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THESE DE DOCTORAT DE

NANTES UNIVERSITE

ECOLE DOCTORALE N° 597


Sciences Economiques et sciences De Gestion
Spécialité : « Sciences de gestion »
Par
« Khalil BOUKHDOUD »
« Perspectives et enjeux des rôles afférents à la prestation logistique »

Thèse présentée et soutenue à « Nantes », le « 08 Juillet 2022 »


Laboratoire d'Economie et de Management de Nantes-Atlantique (LEMNA)

Rapporteurs avant soutenance :

Laurence SAGLIETTO Professeur des Universités, Université Côte d’Azur – IAE Nice

Bruno DURAND MCF HDR, Université Paris Nanterre

Composition du Jury :

Président Marc BIDAN Professeur des Universités, Nantes Université


Rapporteurs Laurence SAGLIETTO Professeur des Universités, Université Côte d’Azur – IAE Nice
Bruno DURAND MCF HDR, Université Paris Nanterre
Dir. de thèse Gwenaëlle ORUEZABALA MCF HDR, Nantes Université

Invitée Fatiha NAOUI-OUTINI Professeure associée, Excelia Business School, La Rochelle


L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans les thèses : ces opinions doivent être considérées comme
propres à leurs auteurs
REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier en premier lieu ma directrice de thèse, Gwenaëlle Oruezabala, pour


la confiance qu’elle a choisi de m’accorder, dès la fin de rédaction de mon diplôme universitaire
et tout le long de mon travail de thèse. Elle a choisi de m’accorder les latitudes nécessaires à
l’expression de mes propositions de recherche tout en proposant un accompagnement dont la
pertinence m’a, dès les premières étapes de ma recherche, orienté vers une littérature
pertinente et fructueuse. Ses premiers conseils de lecture se sont ainsi montrés porteurs,
contribuant au développement d’idées originales et révélant un gap intéressant pour la
recherche et les praticiens. Au-delà de cet encadrement de qualité, ma directrice de thèse a
continué de démontrer une présence utile à m’encourager au progrès tout au long mon travail
de recherche doctoral.
Je remercie naturellement les membres de mon jury qui m’honorent de leur participation
et qui m’ont permis de faire progresser ma réflexion au travers de leurs commentaires lors de
leur évaluation de ce travail de recherche
Ensuite, nombreuses sont les personnes, collègues, doctorants, amis ou personnels
administratifs qui ont contribué positivement à la réalisation de cette thèse, parfois sans même
le savoir ! Sans être capable de nommer chacun d’entre eux, je souhaite également les remercier,
nombre d’entre eux sauraient se reconnaitre très certainement à la lecture de ces lignes.
Enfin, j’adresse également toute mon affection à mes parents, qui malgré les premiers
doutes, ont toujours été présents pour me soutenir, s’enquérir de mon état d’esprit et me
rappeler leur fierté à mon égard. Il en va de même pour ma tendre fiancée, dont le soutien moral
et la présence permanente ont sans nul doute été décisifs à l’aboutissement de ce travail.

3
« Quand le prestataire de services logistiques devient un maestro »
Gilles Paché et François Fulconis

5
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS 3
SOMMAIRE 7
GLOSSAIRE 11
PLAN DE THESE 13

INTRODUCTION GENERALE 15

PARTIE THEORIQUE ET CONCEPTUELLE 33

CHAPITRE 1 - LE 4PL, SITUE DANS LA LITTERATURE ET FACE AU BUSINESS MODEL 35

SECTION 1.1 Représentation du 4PL en logistique 37


1.1.1 Le processus lent de migration des PSL vers le centre des réseaux 37
1.1.2 Le gap de littérature choisi 46
1.1.3 La capitalisation comme ressource essentielle aux changements de business model des 4PL 49
SECTION 1.2 Les transformations organisationnelles des chaînes logistiques sont inhérentes au
55
modèle d’affaire
1.2.1 Les 4PL au travers de leurs modèles d’affaires 55
1.2.2 Le modèle Ressources et Compétences, Organisation et proposition de Valeur (RCOV)
60
comme outil de construction du modèle d’affaires type des 4PL
1.2.3 Regard croisé avec le champ disciplinaire des Systèmes d’Informations, à la contribution
65
majeure dans le développement des 4PL
Synthèse du chapitre 1 75

CHAPITRE 2 - LES MODELES D'AFFAIRES INNOVANTS DES 4PL 77

SECTION 2.1 Attributs et enjeux des Ecosystèmes Logistiques 79


2.1.1 L’Intérêt des écosystèmes en tant que structure 79
2.1.2 Profil d’écosystèmes logistiques et positionnement stratégique du 4PL 89
2.1.3 Le 4PL, d’une position d’interface entre chargeurs à celle d’un pivot des écosystèmes 94
Section 2.2 Attributs et attentes des parties prenantes aux écosystèmes logistiques 99
2.2.1 Les parties prenantes internes 99
2.2.2 Les parties prenantes externes 104
2.2.3 Compétences essentielles et rôles des acteurs 110
Synthèse du chapitre 2 115

7
CHAPITRE 3 - LES INNOVATIONS MANAGERIALES PORTEES PAR LE 4PL, DETERMINANTS DES
117
CONTRAINTES DE LEGITIMATION

Section 3.1 L’intégration de l’innovation aux business model des 4PL 119
3.1.1 Aperçu Historique des Innovations managériales dans la logistique 119
3.1.2 Conditions d’émergence des innovations managériales 125
3.1.3 Décoder les stratégies de conquêtes de la légitimité 130
Section 3.2 Innovations managériales et légitimité 144
3.2.1 Enjeux pour les réseaux de la typologie des rôles du 4PL 144
3.2.2 Attributs des rôles du 4PL dans les business model 153
3.2.3 Les questions de légitimité liées aux rôles du 4PL 160
Synthèse du chapitre 3 171

PARTIE EMPIRIQUE 173

CHAPITRE 4 - POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET CHOIX METHODOLOGIQUES 175

Section 4.1. Protocole de recherche 177


4.1.1 Articulation des cadres conceptuel et théorique 177
4.1.2 Fondements épistémologique et critères de validité 183
4.1.3 Statut de recherche et revue de littérature 191
Section 4.2. Le recueil des données empirique et leur analyse 197
4.2.1 Choix et attributs du terrain 197
4.2.2 Décryptage des questions d’entretien 202
4.2.3 L’abduction comme méthode retenue pour l’analyse des données 209
Synthèse du chapitre 4 214

CHAPITRE 5 - PRESENTATION DES RESULTATS ET INTERPRETATION DES REPONSES 217

Section 5.1. Présentation des résultats 219


5.1.1 Proposition d’un thème nouveau, le vecteur au développement 219
5.1.2 Exposé des réponses en lien avec l’instructeur de partenariats et l’interface des organisations 226
5.1.3 Exposé des réponses en lien avec l'accélérateur de performance et le vecteur de
234
développement
Section 5.2. Analyse des réponses 249
5.2.1 Proposition du modèle d’affaire type des 4PL – instructeur de partenariats et interface des
249
organisations

8
5.2.2 Proposition du modèle d’affaire type des 4PL – accélération de la performance te Vecteur du
261
développement
5.2.3 Résultats et cadres théoriques 275
Synthèse du chapitre 5 281

CHAPITRE 6 - ANALYSE ET DISCUSSION 283

Section 6.1. Conséquences des nouveaux rôles du 4PL sur ses parties prenantes 285
6.1.1 Construction de l'ESL type des 4PL 285
6.1.2 Le point de vue des parties prenantes primaires 292
6.1.3 Le point de vue des parties prenantes secondaires 299
Section 6.2. Les mécanismes de légitimation 307
6.2.1 Intégration des rôles supplémentaires aux modèles d’affaires des 4PL et déductions
307
analytiques
6.2.2 Les mécanismes de légitimation des rôles qui relèvent de l’instruction de partenariats et de
317
l’interface des organisations
6.2.3 Les mécanismes de légitimation des rôles qui relèvent de l'accélération de la performance et
325
du vecteur de développement
Synthèse du chapitre 6 335

CONCLUSION GENERALE 339

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 349

ANNEXES 361

LISTE DES TABLEAUX 371

LISTE DES FIGURES 385

TABLE DES MATIERES 391

RESUMES 395

9
GLOSSAIRE

4PL/PSL : Le 4PL est le stade ultime de la mue chez les Prestataires de Services Logistiques (PSL).
A son expertise avancée dans sa discipline, il associe la pointe de la modernité technologique.
L’exclusivité de son savoir-faire lui permet de conseiller autour de l’optimisation et la
rationalisation des flux. Au 3PL, le 4PL ajoute à ses états de services toute la conception et la
planification des systèmes logistiques ce, à l’aide de systèmes d’informations dédiés.

ESA/ESL : les Ecosystèmes d’affaires (ESA) sont introduits par Moore (1196) qui fait usage de
métaphores biologiques pour évoquer des phénomènes de regroupement d’entreprises. Nous
faisons usage dans le cadre de notre thèse des Ecosystèmes Logistiques (ESL) pour appliquer le
concept aux particularités de la logistique.

RCOV : Demil et al. (2006) déconstruisent le business model en trois variables, les Ressources et
les Compétences (RC) de l’entreprise, son mode d’Organisation (O), la nature de ses revenus et
de ses charges qui, fusionnées, engendrent la proposition de Valeur (V). Les auteurs proposent
ainsi le modèle RCOV, permettant d’évoquer des enjeux propres et homogènes pour chaque
variable, tout en préservant leur interdépendance.

QCD : Le concept de Qualité, Couts, Délais (QCD) est aujourd’hui largement reconnu comme un
moyen simple et efficace de mesurer l’efficience logistique et, par voie de conséquence, la
satisfaction du client final. Pour les prestataires, la règle du jeu est naturellement de de minimiser
les Coûts tout en raccourcissant les Délais d’acheminement et en améliorant la Qualité de service.

11
PLAN DE THESE
Introduction Générale
Contextualisation : défis technologiques, concurrence exacerbée et multiplication des
réhaussent les exigences pour des 4PL, contraints de moderniser leurs modèles. La
légitimation constitue un enjeu de premier plan pour la réussite de ces projets

Chapitre 1
Représentation du 4PL en logistique et
intérêt de l'usage du business model

Chapitre 2
Elévation du point de vue aux parties prenantes des 4PL et Pertinence des
écosystèmes Logistiques pour comprendre l'influence nouvelle des prestataires

Chapitre 3
Prolongement de la réflexion d'une analyse de la mise en oeuvre de
l'innovation dans le business model des 4PL de la typologie des 4PL au moyen
de contributions littéraires

Chapitre 4
Exposé du protocole de recherche, énoncé du guide d'entretien et justification
des choix méthodologiques


Chapitre 5 Chapitre 6
Discussion et Analyse,
Présentation des
résultats, notamment à → notamment des
mécanismes de
l'aune du cadre théorique
légitimation possibles

Conclusion Générale
Contributions théoriques et conceptuelles
Perspectives et Limites

13
14
INTRODUCTION GENERALE

C’est dans une importante diversité de facteurs qu’il faut rechercher les causes de
l’effondrement de nombres de Prestataires de Services Logistiques (PSL) qui avaient prospéré
dans les années 1990. Alors qu’ils en avaient les moyens, ces spécialistes du transport, du
stockage ou du transit de marchandises ont manqué d’une clairvoyance qui aurait dû les conduire
à adapter leur offre aux nouveaux enjeux des chaînes d’approvisionnement. Les plus flexibles et
innovants y sont parvenus. Ils ont ainsi su profiter de l’élargissement des marchés et des faveurs
du progrès technique, pour renouveler leurs modèles d’affaires, s’adaptant aux exigences de leur
environnement tout en diversifiant leurs sources de revenus. Les changements, d’abord sous-
estimés car mineurs, se sont ainsi mués avec le temps en de véritables révolutions capables de
transformer les métiers, notamment ceux de la logistique. Tout cela n’a pas été sans
conséquences sur le fonctionnement des chaînes, les rôles des acteurs impliqués et les rapports
qu’ils entretiennent.
Depuis les années 1990, les chiffres des exportations de marchandises publiés par la
banque mondiale révèlent une tendance haussière, forte et continue, marquée par deux
seulement deux épisodes de baisse. La première n’a été que ponctuelle et provoquée par la crise
des subprimes en 2008, la seconde, plus profonde et dont l’étendue reste encore inconnue à
l’heure de publication de cette thèse, a été portée par la pandémie de covid-19, notamment à
partir de 2020. Cette année-là, la valeur des biens et services échangés s’est élevée à 17, 692
milliards de dollars Américains. Trente ans plus tôt, la même statistique affichait 3, 467 milliards
de dollars Américains. L’ampleur très marquée du phénomène résulte des attentes modernes
des consommateurs, partout dans le monde et des stratégies, parfois opportunistes, de leurs
fournisseurs pour y répondre.
Cette dernière vague de la mondialisation laisse également deviner les besoins colossaux
en infrastructures logistiques, indispensables à sa réalisation. Dans ce cadre, les grands
Prestataires de Services Logistiques (PSL), véritables spécialistes de la discipline, n’ont pu que
jouer un rôle de plus en plus central et stratégique. En de nombreuses circonstances, c’est avant
tout à leur initiative, concrètement, leurs investissements, qu’a pu s’enclencher le cercle

15
vertueux de la croissance économique par l’échange. A mesure d’une accumulation d’expérience
et de capital, conjuguée à une main d’œuvre mieux formée, ils ont innové, investi et su porter la
création de richesses. Cependant, à l’inverse d’une croissance particulièrement flagrante du
commerce mondial, celle de ces PSL, pourtant analogue, s’est faite discrète, à l’abri dans les back-
offices et les zones logistiques de plus en plus hermétiques au grand public car robotisées.
Ainsi, les années 1970 marquent l’apparition d’innovations techniques suffisamment
majeures pour contraindre les réseaux logistiques à des changements structurels et concrets. Par
exemple, l’amélioration des capacités de stockage et de transport contribuent à transférer le rôle
clé des grossistes vers des distributeurs de plus en plus grands (Chanut et Paché, 2013). Ces
derniers tentent ainsi de reprendre à leur profit les bénéfices de la mutualisation, tout en
s’épargnant les contraintes de régularité des approvisionnements, chronophage et complexe. Ils
font alors appel à des PSL encore émergents, dont la forte spécialisation logistique commence à
se révéler pertinente sur les chaînes. Certaines innovations apportent des valeurs ajoutées très
opérationnelles comme le conteneur et le fret aérien. Elles rendent possible une mondialisation
du commerce légitimée par les économistes, sponsorisées par les multinationales et consentie
par les pouvoirs politiques. Le transport de marchandise se diversifie, devient plus sûr et surtout
plus accessible.
A partir des années 1980, ces nouveaux acteurs en forte croissance vont être appelés à
investir pour s’internationaliser. Ils vont également devoir innover pour réaliser les ambitions de
leurs chargeurs de plus en plus conquérants. Transporteurs spécialisés selon les modes,
gestionnaires d’entrepôts ou transitaires vont ainsi travailler de concert et apprendre ensemble.
Ainsi, le marché international de la logistique voit en cette période les acteurs se multiplier.
Certains, pour le potentiel novateur, vont croitre, plus rapidement que d’autres, contribuant à
construire les premiers systèmes logistiques complexes, adaptés et adaptables à la variabilité des
besoins selon les secteurs d’activité, la taille ou la conjoncture des marchés. Les PSL ont ainsi
œuvré à rendre plus captifs leurs partenaires industriels et distributeurs par une maîtrise
progressive des processus critiques.
Les Enterprise Resources Planning (ERP) et autres systèmes d’information que les années
1990 popularisent ont amplement contribués à renforcer la dynamique (Tang-Taye, 2000).

16
L’ouverture de l’Europe de l’Est et de la Chine au commerce international durant cette même
décennie y participe également (Wilfert-Portal, 2019). La prestation logistique poursuit sa
période faste, jusqu’au début des années 2000, aui point de favoriser à la fois le foisonnement
des acteurs et l’accession de certains d’entre eux au rang des grandes multinationales. Leurs
investissements augmentent et participent à l’impulsion d’une demande déjà en croissance
continue.
Le premier quart du 21ème siècle voit l’apparition de nombreuses des technologies de
l’Information et de la communication. Les outils mobiles et l’amélioration de la connectivité
renouvellent le travail salarial. Internet touche désormais les objets, accélérant la robotisation
des sites logistiques. Il est attendu de la nouvelle vague de progrès technique, incluant
notamment une intelligence artificielle proche de la maturité, la blockchain ou des big datas
d’accélérer plus encore le traitement opérationnel, permettant une customisation à grande
échelle de services complexes (Hoummady, 2015).
En 2017, le numéro un mondial du secteur, DHL, capitalise plus de 60 milliards de dollars
Américains de chiffre d’affaires, autant qu’Apple en 2018, et emploie près de 360.000 personnes
dans le monde. En rendant possible le e-commerce d’Amazon ou la mode éphémère et accessible
de Zara, ce type d’acteurs, les PSL, se sont accaparés en quelques années une place devenue
incontournable dans notre quotidien de consommateur.
Le processus de de maturation du marché de la logistique invite les membres des chaînes
à de permanents et constants efforts d’adaptation. Les chargeurs sont, du fait d’une technicité
nouvelle, imposée sur les chaînes, plus captifs de PSL experts et spécialisés, auprès de qui
l’externalisation des services logistiques devient inévitable. Il s’agit là d’une tendance déjà
ancienne, appelant à opérer pour les distributeurs et industriels un recentrage de leurs
ressources sur leur cœur de métier (Fabbe-Costes, 2007).
Les PSL eux-mêmes ne sont pas épargnés de certaines obligations directement
conséquentes de l’impulsion donnée par la technologie au développement de leur activité. Ils ne
peuvent ainsi plus se permettre de négliger une mobilisation suffisante de leurs ressources en
faveur de la recherche et du développement. Devant les nouveaux prétendants, les barrières à
l’entrée s’élèvent donc de plus en plus alors que les acteurs historiques sont parfois contraints à

17
une spécialisation nécessaire pour apprendre à maitriser les technologies complexes (Carbone,
2004). Les nouvelles opportunités, technologiques ou collaboratives, ne peuvent ainsi être
amenées à perfectionner les chaînes que selon une logique d’avantages comparatifs en raison de
leur complexité et de l’extensibilité des réseaux à échelle mondiale. La difficulté du virage peut
être simplement illustrée par l’apparition et la popularisation de l’e-commerce. Cette activité
s’est étoffée à un rythme soutenu au point de devenir, en une vingtaine d’années, une industrie
à part entière. Cependant, les grands PSL ne sont encore que peu nombreux à être capables de
proposer une relation client améliorée grâce à des services de tracing à jour, encore moins grâce
à de la cotation en ligne.
Aussi, les meilleures innovations n’ont que peu d’effets dans la course technologique si
les PSL ne parviennent pas à embarquer leurs partenaires dans le changement et l’harmonisation.
Concrètement, pour mieux pour les intégrer, les prestataires se doivent de sponsoriser, ou au
moins promouvoir des Systèmes d’Information Inter-Organisationnels (SIIO) comme SAP.
L’accélération du traitement opérationnel doit être, elle, aidée d’algorithmes performants
comme celui de l’Allemand PTV, fournisseur de solutions d’optimisation d’itinéraires. Les
innovations doivent être introduites à l’ensemble des activités logistiques pour réduire les coûts
de transports, raccourcir les délais ou améliorer la qualité des services fournis en commun. Les
efforts remarquables de nombres de prestataires ont permis de diversifier les modes de
transport, d’automatiser les entrepôts logistiques ou de numériser la documentation.
Les révolutions technologiques font clairement parties des grands défis imposants aux
PSL de savoir associer pour leurs chaînes des performances accrues à une meilleure flexibilité.
Cependant, une multiplicité d’autres facteurs interviennent. Ainsi, l’abaissement des barrières
douanières et l’émergence rapide de nouveaux marchés ont fortement accrus une concurrence
désormais acharnée. Elle impose aux chargeurs comme aux PSL de s’inscrire dans une démarche
d’amélioration continue de leurs méthodes, pénalisant parfois durement tout relâchement. Ces
réformes en logistique sont à la fois causes et conséquences d’une mondialisation moderne des
chaînes qui désormais, interdit aux entreprises de s’abriter derrière des frontières nationales.
Des paramètres anciens comme les distances géographiques ou les écarts culturels ne peuvent
plus être considérés comme des barrières à l’entrée.

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La concurrence exacerbée ne laisse en effet que peu de chances en cas de performances
insatisfaisantes et interdit de négliger les opportunités d’innovations ou de conquêtes de
marchés, devenus hautement stratégiques. Pour les managers comme leurs équipes, il s’agit ainsi
de garder le recul nécessaire à imaginer des approches différentes, et surtout préférables, pour
améliorer leur accès aux ressources, les transformer avec efficience et mieux organiser la
distribution des valeurs créées. Dans de telles conditions, l’altération, même accessoire, de
l’orthodoxie d’un processus normalisé peut mener à une révolution susceptible de bouleverser
l’ordre établi sur un marché. La course à l’innovation et à la différenciation devient dans de
nombreux cas des exigences de survie alors que dans d’autres, il convient de défendre ses
positions en se confortant à un mimétisme aliénant.
Quelles que soient les politiques retenues, les entreprises tentent de s’extraire du tissu
économique potentiellement défaillant en cas de crise qu’un capitalisme cyclique viendrait
épurer. Il s’agit là d’un autre facteur de risques importants, les crises commerciales, qui depuis
les années 2000, semblent se multiplier à intervalles plus rapprochés et à gravité plus profonde.
Elles exigent des cercles dirigeants une anticipation avisée et la mise en œuvre de réformes
structurelles pour rehausser les performances des chaînes. Ces crises ont bien souvent des
externalités aux natures diverses. Elles peuvent émerger des champs économiques, politiques,
sociales, écologiques voire sanitaires. Ces menaces dangereuses présentent également un
caractère incontrôlable et souvent imprévisible. Elles peuvent avoir pour effet de multiplier les
parties prenantes, de redistribuer les urgences et bien souvent, de réformer durablement les
structures de coûts.
L’instabilité devient donc plus chronique et multidimensionnelle. Ce fut le cas en 2008,
avec la crise qui, d’abord financière, devient économique et commerciale à mesure qu’elle se
répand dans le monde. Cinq ans plus tard, les prix du baril s’effondrent, paralysant les grandes
économies exportatrices de pétrole. A partir de 2020, ce sont les tensions commerciales puis la
pandémie de covid-19 qui infligent à l’économie mondiale ses plus grandes pertes.
Ces épisodes de fortes perturbations contribuent à rehausser les barrières à l’entrée sur
le marché de la logistique mondiale. Au-delà des difficultés nouvelles d’accès aux ressources
essentielles, l’offre de service des prestataires ne peuvent être rendues viables sans une

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demande elle-même suffisante. Les quelques grands chargeurs, disposés à souscrire aux services
les plus élaborés sont les premiers à souffrir des crises commerciales, reportant naturellement
leurs recours aux services des prestataires. La conclusion de grands partenariats logistiques,
particulièrement onéreux, risqués et complexes pour chargeurs comme leurs prestataires s’en
trouve fortement réduite. La demande sur ces marchés est naturellement élastique, donc
sensible à la conjoncture. Même pour les chargeurs aux dimensions transnationales, les projets
logistiques imposent une allocation de ressources qu’il convient d’évaluer avec précaution et
rigueur.
Les crises contribuent ainsi à consolider un peu plus les marchés en faveur de grands
oligopoles de PSL. À titre d’exemples, la dernière décennie a vu le Hollandais TNT racheté par le
Suisse CEVA logistics, lui-même sous contrôle depuis 2019 de l’armateur CMA CGM. Le Français
Norbert Dentressangle a lui pour société mère depuis 2015 l’Américain XPO Logistics alors que
l‘armateur Danois Maersk Line, numéro un mondial, a racheté son concurrent Allemand
Hamburg Sud.
En outre, ces crises imposent aux logisticiens de rehausser leur capacité à réagir et de
tenter, du mieux possible, d’anticiper les changements en révisant constamment les moyens de
créer de la valeur, dont la conception est d’ailleurs susceptible d’évoluer. Fabbe-Costes (2002)
souligne ainsi le caractère éphémère, car avant tout subjectif, de la conception collective autour
de la valeur.
Les appels à engager une transition écologique forte offrent une illustration appropriée
de ce glissement structurel de la perception collective de la valeur. Sous la pression des sociétés
civiles, les entreprises sont amenées à accorder une attention particulière à la préservation
durable de l’environnement, au détriment d’’un profit financier de court terme, longtemps érigé
en priorité quasi-unique. La prestation logistique est en position centrale face à ces enjeux et est
naturellement contrainte de les intégrer. Les PSL altèrent par exemple leurs choix relatifs aux
modes de transport de marchandises ou participent à la réalisation des circuits courts. Ainsi, le
transport maritime, même s’il est souvent considéré moins polluant que la voie routière,
demeure soumis à de fortes pressions pour ses conséquences néfastes sur le faune aquatique et
ses émissions de gaz.

20
Ainsi, en 2018, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) décide de promulguer une
exigence contraignant les membres du secteur à faire usage du Gaz Naturel Liquéfié (GNL), mieux
considéré que le fuel classique. Divers autres dommages existent cependant, lorsque par
exemple, l’aménagement d’une zone portuaire porte atteinte à un écosystème local. Bien
souvent, des dragages réguliers des fonds sont nécessaires pour permettre l’accostage de navires
au tirant d’eau important. Les réactions des entreprises et des organismes de régulation en
faveur de l’environnement ne sont que les conséquences des pressions d’une société civile mieux
informée grâce aux réseaux sociaux et à l’information en continu, et surtout mieux organisée en
Organisations Non Gouvernementales (ONG) et autres groupes de pressions.
Les questions environnementales ne sont cependant pas les seules portées par la
collectivité. Elle exige également de la prestation logistique de participer à la protection sociale
à échelle mondiale, correspondante au déploiement des plus grands PSL. Ces derniers sont parmi
les premiers concernés par les questions de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) que
les prises de conscience collectives ne permettent plus d’ignorer à l’ère de l’information libre et
instantanée. Il s’agit pour les PSL, impliqués sur les chaînes de secteurs d’activités variés, de
s’abstenir d’entraver les droits humains ou d’accentuer les inégalités entre régions. En effet,
l’intensification des échanges commerciaux, qui profite naturellement aux prestataires, est
souvent porteuse de profits très inégaux, parfois injustes. Les PSL ont un rôle conséquent à jouer
du fait de leurs choix d’investissements et la mobilisation de moyens selon les zones où émergent
offre et demande. La prestation logistique est contributrice positive du développement
économique mais, en l’absence de cadres protecteurs pour les plus faibles, elle peut contribuer
à aggraver dangereusement les inégalités.
Aussi, le processus classique de destruction créatrice (Schumpeter, 1942) n’épargne
naturellement pas la prestation logistique. L’innovation et le renouvellement des pratiques,
parfois de manière très indirecte, détruisent des emplois en certains endroits pour en créer
d’autres, ailleurs. Juger avec objectivité de l’impact de cette logistique sur le bien-être collectif
exige la production de nombreuses mesures aussi bien quantitatives que qualitatives par la
recherche en sciences sociales. Comme presque toujours, les conclusions ne peuvent que se
révéler contrastées. Ghertman (2003) rappelle le débat académique opposant à ce sujet les néo-

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classiques aux tenants de la théorie des coûts de transaction, et auquel se trouvent souvent
confrontées les autorités de régulation des marchés. Les premiers soutiennent que les oligopoles,
tels que celui formé souvent par les grands PSL, doivent être combattus au moyen de lois anti-
trust alors que pour les seconds, une offre ainsi constituée contribue à réduire les couts de
transaction. Ils rappellent en outre la simplicité de l’encadrement économique d’un secteur
lorsque celui-ci est régit par un oligopole dont les membres, de grands acteurs, sont souvent
incontournables pour exploiter des infrastructures aussi importantes que celles nécessaires à la
logistique.
Une autre partie prenante majeure des chaînes fait également évoluer ses attentes
depuis un certain nombre d’années, il s’agit des consommateurs finaux. Avec un moyen de
pression décisif, leurs choix de consommation, ils intègrent leurs valeurs et principes politiques
dans leurs décisions d’achats. Dans le même temps, les urbains, toujours plus nombreux,
manifestent leur intérêt pour une multiplication des points de distribution de petite taille, afin
de gagner en proximité. Pour les distributeurs, même si l’ère des grandes surfaces n’est pas
révolue, il semble donc nécessaire de développer les réseaux de distribution en centre-ville et
quartier résidentiels. C’est notamment ce que Chanut et Paché (2013) désignent par
la « capillarité d’une logistique qui redevient urbaine ». Les centres urbains voient ainsi le retour,
depuis une dizaine d’années, de ces petits commerces appartenant aux grandes enseignes. Ce
maillage plus éclaté représente un défi conséquent pour des PSL qui doivent adapter leurs
méthodes et mobiliser de nouveaux moyens.
Fabbe-Costes (2007), prolonge les questionnements autour des conséquences sur la
logistique de ces externalités nouvelles, liant ces dernières au sujet de l’adaptabilité des chaînes.
Ainsi, les enjeux de la modernité imposent de maitriser une intégration et une désintégration
simplifiée d’un ensemble aussi lourd et complexe qu’une chaîne logistique. Pour l’auteur, il
convient de concevoir et de faire vivre des réseaux dynamiques plutôt que de bâtir des pipelines
stables et linéaires. En amont, les partenaires doivent avoir évalué avec précision les champs
d’intégration et leur ampleur, tout en veillant à une mobilisation permanente de ressources pour
préserver leur capacité à désintégrer les ententes lorsque nécessaire. Ces configurations,

22
impliquant elles-mêmes des outils technologiques adaptés, sont aujourd’hui jugées
indispensables pour répondre à la précarité engendrée par le progrès technique.
Dans le même temps, la rentabilité des PSL continue de dépendre largement de la
standardisation à grande échelle d’une offre de services peu élaborés alors même qu’ils ont su
développer une offre à la pointe de la technologie. Ainsi, DHL compte largement sur la livraison
de colis et courrier express et les finances de CMA CGM reposent toujours sur le fret maritime
de port à port.
Devant ce constat, Fabbe-Costes (2007) se fait le relai de Christopher & Towill (2001)
notamment qui, assez tôt, parviennent à déceler et rendre compte du rejet des grands chargeurs
face à un dilemme imposé par leurs prestataires : choisir entre d’indissociables modèles
logistiques qui favoriseraient une customisation ou une standardisation à outrance. Industriels
et distributeurs annoncent ainsi, vers la fin des années 1990, leur volonté de maximiser les
économies d’échelle sans avoir à engager trop de leurs ressources. Christopher & Towill (2001)
proposent des contributions normatives, appelant les PSL à promouvoir les ajustements tout le
long des chaînes. Une implication réelle de toutes les parties prenantes semble indispensable
pour parvenir à satisfaire des critères de performances correspondant à ce que les auteurs
qualifient d’à la fois lean et agile.
En outre, Christopher & Towill (2001) tentent de tenir compte des spécificités
contextuelles, souvent liées aux secteurs d’activités, dans la formulation de leurs
recommandations. Il apparait ainsi, selon les enjeux et contextes, qu’il convienne de maintenir
en parallèle des chaînes purement lean et d'autres purement agiles, au service des mêmes
chargeurs. Pour d’autres secteurs sensibles aux phénomènes de saisonnalités, il apparait plus
simple de transformer dans le temps une chaîne logistique en lean d’abord, puis agile par
exemple. Les chaînes logistiques peuvent également être découplées, avec en amont une gestion
lean et en aval une gestion agile. Selon les cas, il s’agit de bâtir des chaînes suffisamment flexibles
mais également robustes pour réagir aux saisonnalités des marchés, s’adapter au caractère
éphémère de certains partenariats ou faire face au raccourcissement des cycles de production.
Magretta (1998) désigne à ce titre un exemple éloquent avec l’industrie textile et le succès
remporté par la marque Li & Fung. La chercheure remarque également que les relèvements des

23
attentes sont encore plus flagrants pour l’électronique, notamment la fabrication et la livraison
des ordinateurs portables.
Ces transformations ont incité les chercheurs et analystes à classer les PSL selon les
principaux attributs de leurs business model. La littérature en reconnait aujourd’hui quatre, au
sein d’une nomenclature dédiée, chacune relativement cohérente. Nous nous intéresserons dans
le cadre de cette thèse, aux plus récents d’entre eux, occupant le sommet de la pyramide, les
4PL, Fourth Party Logistics ou prestataires de quatrième niveau. Ils se caractérisent par une
accumulation suffisante de capital pour faire de certains d’entre eux des multinationales
majeures pour l’économie mondiale, mais aussi et surtout par leur maitrise d’une technologie ou
de processus exclusifs, les différenciant ainsi réellement de leurs secondaires dans la
nomenclature, les 3PL.
Il est d’ailleurs raisonnable de conjecturer que cette nomenclature des PSL devrait
fortement évoluer dans les prochaines années sous les effets d’exigences relevées de la
demande, complétées, voire augmentées d’une modernisation des moyens d’offrir. De ce fait, le
fossé se creuse entre les 4PL et le reste de leurs homologues. La classe des 4PL même semble
présenter les premiers signes de scissions avec l’émergence de véritables sous-modèles. En effet,
certains prestataires font en effet le choix d’une spécialisation hautement technique pour
conquérir des niches de marché. D’autres privilégient une diversification opérationnelle leur
faisant prendre le contre-pied des premiers, afin de contenir les conséquences des risques
conjoncturels. La spécialisation peut également constituer une réponse à l’indisponibilité
potentielle de ressources. La nomenclature des PSL demeure cependant un outil conceptuel
faisant largement consensus et indispensables à l’analyse approfondie d’une des catégories de
PSL.
Un prestataire prétendant à cette catégorie doit donc savoir démontrer de sa pleine
maitrise de certains attributs, rendus indispensables par les nouveautés, de plus en plus
reconnues, des business model proposés par le secteur. En effet, une multitude de parties
prenantes se trouve concernée par les interventions du prestataire. Alors que certaines sont
appelées à prendre une importance accrue, d’autres cèdent de leur influence. Dans des réseaux

24
animés par les relations de pouvoirs et la défense des intérêts, les rapports de force évoluent
ainsi constamment.
Les 4PL doivent se montrer capables de donner une impulsion forte à la performance, de
manière simultanée sur chacun des axes d’outil de référence communément appelé le triptyque
Qualité, Couts, Délais (QCD). Ce concept est aujourd’hui largement reconnu comme un moyen
simple et efficace de mesurer l’efficience logistique et, par voie de conséquence, la satisfaction
du client final. Pour les prestataires, la règle du jeu est naturellement de de minimiser les coûts
tout en raccourcissant les délais d’acheminement et en améliorant la qualité de service.
L’arbitrage supposé doit pouvoir être décliné des grandes orientations stratégiques à la conduite
opérationnelle en passant par chacun des échelons intermédiaires. La lecture du triptyque QCD
selon les contraintes des secteurs et de la conjoncture contribue à préciser les orientations
stratégiques des prestataires. L’outil peut ainsi rendre plus évident une orientation des
investissements vers la standardisation, ou au contraire, démontrer qu’une adaptation des
prestations aux besoins et profils des chargeurs est nécessaire.
Les nouveaux impératifs auxquels doivent faire face ces 4PL ne sont, pour partie, que les
traductions de leurs contraintes contextuelles. Par l’innovation, l’accumulation d’expérience et
l’effort d’adaptation, ces PSL d’un genre particulier se rapprochent de plus en plus des positions
centrales sur les chaînes et les réseaux. Pour décrire cette démarche naturelle dans les
entreprises, le lexique économique parle d’intégrer les externalités aux schémas stratégiques. En
management stratégique, l’un des concepts privilégiés pour mesurer ce type de démarche est le
modèle d’affaire, ou business model. Pour l’analyse, il convient d’être positionné au niveau
tactique, soit entre les grandes orientations stratégiques et leurs déclinaisons opérationnelles
(Demil et al., 2006). L’outil est, de ce fait, parfaitement approprié pour se rendre des comptes
des innovations qu’expérimentent les PSL pour trouver des alternatives aux ressources
essentielles traditionnelles ou diversifier leurs activités, de plus en plus orientées vers la maitrise
de la connaissance.
Ainsi, les changements de business model sont bien souvent l’expression de l’intégration
d’une mutation contextuelle majeure. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la
Communication (NTIC), longuement évoquées, imposent de renouveler en profondeur les

25
manières de vendre, d’acheter, de transporter ou de stocker. Chez les logisticiens, cette
modernité a notamment produit le tracking en temps réel des colis transportés, réalisé au moyen
de la technologie GPS, et qui aujourd’hui constituent un segment d’activité au sein duquel se sont
spécialisés nombre d’entreprises. Au-delà de cet accessoire devenu incontournable, Internet et
la dématérialisation du courrier ont également contraints les prestataires, dont certaines
multinationales telle que le Français Neopost devenu Quadient, à opérer un virage stratégique
radical pour survivre. Historiquement fabricant de machines à affranchir le courrier, le groupe
est désormais devenu consultant notamment dans la gestion digitale de l’expérience client, se
mettant ainsi au service de l’aval des chaînes.
Les exemples similaires de transformation, ou, à minima d’altération des modèles
d’entreprises foisonnent depuis un quart de siècle. Elles concernent avant tout des
réorganisations de processus qui peuvent revêtir un caractère exclusif. De ce fait, elles se
déroulent sur un terme forcément long, résultant parfois d’une capitalisation sur les
améliorations incrémentales pour faire émerger des modèles entièrement nouveaux.
Ainsi, les 4PL relèvent les défis d’ordres structurels grâce à l’innovation technologique
certes, mais aussi et surtout managériale. Pour Van Den Bosch et Heij (2013), ces innovations «
reflètent les changements dans la façon de gérer, impliquant un comportement différent par
rapport aux processus traditionnels, aux pratiques (les routines), à la structure (la manière dont
la responsabilité est attribuée) et aux techniques (les procédures utilisées pour accomplir une
tâche ou un but spécifique) ». Les innovations managériales désignent donc un renouvellement
des méthodes, quel que soit l’échelon de leur application. Lorsqu’elles concernent les niveaux
stratégiques ou tactiques, elles concernent directement le business model. Clairement, Les
réformes appliquées par les 4PL constituent des innovations managériales d’ampleur suffisante
pour fonder leurs modèles d’entreprises sur ces avantages.
Ces innovations sont par définition d’ampleur suffisante pour être traduite lors de
l’énonciation du business model, l’outil participant de manière décisive à clarifier la vision
managériale renouvelée. En effet, prendre le temps d’expliciter le changement est pour les
dirigeants d’entreprise une affaire cruciale. Le renouvèlement des méthodes ne peut en effet

26
s’accomplir sans l’adhésion volontaire des parties prenantes censées le mettre en œuvre, voire
simplement concernées par ses effets.
Ce processus visant à créer l’adhésion fait, pour sa complexité et son importance, l’objet
d’une littérature abondante dont la théorie de la traduction (Akrich Et al., 1986) constitue une
pièce majeure. A échelle plus inter-organisationnelle, les travaux de Di Maggio et Powell (1983),
font référence pour décrire les forces poussant les entreprises à la conformité. Le terme
approprié pour désigner ce travail de communication est celui de légitimation et pour en
comprendre les mécanismes, il convient d’identifier les conditions propices à l’émergence des
innovations, les champs de leurs applications et leurs conséquences potentielles. A titre
d’illustrations, il apparait d’emblée utile aux 4PL de démontrer d’une expérience éprouvée pour
rassurer des chargeurs méfiants face à la proposition du changement. Leur capacité à investir
dans une standardisation à grande échelle fait, elle, entrevoir des opportunités rassurantes
d’économies d’échelle.
Ces atouts, de plus en plus indispensables, excluent les prestataires de taille moyenne, et
poussent les plus prospères à privilégier un mode de croissance verticale. Bien que la
construction d’un réseau de partenaires complémentaires demeure essentielle, l’acquisition
permet de pérenniser l’implantation et la croissance par standardisation ou diversification. C’est
pourquoi le vaste et prospère marché Français ne comptait en 2003 qu’une vingtaine de 4PL,
parmi lesquelles la filiale logistique de la SNCF, Geodis, et des multinationales étrangères telles
que DHL ou TNT.
Considérant les propriétés du 4PL mêlant nouveauté et complexité, il apparait pertinent
pour la recherche en SCM d’actualiser les modèles dédiés à la compréhension de ces prestataires.
Ce sujet est d’autant plus attrayant que les 4PL semblent entretenir un rapport particulier à
l’égard de concepts aussi centraux pour les sciences de gestion que le contrat d’alliance ou
l’innovation managériale.
De plus, les transformations que l’acteur subit ou organise, intrinsèquement fructueuses
à analyser, portent une importance renouvelée des 4PL, qui de plus en plus, deviennent
incontournables pour leurs partenaires le long des chaînes. Le choix de développer autour de ces
prestataires une analyse à but exploratoire se justifie ainsi naturellement.

27
D’autre part, notre approche de la recherche en sciences de gestion conserve l’objectif
affiché de démontrer une utilité directe aux chercheurs comme praticiens. Or La production de
modèles nouveaux peut porter assistance aux 4PL dans leur quête d’assumer une forte pluralité
de rôles, notamment celui de consultants, exigeant une expertise transversale aux métiers et au
management. En effet, les prestataires promettent à leurs chargeurs industriels et distributeurs
des points additionnels de productivité non négligeables au prix de réorganisations profondes de
leurs procédures. En maintenant captifs leurs partenaires, ces démarches peuvent permettre aux
4PL de s’élever au rang de véritables leaders le long des chaines, remettant en question certains
ordres établis.
Les 4PL eux-mêmes ont donc hautement besoin de légitimer leurs innovations, d’autant
plus que leur rareté encore relative sur de nombreux segments de marchés crée des différences
de perception chez les chargeurs, n’aidant pas à convaincre du bien-fondé de leurs
préconisations. Des propositions nouvelles de modes de légitimation des BMI semblent donc
s’inscrire sur un axe décisif pour permettre la pleine mise en œuvre des grands changements
attendus sur les chaînes. Il s’agit ainsi de répondre à une partie des appréhensions que chacun
des acteurs peut naturellement avoir à faire face devant des amendements dont l’ampleur
appelle à un renouvellement profond.
Depuis la reconnaissance de la réalité des 4PL il y une vingtaine d’années, nombre de
travaux de recherche fondateurs, utiles et pertinents, ont été publiés, contribuant à l’élaboration
de notre analyse. Le prestataire a cependant évolué avec inconstance et traverse encore
aujourd’hui une conjoncture aux fluctuations d’ampleurs suffisantes pour créer un gap littéraire.
Ce dernier est d’ailleurs susceptible de s’accroître sous l’effet combiné d’externalités fortes et
des initiatives au changement portés par les 4PL eux-mêmes. Il nous semble donc justifié de
proposer une contribution à la modernisation des connaissances partagées autour de ces acteurs
dont l’avenir parait prometteur. Ce constat crédite également une visée exploratoire, appropriée
pour entrevoir la modernité des rôles du 4PL et des enjeux liés. Elle doit ainsi permettre
d’envisager l’avenir de cette profession, et d’élucider les réactions des 4PL face à la diversité
d’externalités majeures et inédites.

28
En outre, les réflexions autour des enjeux de la logistique ont en commun de se
restreindre au traitement de problématiques purement opérationnelles, négligeant le profil
commercial des 4PL. Ces derniers font pourtant face, tout autant que leurs chargeurs, à des
problématiques managériales qui pour certaines, leurs sont propres. Il semble intéressant de
chercher à surpasser les principes simplement descriptifs des chaînes de valeurs pour considérer
les relations d’influences entre organisations.
Ces questions sont naturellement incontournables pour envisager la promotion des
innovations managériales du 4PL en principes institutionnels de son secteur. Pour la recherche
en gestion, elles matérialisent des enjeux majeurs des chaînes, d’où la pertinence de réflexions
afférentes. La question de la légitimation de ces prérogatives nouvelles est d’autant plus grave
pour les chargeurs que les fonctions nouvelles des 4PL devraient atteindre un degré inédit de
sensibilité stratégique.
Ainsi, du contexte mouvementé de la logistique mondiale, le 4PL émerge, grâce à des
modèles logistiques innovants, comme un acteur de plus en plus central pour les chaînes,
position qu’il se doit, malgré des qualités évidentes, de savoir conquérir. Les gaps académiques
et managériaux issus de ces renouvellements importants conduisent à poser la question
principale de recherche suivante :

Quels mécanismes de légitimation les 4PL doivent-ils privilégier pour


institutionnaliser des modèles d’affaires innovants dans le management des
chaines logistiques ?

La production d’un outil conceptuel approprié pour répondre à cette question ne peut se
réaliser sans expliciter certains concepts intermédiaires et indispensables à la structuration de
notre cadre conceptuel.
Le premier d’entre eux doit décrire avec une profondeur suffisante le 4PL, au moyen
d’une longue revue de littérature centrée autour de l’acteur, décrite au chapitre premier. Un

29
recours itératif à la littérature doit contribuer à cultiver l’originalité de nos apports. Notre
approche est donc abductive. Ce premier objectif contraint avant tout à dresser un état de l’art
autour du 4PL, tout en précisant avec rigueur le gap que nous cherchons à combler. Ce sujet
centré autour du 4PL n’est abordé de nouveau qu’au terme de notre partie théorique, après la
définition d’autres concepts tout aussi essentiels. Le chapitre trois abouti ainsi au décryptage des
fonctions assumées par les 4PL. Il s’agit d’une typologie des rôles du prestataire logistique, de
nouveau complétée de nos résultats empiriques, dans le chapitre cinq de cette thèse.
Ce concept offre une transition simple vers le second axe majeur dans la mesure où la
typologie des rôles correspond de près à la variable de l’offre du business model. L’ébauche de
ce concept plus complet peut donc être réalisée au moyen d’une déduction simple, à partir de la
variable de l’offre, de chacune des variables restantes. Il est évident qu’une revue de littérature
préalable demeure, pour cette étape également, pourvoyeuse de données indispensable,
notamment afin de préciser le concept de business model et les enjeux qui lui sont liés. Cette
entame débute également dans le chapitre premier Pour la recherche, croiser business model et
4PL relève à notre connaissance d’une démarche inédite. La représentation type du modèle
innovant des 4PL fait naturellement partie de l’analyse de nos résultats, au chapitre six.
Notre troisième concept majeur intègre les incontournables parties prenantes du 4PL, à
l’endroit desquelles le prestataire se doit d’exercer ses leviers de légitimation. Leurs intérêts,
points de vue et enjeux sont relatés dans la seconde partie de notre chapitre deux. Le concept
employé pour notre analyse, l’écosystème logistique (ESL), fait l’objet lui aussi d’une revue de
littérature décrite dans la première partie de ce chapitre. A l’image du business model, la
démarche associant écosystèmes et 4PL est inédite, justifiant de faire figurer la représentation
type des ESL parmi nos résultats et discussions, en chapitre six.
Le développement de ce cadre conceptuel a été mené à l’aune des grandes théories
développées autour de l’innovation ou de la pluralité des définitions sur la valeur. L’innovation
de type managériale notamment, à l’origine des changements de business model, fait
notamment l’objet d’une mise en perspective contextuelle dans le troisième chapitre de notre
partie théorique. La perspective de notre analyse s’élargit ainsi à mesure de la construction de

30
notre cadre conceptuel. De plus, de grandes ressources jugées comme essentielles pour les 4PL
sont décrites au sein de nos deux premiers chapitres.
Les trois chapitres suivants sont constitutifs de notre partie empirique. L’énonciation de
notre approche méthodologique explicite notre posture et justifie nos choix, notamment celui
de notre terrain. Le cinquième chapitre est consacré avant tout à l’exposé des données recueillies
auprès des praticiens membres de notre échantillon, même si un début d’analyse est déjà
abordé. Notre dernier et sixième chapitre comprend véritablement les contributions portées par
notre thèse et complète en cela, notre cadre conceptuel.
Notre démarche se réalise dans le contexte du SCM, s’appuyant sur des objets
empiriques, un ensemble de données secondaires matérialisées en rapports chiffrés et articles
de presse, rendant compte du passif des 4PL. Mais c’est avant tout une revue de littérature
exhaustive, qui alimente de manière quasi-permanente une approche qualitative du terrain faite
d’entretiens semi-directifs qui constitue les sources véritables de nos données.
Au-delà de distinguer les fondements et enjeux de ce qui semble être un virage majeur
pour la logistique, notre objet de recherche peut avoir l’ambition d’établir les orientations
stratégiques appropriées pour les logisticiens, dans un contexte résolument moderne. Il dresse
un état des lieux de la profession, de ses enjeux, et tente en partie de conjecturer de son avenir.

31
PARTIE THEORIQUE ET CONCEPTUELLE

33
CHAPITRE 1 : ECOSYSTEMES D'AFFAIRES ET
IMPLICATION DES 4PL

Ce chapitre premier doit nous permettre dans un premier temps de mesurer le


développement des 4PL au sein des chaînes logistiques et leur reconnaissance dans la littérature
SCM. Nous examinerons également les fondements de cette évolution, résultant avant tout
d’une forte accumulation de capital ainsi que d’une maitrise des technologies nouvelles.
La contrainte pour les managers d’avoir à justifier de leurs choix stratégiques démontre
que pour une même activité, la création de valeur ne se conforme pas à un mode unique
(Chesbrough et Rosembloom, 2002). La généralisation de pratiques n’est en effet pas un gage
d’optimum.
La démarche de chercher à repenser un business model tient ses fondements dans une
tentative des entrepreneurs de se démarquer de leur concurrence. En effet, le caractère innovant
de leurs entreprises se juge également sur le plan des méthodes et des procédés. Les pressions
exercées par les parties prenantes peuvent également contraindre au changement, lorsque les
systèmes de valeurs évoluent. En effet, pour toute organisation, se conformer aux attentes de la
communauté est un levier de légitimation vital, nécessaire à pérenniser leur existence (Harnay
et Sachs, 2018). Le business model s’inscrit en élément central dans la conduite du changement,
appuyant le travail de pédagogie et de persuasion.
Pour ces raisons, nous proposons dans le cadre de cette thèse de faire usage du « Canvas
model » (Osterwalder et Pigneur, 2011) pour entrevoir le processus de transformation du 4PL,
acteur principal d’une industrie résolument moderne. Nous espérons ainsi contribuer à mettre
en valeur l’offre de services la plus aboutie et complexe de la prestation logistique.

35
1.1 Représentation du 4PL en logistique

1.1.1 Le processus lent de migration des PSL vers le centre des


réseaux

Pour Mentzer et al. (2001), la chaîne logistique correspond aux échanges de flux
matériels, de services, aux flux financiers et/ou d’informations qu’entretiennent au moins trois
membres d’un groupe. Le concept équivaut donc à un canal de distribution dont l’existence est
inhérente aux entreprises, le long duquel il est possible de reconnaître une source, l’amont, et
un débouché, l’aval, en règle générale un client final.
La transversalité de cette définition, incluant personnes physiques ou morales,
transcendant les secteurs d’activité et les aires géographiques donne une idée de l’étendu du
champ disciplinaire de la logistique, et, par voie de conséquence, de la prestation logistique. La
diversité des protagonistes de cette dernière a rapidement nécessité de les catégoriser, pour
répondre aux besoins pratiques des chargeurs, comme pour ordonner la réflexion théorique sur
le sujet.

Comme pour tout concept, différentes approches ont naturellement été proposées pour
une catégorisation utile aux praticiens et pertinente pour la recherche. Certaines privilégient
ainsi une logique consistant à distinguer les services même liés à la prestation logistique, afin
d’identifier plus finement les prestataires, selon leurs spécialités. C’est la méthode retenue par
Calvi et Erhel (2018), qui en premier lieu, reconnaissent trois grandes familles de prestations
logistiques ; « le transport », « l’entreposage » et « l’intermédiation logistique ». Les deux
premières supposent la prise en charge par le PSL « d’autres services », d’ordre administratives
par exemple, inhérentes à ces activités, alors que la dernière est la plus complexe car elle
implique un travail de conception, de planification et de coordination. Au sein de chaque famille
d’activités, Calvi et Erhel (2018) identifient des types d’activités selon des critères plus spécifiques
et en déduisent une classification des acteurs. Les auteurs accordent également une importance

37
particulière aux systèmes d’informations, devenus prépondérants pour le métier, et largement
dépendants des critères de classification précédents. Cette démarche conduit les auteurs à
proposer une typologie des prestations logistiques se voulant utile d’abord aux acheteurs de
prestations logistiques.

