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SUR LES SERAPHINS er SUR LES CHERUBINS D’EVAGRE LE PONTIQUE DANS LES VERSIONS SYRIAQUE ET ARMENIENNE Les deux piéces « Sur les Séraphins» et « Sur les Chérubins », renferment un bref commentaire sur la vision des Séraphins, Isaie VI, 2-3, et sur la vision non moins célébre des Chérubins, Hzéchiel I, 18 et X, 12. On y retrouve la pensée théologique et ascétique a’Evagre dans une forme philosophique qui est un des traits caractéristiques de son grand ouvrage, les Six Centu- ries*, Aussi nos deux piéces offrent-elles de nombreux points de contact avec cet ouvrage. Citons, par exemple, ce qui est dit de la contemplation de la sainte Trinité (Cent., I, 75) et de la contemplation naturelle premiére (Cent., III, passim). Le texte orginal de ces piéces est perdu. On en pos- séde une version syriaque contenue dans quatre manu- scrits du British Museum’. Il existe également une version arménienne de la piéce « Sur les Séraphins ». Nous reviendrons plus loin sur ce texte arménien ; nous 1 W. Franxennene, Evagrius Pontius (Abh. der kgl. Gesellsch, der Wissensch, tm Géttingen, Phil-hist, Klasse, N. F., XIII, 2), Berlin, 1912, p. 49-471, a Publié le texte syriaque des «Six Centuries» d’Evagre avec le commentaire de Babai; le texte a’Evagre a été traduit en gree, le commentaire de Babai en allemand, — L/aneienne version arménienno du méme ouvrage a été publiée par B. Saroursstax, Vie et cuvres d’Evagre le Pontique, Venise, 1907, p. 143-216 (en arm,). 2A, BauMsark, Geschichte der syrischen Literatur, Bonn, 1922, p. 87, aM, 1 368 J. MUYLDERMANS donnerons, en premier lieu, le texte inédit et la traduc- tion de la version syriaque*. Les manuscrits utilisés sont : A = Add. 14578, f* 118-119 ; VI°-VIT° siécle. B = Add. 12175, f* 64-64" ; VI° siécle. C = Add. 17167, f* 14-15 ; VI'-VII’ siécle. D = Add. 17192, f* 2°-4 ; [X° siéele. Malgré sa date tardive (IX° siécle), nous avons re- produit le texte du codex D. C’est l’état du texte manu- serit, en particulier celui de la piéce «Sur les Séra- phins», qui a déterminé ce choix. Remarquons tout d’abord que A ne peut pas étre pris comme base de l’édition : la collation des manuscrits montre en effet que le texte de B C D est bien meilleur que celui de A; d’autre part, le codex C est, par endroits, peu lisible par suite de l’humidité dont a souffert le parchemin. Les témoins AC devant étre écartés, il fal- lait choisir entre B et D. Il semblerait tout indiqué de donner la préférence au plus ancien codex, B: il est daté du VI° siécle et, plus exactement, peut-étre de |’an- née 534‘, par contre D est du IX* siécle. Mais un fait s’y oppose : B ne représente pas, ce nous semble, fidéle- ment la tradition manuscrite ; il a des legons — il est vrai peu nombreuses — qui ne figurent pas dans les au- tres témoins *°. Nous sommes ainsi amené 4 donner le texte D, le plus récent des manuscrits utilisés. 3 Nous remercions M. le professeur R, Draguet qui a bien voulu lire la traduction du texto syrinque, et lo R. P. Grégoire Sarkissian, Méchitharisto do Venise, qui a aceepté de revoir la traduction du texte arménien, 4°.W. Wricut, Catalogue of Syriac Manuscripts in the British Museum, Londres, 1871, Part I, p. 633. 