avec des sujets infectés chez des exceptionnelle, de perforations intestinales. syndrome dysentérique avec signes de déshydratation
personnes qui n’avaient jamais quitté la métropole. À partir de la paroi colique, les amibes E. histolytica et de toxi-infection. Elle s’associe souvent à un abcès
histolytica peuvent migrer par voie portale vers le foie du foie. Son pronostic, malgré la réanimation, est
où elles créent des foyers de nécrose hépatocellulaire souvent fatal, en raison de la survenue d’hémorragies
■
qui, par confluence, forment un ou plusieurs abcès et de perforations intestinales responsables d’une
Cycle biologique hépatiques. Progressant par contiguïté à travers le péritonite asthénique.
diaphragme ou empruntant la voie sanguine, elles
peuvent atteindre l’appareil pulmonaire, deuxième ‚ Colopathie postamibienne
Une fois les kystes amibiens ingérés, leur polarité extra-intestinale de l’amibiase, plus rarement Celle-ci est caractérisée par des troubles du transit
membrane est dissoute par les sucs digestifs, donnant d’autres viscères. intestinal avec alternance de diarrhée et de
naissance dans la lumière colique à des formes minuta constipation, dyspepsie, sensibilité de l’abdomen à la
(Entamoeba [E.] histolytica minuta), peu mobiles, de 14 palpation avec perception fréquente d’un cæcum
■
à 16 µm de diamètre et au noyau peu visible. Ces distendu et d’un sigmoïde spasmé. Moins constatée
amibes saprophytes peuvent persister des années Clinique aujourd’hui qu’autrefois, chez des Européens ayant
dans la lumière colique, se transformant de temps à séjourné outre-mer, elle se manifeste, après plusieurs
autre en kystes de 10 à 15 µm de diamètre et à quatre épisodes d’amibiase intestinale aiguë, par la survenue
noyaux, éliminés dans le milieu extérieur avec les ‚ Amibiase colique aiguë récurrente de symptômes non spécifiques, l’identifiant
selles. Ce cycle de l’amibiase infestation n’a aucune Elle se manifeste par des douleurs abdominales et à une colopathie fonctionnelle. En cas de doute, une
traduction clinique. des perturbations du transit intestinal. coloscopie sera pratiquée.
1
4-1300 - Amibiase
■
‚ Amibiase hépatique être différenciés des kystes d’amibes non pathogènes,
Elle est plus rare que l’amibiase intestinale aiguë.
les plus fréquemment observés étant ceux d’E. coli. Diagnostic différentiel
Elle peut être contemporaine d’une amibiase colique Une coproculture est toujours effectuée pour
symptomatique, succéder à plus ou moins long terme éliminer une infection bactérienne associée, en
particulier une shigellose, caractérisant la forme ‚ Pour l’amibiase intestinale
à un épisode intestinal aigu, ou apparaître
indépendamment de tout épisode classique amoebobacillaire, d’évolution préoccupante. Chez un malade dysentérique, l’absence d’E.
intestinal [1]. La rectoscopie, douloureuse lors d’un épisode aigu, histolytica histolytica dans les selles doit faire
Dans sa forme typique, l’amibiase hépatique se objective une muqueuse œdématiée, érythémateuse, rechercher une autre étiologie que l’amibiase, en
traduit par l’apparition brutale ou rapidement fragile au contact, parsemée d’ulcérations particulier un cancer, même si des kystes ou des
progressive de douleurs lancinantes de l’hypocondre punctiformes ou en « coups d’ongle », à bords épais et formes minuta sont découverts.
droit, irradiant en « bretelle » vers l’épaule droite, recouvertes de glaires, qui sont recueillies par L’examen parasitologique des selles comporte de
associées à une fièvre élevée à 39 ou 40 °C. Le foie est écouvillonnage au moyen d’un coton cardé. Ces manière systématique la recherche d’une parasitose
augmenté de volume, douloureux à la palpation, lésions peuvent être observées dans des rectocolites associée, et la coproculture, également systématique,
sinon à la manœuvre de l’ébranlement provoqué qui d’autre nature que l’amibiase. éliminera une dysenterie bacillaire ou une
sera pratiquée avec prudence. Parfois, un syndrome La coloscopie n’est surtout justifiée qu’en cas de salmonellose.