Tableau 1 – « Typologie des prestations de services logistiques »

(Calvi et Erhel, 2018)

Considérant l’intermédiation logistique, famille d’activité la plus caractéristique du 4PL,


les auteurs proposent le tableau 2, guide complémentaire à la définition des besoins en
prestations des chargeurs. Ils y démontrent que la tendance engageant à externaliser à outrance
n’est pas toujours la solution à privilégier, notamment en raison de la perte d’influence,
conséquente de l’abandon de larges pans d’activités stratégiques. En effet, cette externalisation
ne peut se faire qu’auprès de PSL de taille importante, dotés de moyens appropriés et de la
maturité suffisante pour répondre à des exigences complexes et variées. Elles vont de la
conception des chaînes à la coordination de ses intervenants, concédant à son architecte et
animateur une influence envahissante car indispensable.
Au-delà de cette catégorisation encore récente et tout à fait pertinente, la nomenclature
que reconnaît d’abord la littérature se fonde avant tout sur le degré d’externalisation. Il est
également possible de la considérer selon une temporalité qui remonterait aux années 1980 pour

38
les plus faibles degrés d’externalisations, à nos jours pour les plus avancés. Ainsi à leurs prémices,
les modèles de contrats logistiques dominants octroyaient aux chargeurs un contrôle absolu sur
leur SCM. Il leur incombait alors d’y assumer l’entière définition de leurs besoins, la responsabilité
de désigner les partenaires logistiques appropriés et d’assurer le suivi de leurs opérations. Le
management de leur supply-chain était logiquement très intégré, détournant des ressources
considérables employées à la conception, la coordination et la résolution des blocages. Ce
modèle est resté viable, surtout pour les entreprises aux volumes importants, tant que les
niveaux de complexité opérationnelle demeuraient tolérables pour les équipes dédiées au
transit, au transport ou au management de l’ensemble. Le PSL se contentait alors d’assumer un
rôle d’intermédiaire entre chargeurs, aux interventions ponctuelles et répétitives, toujours
restreints au statut de simple exécutant.
La précarité d’une telle position a naturellement incité certains de ces PSL à organiser leur
processus de maturation, souvent consenti par les chargeurs, en annexant lorsque possible
différents types d’activités. De manière générale, les initiatives au renouvellement des méthodes
de gestion logistique restent justifiées par les évolutions de la demande. Les PSL ont cherché à
répondre aux opportunités et défis posés par leurs chargeurs en se spécialisant, par secteur
d’activité ou au moyen d’une différenciation technique. Quatre catégories de PSL traduisent ainsi
des initiatives de diversification, d’abord ponctuelles et restreintes, qui ont progressivement
fondé des métiers, aux exigences propres de compétences et de ressources.
En réaction aux développements du secteur, une hiérarchisation de ces acteurs selon
leurs capacités matérielles et leurs niveaux de responsabilité se met en place et convainc
praticiens comme chercheurs. Pour Pons (2003), ces facteurs distinctifs essentiels entre des
métiers devenus différents ont donné lieu à cinq grandes catégories de PSL. Nous faisons le choix
d’omettre la cinquième et dernière catégorie, qui fait référence à des acteurs dont les prestations
sont entièrement dématérialisées, marquant une rupture avec leurs homologues :

▪ Le 1PL ou PSL de 1er niveau ; le chargeur gère lui-même sa logistique de A à Z. Il


externalise auprès du PSL des services simples et très restreints. Ce cas de figure

39
est rare car il ne peut se justifier que par des besoins logistiques hautement
spécifiques, voire uniques, que peu ou pas de PSL savent satisfaire.
▪ Le 2PL à qui le donneur d’ordre confie un peu plus de sa logistique avec l’ajout des
fonctions support directement liées aux tâches opérationnelles. A titre
d’exemples, citons des services administratifs, toujours sollicités, ou juridiques.
▪ Le 3PL représente déjà une organisation complexe, remportant un certain crédit
auprès de ses chargeurs pour ses capacités de coordination. De ce fait, c’est de
toute une partie de leurs chaînes logistiques que le 3PL se porte garant, assumant
au passage le choix de certains opérationnels. Avec la contribution de ses
partenaires, il exécute et coordonne pour transporter, stocker puis faire transiter.
Dans certains cas, le 3PL propose des services dits stratégiques comme le cross-
docking ou le co-manufacturing.
▪ Le 4PL est le stade ultime de la mue chez les PSL. A son expertise avancée dans sa
discipline, il associe la pointe de la modernité technologique. L’exclusivité de son
savoir-faire lui permet de conseiller autour de l’optimisation et la rationalisation
des flux. Au 3PL, le 4PL ajoute à ses états de services toute la conception et la
planification des systèmes logistiques ce, à l’aide de systèmes d’informations
dédiés.

Cette nomenclature explicitée par Pons (2003) est rapidement devenue une référence
majeure pour la littérature grâce à sa définition claire des critères de séparation entre les phases.
Elle affine ainsi l’analyse empirique et permet d’expliquer la migration des plus évolués d’entre
eux vers le centre des chaînes. Un essor fulgurant en l’espace d’une trentaine d’années qui
d’ailleurs semble encore loin d’être achevé.
Cet apport descriptif a également fait évoluer la perception de la littérature à l’endroit
des PSL, une tendance que le lexique choisi par les auteurs permet de distinguer. Par exemple,
certains articles scientifiques font émerger depuis une quinzaine d’années l’image d’un « PSL
interface » (Fulconis et al. 2012), entre les organisations. La nuance est suffisamment prononcée
pour référer au renouvellement d’une pratique managériale car une interface, au-delà de la

40
simple intermédiation, peut cloisonner les protagonistes. Cette capacité suppose des
responsabilités allant jusqu’à la désignation des opérateurs et à leur accompagnement dans
l’exécution. L’extension de garantie est suffisante pour promouvoir le statut du PSL de celui
d’exécutant vers celui d’organisateur des opérations. D’autres chercheurs vont plus loin en
attribuant au PSL un rôle « pivot » entre les chaînes (Hiesse, 2009). Ses fonctions ont alors valeur
de coordination des échanges de flux aussi bien physiques que d’informations entre ses
partenaires.
Ce sont les innovations de type managériales qui, lorsqu’elles sont d’ampleur suffisante
pour changer les business model, se rendent responsables de la mutation des prestataires, les
faisant évoluer vers les stades supérieurs de leur nomenclature. Les grandes innovations qui ont
successivement donné naissance à chaque catégorie nouvelle de PSL, ont provoqué pour la
prestation logistique des vagues de croissance majeures. Cette question conduit naturellement
à expliciter les facteurs différenciant les profils de 4PL de celui qui naturellement le précède dans
la nomenclature, le 3PL.
Des contributions intéressantes ont déjà été apportées autour de ce sujet hautement
utile pour les praticiens. Un sondage mené par Langley et al. (2005) révélait ainsi que les 3PL
restaient, pour les praticiens, mieux placés que les consultants ou éditeurs de systèmes
d’information, pour évoluer vers le statut de 4PL. Les 3PL profiteraient ainsi d’un crédit qui repose
largement sur une coordination opérationnelle quasi-permanente qu’ils entretiennent avec leurs
chargeurs. En effet, les 3PL ne mobilisent que rarement une flotte de moyens qui leur est propre.
Sur des marchés à la demande fluctuante, le recours à la sous-traitance leur est indispensable
pour maintenir une mobilisation appropriée d’actifs. A une conduite opérationnelle constante,
et une coordination intensive entre parties, peut s’ajouter une définition stratégique pertinente,
qui n’est pas étrangère à nombre de grands 3PL. Elle leur permet de démontrer leur maitrise
réelle des enjeux spécifiques aux secteurs d’activité et aux particularités intra-organisationnelles,
en faisant un aspirant idéal au statut d’expert logistique.
Pour Win (2008) cependant, l’importance des actifs chez le 3PL peut entraver la qualité
attendue des services une fois le prestataire devenu 4PL. Pour l’auteur, la priorité absolue
donnée aux enjeux financiers du 3PL conduit le prestataire à orienter ses chargeurs vers des

41
solutions pensées pour légitimer les acquisitions nouvelles de nouveaux actifs physiques. Le
raisonnement se fait ainsi sur un terme court, au détriment du développement pérenne des
réseaux vers une économie de la connaissance appliquée à logistique et dopée par une
technologie avancée. La conception faite de la valeur, sujet intimement lié à la question de la
légitimation, façonne donc sensiblement les priorités opérationnelles. Le conseil et le travail de
conception, vendus par le 4PL peuvent donc être remis en question par des visées purement
mercantiles, susceptibles de fausser l’objectivité. Cette vision fait de ces deux types de PSL des
acteurs plus complémentaires qu’évolutifs.
Une autre des contributions centrales de Win (2008) consiste en un inventaire
d’arguments en faveur de l’engagement de long terme que suppose le recours au 4PL. L’auteur
confronte son raisonnement au terrain, sur lequel il prend des mesures empiriques pour donner
à ses apports un supplément de légitimité. En complément de ces résultats sur les 4PL, Win
(2008) formule des propositions managériales liées à l’intérêt du prestataire, scindées selon leur
nature financière ou immatérielle. L’auteur n’omet pas l’influence de l’environnement, citant
notamment certains facteurs comme le climat des affaires ou les coûts du capital, qu’il convient
pour produire des indicateurs pertinents, propres à juger des effets de l’intervention d’un 4PL.
Il semble ce soit que la volonté des PSL à répondre aux particularités sectorielles,
contextuelles, voire individuelles, par un effort d’adaptation de leur offre, qui les contraint dans
bien des cas à innover. Il s’agit de changements qu’il convient potentiellement de faire apparaitre
sur les business model, justifiant de la progression d’un PSL dans la nomenclature. Le travail
empirique mené par (Ounnar et al., 2018) révèle que la personnalisation des services logistiques
arrive en tête des attentes des praticiens. En cela, ils se dotent d’avantages concurrentiels
majeurs, dont ils font profiter les membres de leurs chaînes.
Au regard de l’importance des enjeux le concernant, le 4PL a pu sembler souffrir d’une
regrettable sous représentativité dans la littérature managériale. Dès 2001, Mentzer et al.
Suggèrent appellent à consacrer une attention particulière au « rôle des différentes catégories de
prestataires de services indépendants ». Dans un article paru quelques mois plus tard, Nathalie
Fabbe-Costes écrivait ; « Il est d’ailleurs étonnant de constater que les prestataires [logistiques]

42
sont les grands absents de tous modèles de SCM présentés tant par les consultants que par les
chercheurs ! ».
La logistique de manière générale est un temps apparue relativement délaissée, au regard
de l’importance pratique qu’elle peut revêtir dans le quotidien d’une société consumériste. Aussi,
les problématiques supply-chain endogènes aux distributeurs et industriels ont longtemps
monopolisé l’attention, au détriment de l’analyse purement logistique qui elle, accorde une
centralité plus importante aux prestataires. Selon la FNEGE, en 2016, le volume des thèses
présentées dans l’hexagone, à inscrire dans le champ disciplinaire de la logistique, continue,
comme les cinq années précédentes, de plafonner à une proportion inférieure à 5%, soit la moins
élevée. Une déduction logique de ces chiffres encore récents laisse à penser que les PSL,
incontournables acteurs sur les chaînes, sont largement sous-représentés dans les travaux de
recherche au regard de leurs importance réelle.
Historiquement, notre revue de littérature nous enseigne que les articles faisant du 4PL
leur centre premier d’intérêt remontent pour la plupart aux milieux des années 2000. Cette
période marquait alors l’annonce de son arrivée imminente et marquante sur les chaînes.
L’attention, restée mesurée, s’est cependant révélée provisoire car marquée par la crise de 2008,
le début de la décennie 2010 voit le 4PL se faire plus rare dans les travaux de recherche,
démontrant l’échec de cet acteur prometteur à s’imposer sur les marchés. Le redémarrage de
l’économie mondiale, se traduisant par des échanges de nouveau à la hausse, semble susciter un
regain d’intérêt pour le 4PL. Depuis 2017 notamment, la réactualisation des travaux de recherche
révèle le potentiel nouveau que le progrès technique semble pouvoir rendre au prestataire.
Cette littérature s’accorde à placer le 4PL aux cœurs des partenariats, des réseaux et des
chaînes. Une reconnaissance de la centralité des PSL qui s’est affirmée progressivement, à
mesure des développements opérationnels évidents du prestataire. Fulconis et Paché (2017)
livrent une représentation dépeignant avec justesse le rôle complexe de ce 4PL, stade ultime de
la mue du PSL, que les auteurs qualifient de « maestro » des chaînes logistiques.

43
Figure 1 – Evolution du PSL dans les chaînes logistiques

Figure 1a – La chaîne logistique

(Mentzer et al., 2001)

Figure 1b – « Le PSL, maestro des chaînes logistiques »

*Lead Logistics Providers

44
(Fulconis et Paché, 2018)

La confrontation de ce schéma à la représentation classique des chaînes, extraite ici de


l’article de Mentzer et al. (2001), est particulière révélatrice de l’écart séparant les simples PSL
de leurs homologues 4PL. Une quinzaine d’années environ séparent ces ébauches d’un même
concept. Ainsi en 2001, Mentzer et al. ne concèdent au PSL qu’un rôle très périphérique que
Fulconis et Paché (2018) réinventent en plaçant ce qui est devenu le 4PL au centre d’un modèle
plus dynamique, débarrassé d’une temporalité trop plate. C’est donc la vision même des chaînes
qui évolue. Linéaires d’abord, elle ne sert qu’à retranscrire une logique simplifiée, avant de se
transformer en un modèle rappelant le réseau, soulignant l’importance des allers-retours
permanents entre les parties. La seconde représentation a certes a été pensée pour mettre en
exergue le rôle incontournable de coordinateur du 4PL, mais elle démontre bien que les échanges
ne sont plus à sens unique tel que les premières publications le laissaient entendre. Et au centre
de ce mécanisme dynamique, nul autre eu le 4PL.
La contribution de Fulconis et Paché (2017) est novatrice et encore récente. Ces
caractères suggèrent que ce PSL maestro, plus couramment appelé le 4PL, se fait toujours rare
sur le marché de la prestation logistique. De ce fait, l’acteur est relativement méconnu des
praticiens, négligé par les consultants et ignoré par les chercheurs. Ses capacités pourtant
manifestent appellent à reconnaître ses justes mérites, dans l’espoir de promouvoir son image
auprès des acteurs du management. Une initiative d’autant plus justifiée lorsque que l’on
imagine les potentialités que lui réservent des technologies nouvelles qui, au regard de leur
complexité, exigent une spécialisation et une expertise SCM que seuls les 4PL semblent être en
mesure de proposer. Ils intègreront l’intelligence artificielle, le big data ou la blockchain, relevant
brusquement les exigences de gestion et d’opérationnalisation des chaînes. Au titre de
consultants-experts, les 4PL se multiplieront au gré de leurs spécialisations, gagnant au passage
une influence considérable sur leurs partenaires.
A son égard, l’on distingue ainsi l’évolution progressive de la littérature. D’une quasi-
absence des publications dans les années 1990, le PSL est seulement mentionné au début des
années 2000, à l’image de l’article de Mentzer et al. (2001), avant de se voir au centre de certaines

45
analyses. Citons comme exemples la thèse de Carbone (2004), l’article de Hiesse (2009) ou de
Boissinot et Kacioui-Maurin (2009). Dernière phase de cette évolution, il finit par être élevé au
rang de véritable chef d’orchestre des réseaux, selon Fulconnis et Paché (2018).

1.1.2 Le gap de littérature choisi

Notre revue de littérature révèle que la progression soutenue des 4PL dans les chaînes
logistiques et les enjeux liés font de l’acteur un objet de recherche encore intéressant pour son
originalité. Malgré un retour progressif du prestataire dans la parution des ouvrages en
logistique, dont certains apparaissent dans la bibliographie de cette thèse, nous estimons que
nombre d’analyses restent à produire ce, notamment en raison des enjeux pour les marchés de
l’émergence rapide du 4PL.
En premier lieu, il conviendrait pour les chercheurs de trouver un consensus encore trop
relatif autour d’un certain nombre de concepts pourtant essentiels. Ainsi, alors que la
nomenclature des PSL semble être largement reconnue et acceptée, il n’en est clairement pas de
même lorsqu’il s’agit d’identifier les distinctions au niveau des déclinaisons opérationnelles.
Typiquement, établir le niveau d’analyse au niveau tactique, soit celui du business model,
équivaut à s’aventurer en terrain peu exploré, d’où la vivacité des débats. Cette idée est
intimement liée au besoin de précisions conceptuelles, pas seulement pour la logistique.
Participer à mieux définir les innovations de procédures par exemple, notamment au niveau
inter-organisationnel, rappelle l’importance de leur valeur ajoutée et les conditions attendues
pour leur émergence (Lecocq et al., 2006).
En second lieu, face à la modernité d’un phénomène managérial en fort développement,
la recherche assume son devoir de reconnaissance des standards nouveaux. Quel moyen plus
élémentaire de produite une contribution scientifique utile aux praticiens que de décrire et
définir le monde qui les entoure ? Il convient donc de faire preuve d’une vigilance renforcée face
à l’évolution rapide des secteurs d’activités émergents. Les managers y sont logiquement à la
recherche du modèle optimal, se débattant au milieu d’une concurrence en croissance et
anticipant avec difficultés les évolutions d’un marché encore immature.

46
Aussi, il convient d’extraire le 4PL de la position de simple sous-traitant, encore considéré
peu compétent par nombre de chargeur. Notre démarche s’inscrit dans la continuité de Fulconis
et Paché (2018), voyant dans l’acteur non pas un simple prestataire, mais un véritable
« maestro » des chaînes, concepteur et coordinateur. Il apparait intéressant de préciser cette
vision nouvelle du 4PL par la description approfondie de ses rôles nouveaux. Cet exercice peut
en outre amener à prolonger le travail de Fulconis et Paché (2018) en évoquant le rôle de plus en
plus central de consultant. Il rend le 4PL capable de proposer à ses chargeurs des améliorations
hautement productives de processus, même dans l’exécution de tâches en apparence simples.
Le 4PL étend ainsi son influence bien loin le long des chaînes, leur faisant gagner en cohérence
et en efficacité.
Puis, une analyse consacrée à l’analyse des enjeux liés à l’émergence d’un secteur ne peut
se permettre d’exclure cette question de l’innovation. A ce sujet, Boissinot et Kacioui-Morin
(2009) parviennent à reconnaitre chez les PSL certains experts dans leur domaine, au savoir-faire
suffisant pour innover. Cet article démontre avec pertinence qu’il est dans l’intérêt du prestataire
de verrouiller sa relation avec ses chargeurs grâce à des gains de productivité parfois exclusifs à
leurs processus. L’objet de recherche, singulier et pertinent, manque cependant de considérer
une approche normative, particulièrement recherchée des praticiens. Il serait ainsi utile de
renseigner des dispositions à prendre pour favoriser l’émergence de l’innovation logistique et
des enjeux qui en résultent.
Notons que la considération stratégique de Boissinot et Kacioui-Morin (2009) pour les PSL
semble encore relativement rare dans la littérature. Cette dernière privilégie bien souvent le
point de vue des chargeurs (Fabbe-Costes, 2002), auprès de qui les contributions normatives
abondent. Dans de nombreux cas, il peut également s’agir pour la recherche de définir les besoins
typiques au management des chaînes. Ainsi, après définition des attentes des chargeurs
adressées à leurs prestataires, il semblerait logique d’inverser le point de vue pour mieux
comprendre les réponses apportées par le plus mature des PSL, le 4PL.
Les études plaçant les 4PL au centre de la réflexion font bien souvent l’impasse sur les
compétences de l’acteur, privilégiant les enjeux de leur capital, souvent colossal. Il est ainsi
souvent discuté des économies d’échelles que proposent les grands armateurs et leurs porte-

47
conteneurs, ou des entrepôts intelligents, à la productivité renforcée. La gestion de tels outils ne
se fait cependant pas sans le développement d’une expertise métier qui en elle-même, produit
une valeur ajoutée non négligeable. Les 4PL ne seraient aucune capable d’éditer et de
promouvoir des SIIO innovants pour le management des chaînes sans une maitrise profonde des
besoins de leurs chargeurs. L’information et les compétences liées sont devenues, pour la
logistique aussi, des ressource essentielles et incontournables. Les ingénieurs logistiques
accumulent une expérience forgée de leurs efforts d’adaptation et imaginent des solutions
innovantes financées des moyens importants de leurs entreprises. Les dirigeants à leur tour, se
montrent de plus en plus audacieux dans la définition de leurs grandes orientations stratégiques.
L’apprentissage du 4PL influence ainsi ses choix de spécialisation.
Person et Virum (2001) ont associé business model et prestation logistique. Au-delà de
l’originalité de la démarche, les enjeux ont naturellement connu, en une vingtaine d’années, une
évolution à la mesure de celle des 4PL. Ces derniers n’ont en effet plus que peu de points en
commun avec ce qu’ils représentaient il y a une vingtaine d’années. C’est aussi pour cela qu’il
importe de reconnaitre l’écart qui désormais sépare les 4PL des autres PSL. C’est là aussi une
réalité observée dans la littérature des années 2010. Les chercheurs ne consacrent leurs travaux
de recherche que rarement à une seule catégorie de PSL. Les prestataires ont longtemps été
considérés comme un groupe trop homogène.
Par conséquent, proposer un modèle d’entreprise pour l’une de ces catégories, en
l’occurrence les 4PL, repose sur le postulat largement reconnu qu’un ensemble de
caractéristiques soient globalement partagées par ces seuls acteurs. Ainsi, malgré les
spécialisations différenciatrices au sein de chaque catégorie, certaines orientations stratégiques
et tactiques constituent des éléments de convergence des profils.
Ce postulat ne pose aucune contradiction avec l’idée qu’il est possible d’adopter des
approches différentes d’une activité au sein d’une même catégorie de PSL (Demil, Lecocq et
Warnier, 2006). Il concède au contraire l’existence de spécialisations dans les catégories qui ne
peuvent être ignorées. Il s’agit seulement de rappeler qu’elles se situent à un niveau plus
opérationnel que stratégique, où un ensemble de caractères rassemblent les prestataires d’une
même classe. Pour Demil, Lecocq et Warnier (2006), ce postulat est indispensable dans la mesure

48
où il soutient le concept même d’innovation managériale, par le renouvellement de la stratégie
d’entreprise.
Le business model apparait naturellement comme l’outil le plus approprié pour réaliser
décrire les innovations du 4PL. De plus, l’outil décrit en partie les échanges de flux impliquant les
parties prenantes directes. Par voie de conséquence, il permet de déduire la redistribution de la
valeur en cas de changement.
Cependant, la démarche, intéressante intellectuellement, ne nous semble pas suffisante
pour constituer l’objet d’une thèse. Il convient de prolonger l’analyse afin d’entrevoir comment
les prestataires accomplissent leur mue, et face à la redistribution de la valeur, légitiment les
changements qu’ils proposent.

1.1.3 La capitalisation comme ressource essentielle aux


changements de business model des 4PL

La préservation d’une forme de cohérence dans l’évolution des modèles d’affaires


constitue un moyen de remporter presque spontanément une forme de légitimation venant de
la plupart des parties prenantes. Miller et Le Breton Miller (2010) considèrent la continuité
stratégique comme un axe majeur de légitimation du changement. Il importe ainsi pour les
dirigeants d’entreprise, à l’égard de toutes leurs parties prenantes, de démontrer d’un minimum
de cohérence dans la définition de leurs grandes orientations. Ainsi, quel que soit le type
d’organisation et son secteur d’activité, l’absence d’aventurisme vers une diversification risquée
est de nature à rassurer. La capitalisation comme levier de croissance est en cela un outil
privilégié pour des acteurs en développement tels que les 4PL. Elle a largement contribué à
rehausser leur appréciation d’abord chez les praticiens, ensuite chez les chercheurs.
Partant du principe que les 4PL sont, historiquement, des PSL spécialisés qui ont su
capitaliser sur leur réussite pour croitre, il importe de définir cette accumulation comme une
ressource essentielle, pour les avantages décisifs qu’elle apporte.
Il convient de considérer en premier lieu les équipements et actifs physiques que
possèdent les 4PL. Il s’agit entre autres des flottes de navires, de containers, de camions et autres

49
plateformes logistiques qui se sont multipliées, agrandies et ont essaimé dans le monde. Les
navires sont aujourd’hui des biens monumentaux, les flottes de véhicules se sont diversifiées
pour s’adapter à la ville ou aux grands espaces et les entrepôts sont désormais capables
d’accueillir des marchandises aux besoins spécifiques. Pour Fabbe-Costes et Colin (1995), miser
sur la maximisation du volume était dès les années 1990 une stratégie privilégiée par les
prestataires logistiques pour réagir à la résistance de certains chargeurs face à la tendance
d’externalisation. Il apparait évident que standardiser à outrance a contribué à financer le
développement des 4PL, leur diversification métiers comme géographique.
A mesure d’une croissance matérielle, les 4PL ont séduit de plus en plus de chargeurs et
de partenaires d’affaires. Certains d’entre eux ont trouvé matière à faire appel à des logisticiens
longtemps exclus de supply-chain pour leur incapacité à répondre efficacement à leurs
particularités sectorielles. C’est le renforcement de ces relations qui a incité les chercheurs, à
partir des années 2000, à évoquer la notion de réseaux logistiques, articulés autour des grands
prestataires, les 4PL. Leurs efforts commerciaux et surtout opérationnels ont favorisé
l’établissement d’une réputation positive, renforçant leur positionnement sur les marchés. Sans
être un critère de premier rang, la réputation demeure contributrice positive pour les 4PL
(Ounnar et al. 2018). Il importe également de relever que les grands 4PL ont appris à développer
une gamme de services n’excluant pas les chargeurs de petites tailles. Leur présence dans le
portefeuille de clients des prestataires leur permet notamment de réduire leurs risques
commerciaux, sans dépendre de quelques distributeurs et grands industriels. Les prestataires
servent désormais un panel de chargeurs allant des fournisseurs de matières premières aux petits
commerçants, en passant par les industriels et grands distributeurs. Au service de quasiment tous
les secteurs d’activités, ils constituent l’épine dorsale des chaînes, récoltant au passage des bases
de données d’information extrêmement fines et complexes. L’avantage est considérable à l’ère
de l’information digitalisée.
L’intégration de systèmes d’information dédiés à la relation client, ou Customers
Relationship Management (CRM), laisse à penser que les 4PL tentent d’ores et déjà de se
rapprocher du modèle d’organisation des géants du e-commerce. L’objectif affiché est la
construction de bases de données clients, mais aussi de prospects et partenaires, voire de

50
concurrents. A l’ère des big data, ces données représentent une ressource de plus en plus
essentielle pour les logisticiens car elles traduisent les grandes tendances de consommation,
donc d’échanges commerciaux. Mieux identifier les consommateurs directs ou finaux peut
également servir à bâtir des campagnes promotionnelles ciblées et plus efficaces. En cela, elles
servent à déterminer avec une plus grande fiabilité les grandes orientations stratégiques comme
à mieux organiser l’allocation de ressources opérationnelles.
Le réseau durement bâti d’un 4PL demeure une ressource précieuse et évidemment
exclusive. Les bases de données cependant, constituent une source d’informations utile à
différentes parties prenantes. Elles résultent d’un travail d’identification du marché qui révèle les
tendances commerciales d’une région ou d’un secteur. Une capitalisation sérieuse de cette
ressource, au-delà de l’intérêt commercial qu’elle procure aux 4PL, peut ainsi être directement
rentabilisée par la commercialisation de rapports riches de données statistiques triées et
analysées. Pour les autorités publiques, des organismes d’études économiques et commerciaux
ou des investisseurs divers et variés, ces bases de données particulièrement larges et détaillées
peuvent permettre de connaitre l’identité des grands importateurs et exportateurs, par
catégories de produits au sein d’une région ou d’un secteur d’activité donné.
La collecte de données clients, si elle est complexe et couteuse à mettre en place, ne
génère que peu de charges directes. Il existe pour l’heure chez les 4PL un cout d’opportunité à
mobiliser les forces commerciales dans la réalisation de ce travail de renseignement plutôt que
dans la vente pure. Leur traduction, dans un second temps, impose de solliciter un personnel
qualifié, capable de manipuler ces statistiques, et de les interpréter. A cela s’ajoutent les charges
relatives aux systèmes d’informations dédiés, évidemment incontournables pour écarter les
erreurs de manipulation humaines.
Autre ressource essentielle, l’augmentation progressive des moyens opérationnels chez
les 4PL ont fait croitre leurs revenus tout en profitant aux chargeurs pour qui les services
logistiques sont rapidement devenus moins onéreux sur base unitaire. La tendance des prix à la
baisse s’est vue renforcée par une concurrence plus agressive, s’inscrivant elle aussi dans la
standardisation à outrance. Alors qu’un appel est lancé pour rendre aux chaînes plus de
flexibilité, Fabbe Costes (2007) reconnait en la standardisation un modèle incontournable pour

51
la viabilité des chaînes. Ainsi, pour l’auteure, la création d’économies d’échelles par massification
est incontournable mais implique un effet pervers, le surinvestissement. En effet, la stratégie
fonctionne tant que la demande croit de manière soutenue. Les phénomènes de saisonnalité
révèlent également le caractère inadapté d’un système d’offre reposant uniquement sur la
standardisation de services simples.
Si le modèle est simple à comprendre, l’organisation qu’il exige de mettre en place est,
elle, plus complexe. Il apparait en effet peu réaliste pour les 4PL de parvenir à répondre à la
demande par leurs propres moyens. Le réseau de partenaires doit être mis à contribution. En
cela, les deux ressources, réseau et capital propre, doivent être utilisés de manière
complémentaire et adroite pour trouver le bon équilibre. Les partenaires spécialisés permettent
aux 4PL de faire usage d’une externalisation utile face aux pics de saisonnalités notamment. Les
deux ressources ainsi associées contribuent à en développer une troisième, le portefeuille de
clients chargeurs. Il convient ainsi pour les 4PL d’adapter leur mode d’organisation afin préserver
un contrôle indispensable sur les chaînes tout en améliorant leur flexibilité opérationnelle face à
des marchés changeants (Hiesse, 2009).
Les contraintes contextuelles semblent donc émerger comme le vecteur d’influence
principal dans la décision de répartition entre moyens propres et recours à la sous-traitance chez
les 4PL. Sur un plan plus structurel, ces décisions dépendent également des choix de
spécialisations par secteurs qui naturellement, imposent des exigences spécifiques. Externaliser
des activités annexes au cœur de métier traditionnel peut également représenter un moyen sûr
de débuter une phase de diversification (Carbone, 2004). Elle précède l’acquisition directe de
prestataires spécialisés et complémentaires, sur lesquels s’appuyer pour financer la conquête de
nouveaux marchés.
Certains 4PL font le choix assumé de se trouver en situation de surcapacité sur le marché,
comptant sur la mise à disposition de leurs moyens au profit de partenaires, voire de concurrents.
Il convient ainsi de ne pas supporter les couts d’opportunité liés à la passivité de ces actifs,
auxquels s’ajoutent forcément des coûts d’entretien, de maintenance et d’amortissement non
négligeables. C’est un peu par contrainte que les grands armateurs ont adopté cette stratégie,

52
consolidant leur offre par des systèmes d’alliances horizontales afin de mettre en commun leurs
moyens.
L’exploitation, voire la simple détention, de ces moyens physiques importants imposent
des fonds de roulement élevés, avec des équipements énergivores et sujets à une dépréciation
rapide. Les couts d’entretiens et de maintenance ne peuvent donc qu’être considérables.
L’automatisation à outrance tend à réduire sensiblement les charges liées aux ressources
humaines, bien que ces dernières continuent de représenter un poste majeur dans les structures
de couts.
L’on observe des logisticiens saisir les opportunités des services annexes à leur cœur de
métier pour étoffer leur offre de services à moindres couts tout en restant cohérents avec leur
expérience. Ils rehaussent ainsi la qualité de leurs services et se dotent d’avantages
concurrentiels pour agrémenter leur principale source de revenus (Aguezzoul, 2019).
Les trois ressources majeures, capitalisées avec le temps, doivent notamment permettre
aux 4PL de financer leur diversification (Fabbe-Costes et Colin, 1995). En effet, les ESL étendus,
composés de partenaires complémentaires, jouent un rôle d’appui essentiel. Il en va de même
du capital propre, tout aussi indispensable pour simplement exercer l’activité de prestation
logistique. Aussi, les choix de services annexes à l’endroit desquels investir sont pour les 4PL des
réactions aux attentes de leurs marchés, révélant l’importance de mener un travail minutieux
d’identification des attentes et de leur exploitation. Cette démarche peut permettre de deviner
des attentes insoupçonnées par les chargeurs eux-mêmes.
Les 4PL apprennent à intégrer des systèmes d’offres déjà complexes les pratiques
observées dans les sphères de la haute technologie, de la banque ou des assurances. Pour la
logistique, ces adaptations représentent des innovations managériales fortes, intimement liées
aux systèmes d’alliances inter-entreprises. Elles ont permis d’étoffer les systèmes d’offre des 4PL
et d’augmenter en conséquence la rentabilité de leurs prestations, modifiant sensiblement les
business model.
D’un point de vue commercial, les 4PL consolident leurs prestations de ces services
additionnels afin de protéger leurs chargeurs des aléas de différentes natures susceptibles de
causer retards, dégâts et hausse des coûts. Aussi, au-delà d’une amélioration de la qualité d’un

53
ensemble de services mieux intégrés, les 4PL proposent à leurs clients un interlocuteur unique.
A l’image des opérationnels, les services commerciaux et de relations clients s’en trouvent eux-
aussi améliorés.
Grâce à ces politiques, la qualité du service proposé a gagné en importance aux yeux des
chargeurs. Elles contribuent à pourvoir ces derniers d’un sentiment de sécurité ou de confort
quant au bon déroulement de leurs opérations logistiques. Les polices d’assurances protègent
des aléas alors que l’accès au tracking en temps réel rend l’information transparente et
disponible. La logistique de certaines cargaisons doit par exemple respecter certains critères de
manipulation ou de délais. Les 4PL promettent ainsi à certains chargeurs un accès privilégié à leur
marché en saisonnalité haute. En rendant l’information entièrement transparente, les
prestataires accélèrent son traitement par une réactivité accrue de toutes les parties prenantes.
Ces outils permettent également d’établir avec une plus grande simplicité les responsabilités de
chacun des intervenants dans les éventuelles complications (Kolli et Rousseau, 2018).
Certains 4PL s’aventurent à intégrer d’autres services, plus innovants, le long des chaînes,
développant par exemple le cross-docking ou le co-manufacturing pour le compte de grands
chargeurs. Ces services nécessitent forcément des investissements considérables, requérant la
signature de partenariats exclusifs liant les parties prenantes sur un terme long. Ils impliquent de
redéfinir parfois profondément une partie des chaînes et d’intensifier la coopération.
Face à la lourdeur des investissements, l’externalisation même temporaire de ce type de
service promet des bénéfices tangibles au 4PL. Au-delà de faire appel à un prestataire spécialisé,
le 4PL prélève légitimement des commissions, forfaitaire ou unitaire, pour une responsabilité
qu’il assume auprès de ses chargeurs. Les prestataires spécialisés peuvent espérer en retour
profiter de la couverture commerciale d’un 4PL de grande envergure, capable de rassurer grâce
aux contrats de long terme.

54
1.2 Les transformations organisationnelles des chaînes
logistiques sont inhérentes au modèle d’affaire

1.2.1 Les 4PL au travers de leurs modèles d’affaires

Il importe dans cette partie d’énoncer en partie les arguments propres à justifier de ce
choix, ainsi que de la grille d’analyse privilégiée parmi celles que la littérature met à notre
disposition.
Nous évoquons d’abord les arguments opposés au concept de business model. Le premier
d’entre eux est lié à la synthèse qu’il fait de structures larges et complexes. Il faut pourtant voir
dans les raccourcis pris par le business model les passages obligés vers plus d’exhaustivité. Son
apparence sommaire est une condition à la diversité des logiques managériales qu’il doit
permettre de déduire. Le concept se révèle ainsi un excellent point de départ pour le
développement d’analyses spécifiques à certains phénomènes ou tendances.
Ensuite, le business model est un outil hybride, à situer entre les grandes orientations
stratégiques et leurs déclinaisons opérationnelles du SCM, soit au niveau tactique (Demil et al.,
2006). Pour en faire usage dans le cadre d’une étude de cas notamment, il convient de s’inscrire
de manière explicite à ce niveau de l’analyse. Il apparait clairement approprié à l’inventaire des
rôles nouveaux du 4PL car la diversité de leurs déclinaisons opérationnelles est à l’évidence trop
importante. Cette dernière démontre au passage l’enrichissement de la prestation logistique de
métiers nouveaux, souvent complexes, contraignant les 4PL à choisir leur spécialisation.
La transversalité entre champs disciplinaires, qui justement fait la force de l’outil pour les
praticiens, est longtemps demeurée décriée par des chercheurs qui, eux, sont forcément
spécialisés par champs disciplinaires (Demil et al., 2006). Ces derniers privilégient donc
naturellement des outils propres à leur discipline, espérant maximiser leurs chances de produire
des contributions inédites. Pourtant, la transversalité du business model n’est pas toujours de
nature à restreindre l’analyse. Au contraire, elle doit pouvoir l’enrichir en créant des liens plus

55
évidents entre concepts caractéristiques par exemples du marketing, de la finance ou des
ressources humaines.
La lente acceptation du business model peut se justifier par les divergences de
conceptions de l’outil. Comme pour de nombreux concepts, la littérature a longtemps fait
coexister des définitions multiples du concept (Berthelot et al., 2014). Elles s’aggravent du fait
des nombreuses applications normatives dont il a pu faire l’objet dans le cadre de contextes
managériaux et de travaux de recherches très différents.
A la faveur du business model, soulignons en premier lieu les qualités de synthèse, de
consistance et de transversalité du business model, qui en font un outil fortement favorisé par
les praticiens, tous secteurs confondus. Il doit donc représenter un moyen de proposer une
contribution à la fois utile pour sa clarté et tangible pour son exhaustivité. Aussi, sa popularité
constitue en elle-même un argument pragmatique non négligeable pour promouvoir l’écho de
notre thèse.
Le concept a dès ses origines été pensé comme la représentation cohérente des affaires
d’une organisation, ce, dans un sens assez général. Cette ambition implique de synthétiser la
multitude d’interactions qu’une diversité importante de composants entretient. Elles incluent
tout aussi bien des personnes physiques que morales, des unités de travail ou des organismes
externes (Trkman P. et DaSilva C., 2014). Entre chacune de ces composantes, circulent des flux
de natures aussi hétérogène que peuvent l’être l’information, les flux physiques ou les
mouvements financiers, utiles à décrire des choix pris sur les plans stratégiques, opérationnels
ou financiers. L’outil se veut transversal, au service d’une suggestion exhaustive des plus-values
managériales apportées par les modèles d’entreprises. Cette qualité analytique, alliant réduction
et intégralité, se révèle également utile en faveur d’une approche plus holistique.
Pour les praticiens, le business model apporte donc des informations tangibles,
fatalement neutres et vérifiables. L’outil conjugue à cela un graphisme clair, presque simpliste.
Complet, utile et synthétique, le business model s’est imposé comme un auxiliaire fondamental
pour la prise de décision financière d’abord, mais aussi managériale, opérationnelle ou
stratégique.

56
Historiquement, les canevas des modèles d’affaires ont été popularisés parmi les cercles
managériaux dans le courant des années 1990, à une époque où l’étrangeté d’Internet imposait
aux start-ups un exercice pédagogique particulier (Demil B. et al., 2006). L’outil est étroitement
lié à l’innovation, notamment de type managériale, au sens décrit par Ageron et Lavastre (2016).
L’usage premier du business model demeure ainsi de créer l’adhésion autour d’une idée ou d’une
méthode liée à l’organisation de l’activité, et suffisamment importante pour avoir des
répercussions au niveau stratégique d’une entreprise.
En cela, il s’agit d’un outil de prédilection pour légitimer le changement et la nouveauté,
ou transformation organisationnelle (Besson et Rowe, 2011). Il semble donc parfaitement
convenir à la situation des 4PL, promoteur d’importantes innovations dans un secteur en pleine
mutation. Le business model peut donc devenir pour les prestataires un actant, au sens d’Akrich
et al. (1986), occupant un rôle central dans le processus de persuasion de toutes les parties
prenantes. Cette convenance du business model pour favoriser la diffusion des idées nouvelles
dans un secteur souffrant d’immobilisme explique également la popularité de l’outil auprès des
dirigeants d’entreprises et investisseurs.
Favorable au changement, les mouvements perpétuels du business model peuvent être
le signe d’une bonne santé managériale, démontrant qu’une organisation sait s’adapter à son
contexte. La question est particulièrement importante pour des acteurs tels que les 4PL,
principaux promoteurs et concernés par les fortes mutations de leur secteur d’activité. Différents
auteurs, à l’image de Damanpour (2014) mettent en garde les managers trouvant facilité et
confort dans une conduite constante de leurs opérations, demeurant impassible face à des
changements structurels lents mais impérieux. Il incombe directement aux dirigeants de
remettre en question le modèle d’entreprise de manière quasi-permanente et de sensibiliser ses
collaborateurs.
Cela est nécessaire afin de consacrer un minimum de ressources au développement de
l’innovation managériale, pas uniquement à la recherche et au développement du progrès
technique (Khaldi et Chehida, 2014). En effet, la contribution des cabinets de conseil en gestion
qui, suivant une tendance favorable est de plus en plus sollicitée, ne peut remplacer les parties
prenantes internes, seules à connaître toutes les particularités de leur SCM. La littérature abonde

57
de discussions appelant ainsi à la mobilisation des forces vices en faveur de l’innovation et du
changement. Mentzer et al. (2001) par exemple développent le concept de Supply-Chain
Orientation (SCO), conditionnée par le leadership et le soutien permanent des équipes
dirigeantes.
Il semble important de souligner l’importance de cette sensibilisation au business model
pour de grandes entreprises établies telles que les 4PL. Les prestataires sont de plus en plus
contraints de survivre sur des marchés qui se transforment rapidement en milieux fortement
concurrentiels. Les politiques d’amélioration continue, non seulement de leurs méthodes, mais
aussi de celles de leurs partenaires, conditionne la survie des chaînes.
Structuration et personnalisation de l’offre des 4PL font de ce concepteur de réseaux un
modèle singulièrement intéressant pour l’étude de ses influences normatives. Dans cette
perspective, le business model semble constituer un outil d’ébauche conceptuelle idéal. Il expose
avec logique et cohérence un état des lieux exhaustif de ce que promettent ces prestataires
experts à leurs clients. Le business model donne des indications claires quant aux choix
stratégiques privilégiés par les 4PL et contribue à déduire une bonne partie de leurs déclinaisons
opérationnelles. Le concept pose ainsi les bases indispensables d’une approche dont l’objet serait
de déterminer les axes d’évolutions de ses variables, les enjeux qui les motive et les moyens pour
les appliquer.
D’un point de vue académique, il semble que peu d’études s’inscrivant dans les champs
disciplinaires de la logistique ou du SCM ont jusqu’à présent articulé leur analyse autour du
concept, lui donnant par là une position centrale. Trkman et al. (2015) offre une des contributions
les plus importantes. Ses auteurs n’accordent cependant que peu d’importance aux prestataires
logistiques, lui préférant ses chargeurs et les problématiques propres à ces derniers. Belin-
Munier (2017) choisi quant à lui de focaliser son attention sur le e-commerce, phénomène
également dans l’ère du temps. Ces travaux sont donc récents, peu nombreux et focalisés à
l’endroit de secteurs ou d’acteurs différents des prestataires logistiques. Notre thèse aspire, elle,
à deviner les standards applicables à l’industrie des prestataires, plus précisément des 4PL. Il
s’agit notamment d’identifier leurs contributions, ascendantes stratégiques de leurs nouvelles
offres de services.

58
Le business model est certes, un outil simple de compréhension mais il n’en demeure pas
moins difficile à construire et analyser. La littérature propose différentes grilles d’analyses pour
la construction du business model. Nous évoquons ici trois modèles majeurs
Le premier d’entre eux, sans doute le plus courant, est celui d’Osterwalder et Pigneur
(2011), représenté ci-dessous (Figure 2). La multitude de variables qui le composent rendent la
représentation particulièrement complète et détaillée. Pour cette raison justement, il ne nous
semble que peu convenir à la proposition d’un business model standard, censé présenter le
consensus de toute une industrie. En effet, alors que les discussions autour de chacune de ces
variables a bien lieu à mesure de notre analyse, nous nous abstiendrons de tenter une synthèse
de ces données dans notre représentation. Nous pensons que cette démarche aurait toutes les
chances de nous écarter d’un modèle consensuel, ne pouvant convenir qu’à un segment de
l’industrie des 4PL.

Figure 2 - Le Business Model Canvas

Osterwalder et Pigneur, 2011

59
Chesbrough et Rosenbloom (2002), proposent quant à eux une décomposition de l’outil
en deux grands volets. D’abord les processus internes, qui renseignent, s’appuyant sur les
ressources capitalistiques et humaines, des méthodes de transformation en valeurs ajoutées des
inputs de l’entreprise. C’est là notamment qu’organismes financiers et pourvoyeurs de capitaux
trouvent les indications liées au partage des dividendes et à la rentabilité des investissements. Le
second volet du concept s’attache à décrire les échanges très factuels que les entreprises
entretiennent avec leur entourage, notamment direct. C’est au sein de cette partie que, au-delà
d’un objectif affiché de démontrer la création de valeur et la pérennité du modèle, les entreprises
doivent justifier les inévitables disparités dans le partage des ressources.
Notre revue de littérature nous a également permis d’identifier la logique de Verstraeteet
al. (2012) qui dissocient le business model en trois composantes génériques ; la Génération d’une
valeur (G), la Rémunération de cette valeur (R) et son Partage avec le « réseau de valeur » (P),
donnant ainsi lieu au modèle GRP. La démarche semble pratique pour les entrepreneurs à qui il
simplifie l’élaboration du business model. Elle ne correspond cependant que peu à notre
démarche qui repose sur l’offre des 4PL, décryptée à l’aide de notre typologie de leurs rôles.
Comme le modèle d’Osterwalder et Pigneur (2011), la segmentation en variables de l’outil
proposée par Demil et al. (2006) présente moins le mérite du détail, mais offre de tangibles
garantis d’exhaustivité face à l’ampleur forcément conséquente de la démarche. Les cinq
variables, interdépendantes, préservent la cohésion de la représentation. Dans la partie qui suit,
nous décrivons plus en détails la grille d’analyse de Demil et al. (2006) et les raisons qui nous
poussent à en faire usage.

1.2.2 Le modèle Ressources et Compétences, Organisation et


proposition de Valeur (RCOV) comme outil de construction du
modèle d’affaires type des 4PL

Demil et al. (2006) déconstruisent le business model en trois variables, les Ressources et
les Compétences (RC) de l’entreprise, son mode d’Organisation (O), la nature de ses revenus et
de ses charges qui, fusionnées, engendrent la proposition de Valeur (V). Les auteurs proposent

60
ainsi le modèle RCOV, permettant d’évoquer des enjeux propres et homogènes pour chaque
variable, tout en préservant leur interdépendance. En effet, les conséquences qui lient chacune
d’entre elles apparaissent logiques et simplement déductibles. La définition des variables
représente donc autant d’étapes qu’il convient de respecter dans le cadre d’une analyse de
transition forcément complexe et mal connue. La méthode semble ainsi efficace, et simplifie la
définition du business model, tout en récapitulant l’exhaustivité de l’action entrepreneuriale.

Figure 3 - Le business model RCOV

Source : (Demil B. et al., 2006)

Demil et al. (2006) entendent les Ressources & Compétences au sens classique, ajoutant
qu’au-delà d’être exploitables, elles sont directement valorisables « par cession ou exploitation »
servant ainsi à générer des revenus. Idéalement, une entreprise peur choisir de hiérarchiser dans
son business model ses ressources essentielles, selon ses grandes priorités, qui par accumulation,
constituent son capital propre. Ainsi, les ressources sont jugées stratégiques, car vitales pour
l’activité, ou annexes. Elles peuvent être considérées comme éphémères ou permanentes,
premières ou de substitution. Ces attributs sont autant de possibilités de représentations du
modèle d’entreprise, donc de différenciations au niveau de cette première variable.
La seconde variable du business model est scindée en deux grands volets. Le premier est
interne, puisqu’il désigne les modes d’exploitation des ressources essentielles, menés par les

61
forces propres à l’entreprise. Le second est tourné vers l’extérieur, appelant par sa définition, à
un exercice analogue à celui de la construction d’un ESA. Il appelle en effet à caractériser le type
de réseau dans lequel souhaite s’inscrire l’entreprise. L’exercice a son importance dans la mesure
où les attributs du réseau imposent de la soumission à des règles du jeu particulières, subies
différemment selon la position à laquelle l’entreprise se donne les moyens d’accéder (Koenig,
2012). Reconnaître ce positionnement est la seconde partie de l’exercice, s’inscrivant toujours la
définition de la variable Organisation. Ce faisant, les dirigeants évaluent les ressources
nécessaires à leur entreprise et délivrent des indications quant à la politique qu’ils comptent
mener. Par exemple, elle distingue les activités choisies pour être externalisées de celles, au
contraire qu’elle prend directement en charge. Ainsi, une stratégie d’outputs élevés en volumes,
procure des économies d’échelle et octroie un pouvoir de négociation ascendant sur les
fournisseurs et les clients. Elle contraint cependant à des investissements massifs. La formule
inverse peut être légitimement choisie, démontrant l’existence de possibilités multiples dans la
définition de cette variable.
La variable des Revenus invite les rédacteurs du business model à désigner ou élaborer la
formule du mode de rémunération choisi, dans la mesure des possibilités restreintes par la
nature des biens et services proposés. Ainsi, les transporteurs profitent de modes de tarification
avantageux et spécifiques comme le yield management qui offre un arbitrage pratique entre
volume et niveaux de prix pour maximiser les profits. Aussi, selon les dispositions du marché, les
logisticiens peuvent se donner la possibilité de proposer une tarification à l’unité ou forfaitaire.
D’autres paramètres peuvent être manipulés pour innover comme la fréquence des ventes,
constante toute l’année ou s’inscrivant dans une logique de saisonnalité, les volumes même, qui
décident du niveau de sensibilité des clients ou encore les niveaux prix pratiqués. De tels
changements relèvent du registre structurel des entreprises, touchant leur profil et la perception
que s’en fait leur entourage. Au même titre que les autres variables, les usages établis peuvent
donc être remis en question de sorte à créer une différenciation compétitive.
Les Charges enfin, inévitables car inhérentes au processus même de création de la valeur,
que les entreprises doivent cherchent avant tout à amortir. Deux types de charges se complètent,
les charges fixes, indépendantes des performances commerciales, et les charges variables, dont

62
l’ampleur dépend notamment de la conjoncture. Les proportions prises par chacune sont
largement déterminées par les choix opérés au niveau de la variable de l’organisation. En
prévoyant une externalisation étendue de son capital, l’entreprise augmente ses charges
variables rapportées sur ses charges fixes. Elle privilégie ainsi une plus grande flexibilité de son
appareil de production au détriment d’un investissement lourd mais maitrisé.
Cette fragmentation du business model, logique et adaptable, apporte un soutien
appréciable pour développer les implications cachées et multiples du business model. Elle répond
avec succès à des besoins d’analyse divers, notamment celui de justification, donc de légitimation
des choix et des changements. Le modèle simplifie ainsi la découverte des causes à l’origine des
modèles de rupture, à la manière dont en font usage Garreau et al. (2015). Portée à l’échelle de
ces variables, une réflexion autour du 4PL semble plus accessible.
Alors qu’elle n’est pas mentionnée en tant que variable constituante du modèle RCOV,
elle semble tout de même occuper une position transversale sur le schéma produit par Demil et
al. (2006). En effet, elle demeure l’élément autour duquel se constitue l’argumentaire des
entrepreneurs pour faire valoir les modalités qu’ils choisissent afin de maximiser la création de
valeur. Ainsi, la construction de leur business model peut se traduire par un exercice itératif,
imposant des allers retours entre les variables RCOV et l’offre. Cette dernière émerge comme
centrale et introductive à la démarche. La définition de l’offre permet d’une déduction simple, la
qualification des partenaires et des clients cibles et de leurs attentes. Procéder de la sorte nous
semble donc faire profiter d’une certaine convenance analytique héritée de l’influence pratique
que l’offre exerce à l’endroit des autres variables.
La logique favorise également l’analyse du processus de légitimation du changement car
l’offre est directement adressée aux parties prenantes. Au-delà d’être la plus évidente, l’offre est
de ce fait la plus susceptible de faire émerger le changement, notamment de méthodes. En effet,
l’innovation managériale repose sur la compétence humaine, les technologies et ressources
existantes. Dans un contexte fortement concurrentiel comme celui des 4PL, les entreprises ont
tendance à répercuter sur leur système d’offre les innovations productives qu’elles entrevoient
sur d’autres variables (Benamar, 2010). En conséquence, les bénéfices des innovations

63
managériales obtenues sur les autres variables ont toutes les chances d’être répercutées sur
l’offre de service.
Ce raisonnement pourrait être valable pour l’ensemble des chaînes. Considérant le client
final comme véritable moteur pour l’ensemble des chaînes, il doit lui être concédé, par effet
d’incidence, la quasi-totalité des gains de productivité (Mentzer et al., 2001). Du premier
industriel fournisseur au dernier distributeur, l’ensemble des organisations doit mobiliser ses
efforts en sa faveur. Le client final devient ainsi une partie incontournable en faveur de la
légitimation des modèles. Naturellement, il s’intéresse en premier lieu à la variable de l’offre, la
plus manifeste et qui lui est directement adressée.
Nous considérerons la typologie des rôles proposée par cette thèse comme l’offre de
service du business model des 4PL. En effet, la description des rôles correspond à décliner l’offre
de services au niveau stratégique, celui du business model. Disposant d’un élément central pour
la constitution de l’outil, nous en déduirons les besoins, soir les ressources essentielles, et
tenterons d’imaginer le mode d’organisation approprié. L’usage des écosystèmes Logistiques
devraient faire montre de son utilité à ce stade.
Nous espérons ainsi mieux comprendre les origines des grands changements en cours
chez les 4PL et l’étendue de leurs répercussions sur les autres variables du business model. Cette
démarche se révèle particulièrement utile pour les changements qu’il conviendrait de qualifier
d’endogènes.
Différents concepts existent pour contribuer à l’analyse. La SCO de Mentzer et al. (2001),
nous semble émerger comme majeure pour légitimer tout un ensemble de politiques
stratégiques en SCM. La recherche de coopération notamment, prend sens tant qu’elle est mise
au service du client final. Il semble en effet on ne peut plus rationnel que d’appeler chaque
contributeur à la création de valeur à coopérer afin de prioriser les intérêts de la partie prenante
motrice pour l’ensemble des chaînes. La SCO pose un postulat pour comprendre et justifier les
motivations des managers qui engagent leurs entreprises dans le changement, choisissant de
privilégier certains enjeux au détriment d’autres. Le concept relève résolument du partenariat
inter-organisationnel et prolonge parfaitement l’état des lieux proposé par les ESL et contribue
directement à construire un autre concept d’importance, le business model.

64
La dernière phase de l’analyse doit mettre en œuvre un concept adapté à la
compréhension des motivations sous-jacentes aux changements de business model. Le modèle
des 4C de Miller et Le Breton-Miller (2010) se révèle ici utile pour discerner les enjeux
stratégiques qu’impliquent les grandes mutations des offres de services logistiques. Le concept
répond à cette visée exploratoire en catégorisant explicitement les parties prenantes selon leurs
attentes, correspondant aux grandes priorités stratégiques. Les entreprises choisissent alors de
privilégier certaines orientations, au détriment des autres, s’appuyant sur une catégorie de
parties prenantes pour assurer la réussite de leurs démarches de changements. L’outil désigne
donc les parties prenantes susceptibles de capter la valeur ajoutée attendue d’une innovation
managériale et donne des indications quant aux possibilités de légitimer le changement.