5 Voici ces variantes: B lit re@& foo au lieu de ACD rXaso; — B emploie deux fois le verbe ryas 08 ACD ont Tad et inh; — ACD word B sastoadh (variante du suffixe objectif). SUR LES SERAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 369 Tl faut ensuite dire un mot de l’intégrité du texte. Dans tous les manuserits, les deux piéces se suivent ; dans BC D, qui sont des recueils d’ascetica, elles pren- nent place parmi d’autres textes d’Evagre, dont la plu- part sont des excerpta. Le fait que les deux piéces sont insérées parmi des excerpta, ne prouve évidemment pas que nous ayons affaire 4 des fragments ; la question doit néanmoins se poser. Méme le codex A, entigrement consacré aux ceuvres de notre auteur, ne dissipe pas ce soupgon. En effet, ce volume, qui renferme des écrits complets mis sous le nom d’Evagre, le Practicus, le Gnos- ticus, le Tractatus ad Eulogium, ’Antirrheticus, le De octo spiritibus malitiae, le De malignis cogitationibus, les Sia Centuries, contient également des nombreux frag- ments. Ainsi nos deux piéces sont précédées dans A de trois extraits empruntés 4 l’ouvrage De malignis cogi- tationibus *, La question de la teneur intégrale du texte se pose done et mérite d’étre examinée, mais elle doit étre réservée comme ne pouvant pas étre traitée a l’oc- casion de la présente étude. © Cos trois pidees n’ont pas encore, & notre connaissance, été identifiées. Nous nous bornons présentement & donner quelques braves indications, nous réser- vant d’y revenir plus en détail dans une étude sur la tradition manuserite syriaque d’Evagre le Pontique. Les titres avee leur numéro d’ordre sont cités ici d’aprés le catalogue de W. Waren, 0. ¢, Part II, p. 445 sqq.: 26 «By what things the intellect is impressed and by what not», = Tov vonpatov @. G, 79, 1228 C, 4); — 27 © On unclean thoughts », = Mévres of dxéPapror Aoytopoi (P. G., 79, 1225 D, 6); — 28 «On the Philistine demons», = Tov avrixeipévoy datpdvov (P. G, 79, 1228, eap. XXIV); — 29 «On the Seraphim >, — 30 «On the Cherubim», Signatons dans le méme manuserit un quatridime extrait du mémo traité De malignis cogitationibus ; 12 «A tract entitled... »; dans A, Baumsrarx, Gesch. syr. Lit., p. 88, le titre est: « Die Ziele, auf denen die hovxia des Monchtums beruht», = “Orav tivis Ov axabeptov hoyiopov (P. G, 79, 1224, cap. XXII). 3 a fo 2v 370 J. MUYLDERMANS TEXTE (British Museum Addit. 17192) ‘reaim das se Qondur’ mclilss essai .. aduaX wher aio er whotdas .. am) dure radon Gs rsiowh +f rdaagts S amoase Go piher a i‘ rduuam whona Teas i harasindos els J oiaw durcascw mols rélisass oo dulce . otsorts ets +. amdad phos rdutoac moles ‘oohss harem + ian oda Petesoaes Mer SN J oemihs uta ethos ux sc eis user ume: aishdone wdusishos el ow *whatsrama : Wale els cisdur’ edunad . ero nro mao mdwaned mam son. wher hadulhs ehwaszhs “aia iam: whalsaes hala: hls wm. wot mona .amras cola oan. acl reétlisoa . amt réstarhs GX ato vdwanshs ehansor hoiml régas wise élsa ke. Godus souls al .eduiwod wer Usrdior els poss ocd cod who . mace de rrelnion were reuenn dla sod pn él. aagiaor Pasinhos edaiow whom hasmesls ule ele 1 Inscriptio A watXorta ois : aio dan coh — B om. — C réaioo Man— D rtsazss waxes . json lis ds + Mezino Whdior og rézias Sadan (eg. wire) pie © extXar’ bo durtsone — 2 ABC rtstarch— 3B raion — 4B wduiom —5C amasan —6 AC reaagia —7A superscribit et — 8 Baadsaare —9 Aadd, whi — 10 A om. moo plrsra — 11 A aeeredun Gadus B rfyaan — 12 ABC pasa — 13 A asin B asiadhos SUR LES SKRAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 371 " caadure’ hus 6 CSA iste ie aos wr halla. whanama halle . rams whale Vi pclsodee Prka ex hana . Moadeor ase + oisdure soma GX miss: haisuos ehomealhos us cer Poasagia . whler en Polsm : whaisin Meharh moa rhaliss el os LAG : whaulwa sretaos mune don ehoisnan on chee Thad "8 ehvie Whwaaesh sadilh esas pan ace Sehuarsa “ducal hal .rsida cls edesehas am. hartae raisin Whadulh «dus rus hisa durdom “dad maisc: mdwaih xine ras palsies aca: lakes oes Gr duriade "oodwaash erase sdudur’ gt mam : mhasase saad mal. wes Ar .2HO Reno pon sa. rezaden waise Wins i> e_oms *rtsoia Ls sedomdur’ melilsa mestain stds wX retsatas aco tas Xora acd .vduiiam hho hartiao re, redsa .teoshse Gad Nba ona "ath Xo + Menaor wait “mhaizasma mhaaio u> thas 1A ute —15A wWinussia B riiwma — 164 10 