pleuropulmonaire de la base droite accompagne cette doute sur le diagnostic d’amibiase. Cependant, elle La biopsie de la muqueuse colique élimine, si
symptomatologie. Rarement est observé un ictère, le permet la découverte d’un exceptionnel amoebome besoin est, une rectocolite hémorragique, mais
plus souvent de nature rétentionnelle, suite au dont les biopsies montrent des amibes au sein d’un l’amibiase peut s’associer à cette colopathie dont elle
développement d’un abcès comprimant la voie biliaire tissu granulomateux. peut provoquer une poussée.
principale. La séro-immunologie, à la recherche d’anticorps Il faut différencier E. histolytica des autres espèces
L’évolution spontanée conduit à la rupture de antiamibiens est négative ou faiblement positive, sauf d’amibes, notamment E. coli, considérées comme non
l’abcès dans le péritoine, la plèvre, les bronches, ou en cas d’amoebome. pathogènes.
plus rarement la cavité péricardique, mettant en jeu le
pronostic vital. ‚ Amibiase hépatique ‚ Pour l’amibiase hépatique
Les formes atypiques, à symptomatologie atténuée Une hyperleucocytose par polynucléose Il faut distinguer les abcès intrahépatiques à germes
ou incomplète, telle une fièvre isolée prolongée, sont neutrophile et une vitesse de sédimentation des pyogènes, qui surviennent dans des tableaux
rares. hématies très accélérée (supérieure à 80 mm à la septicémiques et pour lesquels il n’y a pas d’anticorps
première heure) sont des anomalies hématologiques antiamibiens.
‚ Amibiase pleuropulmonaire constantes et précoces auxquelles s’associe parfois Les diagnostics de kyste hydatique surinfecté et de
une augmentation modérée du taux des transamina- cancer du foie sont facilement éliminés en confrontant
Elle s’observe chez 30 % des malades atteints
ses hépatiques. les résultats fournis par les divers examens
d’amibiase hépatique, mais peut aussi résulter de la
La radiographie pulmonaire révèle, lorsque l’abcès complémentaires.
migration sanguine directe d’emboles amibiens. Elle
se développe à la partie supérieure du foie, une
s’exprime sous forme d’une pleurésie sérofibrineuse
surélévation localisée de la coupole diaphragmatique,
ou sérohématique, d’une pneumopathie aiguë ou
■
sous la forme d’une image en « soleil couchant ». Le
subaiguë, parfois d’un abcès amibien pulmonaire,
dont la rupture provoque un pyothorax ou une
cliché pulmonaire peut montrer un petit épanchement Traitement
pleural droit avec un infiltrat parenchymateux associé.
vomique de couleur classiquement chocolat. Ces
manifestations douloureuses, évoluant sur un mode L’échographie abdominale, de réalisation simple et
fébrile, peuvent dominer la scène clinique. rapide, visualise une ou plusieurs lacunes hépatiques, ‚ Médicaments antiamibiens
des formations liquidiennes arrondies, dont la Les nitro-imidazolés, amoebicides tissulaires, ont
Les autres localisations de l’amibiase sont toutes
localisation et le volume (2 à 20 cm de diamètre), supplanté la 2-déhydroémétine qui n’est plus
exceptionnelles :
pourraient être précisées, les jours suivants, par une commercialisée. D’absorption rapide, dès la partie
– localisation cutanée ;
tomodensitométrie. Il est à signaler qu’à un stade proximale de l’intestin grêle, ils sont très diffusibles par
– péricardite amibienne par rupture d’un abcès du
d’évolution précoce, l’échographie peut être voie sanguine dans tous les tissus, et donc très
lobe gauche du foie ;
normale [4]. efficaces sur E. histolytica histolytica lorsque celle-ci a
– abcès amibien du cerveau ou de la rate.