1.2.3 Regard croisé avec le champ disciplinaire des Systèmes


d’Informations, à la contribution majeure dans le
développement des 4PL

Depuis les années 1990, la technologie est apparue comme une externalité majeure, voire
principale, dans l’émergence du changement dans les BMI des 4PL. Deux grands volets s’agissant
de ce facteur peuvent être distingués pour leurs particularités, les Systèmes d’Informations, de
plus en plus Inter-Organisationnels, adaptés pour accompagner la cohérence des réseaux, et les
NTIC.
La révolution numérique et les nouvelles technologies liées, attendues dans les
prochaines années, continuent d’être adaptées pour être progressivement introduites à la
prestation logistique. Le retard relatif des prestataires par rapport aux industries bancaires ou
marketing notamment (Kacioui-Morin et al. 2016) tend à s’estomper depuis quelques années. En
effet, les 4PL apprennent à adapter les algorithmes complexes pour optimiser l’usage de leurs
importantes et couteuses ressources. Ils sont intégrés à des systèmes d’informations de plus en
plus inter-entreprises, les SIIO, indispensables pour accompagner la croissance à dimension
internationale.

65
Ces outils sont devenus indispensables pour traiter à la fois les entreprises de
diversifications et de massifications opérées par les 4PL. Ainsi, les SIIO permettent directement
aux prestataires de proposer à leurs chargeurs une offre plus compétitive tant sur le plan tarifaire
que qualitatif. Cette ressource complémentaire au traitement humain a contribué à rendre
largement plus accessible l’absorption de volumes opérationnels importants, une barrière à
l’entrée désormais moins élevée pour les nouveaux entrants. Au-delà d’accélérer le traitement
opérationnel, les SIIO simplifient l’archivage des opérations, les échanges d’informations intra-
réseau, participent à une identification affinée des marchés ainsi qu’à un customer service
améliorés au profit des clients, minimisant les erreurs humaines à chacune de ces étapes.Taillée
à la mesure des besoins logistiques, la solution informatique accompagne les activités
quotidiennes au point de refaçonner l’ensemble des processus (Keffi, 2011). En cela, elle est
devenue une ressource hautement stratégique.
Au niveau inter-organisationnel, les SIIO sont progressivement devenus un levier
stratégique primordial dans la performance des chaînes logistiques toutes entières (Picard et
Tang Taye, 2000). Au-delà de servir à l’optimisation des ressources, ils doivent rendre les
connections plus fluides entre partenaires, au bénéfice direct de la croissance des profits
collectifs mais aussi, pour le 4PL, en faveur d’un meilleur management de son réseau. Le 4PL
assume mieux sa position de leader, rendant l’information logistique mieux accessible pour
chacune de ses parties prenantes, car transparente et distribuée en temps réel. Les SIIO peuvent
également être intégrés aux systèmes gérés par les autorités, simplifiant le paiement des taxes
douanières ainsi que le contrôle exercé sur les grandes infrastructures et les volumes
commerciaux. Ces avantages relèvent donc d’une coordination améliorée des opérations.
Enfin, rappelons que gérer de manière optimale les systèmes d’information dédiés à la
logistique devient de plus en plus une compétence hautement valorisable. Par son savoir-faire,
le 4PL peut espérer proposer des services de consulting à ses chargeurs, contribuant à améliorer
le traitement de leurs supply-chains.
Le niveau de sensibilité des systèmes d’informations impose aux 4PL de définir avec
dextérité la formule d’exploitation afin de satisfaire leurs critères de sécurité et de convenance.
Ainsi, certains systèmes, dits SaaS, pour Software as a Service, se caractérisent par une

66
externalisation maximale des services informatiques. Ils fournissent une solution de confort pour
les entreprises consommatrices, en l’occurrence les 4PL, dans la mesure où la maintenance et les
mises à jour sont entièrement gérées par l’éditeur. Une équipe réduite d’informaticiens suffit
pour conduire les installations et assurer une bonne compatibilité entre différents systèmes. La
durée de vie relativement limitée, face à des évolutions technologiques rapides, mais aussi les
besoins changeants de 4PL qui grandissent et changent d’orientations stratégiques incite de plus
en plus à favoriser les SaaS, formule la plus moderne, moins onéreuse et plus simple (Shang-Lian
et al., 2014). De plus, l’externalisation à outrance, des phases de conception à celles de la
maintenance et des mises à jour permet un gain de flexibilité précieux sur une ressource sensible.
Il convient de trouver une solution adaptée aux besoins, en collaboration avec les entreprises
éditrices, afin de mettre le système au service de la performance opérationnelle et commerciale
du 4PL, voire de son réseau dans le cas des SIIO. De la sorte, le 4PL peut choisir de sereinement
recentrer ses ressources sur son véritable cœur de métier, les prestations purement logistiques.
D’autres solutions, les IaaS pour Infrastructure as a System, imposent des investissements
en serveurs de stockage locaux. Ils assurent ainsi un meilleur contrôle des données, utile lorsque
des normes de sécurité sont particulièrement exigeantes au sein d’une industrie. Chez les 4PL,
ce cas de figure peut être dicté par les chargeurs impliqués dans les domaines de la défense par
exemple.
Il reste enfin le développement interne de logiciels, assurant une sécurité élevée et des
fonctionnalités exclusives, mais imposant des couts importants, qu’il convient de savoir amortir.
Certaines charges sont des couts d’opportunité car internaliser implique de financer l’entretien
de ressources qui, la plupart du temps, demeurent sous exploitées, certaines n’intervenant qu’en
cas de pannes ponctuelles. Aussi, les systèmes d’informations exclusifs peuvent souffrir de
fonctionnalités limitées par les compétences des développeurs, moins importantes et variées
que celles des éditeurs spécialisés. Ces derniers ont également le mérite de faire éprouver leurs
solutions par une diversité importante d’acteurs. Il apparait délicat pour les équipes
informatiques des 4PL d’apprendre à développer un système d’information complet, moderne et
suffisamment robuste pour traiter des opérations de grande ampleur.

67
Quelle que soit la formule choisie, le cout de remplacement d’un système d’information
ne peut qu’être très élevé pour des entreprises de taille importante, parfois mondiale, comptant
des milliers d’utilisateurs à travers le monde. Le constant renouvèlement des systèmes impose
aux 4PL un minimum de développement en interne pour intégrer les nouveautés ainsi qu’une
formation continue des équipes à des usages et processus parfois nouveaux. Alors que les
investissements en équipements purement techniques sont variables selon les cas de figures, les
couts liés aux formations, aux mesures d’accompagnements et à la promotion du changement
sont inévitables.
Rappelons que certains auteurs reconnaissent déjà une nouvelle forme de PSL, plus
récente encore que le 4PL, le 5PL, expert et consultant en système d’information logistique,
auquel peuvent faire appel les 4PL (Pons, 2003). Il s’agit donc d’un profil de PSL différents,
spécialisé sur cette activité informatique, s’écartant d’une continuité logique avec la
nomenclature des PSL. Le 5PL créé donc une rupture dans la prestation logistique classique en
renonçant au travail de coordination pour se focaliser sur les systèmes d’information, cœur de
métier nouveau, et principale source de revenus. Ainsi, l’offre de services informatiques liés au
management des chaînes peut être considérée comme une prestation de services logistiques à
part entière. Prétendre à ce rôle nouveau ne dispense pas d’une expertise de haute volée quant
au fonctionnement des chaînes.
Pour le 4PL, encore focalisé sur la coordination opérationnelle mais doté de capacités
d’intégration des SIIO, la création de profits directs passe par une internalisation du
développement susceptible de permettre une revente. Dans le cas de l’externalisation, la
création de revenus est naturellement plus indirecte avec l’amélioration de la productivité
interne et, par extension, celle de l’ensemble de l’ESL (Kacioui-Morin et al., 2016).
Les systèmes d’information ont une contribution cruciale à apporter dans l’optimisation
des modes de création de revenus. Nombre de professionnels du secteur continuent de déplorer
le retard accusé par les prestataires dans la définition des modes de création de leurs revenus,
ce, relativement aux géants du e-commerce, voir du transport aérien (Belin-Munier, 2017). Des
ajustements pourraient en effet contribuer à affiner les calculs de couts pour maximiser les
profits. Les négociations on spot continuent d’être privilégiées chez les transporteurs,

68
occasionnant des retards et erreurs humaines, là où le traitement opérationnel pourrait être
automatisé et optimisé.
Les logisticiens sont naturellement conscients des changements qu’il leur faut
entreprendre et préparent déjà les applications de l’intelligence artificielle, du big data et de la
blockchain. Les possibilités de ces technologies pourraient permettre d’adapter des principes
connus, comme le yield management, aux besoins singuliers du SCM et de chargeurs aux poids
et besoins divers. L’arbitrage semble ainsi permanent entre rationalisation des coûts,
optimisation des ressources et satisfaction d’une clientèle en attente de personnalisation.
Les SIIO représentent un poste de charges croissant avec la taille des organisations. Dans
le cas des IaaS, ils impliquent en sus des charges variables, calculées au nombre d’utilisateurs,
des couts fixes liés aux infrastructures de stockage. Les interventions pour maintenance, conseils
et supports mobilisent également des ressources directement facturées aux consommateurs de
SI. Aussi, les efforts de customisation sont souvent proposés et impliquent naturellement
l’application de charges additionnelles.
Ainsi, alors que les revenus sont, selon les cas, perçus de manière indirecte, les charges
liées aux systèmes d’information, sont, elles subies de manière plus directe par les 4PL. Aux
charges fixes d’investissements s’ajoutent des charges variables liées aux licences d’exploitation
et aux ressources mobilisées à la maintenance. Les formules forfaitaires tendent à laisser la place
à des modes de facturation à l’unité ou par paliers. Les couts d’exploitation du système vont ainsi
croissants avec l’importance de l’effectif salarié ou des flux traités. A ces charges s’ajoutent les
mises à jour périodiques, nécessaires pour simplement assurer une intégration compatible à
l’environnement receveur.
Les NTIC, avec en point d’orgue Internet, sont devenues depuis le début du vingt-et-
unième siècle, une ressource essentielle qu’il est indispensable de savoir exploiter au mieux. En
trente ans, cette ressource est sans doute celle qui a le plus évolué, provoquant les conséquences
les plus importantes sur les activités des entreprises. Ces technologies ont en effet bouleversé la
manière de conduire les affaires, tant sur le plan opérationnel, avec des systèmes d’information
créés pour automatiser, que dans la définition stratégique qui désormais s’appuie sur le business
intelligence et les outils numériques. La révolution dans les entreprises transcende les secteurs

69
et n’épargne naturellement pas la prestation logistique. Les répercussions de ces technologies
sont profondes et continuent de se faire sentir dans chacune des variables du business model
des 4PL.
Les échanges de données sous différents formats, assurés en temps réel et sans
intervention humaine systématique contribuent à automatiser le SCM et accélérer les
opérations. La messagerie instantanée et les possibilités de réunions à distance sont censées
rehausser les productivités individuelles et collectives. A partir des années 2010, l’Internet
devenu mobile permet un accès permanent à l’information. Les smartphones et autres objets
connectés contraignent presque les salariés à l’adoption d’un nouveau mode de travail qu’il
devient indispensable pour les 4PL d’intégrer.
L’impact considérable des NTIC sur l’approvisionnement logistique des clients en aval des
chaînes s’est matérialisé de différentes manières.
D’abord, la révolution numérique a directement permis le traitement de flux physiques
plus volumineux contribuant ainsi à conforter l’exercice du rôle de rassembleur de volumes des
4PL. En effet, le salariat n’aurait en aucun cas pu affronter une croissance mondiale des volumes
sans la contribution des outils technologiques adaptés. De même, l’extension des réseaux
d’agences au niveau mondial n’aurait également pu être possible.
Ensuite, Internet, à disposition des consommateurs finaux, a changé les modes de
consommation, notamment grâce au e-commerce. L’Achat et la vente de biens plus divers sont
en effet rendus accessibles. Les clients finaux disposent aujourd’hui d’un accès direct et rapide à
une diversité de choix inédite. Ils ont donc intégré, depuis quelques années déjà, de nouveaux
réflexes les conduisant à rechercher en ligne leurs besoins et interrogations avant de passer à
l’acte d’achat. Les forums, par exemple, deviennent des lieux d’échanges virtuels de
renseignements et avis autour de produits et services. Les marqueteurs apprennent à ne pas
négliger ces espaces importants pour gagner en influence sur leurs marchés. Les entreprises
tentent ainsi de maximiser leur visibilité sur Internet à l’aide de campagnes ciblées, s’appuyant
sur une collecte élargie de données.
Du marketing au service après-vente, en passant par les commandes et leur suivi, il
semble donc que l’ensemble de la chaîne logistique se soit dupliqué sur le plan virtuel. Bien que

70
plus orientés vers le Business to Business, les 4PL ne peuvent s’épargner l’élaboration d’une
stratégie numérique exhaustive, pérenne et intelligente. Il convient d’en faire usage pour
promouvoir la vente de prestations complexes à l’aide d’un site web attrayant, simplifiant
l’explication de services par nature complexes. En outre, il est utile de proposer un accès rapide
aux services pratiques d’informations et de paiement, afin d’améliorer ce que le marketing
qualifie de nos jours d’expérience client. A l’aide de ces outils pratiques, les NTIC contribuent
largement à l’exercice du rôle de facilitateur des 4PL.
Une expérience client réussie suscite chez les consommateurs connectés une forme de
gratification instantanée qui incite à poursuivre la recherche de produits et à passer commande
afin de profiter d’une gamme de produits et services perçus comme infinis (Benavent, 2016). Les
clients finaux achètent ainsi presque sans efforts, ignorant qu’un ensemble complexe
d’opérations, impliquant de nombreux acteurs, rend cet acte d’achat possible. Les pionniers du
e-commerce, comme Amazon ou Ali express, sont parvenus ainsi à créer une addiction forte à
l’endroit de leurs consommateurs. Les 4PL en prennent conscience et envisagent déjà de
reproduire en partie ce modèle. Les services déjà en place à l’adresse des chargeurs servent à
expliciter les services pour mieux les vendre, au suivi des opérations en cours ou au paiement en
ligne. Les 4PL ont ainsi également profité des NTIC pour améliorer leurs pratiques de
coordinateur le long des chaînes.
Pour ces raisons, les démarches de transition vers le numériques ont lieu chez la plupart
des grands 4PL. Leurs réussites indiquent que ce modèle devrait continuer à prendre de l’ampleur
dans les années à venir. La tendance est ainsi à la suppression, autant que possible, de
l’interaction humaine avec le client final, à tel point qu’il est raisonnable d’estimer que nombre
de métiers commerciaux pourraient disparaitre dans les toutes prochaines années. Leurs efforts
dans la collecte de données pourraient ainsi être mis au service de ces projets d’automatisation,
liés au e-commerce. Ces nouvelles méthodes commerciales relèguent déjà vers l’obsolescence
les modes de distribution traditionnels. Carrefour par exemple, supprime de nombreux emplois
en France et ferme des points de vente dans le monde alors que les grands magasins Sears sont
tombés en faillite aux USA pour ces raisons.

71
Il semble donc indéniable pour les 4PL que les outils numériques, et le e-commerce en
particulier ne peuvent être ignorés au risque de céder d’importants intérêts au profit de
nouveaux entrants ou de marchés alternatifs.
L’intégration du e-commerce comme méthode privilégiée de vente impose pour les 4PL
de repenser en partie leur mode d’organisation. Ce dernier doit notamment reposer sur une
activité intensive de collecte de données qu’il importe de maintenir de manière permanente. Le
marketing devient une priorité et impose de réorganiser les équipes commerciales pour mieux
identifier les marchés, leurs besoins et leurs attentes, parfois insoupçonnées. L’effort à fournir
peut-être considérable puisqu’il a pour objet d’identifier une clientèle encore potentielle,
contraignant parfois à sous-traiter l’exercice à des entreprises spécialisées, notamment la cibles
est un marché nouveau. Les statistiques rendues publiques par des organismes spécialisés,
comme les chambres de commerces par exemple, peuvent constituer une amorce de données
exploitables. Elles peuvent ainsi contribuer à identifier avec une relative précision les acteurs qui
composent le tissu économique d’une région.
La collecte de données en quantité industrielle, avec un traitement automatisé, avant
traduction et pleine exploitation a pour objet de permettre une compréhension en temps réel,
voire une anticipation des besoins des clients afin d’ajuster le ciblage commercial. Le besoin de
collecter et d’exploiter, au moyen d’algorithmes complexes, laisse envisager que dans un avenir
proche, l’amont de la stratégie e-commerce, comme l’aval déjà aujourd’hui avec le
développement des sites web et la mise en place des outils e-commerce, sera plus largement
sous-traitée.
L’importance des revenus résultants de l’intégration des NTIC rend clairement ces
technologies indispensables pour les 4PL. Le revenu le plus important est indirect et lié à la hausse
de productivité rendue possible par ces technologies. Elles améliorent les compétences
d’opérationnels qui sont mieux formés et plus polyvalents et assurent une meilleure circulation
de l’information au point de devenir transparente pour toutes les parties prenantes. Les équipes
salariales, membres du réseau, peuvent, ensemble espérer gagner en productivité sans renoncer
à la qualité de leurs conditions de travail. Les NTIC contribuent ainsi directement à la réalisation
des économies d’échelle, avantage concurrentiel décisif dans le secteur.

72
La mutualisation d’activités à l’échelle du réseau, comme le service clients, est un moyen
utile de réaliser de considérables économies. Il doit simplifier le traitement des commandes pour
les clients finaux, comme pour chacune des entreprises le long des chaînes. Ces services sont
notamment rendus disponibles via des interfaces web partagées par toutes les parties. En outre,
il contribue à améliorer l’efficacité d’un marketing mieux ciblé, permettant d’augmenter la
visibilité de l’alliance.
Le modèle d’affaires des applications, pour la plupart mobiles, ouvre également des
opportunités de générer de nouvelles sources de revenus pour les 4PL. Il pourrait s’agir pour les
prestataires d’inciter leurs chargeurs à faire le choix de formules payantes pour débloquer leur
accès à des informations et services utiles. Des formules mixtes peuvent également être
adoptées. Elles donnent accès à un contenu gratuit mais contraint les utilisateurs à payer une
partie des services dits premiums.
L’espoir de générer les revenus évoqués dans le paragraphe précédent incite les 4PL à
consacrer des budgets importants à leur présence en ligne comme à l’intégration de systèmes
d’informations performants. Ces budgets servent à rémunérer les éditeurs spécialisés dans le
design, le développement, la maintenance et la construction de ces solutions. Elles nécessitent
les interventions de consultants capables de préconiser des changements de processus et de
former à leur application. Aussi, recruter un personnel spécialisé au sein même des équipes,
censé assurer un lien technique et opérationnel avec ces acteurs externes est inévitable. Elles
doivent associer les ingénieurs informatiques aux logisticiens pour les systèmes d’informations
et aux marqueteurs, censés définir et appliquer une stratégie web pertinente.
Pour nombre d’entreprises, notamment dans la grande consommation, le web occupe
une place prépondérante, voire monopolistique, dans la stratégie d’application marketing. Il
présente les avantages de collecter un ensemble de données utiles et de s’assurer une visibilité
étendue, le tout, à moindre frais. Les investissements sont notamment consacrés à déterminer
une stratégie d’approche, internalisée grâce au recrutement de personnes spécialisées ou sous-
traitée par contrats ponctuels auprès d’entreprises du secteur. Il convient ainsi d’envisager une
approche radicalement différente de celle d’un marketing plus traditionnel.

73
Les services additionnels de tracking en temps réel imposent des investissements dans
une mise à jour des données parfois manuelle. Elle se réalise souvent par externalisation, souvent
délocalisation, auprès d’entreprise spécialisées.

74
Synthèse du chapitre 1

Le développement des 4PL s’est imposé aux chargeurs, consultants et chercheurs.


Le processus s’est révélé plus long qu’escompté au début des années 2000 en raison de
ralentissements liés aux épisodes de crises, expliquant en partie son manque d’évidence. Il
n’en demeure pas moins qu’à présent, grâce à une accumulation d’un capital qui pourrait
être qualifiée de stratégique et une arrivée à maturité de technologies de mieux en mieux
exploitées, le 4PL devient le maestro des chaînes logistiques (Fulconis et Paché, 2018).
Pour son caractère de synthèse, le business model est plébiscité par les praticiens,
auprès de qui il sert d’assistance pratique à une prise de décision qui se veut de plus en
plus réactive. Les chercheurs au contraire, y ont vu un effet de mode portant le défaut d’un
traitement trop superficiel d’une information trop variée. Le business model est donc
demeuré jusqu’au milieu des années 2000 négligé par la recherche en science de gestion.
Certains auteurs ont malgré tout fait le choix de faire de l’outil l’objet central de leur
démarche, produisant d’importantes contributions normatives telles que le « Canvas
model » (Osterwalder et Pigneur, 2011) ou le modèle RCOV de Demil et al. (2006). Leurs
travaux nous permettent de faire usage de l’outil à des fins descriptives et instrumentales,
dans un secteur où il n’a que peu été mis en œuvre, la prestation logistique. Ainsi, l’analyse
scientifique finit par déceler dans la synthèse du business model, une exhaustivité propice
au développement d’une réflexion plus focalisée.
Ces éléments littéraires ainsi explicités par la description nous permettent, dans le
chapitre qui suit, d’élargir notre approche pour se focaliser sur les partenaires des 4PL, afin
d’en identifier les attentes, indispensables à la construction d’une légitimité pérenne.

75
CHAPITRE 2 : LES MODELES D’AFFAIRES INNOVANTS
DES 4PL

Ce deuxième chapitre doit permettre de situer le 4PL face aux parties prenantes
composant les chaînes, ou réseaux logistiques. Pour cela, nous choisissons de faire usage d’un
concept majeur pour la recherche en gestion, et inédit en logistique, les écosystèmes d’affaires
(Moore, 1996). Nous commencerons par décrire les attributs liés à outil et leur pertinence pour
notre démarche avant d’analyser le positionnement des 4PL à l’aune de ces éléments. Ensuite,
nous pourrons nous attarder davantage sur les parties prenantes majeures des 4PL et analyser
leurs attentes.
C’est avant tout de manière spontanée que se forment les chaînes logistiques, lorsque
pour un groupe d’entreprises, les intérêts réciproques à commercer émergent, consenties
notamment par des conditions propices. Leurs engagements se réalisent alors dans le respect de
normes, avant tout définies par le cadre rigide des termes contractuels, indispensable
notamment aux prémices des accords, pour rassurer.
Avec le temps et les succès opérationnels, la dimension comme la cohésion de la chaîne
peuvent être amplifiés. En effet, les entreprises apprennent à mieux se connaître, remplaçant la
prévalence des contrats par celle d’un code de conduite ainsi que la relation de confiance. Les
normes sont définies par consensus ou par l’émergence d’un leader, capable d’imposer son
agenda et ses conditions aux autres membres. De ce fait, les procédures communes prennent
plus d’importance et par la force de leur historique, les partenaires se retrouvent fortement
interdépendants. La platonique chaîne logistique devient alors un réseau, se dessinant comme
une entité plus homogène. Des politiques stratégiques à leurs déclinaisons opérationnelles, tout
est mis en œuvre pour améliorer les performances communes. A titre d’exemples, les alliés
prennent l’initiative de créer des centres communs pour le service client ou la mutualisation des
approvisionnements, se donnant un accès équitable et simplifié aux ressources essentielles. La

77
coordination grâce aux systèmes d’information harmonisés joue un rôle essentiel dans la
qualification réseau formel d’un regroupement d’entreprises.

78
2.1 Attributs et enjeux des Ecosystèmes Logistiques

2.1.1 L’Intérêt des écosystèmes en tant que structure

Au vu d’un succès justifié par des profits et opportunités fortement rentables, l’ambition
de consolider un réseau de partenaires devient une référence dans la définition des politiques
stratégiques des entreprises. La tendance fait donc naturellement l’objet de nombreuses
analyses dans le monde académique, notamment depuis les années 1990. Parmi les
développements majeurs dans l’analyse des réseaux, se trouvent les Ecosystèmes d’Affaires
(ESA), introduits par Moore (1996). En partie pour la métaphore biologique qu’ils portent, les ESA
se sont largement popularisés, d’abord auprès des praticiens, avant que les chercheurs n’y voient
à leur tour, des intérêts propres à la démarche scientifique. Moore (1996) s’est donc largement
appuyé sur des métaphores et concepts imagés pour mieux évoquer certains phénomènes afin
de populariser son modèle. Ainsi, l’interdépendance financière, commerciale ou opérationnelle
des entreprises, est résumée par la poétique formule de « communauté de destin », caractère
fondamental pour qualifier le réseau de véritable ESA. L’auteur établit un parallèle entre les liens
d’interdépendance qui unissent les espèces des écosystèmes naturels, et ceux qui prévalent dans
le monde des affaires. En effet, de même que la biodiversité est nécessaire pour la pérennité du
système, la compétition des offres l’est également pour les réseaux. Alors que la prospérité de
chaque espèce de faune et de flore repose sur celle des autres, les clients profitent de la
subsistance de concurrents qui à leur tour, font vivre par leur demande l’ensemble des membres
de leurs chaînes. La santé de l’écosystème dépend donc de la survie collective de ses membres,
qui doivent faire montre de solidarité, faisant face à la même adversité (Moore, 1996).
Les grandes entreprises n’auraient donc pas comme intérêt immuable de poursuivre
l’élimination systématique de toute forme de concurrence. Même pour elles, la position
monopolistique n’est pas optimale car elle expose aux interventions de lois anti-trust et finit par
décevoir une demande lasse du manque de diversité, de prix abusivement élevés ou du manque
d’innovations. Elle peut dès lors tenter de se détourner vers des offres alternatives. A l’inverse,

79
un marché riche de systèmes d’offres divers enrichit l’ensemble de ses participants, clients finaux
et organisations inclues.
Sur le thème de l’innovation, il qualifie son émergence et sa diffusion de « processus
collectif », s’opposant à la vision de l’entrepreneur créatif (Schumpeter, 1942). La prolongation
de cette idée a donné lieu au concept plus récent d’innovation dite ouverte ou partagée
(Chesbrough, 2002), lorsqu’elle devient le fruit d’une collaboration étendue entre les
compétences transversales d’une organisation, son entourage direct, voire ses clients et/ou
fournisseurs. L’innovation est alors libérée des brevets pour s’en retrouver dynamisée par le
partage permanent de l’information. Portée au rang de règle de conduite partagée, ces politiques
imaginées en faveur du progrès ont amené certains chercheurs à développer le concept
d’Ecosystèmes d’Innovation (ESI) (Oruezabala, 2018), (Adner, 2012 et 2017), (Jacobides et al.,
2018).
Pour ce type de développements qu’il permet et ses attributs plus classiques, le concept
des ESA semble particulièrement approprié pour modéliser les réseaux formels avec fidélité
descriptive et convenance analytique. Il parvient à couvrir la complexité des relations
qu’entretiennent des parties prenantes nombreuses et d’une importante diversité. Ainsi, l’ESA
n’est pas censé ignorer les relations conflictuelles que peuvent entretenir les parties internes aux
entreprises, telles que des salariés en grève contre leurs actionnaires. Il considère également
l’influence de groupes qui leurs sont externes mais primaires comme les clients directs, ou la
mobilisation de parties plus éloignées comme les ONG, membres de la collectivité et défenseurs
de causes d’ordre sociétale. Bien que ces groupes n’interviennent pas directement dans les
processus de création de la valeur, ils demeurent concernés par leurs effets. Mieux informés, ils
prennent conscience des enjeux importants et s’organisent pour défendre leurs intérêts. Ils sont
en cela aidés par les réseaux sociaux et la circulation accélérée de l’information. Les formes de
pressions que le public se révèle capable d’exercer ne permettent plus aux politiques
stratégiques d’ignorer ses objections. C’est pourquoi les ESA intègrent naturellement ces parties
prenantes éloignées (Caroll, 1989). Aussi, la considération de l’outil pour la défense des intérêts
de chacun en fait également un concept approprié au règlement des questions liées à la

80
légitimation du changement. Leur inclusion permet à l’ESA de ne pas omettre d’enjeux,
notamment ceux relevant de la RSE, auxquels s’attachent des parties prenantes témoins.
Du fait de ses attributs, l’ESA semble présenter, pour la logistique, des applications
fructueuses. Ces dernières nous semblent encore rares, avec des études de cas largement
portées dans le secteur des nouvelles technologies, où l’innovation collective appelle les
entreprises à se regrouper et inventer des modèles d’affaires correspondants au travail descriptif
des ESA. Les mouvements observés ces dernières années le long des chaînes laissent à penser
qu’une importance accrue pourrait légitimement être accordée au concept d’ESL.
La chaîne dite multi-acteurs, telle que décrite par Fabbe-Costes (2007), est l’outil
d’analyse équivalent. Cependant, de notre point de vue, elle souffre des lacunes sous-jacentes
aux chaînes. En effet, l’outil ignore l’analyse des relations entre parties prenantes et omet de
considérer leurs grandes orientations stratégiques. Cette limite est en revanche l’avantage décisif
de l’ESA en faveur d’une analyse plus étoffée. Elle est certes, forcément biaisée par la subjectivité
de son analyste, mais attribue tout de même au concept le mérite de dépasser un usage aux
aspirations simplement descriptives des échanges financiers ou opérationnels. Le chercheur en
sciences de gestion peut donc, via une combinaison des ESL et de la Théorie des Parties Prenantes
(TPP), révéler les antagonismes ou les rapports de force entre prestataires et chargeurs
notamment. Il devient alors bien plus aisé d’entrevoir les opportunités de compromis ou de
coopétition. L’exhaustivité de l’ESA le rapproche ainsi davantage de la complexité réelle des
relations stratégiques, parvenant à intégrer les formes diverses de pressions et d’influence
comme le lobby ou les relations d’ascendance entre une organisation leader et ses dépendantes.
Il s’agit là d’une autre propriété majeure des ESA. La naissance et l’entretien de nombreux
réseaux dépendent en effet de la présence d’une entreprise leader, détentrice de ressources
essentielles ou d’une technologie exclusive. Elle influence largement des grandes orientations
stratégiques et ses performances décident de la prospérité de l’ensemble du réseau. Cette
propriété est particulièrement intéressante pour notre analyse du 4PL dont les capacités
nouvelles de conception et de coordination des partenariats soulèvent la question d’envisager le
prestataire comme un leader légitime dans certains réseaux. Elle l’est d’autant plus que le
prestataire étoffe ses activités d’innovations à différents niveaux, renforçant son ascension dans

81
les réseaux. Inévitablement, ce processus se réalise au détriment des leaders historiques, les
distributeurs ou grands industriels, qui manifestent une opposition parfois agressive aux
prestataires les plus conquérants. Il importe pour ces derniers de savoir convaincre ceux qui
demeurent leur clientèle la plus rémunératrice.
Tentant de développer la vision de Moore (1996), de la moderniser ou de l’ajuster,
certains auteurs ont émis des propositions pertinentes de catégorisations des ESA selon leurs
propriétés ou les stratégies qui y sont menées. Iansiti et Levien (2004) par exemple, s’appuient
sur des études de cas pour classer les leaders en fonction des politiques stratégiques qu’ils
mènent à l’égard de leurs partenaires. Les chercheurs exposent ainsi les conséquences sur les
réseaux des choix ainsi opérés. Pour mesurer la prospérité des ESA, trois critères sont retenus ;
la productivité collective, la robustesse face aux externalités et la capacité du réseau à
développer de nouvelles niches de fonctions et d’acteurs.
Koenig (2012) quant à lui procède différemment et choisit de catégoriser les ESA selon
deux grandes propriétés ; la présence d’un leader fort ou non et le type d’interdépendance liant
les acteurs. L’auteur libère ainsi les ESA de la fatalité du leader, portant nombre de
regroupements d’entreprises, sans présence d’un ou plusieurs leaders dominants, sous l’instance
du concept. Constante chez Moore (1996), qui décrivait la présence du leader ; « À travers le
temps, ils (les parties prenantes) vont faire coévoluer leurs compétences et leurs rôles et vont
tendre à s'aligner eux-mêmes sur la direction d'une ou de plusieurs entreprises centrales »,
l’existence de ce noyau décisionnel au centre des ESA devient optionnelle pour Koenig (2012).
Pour ce dernier, ce paramètre réduit l’analyse au détriment d’autres propriétés, parfois plus
explicatives, et du reste des parties prenantes.
Perpendiculaire à l’axe du degré plus ou moins centralisé des ESA, le type
d’interdépendance liant ses membres est le second paramètre retenu par l’auteur pour les
catégoriser. Ainsi, les échanges entre partenaires peuvent survenir soit de manière intense, se
présentant sous une forme simple et basique, c’est le régime dit de type ‘pool’, soit à fréquence
moins régulière, mais les échanges sont en contrepartie plus qualitatifs. Ces deux paramètres,
offrant chacun deux options, donnent lieu à quatre configurations possibles des ESA.

82
La communauté de destin, en premier lieu, désigne un ESA au sein duquel le système n’est
que peu centralisé. Il n’y que peu ou pas de leaders dominants, ce qui permet d’assurer un
fonctionnement démocratique au réseau. Les participants adhèrent spontanément à une vision
commune, reconnaissant explicitement leurs intérêts à mettre en œuvre les politiques
stratégiques adaptées pour pérenniser leur entente. Ils privilégient alors l’entraide, renforçant
un regroupement au sein duquel le destin individuel se confond à celui du groupe. De cet esprit
de partage, l’innovation se trouve forcément favorisée, bien qu’elle puisse être freinée par
certains membres, inquiets de la voir bouleverser un statu quo dont ils profitent.
La communauté de foisonnement partage avec la communauté de destin cette absence
de centralisation. Le régime d’interdépendance qui y prévaut est de type pool. Il se traduit par la
coexistence d’une multitude membres entretenant des échanges intenses de flux sommaires.
Leurs relations sont soudées par des valeurs humaines bien plus solides que des liens d’ordre
purement financiers ou opérationnels. Elles les incitent à respecter un code de conduite, hérité
de normes sociales ou culturelles plus ou moins explicites mais reconnues de tous. Ils profitent
d’une liberté d’action étendue, autour d’une ressource essentielle. Dans ce cas cependant, cette
dernière est libre d’accès, car considérée comme un bien commun, là où elle peut être propriété
d’un ou plusieurs leaders sur d’autres types d’ESA. L’innovation y est fortement stimulée grâce
au partage sincère de l’information, à condition que les membres ne sombrent pas dans une
reproduction stérile d’un modèle unique de réussite.
Avec un régime similaire d’interdépendances mais une centralisation du pouvoir
importante, l’ESA glisse vers la plateforme. Dans ce contexte également, l’intensité des échanges
de faible valeur permet aux membres du réseau de manager leur activité avec plus de liberté à
l’égard de leurs semblables, comme du leader. Ce dernier organise le réseau pour en assurer une
prospérité qui dépend largement de sa capacité à convaincre ses partenaires de continuer à y
investir. Pour cela, il se doit de maintenir l’attractivité de sa ressource par ses propres
investissements, souvent en faveur de la recherche. De la sorte, la plateforme cas encourage
dans de nombreux l’innovation. Les applications mobiles relèvent typiquement de plateformes
au sein desquelles un système d’exploitation géré par un dominant, Apple ou Google, propose à
ses membres d’en exploiter les opportunités.

83
Le système d’offre est une quatrième catégorie d’ESA également centralisé autour d’un
leader fort. Les acteurs du système entretiennent des relations directes, peu nombreuses mais
plus qualitatives, à la différence du régime pool. Thompson (1967) qualifie ce type
d’interdépendance de réciproque, pour le bénéfice que partage l’échange. En effet, ce dernier
doit répondre à un besoin important de coordination entre des activités fortement
complémentaires. Les franchises représentent un exemple de modèles typiques des systèmes
d’offre. Incitant à une reproduction stérile des formules et méthodes développées par une
marque plutôt qu’à la poursuite d’une différenciation créative, ce type d’ESA ne favorise que peu
l’innovation.
Koenig (2012) résume sa typologie par la figure suivante :

Figure 4 - Typologie des écosystèmes d’affaires

Source : Koenig (2012)

Ces principes de catégorisation des ESA donnent un souffle nouveau au concept d’origine.
Mais au-delà de cette démarche, Koenig (2012) formule certaines critiques à l’endroit des idées
de Moore (1996), doublée de recommandations. L’idée d’une communauté de destin au sein
d’un même ESA est la première critiquée car en principes, ses membres devraient pouvoir choisir
de le quitter librement, échappant ainsi à ses aléas. Le concept doit donc revêtir un sens différent

84
de celui d’une fatalité partagée, telle que définie par Moore (1996). Comme décrit plus haut,
Koenig (2012) choisi la formule pour désigner une catégorie particulière d’ESA.
L’ESA de Moore (1996), affiné par Koenig (2012) est approprié aux études de cas. Nombre
d’entre elles ont choisi de s’intéresser à la singularité du secteur numérique, animé par des
acteurs aussi hétérogènes que les leaders Google et Apple, et les innovateurs open-source. Ces
entreprises, bien que partageant un même secteur d’activité, voire des zones géographiques
communes, sont séparées par des systèmes de valeurs fortement distants. Ainsi les GAFAM
construisent des plateformes sur lesquelles gravitent leurs dépendants, des éditeurs de logiciels
aux business model à but lucratif. Pendant ce temps, le célèbre et inconditionnel promoteur de
l’open source, Richard Stallman, appelle au partage sans condition des codes sources. Les
systèmes de valeurs privilégiés, pour certains le profit financier, pour d’autres le l’entraide ou le
progrès scientifique, déterminent ainsi les modèles d’entreprises. Leurs regroupements prouvent
que ces organisations disposent bien du privilège de choisir les règles du jeu régissant leurs ESA,
que différentes configurations sont possibles et que la fatalité n’existe pas.
Nous sommes particulièrement séduits par la typologie des ESA proposée par Koenig
(2012), qui a le mérite d’apporter une réaction constructive aux critiques d’un outil d’analyse
stratégique malgré tout reconnu pour ses contributions. Ce type de concepts sert aux chercheurs,
comme aux praticiens, à modéliser une partie du réel qui les entoure. Leur vocation à synthétiser
des processus, des actions ou des phénomènes transcende les modes de construction de la
connaissance (Thietard et al., 2014). Leurs caractères de concision et de convenance fondent leur
qualité, donc leur popularité. Cette dernière ne peut perdurer sans que les concepts n’admettent
d’évoluer, voire d’être remodelés, pour mieux refléter des tendances sociales forcément
évolutives.
Seconde recommandation majeure, Koenig (2012) préconise un abandon pur et simple
des de l’analogie aux écosystèmes naturels, rendue coupable d’illusions trompeuses. Ainsi, les
clients finaux, que Moore (2012) désigne comme des apporteurs d’énergie pour le réseau,
seraient situés tantôt à l’intérieur, tantôt à l’extérieur des ESA. Autre incohérence, la concurrence
entre ESA, qui n’existe pourtant pas entre écosystèmes naturels.

85
D’autres travaux pertinents enrichissent la littérature autour de ce concept de plus en
plus central. Jacobides et al. (2018) distinguent également différents types ESA, dont les
particularités reposent sur les modes d’interdépendances qu’entretiennent ses membres. Les
ESA au sein desquels les complémentarités sont dites super modulaires s’opposent aux
complémentarités uniques. Lorsque la dépendance entre entreprises est réciproque, elles
entretiennent des complémentarités dites bidirectionnelles. Elles sont naturellement
unidirectionnelles lorsque dans les cas inverses. L’initiative de consolider un réseau d’entreprises
complémentaires est essentielle car elle peut représenter un impératif incontournable, ou à
minima, une incitation appuyée, pour faire face à des externalités contraignantes. Il s’agit d’un
objectif élémentaire du partenariat inter-organisationnel, qui réparti les risques entre alliés. Les
systèmes d’alliances inter-organisationnels servent à protéger notamment au moyen de
l’accélération de la performance. Ils renforcent les positions des partenaires sur les marchés
grâce à une réduction des coûts d’exploitations unitaires lorsque sont mutualisés les ressources.
Il s’agit également de financer des projets d’envergure que chacun, seul, ne peut porter l’espoir
de concrétiser.

86
Figure 5 – Types d’interdépendances et ESA

Source : Jacobides et al. (2018)

Isckia (2011) promeut explicitement les vertus de l’alliance horizontale, dont les
engagements favorisent la survie du réseau et sa potentielle renaissance par adaptation. En effet,
face à une conjoncture instable, la coopération dans la recherche et la circulation libérée de
l’information notamment, sont jugées particulièrement efficaces pour résister un temps avant
de s’adapter. Les menaces sont nombreuses et ne peuvent être raisonnablement négligées.
Même si le progrès technique est opportunité, il fait aussi partie des menaces que le processus
de destruction créatrice (Schumpeter, 1942) a démontré l’inexorabilité. Pour y faire face, les
partenaires ont donc tout intérêt à développer une coopération sincère. Formellement engagés

87
par la signature d’accords gagnant-gagnant, le transfert de technologies ou le partage des accès
aux ressources essentielles peut donc se révéler être une option souhaitable, voire nécessaire,
même entre concurrents. De telles circonstances ont amené la littérature à développer la notion
de coopétition (Nalebuff et Brandenburger, 1996) afin de désigner la particularité de cette
relation, liant des entreprises en situation à la fois de partenariat et de compétition.
D’autre part, l’alliance hybride peut être privilégiée au détriment des autres modèles de
transaction, que sont le marché et l’intégration verticale, pour sa stabilité face au premier, et sa
flexibilité face au second. En effet, les entreprises peuvent s’affranchir des phases irrégulières de
croissance en amendant, voire en mettant fin à leur entente. Cette marge de manœuvre est
forcément beaucoup plus réduite dans le cas de l’intégration. Dans des contextes plus prospères,
les partenariats garantissent une pérennité dans l’engagement, beaucoup plus courte et instable
lorsqu’il s’agit de transactions du marché. Pour la théorie des coûts de transaction (TCI), le
partenariat a le mérite de créer ainsi des situations d’otages mutuels en augmentant la spécificité
des actifs chez les partenaires (Williamson, 1985). De ce fait, un cadre donné aux transactions
permet de lutter plus efficacement contre la rationalité limitée et l’opportunisme des acteurs.
Une préoccupation que le succès remporté par la théorie d’Oliver Williamson a contribué à
répandre chez les dirigeants.
Les références aux écosystèmes naturels faits par les ESA ont fait l’objet de nombreuses
autres critiques acerbes, qui forcément, détectent des contradictions avec le management
d’entreprises. Il semble cependant plus avisé de voir dans la démarche de Moore (1996) une
traduction des tendances à la coopération qu’il observe, parfois recommande, dans les réseaux
qui se veulent modernes plutôt que de chercher à déceler des incohérences trop négligeables
pour remettre en cause une analyse.
L’analogie biologique est certes utile pour surfer sur la vague de la mode écologiste, mais
elle permet surtout d’étoffer avec élégance l’outil d’une vision originale pour le management.
Elle est réellement mise au service de l’analyse, rappelant le caractère prédateur du monde des
entreprises et servant de manuel pratique à analyser les regroupements des organisations. Leurs
codes de conduite et normes partagées sont les « règles du jeu » (Moore, 1996) qui régissent
leurs relations.

88
2.1.2 Profil d’écosystèmes logistiques et positionnement
stratégique du 4PL

Pour les 4PL, la considération des parties prenantes et de leurs attentes dans les réseaux
est indispensable pour l’identification des mécanismes de légitimation. Porteurs de changements
importants, l’exposé explicite des règles du jeu qu’il envisage permet de créer un consensus
pratique, mieux à même de couronner de succès ses projets. L’emploi du concept de business
model semble alors plus qu’opportun pour les standards reconnus et intelligibles de toutes les
parties prenantes.
La représentation des ESL type, plaçant les 4PL au cœur de l’ensemble, doit inclure les
chargeurs, partenaires à proximité directe du noyau, aux parties prenantes témoins, à la
périphérie du schéma, en passant par la zone intermédiaire des partenaires indirects. Nous
prévoyons donc de l’organiser sur le modèle du schéma des ESA proposé par Moore (1996), sur
lequel il sera instructif de disposer les rôles du prestataire. Les plus élémentaires d’entre eux,
naturellement adressés aux parties prenantes primaires, doivent naturellement se trouver au
plus proches du centre de la représentation. Cette étape de l’analyse consiste ainsi au croisement
des concepts de la typologie des rôles et de celui des ESL.
Le concept des ESA est concomitant à une théorie majeure pour la recherche en sciences
en gestion, la TPP. En effet, les études de cas donnant aux ESA une position centrale dans leur
cadre conceptuel ont pour objet incontournable d’identifier la nature des relations
qu’entretiennent différentes parties prenantes. L’analyse des ESL ne peut être soustraite à cette
méthodologie éprouvée, d’autant plus pertinente appliquée à la reconnaissance des mécanismes
de légitimation du changement. La typologie de Mitchell (1997) prend à ce titre une importance
presqu’incontournable pour sa contribution à évaluer le niveau d’importance des parties
prenantes des 4PL, et par voie de conséquence, des rôles qui leur sont adressés. Cette utilité
explique au passage la popularité de l’outil dans les cercles managériaux.
Cependant, l’exercice de hiérarchisation des priorités ne peut ignorer les choix de
spécialisations des prestataires. Face à la diversité sectorielle de leurs chargeurs, les 4PL
définissent naturellement de grandes orientations stratégiques qu’ils inscrivent dans la

89
continuité de leur cœur de métier. La spécialisation est aussi une condition pour améliorer
l’expertise métiers, répondre aux particularités régionales et culturelles ou personnaliser des
services complexes (Carbone, 2004). Les disparités entre prestataires font donc sensiblement
varier les déclinaisons opérationnelles de leurs rôles, définis au niveau stratégique. Envisager une
hiérarchisation des rôles à l’échelle de l’industrie même des 4PL est donc directement pertinente
pour la théorie. Afin de se révéler utile aux praticiens, ce concept doit admettre que des choix de
spécialisation à échelle plus micro-économique sont possibles, voire inévitables.
Il importe donc avant tout de considérer une logique, utile dans la démarche de
priorisation des objectifs stratégiques du 4PL, davantage qu’un résultat invariable selon les cas
et immuable dans le temps. La chronologie d’apparition des rôles est un critère intéressant, car
neutre et aisément généralisables aux 4PL. Il est indépendant des cheminements stratégiques et
cohérent avec la démarche d’une analyse holistique. Le travail descriptif proposé par Pons
(2003), retraçant l’Histoire de la profession avec synthèse et précision, permet de distinguer les
rôles appartenant au cœur de métier historique des PSL, de ceux dont ils se sont appropriés plus
tard, avec l’apparition des systèmes d’information dédiés et des modèles de chaînes favorisés
par la mondialisation.
Il est intéressant de relever que, même si la nomenclature décrite par Pons (2003) fait
référence, d’autres auteurs ont tenté d’étoffer la littérature. Nous l’évoquions précédemment,
Calvi et Erhel (2018) cherchent à distinguer les services proposés par les prestataires pour leur
nature, afin de catégoriser les prestataires, selon leurs modes de spécialisation. Pour les
auteurs les prestataires ont le choix entre trois grandes catégories de spécialisation, « le
transport », « l’entreposage » et « l’intermédiation logistique ».
Pour un 4PL, assumer l’intégralité des rôles de la prestation logistique peut correspondre
à la construction d’un réseau cohérent et en assumer, de fait, le rôle de leader. Le prestataire
exerce alors un contrôle fortement centralisé sur des ressources essentielles pour nombre de
parties prenantes, au point de faire valoir dans certains cas l’exclusivité de son contrôle sur
l’exploitation d’une infrastructure stratégique. Cela implique de concéder des investissements
lourds, consacrés à une logistique complexe qu’il a l’avantage d’être seul à maitriser. Il compose
également avec un réseau de sous-traitants articulé autour de sa médiation. Ainsi, le 4PL prend

90
en charge les prérogatives typiques d’un leader assumé au sein de son réseau. Ses avoirs le
poussent à endosser un rôle de véritable « maestro » de l’ESL (Fulconis et Paché, 2017). Selon le
type d’échanges qu’entretiennent entre eux les membres du réseau, la présence d’un 4PL leader
donne aux ESL les caractéristiques propres au système d’offre ou à la plateforme au sens de
Koenig (2004).
En tant que leader de son ESL, il incombe naturellement au 4PL la responsabilité de
mobiliser des ressources pour veiller à l’entretien et la prospérité du réseau. Ses initiatives
doivent permettre de soutenir l’intensification des échanges directs entre membres du réseau.
Elles décident de la qualité des relations qu’ils entretiennent et sont donc déterminants pour la
pérennité de l’ESL. Au-delà des indispensables investissements directs, il se doit de définir des
orientations stratégiques communes favorables à une collaboration forte. Elles sont
indispensables pour voir s’intensifier les échanges de flux de différentes natures, moteurs de la
performance commune (Hiesse, 2009).
A ce titre, privilégier des contrats de prestations multiples et à court terme par exemple,
a pour conséquence de centraliser bien plus les échanges en faveur d’un leader médiateur. Dans
ce cas, l’ESL tendrait vers système d’offre, incapable de se renouveler par l’innovation. Le leader
est alors qualifié de dominateur (Iansiti et Levien, 2004), faisant reposer sa prospérité sur une
rentabilité rapide, négligeant une vision de long terme pourtant essentielle pour son écosystème.
A l’inverse, si le 4PL fait le choix de privilégier des relations de long terme avec ses chargeurs et
partenaires, il oriente ses investissements vers les outils propices au développement mêmes des
relations, comme les SIIO. Les acteurs sont alors incités à entretenir des échanges directs,
coopérant, faisant circuler l’information et harmonisant leurs processus. Le 4PL leader bâtit ainsi
la pérennité d’un système approprié pour faire apparaitre l’innovation (Koenig, 2004). Il délègue
à chacun des membres davantage de moyens pour faire prospérer leurs affaires en concluant des
contrats commerciaux.
Naturellement, même s’il n’est pas partie prenante première des contrats bilatéraux, le
4PL profite indirectement de la prospérité de son ESL car son offre de services a de fortes chances
d’être sollicitée à un moment ou un autre du processus opérationnel défini entre ses partenaires.
De plus, un ESL prospère a tendance à se développer en termes de volumes. De nouveaux

91
prétendants à l’entrée apparaissent, enrichissant les revenus mêmes indirects que perçoit ce 4PL
désormais leader positif, dans un ESL de type plateforme. L’apparition de leaders de classe
intermédiaire enrichi également la diversité des acteurs, bénéfique pour sa capacité d’adaptation
aux chocs externes (Iansiti et Levien, 2004). Ils contribuent, selon leurs modes de
fonctionnement, à satisfaire aux exigences de saisonnalité, chères à l’industrie textile par
exemple, ou à s’adapter à l’atomisation attendue en raison du e-commerce.
Aussi, en un leader impliqué en faveur de la prospérité de son ESL, le 4PL renonce au
monopole du contrôle à la faveur d’un multilatéralisme propice à susciter une adhésion
spontanée à ses méthodes. Grâce au consensus, l’harmonisation des processus d’échanges
devient plus durable et le réseau plus solide (Spalanzani et al., 2013). Ce modèle de coopération
semble forcément plus engageant que celui du dominateur, imposant le respect d’un code de
conduite sous le joug de la menace de ses sanctions.
De plus, en renonçant à centraliser les flux, le 4PL leader privilégie dans bien des cas
l’externalisation au détriment d’une intégration verticale paralysante. Elle lui épargne les
investissements trop importants pour au contraire, lui permettre de faire face à des cycles plus
courts et une demande changeante. Ainsi, le 4PL s’inscrit lui aussi dans une tendance à la vertical
disaggregation (Powell, 1990), traduisant une atomisation des métiers de la prestation
logistique. La stratégie est d’autant plus pertinente à l’heure où les services logistiques ont
tendance à se multiplier et à requérir plus d’expertise.
Cette stratégie peut également servir au 4PL, lorsque nécessaire, à se recentrer sur son
cœur de métier, pour les raisons analogues à celles de ses chargeurs distributeurs et industriels.
En effet, la démarche du leader positif consiste quelque peu à laisser son ESL prospérer, sans en
entraver la croissance. L’entretien du réseau appelle alors le leader à simplement développer son
offre pour en améliorer l’attractivité, plutôt que de consacrer des ressources à une survie
artificielle.
Sur le plan technologique, privilégier une coopération à long terme avec les petites
entreprises à fort potentiel novateur, plutôt que leur intégration rapide peut se révéler bien plus
fructueux pour l’ensemble du réseau. En effet, la vertical disaggregation a le mérite de préserver
la créativité des start-ups, qui ainsi, peuvent échapper à la bureaucratie et aux routines imposées

92
par les grands groupes. Elles peuvent librement développer autour d’elles des niches créatrices
de valeurs au profit de tous les membres de l’ESL. L’innovation et les méthodes qui lui sont
associées ont ainsi plus de chances d’être partagées, transcendant leur champ d’application
initial (Spalanzani et al, 2013). Ainsi, en n’intégrant pas systématiquement ses partenaires
innovants ou en période de forte croissance, le 4PL ne s’affiche pas en un dominateur prêt à
accaparer toute valeur ajoutée pour son seul profit.
Cette stratégie favorise la mobilisation de ressources en faveur d’une recherche et
développement à l’échelle du réseau. La diversité des méthodes est alors plus importante, ce,
jusqu’au niveau des habitudes et routines partagées, maximisant les chances de voir émerger
l’innovation. Ainsi, l’ESL bâti par un leader positif selon le modèle de la plateforme encourage les
échanges qualitatifs entre ses partenaires et n’impose pas la rigueur d’un processus inamovible.
En outre, le modèle accorde les libertés suffisantes pour adapter les business model aux
possibilités des solutions logistiques nouvelles.
Lorsque leur ampleur est suffisante, les innovations managériales peuvent donner
naissance à des courants majeurs de pensée, aussi importants que le Taylorisme. Ageron et
Lavastre (2016) rappellent à juste titre le caractère essentiel de ces innovations pour les ESL,
encore trop négligées en faveur du progrès technique, dont les valeurs ajoutées apparaissent
plus évidentes. Les auteurs rappellent le caractère souvent exclusif de ces innovations, qui
peuvent ne concerner que la relation qu’un prestataire entretient avec son chargeur, ce qui n’en
réduit pas l’importance compétitive. Elles représentent un intérêt majeur pour les 4PL,
notamment lorsqu’elles se révèlent spécifiques aux procédures de leur ESL ou d’une niche
d’importance (Ageron et Lavastre, 2016). Les gains de productivité constituent alors une
proposition de valeur verrouillée par le 4PL.
Arlbjørn & de Haas (2009) font un constat similaire, relevant que les renouvellements de
modes organisationnels demeurent, la forme d’innovations la plus rare en supply-chain
management. En effet, elle consiste en de véritables réinventions de modèle, qu’il ne peut
qu’être difficile d’entrevoir. Les auteurs déplorent également le manque de cadres conceptuels
pour analyser le phénomène en sciences de gestion.