rWhasaas — 17A wl — 18 ABC elisha — 19 A calsama —20A reaagta —21B restart — 22 A what onda’ C rehani — 230 eheseha — 24 whanlw — 2A rwhowoes — 6A ea — 2A bwanzd\ — 28 Inscriptio AC eootia Lan — 29 AC HX, — 30 A arereh B eetis — 31B Aas — 324A dass — 33 A in marg. adaiensa 5 fo av fo 3y fo4 372 J. MUYLDERMANS hgh Neste .ieth whal “tN nuai “whassl, elo wharas + udu os” hath cals 02 Or’. rdurono dus on hee Rotachs résacah release s ehasdulh reduisXhmse heros résus.on 100 cadurds wrhaama méllas wole oid haste orator mlam meélno eheono ison’ ror. whasmws whadulda ,whadulhs reine isan’ cele wlal easar ols. rzaaor vata risa ¢ poor 34.A ml — 85B ston — 36 A wetorts — 37 A litteram a superseribit, TRADUCTION SUR LES SERAPHINS? Les Séraphins aux six ailes sont des étres raisonnables?; ils ont (en propre) la contemplation ® des choses (les plus) profondes ; Pexeellence (sur tous les autres) * et 1a connaissance intelleetive. 1 Le codex D dont nous reproduisons lo texte, n’a pas de titre spécial pour Ja pide, Un titre général introduit le recueil des Patristica, parmi lesquels Jes textes d’Evagre viennent au premier rang ; co titre s’énonce comme suit : “Avec Vaide de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous commengons a écrire le recueil des saints Péres et d’abord (des eztraits) d’Evagre ». — Le titre qui figure en téte do notre texte 6dité est celui du codex C. 2 «L?ange est une nature raisonnable incorporelle » Cent. V, 7 (FRANKEN- BERG, p, 320). Nombreux sont les passages d’Evagre od il est question des anges, Il parle de leur ordonnance hiérarehique dans Cent. II, 78, dont le texte gree nous a été conservé par saint Maxime (Schol. in libr. de eocl. hierarch., €. 6, P. G., 4, 173 A): “Exactov Taya Tov obpavioy duvéqtewy, A Shov éx Tov xéto, A lov éx Tov Eve, f &x Tov Bvw xai &x Tov xétw GuvéotHxs. Frankenberg a reproduit sans plus pour traduction le texte fourni par Maxime 5 mais il est & noter quo les traductions syriaque (FRANKENuERG, p. 182) et arménienno (SARGHISSIAN, p. 166,) lisent d’abord é tv &vw et ensuite 2x Tov xéTO. 3 ABC «la contemplation », D «les contemplations », 4 Nous pensons que tel est le sens du syriaque, Cette interprétation qui place les Séraphins au rang le plus élevé de la hiérarchie céleste, est conforme au 6 SUR LES SERAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 373 Que de deux ailes ils se couvrent la face, c'est (pour signifier) qu’ils ne regardent pas avec témérité les choses inscrutables. Que de deux ailes (ils se couvrent) les pieds, c'est (pour signifier) qu’ils ne disent pas le secret ineffable du jugement et (ce qui fait Vobjet de) la prescience providentielle de Dien 5. Que de deux (ailes) ils volent de deux c6tés, c'est (pour signifier) quills voient, A droite, les choses inscrutables, et se soutiennent®, Qu’ils clament et disent : «Saint, Saint, Saint !», c'est la confession incessante et la proclamation? de la gloire de la sainte Trinité, car cette glorifica- tion croft avec les étres raisonnables® et elle les affecte & proportion de la perfection de (leur) intelligence ot elle les éléve®, afin qu’ils confessent de toute leur ame la grandeur de In sainteté de (cette) gloire. Car Ia régle de la contemplation spirituelle, e’est non seulement que nous admirions 9; mais aussi que nous n’osions pas seruter toute chose, ni Vineffable, ce qui serait (user) de la face, ni ce qui a trait au jugement, co qui serait (user) des pieds, mais les choses qui sont scrutées par la pre- science providentielle, ce qui est (user) des ailes ouvertes et éployées. Double est la puissance de Vintelligence : la rationalité et ’intellectivité. La rationalit6 est (le domaine de) co qui s’exprime ; Pintellectivité est (le domaine de ) Yineffable (qui procéde) par Vobéissance de le foi!. Car la droite de Vintelligence, c'est la foi ; sa gauche, c'est le verbe1?; sa face, c'est Ia révélation ; les pieds, c'est la non-rationalité procédant par Ves- sontimont commun des Pares, Cependant chez tous les auteurs orientaux, cet ordre n’est pas toujours regu. Babai énumére dans le commentaire de la 2¢ Centurie, cap, 78 (texte gree eité el-dessus, note 2), la Ire hiérarchie dans Vordre suivant: Trones, Séraphins, Chérubins. 