Les examens séro-immunologiques, hémaggluti- envahi la muqueuse colique ou au-delà d’autres tissus
nation indirecte, Elisa et surtout immunofluorescence de l’organisme. Les nitro-imidazolés sont métabolisés
indirecte (positivité supérieure au 1/100), dont les dans le foie et s’éliminent par la bile dans l’intestin sous
■
résultats sont d’obtention plus tardive, montrent des forme d’un métabolite partiellement actif sur les
Diagnostic taux élevés d’anticorps sériques. Des faux positifs ont amibes de la lumière colique.
été signalés en cas de carcinome hépatocellulaire, de Le plus ancien, mais encore le plus utilisé, des nitro-
métastases hépatiques ou d’abcès à pyogènes. Les imidazolés est le métronidazole (Flagylt). De nouveaux
faux négatifs sont rares si l’on associe deux techniques dérivés, le tinidazole (Fasigynet), l’ornidazole (Tibéralt),
‚ Amibiase intestinale
différentes, mais il peut s’agir d’un retard à l’apparition le secnidazole (Flagentylt) se sont révélés de demi-vie
L’examen parasitologique des selles doit être des anticorps. De toute façon, lorsque le tableau plus longue et mieux tolérés. Leur pouvoir amoebicide
effectué avant tout traitement par un biologiste clinique est typique, on n’attend pas les résultats pour tissulaire au moins égal au nitro-imidazole permet de
expérimenté. pratiquer une épreuve thérapeutique les administrer en cures plus brèves, mais leur coût est
Dans l’amibiase intestinale aiguë, il est médicamenteuse. plus élevé (tableau I).
indispensable que les selles soient émises au mieux au La ponction, inutile dans la majorité des cas, L’action des nitro-imidazolés sur les amibes
laboratoire même ou qu’un échantillon y soit apporté montrerait que la lésion renferme un liquide épais, intraluminales reste imparfaite.
dans des délais très brefs pour éviter refroidissement et stérile, inodore, de couleur chocolat ou jaunâtre, fait Des effets secondaires fréquents mais générale-
dessiccation, en raison de la fragilité des amibes d’un mélange de tissu hépatique nécrosé et de sang, et ment modérés, surtout digestifs, sont atténués par la
hématophages. ne contenant pas ou peu d’amibes. fragmentation de la dose et la prise au cours des repas.
Le prélèvement à examiner immédiatement au L’examen parasitologique des selles peut être L’absorption d’alcool doit être évitée.
microscope entre lame et lamelle porte de préférence positif. Cependant la mise en évidence d’E. histolytica Les amoebicides dits de contact ont une action
sur des glaires mucosanglantes. dans les selles est inconstante et sa présence intraluminale colique prolongée car ils ne sont pas
En cas de négativité d’une première recherche, la éventuelle ne constitue pas un argument absolu en résorbés par la muqueuse intestinale. Ils détruisent les
répétition au moins deux autre fois de l’examen faveur d’une localisation hépatique de la parasitose. formes minuta du mucus et du bol fécal. Il en existe
parasitologique des selles est indispensable. La séro-immunologie doit toujours être associée à aujourd’hui peu de non absorbables (tableau II). Leur
S’il découvre des kystes d’amibes, le biologiste doit l’imagerie médicale pour porter avec certitude le efficacité partielle engage à répéter les cures
préciser leur nature : les kystes d’E. histolytica doivent diagnostic d’amibiase hépatique. thérapeutiques.
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Amibiase - 4-1300
Tableau II. – Amoebicide de contact. Traitement de l’amibiase-infestation et complément du traitement par un amoebicide tissulaire.
■
doivent être pratiqués qu’une quinzaine de jours après
est toujours prescrite pour éviter des rechutes, même si
la fin du traitement. Conclusion
l’amibiase colique concomitante est asymptomatique.