93
L’ensemble de ces arguments démontrent qu’il est vital pour le leader d’envisager la
concurrence à l’échelle des réseaux, plutôt que de se limiter à une échelle organisationnelle. A
ce niveau de raisonnement, œuvrer pour une prospérité collective émerge d’emblée comme une
priorité.

2.1.3 Le 4PL, d’une position d’interface entre chargeurs à celle


d’un pivot des écosystèmes

La position d’interface des prestataires logistiques peut être considérée elle-même


comme une ressource essentielle (Balambo et al., 2014). Elle permet en effet l’exercice d’un
contrôle sur des flux d’information valorisables et, selon son étanchéité, peut octroyer un statut
d’acteur indispensable. Les 4PL ont donc naturellement cherché à renforcer cette position, se
plaçant en intermédiaire centralisé entre des acteurs toujours plus nombreux. La démarche les
fait aujourd’hui émerger en véritables pivots des réseaux logistiques (Fabbe-Costes, 2007).
De manière générale, les nouvelles technologiques et pratiques liées facilitent l’accès des
entreprises aux données. Elles sont ainsi mieux collectées, mieux archivées et mieux exploitées,
donc mieux valorisables. La position de pivot du 4PL, entre fournisseurs, clients et autres PSL,
semble propice pour accorder une visibilité transverse, sur des informations logistiques ou
commerciales, utiles pour personnaliser les services, chercher l’innovation, renseigner le réseau
ou améliorer la performance commune (Hiesse, 2009). En effet, le 4PL peut choisir de rendre
transparente l’information non confidentielle auprès de certains partenaires, partageant ainsi un
avantage décisif. Les SIIO lui sont alors hautement profitable pour automatiser cette transmission
de l’information grâce à l’interopérabilité des systèmes (Webster, 1992). Cette démarche
d’analyse démontre que le 4PL mérite le titre de véritable pilote de projet, lui reconnaissant son
juste crédit dans la prospérité des réseaux.
La centralité des 4PL favorise également les opportunités de construction d’un réseau
étoffé de partenaires complémentaires (Fattam et Paché, 2018). La ressource est véritablement
essentielle pour des 4PL qui souhaitent par-dessus tout écarter le risque de faire défaut face à
leurs chargeurs importants, par simple manque de moyens adaptés. Les PSL spécialisés sont ainsi

94
régulièrement sollicités pour pallier les inévitables insuffisances opérationnelles, en période de
pics saisonniers, ou géographiques des 4PL. Ils permettent à ces derniers, principaux fournisseurs
de services logistiques, de proposer à leurs chargeurs un interlocuteur unique, assurant une offre
la plus complète de services, sous une large couverture transnationale. Ce modèle est de nature
à rassurer toutes les parties prenantes, indirectement liées entre elles par des clauses
contractuelles à long terme, garanties par le 4PL. Leur engagement matériel peut ainsi être
sereinement engagé, assurant une disponibilité des PSL pour répondre à une demande continue
de grands chargeurs.
Cependant, les importants privilèges du 4PL pivot ne lui sont accessibles sans sa prise en
charge de certaines contreparties. Ainsi, un intermédiaire se doit de défendre sa présomption de
neutralité à l’égard de ses partenaires chargeurs, voire de constamment la démontrer, car il peut
naturellement être désigné arbitre au règlement des conflits commerciaux potentiels (Paché et
Des Garets, 1997) et (Fulconis et al. 2012). Ainsi, même s’il maitrise en profondeur les enjeux
d’une relation d’affaire, le 4PL ne peut légitimement prétendre à arbitrer les litiges sans une
reconnaissance unanime de son impartialité. Cette légitimité à arbitrer se trouve naturellement
renforcée lorsque le 4PL a au préalable contribué à la rédaction des clauses contractuelles de
l’alliance. Il peut alors se montrer mieux disposé à garantir leur application et le respect des
engagements pris par les différentes parties prenantes. Les relations interpersonnelles nouées
avec chacun, dès les premières phases de négociations, ne peuvent également que se révéler
fortement positives (Fattam et Paché, 2016).
Le rapprochement du 4PL vers une position pivot dans les réseaux peut être soutenu par
son contrôle exclusif sur une ressource essentielle. Dans la prestation logistique, il peut s’agir
typiquement d’une expertise, potentiellement d’un système d’information à forte valeur
ajoutée, souvent de grandes infrastructures (Blanquart et Delaplace, 2009). Leur exploitation
directe permet aux prestataires d’y développer une expertise forte, au prix d’investissements
considérables. Cela ne se réalise pas sans la contribution indispensable d’une autre partie
prenante, les pouvoirs publics.
Le progrès technique, encore une fois, modifie les rapports de forces et fais apparaitre de
nouveaux besoins, à échelle industrielle également. La prestation logistique a ainsi produit une

95
innovation dont les répercussions se sont fait ressentir dans nombre de secteurs depuis son
apparition dans les années 1970, il d’agit du container. Cette simple boîte métallique aux
dimensions standardisées a démocratisé le transport de marchandises à échelle transnational en
le simplifiant, le rendant moins cher et plus sûr (Sevin, 2011). Le container va ainsi permettre
pour la première fois d’acheminer des marchandises à échelle internationale sans rupture de
charge, malgré l’usage de différents modes de transport. Son influence a été suffisante pour
refaçonner les infrastructures logistiques avec des ports désormais équipés d’imposantes grues
conçues pour lever, ranger et transporter à rythme mécanique des volumes industriels de
marchandises. De grandes plateformes ont pu être ouvertes pour servir de hubs régionaux
desquels transitent les biens, avant d’être livrées par des flottes de véhicules ou de navires plus
adaptées, mieux gérables et moins gourmands en ressources. Ce sont avant tout le savoir-faire
transversal du 4PL et sa maîtrise des innovations qui lui assurent une position centrale, donc
hautement favorable, entre les parties prenantes impliquées dans ces opérations (Boissinot et
Kacioui-Morin, 2009).
D’autres innovations, moins importantes, ont ouvert aux 4PL de nouveaux marchés,
centrés sur les marchandises à besoins spécifiques. C’est le cas notamment pour les produits
réfrigérés, avec des moyens de transport des et entrepôts adaptés. Les prestataires peuvent
désormais se permettre de vendre et de transporter des denrées périssables et ou produits
congelés en quantité industrielle, à travers le monde. Naturellement, les infrastructures se sont
elles aussi adaptées à ces nouveaux besoins proposant des systèmes de branchements
électriques sur les ports et les zones de stockage.
Le besoin des gouvernements de pleinement intégrer leurs pays au commerce mondial a
contraint au financement volontaire des grandes infrastructures logistiques. Entre ces ressources
essentielles et le système d’offre des 4PL, c’est donc un véritable cercle vertueux qui s’est mis en
place (Masson et Petiot, 2012). Les infrastructures ont été mises à disposition des 4PL, au terme
d’appels d’offres internationaux. Les prestataires ont, en retour, développé leur offre au profit
de leurs chargeurs, investissant dans de nouveaux équipements pour rassembler davantage de
volumes et réduire toujours plus les couts unitaires.

96
Les infrastructures créent donc des liens physiques entre tissus économiques séparés par
la distance, et ce sont bien les 4PL qui les exploitent. En cela, les prestataires intègrent des
marchés longtemps restés à l’écart de la mondialisation. Contribuant à mieux les connecter, les
4PL contribuent à rehausser le niveau de vie de millions de personnes dans le monde. Ils se muent
en leader d’ESL mondiaux, favorisant l’attraction des investissements étrangers, mettant en
évidence leur rôle pivot (Fulconis et Paché, 2014).
S’il a eu pour effet une standardisation à outrance, le progrès technique en logistique a
également favoriser une diversification de l’offre de services des 4PL, une démarche qu’ils ont,
entre autres, financé grâce au rassemblement des volumes (Carbone, 2004). A titre d’exemple,
après avoir longtemps prospéré grâce au seul transport maritime, nombre d’armateurs ont
ensuite tenté de proposer à leurs chargeurs la gestion d’un transport devenu multimodal,
complété d’activités de transit. Pour les 4PL, la démarche vise notamment à se positionner
davantage en élément central et incontournable de la supply-chain de leurs chargeurs.
Le financement des grandes infrastructures, bien que stratégiques, n’est pas le monopole
des pouvoirs publics. Face à leur ampleur, il est devenu la norme de faire contribuer le secteur
privé, notamment les prestataires logistiques (Masson et Petiot, 2012). Le groupe Français
Bolloré par exemple, contribue à la construction et l’exploitation de nombreux terminaux
portuaires ou de réseaux de chemins de fer en Afrique. Internaliser ces ressources est donc un
mode d’organisation envisageable pour les grands 4PL. Les investissements sont lourds, mais en
contrepartie, les prestataires s’assurent un contrôle potentiellement exclusif et pérenne sur des
activités fortement lucratives. La valorisation du rôle de pivot en est en conséquence fortement
renforcée. Lorsque l’investissement est entièrement assumé par d’autres parties prenantes, le
4PL ne peut prétendre qu’à l’exploitation de la structure sous forme de licences aux conditions
naturellement moins avantageuses.
Les revenus directs, générés par le contrôle d’une infrastructure clé sont substantiels : le
4PL peut facturer à l’opération les usagers, concurrents comme partenaires, retenus captifs par
un contrôle quasi-monopolistique (Blanquart et Delaplace, 2009). Selon la taille de marché, les
volumes peuvent être considérables. Aussi, en faisant profiter ses propres services logistiques de
tarifs préférentiels, le 4PL se donne un avantage concurrentiel non négligeable, directement

97
apparent dans sa structure de couts. L’avantage concurrentiel concerne aussi les autres axes du
tryptique QCD puisque rien n’interdit au le 4PL de se donner une priorité opérationnelle sur
l’infrastructure. Les temps de transit sont sensiblement raccourcis, lui faisant profiter de
meilleurs délais et d’une qualité de service rehaussée.
En outre, la dimension considérable des investissements permet aux 4PL, acteurs
historiques sur les marchés, d’imposer des barrières à l’entrée difficilement surmontables pour
les prétendants nouveaux entrants et fournisseurs de solutions alternatives.
D’importantes charges, fixes comme variables, viennent équilibrer les revenus élevés, liés
à l’exploitation d’une infrastructure stratégique. Les investissements de départ représentent des
charges fixes suffisamment lourdes pour faire encourir aux 4PL des risques susceptibles de
conduire au dépôt de bilan (Carbone, 2004).
L’exploitation de la ressource impose ensuite des couts variables comprenant entre
autres l’entretien du matériel, le management des équipes opérationnelles ou la maintenance
du site.
Il convient donc pour le 4PL de trouver les accords appropriés avec les pouvoirs publics et
les marchés pour assurer la rentabilité de son investissement, puis de ses opérations, tout en
tenant compte d’une multitude de facteurs, dont le risque politique, non négligeable dans
certaines régions du monde.

98
2.2 Attributs et attentes des parties prenantes aux écosystèmes
logistiques

2.2.1 Les parties prenantes internes

Pour les 4PL, envisager les modes possibles de légitimation des changements de leurs
business model et en comprendre les mécanismes ne peut se faire sans un bref exposé des
attentes de leurs différentes parties prenantes. Elles sont nombreuses et présentent des intérêts
de natures souvent divergentes.
La littérature propose différents modes de catégorisations homogènes, utiles à
l’ordonnancement de l’analyse. Caroll (1989) opère une dichotomie intéressante des parties
prenantes externes. Il qualifie ainsi de « primaires » les acteurs en relation directe et déterminée
contractuellement avec l’entreprise (ou parties prenantes « contractuelles ») et de parties
prenantes « secondaires », les acteurs situés autour de l’entreprise, impactés par son action mais
sans lien contractuel, qualifiées également de « diffuses ». Cette démarche démontre les liens
entre proximité de la partie prenante et priorité qui lui est accordée.
Les cinq catégories de parties prenantes avancées par Lépineux (2003) nous semblent
particulièrement appropriées, notamment parce qu’elles correspondent assez bien à
l’ordonnancement des ESL. La distinction faite par l’auteur oppose ainsi les parties prenantes
internes telles que les salariés et leurs syndicats, directement entourés des actionnaires et des
managers, aux partenaires opérationnels, notamment les clients, fournisseurs, banques ou
autres PSL. La communauté sociale, composée des pouvoirs publics, des ONG et de la société
civile de manière générale, constitue une catégorie à part entière. Il est également envisageable
d’associer les parties prenantes internes et les actionnaires et managers sous la référence d’intra-
organisationnelles, au reste des groupes cités, exclus de la sphère de l’entreprise.
Ageron et al. (2013) rappellent que même si les entreprises disposent rarement, seules,
des compétences suffisantes pour innover, la pleine adhésion de leurs salariés, qui constituent la
partie prenante interne la plus importante en nombre, est indispensable à l’intégration des

99
innovations managériales, voire à leur émergence spontanée. Il convient donc de favoriser la
formation continue de cette force vive, afin d’entretenir un discours pédagogique utile à donner
du sens au changement, comme à actualiser les compétences techniques. La formation ne peut
se réaliser sans une impulsion volontaire de l’encadrement et s’organise selon un échelonnement
cohérent de réformes. Les salariés se retrouvent rassurés par la formation et motivés par un
meilleur discernement. L’expertise se bâtit alors, associée à une expérience pratique, permettant
aux équipes de réinventer leurs méthodes de travail et d’intégrer des technologies amplificatrices
de performance.
Le raisonnement appelant les salariés à une défense instinctive de leurs intérêts établir
un lien avec les travaux sur l’analyse stratégique de Crozier et Fridberg (1977). Comme toute
partie prenante, contenus par une rationalité limitée à la mesure de leur accès à l’information et
leurs capacités cognitives, les salariés ne manquent pas de lire les règles du jeu des relations de
pouvoir. Ils élaborent des stratégies qui leurs sont propres pour atteindre des objectifs qui leurs
sont propres.
Cependant, il apparait empiriquement que l’innovation managériale, comme le progrès
technique, est inéquitable à l’égard de la partie salariée (Schumpeter, 1946) et (Autissier et al.
2018). En effet, le changement induit peut être perçu par certains comme une opportunité utile
à un accroissement des compétences, ou une chance à saisir pour faire évoluer un statu quo
insatisfaisant. Pour d’autres, ses apparences de complexité et de rupture effraient. En cela,
l’énonciation des grandes orientations stratégiques et d’une conduite adroite du changement
doivent servir, à l’égard des salariés, à combattre une crainte légitime. Les salariés perçoivent
rapidement que les formations peuvent leur servir à acquérir des compétences nouvelles,
reconnues et valorisables au-delà des frontières de leurs entreprises. Le management démontre
ainsi sa disposition à investir dans le capital humain de son entreprise qui profite ainsi du
changement à différents égards.
Motivés, il devient largement plus acceptable pour le plus grand nombre d’assumer un
rôle de promoteur du changement au plus près des équipes. Les nouveaux alliés contribuent à
en enrôler de nouveaux (Akrich Et al., 1986), attribuant un rôle central, et par voie de
conséquence, une implication pleine et entière, à des acteurs toujours plus nombreux. Selon

100
cette logique, le processus de persuasion se fait de manière bien plus pacifique, ne laissant pas
apparaître les décisions managériales comme des injonctions prises sans concertations et débats.
Tout en préservant l’incontestabilité de son leadership, le management doit donc veiller à une
implication volontaire du collectif, disposition forcément bénéfique à son adhésion.
Le changement peut se trouver légitimé au moyen d’autres arguments comme la
communication autour des valeurs ajoutées attendues pour l’entreprise (Biétry et Laroche,
2010). Naturellement, les salariés aspirent à profiter des investissements auxquels il leur est
demandé de participer. Mais au-delà des considérations matérielles, entrevoir les gains
potentiels pour leur organisation peut susciter une forme de fierté. La motivation peut être
animée par l’idée de contribuer à un projet ambitieux, conduisant à construire une renommée
positive.
L’intervention d’une tierce partie, fait également partie des moyens utiles à mieux faire
accepter le changement (Autissier et Moutot, 2016). Le 4PL a ici un rôle incontournable à jouer
à l’endroit de ses chargeurs, disposant d’une expertise technique, voire d’une expérience de la
gestion des relations humaines. Ses compétences lui attribuent un statut positif à l’égard de
toutes les parties prenantes, alors qu’en sus, les salariés peuvent reconnaitre en lui le crédit de
la neutralité. Les 4PL, en consultants logistiques (Frost and Sullivan, 2004), peuvent arbitrer des
conflits potentiels, se montrer pédagogues à l’égard des sujets au changement et favoriser le
dialogue entre parties.
Aussi, ce statut de partenaire externe confère aux 4PL un recul dont les dirigeants ou
encadrants, seconde partie prenante interne d’importance, éprouvent forcément des difficultés
à avoir. Le travail fondateur de Mintzberg (1984) est un point de départ approprié à l’analyse des
intérêts et rôles de cette partie prenante face au changement. La typologie des rôles du dirigeant
que propose l’auteur assure que l’essentiel des tâches quotidiennes de cet acteur se résume à
des activités interpersonnelles, de communication et de décision. La contribution révèle en outre
la variabilité de ces rôles selon une diversité de critères aussi large que la dimension de
l’organisation ou la nature de son activité. Il semble tout aussi indispensable de considérer ces
éléments pour évoquer la marge de manœuvre dont disposent les dirigeants face au
changement.

101
Selon Mintzberg (1984) la préférence des managers est dans la plupart des cas orientée
vers l’action, la décision stratégique ne remplissant qu’environ 13% de leur emploi du temps.
Ainsi, les dirigeants viennent clore le travail de conception des équipes, opérationnelles et
encadrants et ne conçoivent donc que rarement le changement. Ce principe semble s’affirmer à
mesure que l’entreprise se développe, subissant un processus double, une diversification des
métiers et une spécialisation conséquente des équipes. La direction, jusqu’aux échelons les plus
élevés, ne peut y échapper. Ainsi, au stade des PME et start-ups, le dirigeant se montre capable
d’assumer plus librement des fonctions à la fois managériales et techniques, se trouvant impliqué
plus profondément dans les cycles d’un changement très régulier. Au-delà de la définition
stratégique, il participe directement à la mise en œuvre des dispositions tactiques. Dans les
grandes entreprises au contraire, des strates managériales apparaissent, auprès desquelles le
dirigeant est contraint de déléguer. Aussi, la conduite stratégique a tendance à se révéler plus
stable.
Après la conception et la décision, l’action du manager est décisive lors de la seconde
phase du changement, celle de la communication (Savall et Zardet, 1998), durant laquel il
appliquer et défend l’innovation. Ses rôles de chef symbolique et de meneur d’hommes
(Mintzberg, 1984) lui sont utiles à légitimer ses choix auprès de ses équipes. Il est aussi agent de
liaison et lobbyiste auprès des pouvoirs publics ainsi que porte-parole de son entreprise face aux
partenaires opérationnels et à la communauté. Il est donc attendu du manager qu’il sache faire
preuve face au changement d’une capacité à rassembler et convaincre, surtout devant l’urgence
opérationnelle. La démarche sollicite les qualités, propres à favoriser le rapprochement des
points de vue pour créer le compromis, non seulement pour convaincre de la nécessité du
changement, mais aussi pour créer le consensus autour de la réponse à lui apporter. Cela est
nécessaire face à des parties prenantes qui légitimement, défendent leurs acquis face aux
propositions de changement.
L’expérience du manager jour un rôle également important dans son entreprise de
légitimer le changement (Courent et al., 2016). En effet, crédité de la pertinence de sa vision
passée, son succès lui permet d’amplifier sa marge de manœuvre en levant les obstacles et freins
à l’entrave de son action.

102
Pour faire accepter le changement, la marge de manœuvre du dirigeant demeure
cependant constamment soumise aux rétributions de son entourage, dépendant également de
la taille de l’entreprise et de ses statuts. Ainsi, il apparait évident que le dirigeant-fondateur d’une
PME dispose d’une liberté d’action forcément plus étendue que celle d’un éphémère directeur
général, désigné le temps d’un mandat sur une organisation au capital ouvert. Quoi qu’il en soit,
il incombe au manager de savoir affirmer ses choix pour insuffler rigueur, flexibilité et vision de
long terme.
A son avantage, le dirigeant dispose d’une rationalité moins contrainte du fait de ses
compétences, de ses connexions et de son accès à l’information (Crozier et Friedberg, 1977). Au-
delà des intérêts de son organisation, il prend en considération ses indemnités et ses plans de
carrière, dépendantes notamment des actionnaires. Les privilèges du dirigeant sont importants,
de même que les risques que lui dont encourir ses décisions. Il profite notamment d’avantages
matériels, avec un salaire élevé, des primes et intéressements aux résultats. Entreprendre de
limiter ces faveurs peut d’ailleurs contribuer à renforcer la légitimité du manager, notamment
face à ses salariés. La reconnaissance de l’autorité légale est une seconde gratification majeure
au bénéfice des dirigeants. Elle lui accorde la légitimité du leadership. Pour Weber (1864 – 1920),
l’autorité rationnelle du dirigeant est considérablement renforcée par une autorité
charismatique. Elle peut agir en une incitation forte aux réformes et à la prise de risque qui en
découle.
Les défis du changement sont donc importants et face à des pressions contradictoires, le
manager doit donc manœuvrer avec adresse pour son entreprise comme pour la défense de ses
privilèges.
L’actionnariat, autre partie prenante interne incontournable, demeure employeur du
dirigeant et reste en mesure, s’il le revendique, de provoquer jusqu’à sa destitution. La littérature
financière semble la plus productive sur le sujet des divergences actionnaires – managers avec,
parmi les contributions majeures, la théorie de l’agence qui défend les mécanismes de contrôle
utiles à minimiser les « coûts d’agence » qu’engendrent ce type de divergences. En outre, Jensen
et Meckling (1976), soulignent la tendance irrésistible pour les dirigeants à maximiser la valeur
actionnariale. Sur le même sujet, Myers et Majluf (1984), démontrent par la théorie du

103
financement hiérarchique, les préférences du dirigeant pour l’autofinancement sur
l’endettement d’abord, mais aussi et surtout sur l’augmentation de capital, qui ne peut se faire
qu’au détriment de la valeur des actions, donc des intérêts de l’actionnariat.

2.2.2 Les parties prenantes externes

Les relations entre membres intermédiaires le long des chaînes sont historiquement
tumultueuses (Fattame et Paché, 2016). Elles se traduisent par des rapports de forces dominants-
dominés ne laissant que peu de place à une coopération gagnante pour tous. Ainsi, les grands
distributeurs ont connu à partir des années 1980 une période de forte croissance, à laquelle s’est
ajoutée l’idée de regrouper, voire de coaliser les centrales d’achats, pour renforcer un pouvoir
déjà important (Mevel et al. 2018). Ces acteurs ont alors imposé des conditions commerciales
souvent déséquilibrées à leurs partenaires plus en amont. Agriculteurs et industriels se
retrouvent soumis à des objectifs commerciaux qui ne sont pas les leurs, fixés sans considération
pour leurs contraintes. Les praticiens semblent donc avoir tendance à privilégier les rapports de
force dans leurs relations, allant à l’encontre des préconisations théoriques en faveur de la
coopération.
Mevel et al. (2018) fournissent à ce sujet des indications intéressantes sur ce que les
auteurs appellent les facteurs clés de succès, qu’attendent les chargeurs à l’endroit de leurs 4PL.
Pour définir ce concept simplement, notons qu’il s’agit des prestations logistiques et autres
services utiles à améliorer la satisfaction des chargeurs, permettant donc aux prestataires de
remporter des appels d’offre et parts de marchés. Les données ont été mesurées par les auteurs
sur le terrain de la prestation logistique en France, à différents intervalles de temps. Ces derniers
donnent en premier lieu la priorité à la réactivité de leur prestataire. Les livraisons, la disponibilité
du matériel et la prise de contact doivent se faire simplement, sans délais couteux et parfois
dommageables. La suffisance des ressources n’étant pas toujours garantie, une réactivité
satisfaisante passe également par un réseau de sous-traitants efficaces avec qui le 4PL bâti une
offre coordonnée de services clés en main. La réactivité sous-tend également l’exigence de voir
l’information rendue transparente et accessible à tout moment, permettant ainsi une visibilité,

104
idéalement en temps réel, des opérations menées par le prestataire. Elle renvoie directement à
l’axe de performance des délais, essentiel pour la logistique de produits sensibles ou à durée de
vie limitée, comme les produits pharmaceutiques ou l’agro-alimentaire frais. Les chargeurs de
ces industries n’hésitent pas à s’acquitter de prix élevés en contrepartie d’un service rapide, voire
proactif.
Ces facteurs clés de succès sont naturellement variables d’une partie prenante à l’autre,
dépendamment du système de valeur auquel elles s’attachent. Ces systèmes dépendent
largement des grands principes normatifs à la prescription des liens sociaux et communautaires.
Ni immuables, ni invariables, ces derniers évoluent naturellement dans le temps et dans l’espace
au gré de facteurs d’ordres géographiques et historiques. Les priorités des groupes d’agents
économiques sont donc largement dépendantes de critères de contingence variables d’une
chaîne à une autre, évolutifs selon le contexte économique voire perçus différemment selon les
individus même. Une logique simple suffit cependant à reconnaitre certaines attentes
attribuables aux grandes catégories de parties prenantes, vérifiables de manière
presqu’indépendante du contexte économique et social.
Pour Urbain (2018), même s’il n’est que rarement observé empiriquement, un esprit de
collaboration sincère est un autre facteur clé de succès pour les chaînes logistique. Chargeurs et
prestataires aspirent au développement d’une confiance indispensable à envisager sereinement
les affaires. Cet état d’esprit est ardemment souhaité car il est perçu comme indispensable pour
minimiser l’ampleur de conflits inévitables, permettant un traitement serein des opérations. Cela
passe par une forme de cordialité interpersonnelle dans les relations entre personnes. L’échange
de l’information joue ici également un rôle fondamental. Aussi, sous couvert de collaboration, il
est attendu des 4PL des concessions les amenant par exemple à se conformer à certains
processus de leurs chargeurs. De tels efforts en faveur du partenariat est propre à conforter une
bonne foi mutuelle sur le long terme, consolidant l’entente qui ne peut que gagner en
performance.
Pour Hiesse (2009) la confiance est également en tête du classement dans les attentes
des chargeurs à l’endroit de leurs prestataires logistiques. Cela implique notamment pout le 4PL
de rassurer son ESL quant à son honnêteté, ne cherchant pas à tirer parti d’une éventuelle faille

105
contractuelle ou d’une position opérationnelle favorable. L’ascendant que peut lui octroyer son
expertise et son accès privilégié à l’information ne doivent pas l’empêcher d’agir de bonne foi.
Au-delà de cette confiance qu’inspire la démonstration de neutralité et d’honnêteté, les
chargeurs espèrent confier leurs supply-chain à un 4PL suffisamment professionnel et
compétent, d’un point de vue purement technique. Le prestataire doit ainsi se montrer capable
de proposer des améliorations concrètes au processus des chargeurs, notamment lorsque ces
derniers lui concèdent la gestion d’une partie de leur SCM. Il y a l’idée de proposer avec un service
de qualité constante, ponctué d’innovations managériales utiles à rehausser la productivité.
Boissinot et Kacioui-Morin (2009) rappellent à ce sujet l’importance de bâtir avec le 4PL des
relations pérennes, permettant à chaque partie d’être rassurée les termes contraignant d’un
contrat. Elles deviennent alors mieux incitées à engager leurs ressources dans le partenariat,
devinant la réciprocité de l’engagement. Aussi, sur un plan plus technique, le long terme favorise
la profitabilité d’un partenariat en permettant au 4PL de véritablement maitriser les enjeux et
procédures de son chargeur.
L’énoncé des facteurs clés de succès pour la prestation logistique ne peut être réalisé sans
aucune mention pour la personnalisation des services. Pour Kacioui-Morin (2012), les chargeurs,
notamment les plus importants d’entre eux, cherchent ainsi à pallier la perte progressive de leur
contrôle sur leur propre logistique. De leur point de vue, elle est de plus en plus organisée et mise
en œuvre par un tiers. Il demeure donc important de l’adapter aux problématiques propres de
l’entreprise. En effet, les solutions logistiques sont non seulement variables selon les enjeux des
industries, mais elles dépendent également des choix stratégiques. Au sein même de l’industrie
textile par exemple, différents modèles sont possibles, de la mode éphémère chez Zara à la
standardisation des vêtements chez les grands distributeurs. Or, l’opérationnalisation logistique
est toujours un enjeu majeur pour maximiser la valeur ajoutée ou conquérir de nouveaux
marchés.
L’innovation managériale demeure l’objectif principal des 4PL comme de leurs chargeurs.
A échelle des ESL, 4PL comme chargeurs ont un intérêt fort à mobiliser des ressources en faveur
de la recherche et du développement. Pour les premiers, il s’agit avant tout d’ancrer leur
présence le long des chaînes (Boissinot et Kacioui Morin, 2009), une stratégie d’autant plus

106
efficace que l’innovation est exclusive aux processus du chargeur. Pour ces derniers, elle permet
faire croître directement la rentabilité avec la contribution d’un expert logisticien, aux moyens
potentiellement importants.
Les clients finaux ont naturellement des attentes différentes de celles des partenaires
professionnels du 4PL, guidés par leur conception propre de la valeur produite par la logistique.
Pour Mentzer et al. (2001), l’ensemble des efforts mobilisés le long des chaînes, doivent
l’être au profit du client final. Les auteurs parlent de Supply-Chain Orientation (SCO) pour
désigner une véritable philosophie logistique à échelle inter-organisationnelle. Selon elle, les
gains de productivité, même réalisés en amont des chaînes, doivent être répercutés par effet de
cascade afin de profiter aux clients finaux, véritables moteurs des chaînes. En effet, cette partie
prenante fait vivre par ses achats jusqu’aux fournisseurs de matières premières, motivant chaque
entreprise à accroître ses performances. La littérature semble trouver autour de cette idée un
relatif consensus (Spalanzani et al., 2013). Favoriser le client final est une manière pour toutes
les entreprises de privilégier l’intérêt collectif, à échelle de l’ESL, et sa communauté de destin
(Moore, 1996).
Cela dit, il importe pour le client final également de mesurer de la performance. Deux
critères majeurs sont à retenir.
En premier lieu, l’ensemble des facteurs que la littérature synthétise sous le triptyque
QCD pour structurer les obligations qui engagent les fournisseurs et leurs prestataires logistiques
(Hohmann, 2006). Il convient pour eux de respecter des délais convenables, selon des standards
de qualité satisfaisants définis, sous la contrainte de certains coûts compétitifs. Ce sont les
termes d’un contrat tacite que l’acte d’achat fait exister entre distributeurs et clients finaux. Le
manquement est sanctionné par un changement des habitudes d’une consommation de plus en
plus élastique avec le partage des informations via réseaux sociaux et autres forums en ligne. Ces
références sont donc déterminantes pour la mesure de la performance opérationnelle et sont
applicables à l’ensemble des prestations délivrées le long des chaînes, certifiant de la réalité des
engagements, tacites ou formels, entre les parties.
Au-delà du triptyque, qui résume à lui seul une large composition des attentes, les clients
font montre d’une appétence pour une innovation susceptible d’améliorer leur expérience de

107
consommation (Fabbe-Costes, 2002). En effet, la nouveauté favorise l’engouement, qu’un
marketing adroit contribue à renforcer en favorisant le sensationnel. Ainsi, au même titre
qu’actionnaires ou salariés, le client ne peut être exclu du processus de construction collective
de l’innovation. Même si la tangibilité de l’innovation technique de dispense pas de cet exercice
mêlant renseignement et publicité, il demeure plus important pour les innovations managériales,
adressées directement au client final. Il s’agit de démontrer en quoi la nouveauté permet de
mieux répondre à un besoin, voire, dans certains cas, de créer ce besoin à partir de l’innovation.
Pour l’entreprise, il s’agit naturellement d’amplifier la fréquence d’achat lorsque la nature du
produit le permet, d’augmenter les volumes de ventes ou directement leur prix d’achat.
Après les partenaires directs et les clients, la collectivité émerge de plus en plus comme
une partie prenante externe de grande importance. En effet, lorsqu’elle prend conscience du fait
que, bien que non consommatrice d’une offre, elle n’en demeure pas moins affectée par ses
contrecoups, la mobilisation de ses forces est susceptible d’exercer une pression insoutenable,
même pour les plus grandes multinationales (Fabbe-Costes, 2002). Ce principe évident a donné
naissance à la théorie des parties prenantes de Freeman, qui, en 1964, a publié une note pour
réfuter l’idée que les entreprises n’ont que la satisfaction des actionnaires pour seul objectif.
Cette partie prenante est de plus en plus disposée à s’organiser pour défendre ses acquis, se
donnant voix au chapitre dans la définition des normes sociétales.
A partir des années, la théorie des parties prenantes fait l’objet d’une attention
croissante, en se posant comme alternative crédible aux théories contractuelles de la finance
d’’entreprise. Au-delà des théories et concepts dérivés, la littérature en sciences de gestion a
créé un champ disciplinaire à part entière, dédié à l’analyse de l’impact social des entreprises, la
RSE.
Pour Lépineux (2003), la confrontation entre les entreprises et la collectivité peut donner
lieu à deux types d’évolutions possibles. D’une part, le passage du dialogue au partenariat,
lorsque par exemple des Organisations Non Gouvernementales (ONG) engagent leurs fonds dans
le rachat d’actions pour interpeller des dirigeants lors d’assemblées générales. D’autre part,
l’affrontement, avec la multiplication des moyens de pression par des irruptions de
protestataires, des détournements des moyens de communications de l’entreprise, le lancement

108
de campagnes d’opinion, les appels au boycott ou encore l’engagement de procédures
judiciaires.
Pour la logistique, les conséquences environnementales, humaines et sociales du
transport ou du stockage de marchandises s’exercent à une échelle internationale et sont
particulièrement profonde. Le secteur se trouve donc au centre des attentions pour les
défenseurs de valeurs durables. Les logisticiens réagissent, plaçant ces sujets en tête de leurs
priorités, opérationnelles comme stratégiques, déployant d’importants efforts de
communication autour de leurs démarches dites vertes.
De plus, au-delà d’œuvrer à l’amélioration de ses processus propres, l’importance du 4PL
dans les ESL et son influence sur la SCM de ses chargeurs peuvent constituer un levier majeur
pour inciter au respect de normes favorables à la RSE. Closs et al. (2011) soulignent l’importance
de l’entreprise dite focale, potentiellement le 4PL, capable d’exercer trois types de leaderships,
aux objectifs différents. En premier lieu, le type réactif, qui ne donne la priorité qu’aux objectifs
économiques, n’intégrant les enjeux de la RSE que s’ils ne sont que peu couteux et obligatoire.
Le leadership contributif ensuite, qui se limite à l’intégration des piliers fondamentaux de la RSE
et le leadership novateur enfin, donnant une priorité réelle au développement durable.
Balambo et al. (2014) considèrent qu’il est déjà d’actualité d’entreprendre la mesure de
l’importance des valeurs de la RSE chez les grands acteurs de la logistique. Les auteurs proposent
une étude exploratoire chez les chargeurs, afin d’identifier les critères d’importance dans leurs
démarches de sélection de leurs prestataires logistiques. Ils rappellent en premier lieu les
principaux thèmes retenus pour le management des supply-chain durable, à savoir notamment
la conscience écologique, l’éthique de travail, la diversité culturelle des équipes, le respect des
droits de l’homme ou la protection des salariés.
Aussi, Balambo et al. (2014) soulignent la définition qu’il convient d’entendre du concept
de supply-chain durable, proposant la vérification de trois critères essentiels : en premier lieu,
une préoccupation purement environnementale doit exister au sein de l’entreprise. Ensuite, les
intérêts de l’ensemble des parties prenantes doivent être considérés. Enfin, tous les fournisseurs
doivent formellement s’engager au respect de standards conformes à la RSE. Ces critères sont

109
déclinés en actions concrètes et mesurables, comme l’identification des achats ou les modes de
transport et d’entreposage.
Une série d’entretiens semi-directifs permet aux auteurs de proposer deux conclusions
majeures. La première répond directement à l’objet de recherche en affirmant que la prise en
compte des enjeux de la RSE ne constitue pas encore en 2014, un critère d’importance dans la
sélection des prestataires logistiques. Des paramètres beaucoup plus rationnels comme la
réputation du prestataire ou le cout de ses services sont privilégiés. Pour les chargeurs, l’exigence
au respect de normes par leur PSL n’est imposée que lorsqu’elle émane de leurs propres clients.
L’étude révèle donc l’influence que peut avoir la collectivité directement sur les entreprises, mais
aussi à travers la prise en compte de leurs revendications dans les textes juridiques. La
considération des enjeux RSE relève dés lors de l’obligation. Cette idée sert de perspective à la
publication, proposée comme la solution la plus plausible pour voir les standards RSE s’imposer
dans le monde. La seconde conclusion du travail exploratoire des chercheurs démontre que
l’existence de normes claires fait toujours défaut, ce qui ne permet que de relativement mal
mesurer l’intégration de la RSE le long de chaînes complexes, multi-acteurs et transnationales.
Balambo et al. (2014) rappellent enfin les freins qu’il reste encore à lever pour voir les
standards de la RSE véritablement s’imposer. D’abord, leur intégration dans les chaînes et les
business model ne peut à l’évidence se faire sans un engagement explicite des directions
d’entreprises. Nombre d’entre elles semblent encore hésiter en l’absence d’une volonté politique
affirmée. Ensuite, l’absence d’un esprit de collaboration suffisant dans les réseaux interdit
l’engagement collectif aux réformes structurelles allant en ce sens. Enfin, il est important de
rappeler le manque de moyens auquel doivent faire face les PME, devant les investissements
aussi imposants que peuvent l’exiger la conversion de leurs structures.

2.2.3 Compétences essentielles et rôles des acteurs

Un ensemble de grandes ressources émergent comme essentielles aux 4PL pour assumer
leurs rôles, en conformité avec les standards les plus modernes. Les ressources leur sont entre
autres utiles au rassemblement des volumes, à la diversification de leur offre ou à la mise en

110
œuvre de l’innovation managériale le long des chaînes. Au gré du développement de notre
raisonnement, nous nous proposons de relever certaines des ressources majeures, dont les
évolutions ont constitué des externalités positives pour le business model des 4PL.
L’expertise des équipes constitue, comme pour toute entreprise, une ressource centrale
chez les 4PL (Brulhart et Claye-Puaux, 2009). Elle décide de la qualité des services liés au cœur de
métier des entreprises. Naturellement, les 4PL n’échappent pas à la règle car, à l’inverse de
compétences périphériques, externaliser un savoir-faire stratégique est inenvisageable sans
prise de risques majeurs. Il convient donc pour les prestataires d’acquérir et de défendre ces
ressources par l’embauche, la rémunération et la formation continue du personnel.
Ainsi, ce sont avant tout les logisticiens des 4PL, fort de leur expérience, qui se rendent
responsables des gains de productivité par amélioration progressive des pratiques. Ils
raccourcissent les délais au moyen d’un transport multimodal et adaptent l’entreposage de
marchandises à leurs besoins spécifiques. Ces compétences comptent également une maitrise
avancée des systèmes d’informations propres à l’accomplissement de ces tâches. Les experts
logistiques savent aujourd’hui ce que l’informatique peut leur apporter et travaillent à conformer
leurs procédures aux à l’intégration de systèmes pensés pour largement améliorer leurs
performances. Les chargeurs eux-mêmes, sont souvent demandeurs de SIIO, utiles à digitaliser
les opérations le long des chaînes (Picard et Tang Taye, 2000). Elles contribuent à accélérer leur
traitement et à minimiser les erreurs humaines. La qualité de ces compétences chez les 4PL est
d’autant plus rare et valorisable que le secteur gagne ainsi en technicité. Au-delà de ce savoir-
faire, la compétitivité du secteur exige également des qualités relationnelles utiles à vendre,
mener des négociations, conseiller ou accompagner le changement (Fattam, 2019). L’empathie
des commerciaux leur permet ainsi de remporter des contrats mais aussi d’entretenir de
précieuses relations interpersonnelles. Ces qualités peuvent également être déterminantes dans
la résolution de conflits potentiels entre chargeurs. Ce sont des accomplissements qui peuvent
se révéler d’une complexité redoutable avec la multiplication d’acteurs de plus en plus spécialisés
le long de la chaîne.
A l’image d’un effet de capitalisation des équipements ou des portefeuilles de
partenaires, les compétences chez les 4PL se sont accumulées pour être perfectionnées au fil des

111
expériences d’affaires (Langlet, 2006). Grâce à elles, les 4PL ont pris à leur compte des opérations
que la simplicité initiale permettait encore aux chargeurs de mettre en œuvre. Ce sont avant tout
les solutions logistiques nouvelles que les prestataires ont su développer qui ont conduit leurs
chargeurs, comme les clients finaux, à relever leurs attentes. Les exigences de compétitivité se
sont relevées en conséquence, sur chacun des axes du triptyque QCD, contraignant à
l’externalisation de la logistique dans tous les secteurs (Fulconis et al., 2011).
Certaines dispositions peuvent favoriser l’accumulation de compétences chez les équipes
des 4PL. Leur position privilégiée notamment, en pivots des ESL (Fabbe-Costes, 2007), est
particulièrement fructueuse à ce sujet. Elle permet aux prestataires une participation en
profondeur dans la conception et l’application des procédures d’une importante diversité de
chargeurs. Cette visibilité unique est forcément utile pour améliorer la productivité propre des
4PL comme le transfert de bonnes pratiques entre secteurs et chargeurs (Zhang, 2006).
La confrontation à la complexité de certains cas est également utile au développement
de l’expertise des équipes 4PL (Langlet, 2006). Ces défis se posent aux prestataires notamment
lorsque leurs chargeurs attendent un niveau de personnalisation particulièrement important des
services logistiques. Les équipes des 4PL apprennent alors à déployer un mode d’organisation
agile afin de répondre, parfois avec créativité, aux caractéristiques propres de certains secteurs.
Une expérience riche et variée, complétée d’une maîtrise technique de haute volée sont des
facteurs clés de succès. La démarche contribue au processus de diversification des 4PL, les
rapprochant d’offres de services complètes, intégrant différents types d’opérations et optimisées
aux particularités de leurs chargeurs cibles (Carbone, 2004).
Aussi, la personnalisation des prestations logistiques est un modèle particulièrement
rémunérateur. En effet, non seulement les 4PL peuvent se permettre de prélever une marge
bénéficiaire importante, mais il convient également de noter que l’effort d’adaptation des
modèles logistiques augmente les probabilités de faire apparaitre une innovation, souvent
exclusive. De plus, les 4PL peuvent valoriser leur expertise accumulée auprès de nouveaux
chargeurs, s’auréolant du prestige commercial lié.
L’instauration d’un mode d’organisation ouvert, favorisant les échanges entre équipes
d’organisations, parfois concurrentes, étoffe les pratiques et améliore la productivité collective.

112
La probabilité d’innover se trouve mécaniquement amplifiée grâce à la multiplication des
interactions entre des environnements aux habitudes différentes (Isckia, 2011). La logique est
sous-jacente au principe de coopétition et parait convaincante, pour sa simplicité et son
évidence. Au-delà du recours aux cabinets de conseils, parfois utiles à apporter un point de vue
nouveau, l’association des ressources humaines des 4PL à celles d’une sous-traitance spécialisée
peut permettre d’écarter un enfermement des équipes dans un cycle de processus exclusivement
internes. Il importe donc pour le 4PL d’exposer son ESL aux influences extérieures et de favoriser
une circulation productive de l’information non confidentielle (Isckia, 2011).
Au-delà de l’entretien des ressources humaines par l’échange et la formation, il convient
également pour les 4PL d’attirer les talents et de préserver leur fidélité et leur motivation. Sur un
marché de l’emploi lui aussi devenu compétitif, c’est l’attractivité des rémunérations, les
opportunités de promotion internes, d’apprentissage et de reconnaissance du management qui
entre autres, sont susceptibles de renforcer les ressources humaines d’un 4PL (Ruel et al., 2021).
Aussi, les conditions de travail, voire le lieu, influence grandement le choix des demandeurs
d’emploi.
Le management a un rôle prépondérant dans le développement d’une compétence
collective. Il apparait de plus en plus indispensable d’accorder des latitudes suffisantes aux
encadrants comme aux opérationnels, pour exprimer leurs initiatives et leur vision du métier.
Mettre à leur disposition des moyens appropriés est également indispensable. Concrètement, il
peut s’agir d’orienter l’investissement vers la recherche et le développement. Ainsi, des salariés
hautement qualifiés, pleinement occupés à rechercher l’innovation semblent devenir de plus en
plus nécessaires pour la prestation logistique. Aussi, veiller à une porosité entre segments et
départements afin de donner un recul sur le quotidien peut être fortement productif. Bien que
les managers aient déjà conscience de ces impératifs, leur application semble encore irrégulière
dans les entreprises (Ruel et al., 2021).
Incluant les couts liés à la rémunération, la formation et autres charges fiscales, les
ressources humaines représentent un poste forcément majeur pour toute entreprise. Avec la
diversification de leurs activités, il convient pour les 4PL de gérer avec dextérité la ressource.
Ainsi, le recours à l’externalisation de l’offre de services périphériques doit permettre aux

113
prestataires de mobiliser leurs équipes en faveur de la préservation du véritable cœur de métier.
Le mode d’organisation est intimement lié aux besoins identifiés sur le marché (Valérie, 2004).
La fusion-acquisition et les couts qu’elle implique peut-être tout à fait justifiée au détriment de
l’externalisation selon les perspectives attendues. Le recrutement de compétences nouvelles
permet ainsi de développer un portefeuille client rassemblant une diversité de priorités et de
modes de fonctionnement différents.
Aussi, pour des 4PL rares sur le marché, concéder le départ d’un salarié qualifié, plutôt
que de l’intégrer à un mécanisme de promotion suppose d’accepter le coût d’opportunité de
renoncer à son savoir-faire et sa capacité à former ses collègues ce, à un moment où il est
susceptible d’être le plus productif. De plus, ce talent sur le départ a de fortes chances de se
rendre auprès d’un concurrent direct à qui il peut faire bénéficier de connaissances auparavant
exclusives.

114
Synthèse du chapitre 2

S’appuyant sur des compétences rehaussées à la mesure d’une technologie plus complexe,
il devient pour le 4PL plus aisé de convaincre ses partenaires distributeurs et industriels de
s’en remettre à lui pour la conception, l’édifice et la coordination de nouveaux écosystèmes
à part entière. Ce sont les facteurs clés de succès qu’un ensemble de liens logiques
semblent semble associer. Il y a en premier lieu la réactivité du 4PL, qui démontre sa
volonté de participer plus profondément à la logistique de ses chargeurs, favorisant un
esprit de collaboration sincère. Cet esprit, maintenu à long terme, est de nature à
consolider la confiance du chargeur pour le travail de son 4PL. Une confiance qui développe
le partenariat en rassurant le prestataire quant aux engagements de long terme de son
client. Elle l’incite à investir par reconnaissance et pour préserver ses intérêts chez un client
précieux, afin de mieux satisfaire ses attentes par une personnalisation de ses services.
Les changements proposés par les 4PL semblent donc nécessaires mais ils ne vont sans
modifier en profondeur les relations entre les acteurs, faisant évoluer les rapports de force.
Ce processus long est naturellement jalonné de conflits liés souvent à la résistance des
anciens leaders. Il s’agit là de problématiques directement liées aux mécanismes de
légitimation utiles aux 4PL pour mettre en œuvre leurs modèles nouveaux, soit l’objet
central de notre chapitre suivant.
Aussi, rappelons qu’un ensemble de données laissent à penser qu’au-delà de la capacité à
innover, d’autres ressources demeurent essentielles car hautement stratégiques pour les
4PL, notamment le contrôle exercé sur une infrastructure stratégique et la position de pivot
entre chaînes logistiques. Ces postulats intéressants font partie des éléments qu’il nous
faudra soumettre à notre terrain au titre de proposition de recherche empirique.

115
CHAPITRE 3 : LES INNOVATIONS MANAGERIALES
PORTEES PAR LE 4PL, DETERMINANTS DES CONTRAINTES
DE LEGITIMATION

Notre troisième chapitre nous est utile à prolonger les revues des chapitres précédents
qu’il convient, avant d’aborder les démarches méthodologiques et d’étude terrain, de ponctuer
des questions de légitimation, objet central de notre thèse. Pour cela, nous mesurerons avant
tout les progrès par l’innovation réalisés par les 4PL, que ces derniers présentent à leurs
partenaires. Pour discuter de ce sujet, un concept essentiel et encore récent s’impose, celui de
l’innovation managériale (Birkinshaw et al., 2008). Nous présenterons également le modèle des
4C (Miller et Le Breton Miller, 2010), que nous choisit pour évaluer les possibilités managériales
de légitimer les changements stratégiques. Enfin, ce chapitre 3 conclura notre revue de
littérature de la typologie des rôles modernes que nous avons construit des contributions de
différents auteurs en logistique.
Pour introduire ce chapitre, rappelons que l’environnement des entreprises influence, au
moyen de ses normes et de son actualité, les règles du jeu concurrentiel, celles des conditions
d’accès aux ressources ou des modes de leur exploitation. C’est sous la contrainte de ces
paramètres que sont forgés les grands standards des business model de rigueur dans les champs
organisationnels. Concrètement, c’est en tentant d’internaliser des pressions nouvelles ou
incontrôlables que les politiques stratégiques aboutissent aux orientations les mieux appropriées
pour faire face à leur contexte. En considérant ainsi les externalités dans la définition de leurs
business model, les organisations tentent de répondre aux attentes de leurs parties prenantes.
Les consommateurs attendent de manière légitime une offre différenciée et évolutive au gré du
progrès technique. L’administration, prenant en considération les préoccupations sociétales de
sa communauté, contraint les organisations à se soumettre à ses lois. Au regard de leurs impacts,

117
les organisations sont les premiers acteurs dont il est attendu une soumission aux normes
tolérées et une promotion des priorités sociales.
L’échelle des valeurs, sous-jacente aux normes de consommation que priorisent les
sociétés, conditionnent la survie de modèles économiques et des entreprises qui en dépendent.
Comprendre et anticiper les attentes des consommateurs-citoyens sont les enjeux du marketing,
des réseaux sociaux et des big data. La publicité, les lobbies et les politiques prennent ensuite le
relai pour tenter de les influencer. En dépendent l’existence, la pérennité et la prospérité de
secteurs entiers.