5 Cf, Rom., XI, 33, — Hivagre fait souvent mention de la Providence ot du jugement e. a. Cent. I, 27, voir ci-apras, note 19 ; Abdyot mpovoiag cxoreivoi xai Svavontor xpicews Cewpian, Miroir des moines, 132 ; hdyor npovoias xai xpi- Gews, idem, 135, 6d., H. GRESsMANN, T. U., 39, 4, 1913, p. 164 ot 165. 6 On traduirait en gree par : xa gepdpevor. — On retrouve chez Evagre les notions de droite et de gauche avec un sens allégorique, ef. Cent, II, 89 (Prankenberg, p. 188) et Cent, Suppl. 27 (Id., p. 450). 1A «proclamation magnifique ». 8 Crest-A-diro : grandit & mesure que l’on est plus haut plaeé dans 1’échello des étres raisonnables, ® A omet: «et elle les éléve », 10 A «que nous admirions et contemplions », — B «que nous voyions ». 11 Zom., I, 5. — Voir ce que dit Evagre do la «rationalité », Lettre 62° (Pranxenpera, p. 610). 12 Il faut comprendre par «le verbe », non pas le Verbe de Dieu, mais la Parole humaine, ou comme Evagro l’appelle «le messager des pensées » Lettre 620 (PRaNKENpERG, p. 610). 7 374 J. MUYLDERMANS prit 9 et Vétude ; 1a clameur, c'est la proclamation inspirée par une vo- lonté bonne ; le triple « Sanctus !», c'est la glorification mystérieuse qui fait Pobjet du ministre des étres incorporels auprés de la divine ‘4, glori- euse et consubstantielle Trinité du Seigneur Sabaoth, de la gloire duquel sont remplis les cieux et la terre 8. Ses couvres, en effet, proclai-ent jus- tement sa gloire, mais surtout la nature raisonnable, qui a été faite & son image et conformément a sa ressemblance, entendez : conformément au Fils et A VEsprif-Saint ; quand, (en effet), le Péro saint commanda1, c'est avec eux aussi qu’il créa. SUR LES CHERUBINS Les Chérubins aux yeux multiples sont des étres raisonnables dotés @une puissante connaissance intellective. Celui, en effet, qui a des yeux nombreux, remarque beaucoup et est éelairé de tous e6tés, ot il reste sans ombres & cause de la présence et de Paction de VEsprit-Saint!7, « Car ton bon esprit me conduira dans une terre droite ».18 La rectitude (en question), c'est la clarté et Vabsence @erreur affectant la contemplation sainte, soit (la contemplation) naturelle premidre, soit celle de la sainte et adorable Trinité, qui couronne de la couronne de justice Vintelligence qui aime Dieu, qui est celle qui est dite 1° premidre, (et qué est) une contempla- 18 Ou «V’attention », B lit «1a contemplation », 14 A cauprés do la divinité et do la glorieuse, ote. ». 15 Is, VI, 3. 1€ A savoir, pour la eréation : « Que la terre soit, quo la lumiére soit, ete. ». 17 A ©A cause do la présence, de Willumination et de l’action de 1’Esprit Saint ». 38 Ps, CXLII, 10, — A «Ton bon esprit me conduira dans son chemin droit », 19 vagre distingue cinq contemplations (@cwpiat) fondamentales: «Il y a cing contemplations principales, dont l’objet épuise la totalité des contem- plations : la premiére est, comme disent les Péres, !a contemplation de I’adorable ‘Trinité : la seconde et la troisiéme sont la contemplation des étres incorporels et des &tres corporels ; la quatriéme et la cinquiéme sont Ia contemplation du jugement et de la Providence de Dieu » (Cent, I, 27 ; FRANKENBERG, p. 72). Mais le plus souvent Evagre laisse de e6té le jugement et la Providence et ne retient que les trois premidres @ewpiat: 10 la contemplation de 1a Sainte ‘Trinité, 20 la contemplation