Le seul traitement médicamenteux suffit à guérir
Amibiase-colique maligne
les trois quarts des amibiases hépatiques. Il faut savoir évoquer le diagnostic d’amibiase en
Dans un service de soins intensifs, elle nécessite La ponction évacuatrice, réalisée sous échographie présence de symptômes coliques ou hépatiques. La
l’administration d’un amoebicide tissulaire et d’une et en milieu chirurgical, n’est pratiquée d’emblée que mise en évidence du parasite lors des localisations
antibiothérapie à large spectre (quinolone) par voie pour les abcès très volumineux (> 10 cm), en particulier coliques ou la conjonction d’une sérologie positive et
parentérale. De plus, il faut mettre en place une du lobe gauche et ceux d’accès facile car superficiels. d’une image évocatrice en cas d’amibiase hépatique
aspiration gastrique et une sonde rectale, veiller à Elle peut aussi être pratiquée en cas de doute constituent les moyens du diagnostic.
l’équilibre hydroélectrolytique et à un apport diagnostique, évoquant la possibilité d’un abcès à Grâce au nitro-imidazole et à ses dérivés, la
alimentaire parentéral et, au besoin, pratiquer des pyogène, ou, en l’absence d’une amélioration après guérison est obtenue de façon simple et rapide dans la
transfusions sanguines. La décision d’une colectomie 48 heures malgré un traitement amoebicide bien plupart des cas. Des formes graves persistent
partielle ou totale peut être prise. conduit. Insuffisante à elle seule pour amener la cependant, imposant le recours à la chirurgie.
3
4-1300 - Amibiase
Références
[1] Algayres JP, Valmary J, Maurel C, Lapprand M, Herody M, Daly JP et al. [4] Leonetti P, Moncany G, Soubeyrand J. L’abcès amibien du foie. Apport de
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259-264
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tifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-083-A-10, [5] Picot S, Ambroise-Thomas P. Facteurs et conditions de pathogénicité d’Enta-
1988 : 1-22 moeba histolytica. Lettre Infect 1994 ; 9 : 317-322
[3] Léger N, Danis M. Amibes et amibiases. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifi-
ques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-500-A-10, 1995 :
1-14
4
¶ 4-1340
Parasitoses intestinales
A. Faussart, M. Thellier
Parmi les affections du tube digestif, les parasitoses intestinales sont fréquentes. Toutefois, il faut
différencier les parasitoses d’importation (ankylostomoses, anguillullose, amoebose...), le plus souvent
associées à des séjours en zone tropicale, des parasitoses autochtones (oxyurose, giardiose, taeniasis...).
La symptomatologie est le plus souvent non spécifique et peu évocatrice (diarrhée, nausées, douleurs
abdominales...), ce qui doit encourager un interrogatoire précis afin de mettre en évidence le contexte
dans lequel surviennent ces troubles (origine, voyage, immunodépression...). Le diagnostic de certitude
est le plus souvent posé par l’examen parasitologique des selles. Pour cela, le prescripteur doit prodiguer
des conseils stricts pour le recueil des selles et bien connaître les examens spécifiques pour le diagnostic de
certains parasites (technique de Baermann, recherche de microsporidies, cryptosporidies...). Le mode de
transmission direct de certains parasites (oxyurose, giardiose...) impose l’association de mesures
préventives au traitement curatif.
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Tableau 1.
Parasitoses intestinales à rechercher devant la découverte d’une hyperéosinophilie sanguine a.
Patient n’ayant jamais quitté la France métropolitaine Patient d’origine ou de retour d’une zone tropicale
Parasitoses Examens biologiques à prescrire Parasitoses Examens biologiques à prescrire
Oxyurose EPS Anguillulose EPS
Scotch test de Graham Technique de Baermann
Taeniasis EPS Ankylostomoses EPS
Scotch test de Graham
Trichocéphalose EPS Ascaridiose EPS
Ascaridiose EPS Isosporose EPS
EPS : examen parasitologique des selles.
a
Contrôler l’évolution de l’éosinophilie une fois par mois pendant 3 mois si les EPS restent négatifs pendant cette période.