118
3.1 L’intégration de l’innovation aux business model des 4PL

3.1.1. Aperçu Historique des Innovations managériales dans la


logistique

L’innovation managériale est décisive dans l’application des rôles modernes du 4PL. Un
travail de mesure empirique serait sans doute de nature à démontrer les contributions
alternatives des externalités et de l’opportunisme entrepreneurial en faveur de son émergence.
Par exemple, les causes du bouleversement du Taylorisme vers le Toyotisme relèvent pour
certaines d’un concours de circonstances exogènes, pour d’autres, de mutations endogènes au
système socio-économique en vigueur depuis trop longtemps.
En réinventant leurs business model, les 4PL parviennent à proposer des innovations
productives dans les méthodes, notamment au niveau inter-organisationnel. Ce type
d’innovation est à distinguer du progrès purement technique, à l’influence desquelles la
logistique n’échappe naturellement pas. Il s’agit de ce que la littérature reconnait sous le vocable
d’innovations managériales (Ageron et Lavastre, 2016).
Ces innovations correspondent à des ruptures par rapport aux habitudes stratégiques ou
tactiques d’un secteur d’activité ou d’un réseau. Ainsi, notre intérêt est avant tout porté sur les
innovations d’ampleur suffisante pour porter un effet sur le niveau stratégique du business
model des 4PL. Cela exclu les changements mineurs de pratiques et routines au niveau plus
opérationnel. Lorsque les innovations sont jugées majeures, soit porteuses de valeurs ajoutées
et de changements chez différentes parties prenantes, il devient indispensable pour les
dirigeants de les expliquées pour les légitimer auprès des parties intéressées.
Il convient à ce stade de livrer une définition succincte de la notion centrale de légitimité.
Bouquet (2014) rappelle ses différentes définitions possibles de cette notion, du dictionnaire
Littré, qui évoque la « qualité de l’autorité légitime, des pouvoirs légitimes, se référant à la loi ;
qualité de ce qui est légitime, par des conditions requises par la loi ; qualité de ce qui est fondé
en équité, en raison ». En outre, il importe de citer Weber (2002) pour qui il existe trois

119
fondements de la légitimité : d’abord la rationalité, qui réfère elle aussi, à la force légale, légitime
donc pour exercer une forme de pouvoir sur d’autres parties. La tradition ensuite, qui accrédite
d’une transcendance temporelle ceux qui exerce une domination sur les autres. Le caractère
charismatique enfin, incarné par un individu capable de susciter le suivi de ses pairs.
Pour comprendre les mécanismes de la légitimation, il convient d’identifier les conditions
propices à leur émergence, les champs de leurs applications ainsi qu’un ensemble non exhaustif
de leurs conséquences potentielles. Pour Volberda et al. (2013), la littérature manque de
maturité sur le sujet des innovations managériales car peu de chercheurs font le choix de s’y
intéresser. Cela s’explique en partie par la jeunesse encore relative du concept, puisque ça n’est
qu’en 2008 que l’article de Birkinshaw et al. paraît, considéré comme fondateur (Ageron et
Lavastre, 2016). Volberda et al. (2013) rappellent en outre que prévalent, dans le monde
académique, des rivalités tenaces entre écoles de pensée, responsables d’oppositions parfois
improductives. Les incompréhensions culturelles et linguistiques peuvent, quant à elles,
légèrement dévoyer le sens d’un concept à mesure de son emploi. A l’image de concepts aussi
fondamentaux que le business model ou la notion de valeur, les chercheurs en science de gestion
ne semblent pas encore s’accorder autour d’une définition unanimement reconnue de
l’innovation managériale. Des nuances d’un auteur à l’autre, en apparence négligeables, peuvent
engendrer des divergences marquées au moment des développements analytiques. Or, « Une
construction managériale ne peut pas être utilisée efficacement par les gestionnaires et les
chercheurs si tous ne sont pas d’accord sur sa définition » (Mentzer et al., 2001). La situation est
évidemment préjudiciable pour l’échange et la progression scientifique, laissant à penser que
l’importance de tels concepts devrait leur accorder le mérite d’être portés au rang de
paradigmes.
Ces antagonismes n’empêchent cependant pas de trouver dans la littérature des
analogies fondatrices d’un principe lié aux innovations managériales. Pour Birkinshaw et al.
(2008), elles correspondent à un renouvellement des orientations stratégiques, voire tactiques,
inédit pour un secteur ou un réseau. Volberda et al. (2013) proposent eux-aussi une définition
intéressante du concept. Pour, les auteurs, l’innovation managériale « reflète les changements
dans la façon de gérer, impliquant un comportement différent par rapport aux processus

120
traditionnels, aux pratiques (les routines), à la structure (la manière dont la responsabilité est
attribuée) et aux techniques (les procédures utilisées pour accomplir une tâche ou un but
spécifique) ». Ainsi, leur portée les amène presqu’inévitablement à influencer toute une partie
des chaînes logistiques par une réorganisation partielle du système.
Pour Ageron et Lavastre (2016), en logistiques, les innovations managériales se traduisent
concrètement en changements de méthodes propres à amplifier et préciser la coopération entre
les métiers commerciaux, les gestionnaires de stocks et les unités de production. Selon les mêmes
auteurs, les DDMRP (Demand-Driven Material Requirements Planning) sont des illustrations
pertinentes du concept, parce qu’ils contribuent à sensiblement réduire, par une meilleure
gestion, des coûts de stockage. D’autres réformes dictées par des modèles de gestion reconnus
comme la CPFR (Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment) ou la GMA (Gestion
Mutualisée des Approvisionnements) améliorent les performances par des efforts de
réorganisation. Certaines contributions peuvent se faire plus ordinaires et exclusives aux
spécificités sectorielles, voire intra-organisationnelles.
Historiquement, de grandes innovations managériales ont marqué les courants
dominants du SCM, tout au cours du XXème siècle. A partir des années 1970, et après soixante-dix
ans d’une Organisation Scientifique du Travail (OST), dictée par le courant Taylorien, le Toyotisme
s’est imposé au moyen de nombreuses et profondes innovations managériales au sein des
secteurs et leurs systèmes. El Hilali et Mathieu (2010) soulignent la centralité de l’innovation
managériale dans les transitions entre ces modèles avec ce que les auteurs nomment le « design
management ». Elles ont été possibles grâce aux démarches de praticiens qui ont cherché à
réinventer des processus entiers. Avec le succès de leurs idées, et l’aide d’innovations
managériales moins importantes et complémentaires, l’économie capitaliste a su, comme l’avait
conjecturé Schumpeter (1942) bien plus tôt, se réinventer. L’auteur Autrichien évoquait alors le
phénomène prévisible de destruction créatrice, se limitant à n’évoquer que l’innovation, dans un
sens alors bien plus large.
Ce raisonnement amène à penser que c’est l’ensemble du système capitaliste qui dépend
de la capacité de ses acteurs à réinventer leurs procédures et leurs méthodes de travail. Les
innovations managériales démontrent donc qu’elles sont des éléments perturbateurs

121
incontournables d’une continuité qui ne peut que s’essouffler. La fin de la domination de l’OST
au profit de méthodes comme le kanban (Birkinshaw et al. 2008), qui a toujours cours dans les
entreprises, en est une illustration des plus emblématiques. Le progrès technique joue également
un rôle d’influenceur majeur du changement. En logistique, le conteneur par exemple, ou les TMS
(Transport Management System) ont permis aux logisticiens, notamment les 4PL, de se refonder
nombre de pratiques, allant bien au-delà des frontières de leurs organisations.
Puis, à la consécration de la qualité totale durant des années 1980 sous influence du lean
management, les années 1990 ont surfé sur les vagues Internet et mondialisation pour réformer
en profondeur les chaînes logistiques (Chesbrough, 2011). Les années 2000 ont ensuite ouvert la
recherche et le développement aux parties prenantes externes (Chesbrough, 2011) afin de
favoriser l’innovation collective, ou ouverte. Une vision collaborative entre les membres des
chaînes que les réseaux sociaux des années 2010 ont contribué à intensifier. Aussi, par effet de
transfert des bonnes pratiques, les logisticiens n’hésitent pas à reproduire et adapter des
innovations managériales pertinentes pour leur secteur, observés ailleurs. Dans ce contexte, le
concept d’innovation ouverte semble se révéler une solution particulièrement rentable. Elle
requiert naturellement la mise en place d’un ESL cohérent, soit un regroupement centré sur
l’amélioration des processus liés par l’innovation.
La fixation de règles du jeu adaptées par le leader contribue largement à une libre
circulation de l’information. Iansiti et Levien (2004) décrivent avec pertinence les attributs que
peuvent choisir d’endosser ces organisations leaders. Ainsi, un leader positif accorde à ses
partenaires les latitudes nécessaires pour se développer, ne monopolisant pas les ressources à
leur détriment. Il encourage ainsi une innovation partagée et pérenne, à l’inverse des
dominateurs, uniquement préoccupés par un profit court, condamnant leur réseau à disparaitre
avec une innovation ponctuelle. Oruezabala (2017) analyse plus concrètement les méthodes
appropriées pour organiser la mise en œuvre des innovations ouvertes et favoriser leur
pérennité.
La définition des orientations stratégiques des grands 4PL peut ainsi prendre en
considération, de manière pertinente, les dispositions utiles à l’innovation ouverte (Berthelot et
al., 2014).

122
Avec le temps, les acteurs se trouvent dans l’attente de valeurs ajoutées importantes, se
montrant naturellement plus enclins à coopérer (Isckia, 2011). Ainsi, les parties prenantes
entrent dans un cercle vertueux, les conduisant à œuvrer ensemble et à mettre en place les
mécanismes qui favorisent l’émergence d’innovations utiles. Le principe de faire contribuer les
partenaires au processus d’émergence de l’innovation n’est pas nouveau. Bien orchestré, il se
révèle un formidable accélérateur de performance, capable de surpasser rapidement n’importe
quel département de Recherche et Développement. En effet, son potentiel de créativité est
quasiment illimité.
Les meilleurs exemples de la réussite de l’innovation ouverte nous sont fournis par le
développement d’applications que les grandes plateformes choisissent d’ouvrir à la contribution
libre de milliers de développeurs dans le monde.
Un autre exemple est donné au début des années 2000, émerge un mouvement que le
journaliste Dougherty va qualifier de makers (Anderson, 2013). Il désigne cette tendance
nouvelle pour des particuliers, ingénieurs ou simples bricoleurs, à designer, concevoir et réaliser
eux-mêmes les objets de leur quotidien. L’e-commerce met à leur disposition en quelques clics
tous les outils et composants nécessaires à construire des objets de toutes sortes. Dans un second
temps, ce sont les réseaux sociaux qui leur servent de relai pour partager gratuitement leurs
idées et modes de créations, démontrant par la même occasion l’ampleur de leur inventivité. En
cas de véritable réussite d’une idée, suivant l’engouement qu’elle génère en ligne, les makers
savent passer à une troisième étape, celle de l’usine à louer. Elle aboutit logiquement à une mise
sur le marché à grande échelle des créations, tout en profitant de la flexibilité des moyens de
production. Les analystes prédisent ainsi l’émergence d’une nouvelle révolution industrielle,
s’inscrivant sur les traces de ce que fut Internet et ses innovations en ses débuts (Anderson,
2013).
En premier lieu, il convient naturellement pour un leader de détecter et de reconnaitre
une innovation méritant l’engagement d’un processus de changement au sein de son réseau, une
tâche ne manquant pas de complexité. En effet, les exemples de leaders déchus pour leur
incapacité à anticiper le changement abondent.

123
Ensuite, il importe pour les leaders de convaincre chacun des partenaires de l’intérêt,
voire du besoin, d’accepter un processus de changement presque permanent, ce, dans usage de
la contrainte (Spalanzani et al., 2013). Du progrès technique aux processus intra et inter-
organisationnels, en passant par les méthodes de management, les membres du réseau se
montrent bien mieux enclins à mobiliser des ressources pour le changement lorsqu’ils sont
véritablement convaincus de son intérêt. La logique peut être étendue aux équipes de chacune
des parties prenantes, qu’il est également indispensable de conditionner au changement. Dans
nombre de cas, le processus de persuasion est simplifié par le caractère impérieux du
changement. L’innovation représente une contrainte pour un réseau faisant face à une menace
explicite ou une réglementation nouvelle.
La conduite du changement ne s’arrête évidemment pas à la phase de persuasion. Le
succès de cette dernière doit précéder celui de la mise en place des mécanismes nouveaux. Cette
étape repose sur l’adoption rapide, efficiente et simplifiée des principes de l’innovation. Powell
(1990) interroge avec pertinence des conditions de partage des technologies entre 4PL et
chargeurs. Il explore ainsi les moyens d’améliorer les systèmes collaboratifs pour que le
partenariat parvienne un niveau technologique avancé et qu’il s’y maintienne. Selon l’auteur,
trois grands facteurs permettraient ainsi l’émergence d’un réseau véritablement collaboratif et
générateur d’innovations : le savoir-faire, la confiance et la demande pour plus de réactivité. Pour
prolonger la réflexion, il semble pertinent de s’interroger sur les moyens de favoriser
l’émergence de ces facteurs. C’est en partie ce que tente de réaliser notre typologie des rôles du
4PL. La question de légitimation des moyens achève un raisonnement qu’un guide pratique
saurait étoffer.
Pour le leader même, conditionner ainsi un réseau au changement implique une volonté
affirmée de coopérer, d’investir dans la mise en œuvre du changement mais aussi d’accepter de
subir ce changement et ses conséquences. Aussi, une attitude positive du leader l’appelle au
renoncement à l’intégration systématique des innovateurs afin de privilégier le partenariat
lorsque cette stratégie va dans le sens des intérêts du réseau. Le leader est positif pour son
écosystème et s’écarte de la position de dominateur. Elle peut avoir le mérite de préserver la
créativité des petites entreprises tout en leur faisant bénéficier des ressources d’un leader de

124
réseau. L’intégration de l’innovation et son adoption généralisée peuvent s’en trouver largement
favorisées. Le leader assume une position de relai de l’innovation.
Rappelons enfin l’importance de considérer les besoins des clients finaux dans la
conception et l’adoption des innovations, même lorsque cette partie prenante n’est pas
directement concernée. Il s’agit là d’un critère incontournable pour évaluer la réalité d’une valeur
ajoutée nouvelle (Spalanzani et al., 2013), d’où l’importance donnée au travail de renseignement
organisé par le marketing. A ce sujet, les distributeurs, en aval des chaînes, jouent un rôle
déterminant, n’hésitant pas à s’en servir pour renforcer leur domination dans nombre de
réseaux.

3.1.2 Conditions d’émergence des innovations managériales

La déclinaison opérationnelle des innovations managériales doit conduire à un


supplément concret d’efficience qui dans les meilleurs des cas, fait coïncider gains de
productivité et baisse de coûts. Ces bénéfices peuvent d’ailleurs demeurer exclusifs à une
entreprise car spécifiques à ses processus (Boissinot et Kacioui-Morin, 2009). L’ascendant
d’efficacité devient alors difficilement reproductible par la concurrence et s’installe sur un terme
qui peut être long.
Dans un contexte aussi concurrentiel que celui de la prestation logistique, les questions
d’émergence et de mise en œuvre de ces innovations revêtent un caractère hautement
stratégique pour les 4PL. Sur la question des méthodes utiles pour parvenir aux conditions
propices, s’opposent des écoles de pensée majeures.
L’entrepreneur créatif vanté par Schumpeter (1942) s’oppose ainsi au processus collectif
de l’innovation d’Akrich et al. (1986). Les idées s’opposent à des échelles très micro-économiques
mais entraînent des répercussions très larges, allant jusqu’à influencer la définition de politiques
stratégiques, voire économiques. Ainsi, le courant de l’entrepreneur créatif soutiendrait que les
innovations managériales n’apparaissent, comme leur nom l’indique, qu’à l’initiative des
créateurs et dirigeants d’entreprises, mus par la recherche d’une réussite entrepreneuriale et
capables, grâce à des compétences transversales de leur métier. La théorie de la traduction au

125
contraire, soutiendrait que même ce type d’innovation, aussi managériale qu’elle peut l’être,
obéit, elle aussi à un processus plus collectif. En effet, au-delà d’une idée à échelle individuelle,
l’innovation doit trouver l’adhésion de parties prenantes pour être couronnée de succès. Akrich
et al. (1986) rappellent ainsi la prépondérance du contexte social qui doit être propice à la
diffusion de ces idées nouvelles. Le processus collectif est dit « sociotechnique », car il associe un
ou des éléments techniques, nécessaires à la stratégie nouvelle, à un contexte social.
Au-delà des discussions autour de la question de l’émergence de l’innovation managériale
et de sa pertinence, sa mise en œuvre et l’adhésion qu’elle suscite seraient donc particulièrement
critiques. Le rejet potentiel qu’elle peut soulever chez les parties prenantes internes, ont donné
lieu à une littérature importante, énonciatrice de principes normatifs censés jalonner d’étapes
une conduite délicate du changement. En substance, ces manuels de conduite du changement
appellent, le moment du changement venu, à créer les conditions favorables à une mobilisation
générale des forces, notamment du corps opérationnel. Lambert et al. (2004) proposent un
guide, condensé de conseils pratiques adressés au personnel encadrant dans les entreprises,
pour parvenir à mettre en œuvre une transition aussi complexe que l’intégration d’une alliance
stratégique.
Aussi, citons Mentzer et al. (2001), qui, dans le cadre d’un effort de créer une définition
consensuelle du SCM, cherchent à inspirer une culture d’entreprises favorable à l’innovation. La
mise en application du changement résulte également d’un état d’esprit collectif que les auteurs
voient plus large encore que la théorie de la traduction puisqu’il s’étend à échelle inter-
organisationnelle. Ainsi, la Supply-Chain Orientation est censée conditionner les opérationnels à
la flexibilité et inciter les partenaires à la transparence de l’information. Le long des chaînes,
toutes les parties se doivent de satisfaire aux conditions propres à une optimisation des
processus propre à maximiser la valeur ajoutée perçue par le client final. La SCO reconnaît donc
en ce dernier une partie prenante vitale pour la survie de l’ensemble des chaînes. Répondre à ses
attentes passe notamment par déléguer l’initiative du changement et favoriser à la
complémentarité entre partenaires.
Brulhart et Claye-Puaux (2009) soutiennent eux-aussi qu’alors que les compétences intra-
organisationnelles sont fondamentales pour innover, la contribution des alliances stratégiques

126
est également essentielle. Il appartient naturellement aux dirigeants d’œuvrer à la mise en place
des partenariats utiles à favoriser l’émergence des changements productifs. Le rôle de cette
partie prenante est donc primordial à plus d’un niveau.
D’abord, par le soutien et le leadership sans lesquels naturellement, aucun changement
n’est envisageable. Leur vision doit inspirer et convaincre l’ensemble de partenaires pour faire
accepter des politiques plus favorables à la flexibilité. Il s’agit ainsi de mieux intégrer les processus
au sein même des entreprises (Cooper et al. 1997) comme de détecter et saisir les opportunités
qui se présentent en externalités positives. Cela implique d’élever la dimension retenue dans la
définition des orientations stratégiques et tactiques. Les managers se doivent de
systématiquement envisager leur organisation comme un fragment intégrable à un ensemble
plus large, son réseau. Bowersox et Closs (1996), contribuant à expliciter la notion de SCM dans
les années 1990, soutiennent déjà qu’une entreprise doit tenter d’étendre son raisonnement à
l’échelle son réseau, soit fournisseurs et clients. La littérature consacre d’ailleurs l’idée d’un
dogme, affirmant que la concurrence véritable ne se joue désormais plus entre organisations,
mais entre chaînes logistiques (Christopher, 1992).
Ensuite, par ce que l’on pourrait qualifier d’effet d’agrégat des multiples innovations
mineures du SCM. Des équipes opérationnelles vers celles du management, les contrecoups de
l’amélioration des routines graviraient les échelons, faisant s’ajuster le cadre tactique qui, à son
tour, inspirerait, voire contraindrait, à l’innovation stratégique (El Hilali et Mathieu, 2013). Cette
progression est conditionnée par l’octroi aux opérationnels d’une forme d’autonomie, autorisant
l’initiative au changement productif. Une logique qui démontre l’importance de la mobilisation
générale des forces, utile à l’inspiration des innovations managériales, tout en étant
indispensable à leur propagation (Akrich Et al., 1986). Rien n’interdit d’envisager que dans un
second temps, les remaniements stratégiques ne puissent ajuster à leur tour les processus
opérationnels. Les deux sphères s’influenceraient ainsi mutuellement dans une forme de cercle
vertueux pour la productivité.
Des échanges intra-organisationnels que les partenaires externes doivent soutenir et
contribuer à fructifier. Il incombe aux managers de préserver une transparence de l’information
véritable au sein du réseau (Mentzer et al., 2001). D’une part, elle incite à l’harmonisation

127
réciproque des opérations, conduisant potentiellement à des corrections rapides sur les business
model, bénéfique sur différents plans, dont la bonne intégration des nouveaux entrants dans les
réseaux (Cooper et al. 1997). Aussi, elle favorise la l’intensification des échanges de flux et le
partage de bonnes que les différences sectorielles n’interdisent pas. Ainsi, une entreprise, en aval
de chaîne, peut emprunter à l’un de ses fournisseurs, bien plus en amont, des outils tactiques
pertinents et inédits pour son activité. Cela est d’autant plus sensible que les entreprises font
immanquablement partie de plusieurs chaînes logistiques, se retrouvant au milieu de
configurations intersectorielles complexes (Fabbe-Costes, 2007). C’est particulièrement le cas
des grandes entreprises, en position de pivots, qui peuvent en profiter pour transférer les
améliorations d’un partenaire à un autre qui, entre eux, n’auraient que très peu de chances
d’échanger. La présence d’un tel leader, support de la performance collective, est une condition
pour qualifier un ESL de plateforme, avec potentiellement le 4PL dans cette position (Isckia,
2011).
Lorsque le leader parvient à convaincre les membres de son réseau de partager cette
même vision, chacun peut espérer s’organiser de manière durable autour de problématiques
aussi vitales que l’accès aux ressources, le développement des métiers ou la réactivité de la
relation client. Cette coordination peut aujourd’hui se faire autour d’un système d’information
intégré, élevant leur alliance au rang de véritable réseau (Webster, 1992). La conformité à échelle
inter-organisationnelle à ces exigences permet de satisfaire des critères à la fois de d’agilité et de
performance, grâce à un management lean (Christopher et Towill, 2001).
Un climat de confiance réciproque fait également partie des conditions majeures de la
coopération. Elle garantit des engagements de long terme, que suit potentiellement une
interdépendance, caution contre le risque d’opportunisme (Morgan et Hunt, 1994). Hiesse (2009)
également souligne l’importance de la confiance, insistant sur le rôle central joué par le
prestataire logistique quant à sa consolidation entre chargeurs.
De la conception aux phases de mise en application, faire aboutir une innovation
managériale est conditionné par un processus éminemment collectif. L’expérimentation d’une
stratégie d’entreprise nouvelle ne peut se révéler pertinente sans considérations pour les
attentes de l’ensemble de ses parties prenantes. En envisageant leurs chaînes logistiques comme

128
des entités homogènes, les membres augmentent leurs chances de développer des améliorations
potentiellement inédites à leurs processus, donc d’innover jusqu’au plan stratégique.
D’autre part, le contexte structurel, la conjoncture économique et sociale et les
externalités qu’elles engendrent ne sont naturellement pas sans effet sur la capacité à innover
et à adopter le changement. Dans les années 1970 par exemple, ce sont les fondements des
modèles en place qui ont été remis en cause. Les externalités n’ont fait que précipiter le
changement. Ainsi, les modes de consommation, dictées par les mœurs d’une époque révolue
ont plébiscité l’organisation du travail à la chaîne, propre à une standardisation à outrance.
S’exprimant à l’occasion de mouvements sociaux parfois violents, les jeunes générations ont
brusquement rejetés ces principes, les incitants à une consommation de masse qui avait
contribué à rehausser le niveau de vie de leurs ainés, tout en les aliénant aux cadences
mécaniques (Le Van-Lemesle, 2004). Les aspirations en faveur de normes sociétales moins
austères étaient latentes mais sont demeurées mystérieuses et imprévues.
Aussi, la politique ou la finance peuvent exercer des influences suffisamment fortes pour
affecter les modes de fonctionnement à échelle micro-économique. Par exemple, la fin de
l’étalon dollars et les pics pétroliers ont paralysé de nombreuses entreprises, pesant sur leur
accès à des ressources essentielles. Nombre d’entre elles n’ont pas survécu à ces chocs, d’autres,
sont parvenues à s’accommoder rapidement aux nouvelles règles du jeu, en y réagissant à échelle
stratégique. Leurs nouveaux modèles ont permis de révéler des gisements de productivité
jusque-là insoupçonnés le long des chaînes logistiques.
La technologie influence elle aussi, et de manière directe, l’apparition des innovations
managériales. De nouveaux outils ont rendus possibles des modèles aux performances SCM
considérablement améliorées sur chacun des axes du triptyque QCD. Dans certains cas, elles ont
donné lieu à des activités entièrement nouvelles pour les business model des prestataires
logistiques.
D’autres forces canalisatrices, plus endogènes, poussent au changement et à l’intégration
du changement. Le phénomène de l’isomorphisme institutionnel (Di Maggio et Powell, 1983) en
fait partie. Face au succès d’une méthode nouvelle, les partenaires et concurrents ont le réflexe
naturel de chercher la reproduction du succès. Elles doivent cependant se préconiser du piège

129
conformiste à un modèle ultra-dominant, capable d’enfermer une industrie dans une stabilité
dangereuse pour son renouvellement. En outre, le conservatisme trop aliénant dans certains
secteurs, en apparence protecteur, peut exposer à la brutalité des chocs. A l’inverse, les
organisations qui parviennent à développer une vision plus contestataire, se rendent plus
flexibles et s’adaptent mieux aux ruptures qu’elles parviennent à créer elles-mêmes lorsqu’elles
innovent (Huault, 2008).
L’idée de poursuivre une internalisation des pressions exogènes est une démarche déjà
pertinente pour tenter d’anticiper les imprévus dont l’ampleur peut constituer des injonctions
au changement.

3.1.3 Décoder les stratégies de conquêtes de la légitimité

Il semble approprié d’évoquer le point de vue de la littérature autour de deux notions


majeures en science de gestion : la valeur et la confiance. Elles sont toutes deux incontournables
pour comprendre les processus de persuasion d’abord, et d’institutionnalisation ensuite. Ces
étapes peuvent constituer des introductions instructives aux modèles dominants pour identifier
les différents types de légitimité.
La notion de valeur demeure très subjective (Fabbe-Costes, 2002) et ne fait donc pas
consensus dans la littérature comme dans les pratiques. Les 4PL eux-mêmes ont des choix de
spécialisations différents, donc des priorités stratégiques variables alors qu’au sein des ESL, la
valeur est perçue différemment selon les intérêts des parties prenantes, voire des individus. Il
convient donc de dresser un état de l’art succinct autour de cette notion, notamment en SCM.
En effet, les 4PL sont à l’origine d’une production de valeurs nouvelles sur les marchés. Notre
démarche visant à identifier les mécanismes de leur légitimation doit naturellement être
engagée par une discussion autour des conceptions plurielles de la notion de valeur.
Une abondance particulière de travaux en sciences de gestion s’inscrit dans ce débat très
théorique, aux positions souvent subjectives, autour de la valeur produite par le SCM. Elle est en
effet centrale pour une discipline qui se veut, en partie, conceptrice ou explicative des modes de
création de la richesse micro-économique. Les discussions apparaissent d’ailleurs assez tôt dans

130
les écrits avec les travaux de Colin et Paché (1988) qui préconisent déjà une intégration
« harmonieuse » des services dans les entreprises. L’harmonie n’est pas un terme choisi de
manière anodine, il se réfère à un apport aisément généralisable aux intérêts de différentes
parties au sein des organisations.
Dans l’absolu, il pourrait être raisonnablement déclaré que la valeur est censée
simplement correspondre à une contribution sociale positive, condition logique de l’existence et
de la pérennité des entreprises (Fabbe-Costes, 2002). Tenter de préciser la définition théorique
de la valeur doit donc donner un sens philosophique et social à l’activité, à l’effort et à
l’investissement. Sur ce point, le concept managérial de la valeur est un cas particulier car il revêt
une multitude légitime de sens selon des points de vue, mais aussi, dans bien des cas, selon des
critères parfaitement objectifs. Ainsi, les consommateurs se fient à leur instinctive satisfaction
mais aussi au rapport qualité-prix qu’ils s’appliquent à mettre en œuvre pour comparer les offres
concurrentielles (Burduroglu et Lambert, 2001). Des spécifications contextuelles insuffisantes
risqueraient alors de teinter d’ambiguïté certaines démarches normatives. Il leur est donc
essentiel de précéder leurs prescriptions d’un postulat clair sur les questions de valeur qu’elles
abordent.
Une définition très générique de la valeur fait référence à la « Qualité d’une chose fondée
sur son utilité objective ou subjective (valeur d’usage), sur le rapport de l’offre à la demande
(valeur d’échange), sur la quantité de travail nécessaire à la production (valeur travail) ». Au
milieu du foisonnement des définitions, cette dernière a le mérite de rappeler la possibilité de
classifier, selon un mode ternaire, les critères d’attribution de la valeur. Les biens et services
échappent difficilement à l’influence de ces critères, plus ou moins renforcée par le système
socio-culturel même des sociétés.
A l’identification des critères de valorisation, première précision explicative du concept,
trois caractères associés font également consensus. D’abord, il ne peut être réfuté que la valeur
correspond à un apport appréciable de son bénéficiaire (Porter, 1985). Quel que soit le critère de
valorisation retenu, la valeur est le synonyme d’un bienfait, attendu et estimé par les parties qui
la reçoivent, bien que ces dernières puissent faire montre d’une subjectivité des plus variées.

131
C’est d’ailleurs là le second caractère dont dépend invariablement la valeur. Elle est
d’autant plus appréciée par son destinataire que ce dernier choisit de s’attacher à sa nature
(Cooper et al, 1997). La perception de la valeur est donc profondément individuelle, bien qu’elle
s’hérite d’innombrables influences externes. En effets, les agents économiques, quelle que soit
leur nature, ne peuvent prétendre échapper au système de valeur partagé au sein de leurs
environnements. Pour une entreprise, ce système se manifeste par les normes culturelles de sa
communauté (Halley, 2000), soutien inconditionnel d’un capitalisme débridé ou imprégnée d’un
écologisme radical par exemples. Au niveau sectoriel, certaines pratiques partagées peuvent aller
jusqu’à la condition d’acceptation comme l’esprit de partage des communautés open-source.
Même les routines forgées à échelle intra-organisationnelle, parties intégrantes de l’Histoire des
organisations, contribuent à bâtir son système de valeurs (Godelier, 2009). Il est donc presque
toujours erroné de présupposer d’une éventuelle unicité dans la nature même de la valeur.
Au-delà de cette diversité substantielle, la mesurabilité, même approximative de la
valeur, constitue son dernier attribut (Caby et Hirigoyen, 1999). Dans l’absolu en effet, la valeur
prise au sens économique ne peut qu’être finie. Selon sa nature, il peut cependant s’avérer
impossible, par méconnaissance ou manque de moyens, de lui attribuer une quantification
rapportée à une quelconque échelle numérale de mesure. Tout en reconnaissant humblement
cette infaisabilité, la démarche scientifique d’évaluation, potentiellement descriptive, demeure
pleine de sens et s’avère utile à l’aboutissement d’une multitude de finalités de recherche. Par
exemple, il apparaît illusoire d’envisager l’estimation financière de la biodiversité. Il est pourtant
indéniable qu’elle gratifie les sociétés humaines de services, justement, inestimables. A des fins
de sensibilisation, certains travaux en sciences économiques ont malgré tout tenté d’intégrer ces
valeurs au cycle économique classique, selon des logiques plus ou moins discutables.
Aussi, la mesure de la performance des entreprises, travail incontournable, est
étroitement liée aux systèmes subjectifs de valeurs (Fabbe-Costes, 2002). Lors de ses exercices
de transformation, production ou distribution, ce sont différents types de valeurs, répondant à
différents types de besoins, qu’une entreprise propose à son entourage. Il est donc important de
savoir opposer ce qui sera détruit à ce qui est hérité en aval des chaînes. Comme le résume Lorino
(1997), « détruire les ressources [que l’entreprise] consomme, « vaut-il la peine » au regard des

132
besoins satisfaits ? ». Logiquement, la définition de la valeur à laquelle l’on choisit de s’attacher
doit donc immanquablement précéder toute tentative de son évaluation. Evaluer ensuite la
valeur produite, puis la contextualiser correspond alors à la mesure de la performance.
Un autre objectif majeur peut également être de répondre à la nécessité pratique, comme
analytique, de hiérarchiser les valeurs auxquelles s’attachent les parties prenantes. En identifiant
les principaux critères subjectifs de valorisation de chaque groupe d’agents économiques,
l’analyse stratégique peut aisément définir leurs priorités. L’exercice répond donc avant tout à
une finalité de hiérarchisation des valeurs, dont l’estimation indicative peut être nécessaire au
rendu d’un travail exhaustif. Traduire les conclusions d’une typologie de Mitchell (1997) implique
ainsi d’identifier la nature et, lorsque possible, les quantités de valeurs nécessaires à répondre
aux attentes priorisées des parties prenantes.
L’intérêt de hiérarchiser les valeurs selon l’identité de leurs allocataires émerge d’un
constat qui apparaît évident dès les prémices de l’analyse, l’appartenance à une catégorie de
parties prenantes n’est pas exclusive, bien au contraire (Berthelot et al., 2012). Elle se définit
selon plusieurs paramètres dont, entre autres, le profil et l’activité de l’agent économique, mais
aussi ses critères subjectifs de valorisation. Leurs inévitables croisements rend difficile pour un
agent économique de ne restreindre son affiliation qu’à une unique catégorie. Ainsi, un
consommateur est simultanément citoyen, potentiellement salarié ou actionnaire, décideur
politique ou membre engagé d’une Organisation Non Gouvernementale (ONG). De ces identités
multiples, des complications courantes apparaissent, les conflits d’intérêts. La plupart du temps
bénignes, elles deviennent problématiques lorsque l’agent économique impliqué dispose de
prérogatives importantes. La portée de son initiative atteint alors de manière plus ou moins
prononcée d’autres parties prenantes.
Ces cas de figures impliquent des dommages collatéraux potentiels, appelant le cadre
légal à soumettre certaines professions exposées à sa contrainte (Ghertman, 2003). Le droit privé
réserve donc naturellement sa définition du conflit d’intérêts à ces derniers cas de figures,
impliquant de possibles trafics d’influence et prise illégale d’intérêts. Pourtant, des dilemmes
existent bien de manière plus absolue, sans relation avec la régulation juridique des affaires. Pour
la recherche managériale ou sociologique, l’agrégation des choix courants et anodins chez un

133
groupe d’individus exerce une influence non négligeable sur des données holistiques. L’idée d’un
conflit quotidien chez les agents entre leurs intérêts contradictoires donne lieu à des concepts
connus, notamment celui de l’opportunisme des acteurs, pierre angulaire d’une théorie aussi
incontournable que celle des coûts de transaction.
Cette défense des intérêts contradictoire, donc des systèmes de valeurs sous-jacents, par
les parties prenantes ne débouche pas fatalement à l’affrontement. Cela nous amène à discuter,
à l’aune d’une partie des travaux réalisés sur le sujet, de la confiance, concept primordial pour
l’analyse des relations inter-organisationnelles dans le SCM.
Une multitude de facteurs sont censés favoriser l’installation d’une confiance forte en
membres d’un ESL. A titre d’exemples, l’intégration des ressources via un SIIO, une
communication ouverte et permanente, la connivence personnelle, un contrat juste et le plus
exhaustif possible, le suivi commun des prestations, le partage équitable des gains ou la prise en
compte des intérêts et demande de chacun contribuent largement à bâtir la confiance (Langlet,
2006).
Aussi, confrontés à une instabilité contextuelle pourvoyeuse d’externalités l’imprévues,
les membres d’un réseau logistique sont bien souvent contraints d’improviser le changement. La
confiance que les chargeurs sont disposés à accorder à leur 4PL repose largement sur sa capacité
à démontrer son travail d’anticipation du changement (Fabbe-Costes et Colin, 1995). Grâce à son
expertise et sa vision transversale, le prestataire incite à l’ajustement des systèmes d’offre et à
la réforme des processus communs.
Pour Langlet (2006), la confiance dans les réseaux repose aussi, pour beaucoup, sur
l’ampleur des investissements engagés par les partenaires. Elle peut en effet attester de la bonne
foi de chacun des membres qui démontre sa disposition à prendre des risques importants pour
le bénéfice de l’alliance. Sur un plan purement opérationnel, les investissements rehaussent
objectivement les chances de succès du projet commun. Avec une expertise parfois mal comprise
des chargeurs et un retour sur investissement à long terme, l’idée semble particulièrement
s’appliquer aux 4PL. Ce dernier n’a souvent d’autre choix que de faire de l’ampleur du capital
physique qu’il est capable de mobiliser l’argument principal de sa crédibilité, donc de son
discours commercial. La logistique s’y prête d’ailleurs très bien car elle demeure une industrie

134
lourde, reposant sur de grandes infrastructures, indispensables à la régularisation de flux
physiques de plus en plus importants. Les profits des investissements massifs ont d’ailleurs le
mérite de se manifester sur un terme relativement court avec une mise en production rapide et
efficace, rationalisée d’économies d’échelles.
Capitalisant sur des succès rapides, remportés sur les plans opérationnels et relationnels,
les 4PL peuvent aspirer à renforcer les partenariats, transformant des contrats de court terme en
alliances stratégiques liant plusieurs chargeurs (Cocherel, 2004). L’enchainement de réussites
opérationnelles, même simples, contribue à bâtir une confiance véritable, en même temps qu’il
consolide les chaînes. Pour les prestataires, il s’agit de proposer des services opérationnels
simples et standardisés, et de les accomplir sans faute. Ce type de prestations, réalisées à court
terme sont, naturellement plus élastiques aux cours des marchés et la conjoncture économique.
Il est en outre bien plus simple pour les chargeurs de recourir à une concurrence uniforme et plus
dense (Langlet, 2006). Aussi, la standardisation à outrance par le lancement d’investissements
lourds peut conduire aux situations de surcapacité en cas de ralentissement de la demande.
Même si elle peut être fortement rémunératrice au début, à terme, cette orientation exerce un
effet inévitablement négatif sur la capacité à innover. Elle prive ainsi le prestataire logistique de
l’opportunité de réaliser un ancrage fort dans les chaînes de grands chargeurs à la recherche de
solutions customisées (Boissinot et Kacioui Morin, 2009).
Face aux risques et couts d’opportunité, le 4PL est naturellement amené à faire évoluer
son offre vers plus de diversification ou vers la personnalisation de services à forte valeur ajoutée
(Hiesse, 2009). Les ressources à mobiliser deviennent plus importantes encore, contraignant le
4PL à réduire inévitablement la diversité de son portefeuille. Refuser cette tendance reviendrait
à compromettre de grands contrats, aux souscripteurs déçus de l’absence d’un prestataire
enfermé dans le confort d’une standardisation simple, privilégiée au détriment de l’effort de
personnalisation. De plus, Le bénéfice de la diversification du portefeuille couvre, au moins en
partie, le risque de retournement du marché, potentiellement brutal.
Avec la diversification, s’impose également une période incompressible de coopération,
un délai de grâce, durant lequel le prestataire logistique cherche à comprendre les besoins de
son client, parfois inconnus de lui-même, et considérant toutes leurs spécificités (Carbone, 2004).

135
Une latitude temporelle suffisante au partenariat est donc une composante essentielle pour la
confiance ce, à plusieurs titres, dont l’acceptation du changement. L’introduction de mesures
visant à renforcer l’agilité structurelle des chaînes est en effet un impératif face à une instabilité
devenue chronique. Une chaîne agile implique cependant une capacité à accepter et conduire un
changement presque permanent, contraint ou préconisé par un partenaire, en l’occurrence, le
4PL. Une confiance solide est à l’endroit de ce dernier est clairement indispensable pour
minimiser les risques de tensions et conflits afférentes aux politiques d’amélioration continue.
Ces dernières appellent en effet à des investissements permanents pour actualiser les
technologies et former des équipes dont les compétences sont menacées de dévalorisation. De
plus, le changement peut déséquilibrer temporairement la répartition des profits. Sans confiance
réelle, des conflits peuvent émerger entre partenaires, oubliant de considérer qu’à long terme,
les déséquilibres sont censés être mécaniquement résorbés.
La confiance dans les réseaux semble ainsi reposer sur deux fondements majeurs ; celui
de la rigueur et du professionnalisme et celui relevant davantage de la perception d’honnêteté
entre les parties. L’association de ces deux origines crée les conditions propices pour la
pérennisation d’un partenariat stable, performant et fructueux pour tous. D’après Langlet (2006),
« La confiance ne se définit pas sur un contrat mais une relation sans contrat ne peut pas se faire
sans la confiance ». Une telle situation procure notamment au réseau des économies
substantielles, car réductrice des couts de transaction. Elle épargne d’une dispendieuse
rationalité limitée et des mécanismes utiles à dissuader de l’opportunisme et les comportements
de passager clandestin. Au-delà de réduire ces couts réels, un climat de confiance véritable
favorise une communication réelle et une circulation rapide de l’information. En cela, elle
promeut l’innovation ouverte (Isckia, 2011).
De plus, la cohésion du réseau repose largement sur les ajustements postérieurs, souvent
bien plus que sur les contrats bilatéraux (Christopher et Towill, 2001). Il apparait en effet difficile
d’engager les partenaires à long terme et sans réserve aux prémices d’un réseau encore en phase
de conception. L’épreuve opérationnelle permet de conduire vers un consensus partagé autour
des grandes orientations stratégiques. La consolidation de l’ESL se réalise presque
spontanément, mais son évolution d’une catégorie à l’autre, au sens de Koenig (2012) ne peut se

136
faire sans initiatives engageantes. Au sein des ESL, il peut incomber au 4PL d’influencer, sinon de
décider, d’orientations stratégiques favorables au renforcement de la cohésion.
De telles prérogatives, malgré une confiance forte, ne peuvent être assumées par aucun
acteur, 4PL compris, sans une campagne de légitimation des orientations stratégiques, partagées
au sein des ESL, et des changements qu’elles impliquent. Selon Suchman (1995), cette légitimité
ne tient pas son inspiration d’une source unique. Trois formes majeures, classifiant les
mécanismes de légitimation peuvent être distinguées.
Une légitimité pragmatique en premier lieu, qui impliquerait pour les 4PL de tenir un
discours pédagogue afin de persuader leurs chargeurs de la nécessité, voire de l’inévitabilité des
changements, contrecoups d’externalités contraignantes. La logistique semble se prêter à cette
approche, avec des préoccupations rationnelles répondant avant tout à des calculs de couts et
de délais. Les logisticiens peuvent en conséquence éprouver des difficultés à justifier des hausses
de couts par une seule qualité de service rehaussée, pour laquelle les besoins ne se font sentir
que de manière ponctuelle.
La seconde approche est plus implicite et son efficacité dépend largement du contexte. Il
s’agit de la légitimité normative, appelant à s’attarder sur quelques leaders du marché qui,
reconnaissant l’intérêt d’un business model nouveau, entrainent dans leur sillage la majorité des
acteurs de leurs industrie. Cette stratégie d’institutionnalisation des pratiques se fonde sur un
isomorphisme d’inspiration mimétique (DiMaggio et Powell, 1983).
La légitimité cognitive enfin, est l’acceptation par apprentissage, souvent acquise devant
l’évidence d’une contrainte. Dans le cas du 4PL, elle correspondrait pour le prestataire à ne s’en
remettre qu’à l’ampleur des défis posés à ses partenaires par les externalités modernes. Ainsi,
face à des technologies devenues trop complexes et couteuses à maitriser, industriels et
distributeurs n’auraient d’autre choix que d’externaliser davantage de leur logistique, y compris
les niveaux stratégiques de conception et de prise décisionnelle.
Le courant néo-institutionnel propose un lien théorique fort entre les concepts de
légitimité et d’innovation, décrivant le premier comme un facteur motivant fort à l’adhésion au
second. Pour les 4PL, promoteur de modèles nouveaux, la question de trouver la source d’une
légitimité s’inscrivant dans l’une des trois formes décrites par Suchman (1995) est hautement

137
d’actualité. La complexité pratique laisse cependant imaginer que leur association ou alternance
n’est pas impossible et semble même être recommandée, chacune d’entre elles apparaissant
indiquée selon une multitude de critère, dont des facteurs de contingence ou de profil des
partenaires. Pour Laifi (2012), qui fait reposer sa démarche sur l’étude de cas de la bibliothèque
en ligne Cyberlibris, seul le travail des différentes sources de la légitimité peut assurer la stabilité
d’un BMI et sa pérennité.
Une autre grille d’analyse, proposée par Miller et Le Breton-Miller (2010), reconnaît
quatre grands enjeux du renouvellement du business model sur lesquels peuvent s’appuyer les
entreprises pour mettre en œuvre, et surtout légitimer leurs changements. Ces enjeux semblent
se référer de manière appropriée aux attentes des grands groupes de parties prenantes,
dévoilant ainsi les possibilités de légitimation des choix du changement auprès de chacun. Les
auteurs leur ont attribué des dénominations aux initiales communes, donnant lieu au modèle des
4C.
La première composante du modèle est la Continuité. Il faut voir dans ce terme un appel
à la cohérence, non à l’immobilisme, afin de toujours s’inscrire dans une démarche de
changement. Ainsi, pour inspirer confiance et respect à ses parties prenantes, une entreprise doit
s’attacher à accomplir certaines missions dont la longévité témoignerait de la pertinence de ses
choix stratégiques (Moingeon et Lehmann-Ortega, 2010). Les managers doivent ainsi démontrer
leur capacité à proposer une vision fédératrice et rassurante. Leur pouvoir de décision semble
donc en faire la première partie prenante concernée par l’enjeu de la Continuité. Face aux
contraintes du changement stratégique, il leur appartient de mener un travail important de
pédagogie afin de démontrer de logiques d’amélioration continue ou d’ajustements nécessaires.
Dans l’idéal, les phases de maturation naturelles doivent donc s’inscrire dans une logique
cohérente, au cours de laquelle l’altération des politiques ne se ferait que très graduellement.
La Communauté est la seconde composante du modèle. Elle fait référence au système de
valeurs partagées entre les équipes que le management doit savoir insuffler et préserver. Ces
éléments sont censés préserver le bien être des salariés, leur permettant d’évoluer dans une
atmosphère de travail saine. Avec le temps, ils créent un sentiment d’appartenance qui
rassemble, contribuant à renforcer la cohésion et la loyauté du groupe envers l’entreprise. Des

138
agréments qui dépendent d’abord de relations interpersonnelles fortes naturellement mieux
entretenues dans les petites entreprises familiales (Garreau et al., 2015). En effet, ces dernières
développent une identité propre autour de celle d’un dirigeant-fondateur à l’esprit paternaliste.
Il fait alors partie des repères de stabilité qui rassurent et inspirent confiance. Ses volontés de
changement du business model, ou celles de ses successeurs potentiels, doivent démontrer une
capitalisation à minima sur les compétences des ressources humaines historiques, afin de
susciter leur incontournable adhésion. L’enjeu de la Communauté revêt donc une orientation
intra-organisationnelle forte. Selon Garreau et al., (2015), elle joue un rôle essentiel dans la
réalisation du changement de business model chez les entreprises.
Le troisième enjeu du changement des business model inverse cette orientation pour
consacrer le réseau de partenaires des entreprises. Il s’agit de la Connexion qui, à la différence
de la SCO de Mentzer et al. (2001), porte toute son attention sur le soin et les ressources
consacrés à la construction et la pérennisation d’un réseau d’alliances inter-organisationnelles
(Miller et Le Breton-Miller, 2010). La démarche des managers, substantiellement de long terme,
doit être animée d’une vision, convertible en culture d’entreprise. L’enjeu de la Connexion fait
directement écho au concept des ESA et de ses différents types d’ESA proposés par Koenig
(2012). Ce dernier sous-entend clairement la possibilité pour une entreprise de choisir, ou de
bâtir, un modèle de réseau à sa convenance, excluant au passage la communauté de destin de
Moore (1996). Prenant en compte des critères à la fois techniques et normatifs, les organisations
peuvent ainsi choisir leurs partenaires avec qui accordent leurs procédures et se dotent de
moyens complémentaires. Les objectifs pour chacun étant, entre autres, d’intégrer les facteurs
contraignants de la contingence, favoriser la collaboration ou accélérer la performance et
l’innovation. L’enjeu de la Connexion représente une partie importante du business model dont
le changement peut intervenir avec la redéfinition du rôle de l’entreprise dans son réseau, voire,
une remise en cause du type même de réseau. D’un ESA plateforme, l’organisation peut ainsi
opérer un virage radical vers un ESA communauté de foisonnement par exemple.
Les entreprises sont des institutions au fonctionnement peu démocratique, notamment
lorsqu’elles ont le profil de PME familiales, encore affranchies des conseils d’administration ou
assemblées générales d’actionnaires (Miller et Le Breton-Miller, 2010). Les capacités de

139
leadership du dirigeant et de son équipe restreinte sont donc incontournables dans tout
processus d’amélioration du business model. Le quatrième enjeu questionne ainsi la qualité du
Commandement au sein des organisations qui faisait déjà partie des conditions essentielles à la
conduite du changement (Lambert et al., 1998). Mais au-delà des compétences managériales, le
Commandement évalue également la marge de manœuvre du dirigeant pour faire appliquer ses
politiques (Miller et Le Breton Miller, 2010). Une chaine de commandement trop peu réactive,
embourbée de procédures bureaucratiques aurait forcément du mal en envisager le changement
et surtout, à le mettre opérationnellement en œuvre. Aussi, les ambitions des managers peuvent
se voir freinées par les pressions émanant de parties prenantes plus ou moins dominantes.
Communément, les divergences de vues avec les actionnaires peuvent bloquer certaines
initiatives. Pour d’autres raisons, ce sont des syndicats peu coopératifs dans la conduite du
changement qui peuvent freiner sa mise en œuvre.
Le modèle des 4C semble particulièrement approprié pour comprendre les logiques à
l’origine des changements de business model. Il propose de notre point de vue, certaines qualités
qui lui donnent toute sa pertinence.
En premier lieu, la grille adopte une démarche de catégorisation des logiques de
changement fondée sur les intérêts des parties prenantes. Ces enjeux sont incontournables pour
la réussite d’une innovation managériale. Une radicalité excessive chez cette dernière, bien que
pouvant sembler nécessaire ou pertinente aux yeux des managers, aurait de fortes chances de
se heurter au rejet d’acteurs capables de freiner, voire de suspendre les réformes. L’on ne peut
s’empêcher d’évoquer ici une analogie intéressante avec le caractère inévitablement collectif
que la théorie de la traduction attribue à l’innovation, notamment managériale. Elle suggère
qu’un travail de légitimation auprès des grandes parties prenantes représente une étape centrale
pour l’étude du changement de business model. Nécessité que le modèle des 4C ne manque donc
pas de rappeler.
Ensuite, les variables du business model, au-delà de leurs qualités descriptives, sont
suffisantes pour mesurer les apports des innovations managériales. En effet, en comparant les
amendements portés à chacune de ces variables à des intervalles de temps donnés, le
changement apparait évident. La grille d’analyse de Miller et Le Breton-Miller (2010) apporte à

140
cette démarche trop limitée une dimension additionnelle, en amenant à comprendre les
mécanismes même du changement. En prolongeant le changement d’une dimension liée aux
attentes des parties, les 4C révèlent les objectifs et les motivations de ces démarches. A l’issue
d’une phase de maturation, une organisation peut par exemple tenter la diversification vers des
activités connexes (Continuité) en capitalisant sur son réseau de partenaires (Connexion). A
l’évidence, l’initiative aurait des conséquences certaines sur les autres enjeux, bien que leur
caractère stratégique se révèle moindre. Le changement appellerait ainsi à l’intégration de
compétences nouvelles (Communauté) et à un pilotage adroit des opérations par les cadres
dirigeants (Commandement).
Garreau et al. (2015) proposent un croisement entre les variables du business model et
la grille d’analyse des 4C, démontrant la complémentarité de ces concepts au profit de l’analyse
tactique. Les auteurs proposent leur contribution grâce à une analyse inter-cas, mêlant quatre
entreprises engagées dans un processus de redéfinition de leur business model. Les auteurs
finissent par disposer les quatre enjeux du modèle selon le niveau d’engagement du changement,
variable le long quatre axes. Trois de ces derniers désignent les variables du business model, avec
les Revenus et Charges fusionnées en une variable de la valeur qui, comme celle des Ressources
et Compétences, voit évoluer l’ampleur du changement du faible au fort. L’Organisation est
traduite en « Cohérence stratégique », pouvant satisfaire des exigences de changement
externes, mettant en exergue la Connexion, ou intra-organisationnelles, tournée vers la
Communauté. Le quatrième axe fait directement référence à la nature du changement, allant de
la simple tentative d’amélioration du business model au renouvellement plus téméraire de ses
principes. Garreau et al. (2015) préfèrent ainsi faire usage du modèle RCOV pour mieux résumer
les variables du business model de (Demil B. et al., 2006).

141
Figure 6 - Croisement du modèle des 4C et du business model

Source : Garreau et al. (2015)

Au-delà de la centralité méritée accordée à la légitimation du changement et à la


complémentarité tactique avec le modèle RCOV, la grille d’analyse des 4C sous-tend également
des ensembles homogènes de déclinaisons opérationnelles, lui ajoutant un intérêt pratique. En
cela, elle identifie les mécanismes opérationnels des réformes et en mesure les conséquences
pratiques.
Enfin, la position du modèle RCOV comme des 4C au sein de l’analyse tactique est
incontournable pour comprendre la progression, d’un registre vers un autre, des innovations du
SCM. Nous évoquions plus tôt cette logique, qui donne aux routines et procédures simples, une
portée suffisante pour à terme, faire infléchir les grandes décisions stratégiques. Le business
model, qui repose sur l’ensemble de ses déclinaisons opérationnelles, sert donc lui-même de
socle à la stratégie d’entreprise. Sa complémentarité avec la grille d’analyse des 4C, dont
l’attention est justement adressée aux parties prenantes, étoffe l’élaboration des tactiques. La

142
complémentarité pratique est donc parfaitement traduite par l’analyse, donnant tout sa
pertinence au modèle de Le Breton et Le Breton – Miller (2010).

143
3.2 Innovations managériales et légitimité

3.2.1 Enjeux pour les réseaux de la typologie des rôles du 4PL

Snow et al. (1992) sont les premiers à reconnaitre aux prestataires logistiques trois grands
rôles liés aux phases de conception et d’introduction des partenariats. Ils permettent aux auteurs
de répertorier ainsi un ensemble varié d’offres de services opérationnels, stratégiques, voire
relationnels.
Ces rôles sont ensuite revisités par Hiesse (2009), qui en propose une consolidation
intéressante. S’appuyant sur une revue de littérature exhaustive, l’auteure étoffe son analyse en
la contextualisant dans une mondialisation devenue hyperconcurrentielle. Dans un tel
environnement, les systèmes d’alliances horizontales profitent d’un regain d’intérêt pour leur
capacité à protéger, à influer ou grandir ensemble. La littérature les considère comme des
hybrides de transaction, synthèse entre le marché et l’intégration pure et simple (Powell, 1990).
Des partenariats dont la formalisation représente souvent le point de départ d’un réseau plus
élaboré au sein duquel le 4PL prend toute son importance.
Ce dernier peut y saisir l’opportunité de concevoir, mettre en œuvre, voire manager
l’entente entre industriels et/ou distributeurs. Les capacités de ces prestataires experts à
mutualiser pour créer des économies d’échelle, ou à mieux faire circuler l’information pour
innover font partie des déterminants des performances globales des ESL. L’ensemble des
mesures très opérationnelles qu’il met en place, inspirées de politiques stratégiques lisibles, sont
censées favoriser un état d’esprit, celui de la coopétition au sens de Nalebuff et Brandenburger
(1996). C’est pour favoriser l’émergence de ce type de relation et que les partenaires se voient
contraints de faire appel à un acteur tiers (Bengtsson et Kock, 2000), en l’occurrence, le 4PL. Il
assume alors ses trois premiers rôles ; architecte, coordinateur et facilitateur, pour concrétiser la
délicate mission de faire collaborer ceux qui d’ordinaire, peuvent entretenir des relations
concurrentielles (Jensen, 2012).
Au-delà de ces rôles complexes et particulièrement riches en innovations managériales
comme techniques, le 4PL assume naturellement les rôles plus traditionnels de la prestation

145
logistique. Il est ainsi intégrateur entre membres des chaînes (Person et Virum, 2001), médiateur
avec des PSL plus spécialisés, (Carbone, 2004) et arbitre des conflits logistiques (Paché et Des
Garets, 1997). Sur un plan qui peut également donner lieu à des services à forte valeur ajoutée,
les auteurs voient en certains 4PL de réels innovateurs (Zhang, 2006), des rassembleurs
d’importants flux physiques (Fulconis et Paché, 2005) et des consultants logistiques au service de
leurs chargeurs (Frost and Sullivan, 2004).