des tres incorporels ou encore, selon Evagre, la contemplation naturelle premitre ; 3° la contemplation des étres corporels ou Ja contemplation naturelle seconde, La contemplation de la Sainto Trinité est la premiére et la plus élevée, elle est, comme dit Evagre, «la couronne de justice ». «Si la couronne de justice est la connaissance de la Sainte ‘Trinité, i] est clair que les saints en seront couronnés au terme de leur course » (Cent, I, 75 ; FRaNK=NBERG, p. 112. Cf, 2 Tim., IV, 7-8). «Si la perfection de SUR LES SHRAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 375 tion sainte et immatérielle, j’entends (contemplation de) \'Unité dans la Trinité et (de) la Trinité dans Unité, Pére et Fils et Esprit-Saint, & qui soit gloire dans les siéeles des sidcles. Amen. we Tl nous reste 4 examiner la version arménienne. Com- me nous l’avons déja dit, seul le texte « Sur les Séra- phins» s’est conservé en arménien. I occupe la vingt- cinquiéme place dans le recueil des lettres de la publi- cation des ceuvres d’Hvagre*. Il n’y a pas cependant un seul trait dans le contenu qui permette d’y reconnaitre une lettre dans le sens ordinaire du mot, si bien que l’ad- dition dans le titre «vingt-cinquiéme (lettre) » n’a_ aucune raison d’étre*®. La version arménienne est sub- Vintellect ost 1a connaissance spirituelle, ainsi que le disent les Pares, (con- naissance spirituclle) dont la couronne est la connaissance do la Trinité Sainte, il est manifeste que celui qui en est privé, est loin de la perfection » (Cent. IIT, 15 ; FRaNKENBERG, p, 198), « L’intellect ne sera pas couronné de la couronne de Ja connaissance essentielle, s'il n’a pas éearté 1a connaissance des deux combats (¢’est-a-dire s'il connait encore Je combat contre 17 émOupia et le combat contre le upc) » (Cent. IIT, 49 ; FraNKENBERG, p. 222). La con- templation dite naturelle premigre dont il est également question dans notre texto vient immédiatement aprés la contemplation de la Sainte Trinité. Elle @ pour objet les étres incorporels :. les anges, les démons et 1*4me (Cent. IIT, 67 ; FRaNKensenc, p, 234). C’est uno contemplation spirituelle de 1 intellect qui tend tous ses efforts vers la connaissance de ce monde suprasensible par de longues et difficiles pratiques do I’ascdse, et qui y parvient enfin lorsque V’ame s’est élevée & la perfection (Cent, IIT, 24; FRANKENBERG, p. 204). Les références sont trop nombreuses pour que nous les eitions toutes ; signalons en quelques-unes : Cent, IIT, 8, 27, 33, 42, 61, 84, 86, 87. 7 B. Saxcuissian, Vie et @uvres d’Evagre le Pontique, Venise 1907, p. 363- 364 (en arm,). 5 8 Nous avons déja eu l’occasion de signaler ailleurs quatre autres textes qui se sont glissés parmi les lettres d’Evagre en version arménienne : lo Ad Vir- gines, la lettre 22¢, 6d., p. 355-359 (ef. Fragment arménicn du « Ad Virgines » @Evagre, Le Muséox, LIII (1940), p. 77-87) ; 20 De magistris et discipulis, Ja lettre 23e, éd., p, 359-360 (cf. Saint Nil en version arméniennc, Le Muséon, LVI (1943), p. 86-90) ; 30 Principium sciontiae veritatis, la lettre 30¢, 64., P. 374-376 et 40 De perfectione, la lettre 24e, 64,, p. 361-363 (cf. Evagre le Pontique. Les Capita cognoscitiva dans les versions syriaque et arménicnnc, Lx Mustox, XLVII (1934), p, 88-93 ot 97-106), 9 374 J. MUYLDERMANS prit 13 ot Vétude ; la clamenr, e’est Ia proclamation inspirée par une vo- lonté bonne ; le triple « Sanctus !», eest la glorification mystérieuse qui fait Vobjet du ministdve des étres incorporels auprés de la divine", glori- euse et consubstanticlle Trinité du Seigneur Sabaoth, de la gloire duquel sont remplis les cieux et Ia terre 1. Ses couvres, en effet, procla:~ont jus- tement sa gloire, mais surtout la nature raisonnable, qui a éé faite A son image et conformément