Oxyurose Flubendazole : 100 mg en prise unique Idem adulte Faire systématiquement une se- EPS, scotch test de Graham 1 mois après la
Pyrantel : 12 mg/kg en prise unique Idem adulte conde cure à 15-21 jours d’intervalle fin de la cure
Albendazole : 400 mg en prise unique (avec le repas) Après 2 ans idem adulte ; avant 2 ans,
demi-dose
Pyrvinium : 5 mg/kg en prise unique Idem adulte
Ascaridiose Flubendazole : 200 mg/j en deux prises pendant 3 jours Idem adulte Ivermectine possible hors AMM, EPS 15 jours à 1 mois après la fin de la cure
Pyrantel : 12 mg/kg en prise unique Idem adulte 200 µg/kg
Albendazole : 400 mg en prise unique (avec le repas) Après 2 ans idem adulte ; avant 2 ans,
demi-dose
Ankylostomoses Flubendazole : 200 mg/j en deux prises pendant 3 jours Idem adulte EPS 15 jours à 1 mois après la fin de la cure
Pyrantel : adaptée selon l’infestation et l’espèce Idem adulte
Albendazole : 400 mg en prise unique (avec le repas) Après 2 ans idem adulte ; avant 2 ans,
demi-dose
Trichocéphalose Flubendazole : 200 mg/j en deux prises pendant 3 jours Idem adulte EPS 15 jours à 1 mois après la fin de la cure
Albendazole : 400 mg en prise unique (avec le repas) Après 2 ans idem adulte ; avant 2 ans,
demi-dose
Anguillulose Albendazole : 400 mg/j en une prise pendant 3 jours Après 2 ans, idem adulte Ivermectine : à jeun 2 heures avant EPS avec Baermann et numération formule
(avec le repas) et après sanguine 15 jours à 1 mois après la fin de la
Ivermectine : 200 µg/kg en prise unique Idem adulte cure
Taeniasis Niclosamide : 2 g en deux prises espacées de 1 heure Plus de 25 kg, idem adulte ; de 12 à aÀ jeun EPS 15 jours à 1 mois après la fin de la
Praziquantel : 10 mg/kg en prise unique (avec le repas) 25 kg, demi-dose bPCH uniquement cure ; scotch test pour T. saginata
Amoebose intestinale Antiamibiens diffusibles : EPS 15 jours à 1 mois après la fin de la cure
aiguë Métronidazole : 1,5 g/j en trois prises pendant 10 jours De 30 à 40 mg/kg/j en trois prises
pendant 10 jours
Tinidazole : 1,5 g/j en une prise pendant 4 à 5 jours De 50 à 70 mg/kg en prise unique Antiamibien de contact impératif
Secnidazole : 2 g en prise unique (début du repas) 30 mg/kg en prise unique
Antiamibien de contact (3 jours après la fin du traitement) :
Tiliquinol + tilbroquinol : 4 gélules par jour en deux prises
pendant 10 jours
Giardiose Métronidazole : 0,5 g/j en deux prises pendant 5 à 7 jours Avant 5 ans : 0,25 g/j en deux prises EPS 1 mois après la fin de la cure
pendant 5 à 7 jours
Tinidazole : 2 g en une prise unique Pas d’AMM
Secnidazole : 2 g en une prise unique (début du repas) 30 mg/kg en prise unique
Albendazole : 400 mg/j en une prise pendant 5 jours Après 6 ans, idem adultes
(avec le repas)
Cryptosporidiose Uniquement chez l’ID Restauration immunitaire + + + EPS réguliers en fonction de l’état
Nitazoxanide : 2 g en deux prises pendant 2 à 8 semaines ( bATU) immunitaire et clinique
proportionnelles au nombre de parasites hébergés par le patient. suspicion d’amoebose tissulaire nécessite une hospitalisation en
Dans la majorité des cas, l’infestation, peu importante, reste urgence et une prise en charge thérapeutique immédiate.
asymptomatique et la découverte est fortuite lors d’un EPS. Pour
des infestations plus importantes, le tableau clinique peut être
une diarrhée chronique parfois sanglante, un retard de crois- Ankylostomoses
sance, un prolapsus rectal et en cas d’infestation massive une
anémie (en zone tropicale). À ce stade, l’éosinophilie sanguine Ce sont des parasitoses intestinales causées par Ancylostoma
est revenue à sa normale. Le diagnostic de certitude repose sur duodenale ou Necator americanus, petits vers ronds hématophages
Cryptosporidium sp. est possible [8]. Chez l’immunodéprimé, la fréquentes. Le diagnostic de certitude repose sur la mise en
maladie est décrite chez les patients cancéreux, les transplantés évidence à l’EPS d’oocystes d’Isospora belli. Une hyperéosinophi-
ou ceux traités par un immunosuppresseur au long cours, mais lie modérée peut être associée à cette infection.