3.2.1.1 Le 4PL architecte

L’alliance stratégique est souvent ratifiée pour mener de concert un projet d’intégration
de moyens logistiques à grande échelle et sur le long terme. La première étape de ce type de
projet complexe implique naturellement de définir et de cartographier les flux nombreux et
processus encore mal connus de chacun. Sur le plan opérationnel, c’est une offre de service que
le 4PL peut aisément marqueter aux chargeurs, au vu de la nécessité de la tâche, mais aussi de
sa consistance (Snow et al., 1992). Il s’agit donc d’un travail de conception, impliquant en partie
de conjecturer sur les formes concrètes que peut prendre le partenariat.
Les réflexions du 4PL doivent également l’amener à fixer un cadre légal et normatif,
nécessaire aux opérations futures (Hiesse, 2009). La conception et l’affirmation de ces mesures
coercitives deviennent la configuration aux fondements du partenariat. Ces propositions
donnent naturellement lieu à des rounds de négociations au cours desquels il incombe au 4PL de
persuader du bien-fondé de ses initiatives mais aussi de rapprocher les vues des parties. Le 4PL
insuffle donc et oriente une vision commune, sachant qu’elle définira pour longtemps l’état
d’esprit du réseau. Cette troisième offre de service est donc la conséquence tacite des deux
premières et se décide à un niveau plus stratégique.

146
3.2.1.2 Le 4PL coordinateur

Quel que soit le type de contrat unissant les parties, la coordination logistique émerge
comme un rôle incontournable pour le 4PL. En cas d’alliance hybride, son niveau de complexité
en fait le débouché naturel de l’architecture (Snow et al., 1992). En effet, il doit sembler logique
pour l’alliance de voir son concepteur orchestrer, sinon participer activement à sa mise en
pratique. Le rôle de coordinateur voit donc le 4PL prendre en charge l’opérationnalisation des
accords contractuels, impliquant notamment de définir avec plus de précisions les besoins en
ressources ou de répartir les premières tâches entre les acteurs. Cela est nécessaire car toute la
minutie et l’expérience des alliés ne suffiraient pas à produire des accords suffisamment
prévoyants pour écarter toutes complications.
Aussi, le 4PL mène son travail d’exploitation opérationnelle de concert avec les équipes
de ses chargeurs, leur prêtant assistance pour intégrer l’usage des SI partagés, installer ou
améliorer leurs routines (Win, 2008). La coordination opérationnelle repose notamment sur une
transmission intensive de l’information. Pour partie, elle peut être idéalement rendue accessible
et transparente à tous et de manière permanente, à l’image des applications de tracking en ligne
par exemple.
3.2.1.3 Le 4PL facilitateur

Les fondements du partenariat éprouvés par une opérationnalisation réussie, c’est dans
un troisième temps que le 4PL peut espérer étoffer son offre de services d’annexes pratiques
pour ses chargeurs. En effet, sa coordination lui a permis de mieux connaitre leurs processus, les
lacunes qui pénalisent et les besoins qu’eux-mêmes ne connaissent potentiellement pas. Il peut
alors agrémenter ses interventions d’offres constructives car judicieusement adaptées. Le 4PL
s’éloigne ainsi de son cœur de métier traditionnel, assurant une forme de support administratif
comme le SAV, procédant à l’emballage de produits ou proposant des services relevant de la
logistique inverse (Zhang,2006). Dans un autre registre, le 4PL facilite l’alliance horizontale par la
production de rapports à l’information filtrée. Il protège ainsi la confidentialité des partenaires
tout en garantissant à chacun le suivi de leurs performances (Prévot, 2007). Cette offre se

147
matérialise par la production d’indicateurs, de recommandations et de veille de la concurrence.
Troisième moyen d’importance en faveur de la cohésion de l’entente, l’animation par le 4PL
d’espaces de rencontres interpersonnelles. A son initiative, les équipes logistiques apprennent à
se connaître dans le cadre de réunions plus ou moins formelles.
La coordination s’applique assez spontanément, même aux transactions passées dans le
cadre du marché. Elle est en effet pratiquement inévitable, condition à la réalisation d’opérations
logistiques complexes entre clients et fournisseurs distants. Dans ce même cadre, l’application
d’offres de service caractéristiques des rôles d’architecte ou de facilitateur parait plus
anecdotique.

3.2.1.4 Le 4PL intégrateur

Les PSL les plus conventionnels se positionnent déjà aux croisements, sur les chaînes,
entre fournisseurs et clients, créant immanquablement un lien entre les parties. Une fonction
chronique consistant pour le prestataire à organiser les transferts de propriété, par des flux
physiques naturellement, mais aussi en traitant une partie du travail administratif qui en dérive
(Carbone, 2004). Il gère également certains flux financiers, se posant en garant de la conformité
des règlements.
Le 4PL rempli chacune de ces missions, qu’il améliore d’une coordination étoffée,
amenant Person et Virum (2001) à la qualifier de véritable travail d’intégration des chaînes
logistiques. Il coordonne notamment dans une position de pilote de projet, ce qui n’est pas le cas
du 3PL, qui pourtant sait lui aussi coordonner. Fort de cette position, le 4PL peut collecter des
données à grande échelle sur des flux qu’il concentre pour la plupart. Il dispose ainsi d’un
discernement que ses chargeurs peuvent lui reconnaître en lui accordant l’initiative d’inclure de
nouveaux membres au réseau. Le 4PL peut ainsi dans certains cas organiser des rapprochements
entre fournisseurs et clients distants, lorsqu’il les juge pertinents.

148
3.2.1.5 Le 4PL médiateur

Le 4PL médiateur selon Carbone (2004) est un intermédiaire entre le chargeur, donneur
d’ordre, et des PSL spécialisés dans certains métiers. Il peut s’agir de transporteurs routiers, de
magasiniers ou de transitaires par exemple. L’association de leurs services, par essence
complémentaires, doit permettre au 4PL de faire face à la particularité des exigences sectorielles,
voire individuelles, de son portefeuille clients. Il peut ainsi promettre à ces derniers un
acheminement dit de porte à porte, souvent à échelle internationale. Le 4PL se charge alors de
concevoir et de gérer, voire d’exécuter de ses propres moyens les modalités de ces opérations
multimodales, inévitablement complexes. La médiation logistique est également une manière de
proposer une offre standardisée, le bundling, apprécié des politiques de réductions de couts
(Delfmann et al. 2002). L’association des moyens contribue en effet à rentabiliser la régularité
des tournées par exemple ce, à des tarifs compétitifs. Un plafonnement tarifaire peut donc être
garanti par les 4PL, sous réserve de promesse de volume bien sûr, mais aussi grâce aux alliances
entre PSL et 4PL.

3.2.1.6 Le 4PL arbitre

Les relations qu’entretiennent les chargeurs sont presqu’inévitablement jalonnées de


conflits générant des blocages logistiques couteux pour l’ensemble des parties. Ils se manifestent
tout aussi bien entre fournisseurs et clients, échangeant sur les marchés, qu’entre concurrents,
réunis par des systèmes d’alliances horizontales. Ces litiges contraignent souvent le 4PL à
assumer un rôle d’arbitre, désigné pour les attributs utiles que lui procure sa position d’interface
des organisations (Paché et Des Garets, 1997). Il peut alors user des prérogatives que peuvent lui
réserver certaines clauses contractuelles pour prononcer des avis contraignants. Le recours à
l’arbitrage d’un tiers au sein d’un contrat hybride est d’ailleurs une prescription forte du courant
néo-classique (Ghertman, 2003). Conformément à ces préconisations et même si cela peut
sembler aller de soi, le 4PL doit démontrer son expertise dans la discipline au sein de laquelle
s’inscrit le conflit. Il doit bien s’agir de divergences purement logistiques au regard desquelles le

149
prestataire doit avoir toutes compétences pour trancher. Il peut convenir de surcroit que le 4PL
soit impliqué dans le contrat d’alliance entre les chargeurs, connaissant pour avoir participé à
leur rédaction et leur mise en œuvre, les détails de l’entente et des processus partagés.
Le 4PL peut également envisager un arbitrage en amont, l’engageant à faire de la
prévention pour épargner même des conflits, inévitablement nuisibles pour les systèmes
d’alliances. Cela passe non seulement par l’énoncé de règles claires, justes et exhaustives, mais
aussi par de potentielles largesses commerciales. Face à l’imprévu, il cherche le compromis qui à
la fois minimise les contraintes mais engage aux concessions. Il établit également les
responsabilités en cas d’erreurs couteuses et évalue les réparations.

3.2.1.7 Le 4PL innovateur

Alors que les PSL classiques se contentent d’une position d’interface entre les
organisations, le 4PL prétend lui au rôle d’organisation pivot entre une partie amont et un aval
des chaînes logistiques. Selon Fabbes-Costes (2007), il exerce également cette charge entre les
chaînes même. Face à un panel de clients assorti de spécificités sectorielles, voire individuelles,
la position du 4PL le contraint à fortement adapter son offre de services. Ses efforts de
customisation développent chez ses logisticiens, ingénieurs et préparateurs un fort potentiel
créatif (Ounnar et al., 2018). Les équipes se familiarisent avec les modulations de processus et
les nouveaux services, tout en défendant leur rentabilité.
Cette capacité d’adaptation est d’autant plus remarquable que les solutions conçues et
appliquées par le 4PL se singularisent d’une redoutable complexité. Elles sont en effet pensées
pour être commercialisées « clé en main », particularité des réalisations d’un expert (Roques et
Michrafy, 2003). A ce titre, le 4PL apprend à articuler une multitude d’opérations de natures
différentes, laissant à ses chargeurs le loisir de mieux se recentrer sur leur cœur de métier (Paché
et Sauvage, 2005).
Aussi, la position centrale du 4PL lui octroie le privilège d’une visibilité unique sur les
méthodes pratiquées au sein de réseau différents. Certaines d’entre elles sont transférables car
adaptables d’un regroupement à un autre. Grâce aux échanges, le 4PL peut ainsi contribuer aux

150
transferts de bonnes pratiques, facilitant la diffusion d’innovations managériales (Zhang, 2006).
La même logique de transfert est applicable entre les industries ou les zones géographiques
distantes.
Ainsi, ce sont notamment des caractères d’adaptabilité, d’intégration opérationnelle et
de visibilité centrale qui font des 4PL des vecteurs importants pour les innovations managériales.
Ils ont d’ailleurs tout intérêt à consacrer une part importante de leurs ressources à la recherche
et au développement car l’expertise demeure un avantage concurrentiel décisif sur ce marché.
L’innovation est également une stratégie privilégiée par les 4PL pour étendre leurs relations avec
des clients de plus en plus dépendants de solutions personnalisées. Boissinot et Kacioui-Morin
(2009) la qualifient de « stratégie de l’enracinement » par l’innovation.

3.2.1.8 Le 4PL rassembleur

Les prestations d’expert du 4PL ne l’empêchent pas de consacrer une large partie de ses
ressources à l’entretien de services simples et plus classiques. Ces derniers demeurent attendus
par les industriels ou distributeurs pour qui la personnalisation ne semble pas toujours être
l’enjeu prioritaire. Ainsi, la compétitivité tarifaire est considérée naturellement plus importante
s’agissant du transport de denrées non périssables et à faible valeur par exemple. Le 4PL répond
à ces attentes par une standardisation poussée de ses prestations, répondant dans le même
temps à une autre attente de ses clients. Ces derniers peuvent en effet apprécier la fréquence
régulière des tournées, prévue longtemps à l’avance ou les tarifs arrêtés sur des périodes plus ou
moins étendues.
Pour le 4PL, la viabilité du modèle repose sur l’importance des volumes de ventes, censés
compenser une marge unitaire faible. Cette dernière subit en effet une pression forte dans des
contextes hyperconcurrentiels, que seules les économies d’échelle permettent de réduire. La
mutualisation des volumes d’un maximum de chargeurs fait du 4PL un rassembleur des volumes
qui transcende les chaînes, confirmant sa nature d’organisation pivot (Fulconis et Paché, 2005).

151
3.2.1.9 Le 4PL consultant

Face à la complexité de la logistique moderne, étoffée de technologies mal compris et de


processus toujours plus nombreux, le 4PL se présente en expert disposé à orienter sur les plans
stratégiques comme opérationnels, ses chargeurs. Au quotidien, et parfois de manière tacite, les
équipes des logisticiens conseillent, recommandent et orientent. De manière plus formelle, ils
interviennent directement chez les chargeurs réticents à l’externalisation de leur supply-chain
pour former et installer des systèmes d’information adaptés.
Le management de la Supply-Chain continue de s’enrichir de nouveaux métiers alors que
les plus anciens se modernisent profondément. Ils se rendent ainsi moins lisibles aux industriels
et distributeurs seuls, qui désormais, valorisent mieux les compétences techniques du 4PL. Le
prestataire révèle son savoir-faire non seulement pour la gestion opérationnelle, mais aussi pour
des problématiques managériales comme la conduite du changement. Ainsi, il peut mettre en
œuvre l’intégration d’un SIIO, indiquer au management les outils pertinents de suivi de la
performance et former les équipes. L’expertise accède pour ce qu’elle est au cœur du système
d’offre des 4PL qui se muent ainsi en véritables consultants (Frost and Sullivan, 2004). Ils sont
formellement sollicités pour révéler ou rectifier des pratiques par le conseil et la formation,
s’inscrivant à leur tour dans la tendance porté par une économie de la connaissance.
Le 4PL assume donc un rôle de guide vers la modernité qu’il exerce également en tant
que pilote des flux. En effet, la position lui fait assumer une responsabilité quant à la diffusion et
la clarification d’une information parfois opaque ou illisible pour ses partenaires. Au-delà de la
transparence sur les opérations, la tâche lui suggère d’apporter des éclaircissements utiles sur la
logistique moderne et de réaliser un travail d’anticipation quant à ses développements. Il
identifie les menaces et les opportunités à différents termes, contribuant largement à définir les
orientations stratégiques des réseaux.
Pour le 4PL, le conseil aux entreprises ne s’arrête donc pas au cadre formalisé de contrats
prévus à ce seul effet. Son rôle de consultant lui sert également à étoffer le principal de ses
contributions, avant tout d’ordre opérationnel. Il pratique ainsi une forme de pédagogie
commerciale, faisant usage de son expertise pour renforcer son argumentaire de vente.

152
3.2.2 Attributs des rôles du 4PL dans les business model

L’intermédiation inter-organisationnelle est inhérente aux prestations logistiques. Les


plus ordinaires d’entre elles suffisent en effet à établir les liens nécessaires entre un fournisseur
et son client (Stefansson et Russel, 2008). Elles peuvent se matérialiser en flux physiques,
désignant un acheminement de marchandises promises, impliquant potentiellement un
transport multimodal et un stockage temporaire. L’expédition revêt donc une forte diversité de
particularités et de personnalisations possibles. Elle génère un second type de liens, celui des flux
informationnels, dont l’intensification sert à exécuter et coordonner.
Pour Wanke et al. (2007), c’est justement par une coordination forte que le 4PL marque
sa différence des autres PSL. Allant bien au-delà de la seule mise en œuvre opérationnelle, il
prend des initiatives pour diversifier ses modes d’intermédiation. Il investit dans des moyens plus
nombreux et développe une expertise pour étoffer son offre de services. Les particularités
nombreuses des chargeurs peuvent lui imposer malgré tout de s’appuyer sur des partenaires
spécialisés.
Certains d’entre eux lui doivent ainsi leur présence. Il choisit les entrants potentiels, et
décide de leur niveau d’implication aux activités du réseau. En ce sens, le 4PL est un médiateur
entre les chargeurs et les PSL plus traditionnels (Fulconis et al., 2007). Avec leur soutien, le 4PL
consolide et multiplie les liens entre les membres. Ce rôle élémentaire des PSL, enrichi par le 4PL,
fait de lui un intégrateur des chaînes logistiques (Persson et Virum, 2001). Le 4PL parvient de la
sorte à imposer ses méthodes sur les chaînes. Il polarise la majeure partie des flux, se rendant
incontournable, et échangeant avec pratiquement tous les membres du réseau. Ce statut
prépondérant fait de lui une partie tierce bien placée pour régler les conflits, notamment entre
chargeurs. Il assume alors un rôle d’arbitre (Paché et Des Garets, 1997).
Au-delà des rôles que la nature même des interventions du PSL lui impute, ce dernier peut
se révéler utiles aux parties prenantes de ses réseaux à d’autres égards. Cette section regroupe
trois fonctions plus indirectes des rôles de la prestation logistique. Elles composent une valeur
ajoutée distincte, directement liée aux performances opérationnelles communes des réseaux. Au
moyen de technologies dédiées et de ressources propres, le PSL peut se rendre capable

153
d’accélérer sensiblement ces performances communes. Il rend ainsi l’influence grandissante de
son métier de moins en moins accessible à des partenaires toujours plus dépendants.
Chacune de ces parties, pour investir dans l’application de leurs découvertes, a besoin
d’être rassurée par la garantie d’un partenariat stable. De plus, une collaboration longue et
profonde donne aux équipes le temps de comprendre leurs procédures et routines réciproques
afin de perfectionner celles mises en commun.
Concilier progrès technique et maîtrise des coûts opérationnels justifie donc largement
de passer par des systèmes d’externalisations auprès de prestataires qui offrent la garantie de
tarifs arrêtés (Clarke, 1995).

3.2.2.1 Attributs du 4PL Architecte

Complexe et exigeante, l’architecture de partenariat est un prolongement optionnel de


l’engagement du 4PL qui ne peut que se réaliser que sur un terme long de collaboration avec les
chargeurs. Un tel engagement peut être considéré en soi comme une ressource essentielle utile
au 4PL pour mener à bien sa mission (Snow et al., 1992). Le terme est choisi pour souligner
l’exercice de conception des partenariats que le 4PL, à la demande de ses chargeurs, sculpte selon
sa vision. Bien que les interventions liées se réalisent à priori, elles peuvent avoir également lieu
à posteriori. L’architecture de partenariat suggère une profondeur des remaniements proposés
par le 4PL, avec des couts relatifs mécaniquement importants.
Les compétences humaines occupent une importance centrale dans la réussite de ce rôle
qui mobilise à la fois l’expertise technique des logisticiens, l’expérience dans la conduite de projet
et du changement des cadres, et l’empathie des commerciaux. La prévoyance du personnel
spécialisé en droit commercial n’est pas négligeable, utile à inspirer un code de conduite auquel
l’expérience contribue également (Hiesse, 2009). En effet, le 4PL architecte endosse la
responsabilité de prévoir les malentendus liés aux défauts de coordination. Il se doit ainsi de
prendre les prédispositions qu’il convient pour pérenniser l’alliance.

3.2.2.2 Attributs du 4PL Coordinateur

154
La coordination de niveau 4PL devient un exercice complexe puisque ses chargeurs
attendent une circulation de l’information accélérée, des prestations sans faute, voire une
anticipation des crises (Snow et al., 1992). Le prestataire se doit de proposer une contribution
significative aux investissements communs, nécessaire et à la réalisation du projet logistique. Les
enjeux des grands partenariats sont en effet suffisamment importants pour justifier une forte
mobilisation de moyens en faveur de leur mise en œuvre.
La qualité de coordination du 4PL est donc mesurée par la rigueur et la réactivité de ses
équipes, centrale pour la prospérité des ESL. Ces attributs décident largement de la notation de
l’offre de services le long de chacun des axes du triptyque QCD.
Le 4PL doit ici se montrer capable de mener un travail d’organisation et de juste
distribution des tâches et des responsabilités liées. Cette valeur ajoutée est centrale car elle a
des conséquences non négligeables sur la cohésion du réseau (Bitran et al., 2007). Ce sont
notamment les compétences de ses équipes et la reconnaissance d’une forme d’autorité qui
doivent ainsi lui permettre de contourner, ou de concilier les antagonismes, humains ou
purement opérationnels. Ces mêmes ressources doivent permettre au 4PL de trouver les
arrangements nécessaires pour faire émerger l’alliance des conflits parfois inévitables, tout en
minimisant les couts que ces situations peuvent engendrer.
L’usage d’une technologie appropriée, au premier rang desquelles les SIIO (Webster,
1992), est également indispensable. Ces ressources sont mises à la disposition de l’ensemble de
l’ESL afin de permettre une circulation de l’information transparente et disponible en temps réel.
Le 4PL partage ainsi une partie de sa visibilité transversale, ressource dont il est seul à disposer.
Le contrôle que le 4PL peut exercer sur certains grands moyens logistiques, notamment
des infrastructures stratégiques, peut lui permettre de coordonner mieux et plus simplement
grâce à une visibilité directe sur les flux et un accès privilégié à leur endroit.

155
3.2.2.3 Attributs du 4PL Facilitateur

Pour le 4PL, la prise en charge du rôle de facilitateur des alliances logistiques doit l’inciter
à diversifier son offre de services opérationnels à l’endroit de ses partenaires (Snow et al., 1992).
Afin de mieux les retenir captifs, il augmente ses investissements, multiplie ses interventions
dans des domaines différents afin de gagner en prospérité, mais aussi et surtout, afin de
pérenniser sa présence (Boissinot et Kacioui-Morin, 2009). Cette stratégie requiert en premier
lieu une vision managériale, qu’il importe de savoir concrétiser par l’acquisition de moyens
adaptés et l’embauche, ou la formation, d’un personnel compétent.
Le rôle de facilitateur peut se révéler hautement décisif pour la prospérité des ESL,
d’autant plus qu’il implique également un soutien à la communication et à l’élaboration
stratégique. Dans ce cadre, le 4PL rend compte de renseignements importants pour la définition
des grandes orientations stratégiques via l’édition de rapports d’informations par exemple
(Hiesse, 2009).

3.2.2.4 Attributs du 4PL Intégrateur

L’intégration également, est un rôle qui peut être endossé à différents niveaux. Ainsi, les
investissements des 4PL dans de grandes infrastructures stratégiques comme les terminaux
portuaires ou les réseaux ferrés contribuent à l’intégration de secteurs d’activité entiers, ou de
zones géographiques (Carbone, 2004). Cette ambition requiert naturellement de considérables
ressources physiques. Naturellement, il peut en attendre une rentabilité d’ordre monopolistique
puisqu’il se rend incontournable par le contrôle qu’il exerce sur une infrastructure. En outre, ce
type d’intégration à grande échelle requiert une connaissance profonde des marchés, nécessaire
au 4PL pour fiabiliser ses investissements.
L’intégration plus courante des prestataires logistiques se réalise à échelle plus micro-
économique et a pour objectif d’étendre ses ESL tout en renforçant la cohésion entre les
membres. Fabbe-Costes (2007) relève différents niveaux d’intégration allant de l’intra-
organisationnelle au sociétal en passant par l’inter-organisationnelle limitée, l’inter-

156
organisationnelle étendue et les multi-chaînes ou « réseau ». C’est à ce dernier niveau que
tentent d’agir les grands 4PL au moyen de grands investissements et lancement de partenariats
entre chargeurs.

3.2.2.5 Attributs du 4PL Médiateur

L’ambition de diversifier une offre de services par la médiation se réalise par un recours
important à une sous-traitance spécialisée (Fulconis et al., 2007). Il convient donc aux 4PL de
patiemment bâtir un réseau de prestataires fiables, complémentaires et disponibles pour
satisfaire au mieux aux attentes des chargeurs. La médiation doit ainsi permettre de se
confronter aux pics saisonniers, particulièrement intenses, ou de diversifier une offre de services
en s’épargnant des investissements trop lourds. Aussi, elle permet de compenser aisément
l’inexpérience et le manque de moyens dans un domaine ou un marché nouveau.

3.2.2.6 Attributs du 4PL Arbitre

Selon les préconisations néo-classiques, le 4PL doit pouvoir se présenter comme un


arbitre parfaitement indiqué à la résolution des conflits potentiels entre chargeurs (Ghertman,
2003). Il présente en effet une profonde maitrise des processus communs en raison de sa forte
implication dans les partenariats (Paché et Des Garets, 1997). Au-delà des solutions trouvées à
l’amiable, la résolution des conflits passe également par l’usage de la contrainte légale pour
débloquer une paralysie opérationnelle couteuse pour toutes les parties, prestataire inclus. Le
rôle du 4PL arbitre suppose également un travail d’anticipation des conflits potentiels avec, en
amont, la prise de dispositions appropriées pour parer aux comportements clandestins ou à
l’opportunisme par exemple.
Pour endosser ce rôle, il convient pour le 4PL de constamment démontrer ses attributs
d’honnêteté, de professionnalisme et d’impartialité, assortis, lorsque cela est possible, de
garanties tangibles.

157
3.2.2.7 Attributs du 4PL Innovateur

Le 4PL détient de manière indiscutable les compétences nécessaires à créer l’innovation


à la fois technique et managériales dans les réseaux. Il est le plus mature et compétent des
prestataires logistiques et c’est à ce titre que ses chargeurs attendent légitimement des gains de
productivité liés directement au caractère novateur de ses interventions.
Au-delà de ses capacités réelles, la position de pivot intersectoriel du 4PL est une
ressource utile au transfert de bonnes pratiques d’un secteur d’activité à un autre (Zhang, 2006).
Certaines routines et processus, lorsqu’ils se révèlent reproductibles, peuvent être adaptés et
appliqués à travers les secteurs. La présence intersectorielle du 4PL lui permet en outre
d’apprendre au contact d’acteurs divers et de leurs enjeux. Il s’enrichit de la résolution des
problématiques, apprend des erreurs et parvient ainsi améliorer son potentiel novateur. Il est
ainsi couramment admis que les échanges interdisciplinaires, que favorise la prestation
logistique de niveau 4PL, est propice à favoriser l’émergence de l’innovation.
L’innovation n’est que relative et ne fait pas uniquement référence à la découverte d’un
progrès technique ou managérial radical. Quoi qu’il en soit, elle nécessite de fortes compétences
humaines. Ce sont les équipes, à qui le management accorde le loisir d’exprimer un esprit
d’initiative important, qui propose les changements productifs. L’impulsion des cercles de
direction est donc primordiale. Comme dans tous secteurs d’activité, ces derniers doivent en
outre concéder des ressources mobilisables en faveur de la recherche et du développement.

3.2.2.8 Attributs du 4PL Rassembleur

La compétitivité des marchés sur lesquels opèrent les 4PL les contraint à accéder à un
seuil de volumes suffisant pour espérer subsister (Carbone, 2004). Pour parvenir à rassembler
suffisamment, des capacités d’investissement conséquentes sont indispensables. L’ampleur de
la mobilisation des ressources décide des volumes de ventes dont l’importance est le critère
majeur de rentabilité. Ainsi, la première ressource dont il convient de disposer est relative aux

158
actifs financiers ou physiques, qui se construisent progressivement, à mesure des
investissements.
Pour rassembler, une croissance d’abord interne est incontournable avant d’envisager le
recours à un réseau de partenaires spécialisés. En effet, il s’agit d’un moyen utile aux 4PL de
conquérir des parts de marchés en contournant la contrainte de l’investissement. Des PSL fiables
associent leurs moyens pour massifier plus encore les flux et soutiennent leurs investissements
réciproques.
Le rassemblement de volume passe donc par un travail de médiation efficace. Au-delà de
s’épargner de lourds investissements, l’usage de la médiation contribue à consolider la position
de pivot du 4PL. Cette dernière est également avantageuse pour maximiser le rassemblement
des volumes. En effet, elle permet de percevoir plus simplement les besoins des chargeurs,
susceptibles d’être associés. De plus, occupant le rôle de leader du réseau, le 4PL fait profiter à
tous des profits du rassemblement. La concurrence se réalise alors véritablement entre réseaux,
davantage qu’entre les organisations.

3.2.2.9 Attributs du 4PL Consultant

Ce rôle impose en premier lieu la mobilisation de ressources suffisantes pour former de


manière continue les équipes afin de les maintenir à la pointe de l’expertise dans leur secteur.
Au-delà des primes et majorations salariales, une politique de formation continue est également
nécessaire pour motiver. Les ressources humaines doivent en outre être étoffées par le
recrutement de talents nouveaux, utiles à enrichir les effectifs de leur diversité et à impulser la
créativité collective. Cela ne peut se faire sans un système de rémunération attractif, utile
également pour valoriser l’expérience accumulée par les équipes en place. La crédibilité du rôle
de consultant repose ainsi largement sur le développement des compétences (Hiesse, 2009).
Les technologies nouvelles sont une nouvelle fois d’un recours décisif. La maitrise par le
4PL des procédures qui leurs sont liées peuvent en effet lui permettre de tirer profit d’un savoir-
faire rare. Cette expertise des 4PL est un avantage concurrentiel important mais, lorsqu’elle est
trop restreinte, contraint à une spécialisation par métiers ou secteurs d’activités (Win, 2008). Elle

159
devient alors un risque pour une ressource essentielle, la vision transversale propre aux
prestataires logistiques (Fabbe-Costes, 2007). Elle réduit leurs interventions à quelques portions
des chaînes, leur faisant perdre des occasions d’adapter des innovations transférables. Il pourrait
pourtant s’agir d’un avantage potentiel clé dans le monde du conseil, en faveur des 4PL. Ces
derniers doivent donc tenter, malgré les contraintes de spécialisations, de préserver une
présence forte au sein de réseaux marqués par des différences de problématiques. Ainsi,
contrairement à un cabinet spécialisé, ce rôle pourrait demeurer périphérique pour les 4PL,
occupés à mobiliser leurs ressources dans des prestations plus opérationnelles. Le conseil et les
problématiques complexes qu’il pose, ne peut qu’inciter à détourner des ressources hors du
cœur de métier des prestataires. Ils peuvent risquer de mettre en jeu une crédibilité pourtant
précieuse pour les prestations historiques.
Un contrat de long terme pour le rassurer de la pérennité de ses interventions auprès de
ses chargeurs est une autre ressource utile au 4PL pour ce rôle de consultant (Win, 2008). Elle lui
permet d’investir sereinement dans la collaboration, en l’absence d’une précarité qui ne peut
que pénaliser la performance. Ensuite, cette ressource donne une chance au 4PL de s'accoutumer
aux processus et usages de ses chargeurs. Il peut alors mieux parvenir à les perfectionner avec le
temps, l’innovation managériale requérant bien souvent un minima suffisant de collaboration
entre les parties pour se manifester. Enfin, inscrire ses interventions dans un terme long doit
permettre au 4PL de démontrer les avantages de ses prestations. Potentiellement, elles ne se
manifestent que très graduellement, lorsque le projet est de grande ampleur notamment. Le 4PL
peut ensuite espérer renouveler ses contrats, améliorer sa réputation et se rapprocher du centre
managérial des réseaux

3.2.3 Les questions de légitimité liées aux rôles du 4PL

L’intégration de ces concepts avec les grands rôles que la littérature attribue au 4PL
devrait ainsi pourvoir une vision exhaustive et approfondie de ce prestataire logistique complexe.
Dans la prestation logistique comme dans n’importe quel secteur, les choix de spécialisation
influencent directement les priorités stratégiques. La valeur accordée à chacune de ces priorités

160
est donc naturellement variable d’un prestataire à l’autre. Pour obéir malgré tout à une logique
d’ordonnancement, une forme de chronologie des activités du 4PL a été retenue. Ainsi, dans la
démarche de construction d’un partenariat logistique, il est inévitable de commencer par
concevoir l’alliance par son instruction, avant de la mettre en œuvre en jouant son rôle
d’interface. Une fois établie, le prestataire peut œuvrer à son amélioration productive.

3.2.3.1 La légitimité du 4PL Architecte

Le 4PL peut trouver différents avantages dans l’architecture de partenariats. En premier


lieu, l’intérêt de marquer les alliances des caractéristiques propres à ses méthodes afin d’y
pérenniser sa présence. La position lui fait jouir de prérogatives suffisamment étendues pour
concilier le modèle de l’alliance avec ses intérêts propres. Elles lui permettent d’aller jusqu’à
préconiser l’intégration d’un partenaire supplémentaire au réseau, et, prenant part à sa
sélection, d’exercer une influence ascendante sur ces nouveaux venus (Hiesse, 2009). En tant que
concepteur et animateur du réseau, c’est donc une incontestable position de leader qu’il occupe.
Pour les risques que cela implique, il demeure important pour le 4PL de ne pas s’en remettre à la
prospérité d’un seul ESL, bien que leur management puisse s’avérer chronophage et lourd de
responsabilités.
Cette prestation, qui demeure optionnelle, permet ainsi au prestataire de trouver
différents avantages au premier rang desquels, sans doute, l’intérêt de pérenniser sa présence
au centre des alliances, en les marquant de ses idées et innovations exclusives. La position lui fait
donc jouir de prérogatives suffisamment étendues pour sculpter le modèle de l’alliance,
conformément à ses intérêts.
Les chargeurs n’en attendent pas moins, voyant le concepteur des solutions proposées
tester leur pertinence par ses contributions aux investissements requis. Au-delà d’une prise de
participation hautement appréciable, les chargeurs voient leur entente être dotée de termes
contractuels complets, utiles à pérenniser l’entente et préserver des conflits.

161
3.2.3.2 La légitimité du 4PL Coordinateur

A l’image de l’intégration des chargeurs ou du rassemblement des volumes, la


coordination opérationnelle entre membres des chaînes est inhérente à la prestation logistique.
Ce qu’il importe d’évaluer, c’est l’ampleur qu’elle peut prendre. En effet, elle varie sensiblement
selon le niveau de complexité des prestations ou l’étendue des prérogatives du PSL, facteurs
directement corrélés à son profil. Or, le caractère onéreux des prestations proposées par un 4PL
devrait justifier une offre étoffée de coordination, susceptible d’apporter une valeur ajoutée
réelle aux ESL (Win, 2008). Idéalement précédée de son travail d’architecture, cette coordination
peut ainsi permettre au 4PL la mise en œuvre délicate mais efficiente des accords contractuels.
Une logique de continuité peut donc légitimer, au moins en partie, les intrusions du 4PL
coordinateur dans les processus de ses chargeurs. Elle semble appropriée pour engager le
prestataire à l’investissement afin de démontrer à la fois la pertinence de son design et sa
disposition à en assumer les principes (Bitran et al., 2007). De plus, en engageant ses ressources,
il bâtit sa crédibilité aux yeux d’un marché où les occasions fructueuses peuvent se trouver rares.
L’enchaînement de ces rôles lui fait accéder à un statut mieux valorisé que celui de simple
prestataire, lui octroyant le surcroit de légitimité nécessaire pour prétendre même à la décision
logistique. Le 4PL architecte devient donc coordinateur augmenté pour concrétiser les accords
qu’il a contribué à établir.

3.2.3.3 La légitimité du 4PL Facilitateur

Le rôle de facilitateur des relations inter-organisationnelles semble, de prime abord,


périphérique pour le 4PL. Cependant, une stratégie réfléchie et des investissements adroits
peuvent contribuer positivement à propulser le prestataire au centre des réseaux, grâce à des
services perçus comme indispensables pour les chargeurs les plus importants (Snow et al., 1992).
Les activités de support, matérialisés par exemple par les services de copacking,
fournissent une contribution considérable pour permettre à chacun de se recentrer sur son cœur
de métier (Zhqng, 2006). Les investissements du 4PL peuvent contribuer à libérer, pour le compte

162
des chargeurs, du temps et des ressources que naturellement, ils ne laissent pas inexploitées. En
sous-traitant de leurs activités périphériques et couteuses, ils peuvent mieux s’investir dans le
développement de leur cœur de métier. L’intensification des échanges, donc la prospérité du
réseau, devient ainsi directement dépendante des politiques du 4PL. Ce phénomène contribue à
rapprocher toujours plus l’ESL vers le modèle de la plateforme. Propice à l’émergence et la
diffusion de l’innovation, l’ensemble du réseau peut ainsi tirer profit à moyen et long terme de
ces initiatives, pourtant optionnelles du prestataire.
La production de rapports spécialisés et pertinents peut jouer un rôle central dans la
définition des grandes orientations stratégiques en donnant un accès privilégié à l’information
importante (Prévot, 2007). Pour le 4PL, ces rapports peuvent également servir à subjectivement
valoriser sa contribution opérationnelle au réseau, lorsqu’il est tenté de mettre en valeur certains
indicateurs plutôt que d’autres. Concrètement, ils inspirent aux membres du réseau une vision
et leur assurent un suivi permanent de leurs réalisations communes, permettant d’accéder plus
simplement au compromis stratégique. Le 4PL rend ainsi disponible une information claire et
directe des résultats de l’alliance, voire du cours d’opérations longues. C’est une disposition
hautement stratégique pour la réussite des ESL.
Autre déclinaison majeure du rôle de facilitateur, la tenue et l’animation d’espaces de
rencontres pour non seulement servir à accorder les processus et les routines, mais également
rendre son importance au développement des relations interpersonnelles (Hiesse, 2009). Ils
favorisent l’installation durable d’une confiance réciproque entre les partenaires, utile à
compenser les inévitables failles contractuelles et écarter les risques de voir les conflits
dégénérer. D’abord considérés comme optionnels et annexes, ce type de services prend de
l’importance avec la maturation de l’ESL et ses premiers succès.
La valeur ajoutée du 4PL dans certaines de ces fonctions support peut être difficilement
quantifiable. Dans certains cas, elle résulte à terme en un accroissement clair des échanges dans
l’ESL, dans d’autres, dans une amélioration qualitative des relations qu’entretiennent les
membres.

163
3.2.3.4 La légitimité du 4PL Intégrateur

Le travail d’intégration des chaînes relève de l’essence même de la prestation logistique,


ce, plus encore que tout autre rôle (Carbone, 2004). Cependant, c’est également la pluralité des
services offerts qui varie selon le degré d’implication et de compétences du PSL. Un 4PL devrait
ainsi se montrer capable de mettre en œuvre des politiques favorables à l’adoption collective
d’outils et de procédés communs ou complémentaires (Win, 2008). Les initiatives du 4PL ont pour
objectif le développement de ses services mêmes, mais visent également à renforcer la cohésion
de l’ESL par l’intégration et l’implication de chacun de ses membres. A ce niveau, le prestataire
assume donc son rôle à un niveau également stratégique.
Sur le plan purement opérationnel, les chargeurs mesurent la qualité des prestations
d’intégration par le calcul d’indicateurs comme les taux d’erreurs à la livraison, le temps moyen
de réactivité ou la mise à disposition des ressources suffisantes. Les initiatives du 4PL lorsqu’elles
contribuent à rapprocher les acteurs distants et en intégrer de nouveaux, performants et
complémentaires, le tout à moindres couts, ne peuvent qu’être logiquement les bienvenues. Le
prestataire peut amorcer et développer ainsi les échanges à l’échelle des régions et des secteurs
d’activités. Il est d’autant plus en position de proposer des connexions utiles qu’il œuvre à échelle
transnationale et exploite une infrastructure logistique majeure.
A l’évidence, le prestataire peut espérer pour son compte un bénéfice non négligeable.
En effet, son travail d’intégration lui accorde le contrôle et la maitrise d’une information
précieuse, susceptible de consolider sa position de leader de l’ESL. De plus, lorsqu’il parvient à
généraliser l’usage des outils qu’il promeut, comme les SIIO, c’est l’essentiel de l’information qui
transite par ses canaux. Il s’agit d’une réelle prise d’ascendant sur ses partenaires puisque le 4PL
se donne la possibilité de collecter ou de filtrer les données, tout en veillant naturellement à la
préservation des données confidentielles. Concentrant de tels pouvoirs, le 4PL potentiel leader
de son ESL peut organiser les échanges de telle sorte qu’il se muerait en une interface
presqu’étanche entre les chargeurs (Fulconis et Paché, 2018). Il peut alors devenir leader plus
dominateur que leader positif, cherchant à maximiser un profit à court terme dans un ESL devenu
système d’offre stérile, au sein duquel la profusion des échanges est réduite. Rendre

164
l’information dont il dispose transparente est le meilleur moyen de prémunir le réseau de cette
tendance. Le rôle d’intégrateur lui impose ainsi certaines responsabilités, dont celle de garantir
des politiques inclusives et pérennes dans son management de cet ensemble.

3.2.3.5 La légitimité du 4PL Médiateur

La recherche d’un appui transitoire auprès de leurs pairs permet aux 4PL de faire face aux
tâches de grandes envergures, qui peuvent se manifester, selon les secteurs, en pics saisonniers
de courtes durées. La médiation auprès de PSL spécialisés doit permettre de s’épargner des
investissements lourds sans renoncer à exploiter des segments de marchés prolifiques. La
solution sert également l’efficacité des prestations, servant à concilier sur les chaînes des critères
de performances lean, par l’accumulation de moyens de standardisation, et agile, en adaptant la
quantité tout en préservant la qualité (Christopher et Towill, 2001). Le compromis se réalise alors
par une adaptabilité temporelle des moyens logistiques.
Les 4PL font donc usage de la médiation avant tout pour adapter leur offre dans le temps,
l’espace et les secteurs d’activités (Fulconis et al., 2007). En ce sens, c’est également une manière
de diversifier leur offre de services rapidement, en s’attachant un temps les services de
partenaires spécialisés. La stratégie leur permet d’étendre leur portefeuille de clients en
proposant des offres plus complètes, clé en main, et plus flexibles, afin de transcender les
spécificités des secteurs et des zones géographiques.
Bien qu’elle coute aux chaînes les commissions prélevées par les prestataires donneurs
d’ordre aux exécutants, la médiation est souvent indispensable pour répondre à la complexité
des attentes des chargeurs (Fulconis et al., 2007). En coordinateur expérimenté et dédié à la
tâche, le 4PL semble être le seul capable d’assurer une gestion efficiente de la supply-chain de
ses chargeurs. Il centralise la coordination de l’information et de ce fait, peut travailler à
l’optimisation organisationnelle et la maximisation des performances. L’ensemble du réseau
peut ainsi déduire de réels avantages opérationnels à accorder ce rôle catalyseur au 4PL. De plus,
la médiation a une conséquence pratique, celle de réduire le nombre des interlocuteurs
logistiques, simplifiant grandement la gestion du SCM.

165
Les 4PL sont pour la plupart, d’anciens PSL spécialisés qui ont sur, à mesure de
diversification de leur offre et de conquête des chaînes, à parvenir au stade ultime de la
nomenclature (Pons, 2003). Parfois, cette mue s’est simplement avérée nécessaire. En effet, leurs
marchés d’origine, qu’il s’agisse du transport maritime ou du transit par exemple, après avoir
traversé des années de forte croissance, finissent par atteindre une maturité qui minimise les
opportunités de développement. S’aventurer au-delà du cœur historique de métier de vient à ce
stade une véritable contrainte.

3.2.3.6 La légitimité du 4PL Arbitre

La présence d’un arbitre faisant autorité ne peut qu’être utile à l’ensemble des membres
du réseau. A l’évidence, pour résoudre les cas de conflits potentiels, parfois inévitables, mais
aussi pour les prévenir. La prévalence des précautions prises par le 4PL peut écarter
l’opportunisme ou tout comportement contraire à un esprit de coopération véritable. Les
partenaires peuvent se sentir, grâce à la présence d’un tel arbitre, bien moins soumis à la
tentation de tirer parti des failles contractuelles (Paché et Des Gartes, 1997). Ils se gardent
spontanément de chercher à s’accaparer des ressources au détriment du système d’alliance. La
confiance est donc à terme favorisée par la simple présence d’un arbitre expert et force de loi.
Pour le 4PL, assumer ce rôle d’arbitre n’est pas sans risque (Fulconis et al., 2007). En
prenant position en faveur de l’une ou l’autre des parties en conflit, il compromet la neutralité
afférente à son statut d’intermédiaire. Intervenir peut cependant se révéler une contrainte,
nécessaire pour préserver ses intérêts. En effet, les désaccords se traduisent souvent en blocages
opérationnels, couteux pour l’ensemble des parties, 4PL inclus. Il voit ses équipements
immobilisés le temps qu’une solution émerge, se retrouvant en position de victime collatérale
entre un fournisseur et son client, dont il est urgent de s’extraire. Faire parvenir à un accord à
l’amiable est l’issu idéale, lui permettant de renforcer son crédit et de préserver ses relations
avec tous. Le risque de voir se détériorer ses relations avec les chargeurs impliqués devient alors
plus important.

166
3.2.3.7 La légitimité du 4PL Innovateur

Le 4PL peut espérer instituer des innovations relevant, naturellement, de la logistique,


voire du business model, avec un aspect prépondérant pour les processus inter organisationnels.
Il y parvient souvent par le recyclage des bonnes idées, mais aussi par ses propres efforts à leur
adaptation. Cette dernière peut revêtir un intérêt décisif lorsque les innovations ne s’appliquent
efficacement qu’aux particularités d’un réseau. Leur valeur ajoutée n’est alors que très
difficilement reproductible, offrant un avantage concurrentiel au prestataire mais aussi à ses
chargeurs. Ainsi, la capacité des 4PL à injecter des méthodes et technologies nouvelles, sources
d’un supplément de productivité logistique, est un critère d’appréciation majeur, notamment
pour les chargeurs importants.
Le 4PL compte largement sur sa position d’organisation pivot entre les chaînes pour
développer sa capacité à innover ou transférer l’innovation (Fabbe-Costes, 2007). Cependant, les
défis modernes de la logistique peuvent contraindre certains prestataires à poursuivre un
processus déjà amorcé de spécialisation, notamment par métiers. En effet, un niveau de maitrise
plus avancé est nécessaire pour savoir intégrer les NTIC et faire face à des marchés concurrentiels
et imprévisibles (Ounnar et al., 2018). De telles spécialisations, trop avancée, peuvent priver les
4PL de l’enrichissement des précieux échanges inter-métiers. Les équipes du 4PL s’en trouvent
restreintes à la pratique de routines invariables, bridant leur créativité par l’adaptation. La
stratégie risque ainsi d’éloigner le prestataire d’une partie de ses occasions d’innover et de
transférer l’innovation. A l’échelle de l’ESL, une spécialisation trop forte du 4PL leader aurait pour
conséquence d’homogénéiser le réseau, n’intégrant que les acteurs répondants à certains
critères liés au secteur d’activité des chargeurs ou aux technologies qu’ils emploient.
Ce processus engagerait donc à renoncer à certains marchés mais dans le même temps,
il en ouvrirait d’autres, avec les opportunités différentes d’introduire des innovations techniques
et managériales utiles pour les chaînes. Le 4PL demeurerait, au moins un temps, un acteur plus
susceptible encore de créer un progrès hautement technique, de transférer et d’adapter de
bonnes pratiques.

167
3.2.3.8 La légitimité du 4PL Rassembleur

Pour les chargeurs, les prestations standardisées sont la vitrine du rôle de rassembleur
assumé par leur 4PL. Elles permettent de satisfaire des critères de performance logistique sur
chacun des trois axes de leur mesure, même si celui des couts demeure ici privilégié (Hohman,
2006). Ainsi, les fourchettes tarifaires connues facilitent les projections budgétaires sur l’axe des
couts alors que la répétition du service fait percevoir une constance des normes de qualité
(Langlet, 2006). Enfin, la régularité des tournées limite les surprises sur l’axe des délais. La
mutualisation des flux correspond donc pour les 4PL aux attentes d’une demande à laquelle il
convient de répondre. Elle concerne particulièrement les producteurs de biens à faible valeur
ajoutée unitaire, naturellement demandeurs de services logistiques peu couteux et ainsi
standardisés. Ces prestations ont également un autre mérite, celui de simplifier les comparaisons
de performance entre concurrents, quel que soit l’axe que le chargeur considère comme
prioritaire. Cependant, elle peut faire perdre à l’offre une partie de sa diversité, lorsque les 4PL
concurrents reproduisent par mimétisme une formule gagnante. Le phénomène est aggravé par
la mise en place de coalitions pour justement standardiser davantage.
L’importance des volumes rassemblés est ainsi profitable à l’ensemble des ESL car
mécaniquement, le 4PL finit par répercuter son accès aux tarifs préférentiels à ses partenaires,
dans une course commune à la compétitivité (Fulconis et al., 2007). Le rassemblement de
volumes contribue également au renouvellement des ESL par l’investissement et l’innovation. En
effet, lorsque la précarité de l’environnement bride les possibilités d’investissement, la régularité
du cash-flow qu’il accorde peut-être employée à l’entretien du réseau même.
Alors qu’il incite à standardiser, le rassemblement des volumes peut également servir aux
4PL à diversifier leur offre (Langlet, 2006). En effet, un seuil de volumes suffisant est une
condition nécessaire à la rentabilité de l’investissement mais aussi de la médiation avec des PSL
spécialisés dans des services complémentaires. La mise en commun de flux physiques en quantité
rend ainsi possible l’usage d’un transport multimodal, donc d’une offre de services étoffés et
variés. Le rôle pivot du 4PL prend alors toute son importance, lui permettant de percevoir le long
des chaînes les besoins susceptibles d’être associés. L’importance des volumes ainsi rassemblés

168
peut d’ailleurs lui accorder le droit à des tarifs préférentiels qu’il met à profit de son ESL dans sa
course à la compétitivité.
La standardisation à toutes les étapes est ainsi devenue une pierre angulaire du modèle
d’entreprise des 4PL. Elle leur sert à constituer un réservoir important de trésorerie utile à
différents usages. Ils peuvent par exemple financer des projets d’ampleur ou diversifier l’offre de
services. Le rassemblement de volumes est dans ce cas utile au renouvellement des ESL par
l’investissement et l’innovation. Lorsque la précarité de l’environnement bride ces possibilités
d’investissement, la régularité du cash-flow qu’il accorde peut-être employée à l’entretien du
réseau.
Cette stratégie exacerbée par les 4PL est désormais utile pour ériger de sérieuses
barrières à l’entrée des différents marchés. Ainsi, les acteurs aux moyens physiques limités,
incapables de suffisamment rassembler, se voient absorbés par les plus robustes, notamment en
période de crise systémique. Les PSL en croissance ont de ce fait plus de mal à gravir les échelons
qui catégorisent leur métier face à des oligopoles régnant solidement sur leurs parts de marchés.
C’est le cas par exemple du transport routier en France (Mevel et al., 2018) ou du fret maritime
mondial.
Une prise en charge énergique de ce rôle sert donc avant tout à l’approvisionnement des
fonds de roulement. Les 4PL investissent pour rassembler car il s’agit là de la raison d’être des
prestataires logistiques le long des chaînes. Ils amplifient la logique parce qu’il s’agit du moyen le
plus direct pour créer du cash-flow. Les liquidités générées par une telle offre standardisée
peuvent ensuite être mobilisés à la réalisation de différents objectifs, allants du financement
d’une croissance brute, réalisée sur un marché historique toujours porteur, à une diversification
vers des activités nouvelles. Le rassemblement des volumes semble donc être une étape
incontournable, à tous les stades de maturité, pour financer le développement par diversification
ou reproduction.
L’environnement de plus en plus concurrentiel des 4PL fait du rassemblement un outil
privilégié dans la course aux parts de marché. Mais de stratégie de conquête, ce rôle est
rapidement devenu une contrainte pour préserver ses acquis, voire survivre. Ses objectifs restent
les mêmes, massifier des flux standardisés pour maximiser les économies d’échelle.

169
3.2.3.9 La légitimité du 4PL Consultant

La prestation logistique est secteur d’activité relativement récent. Il continue de croître


et en conséquence, de faire apparaitre des métiers nouveaux, tout en renouvelant les plus
classiques. Le consultant, dédié à la compréhension de ces nouveautés et des pratiques qui vont
avec, en fait partie. Il va bien souvent de pair avec d’inévitables choix de spécialisation car même
les 4PL, les plus matures des prestataires, ne peuvent prétendre à une maitrise avancée de
l’ensemble de ces métiers. Malgré l’entreprise d’une forte diversification opérationnelle, le statut
d’expert reconnu, capable de valoriser un conseil formel aux chargeurs, ne peut qu’être restreint
par secteurs d’activités, et semble donc inévitable (Hiesse, 2009). Le 4PL n’en serait donc
véritablement un que dans le cadre de certaines divisions de son offre de services, demeurant
un PSL plus classiques dans d’autres.
Dans le même temps, le rôle de consultant s’applique également lorsque le 4PL étoffe ses
prestations de conseils informels. Sans contrepartie financière directe, il peut en espérer la
reconnaissance interpersonnelle de ses chargeurs, convaincus par la diligence de leur prestataire.
Un intérêt commercial auquel se joint l’objectif d’accélérer les performances globales de son ESL.
Il se doit alors de mener un travail pédagogique que précèdent la recherche et l’analyse. Aussi,
le 4PL vante le mérite de nouveautés pensant implanter des solutions captives auprès de ses
partenaires. L’idée rejoint la stratégie d’enracinement par l’innovation de Boissinot et Kacioui-
Maurin (2009).

170
Synthèse du chapitre 3

La typologie des rôles pourrait être subdivisée en trois grandes catégories. En premier lieu,
l’alliance stratégique, le plus souvent horizontale, qui demeure la forme de contrat
privilégiée aux rôles partis d’une contribution que l’on pourrait nommer instruction de
partenariats. Ils s’appliquent tous les trois aux prémices de ces derniers, avec la définition
des processus d’intégrations logistiques (architecte), leur mise en œuvre opérationnelle
(coordinateur), et leur consolidation par les routines (facilitateur). Ensuite, trois rôles du
4PL dont le potentiel productif peut être considérable du fait notamment de l’inhérence du
travail de ce qui peut être qualifié d’interface des organisations. Cette catégorie
regrouperait selon nous les rôles d’intégrateur, de médiateur et d’arbitre, assumés par le
4PL. Les rôles restants, identifiés par notre revue de littérature ont en commun d’appeler
les 4PL à mobiliser des ressources importantes en faveur d’une accélération de la
performance de leurs ESL. Les rôles correspondant à cette catégorie sont donc le 4PL
innovateur, rassembleur et consultant.
Chez le 4PL, chacun de ces rôles peut être ponctué d’innovations et de changements qu’il
convient de promouvoir auprès des parties prenantes diverses dans les réseaux, d’où
l’importance de la légitimité. Soumettre un tel concept au jugement de praticiens sur le
terrain fait partie des contributions centrales de notre thèse, que nous souhaitons apporter
à la littérature.
Aussi, grâce aux contributions hautement pertinentes que nous livrent cette littérature en
logistiques, la typologie des rôles apparait appropriée pour son utilité à l’endroit des
praticiens comme des chercheurs. Cependant, un aspect fondamental de l’analyse
managériale moderne parait avoir été omise, interdisant de vanter l’exhaustivité du
concept. Nous faisons référence aux problématiques ayant trait à la RSE, champ
disciplinaire en vogue dans les travaux de thèse récent. Il conviendra donc de compléter la
construction du concept d’une contribution liée à ces sujets importants

171
172
PARTIE EMPIRIQUE

173
CHAPITRE 4 : POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET
CHOIX METHODOLOGIQUES

Les développements exposés le long des chapitres précédents nous permettent


d’introduire ce chapitre 4 par une représentation de notre cadre conceptuel et théorique :

Figure 7 – Articulation des cadres conceptuels et théoriques

Source : Elaboration de l’auteur

Il s’agit de conclure la partie théorique de notre thèse, mais surtout d’introduire la partie
empirique. En effet, avant de justifier de nos choix méthodologiques et de décrire notre
positionnement épistémologique, nous pensons qu’il convient d’expliciter l’articulation de nos
cadres conceptuels et théoriques.