A sa resemblance, entendez : conformément an Fils et & Esprit-Saint ; quand, (en effet), le Pére saint commanda!s, c'est avec eux aussi qu'il eréa, SUR LES CHERUBINS Les Chérubins aux yeux multiples sont des étres raisonnables dotés @une puissante connaissance intellective. Celui, en effet, qui a des yeux nombreux, remarque beaucoup et est éclairé de tous edtés, et il reste sans ombres & cause de la présence et de Paction de YEsprit-Saint 7. « Car ton bon esprit me conduira dans une terre droite ».18 La rectitude (en question), c'est la clarté et Vabsence d’erreur affectant la contemplation sainte, soit (la contemplation) naturelle premitre, soit celle de la sainte et adorable Trinité, qui couronne de la couronne de justice intelligence qui aime Dieu, qui est celle qui est dite ° premitre, (et qui est) une contempla- 18 Ou «1’attention », B lit «la contemplation », 14 A cauprés de la divinité ot do la gloriouse, ote. ». 35 Is., VI, 3. 16 A savoir, pour la eréation : « Quo la terre soit, que la lumidre soit, ete. ». 17 A @A cause de la présence, de Willumination et de action de 1’Esprit Saint ». 18 Ps, CXLIT, 10, — A «Ton bon esprit me conduira dans son chemin droit ». 19 Evagre distingue cinq contemplations (@cwpiat) fondamentales: «Il y a cinq contemplations principales, dont M’objet épuise la totalité des contem- plations : Ia premiare est, comme disent les Péres, 1a contemplation de 1’adorable ‘Trinité : 1a seconde et la troisiéme sont la contemplation des étres incorporels et des étres corporels ; la quatriéme ct la einquiéme sont la contemplation du jugement et de la Providence de Dieu » (Cent, I, 27 ; PRANKENDERG, p. 72). Mais le plus souvent Evagre laisse de eété lo jugement et la Providence et ne retient que les trois premi’res @ewpiat: 1o la contemplation do la Sainte ‘Trinité, 20 la contemplation des étres incorporels ou encore, selon Evagre, la contemplation naturelle premitre ; 3° la contemplation des étres corporels ot la contemplation naturelle seconde. La contemplation de la Sainte Trinité est la premigre et la plus élevée, elle est, comme dit Evagre, «la couronne do justico », « Si la couronne de justice est Ia connaissance de la Sainte Trinité, il est clair que les saints en seront couronnés au terme de leur course » (Cent, I, 75 ; PRavKENpERG, p. 112. Cf, 2 Tim., IV, 7-8). « Si la perfection de 8 SUR LES SHRAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 375 tion sainte et immatérielle, j’entends (contemplation de) Unité dans la Trinité et (de) la Trinité dans l’Unité, Pére et Fils et Esprit-Saint, 4 qui soit gloire dans les siéeles des siécles. Amen. we Il nous reste 4 examiner la version arménienne. Com- me nous l’avons déja dit, seul le texte « Sur les Séra- phins» s’est conservé en arménien. Il occupe la vingt- einquiéme place dans le recueil des lettres de la publi- cation des ceuvres d’Eevagre ", Iln’y a pas cependant un seul trait dans le contenu qui permette d’y reconnaitre une lettre dans le sens ordinaire du mot, si bien que l’ad- dition dans le titre «vingt-cinquiéme (lettre) » n’a_ aucune raison d’étre*®. La version arménienne est sub- Vintellect est 1a connaissance spirituelle, ainsi que le disent les Pares, (con- naissance spirituclle) dont la couronne est la connaissance do la Trinité Sainte, il est manifeste que celui qui en est privé, est loin de la perfection » (Cent, IIT, 15 ; Franxensena, p. 198), « L’intelleet no sera pas couronné de la couronne de Ja connaissance essentielle, s’il n’a pas éearté la connaissance des deux combats (c’est-A-dire s'il connait encore 26 combat contre 17 émOupia et lo combat contre le @vpds) » (Cent. IIT, 49 ; Franxenseno, p. 222). La con- templation dite naturelle premigre dont il est également question dans notre texte vient immédiatement