elle est plus fréquente chez les patients séropositifs pour le virus
de l’immunodéficience humaine (VIH) avec un taux de lym-
phocytes CD4+ inférieur à 150/mm 3 . La cryptosporidiose
chronique fait entrer les patients dans le stade
■ Examen parasitologique
sida [9].Typiquement, l’infection revêt un caractère sévère avec des selles
une diarrhée aqueuse, cholériforme (jusqu’à 20 selles par jour)
pouvant associer des douleurs abdominales, des vomissements Le diagnostic biologique des parasitoses intestinales repose en
ou de la fièvre. Les symptômes peuvent persister durant des premier lieu sur l’EPS. Cet examen a pour but de rechercher des
semaines, entraînant des désordres hydroélectrolytiques et éléments indicateurs d’une infection parasitaire (adultes, larves
nutritionnels. Un second caractère de gravité réside dans le fait ou œufs d’helminthes, kystes/formes végétatives de protozoai-
que la cryptosporidiose peut disséminer aux voies biliaires res, cristaux de Charcot-Leyden 1 ...). Cependant, il faut noter
(cholécystite, cholangite sclérosante) et aux voies aériennes que, à l’instar des bactéries, tous les helminthes ou tous les
(pneumopathies interstitielles). Le diagnostic de certitude repose protozoaires présents dans les selles ne sont pas des pathogènes.
sur la mise en évidence des oocystes de Cryptosporidium spp. Certaines espèces sont commensales du tube digestif (Entamoeba
dans les selles, soit par la coloration de Ziehl-Neelsen modifiée, coli, Endolimax nana, Entamoeba hartmanni ...) ou œufs en
soit par une technique d’immunofluorescence utilisant des simple « transit » (œufs cuits contenus dans des aliments,
anticorps spécifiques. Ces techniques ne font pas partie de l’EPS exemple : pâté de foie...).
standard ; le clinicien doit donc prescrire spécifiquement cette Selon la Nomenclature des actes de biologie médicale, un EPS
recherche. Chez l’immunodéprimé, on associe au traitement comprend :
médicamenteux spécifique (Tableau 2) une rééquilibration du • un examen macroscopique de la selle à la recherche de ver
bilan hydroélectrolytique et nutritionnel. L’expérience de adulte (ascaris, oxyure, anneaux de Taenia...) ; cet examen
l’épidémie de cryptosporidies de Dracy-le-Fort, due à une précise d’autre part la présence de sang ou de glaire, ainsi que
contamination du réseau de distribution de l’eau par des eaux la couleur et la consistance de la selle ;
usées, a conduit à des recommandations en termes d’alerte ; il • un examen microscopique, qui comprend : un examen direct
est notamment rappelé aux médecins libéraux leur rôle de à l’état frais, sur selles émises depuis moins de 3 heures, pour
sentinelle pour l’alerte (signalement à la Direction départemen- mettre en évidence des formes végétatives de protozoaires,
tale de l’action sanitaire et sociale du département de cas qui précise le degré de digestion du bol alimentaire et la
groupés d’une symptomatologie identique), ainsi que la néces- présence éventuelle d’éléments non parasitaires (leucocytes-
sité de prescrire explicitement la recherche de cryptosporidies hématies, cristaux de Charcot-Leyden...) ; deux techniques de
dans les selles en présence de cas groupés de gastroentérite. concentration, qui augmentent la sensibilité pour la détection
des œufs d’helminthes et des kystes de protozoaires, mais qui
ne permettent pas de retrouver les formes végétatives plus
Cyclosporose fragiles.