175
4.1. Protocole de recherche

4.1.1 Articulation des cadres conceptuel et théorique

L’ambition de l’association de nos trois grands concepts est au moins d’entrevoir, à la fois
avec exhaustivité et détails, les influences des 4PL sur les membres de leurs réseaux logistiques.
Cela a pour chacun des outils – Business model, ESL -, pu se réaliser de différentes manières.
Nous avons fait le choix du business model, en premier lieu, pour son utilité à identifier
avec acuité et exhaustivité les propositions nouvelles du 4PL à l’endroit de ses parties prenantes.
En effet, c’est bien le business model qui permet de déduire les conséquences majeures des rôles
nouveaux du 4PL sur les parties prenantes des prestataires. En cela, cet outil du management
stratégique, démontre une contribution intéressante en permettant une extension de l’analyse
au-delà de la sphère purement logistique. Le modèle RCOV fait notamment intervenir des
variables de charges et de revenus, propres à la finance d’entreprise. Nous pensons donc
qu’introduire notre démarche analytique avec le business model permet d’emblée d’aborder une
variété de sujets qui enrichissent l’analyse.
Une quête d’originalité dans notre approche méthodologique fait également partie des
arguments qui ont favorisé l’usage du business model. La construction en effet, d’un modèle
standard pour l’industrie de la prestation logistique semble une démarche encore inédite dans la
littérature, ce, même si certains travaux s’en approchent comme ceux de Carbone (2004), Hiesse
(2009) ou Calvi et Erhel (2018). A cela s’ajoute l’idée de généraliser une modélisation de cet outil
à l’ensemble du secteur plutôt que de se borner à une étude de cas.
Pour décrire les 4PL et leur position dans les réseaux, notre choix s’est aussi porté sur le
business model pour la notoriété de l’outil, qui ne constitue en rien une contradiction avec le
caractère inédit de notre démarche. Praticiens comme chercheurs savent apprécier les attributs
et qualités du business model, leur permettant, dans le contexte de notre thèse, de mieux
comprendre les motivations aux fondements des échanges et des relations qu’entretiennent les
4PL et leurs parties prenantes.

177
Nous avons fait le choix du business model également pour sa finalité réelle, celle d’une
justification entrepreneuriale des choix stratégiques. La qualité descriptive de l’outil, lorsqu’il est
réalisé avec minutie, est profonde, allant jusqu’au fondements des motivations des
entrepreneurs.
Il s’agit également d’un outil approprié pour la catégorisation des données selon une
logique constructive, préservant la clarté de la réflexion et des résultats déduits. La
représentation typique du business model est celle d’un tableau, constitué des variables qui le
composent, dans notre cas, celles de Demil et al. (2006).
D’un point de vue analytique, nous estimons que l’association faite entre business model
et ESL nous permet de caractériser les prestataires à échelle organisationnelle, avant un
élargissement de la démarche à celle du réseau. En cela, le dynamisme du business non
seulement anime le caractère descriptif des ESL mais il le complète de justifications intra-
organisationnelles. Les deux outils caractérisent des flux, l’un, entame une analyse autour d’une
entité, l’autre, l’amplifie par la modélisation de son réseau. Il s’agit pour le business model de
permettre l’appréhension d’un processus qu’il faut justifier au moyen des arguments les plus
rationnels et concrets possibles. Le concept se veut donc la représentation d’un mouvement, une
mécanique dont il doit prouver la fluidité et la vigueur.
Pour l’aboutissement de notre cadre conceptuel, nous estimons que le business model
constitue un approfondissement de la compréhension des rôles car une équivalence relative peut
être réalisée entre la typologie des rôles et la variable de l’offre du business model, au sens de
Demil et al. (2006). La construction de la typologie des rôles modernes du 4PL favorise donc celle
d’un business model répondant à la matrice RCOV, et vice versa. L’identification des composantes
de l’offre permet une déduction simple et exhaustive du reste des variables du modèle. Aussi, le
business model fait progresser l’analyse, évitant de la limiter à une typologie descriptive, certes
moderne et exhaustive, mais souffrant également d’un statisme restrictif.
Second outil d’importance pour notre analyse, les ESL, à l’endroit desquels notre choix
s’est porté afin d’éclairer la nature des rapports régissant les relations entre parties prenantes,
ainsi que le processus d’émergence de l’innovation. Les écosystèmes ont en effet le mérite de
donner une orientation marquée à la réflexion grâce à une identification plus précise de

178
l’environnement du sujet étudié, en l’occurrence les 4PL. Ils permettent de décrire les attentes
des parties prenantes et situer le prestataire à leur égard. Parfaitement accordé à la théorie des
parties prenantes, l’ESL aide à hiérarchiser les priorités stratégiques des entreprises, question
éminemment liée à celle du partage des ressources. Une représentation graphique présente
également un mérite naturel à clarifier les résultats qui émergent d’une longue analyse.
La typologie des rôles contribuant en un mode de représentation simple et direct des
rôles du 4PL, nous tentons ainsi d’inventorier les valeurs ajoutées conventionnelles, nouvelles et
mal comprises de la prestation logistique. Il s’agit notamment des bénéfices parfois indirects et
peu évidents, qu’il convient de rechercher pour découvrir. Le rôle d’innovateur notamment,
recouvre des pratiques propres aux 4PL que peu d’acteur comprennent et mesurent à leur juste
valeur. Notre contribution réside également en la simple démarche de nommer ces valeurs
ajoutées, même si elles sont connues. Ce sont bien les productions de la littérature qui ont donné
un nom aux rôles de rassembleur ou d’intégrateur, aidant à mieux les comprendre. Nous avons
tenté de classer les rôles selon la nature de la valeur ajoutée décrite. L’exercice de construction
de la typologie, au-delà de révéler des contributions importantes, a en outre permis de pourvoir
le reste des concepts de valeurs utiles.
A l’égard des principes de légitimation, plus particulièrement du modèle des 4C, la
complémentarité du lien avec le business model nous semble encore plus évidente. D’une part
l’influence des variables sur les parties prenantes des 4PL, d’autre en raison de la finalité de
justification de l’outil, évoquée précédemment. En effet, le changement de business model est
synonyme d’une redistribution de la valeur, voire d’une redéfinition de sa nature. Pour la
recherche, la question de la légitimation doit naturellement s’en déduire car tout changement
dans cette distribution de valeur implique pour les entreprises de produire une justification
crédible et acceptable. Nous avons fait le choix de retenir le modèle des 4C, pensé par Miller et
Le Breton Miller (2010), pour entrevoir les motivations sous-jacentes aux changements de
business model. A l’origine des principes de légitimation, le concept semble parfaitement
adaptable à l’objet de recherche de cette étude. En soi, le business model légitime déjà une partie
des choix qu’il traduit car il sous-tend, de manière intrinsèque, des logiques de maximisation de
la valeur. A l’égard des parties prenantes qui s’y intéressent, souvent actionnaires et dirigeants,

179
il contribue donc déjà à justifier certaines des disparités dans le partage des ressources,
apportant des pistes de réflexion quant à la légitimation de ses attributs. Le modèle des 4C
permet de porter l’analyse au-delà des justifications pratiques, rendant compte des attentes du
reste des parties prenantes et contribuant à analyser des leviers implicites au changement. Ce
modèle catégorise à son tour les changements de business model selon leurs natures mais
aussi les motivations sous-jacentes des entrepreneurs. La démarche permet de comprendre bien
mieux le changement dans les entreprises, ce, à l’aune des cadres théoriques adaptés, la théorie
des parties prenantes et l’isomorphisme institutionnel.
Nous trouvons en ce modèle des 4C l’avantage de privilégier le point de vue des parties
prenantes pour comprendre la démarche du changement dans les organisations. Celui-ci tient
ses origines en partie des injonctions, formelles ou non, émises par l’entourage et les
composantes des entreprises. Le concept permet de comprendre les orientations stratégiques,
ou d’indiquer celles à privilégier, selon la spécialisation choisie par les 4PL.
Nous estimons qu’ainsi, une logique évolutive se dessine de notre cadre conceptuel, se
traduisant par une élaboration utile de chacun des concepts à celle de ceux qui les succèdent. Le
business model traduit les mécanismes opérationnels mis en œuvre par les 4PL avant de
reconnaitre les grandes priorités stratégiques des prestataires grâce aux ESL. L’association de ces
deux concepts doit permettre de révéler les sources d’influences majeures pour la maturation
du business model à l’échelle de l’industrie, permettant d’entrevoir les mécanismes de
légitimation. Ils annoncent ainsi l’intérêt du troisième concept d’importance, le modèle des 4C,
indispensable à parfaire cette dernière étape de l’analyse.
Nous tentons de justifier à présent le cadre théorique choisi pour animer les composantes
de notre cadre conceptuel avec en premier lieu, la théorie des parties prenantes. Sa portée
descriptive nous permet avant tout d’identifier les attentes et priorités stratégiques des
membres dans les ESL. La théorie nous semble particulièrement appropriée lors de cette phase
de l’analyse consistant à contextualiser l’objet de recherche en exposant la composition de
l’environnement des 4PL. Nous faisons ainsi usage de la TPP pour sa finalité originale qui est bien
de rendre compte de l’importance des parties prenantes pour les entreprises et de l’influence
qu’elles peuvent exercer sur la définition des orientations stratégiques et la structure des

180
réseaux. En cela, la TPP contribue directement, dans le cadre de notre analyse, à mesurer le
niveau d’importance des rôles du 4PL qui, à l’évidence, dépend avant tout de la partie prenante
à qui chacun d’entre eux est adressé.
Notre second argument justifiant l’usage de la TPP renvoie à sa convenance pour
comprendre les fondements aux business model des 4PL, et par voie de conséquence, aux
initiatives de changements ainsi qu’à leurs motivations sous-jacentes. Sa contribution principale
à ce stade et dans le cadre de notre démarche est donc explicative. Elle permet d’entrevoir la
finalité des choix opérés par les 4PL dans la construction de leur business model, sachant que cet
exercice ne peut être réalisé sans une prise en compte minutieuse des attentes des parties
prenantes qui entourent le prestataire.
L’usage de la TPP pourvoit aussi une contribution normative à l’analyse, notamment
autour du troisième grand cadre conceptuel, le processus de légitimation relaté par le modèle
des 4C. A ce stade, la théorie contribue à découvrir les réponses envisageables pour des 4PL
confrontés aux attentes de leurs partenaires et aux défis de contextes fortement évolutifs. La
TPP contribue donc à évaluer les mécanismes de légitimation du changement selon le partenaire
et la convenance, établissant un lien évident avec les composantes des 4C qui pour rappel,
considère avant tout les attentes de grandes parties prenantes pour expliquer le changement.
La TPP se révèle ainsi incontournable à différentes étapes de la réflexion, tant pour
dépeindre les attentes des agents (descriptive), comprendre les choix opérés par les 4PL
(explicative) que pour comprendre les réactions tactiques et mécanisme des légitimations des
parties prenantes (normative). C’est donc par le biais de la TPP que s’articulent typologie des
rôles, ESL et questions de légitimation.
Nous avons fait le choix de mobiliser une seconde théorie majeure, celle de
l’isomorphisme institutionnel, tenante du néo-institutionnalisme sociologique, qui partage avec
la TPP le principe du déterminisme social. Pour cette raison, l’association de ces deux théories
nous semble pertinente mais aussi complémentaire. Rappelons qu’en sciences de gestion, le
déterminisme social soutient notamment l’existence d’un pouvoir coercitif exercé par
l’entourage des entreprises, notamment la collectivité. Les différentes formes de pression
contraignent les dirigeants à conformer leurs business model aux normes d’une vision partagée.

181
Ainsi, il est attendu des organisations la production de valeurs selon un mode organisationnel
considéré comme acceptable d’un point de vue éthique. Le monde des affaires est ainsi en partie
régit par un système de valeur hérité de normes structurelles, dont font partie la culture et
l’Histoire. La conjoncture, économique et politique, ou le jugement personnel, auxquels obéit la
rationalité des dirigeants, ne sont donc pas les seuls critères dont dépend la prise de décisions.
Le courant néo-institutionnaliste dénigre cette croyance par le terme de mythe rationnel.
Au-delà de la convenance entre TPP et isomorphisme institutionnel, cette seconde
théorie parait appropriée pour une application à l’endroit du 4PL, en raison du développement
continu que connait l’acteur. Pour cette raison en effet, le prestataire cherche encore à imposer
des modèles nouveaux auprès de chargeurs toujours dominants sur les chaînes logistiques. La
théorie convient avant tout à l’exercice d’imagination de ces modèles d’avenir, ainsi qu’au travail
de légitimation qui s’ensuit. Elle permet de comprendre par quels mécanismes une logique parmi
d’autres, forte de sa réussite, se popularise au sein d’une industrie, au détriment des autres.
L’isomorphisme institutionnel est dans le cadre de notre thèse, mise en œuvre pour comprendre
la manière dont est façonnée le BMI des 4PL. La théorie contribue également à entrevoir les
enjeux de légitimation liée à cette démarche.
Il convient de concéder la mobilisation, moins importante, d’un troisième cadre
théorique, celui de la théorie de la traduction d’Akrich Et al. (1986) utile notamment à
comprendre le changement induit par l’innovation managériale. L’importance que ce courant de
pensée accorde à l’enrôlement d’alliés autour de l’innovation, et le caractère pratique de ses
propositions, donnent aux principes qu’elle porte un intérêt singulier. La théorie de la traduction
a le mérite de rappeler l’importance du processus collectif dans le succès d’une innovation,
abordant de fait la question de la légitimation de ce changement.
Un antagonisme connu existe entre isomorphisme institutionnel et théorie de la
traduction qui elle, exclue le déterminisme social. Elle intègre de ce fait une diversité analytique,
permettant de discuter de manière constructive de la réussite de l’innovation managériale, un
processus éminemment collectif. Dans le même temps, les normes et valeurs partagées à échelle
sociologique demeurent un élément à prendre inévitablement en compte pour susciter ou non
l’adhésion au changement.

182
4.1.2 Fondements épistémologique et critères de validité

Pour Berry (2000), une thèse doit être directement abordée à partir de problématiques
soulevées par le terrain, sans correction majeure de la littérature. Cela a le mérite de simplifier
certaines étapes ultérieures du travail de recherche, notamment la collecte de données
empiriques primaires, mais aussi le travail d’investigation qui s’ensuit. Elle permet de minimiser
la surprise des résultats pour les praticiens qui accueillent les chercheurs et répondent à leurs
interrogations. La démarche présente donc de grandes chances de s’avérer utile pour la pratique
mais aussi de se révéler inédite pour la recherche.
Nous pensons cependant, comme Thietart (2000), qu’il convient dès les prémices de la
démarche de recherche, de découvrir l’objet selon des contributions scientifiques déjà publiées.
Notre méthodologie de recherche doit donc pouvoir se conformer à ce mode de création de la
connaissance. C’est donc pour cette raison, liée à la garantie de validité scientifique que nous
avons mené une consultation longue de la littérature ce, dans un second temps, lors d’une
période de détachement complet du monde entrepreneurial. Cet exercice constitue notre source
majeure de données et c’est grâce à la littérature avant tout, que notre objet de recherche a pu
être précisé, ainsi que la question liée.
Au-delà de l’importance d’une mise à contribution forte de la littérature, Thietart (2000)
soutient également l’avantage d’une implication sur le terrain, antérieure à la démarche de
recherche dans les grandes problématiques abordées est positive pour la qualité de la
contribution générale. Pour un chercheur, les préconceptions quant à la nature du terrain valent
mieux pour aborder et développer un objet de recherche qu’une absence totale de vision, à
condition de se montrer disposé à remettre en question les idées reçues, voire les acquis. Ce
postulat souligne également l’importance de la diversité suffisante des données pour remettre
en cause lorsque nécessaire les préconceptions. Ces dernières sont souvent utiles à enrichir
l’analyse, mais elles peuvent se rendre potentiellement coupables de sa dérive. Nous estimons
avoir profité d’un statut de praticien réflexif, à différents moments de notre démarche, avec en
premier lieu, la recherche d’un objet pertinent. En effet, nos étonnements et interrogations face
à la pratique de la prestation logistique sont à l’origine de notre objet de recherche. Elles ont fait

183
émerger certaines de nos problématiques, ont permis de pourvoir nos affirmations d’illustrations
concrètes et ont orienté nos choix de lectures.
Nous avons ensuite fait le choix d’abandonner le terrain afin de dissocier cette phase de
notre revue de littérature et des débuts de rédaction de notre manuscrit. Nous agissons ainsi
encore une fois en conformité avec les recommandations de Thietart (2000) pour qui il convient
de mieux se consacrer à l’objet de recherche. Cela contribue, en outre, à sa meilleure mise en
évidence tout en limitant un biais cognitif désavantageux pour la neutralité de l’analyse. Une
présence trop longue au milieu des praticiens peut influencer les réflexions d’un observant qui
éprouverait de grandes difficultés à ne pas être perçu comme tel, y compris par sa propre
personne. La nécessité de décrire avec concision ce biais, vécu également par ses interlocuteurs,
devient alors hautement complexe.
Notre motivation relève également de cette expérience pratique à échelle internationale,
car elle a contribué, à mesure qu’elle développait notre savoir-faire, à créer un intérêt fort pour
des questions d’ordre plus théorique, ayant trait à la conjecture et l’avenir de la prestation
logistique. Aussi, partant du terrain, des problématiques ont été observées et des étonnements
nous ont frappé. Animé d’une volonté de se rendre utile à ce secteur et à ses praticiens, tout en
portant un intérêt fort la chose théorique, nous avons entrepris la rédaction de cette thèse avec
un objet de recherche censé porter l’ambition de proposer une contribution originale pour le
champ disciplinaire de la logistique, un secteur à haute importance stratégique.
Au-delà d’une quelconque légitimité que nous espérons voir notre statut de praticien
réflexif nous octroyer, il est important à ce stade de l’analyse, de le qualifier avec plus de
précisions. Ses particularités sont en effet à l’origine de données ou de certains choix d’ordre
analytique, portant une importance forte pour la justification de nos choix méthodologiques. Il
s’agit donc de préciser succinctement et avec objectivité de quelle manière ce statuts a pu
orienter nos déductions et définir nos attentes, afin de clairement le situer pour ce qu’il est,
partie inhérente de ce projet de recherche.
Notre présence sur le terrain, antérieure à notre démarche de recherche, a été longue
chez les 4PL, et a clairement marqué le début de notre réflexion entourant les enjeux liés au
prestataire. Elle a résulté en étonnements face à certains phénomènes et en interrogations

184
devant les grandes décisions stratégiques du management. C’est une curiosité générale quant à
l’avenir de l’industrie et les conjectures qu’en font les acteurs économiques, notamment des 4PL,
à la pointe du changement dans un environnement instable.
Ce statut de praticien réflexif nous expose particulièrement au jugement de valeur et à
l’influence de notre vécu. Même si notre objet de recherche ne se prête que peu au débat
d’opinions, la question du biais cognitif demeure inévitable et doit donc être posée. Parvenir à
en rendre compte avec clarté et concision ne peut que valoriser au mieux la qualité de notre
démarche scientifique. Tenter de décrire le filtre l’idéologique auquel est inévitablement soumis
notre raisonnement doit aboutir, non pas à le neutraliser, mais à créditer notre analyse d’une
validité renforcée. Cet exercice s’applique aussi bien à la collecte de données qu’à leur
interprétation même.
Le biais cognitif s’applique à échelle individuelle, et donne une vision filtrée de la réalité,
notamment par l’idéologie et l’expérience propre des relations humaines. Cela peut aller jusqu’à
une distorsion de la perception des faits. Considérant son caractère inévitable, nous estimons
qu’un chercheur ne devrait pas s’interdire l’initiative de la recherche en raison du biais cognitif.
Nous pensons donc que la qualité de la recherche ne repose pas sur la neutralisation du biais,
mais sur sa description, par souci d’honnêteté intellectuelle et de validité scientifique. En
procédant de la sorte, nous pensons que le biais peut être converti en un avantage véritablement
productif pour l’analyse. Pour le lecteur, un biais prononcé mais décrit avec dextérité et de bonne
foi peut davantage être perçu comme l’héritage d’une expérience enrichissante, bien moins
comme une distorsion mal dissimulée de la réalité. A cette dernière, dévoilée, le lecteur ne prête
plus que peu d’attention, s’attachant à mesurer avant tout la validité des contributions. Le
chercheur ne peut ainsi que gagner en crédibilité, affichant son biais comme le témoin d’une
connaissance maitrisée des problématiques pratiques qui gravitent autour de l’objet de
recherche. Il met son expérience à profit pour lier de manière originale les concepts théoriques
qu’il relève et les enjeux pratiques qu’il maitrise, dynamisant ainsi des contributions qui ont plus
de chances de se révéler originales. C’est bien la logique que nous avons tenté d’appliquer dans
le cadre de la rédaction de cette thèse.

185
Ainsi, nous estimons que notre expérimentation de la connaissance s’est révélée de
nature à renforcer le sens managérial donné à notre démarche de recherche en contribuant à
lever des problématiques pertinentes et d’actualité. Elle se révèle également d’une aide
précieuse pour choisir des concepts appropriés ainsi que pour leur application dans l’analyse,
face aux réalités contemporaines. Aussi, notre immersion longue dans le quotidien des
praticiens, impliquant des interactions nombreuses et une exposition à des situations variées, a
contribué à étoffer de nos commentaires les apports théoriques et normatifs de la littérature.
Au-delà de l’exercice descriptif d’une réalité nouvelle, nous avons tenté d’adopter une
démarche exploratoire avec l’usage de concepts appropriés pour conjecturer de l’avenir et
formuler des préconisations appropriées aux praticiens. En cela, nous estimons que notre étude
porte l’ambition de faire émerger des concepts normatifs nouveaux. Pour découvrir les concepts
utiles, crédibiliser notre démarche et mesurer l’influence de notre biais cognitif, nous avons
estimé indispensable une confrontation de notre perception de la réalité, d’abord avec la théorie
rendue par la littérature, ensuite, par des entretiens tenus auprès de praticiens. Il s’agit d’une
tentative de réaliser une triangulation classique de nos données, telle que reconnue et validée
par la communauté scientifique. Cette méthode nous semble en outre appropriée pour révéler
des contributions véritablement inédites.
Nous avons donc choisi les questions composant un guide d’entretien selon des critères
de pertinence en lien avec les concepts relevés par notre revue de littérature, préservant ainsi
une cohérence importante. Nous avons poursuivi le recueil de données de type qualitatives, que
la portée exploratoire de notre recherche nous semble justifier. En effet, nous avons cherché à
identifier auprès des praticiens des méthodes de travail nouvelles, pour certaines encore à venir,
confirmant ou non, les attentes de notre analyse. Les interrogations quant à la vision des acteurs
sur leur métier et son avenir ne peuvent se réaliser autrement qu’au moyen de questionnements
ouverts, leur laissant le loisir d’exprimer toutes opinions et prévisions possibles sur le sujet. Des
questions semi-ouvertes nous ont parues indispensables pour donner le loisir de décrire une
réalité complexe. De plus, nombre de phénomènes demeurent difficilement mesurables en
raison d’une absence de critères fiables ou simplement d’un avènement qui se fait encore
attendre. C’est le cas par exemple du progrès technique qui se renouvellent constamment, donc

186
l’impact sur la prestation logistique peut être décrit avec convenance. Concrètement, nous avons
donc choisi l’option de tenir des entretiens semi-directifs, dont la finalité est en partie de produire
des données additionnelles, susceptibles de pourvoir les concepts relevés de la littérature. Une
mise en perspective efficace entre nos données aux sources différentes justifie en outre le
recours à l’abduction. Ainsi, les réponses apportées par les praticiens à nos entretiens semi-
directifs constituent le matériau principal de notre étude terrain
La sélection de notre échantillon répond à des critères de représentativité de profils à la
fois par métiers et secteurs d’activité. Une dizaine d’entretiens incluent aussi bien les
opérationnels en charge des activités portuaires et logistiques, les services commerciaux &
marketings, la finance d’entreprise et comptabilité, la documentation et le service client, chez un
4PL aux dimensions mondiales. Les tâches afférentes à ces services attestent d’une profonde
implication des praticiens dans la conduite opérationnelle, révélant un contact permanent avec
les clients ou fournisseurs notamment. Il s’agit d’une expérience qui octroie à ces opérateurs une
connaissance considérable des attentes du marché qu’ils ont pu voir évoluer le temps de longues
carrières. Alors que les parties prenantes principales des ESL ne sont pas ignorées, une place
prépondérante est intentionnellement donnée aux praticiens chez les 4PL mêmes car ces
derniers apparaissent, dans une importante variété de cas, comme les initiateurs ou au moins,
les promoteurs du changement logistique. De plus, une importante diversité de points de vue
existe au sein de ces entreprises quant à la définition des orientations stratégiques appropriées
pour le secteur et leur entreprise. Cette dernière est le logisticien Français CMA CGM, auprès
duquel huit de nos dix entretiens sont tenus.
Nous avons fait le choix de cet acteur majeur de l’industrie d’abord, il faut le concéder,
car notre expérience professionnelle y a été bâtie, nous octroyant un accès simplifié au à ce
terrain. Nous concédons que cela fait souffrir nos données d’un manque apparent de diversité
mais arguons que de longs mois séparent notre départ du terrain de notre retour pour les
entretiens, au cours desquels le contexte a fortement évolué.
Aussi, c’est parce que traditionnellement armateur, le groupe CMA CGM traverse une
période charnière de son Histoire depuis quelques années, notamment l’acquisition faite de
CEVA logistics. Cette démarche majeure pour le groupe a eu lieu en 2018 et représente un

187
progrès important après quelques années consacrées à une diversification timide des activités.
Elle se poursuit en 2022 avec l’acquisition de GEFCO, en difficulté sur les marchés internationaux
du fait de son actionnaire principal jusqu’à lors, la compagnie nationale des chemins de fers
Russes, frappées de sanctions conséquentes à sa contribution à l’intervention en Ukraine. Ces
rachats doivent permettre à l’armateur français de diversifier ses activités, sortant
progressivement d’un enfermement au transport conteneurisé, cœur de métier historique
pendant plus de 40 ans, de moins en moins rentable et peu susceptible de constituer un réservoir
de croissance pour les années à venir. La concurrence est effet exacerbée, venant notamment de
Chine, alors que les habitudes des consommateurs changent peu à peu. Il en va de même pour
tous les concurrents du Français, qui désormais doivent endurer une surcapacité chronique de
leur offre. Passer du statut de 3PL à celui de 4PL était donc devenu une question de survie pour
CMA CGM, afin de relancer une croissance fragile depuis la crise majeure de 2009. L’entreprise
familiale dont le siège se partage entre Beyrouth et Marseille possède donc les moyens financiers
de ses ambitions. Malgré cela, le virage à prendre est risqué car radical. L’acquisition de CEVA
continue de peser sur les comptes de l’organisation alors que la crise du grand confinement s’est
révélée d’une ampleur inédite.
Autre argument justifiant notre échantillon chez CMA CGM, les dimensions mondiales du
groupe, qui contraignent ses dirigeants à défendre et entretenir une image de marque saine. Ce
sujet peu traité à l’endroit des prestataires logistiques semble donc intéressant à aborder dans
le cadre de notre travail de recherche. Le service des relations publiques de l’entreprise
s’organise ainsi pour communiquer autour des prises de position écologiques. Ce fut le cas pour
l’adoption pionnière du gaz naturel liquéfié avant même qu’il ne soit déclaré obligatoire,
conformément aux engagements nationaux lors de la COP21. CMA CGM s’est aussi publiquement
engagé à ne pas emprunter les routes arctiques, de moins en moins scellées par les glaces,
avec l’objectif affiché de mieux préserver la biodiversité. Sur le plan social, l’entreprise se vante
de parrainer des organismes d’aide à l’enfance via une fondation de soutien dédiée à cette cause.
Les 4PL, entreprises dont les médias parlent peu, tentent également, au même titre que les
marques les plus connues du grand public, d’associer leur image à des valeurs humaines
appréciées de la collectivité.

188
Aussi, CMA CGM tente de se maintenir à la pointe de l’innovation, comprenant qu’il s’agit
là d’un levier décisif dans la course à la compétitivité. L’innovation est un élément clé du
changement logistique et de sa légitimation à l’endroit des parties prenantes, crédibilisant
également notre choix d’échantillon. CMA CGM octroie ainsi des financements aux startups et
leurs incubateurs et contracte avec universités et écoles, des partenariats pour attirer les talents
et se donner un accès privilégié à la connaissance. Au-delà des sphères opérationnelles et
financières, ces initiatives doivent permettre au groupe de mieux s’intégrer à son tissu
économique et social. Il s’agit pour les dirigeants du groupe de profiter du partage de la
connaissance en sortant leur entreprise des limites physiques de ses activités traditionnelles, les
zones portuaires et plateformes logistiques.
Les dirigeants du groupe CMA CGM sont donc déterminés à assumer le statut nouveau
de leur entreprise par une couverture plus large de ses activités. Cette phase particulière, celle
de la légitimation, rend donc ce terrain particulièrement intéressant pour l’objet de notre
recherche. L’étude de ce cas d’entreprise se traduit par une revue de sa politique stratégique sur
le long terme, grâce à notre implication ancienne, que nous ponctuons des entretiens menés
auprès d’une partie de ses équipes. Il est ainsi instructif de comparer les annonces et choix
stratégiques opérés par les équipes dirigeantes, avec la conduite effective du changement, que
nous connaissons, transparaissant chez les opérationnels et le middle management.
Nous avons ainsi tenté de donner à notre terrain présente une richesse et une diversité à
la fois géographique et inter-métiers. Nombre de nos intervenants salariés du groupe CMA CGM,
une multinationale Française, exercent leurs activités dans l’agence Libanaise du groupe. L’un
d’entre eux l’étoffe également d’une longue expérience dans l’expatriation, après de
nombreuses années passées, au Gabon, en Afrique francophone. Il a à ce titre occupé différentes
fonctions, avant tout commerciales, de la relation directe et permanente avec les clients, à
l’analyse de la performance des ventes. Ce manager chevronné a également participé
directement à l’implémentation de nouveaux processus liés aux acquisitions nouvelles du groupe
qui privilégie depuis longtemps une croissance externe. Cette expérience concrète impose entre
autres une contribution à la maitrise d’ouvrage pour l’intégration des systèmes d’information
adaptés et propres à la logistique.

189
De manière générale, les années d’expérience de nos praticiens en font des témoins
privilégiés de l’évolution de la prestation logistique depuis une trentaine d’années, comme de
celle de leur organisation. CMA CGM a su se mouvoir, d’un leader mondial de la catégorie 3PL
durant les années 200, au statut de véritable 4PL. Cette évolution ne se réalise qu’au gré d’une
véritable recherche d’identité et des grandes orientations stratégiques.
Il semble naturel que pour une démarche de recherche portant sur les possibilités de
légitimation chez le 4PL, les parties prenantes des ESL, au moins principales, soient consultées.
Nous avons donc conduit l’un de nos entretiens auprès d’un client important des 4PL, un manager
du service logistique d’un industriel de l’agroalimentaire, Pepsi Co. L’entreprise établie en région
Parisienne connait une croissance continue depuis une vingtaine d’années. Elle a pris soin de
bâtir une chaîne logistique à sa mesure, Européenne, afin de lier ses activités de production, de
stockage et de distribution. Elle ne traite ainsi qu’avec des 4PL de premier plan, seuls capables
de répondre à des besoins de transport intensifs et complexes, notamment pour la préservation
de la chaîne du froid. Une exigence forte est donc requise auprès de prestataires constamment
évalués pour leurs performances. Ce géant industriel dispose ainsi des moyens de pressions pour
négocier face à des 4PL, également puissants. Le groupe communique de manière intensive afin
de préserver une image fortement exposée au grand public. La qualité nutritionnelle continue de
faire l’objet de critiques en des temps ou l’obésité devient un enjeu de santé majeur. Les choix
du groupe en matière de préservation de l’environnement sont également questionnés avec
l’abandon en 2019 des boîtes en carton, biodégradables, à la faveur des bouteilles en plastiques
pour les jus de fruits, produits phares de l’entreprise.
Un entretien a été également été tenu auprès d’un fournisseur des 4PL, consultant chez
un éditeur de SIIO dédiés à la logistique. L’entreprise est de taille moyenne et ses prestations
consistent à fournir un logiciel et les conseils liés à sa mise en œuvre aux prestataires logistiques,
notamment les plus grands, soit les 4PL. L’intérêt majeur de cet entretien est d’entendre une
personnalité experte dans les processus logistiques, avec une vision transversale puisque ses
clients sont nombreux. De plus, son activité, son expérience et profil l’amènent à développer une
réflexion particulière sur la question de l’innovation. La taille de l’entreprise lui permet une
flexibilité importante et une haute capacité novatrice. Elle contraint cependant les modes de

190
communication et de promotion de la marque, ne permettant pas d’investir dans des campagnes
de communication grand public, plutôt dans les moyens marketings et la visibilité en ligne. Cette
entreprise d’origine Allemande se fait également connaitre grâce aux foires et expositions
annuelles dédiées à la logistique.
L’expérience de nos répondants devrait constituer un avantage intéressant pour créditer
nos résultats ainsi que l’analyse qui s’ensuit. Elle est notamment utile pour mesurer les évolutions
du secteur sur un terme relativement long. Nos praticiens ont ainsi pu observer leur métier
évoluer et définir son avenir sur les plans stratégiques et technologiques. Ce terme long est
particulièrement utile dans l’analyse d’un processus long et aussi complexe que la légitimation
de business model innovants. Nous avons tenté, dans notre approche du guide d’entretiens, de
de considérer autant que possible cette expérience pour en maximiser la contribution. Elle
insuffle une véritable vision propre à chaque praticien.

4.1.3 Statut de recherche et revue de littérature

Nous l’évoquions dans la partie précédente il convient pour un chercheur de définir au


mieux son statut afin de rendre compte de son inévitable biais cognitif. Notre statut dans le cadre
de cette thèse est celui d’un praticien réflexif. Au-delà d’une quelconque légitimité que nous
espérons voir ce statut nous octroyer, nous nous efforçons dans cette partie de le qualifier avec
acuité. En effet, rappelons que les particularités de ce statut sont à l’origine de données ou de
certains choix d’ordre analytique. Il s’agit donc de préciser succinctement et avec objectivité de
quelle manière il a pu orienter nos déductions et définir nos attentes, afin de clairement le situer
pour ce qu’il est, partie inhérente de ce projet de recherche.
Certaines de nos références sont directement héritées de notre expérience pratique, à
l’exclusion lorsque possible des opinions et convictions, dépourvues de légitimité scientifique.
Ainsi, ces références relèvent avant tout de données de type secondaire, voire d’entretiens
informels, tenus auprès de collègues, supérieurs hiérarchiques ou clients. Ces dernières, pour
leur pertinence, portaient parfois sur l’état des marchés, l’avenir de la profession et la politique
stratégique appropriée. Aucune note ou enregistrement n’a été réalisé, mais il apparait évident

191
que ces conversations ont influencé nos convictions, transparaissant de manière inévitable dans
notre analyse. Afin de préserver la validité scientifique de nos écrits, nous tentons de neutraliser
les croyances, se bornant à une transcription neutre des données.
Il s’agit donc pour nous de décrire une présence préalable longue sur le terrain, chez un
4PL, qui a marqué le début de notre réflexion entourant l’industrie même. Cette réflexion a
résulté en étonnements et interrogations, ainsi qu’en une curiosité quant à la perception qu’ont
les acteurs économiques de ce prestataire aussi méconnu que prospère. Aussi, face aux grands
changements de notre temps, il semble aussi intéressant qu’utile de mesurer la pertinence des
orientations stratégiques que choisit de prendre l’industrie. A notre curiosité s’ajoute un intérêt
pour la démarche de recherche, l’exercice intellectuel qu’elle impose et la production théorique
qu’elle induit. Tout cela nous a encouragé à approfondir le développement de nos réflexions,
avec la rédaction d’une thèse comme cadre idéal de travail. Naturellement, cette démarche sert
également une ambition de mieux connaitre ce secteur d’activité, devenu notre domaine
d’expertise.
Nous ne manquons pas d’illustrer certaines affirmations de références directement
héritées de cette expérience pratique, faisant de cette expérience un réservoir important de
données secondaires. Ces références désignent notamment les entretiens informels, tenus
pendant des années auprès de collègues, supérieurs hiérarchiques ou clients, professionnels. Ces
données, portent pour la plupart d’entre elles sur l’état des marchés, l’avenir de la profession et
la politique stratégique appropriée. Aucune note ou enregistrement n’a été réalisé, mais il
apparait évident que ces conversations ont influencé nos convictions, transparaissant de manière
inévitable dans notre analyse. Afin de préserver la validité scientifique de nos écrits, nous tentons
de neutraliser les croyances, se bornant à une transcription neutre des données et excluons, ou
décrivons comme telles, les opinions et convictions, inappropriées pour servir directement
l’analyse scientifique.
Tout en étant biais dans la collecte puis l’interprétation des données, l’expérimentation a
elle-même été source de données secondaires, utiles à la construction de notre analyse. Leur
utilité demeure cependant accessoire en raison de leur qualité qu’il est à stade important
d’évaluer. En effet, récoltées ex-ante, elles subissent l’usure du temps, ne relevant pas d’une

192
observation participante au cours de laquelle un carnet de bord aurait été rigoureusement tenu.
Elles souffrent également d’un manque de perspective, en raison du prisme fort de l’entreprise
au sein de laquelle elles ont pu être observées, CMA CGM, également le terrain de recueil d’une
bonne partie de nos secondaires. Enfin, bien qu’elles soient mises à profit avec parcimonie dans
le cadre de notre analyse, ces données n’ont aucunement été récoltées dans la perspective d’un
travail de recherche.
Nous gardons de cette période l’expérience de situations qui ont pu brider l’esprit
d’initiative chez CMA CGM, une ambiance de conflits entre cadres dirigeants ou la traversée de
crises économiques qui ont déstabilisé les fragiles économies où nous pratiquions. Tout cela a
clairement influencé notre opinion sur la question presque subjective des modes privilégiés et à
privilégier de légitimation. Mais dans le même temps, il s’agit d’un vécu, de long terme, qui
traduit de la réalité des luttes intestines, des périodes de troubles et des défaillances du
management chez ces 4PL qui tentent de trouver un modèle approprié dans un secteur en pleine
mutation.
D’autre part, il semble également indispensable de rappeler le contexte auquel
appartiennent nos observations secondaires. Celui d’une époque d’abord, le milieu des années
2010. D’un secteur, ensuite, la logistique à échelle internationale, avec le transport maritime
pour cœur de métier. L’entreprise étudiée est une multinationale Française du transport
maritime. Les zones géographiques sont celles de l’Afrique subsaharienne et le marché Gabonais,
exportateur de pétrole et de bois, en crise commerciale à partir de 2015, période marquée par
la baisse des cours du baril. Ensuite, le marché Libanais, dont le réseau d’entreprises
commerciales est bien plus dense, composé d’un foisonnement de PME souvent familiales. Déjà
en cette période, le pays traversait une crise économique latente, fragilisé sous le poids d’une
dette publique colossale.
Le début effectif de notre thèse est marqué par une importante revue de littérature,
centrée autour des principaux travaux sur le sujet. Notre objectif à ce stade est d’enrichir notre
savoir, de façonner notre perception et de préciser un objet de recherche pertinent. Dresser un
parallèle entre ces lectures et l’expérience vécue demeure inévitable. Si cette tentation peut

193
contribuer à borner le raisonnement, elle est d’une aide décisive pour saisir avec dextérité les
problématiques abordées tout en gardant à l’esprit le raisonnement propre aux praticiens.
C’est également à cela que sert notre importante revue de littérature, centrée autour des
principaux travaux sur le sujet. Elle enrichit nos connaissances et refaçonne notre perception des
choses pour la rendre plus neutre. Aussi, répondant déjà à certaines interrogations, la littérature
contribue à préciser un objet de recherche pertinent et original. Ainsi, à mesure de nos lectures,
nous dressons un parallèle avec notre expérience, saisissant mieux les grandes problématiques
tout en gardant à l’esprit le raisonnement propre aux praticiens.
Nos choix de lectures ont été réalisés, naturellement, selon la pertinence du sujet traité,
mais aussi sur le statut de reconnaissance de leurs rédacteurs. Nous avons également tenté de
préserver une place importante au profit de la recherche Française, pourvoyeuse de travaux
majeurs dans le domaine de la logistique. Les auteurs retenus retranscrivent des points de vue
souvent divergents, mais aussi certains consensus, devenus parfois paradigmes structurels du
SCM et de la logistique. Certains de ces éléments devenus indiscutables servent aux fondements
de notre analyse. Notre conception et nos affirmations ne se sont donc pas faites sans la
confirmation de cette littérature.
Nous ne considérons pas que l’influence de notre statut de praticien réflexif ai pu nous
conduire à ne retenir que les idées d’auteurs partageant nos convictions. Bien au contraire, c’est
bien la littérature qui nous a conduit à faire évoluer nos positions, nous poussant à la découverte
de notre gap littéraire, différent de nos premières intentions de recherche. De plus, nous avons
tenté tout le long de nos écrits de faire apparaitre une contradiction pour faire progresser
l’analyse. Ainsi, cherchant à préserve la réalité sans la distordre, nous proposons une description
de l’état de la prestation logistique orientée de manière à servir l’objet de la recherche et sa
finalité. Notre typologie des rôles du 4PL est une compilation directement issue des propositions
littéraires, et constitue un élément fondateur pour notre thèse. Son élaboration à mesure de
lectures est l’exercice qui a véritablement orienté notre objet de recherche vers un décryptage
des mécanismes de légitimation des rôles, en passant par l’extrapolation en business model. Ces
concepts étoffent l’analyse de contributions normatives, que nous espérons utiles pour la

194
recherche en sciences de gestion. L’association de publications variées, inévitablement a ainsi
servi à établir notre typologie, propre à deviner les créations de valeur associées à chaque rôle.

195
4.2 Le recueil des données empirique et leur analyse

4.2.1 Choix et attributs du terrain

Les données de notre terrain nous ont avant tout servi à donner à notre recherche un
contexte, celui décrit dans la partie précédente. Leur association avec la littérature nous a permis
de dégager les problématiques principales de notre recherche, de mettre en place les cadres
d’analyse et d’émettre des hypothèses.
Notre statut a également exercé une influence indéniable sur la collecte de nos données
de terrain, notamment parce que nous avons connu du temps de notre expérience
professionnelle une bonne partie des praticiens interrogés. Ces derniers ont donc clairement
éprouvé un biais au moment de choisir leurs réponses à nos questions, chose qu’il est important
d’expliciter. La description de notre position à leur égard revêt là encore une importance forte.
Nous nous sommes présentés auprès de chacun d’entre eux en tant que chercheur déclaré en
sciences de gestion. Les données collectées sont de nature ouverte, impliquant une réaction
conséquente possible des sujets face à notre présence. Nous entretenons avec certains des
répondants des liens de connivences particuliers héritées du temps de notre présence sur le
terrain. A ce titre, des ex-collègues ou anciens supérieurs hiérarchiques ont pu éprouver une
forme de méfiance à l’idée de divulguer des informations jugées sensibles pour un ex-
collaborateur. Dans d’autres cas de figures, c’est bien le phénomène inverse qui a pu se vérifier
en raison d’une proximité passée, grâce à laquelle une forte sympathie continue de s’exprimer.
Ainsi, notre statut de praticien réflexif, et plus encore, d’appartenance passée au groupe
CMA CGM, a pu favoriser une empathie positive pour encourager les répondants à l’expression
et à saisir avec dextérité leurs idées. Ces conditions ont également permis d’écourter les phases
introductives et chronophages de nos entretiens, afin d’aborder directement les sujets centraux
pour notre recherche. Les présentations des historiques entreprises ou métiers, intéressants
mais aux contributions négligeables, ont ainsi pu être largement écourtées. Nous pensons être
parvenu d’emblée à nous approprier leurs réalités sociales pour mieux conduire la discussion,

197
approfondir certains sujets et mieux les comprendre. Notre expérience, proche de la leur, a
permis une entame plus simple et directe des échanges. En outre, notre statut a contribué à la
définition de questions pertinentes ainsi qu’à leur formulation qu’il a ensuite fallu adapter au
langage des praticiens.
La rédaction même de notre thèse débute, dans la seconde moitié de l’année 2018 et se
réalise en France. Malgré des perspectives confortables de croissance économique en cette
période, les professionnels de la logistique mondiale font face à deux crises structurelles.
D’abord, la remise en cause grandissante de leurs modèles, dénoncés pour leurs effets
environnementaux néfastes. Ensuite, la guerre commerciale initiée par l’administration Trump à
l’encontre de la Chine, contribuant à obscurcir les perspectives stratégiques. Ces événements
seront balayés, aux prémices de l’année 2020, par la pandémie de Covid-19, dont l’ensemble des
effets pour les chaînes se fera encore ressentir sur un terme très long Au premier trimestre de
l’année 2022, la guerre en Ukraine intervient, créant de l’incertitude, une hausse des prix des
matières premières et sépare le continent Eurasiatique.
Les contextes entourant notre collecte de données sont donc opposés, faisant se croiser
des marchés de tailles variables et de niveau de développement plus ou moins avancé, dans des
contextes extrêmement hétérogènes. Cela est, nous l‘espérons, de nature à enrichir de diversité
notre analyse.
Malgré les biais et les particularités des conditions de recueil des données, nous avons
tenté de donner à nos répondants la liberté de décrire leur expérience et leur point de vue, au
moyen d’un entretien semi-directif. Nos interrogations ont été bâties de sorte à leur donner la
liberté de transmettre leur vision, opinions et idées de ce qu’est, devait être et pourrait devenir
la prestation logistique. C’est également une manière de renforcer l’utilité de notre analyse pour
les praticiens, considérant qu’il s’agit là d’un mérite indispensable à toute démarche de recherche
en gestion. Nous avons ainsi tenté de réduire les entraves et restrictions nécessaires afin de
préserver l’indépendance des idées exprimées et la triangulation objective des données, issues
de sources multiples. Une dizaine d’entretiens ont ainsi été tenus auprès du terrain, pourvus
chacun d’une quinzaine de questions ouvertes, permettant de caractériser notre approche du
terrain de qualitative.

198
Cette liberté a cependant donné lieu à des réponses teintées de nuances, mutuellement
exclusives, comme l’est inévitablement la réalité d’une pratique complexe. Par exemple, certains
répondants ont pu encourager une pérennisation des activités de leur entreprise à la fois par le
développement de son cœur de métier comme par une extension à d’autres maillons de la chaîne
logistique. Ces réponses qu’il faut considérer et inclure dans l’analyse sont différentes et peuvent
être contradictoires. Aussi, alors que certaines réponses étaient attendues, des éléments
véritablement nouveaux ont pu être apportés par le sondage empirique, venant infirmer ou
confirmer nos propositions, voire s’ajoutant simplement au débat. Il faut également se rendre
capable de détecter des subtilités de langage que l’on retrouve forcément dans les discours
informels, parfois coupables de difformer le discours.
Notre volonté fondamentale de n’omettre aucune prise de position, malgré un statut
minoritaire, nous a incité à assortir notre analyse des thématiques émergentes, d’une méthode
de comptage de ces idées. Cette dernière se fonde ainsi, pour établir des proportions censées
traduire leur représentativité, sur le nombre des réponses même, et non sur le nombre de
répondants interrogés. Par exemple, un coefficient de 40% soutenant une participation sous
conditions des 4PL à la création de relations d’affaires, s’obtient par la division des 8 réponses en
faveur de cette idée, formulée par différents répondants, sur un total de 20 à la question
apportée par l’ensemble des répondants.
Aussi, nous avons tenté de diversifier les profils des personnes interrogées, ce, bien que
les problématiques examinées par le guide d’entretien relèvent avant tout des compétences
commerciales. Ainsi, les répondants ont pour la plupart été choisis au sein de ce département
mais nous avons tenté de ne pas négliger le point de vue des acteurs partis des autres services.
Nos dix entretiens incluent aussi bien les opérationnels en charge des activités portuaires et
logistiques, les services commerciaux & marketings, la finance d’entreprise et comptabilité, la
documentation et le service client. Ce sont les principaux départements d’une grande agence
d’un prestataire logistique à dimensions internationales, que complètent les services annexes du
juridique ou de l’audit interne. Les tâches afférentes à ces services attestent d’une profonde
implication de ces praticiens dans la conduite opérationnelle, révélant un contact permanent

199
avec les clients finaux. Il s’agit d’une expérience qui octroie à ces opérateurs une connaissance
considérable des attentes du marché qu’ils ont pu voir évoluer le temps de longues carrières.
Alors que le 4PL apparait comme initiateur ou promoteur du changement logistique, ses
propositions concernent directement des parties prenantes auprès desquelles il se doit de
légitimer ses choix. Ces dernières ne peuvent donc pas être entièrement ignorées dans la collecte
de nos données empiriques. Des entretiens complémentaires ont donc été menés, pour
simplement apporter une diversification supplémentaire des points de vue sur une question qui
l’exige.
Il s’agit dans le cadre des entretiens de notamment questionner la légitimité des rôles des
4PL issus de la littérature comme naturellement, celle de ceux que nous souhaitons proposer
dans le cadre de cette étude. Nous estimons que mettre ces rôles, les offres de services, au centre
de notre attention, permet de questionner au mieux le processus de changement de business
model des 4PL. En effet, l’offre est au centre des réflexions pour les 4PL comme leurs clients,
principales parties prenantes que nous souhaitons questionner. Il semble donc productif de
focaliser notre attention et celle de nos interlocuteurs sur la légitimité du système d’offre.
Notre objectif premier, au-delà de mener des discussions intéressantes et instructives
auprès d’experts, a été de comprendre leurs motivations à favoriser ou rejeter les grands projets,
soit, à rechercher la prise en charge l’externalisation des rôles modernes du 4PL. Nous nous
attendons naturellement à une diversité d’opinions quant aux modes d’application des rôles,
voire à leur validité même. L’unanimité n’est, à l’évidence pas accessible face à des parties
prenantes aux intérêts et attentes divergents. Les salariés par exemple, s’opposent
naturellement aux prises de position stratégique reposant sur un allongement de leur temps de
travail sans compensation équivalente. Les conceptions même de la valeur diffèrent, rappelant
que l’on ne peut exclure un facteur culturel.
Nous prenons bien entendu soin de ne révéler nos objectifs et attentes à aucun moment
de l'entretien, afin d’épargner nos interviewés de toute influence. Ainsi, notre consigne
inaugurale consiste simplement en un résumé de notre démarche, rappelant son inscription dans
le cadre d’une thèse en sciences de gestion portant sur les business model innovants des 4PL.
Aussi, permission est demandée dès cette étape de la conversation d’enregistrer les échanges

200
pour une meilleure retranscription. Elle s’accompagne d’un rappel de notre intention de
transmettre cette retranscription aux interviewés afin d’écarter tout malentendu et d’assurer
une triangulation indéfinie de ces données récoltées.
Les entretiens débutent naturellement par une courte introduction visant à rapidement
présenter d’une part l’entreprise du praticien questionné, d’autre part ses principales fonctions.
Sans céder à quelque forme de préjugé, ces informations succinctes sont utiles pour
l’interprétation des données qu’elles permettent d’éclairer. Présentant leur poste, les praticiens
permettent ainsi d’entrevoir les tâches quotidiennes qu’ils exercent, de deviner ou de
comprendre les points de vue selon les intérêts de leur profession. La phase introductive est aussi
indispensable pour engager l’entretien et créer une forme de confort auprès de l’interviewé.
Dans notre cas, elle a été volontairement réduite, d’une part en raison de notre statut de
praticien réflexif acquis auprès des organisations visitées, d’autre part, pour la disponibilité en
ligne de nombre d’informations sur les entreprises et leur actualité. Ces dernières peuvent aller
jusqu’à donner des statistiques comptables et des descriptions quant aux grandes orientations
commerciales. Internet permet ainsi d’alléger un guide d’entretien de questions parfois inutiles
et chronophages.
Nos interrogations ont naturellement dû être adaptées aux différents types profils de nos
interlocuteurs qui ont pu être prestataires eux-mêmes, clients, ou fournisseurs des 4PL. Alors que
l’intention générale des questions est préservée, leur tournure s’adapte afin d’adopter le point
de vue des acteurs face aux prestations logistiques. Sélectionner des profils divers impose ainsi
certaines modifications qui réduisent les possibilités d’établir des parallèles entre les réponses.
Cette démarche demeure cependant essentielle pour enrichir nos résultats des points de vue
d’acteurs directement concernés par l’exercice du changement chez les 4PL.
Au terme de la collecte des données, nous disposions en premier lieu de plusieurs pages
d’idées et de concepts hérités de la littérature, de nos impressions propres et de données
secondaires tels des articles de presse ou des communiqués internes au groupe CMA CGM. Elles
ont servi à donner à la recherche un contexte, en dégager les problématiques principales, mettre
en place les cadres d’analyse et émettre des hypothèses.

201
Des entretiens, se sont dégagés une quarantaine de pages de verbatim qui ont alimenté
les résultats et la discussion détaillés dans la partie suivante.