aprds la contemplation de la Sainte Trinité, Elle pour objet les étres incorporels :. les anges, les démons et 1’4me (Cent. IIT, 67 ; Franxensene, p, 234). C’est une contemplation spirituelle de 1’intelleet qui tend tous ses efforts vers la connaissance de ce monde suprasensible par de longues et difficiles pratiques do l’asedse, et qui y parvient enfin lorsque Tame s’est élevée & Ja perfection (Cent, IIT, 24; FRANKENBERG, p. 204). Les références sont trop nombreuses pour que nous les citions toutes ; signalons on quelques-unes : Cent. III, 8, 27, 33, 42, 61, 84, 86, 87. TB, Sanouissian, Vie et euvres d’Evagre te Pontique, Venise 1907, p. 363- 364 (en arm,). 2 8 Nous avons déja cu l’occasion de signaler ailleurs quatre autres textes qui se sont glissés parmi Ies lettres d’Evagre en version arménienne : lo Ad Vir- sines, la lettre 22¢, éd., p. 355-359 (ef. Fragment arménien du « Ad Virgines » @Evagre, Le Muséox, LIII (1940), p. 77-87) ; 20 De magistris et discipulis, la lettre 23¢, 6d., p. 359-360 (ef. Saint Nil en version arméniennc, Le Muséon, LVI (1943), p. 86-90) ; 30 Principium sciontiae veritatis, la lettre 30¢, 6d., P. 374-876 et 40 De perfectione, la lettre 24°, 6d. p. 861-863 (cf, Evagre le Pontique. Les Capita cognoseitiva dans les versions syriaque ct arménicnnc, Lx Moston, XLVII (1934), p. 88-93 et 97-106), Q 376 J. MUYLDERMANS stantiellement la méme que la version syriaque, et il n’y a pas de doute que nous ayons devant nous un texte traduit du syriaque. Toutefois, dans les détaiis, le texte arménien s’en éloigne sur plusieurs points; il se présente, en somme, avec tous les indices d’une recension abrégée et remaniée. Il est cependant probable que toutes les divergences de l’arménien ne soient pas des altérations arbitraires. On y découvre, en effet, la trace de quelques éléments nouveaux qui semblent étre d’origine évagrien- ne et qui, selon toute probabilité, n’ont pas été intro- duits dans le texte arménien par son traducteur. Nous sommes ainsi induit 4 penser que le modéle syriaque de l’arménien serait une rédaction différente de celle que nous fournissent les témoins connus *. On trouvera ci-dessous le texte de l’édition de B. Sarghissian, qui est basé sur le manuscrit d’Etchmiad- zin, n° 1500 (ol. n° 944), écrit par l’historien Méchithar d’Ayrivankh, en 1282. Nous donnons en note les varian- tes du manuscrit de Korium Vardapet, daté de 1384. Dans l’édition de B. Sarghissian les variantes sont pré- cédées du sigle 44,0 ; pour une plus grande commodité, nous les désignerons par K *. ® Nous avons relevé dans les notes de notre traduction du texte arménien quelques textes paralléles d’Evagre qui nous semblent confirmer cette opinion. 10 L,’éditeur a imprimé, page 363, au bas du texte, une note en arménien dont voiei la traduction : «II est & remarquer que dans les Mss syriaques DLXVII (Ada. 14578) et DOCXXXVI (Add. 12175) du British Museum se trouve non Pas un, mais deux discours, ¢’est-A-dire les textes intitulés De Seraphim et De Cherubim. Nous pouvons dire que tous deux ont été traduits au cours des temps en entier en arménion, Malheureusement, seul le premier nous est conn et encore pourrait-il ne pas 1’étre intégralement, Ners’s Chnorhali — comme nous Vavons vu dans 1’Introduetion — a eu connaissance non seulement des deux discours dans une forme plus étendue, mais il les a probablement utilisés dans le panégyrique cité », Dans 1’Introduction (en arm.) p. 187, Ners’s Chnor- hali (ou le Gracieux, eatholicos des Arméniens 1166-1173) est cité comme au- teur d’un panégyrique sur les Anges, mais le passage en question de 1’Introduc- tion ne fournit aucun renseignement qui ait trait a la note susdite. 