Afin d’optimiser cet examen, un certain nombre de données
C’est une parasitose digestive due à Cyclospora sp. dont la
doivent être connues.
distribution géographique est étendue, essentiellement dans les
L’élimination des œufs et des kystes peut être variable d’un
zones tropicales et subtropicales, Amérique centrale et du Sud,
jour à l’autre (période dite « négative ») ; il est donc recom-
Caraïbes, Asie du Sud-Est, Pakistan, Australie [10]. Les données de
mandé de réaliser trois EPS recueillis à quelques jours d’inter-
la littérature sont en faveur d’un mode de contamination
valle, sur une période de 8 jours, avant de conclure à la
hydrique par ingestion d’oocystes matures. La période d’incuba-
négativité de l’examen.
tion est de l’ordre de 2 à 7 jours, la diarrhée peut être d’inten-
Une coopération clinicobiologique est indispensable afin
sité variable accompagnée ou non de troubles dyspeptiques ou
d’adapter au mieux les techniques utilisées. Le praticien doit
de fièvre. Chez l’immunodéprimé par le VIH, la diarrhée revêt
communiquer au laboratoire les données épidémiologiques
un caractère plus abondant à l’origine d’un amaigrissement
(origine du patient, éventuels voyages réalisés), les données
majeur et d’une diarrhée chronique (plus de 1 mois) pouvant se
cliniques (antécédents, symptomatologie, immunodépression...),
compliquer de localisations biliaires comme dans la cryptospo-
les données paracliniques (numération-formule sanguine,
ridiose. Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence
syndrome inflammatoire...) et préciser son orientation
des oocystes de Cyclospora sp. à l’EPS. La parasitose étant peu
diagnostique.
fréquente, il est utile que le clinicien précise le contexte clinique
Particularités de prescription : la mise en évidence de crypto-
de la demande.
sporidies, de microsporidies et la recherche de larves d’anguil-
lules par la technique de Baermann ne font pas partie de l’EPS
Isosporose standard. Si le contexte n’est pas précisé, elles doivent faire
l’objet d’une prescription spécifique. Concernant le diagnostic
Parasitose intestinale due à Isospora belli, elle est largement d’amoebose, il est à noter que seule la visualisation microscopi-
répandue en zone tropicale (Amérique centrale et du Sud, Asie que de formes végétatives hématophages permet de conclure à
du Sud-Est, Afrique). L’homme se contamine en ingérant des l’espèce Entamoeba histolytica. Lorsque seuls des kystes ou des
oocystes sporulés transmis par l’intermédiaire d’aliments ou formes végétatives non hématophages sont mis en évidence, le
d’eau contaminés par des matières fécales. L’oocyste libère des compte rendu biologique est « Entamoeba histolytica/Entamoeba
sporozoïtes qui se multiplient dans les cellules épithéliales de dispar » puisqu’il n’est pas possible de discriminer ces deux
l’intestin pour donner de nouveaux oocystes éliminés avec les espèces. D’autres techniques doivent être mises en œuvre
selles. Une maturation de 2 à 3 jours dans le milieu extérieur (technique enzyme linked immunosorbent assay, biologie molécu-
est nécessaire pour aboutir aux oocystes sporulés infectants. Le laire) afin de distinguer l’espèce pathogène, nécessitant une
principal motif de consultation chez l’immunocompétent est la prise en charge thérapeutique, de l’espèce non pathogène [11].
présence d’une diarrhée aiguë (liquide, parfois muqueuse) Peu de laboratoires réalisent ces techniques complémentaires, ce
associée à des douleurs abdominales pouvant s’accompagner de qui conduit le plus souvent à des traitements excessifs.
fièvre, de nausée et de vomissements. Chez l’immunodéprimé et
en particulier pour les patients infectés par le VIH, le tableau
1
clinique peut être extrêmement sévère, avec une diarrhée Les cristaux de Charcot-Leyden sont les témoins d’une éosinophilie locale ;
chronique entraînant une déshydratation importante et un lorsqu’ils sont associés à une hyperéosinophilie sanguine, ils doivent faire
syndrome de malabsorption. Les rechutes après traitement sont rechercher une helminthose.
■ Références
.
A. Faussart (alexandra.faussart@psl.ap-hop-paris.fr).
M. Thellier.
Service de mycologie et parasitologie, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Faussart A., Thellier M. Parasitoses intestinales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
4-1340, 2007.