10 SUR LES SERAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 377 TEXTE GPUFPELE TOUT UEPAPEDS' FUULECAPH LhU>bPNPD Vipmipkp? fbyPlubutp’ wihdftipbutp' Ki putuunpp’, be gabon Pcs anplghpmg mie : MySunmppcbp, ke CunuquyPp, be SuSuitgp Usunmdny be gompphp pSubuyhp + bphm Ble p* SudleyP qbdugh, yp dp Gudupdubbughis plikby qui phiuky ih « Be nnfgts Sudhpe bpm Plog, of df huipStughts Gunatibyb gee qesiop bin Aftts” Shunt Opumaufy be hut qlofnnftanSneppcs® diglinga be obpghngu, be qyumomontity sbplyaufts wpfamplts *: Be bpm Phiogy Pnghjit ! 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MUYLDERMANS TRADUCTION SUR LES SERAPHINS, VINGT-CINQUIEME (LETTRE) D'SVAGRE Les Séraphins aux six ailes sont des étrest raisonnables, et ils ont la science de univers. Ils sont les magnificences, les splendeurs et Péclat de Dien ; ils sont des sciences spirituelles?. Que de deux ailes ils se couvrent la face, ce quills n’aient pas la hardiesse de seruter Pinsondable. Que de deux ailes ils se eachent les pieds, ce qu’ils ne eroient pas pouvoir eom- prendre Incarnation du Seigneur Jésus et la Providence & Végard de ceux qui sont en haut et de ceux qui sont ici-bas, et le jugement de Yun et Yautre monde. Et qu’ils volent de deux ailes, c'est (pour signifier) le minis. tare dans les choses qui peuvent étre scrutées®. Qu’ils clament sans se las- ser «Saint, Saint, Saint !», c'est la confession, la glorification et la re- connaissance des trois personnes et d'une seule divinité, afin que les atres raisonnables inférieurs grandissont dans la louange eroissante de Dieu, quiils s’avancent vers la connaissance parfaite et quiils s’él8vent aux choses sublimes. A mesure que nous nous élevons de notre bassesse, ils rendent graces de ce qu'il s'est abaissé (pour nous). ‘ uit3fiiphuihp est une forme insolite de whdftip, syr, esas, «tres », 2 Larnénien qfumpfrt.p pduituybp correspond au syr, eds rdur3000, mais la construction de la phrase n’est pas la méme qu’en syriaque; pour obtenir un sens acceptable, conformément au texte arménien, nous tra- duisons done « des sciences spirituelles » ; qfunm [ft signifie dans le voca- bulaire d’Evagre arménien ; « connaissance, contemplation, science » ; quant & pSuitiunyb = © spirituel », voir le dictionnaire Ciakeiak, s. v. 3 Le mot Gumuuibkyb qui a plusieurs sens, n’est pas clair pour nous ; dans le passage en question, la version syriaque s’écarte du texte arménien, de sorte qu’elle n’est d’aucune utilité pour 1’intelligence de celui-ci. Le P. Sarkisian propose de traduire : « Et qu’ils volent de deux ailes, ¢’est pour Je ministre (des créatures) matérielles ». 4 «Lo Christ... a pris humble condition de la nature raisonnable (c’est-d- dire de l’homme) » Cent, ITI, 2 (FRANKENBERG, p. 188), SUR LES SFRAPHINS ET SUR LES CHERUBINS 379 L’aile droite de Vintelligence, c'est 1a foi ; 1a gauche, c'est le verbe ; la face, c'est la manifestation du verbe ; les pieds, est ce par quoi le monde vit; et les étres raisonnables glorifient davantage la preseience providentielle selon laquelle la seconde intelligence ® se remplit de sagesse par le Christ? qui enseigna, selon la parole de Paul, les choses d’en haut’, ania J. Muvupermans. 5 wunnkbpp a ici le sens do «face» (voir le grand dictionnaire de Venise, 1836-37, II, 612). Il est done synonyme de pbip, terme employé par Je traducteur arménien au début de la pidce et qui correspond au syr. raata . : 8 «La seconde intelligence », ¢’est-a-dire Ja nature humaine, D’aprés Evagre Jes hommes sont « les étres seconds » Cent, I, 54 (PRANKENBERG, p, 92), 7 «La sagesse sous ses multiples aspects (Eph. III, 10) a été dévolue au corps du Christ (¢’est--dire & son humanité), ce corps grace auquel s’est levée Pour nous également la gnose de la Sainte Trinité» Cent. III, 11 (FRANKEN: BERG, p. 194), 8 Cf. Coloss. III, 1-2, 13

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