4.2.2 Décryptage des questions d’entretien

Le guide d’entretiens est un outil central dans la collecte de nos données empiriques. Il
convient donc de justifier de nos choix quant aux questions soumises aux praticiens ce, en
énonçant de manière explicite nos attentes. Cette démarche doit permettre à nos lecteurs de
mieux appréhender la correspondance des questions avec notre objet de recherche, qui peut ne
pas apparaitre comme évidente. Nous énonçons ci-dessous les questions de notre guide, suivies
de quelques lignes d’explication.

Architecte : Pouvez-vous citer des exemples d’opérations complexes ou novatrices, ou des


conclusions de contrats majeurs, que vous ayez eu l’occasion de mener ? Quelles motivations
amènent, pensez-vous, vos clients à privilégier votre compagnie pour ce type de prestations ?

Nous considérons que des praticiens confiants dans les capacités de leur entreprise à
assumer des rôles hautement complexes crédibilise fortement l’architecture de réseau telle que
décrite par la littérature. En effet, ce rôle se caractérise par sa complexité particulière et parfois
tacite pour les parties prenantes. Le 4PL peut donc, dans nombre de contextes, l’assumer sans
aucune forme de reconnaissance explicite et formelle. Nous choisissons donc de ne pas expliciter
ce rôle et ses attributs auprès des praticiens, considérant qu’il ne devrait donc être que peu
évocateur car seuls la recherche semble l’avoir clairement défini. Il convient donc de n’évoquer
que les caractères propres à l’application du rôle et sa légitimation.

Facilitateur : Sur quels services comptez-vous pour vous démarquer de vos concurrents ?

La question posée ici doit permettre de mesurer le niveau d’engagement, et de créativité,


dont sont disposés à faire preuve les 4PL pour assumer ce rôle qu’il faut considérer comme

202
optionnel, à l’endroit de leurs chargeurs. En effet, certains rôles mentionnés dans notre typologie
ne sont pas considérés comme parties essentielles du cœur de métiers des PSL. Ils dépendent
avant tout des orientations stratégiques choisies par les 4PL qui, en leader au sein de leurs ESL,
entreprennent de mobiliser une partie de leurs ressources pour proposer des services annexes.
Les motivations peuvent également relever du souhait des 4PL d’ancrer leur présence le long des
chaînes de chargeurs importants ou de se démarquer d’une offre trop homogène. Les
prestataires choisissent alors de promouvoir des services propres à faciliter le déroulement des
opérations logistiques à échelle collective.

Coordinateur : Auriez-vous des exemples de cas de mauvaise coordination logistique entre un


client et son fournisseur qui ont pénalisé la conduite de vos opérations ? Quelles solutions
structurelles et/ou conjoncturelles apportez-vous pour parer/résoudre ces blocages ?

Deux questions posées pour identifier l’applicabilité de ce rôle dans des contextes
différents. La première interroge quant aux inévitables erreurs et incompréhensions qui se
produisent dans le cadre d’opérations logistiques complexes, menées à échelle internationale et
impliquant des intervenants multiples. La résolution d’un blocage logistique impose souvent,
pour son caractère inédit, une forme d’improvisation du 4PL. La qualité de ses interventions pour
résoudre ces cas est décisive pour les chargeurs et constitue un critère majeur de sélection dans
les appels d’offre. La légitimité du rôle, et celle de la présence du 4PL, dépendrait donc
directement de son efficacité à intensifier la communication entre clients, fournisseurs, PSL
spécialisés et autorité publique notamment. En outre, l’origine de l’émergence du blocage et sa
cause peuvent décider de l’étendue de l’intervention du 4PL. Ainsi, lorsque problème est lié à des
processus internes inappropriés chez les chargeurs, il peut simplement se restreindre à des
recommandations relevant de son rôle de consultant. Des causes plus externes peuvent lui
imposer d’intervenir directement pour négocier, communiquer et appliquer les mesures à
prendre. Cette première question introduit ainsi le sujet de la coordination d’illustrations
concrètes et évocatrices pour les praticiens, et assure la transition vers une seconde question, à
même de l’approfondir grâce à une approche plus générique. Elle renseigne de l’avis des

203
praticiens quant à l’étendue que devraient prendre les interventions des 4PL pour assurer une
coordination fluide et efficace, au service de leurs réseaux.

Intégrateur : Quels moyens mettez-vous en œuvre créer ou renforcer les liens entre fournisseurs
et clients ?

Un 4PL intégrateur ne peut se restreindre, à l’image des 2PL ou 3PL, à une coordination
opérationnelle limitée entre chargeurs pour intégrer les parties amont et aval des chaînes.
L’ambition de créer et de de contrôler des ESL lui impose de prendre l’initiative d’élever ces
chaînes au rang de réseau. Pour cela, il convient d’enrichir ses réseaux par l’intégration de
nouveaux membres et le renforcement des liens qui les unissent. Parvenir à créer des
connections fortes entre les différentes chaînes sur lesquelles il intervient constitue un moyen
utile de bâtir un réseau fort au centre duquel se trouverait le 4PL leader. Il convient également
pour lui de mettre en place certains attributs comme un SIIO, favorisant un partage intensif de
l’information, des pratiques complémentaires pour harmoniser les processus ou une plateforme
partagée de e-commerce pour améliorer les performances commerciales. Il s’agit donc pour le
4PL d’élever la coopération collective tout en l’étoffant de partenaires nouveaux. En tant que
leader, ces tâches d’entretien relèvent de sa responsabilité, sachant qu’il profite directement de
la prospérité de son ESL. Nous n’avons pas souhaité restreindre la question que nous avons posée
aux praticiens à l’une de ces facettes importantes qui élèvent l’intégration. Il nous a semblé plus
pertinent de poser une question ouverte, laissant au praticien le loisir de nous décrire les actions
mises en œuvre pour accélérer et renforcer l’intégration entre ses partenaires chargeurs. La
nature de ces moyens devrait fournir une indication claire et déterminante quant à leur
acceptation ou leur rejet par les chargeurs. Elle permettra de se faire une idée de leur ampleur,
des contraintes qu’elles peuvent représenter pour les chargeurs et de leur potentiel succès.

204
Médiateur : Quelles diversifications possibles de votre offre de service ? Par quels moyens ?

Il convient d’introduire le sujet de la médiation d’une question évocatrice pour les


praticiens. Chacun d’entre eux a sans doute déjà mené cette réflexion simple, consistant à
imaginer les orientations stratégiques que devrait prendre son organisation. Il doit donc s’agir
d’un bon moyen d’inspirer nos interlocuteurs avant d’aborder la question plus complexe du
mode d’organisation. En effet, suivant les choix effectués au niveau de cette variable du business
model, le rôle de médiation s’en trouve plus ou moins légitimé. Ainsi, privilégier l’investissement
pour internaliser des services nouveaux devrait indiquer que la médiation est jugée peu efficace
dès le court terme. A l’inverse, lorsque les partenariats avec des PSL spécialisés se multiplient et
sont couronnés de succès, la légitimité du rôle de médiateur pour proposer une offre diversifiée
s’en trouve renforcée.

Arbitre : Quelles solutions apportez-vous aux cas de litiges clients – fournisseurs ?

La légitimité du rôle d’arbitre est intimement liée à celle du coordinateur. Ces deux
fonctions réfèrent à une déclinaison très opérationnelle de la logistique, l’application de la
seconde amenant souvent à celle de la première. En effet, les défauts de coordination
engendrent souvent des situations de litiges qui ne peuvent qu’être résolues par une
coordination intensive des 4PL. Quelle que soit l’origine et la cause du litige, ce rôle s’applique
dans un premier temps entre les parties impliquées dans les conflits, afin de privilégier une
solution à l’amiable. Il doit permettre à chacun, 4PL compris, de s’épargner des couts importants
liés aux recours juridiques et pénalités importantes. Les conflits, paralysant le cours des
opérations logistiques, mobilisent inévitablement des actifs physiques. Des marchandises et leurs
moyens de transport (conteneurs, véhicules, emballages…), s’en retrouvent immobilisées sur un
site où les couts de stationnement peuvent être très élevés. Une partie des frais
d’immobilisations sont ainsi dus aux 4PL, en compensation de ses ressources propres, une autre,
à l’organisme de gestion des infrastructures logistiques. Pour ces raisons, et pour écarter les

205
risques de contentieux graves entre membres importants de ses réseaux, le 4PL dispose d’une
légitimité naturelle à l’intervention, confortée par sa neutralité entre les parties.

Arbitre : Par quels biais assurez-vous la transparence de l’information lors de vos opérations
logistiques ?

L’efficacité des interventions étant déterminante pour la légitimité de chacun des rôles, il
convient d’identifier la nature et l’importance des moyens que le 4PL est disposé à mobiliser.
Aussi, la transparence de l’information se révèle un élément incontournable du processus de
résolution et de préservation des conflits. Elle constitue aujourd’hui une attente spontanée des
chargeurs qui, si mal assurée, peut écarter la sélection même du 4PL et sa réputation par voie de
conséquence.

Innovateur : Quels sont vos les moyens que vous mettez en œuvre pour démarquer vos services
de la concurrence et gagner plus de clients (à donner par ordre de priorité)?
Que pouvez-vous faire de plus en tant que prestataire de services pour aider vos clients au
quotidien ?

Le rôle d’innovateur est forcément attendu de tout 4PL pour son statut d’expert
technique dans un domaine complexe. Les chargeurs espèrent profiter des transferts de
technologies, de bénéficier de la maitrise de leur prestataire ou de le voir directement innover.
Notre objectif est dans un premier temps de mettre en perspective le progrès technique et
organisationnel au sein du métier pour en mesurer l’importance de l’innovation. Cela permet
également au praticien de se placer dans le contexte technologique de son métier et d’expliciter
les compétences qu’il a su développer, qu’il attend de ses collaborateurs et que ses clients
exigent. Pour donner suite à ce bilan, il convient naturellement d’évoquer l’avenir en
questionnant les évolutions attendues. Tenter de cerner les projections des praticiens quant aux
évolutions de leur métier doit donner des indications claires quant aux possibilités de leur
légitimation. Certaines innovations par exemple, ont réduit le temps de traitement opérationnel,

206
déléguant une partie du travail au numérique. Certains salariés en ont profité, apprenant à
maitriser ces outils, d’autres en ont pâtit, perdant leur emploi ou voyant leurs conditions de
travail se dégrader avec des tâches plus répétitives et aliénantes.
La seconde question doit naturellement permettre de connaître l’avis du praticien quant
aux capacités créatives de son entreprise. Sur des prestations simples et standardisées, le seul
moyen de se démarquer est l’innovation. Cela doit nous permettre de nous rendre compte des
choix que son entreprise a fait pour s’adapter aux évolutions de son environnement et également
de recueillir son avis. C’est là véritablement la question dont l’intention est de questionner la
pertinence des choix de l’entreprise en recueillant l’avis du praticien.

Rassembleur : Comment justifiez-vous les alliances et fusions-acquisitions passées ces dernières


années sur le marché ?

Le rôle de rassembleur chez les PSL est incontournable. Il s’impose de manière naturelle
dans le jeu de la concurrence, chaque prestataire cherchant à réduire ses couts d’exploitation et
ses prix dans le cadre de prestations basiques. Pour les clients, le prix est naturellement un critère
de choix du prestataire et pour ces derniers, la compétition passe forcément par la capacité à
rassembler des volumes importants afin d’en obtenir des économies d’échelle. Il n’est donc pas
intéressant de questionner la légitimité de ce rôle qui sert avant tout à rester rentable et
compétitif sur les marchés.
Il peut cependant être intéressant de questionner la stratégie retenue pour y parvenir.
On observe clairement sur les marchés, sans doute du fait de leur rigueur, des vagues de fusion-
acquisition entre 4PL. Ainsi, CEVA logistics, qui s’est emparé de TNT, s’est fait racheter par CMA
CGM. Norbert Dentressangle a lui fait l’objet d’une acquisition de l’Américain XPO. C’est donc
cette stratégie particulièrement en vogue sur les marchés que nous avons tenté de cibler par
notre questionnement. En soi, elle peut représenter un problème pour les clients qui voient
l’offre perdre en diversité. Mais elle peut devenir intéressante si ces oligopoles répercutent
honnêtement leurs gains opérationnels obtenus grâce à leurs investissements en volumes. La
réponse à cette question peut être obtenue par la simple comparaison des prix des prestations,

207
en étudiant leur évolution avant et après ces vagues de fusions-acquisitions. L’avis des praticiens
nous semble donc important.

Rassembleur : Quels secteurs d’activité représentent le plus gros de vos volumes/CA ? Quelles
problématiques sont spécifiques à ces différents secteurs ?

La stratégie adoptée sur la variable « organisation » dépend largement des enjeux liés aux
secteurs d’activité. Certains présentent des pics saisonniers qu’il faut savoir affronter grâce à des
partenariats (PSL médiateur), d’autres exigent une réactivité importante ou ont des flux lissés,
justifiant une plus grande externalisation. C’est la raison pour laquelle il est intéressant de poser
une seconde question qui doit là aussi indiquer l’avis des praticiens quant à la pertinence des
choix de leur entreprise se spécialisant auprès de chargeurs de secteurs d’activité spécifiques.
Une adéquation peut être établie entre les moyens mis en œuvre (stratégies pour rassembler) et
les objectifs stratégiques (spécialisations sur les secteurs).

Consultant : Quelles catégories de clients (taille du chargeur, secteur d’activité…) vous posent le
plus de problèmes d’ordre logistiques ? Que pourriez-vous faire pour les aider à s’améliorer ?

L’activité de conseil formelle est, avec le rôle d’architecte des réseaux et partenariats, le
rôle principal qui différencie le 3PL du 4PL. Il peut cependant être facilement écarté, voire rejeté
par les clients, qui font appelle au 4PL pour un ensemble d’autres services perçus comme plus
essentiels. Le paradoxe, c’est qu’ils attendent tout de même de leur 4PL qu’il leur fasse bénéficier
de son expertise en leur prodiguant des conseils, mais ils ne se voient pas payer pour ces conseils.
Cette ambiguïté vient du fait que les chargeurs ne perçoivent pas leur 4PL comme un véritable
consultant et préfèrent appel à un cabinet spécialisé dont la réputation n’est plus à faire.

208
Quelles compétences estimez-vous nécessaires pour mener à bien votre travail à l’égard de vos
clients ?

Il est recommandé que le consultant soit véritablement spécialisé dans un métier et un


secteur qui a des exigences particulières. Cela est indispensable pour développer l’expertise
nécessaire à légitimer l’exercice de ce métier. C’est la raison pour laquelle notre première
question porte sur ce sujet. Le métier de consultant n’étant que peu répandu chez les 4PL, il
convient d’identifier s’il existe des secteurs sujets à des complications particulières, au sein
desquels un consultant logisticien serait le bienvenu. La distinction par secteur est donc un
élément clé de compréhension des mécanismes de légitimation quant à ce rôle de consultant. A
l’évidence, la question ne saurait être complète sans l’avis du praticien quant aux méthodes
possibles pour régler les problèmes des clients. C’est également un moyen de connaître son point
de vue quant à l’idée d’assumer ce rôle.
À la suite de cela, il convient dans un second temps d’identifier les ressources et
compétences en lesquelles investir pour renforcer l’efficacité du conseil, condition de légitimité.
Notre seconde question a donc pour objectif de reconnaitre les fondements de la légitimité pour
les praticiens. Un savoir-faire et une expérience éprouvée bonne semblent indispensables pour
répondre aux exigences de technicité du métier.

4.2.3 L’abduction comme méthode retenue pour l’analyse des


données

Les principes du codage ouvert, tel que décrits par Thietart et al. (2014) accompagnent
notre traduction des données tout au long de cette thèse.
L’idée de procéder à une distribution de nos données, notamment les rôles du 4PL, résulte
de notre initiative propre, même si les rôles eux-mêmes sont recensés auprès de différents
auteurs fondateurs pour notre champ disciplinaire. Elle est prolongée par le business model, qui
par essence catégorise des variables, et par la démarche d’identification des mécanismes de
légitimation. Cette idée est donc aux fondements même de notre analyse et se justifie en premier

209
lieu pour ses avantages de clarté et d’aide à la déduction. Notre typologie doit ainsi contribuer à
structurer notre cadre conceptuel, mais aussi la collecte de nos données empiriques. En effet,
Nos questions elles naturellement organisées selon les trois grands thèmes retenus, contribuant
à simplifier le prolongement de notre analyse en business model puis en mécanismes de
légitimation. En second lieu, l’initiative de classer les rôles a eu le mérite de nous révéler ce qui,
à notre connaissance, est un gap intéressant de la littérature : le peu de traitement réservé aux
rôles relevant des enjeux sociétaux de la prestation logistique.
Le caractère dérisoire des données recueillies avant notre travail de recherche ne nous
permet aucunement d’évoquer un quelconque usage de l’abstraction. Les observations du
quotidien, les réunions auprès d’acteurs, les notes d’informations ou encore les articles de
presses ont avant tout servis à faire émerger notre objet de recherche avant d’agrémenter notre
analyse d’illustrations liées à nos connaissances du marché. Ces données secondaires ont ensuite
largement subi l’influence de notre revue de littérature et des concepts qui en ont émergé. En
conséquence, les résultats et discussions liées se fondent avant tout sur ces apports du monde
théorique. Ils ont déterminé la nature des données empiriques collectés auxquels ils ont ensuite
pu être confrontés.
Nous avons choisi pour méthode d’analyse l’abduction afin de véritablement étoffer nos
résultats des apports de la littérature. Une revue de littérature à la fois ex-ante et ex-post a donc
été utilisée tout au long de ce travail de construction, de renseignement et d’enrichissement. En
effet, la découverte d’éléments nouveaux, avec l’aide de nos praticiens, a pu nous orienter vers
de nouvelles nos lectures fructueuses pour nos discussions.
De plus, ce travail d’itération entre littérature et terrain doit nous permettre de nous
abstenir de nous approprier des contributions déjà apportées par d’autres auteurs. Les praticiens
peuvent en effet mentionner des idées et faits inconnus, ou conduisant vers des raisonnements
inédits de notre point de vue. Il importe de s’assurer de leur réelle originalité en consultant les
travaux passés.
Nous recherchons également dans l’abduction certains mérites dans la collecte même de
nos résultats car elle doit contribuer à ajuster quelques-unes de nos interrogations après la tenue

210
des tous premiers entretiens. La démarche doit ainsi nous permettre de mieux faire correspondre
les problématiques de la recherche avec le quotidien vécu par nos praticiens interrogés.
Une revue de littérature quasi-permanente procure en outre d’indispensables bienfaits
comme une enrichissement précieux de notre culture managériale. Les éléments recueillis à
différentes phases de notre thèse permettent de mieux préciser les questionnements relevés sur
le terrain et de gagner à la fois en originalité et en pertinence. Enrichi de concepts et
raisonnements révélés par une lecture étoffée, notre retour auprès des praticiens assure une
diversité solide des sources de données et améliore les chances de découvrir de réelles
contributions.
Aussi, si la confrontation itérative au terrain, au moyen de longs entretiens semi-directifs
nous a permis de répondre à nombre de nos interrogations, elle a également eu pour effet d’en
soulever d’autres à son tour, bien que mineures. La littérature ne peut que contribuer à y
répondre, même indirectement. Ces questionnements permanents, faisant indéniablement
progresser notre analyse, soutiennent donc eux aussi notre initiative d’adopter une démarche
itérative entre la littérature et notre terrain. Cette approche dans la collecte et l’analyse des
données permet donc de préciser les concepts, d’enrichir les apports normatifs ou de corriger la
trajectoire du raisonnement. En outre, elle assure une meilleure correspondance entre les
concepts d’une littérature constamment présente et les données empiriques, issues de sources
aussi diverses que les entretiens ou les sources secondaires.
Dans le prolongement de cette idée, nous pensons que notre choix d’avoir recours à une
itération permanente entre littérature et terrain se met au service de la modernité de notre
thèse. En effet, notre démarche de recherche s’est étendue sur un peu plus de trois ans,
largement suffisants pour voir les modèles logistiques désorganisés et les chaînes
d’approvisionnement remises en question par les crises. Nombre de mutations, de changements
pratiques, de progrès techniques et de publications sont apparues, justifiant une consultation
des découvertes et propositions les plus récentes.
D’autre part, le terrain est propice à la mise en valeur des opinions et idéologies, bien
souvent au détriment d’une réalité neutre. Nous avons souhaité recourir à la littérature afin de
relativiser des affirmations ou commentaires des praticiens et de mieux comprendre des enjeux

211
parfois implicites. La littérature contribue ainsi à révéler les oppositions et absences de
consensus, évitant de prendre pour vérités absolues les simples convictions ou cas d’exceptions.
Il s’agit alors de distinguer les réponses dépendantes avant tout des contextes de celle qu’il peut
être permis de généraliser. Cela s’applique d’ailleurs à nos propres croyances que le terrain peut
contredire ou crédibiliser. Ignorant où la contradiction se trouve, une démarche scientifique
rigoureuse impose de diversifier les sources de données tout au long du travail d’analyse.
L’itération nous a donc semblé le moyen le plus approprié de préserver une réelle triangulation
de nos données, hautement nécessaire pour favoriser la validité de notre démarche de
recherche.
Au-delà de préserver une réelle diversité dans les sources de données, nous avons fait le
choix de l’itération pour sa contribution à faire progresser notre raisonnement. En effet,
l’association de données empiriques et théoriques correspond concrètement à faire un usage
approprié des concepts en les faisant correspondre avec les problématiques du terrain. La
réflexion en devient bien plus productive.
Dans le cas de notre thèse, partant de l’initiative de mieux connaitre le 4PL, nous avons
découvert avec intérêt des articles utiles à bâtir une réelle typologie (Snow et al., 1992) et (Hiesse,
2009). L’inspirante étude de cas de Laifi (2012) nous a ensuite conduit à l’extension de cette
logique descriptive et ordonnatrice vers la notion de Business Model Innovant, introduisant dès
lors la question du processus de changement. Nous avons trouvé dans le concept des ESA
(Moore, 1996), adapté en ESL, un moyen approprié de prolonger notre analyse d’un cadre
réticulaire riche pour les 4PL, incluant ses parties prenantes. L’idée s’est également révélée
productive pour le traitement de la question de l’innovation (Isckia, 2011), sujet central pour
notre démarche de recherche. Ce cadre conceptuel nous conduit presque naturellement à porter
notre réflexion sur la découverte des mécanismes de légitimation (Mevel et al., 2018). Le modèle
des 4C (Miller et Le Breton-Miller, 2010)
Chacun de ces concepts a orienté les questions que nous avons choisi de soumettre à nos
praticiens. Nous avons ainsi tenté de de répondre aux enjeux qu’ils soulèvent à l’égard de la
prestation logistique et d’en faire usage approprié pour produire une contribution utile. Notre

212
objectif a ainsi été de créer une correspondance forte entre les problématiques de la recherche
et le quotidien vécu par les praticiens.

213
Synthèse du chapitre 4

Avant la collecte de nos données empiriques, nous disposions de plusieurs pages


d’idées et de concepts choisis dans la littérature, de nos impressions propres et de données
secondaires tels des articles de presse, des communiqués internes au groupe CMA CGM.
Elles ont servi à donner à la recherche un contexte, en dégager les problématiques
principales, mettre en place les cadres d’analyse et formuler des hypothèses. Nos
entretiens de terrain ont quant à eux produits une quarantaine de pages de verbatim qui
ont alimenté les résultats et la discussion détaillés dans la partie suivante.
Cette dernière expose des résultats qui démontrent que le caractère en apparence
monochrome d’une partie des profils interrogés ne se retrouve pas dans les réponses
apportées. En effet, nos interlocuteurs, dans la diversité de leurs parcours et de leurs
métiers, parviennent à révéler une variété dans les attentes des parties prenantes, et des
points de vue afférents. Ces disparités peuvent sensiblement varier même au sein d’un
groupe de parties prenantes.
Notre éventail de données, constitué et étoffé notamment selon la méthode de
l’induction semble répondre aux objectifs de contribution des concepts et grilles d’analyses
que la littérature met à notre disposition.
Notre état des lieux descriptif est forcément assorti d’une conjecture de l’avenir
du métier des 4PL avec les changements que matérialisent l’arrivée de nouvelles
technologies ou le changement climatique. La discussion des résultats s’enrichi ainsi d’un
intérêt plus exploratoire. Il s’agit d’éclaircir les connaissances des 4PL eux-mêmes, de leurs
partenaires et de la littérature liée. Notre démarche porte ainsi l’ambition de constituer un
apport capable d’influencer, même indirectement, la définition de certaines des
orientations stratégiques.

214
215
CHAPITRE 5 : PRESENTATION DES RESULTATS ET
INTERPRETATION DES REPONSES

Paradoxalement, alors que la prestation logistique est au cœur du modèle de la


consommation de masse, elle a acquis à mesure de son développement une part d’ombre pour
le grand public. Les entreprises du secteur font partie des plus importantes des tissus
économiques et sociaux, pourtant, leurs marques sont largement ignorées au profit des géants
de la technologie ou du textile. Cette réalité est directement liée à la visibilité des entreprises. En
effet, les espaces logistiques que sont les ports, aéroports ou grands entrepôts en milieux ruraux,
sont des territoires fermés au public, souvent choisis pour leur discrétion. De plus en plus
mécanisés, voire robotisés, ils sont déconnectés des villes. Ainsi, seuls les analystes et
professionnels du secteur mesurent l’importance de leurs métiers au niveau macro-économique,
comme à un niveau plus micro, au sein de grandes structures telles que Zara ou Amazon. Le
succès de ces entreprises repose ainsi largement sur les performances de leurs modèles
logistiques. L’impact de la logistique peut donc être négligé pour son manque de visibilité car
opaque ou pour son caractère difficilement mesurable car complexe. Il n’en demeure pas moins
considérable à échelle individuelle, sur les économies, sur l’environnement ou les liens sociaux.
Les résultats exposés dans la partie qui suit contribuent à mettre en valeur les
contributions des 4PL, au profit de leurs chargeurs et des clients finaux. Nous tentons également
de souligner les enjeux sociétaux, qui nous semblent d’autant moins évoqués par la littérature
en supply-chain management.
En effet, la relative confidentialité de la logistique peut être perçue par certains
prestataires comme une fenêtre d’opportunité pour échapper à certaines contraintes comme les
contrôles et régulations à échelle nationale. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des navires de
commerce battent les pavillons de paradis fiscaux, échappant ainsi à certaines taxes et
contribuant à accroitre l’opacité du secteur.

217
5.1 Présentation des résultats

5.1.1 Proposition d’un thème nouveau, le vecteur au


développement

Nous l’avons mentionné, notre typologie des rôles est consolidée à l’aide de différentes
contributions directement issues de la littérature. Nous la pensons cependant incomplète en
raison de l’absence des rôles sociétaux que les 4PL, comme toute entreprise, exercent forcément.
La nature de leur activité et leur importance imposent d’étendre notre réflexion au-delà des
sujets purement opérationnels de la logistique. Nous portons ainsi la discussion vers des rôles
qu’il pourrait convenir de qualifier de collatéraux. D’ailleurs, le concept d’écosystème logistique
mobilisé dans le cadre de notre thèse, contraint à ne pas omettre ces considérations.
Les questions relatives à la RSE sont des préoccupations majeures de notre temps. Elles
représentent des réalités sociales dont les enjeux ne sont pas négligeables. En logistique comme
ailleurs, des parties prenantes externes subissent directement ou non les conséquences des choix
stratégiques opérés par les dirigeants. En retour, elles se rendent capables de réagir pour
influencer les entreprises. Les phénomènes de mobilisation contraignent les praticiens comme
les chercheurs à mieux inclure ceux qui ne sont plus, depuis longtemps, quantité négligeable.
Nous tentons ainsi, au terme de notre revue de littérature, de produire une contribution réelle
et utile à notre secteur, en élargissant l’analyse à des enjeux qui dépassent les seules dimensions
commerciales ou logistiques de la mondialisation. Il importe ainsi de ne pas faire abstraction
complète des aspects macroéconomiques, sociaux ou politiques des phénomènes, qui comptent
pour l’analyse managériale même. Leurs données expliquent une partie des influences qui
s’exercent sur les orientations stratégiques, notamment les mécanismes de légitimation.
D’autre part, face à ces enjeux, le 4PL émerge comme un sujet d’étude particulièrement
intéressant. Il est en effet un vecteur majeur en faveur de la mondialisation, qu’il concrétise par
les flux physiques et qu’il développe par ses innovations. Les conséquences sociétales de ses
activités ne peuvent donc être qu’étendues et multiples. Dans ce cadre, les parties prenantes

219
indirectes aux prestataires occupent une position incontournable, démontrant l’intérêt du
concept de chaîne logistique multi-acteurs étendue (Fabbe-Costes, 2002).
Les neuf rôles du 4PL répertoriés dans notre typologie sont directement issus de notre
revue de littérature. Les travaux de Snow et al. (1992), Hiesse (2009) ou Carbone (2004) en sont,
avec d’autres, les principaux inspirateurs, nous permettant de produire cette contribution qui
nous semble utile et réaliste. L’intégration des questions sociétales nous conduit à proposer trois
rôles nouveaux constitutifs d’un quatrième thème, que nous choisissons d’intituler « vecteur au
développement ». Nous considérons que le terme de « développement » porte une nuance, en
termes économiques, par rapport à celui de « croissance », dans la mesure où il intègre une
dimension humaine, au-delà de la rationnelle mesure des richesses créées. Il apparait donc mieux
de synthétiser ces enjeux sociétaux variés.

5.1.1.1 Le 4PL connecteur

Le développement de la mondialisation commerciale dépend largement de celui des


facilités de transport. Il doit être rentable, régulier et suffisamment rapide pour permettre
d’envisager une dispersion des étapes d’une production, une diversification des sources
d’approvisionnement ou l’acheminement de denrées périssables. Ce sont notamment les
moyens des 4PL, leurs innovations créatives souvent, qui ont permis de concrétiser ces rêves de
distributeurs et d’industriels. Ils ont imaginé des solutions pour augmenter les quantités
échangées entre régions du monde et élargir la diversité des produits qu’il était possible de
transporter. Ces initiatives font des 4PL des connecteurs entre les territoires et leurs tissus
économique et social.
Dans de nombreux cas, les offres des 4PL ont créé les demandes de chargements. Sans la
régularité de lignes maritimes, ferroviaires ou aériennes, nombre de chargeurs n’auraient pu
envisager un développement de leurs activités par la conquête de marchés distants. Un exemple
illustrateur de cette réalité est livré par le consommateur final. De son accès à des offres très
variées, répertoriées par les géants du e-commerce, Amazon ou Ali Baba, ont émergés ses

220
nouveaux besoins et relever ses attentes. Un changement dans les modes de consommation
rendu possible par une logistique à la fois lean et agile (Christopher et Towill, 2001).
En effet, les 4PL ont, d’une part, mutualisé à très grande échelle, mêlant les flux physiques
sans distinction de secteurs d’activités ou de zones de chargement. C’est ce que permet le
conditionnement, par palettes ou container, qui souvent renferme le groupage de marchandises
commandées par différents destinataires. La mutualisation s’appuie également sur des hubs
régionaux, qui servent à éclater les grandes commandes vers des zones secondaires, et ne
négliger aucun gisement de consommateurs potentiels. Elle a naturellement permis de réduire
drastiquement les couts de transport, rentabilisant nombre de modèles nouveaux de production
et de consommation.
D’autre part, les offres de services logistiques ont dû être adaptées à certaines réalités
locales. Les 4PL ont ainsi fait correspondre le déploiement de leurs moyens aux avantages
comparatifs des régions, les rendant capables d’en tirer profit pour participer pleinement aux
échanges mondiaux. Certaines de ces zones, d’abord perçues comme périphériques et à faible
potentiel, doivent en partie leur développement économique aux possibilités offertes par les 4PL.
Par exemple, la banane des caraïbes profite à l’export de chaînes du froid qui n’auraient vu le
jour sans les importants investissements des 4PL.

5.1.1.2 Le 4PL mandataire

Le contrôle qu’exercent les 4PL sur les flux physiques en fait des instruments idéals de
régulation. En se mettant au service des politiques commerciales publiques, ils mettent en œuvre
les quotas imposés sur certaines catégories de produits, prélèvent pour le compte des autorités
des taxes sur les entrants et sortants ou vérifient leur conformité aux normes en vigueur. Ils
peuvent également collecter des données utiles à la construction des statistiques de l’état.
Les pouvoirs politiques locaux ou nationaux ne sont pas les seuls à faire assumer ce rôle
de mandataire au 4PL. Les organismes internationaux comme l’Organisation Maritime
Internationale (OMI) ou l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA) peuvent faire
appel à lui pour des enjeux qui dépassent le cadre national et requièrent un consensus entre les

221
états. Le prestataire devient ainsi le vecteur de politiques protectrices de l’environnement ou du
droit du travail.
Les 4PL se posent également en relais de choix pour la diffusion de l’information
gouvernementale. Les autorités s’en remettent mécaniquement à eux pour prévenir rapidement
un maximum de chargeurs des proscriptions ou des incitations au commerce. Leur implantation
transnationale est également utile pour influer sur les partenaires commerciaux étrangers, hors
de portée des gouvernements locaux.
Du travail de communication à la vérification de conformité, la responsabilité des PSL peut
être directement engagée. Tout manquement les expose à des pénalités qui peuvent aller jusqu’à
l’expulsion pure et simple d’un marché.

5.1.1.3 Le 4PL contrôleur

En architecte des réseaux, les partenaires industriels ou distributeurs du 4PL peuvent


choisir de s’en remettre à son expertise pour désigner un potentiel nouvel entrant. Ce dernier
est choisi entre autres pour ses capacités, complémentaires à celles des membres historiques, sa
compatibilité aux processus existants ou la fiabilité de ses services. Malgré la disposition de ces
qualités, son intégration ne peut que requérir quelques ajustements comme l’adoption d’un SIIO
et une harmonisation générale de ses processus. Pour l’accompagner, mais aussi s’assurer de son
sérieux et de sa bonne foi, le 4PL peut s’engager à contrôler ce nouveau partenaire pour le
compte du réseau. Il assume ainsi ex-post la responsabilité de ses choix dans un engagement
aussi important que l’intégration d’un nouveau membre.
Le prestataire accomplit donc un travail de certification, de surveillance et de formation
des nouveaux entrants. Il se porte garant de la qualité de leurs prestations, notamment lorsqu’il
s’agit de les impliquer dans l’exécution de processus sensibles. Ces interventions sont d’autant
plus justifiées que les sous-traitants sont séparés du cœur de l’alliance par de longues distances
géographiques et un écart culturel. En position d’intermédiaire entre ces parties, le 4PL est le
partenaire idéal pour établir des ponts et rapprocher les parties. Il est de surcroit profondément

222
impliqué dans les processus d’échanges, lui permettant de veiller au respect des engagements
pris par chacun.
L’harmonisation aux normes, autrement dit le travail de cohésion n’est le seul concerné
par le besoin de contrôle collectif. Il peut en effet s’agir pour le 4PL de veiller à l’application de
standards RSE, au respect desquels le réseau s’est engagé. Chez des fournisseurs mal connus car
nouveaux entrants, il s’assure par exemple que ces derniers n’ont pas recours à l’emploi de
mineurs, à l’usage de matières toxiques pour l’environnement ou encore que leur personnel
profite de conditions de travail décentes. Le réseau cherche ainsi à préserver son image et celle
de l’ensemble de ses membres.
Applicable spontanément aux nouveaux entrants, cette offre de services n’exclut pas les
partenaires historiques. En l’absence de confiance réciproque, ces derniers peuvent en effet
charger leur 4PL de ces missions à l’encontre de chacun d’entre eux.
L’ajout de ces rôles nous permet de déduire l’état final de notre typologie des rôles
assumés par le 4PL.

Tableau 3 – Typologie des rôles assumés par les 4PL


Thème Rôle Description

Le 4PL produit un travail très technique de conception des


partenariats, de formalisation des objectifs stratégiques et de
Architecte conciliation des attentes. Ce rôle exige des compétences tant
analytiques que pédagogiques ainsi qu'une expérience éprouvée en
la matière.
Le 4PL met en œuvre les accords contractuels. Cela implique de
INSTRUCTEUR
distribuer les tâches entre les membres du réseau et d’en assumer
de partenariats
Coordinateur le bon fonctionnement opérationnel. Une coordination efficace est
indispensable pour préserver une performance commune
acceptable, dans un contexte serein, à l'abri des conflits.
Le 4PL investit dans certaines activités de support logistique,
Facilitateur permettant aux partenaires de se focaliser sur leurs cœurs de
métier. Le support désigne un panel de services allants de l'analyse

223
stratégique à la tenue d’espaces de rencontres entre les parties, et
inclue des activités annexes comme le co-manufacturing simple.

Fonction classique pour la prestation logistique, elle désigne le lien,


surtout opérationnel, qu'entretient tout PSL entre un fournisseur et
Intégrateur
son client. Dans le cadre d'un réseau fait d'alliances formelles, le 4PL
peut être l'initiateur de ce lien entre les parties.
Le 4PL dispose de la maturité suffisante pour organiser toute une
INTERFACE
partie des chaînes de ses chargeurs. Il doit alors accorder ses
entre Médiateur
ressources propres à celles d'autres PSL spécialisés pour remplir une
organisations
mission d’ampleur souvent complexe sur le plan opérationnel.
Le 4PL se pose en garant du respect des clauses logistiques d'un
contrat de partenariat. Sa neutralité et son expertise lui procurent
Arbitre
la légitimité nécessaire pour faire valoir des décisions
contraignantes dans sa gestion des conflits.

Le 4PL multiplie ses opportunités de créer ou de transférer des


innovations et bonnes pratiques lorsqu'il s'implique le long des
Innovateur chaînes sur des secteurs différents. Ses efforts de personnalisation
aux besoins contraignent également ses équipes à la créativité, par
des solutions ou des routines nouvelles.
Par des systèmes d'alliances verticales, qui correspondent à la
ACCELERATEUR médiation avec des PSL spécialisés, ou horizontales, entre
de performance Rassembleur équivalents, les 4PL priorisent la standardisation de leur offre et
mutualisent ainsi les flux de leurs clients pour maximiser les
économies d'échelle.
Les 4PL se spécialisent autour de sujets techniques afin de conseiller,
former ou rectifier les pratiques relevant du SCM de leurs clients.
Consultant
Aussi, de manière informelle et à titre purement commercial, le 4PL
soutient et guide ses clients vers la performance opérationnelle.

VECTEUR L'autorité publique profite du contrôle qu'exercent les 4PL sur les
du Mandataire infrastructures stratégiques pour faire appliquer des initiatives
développement légales ou des politiques commerciales. Les 4PL servent donc de

224
relais informationnels mais aussi de garants de mesures
protectionnistes ou au contraire de la libéralisation des échanges.
En développant des lignes maritimes, en exploitant des chemins de
fer et des flottes de camions, les 4PL renforcent les connections
Connecteur entre les territoires et leurs populations. Ainsi s'opère la
redistribution des richesses, contribuant à un développement global
duquel il n'est pas exclu que des minorités soient perdantes.
La présence transnationale forte du 4PL peut lui servir à proposer
des services de contrôle qualité, financiers ou d'ordre sociétaux pour
Contrôleur
le compte de chargeurs en mal d'accès chez des fournisseurs
distants, au système culturel différent.
Elaboration par l’auteur

Les trois rôles composants de ce dernier thème de notre typologie, ont également été
soumis aux réactions de nos praticiens. Ils doivent ainsi permettre de mieux évaluer la perception
qu’ont les professionnels du secteur quant à l’influence que leur métier exerce sur des parties
prenantes secondaires. Le connecteur d’abord, entre les territoires et leurs populations, le
mandataire ensuite, à l’égard des autorités qu’elles relèvent des régions, des nations ou des
organismes supranationaux, contrôleur enfin, entre les partenaires indirects des 4PL. Les
questions d’entretien liées sont rendues et explicitées ci-dessous.

Mandataire : Quelles mesures sont prises pour vous conformer au plan de transition écologique
fixé par l’Etat ? Des initiatives propres au groupe sont-elles mises en place ?
Il s’agit de cibler un sujet particulier, afin de mieux illustrer l’idée du 4PL mandataire. La
transition écologique implique à la fois des mesures coercitives que les 4PL se doivent d’appliquer
mais comporte également une part de responsabilité sociétale qu’il est aussi intéressant de
questionner ici. Le rôle de mandataire peut s’appliquer à l’égard de l’autorité publique mais aussi
de la collectivité, que l’état représente. D’autres sujets peuvent également être abordés comme
la question des sanctions économiques à l’endroit d’une entité ou les mécanismes de taxation,
directement intégrés aux systèmes de facturation.

225
Connecteur : Comment jugez-vous l’impact économique de vos activités ?
Une multitude de critères de mesures peuvent être avancés, comme les créations
d’emplois, la participation à la création de richesse ou la meilleure intégration du tissu
économique et social. La question laisse volontairement aux répondants le loisir de juger, selon
leur propre vision, de la qualité du rôle exercé par les 4PL dans l’enrichissement économique
global.

Contrôleur : Vous arrive-t-il de mettre en relation des clients et des fournisseurs qui ne se
connaissent pas ?
La création de liens entre fournisseurs et clients met en jeu une forme de responsabilité
pour le 4PL. D’une certaine manière, il se porte garant à l’endroit de chacun d’entre eux, pour le
partenaire qu’il présente. C’est une forme d’exercice du rôle de contrôleur, démontrant que le
4PL connait la fiabilité financière ou la qualité des prestations de ces partenaires. Concédant la
réalité de ces mises en relation, nos répondants en renforceraient la légitimité.

5.1.2 Exposé des réponses en lien avec l’instructeur de


partenariats et l’interface des organisations

Pour le 4PL qu’est devenu CMA CGM, l’actualité est naturellement rythmée par la crise
économique mondiale provoquée par la pandémie de Covid-19. Le groupe continue de se
débattre pour y faire face notamment sur le plan financier, gelant en partie ses investissements.
Cette politique est d’autant plus confortée que l’acquisition de CEVA logistics pèse toujours sur
les finances du groupe. L’ensemble des équipes est donc invité à réduire les couts annexes afin
de préserver les fonds de roulement. Les équipes commerciales sont particulièrement sollicitées
pour une information commerciale utile à adapter les lignes et leurs escales aux besoins d’un
marché fluctuant au gré des situations sanitaires.
Chez l’industriel grand public Pepsi Co, l’entreprise focalise ses efforts sur le
renouvellement et le marketing de sa gamme de produits. Déjà particulièrement étendue, le

226
groupe Américain compte sur cette diversité importante pour conserver et conquérir des parts
de marché en environnement hautement concurrentiel.
Enfin, notre entreprise éditrice d’un SIIO s’engage dans un partenariat de long terme avec
une entreprise consœur, censé lui permettre d’élargir sa clientèle en proposant un service plus
complet. Les activités comptables ou de documentation pourraient ainsi être couverte par ce
système intégré, permettant de s’émanciper de la simple gestion opérationnelle de la logistique.
Notre consultant interrogé a notamment souligné l’importance pour son métier de comprendre
en profondeur les processus de ses clients transporteurs et de contribuer à les redéfinir
conformément aux attributs de la solution qu’il propose. Ainsi, il matérialise le lien nécessaire
entre le monde logistique et ses besoins et celui de l’informatique et de ses développeurs. Ce
consultant incarne donc la position d’un fournisseur direct des 4PL.
Pour donner suite aux questions introductives, utiles à la présentation de nos
interlocuteurs et de l’actualité de leurs entreprises, le premier thème de notre entretien,
consacré à l’instruction de partenariat peut être abordé. Pour rappel, les questions ont été
définies de sorte à découvrir la portée et le type de légitimité et que les praticiens accordent à
chacun des rôles. Comme toute entreprise commerciale, les 4PL priorisent avant tout la
satisfaction de leurs clients directs. Ces derniers sont les destinataires privilégiés de l’offre des
4PL, naturellement façonnée pour répondre à leurs besoins. Ils sont une partie prenante clé, sans
laquelle aucun des rôles ne peut exister et être pérennisé. Il est donc indispensable de lui
accorder une priorité forte dans la conduite de nos entretiens, d’autant plus que déduire de ces
enjeux les implications afférentes au reste des autres parties prenantes semble bien plus aisé. Il
serait d’ailleurs matériellement impossible d’identifier par nos entretiens d’environ une heure
pour chacun, les mécanismes de légitimation appropriés pour tous les acteurs.
Le premier rôle évoqué est celui d’architecte des partenariats assumés formellement par
les 4PL dans le cadre d’un projet logistique d’ampleur dans lequel s’investissent deux ou plusieurs
chargeurs. A la première question, adressée pour identifier la nature et le niveau de complexité
des opérations de long terme chez les 4PL. Ainsi, chez CMA CGM, nos opérateurs choisissent
d’exposer la conception et l’exécution d’opérations multimodales, menées de porte à porte. Ce
type d’opération est naturellement perçu comme complexe pour des praticiens habitués au

227
traitement d’opérations restreintes au transport maritime. Nos interlocuteurs citent ainsi dans
le cadre de ces projets les investissements que le groupe mène dans des plateformes logistiques
ou chambres froides, qu’il convient de rentabiliser.
Notre première question introduit ainsi ce rôle d’architecte et sert à poser les bases d’une
seconde question dont l’objet consiste à rechercher les qualités exigées par les chargeurs
lorsqu’ils font appel à l’architecture de leur prestataire. Ainsi, la capacité à innover est avancée
dans 42% des réponses comme une compétence essentielle pour la signature de contrats de long
terme. Les praticiens font ici référence non seulement à une innovation purement technologique,
comme des outils de tracking en temps réel ou des conteneurs d’un nouveau genre, mais aussi à
la volonté du 4PL de s’adapter aux besoins spécifiques de ses clients.
Second élément déterminant dans le choix des clients, la réputation du 4PL. Elle arrive en
seconde position des réponses avec un coefficient de 33%. Il s’agit pour les chargeurs de
bénéficier d’une fiabilité mesurable le long des trois grands axes de la logistique ; les délais, les
coûts et la qualité de service. La réputation demeure un indicateur fort de cette fiabilité
indispensable pour la logistique.
Troisième avantage concurrentiel décisif, la relation interpersonnelle qu’il importe pour
les commerciaux des 4PL de bâtir à l’endroit de leurs clients sur un terme long. Au-delà de critères
purement rationnels, les liens ainsi établis favorisent l’instauration d’une confiance nécessaire à
la prise de décision. Ils prennent une importance considérable avec tout de même un coefficient
de 22%.
Au sujet du rôle de facilitateur, il nous a semblé intéressant de questionner les praticiens
quant à la contribution des 4PL dans la croissance des échanges commerciaux à une échelle
macro-économique. Ce point de vue apparait en effet plus parlant pour les praticiens et est de
nature à indiquer à quel point il est admis que le 4PL facilite véritablement les échanges
transnationaux entre chargeurs. Cette échelle permet de déduire presque directement les outils
opérationnels mis en œuvre pour assumer le rôle de facilitateur. Elle doit permettre de se rendre
compte, selon les moyens et services qu’il est capable de proposer, si le 4PL est en position de
simple intermédiaire ou d’organisation focale dans les ESL, pour faire fructifier les échanges entre
ses partenaires. Il devient ainsi moteur de croissance pour l’ensemble de son écosystème.

228
Un coefficient majoritaire dans l’absolu juge que ce sont les moyens opérationnels mis en
œuvre par les 4PL qui sont les éléments déclencheurs des grandes vagues de mondialisations
commerciales. Jusqu’à 54% des réponses estiment ainsi que la prestation logistique assume un
rôle moteur et promoteur des échanges. C’est donc parque les 4PL et autres PSL ont créés des
lignes et ont investis dans les moyens nécessaires que ces vagues ont pu se nécessaires que ces
vagues ont pu être déclenchées et se réaliser pleinement.
Une première minorité des réponses, 23% d’entre elles, estime que les 4PL ne peuvent
prétendre au statut de déclencheur ou moteur de la croissance des échanges, bien que
l’importance de leurs investissements contribue à les encourager. Les logisticiens consolident
ainsi les liens entre les clients des chaînes et leurs fournisseurs, à qui ils ménagent des accès
privilégiés à des marchés longtemps demeurés inaccessibles. Ils endossent ce rôle partout dans
le monde, démocratisant l’accès aux échanges commerciaux.
Pour une seconde minorité des réponses et à égalité avec la précédente, 23%, le moteur
des échanges commerciaux est tout autre. Sans nier aux 4PL leur indispensable rôle pivot, ce
moteur est à chercher ailleurs que dans la prestation logistique. Il relève davantage des NTIC
notamment ou de la volonté émanant des peuples de commercer, d’ouvrir leurs frontières et
d’exporter leur mode de vie.
Troisième rôle soumis au jugement des praticiens, celui de coordinateur. Le statut de
véritable fondement de la prestation logistique ne peut être remis en question s’agissant de la
coordination opérationnelle entre chargeurs. Elle est nécessaire et attendue, relevant du cœur
de métier des prestataires de toute catégorie. Il convient cependant de mesurer jusqu’à quel
point elle peut être assumée par le 4PL. Ainsi, nous devrions parvenir à évaluer la disposition des
chargeurs à lui accorder un contrôle plus ou moins étendu sur leurs processus, pourvu que cette
coordination leur épargne malentendus et opportunisme.
Un peu à la manière de nos interrogations sur le rôle d’architecte, notre première
question ne sert qu’à introduire le sujet de la coordination et à poser les bases de la question
suivante. Cette dernière, identifiant les moyens mis en œuvre pour coordonner, donne des
indications quant à la mesure de la légitimité de ce rôle.

229
Pour assumer leur rôle de coordinateur le long des chaînes, la transparence de
l’information comme solution essentielle s’impose largement en tête des réponses avec un
coefficient de 77%. Pour nos praticiens, il convient ainsi de faire parvenir de manière quasi
permanente et en temps réel des notifications du 4PL vers les chargeurs afin de simplement
informer de l’état d’avancement des opérations ou d’alerter de complications éventuelles. Le site
web doit afficher directement sur sa page d’accueil un moteur de recherche dédié au tracking
afin d’assurer la simplicité d’accès à ce service. En outre, le 4PL se doit d’intervenir auprès de ses
clients pour conseiller, orienter et engager aux réformes, adoptant ainsi une attitude proactive
sur le sujet.
Ensuite, reconnaissant le rôle de coordinateur logistique indissociable des 4PL, certains
de nos répondants se montrent plus nuancés quant à l’applicabilité de ce rôle. Ainsi, pour 23%
des réponses recueillies, le travail de coordination du 4PL devrait être restreint de manière à
n’engager aucune forme de responsabilité dans les blocages éventuels. Le prestataire ne peut
orienter ses ressources à la faveur d’un engagement trop profond dans les processus de ses
chargeurs, qui le contraindrait au respect d’engagements dont la rigueur ne peut être assurée
sur un terme long. Il s’agit donc d’une mise en garde appelant à se préserver de situations hors
de contrôle, ne relevant de toutes manières, pas des prérogatives premières d’un prestataire
logistique.

Pour introduire le second thème de notre guide d’entretiens, les praticiens sont
questionnés quant à leur capacité, à intégrer volontairement clients et fournisseurs. Carbone
(2004) insiste sur la nature du lien que le 4PL crée et renforce entre fournisseurs et clients le long
des chaînes. Il est d’abord commercial avant de se muer en consolidation opérationnelle. Il
convient encore une fois d’identifier les moyens que le 4PL est disposé à aligner, et ses chargeurs
disposés à accepter, pour créer ces liens et les renforcer. Notre question pose explicitement
l’intention potentielle du 4PL à pousser ce rôle d’intégration au point de suggérer de sa propre
initiative des rencontres entre clients et fournisseurs.
Nos interrogations révèlent que pour les praticiens, les 4PL ont un rôle à jouer dans le
renforcement avant tout des échanges entre les marchés. Cette idée arrive en tête des réponses

230
avec un coefficient de 40%. Il s’agit donc de simplement intensifier les services déjà existants, à
savoir les dessertes maritimes ou routières, pour déclencher une intensification des échanges
entre les tissus économiques et sociaux des régions.
Seconde réponse suivant de près la première avec 35% des retours, le 4PL doit s’abstenir
de s’ingérer les relations entre chargeurs. Il convient de considérer ces derniers comme
suffisamment responsables pour se rencontrer et convenir selon leurs attentes des pratiques
appropriées pour entretenir leurs échanges. Proposer de les réformer est jugé à risque pour le
4PL. Il mettrait en jeu toute sa crédibilité en s’aventurant au-delà de ses cercles de compétences,
exposant ainsi ses activités plus traditionnelles.
Pour certains répondants enfin, représentant 25% des réponses apportées, le 4PL peut se
permettre de créer ou renforcer ces liens entre fournisseurs et clients mais de manière
occasionnelle et officieuse, et à la condition de suivre une requête expresse de l’une des parties.
Il initie alors des rencontres entre organisations toutes considérées comme fiables. En effet,
engageant une partie de sa responsabilité, le 4PL s’assure que l’ensemble des parties puisse
démontrer d’une rigueur professionnelle, écartant toute défaillance dans la nouvelle relation
commerciale. Aussi, la relation qui les opérateurs avec les deux parties mises en contact est
souvent personnelle et ancienne.
Face au rôle de médiateur, rappelons en premier lieu à quel point l’Histoire du groupe
CMA CGM est marquée par le transport maritime. C’est la croissance exponentielle de cette
industrie qui a porté celle de certains de ses armateurs, aujourd’hui devenus multinationales
capables de financer leur diversification. Ainsi, chacun de ces prestataires aujourd’hui 4PL a
inévitablement été un PSL très spécialisé qui, fort de ses succès, a su s’extraire de son cœur de
métier historique. Alors que CMA CGM émerge du secteur maritime, d’autres comme Geodis,
filiale de la SNCF, se sont structurés autour du transport ferroviaire. Cependant, quelle que soit
la dimension atteinte par ces 4PL, leur diversification ne peut raisonnablement être financée par
leurs seuls fonds propres. En effet, la dimension des actifs physiques ne peut matériellement
suffire à couvrir les besoins logistiques mondiaux d’un portefeuille de clients qu’il demeure
indispensable d’étoffer, pour espérer la rentabilité. Il convient donc de bâtir un réseau de
partenaires fiables, à qui sous-traiter sans crainte. Diversification et médiation entretiennent

231
donc un lien positif direct, justifiant d’orienter notre question sur le premier sujet, bien plus
évocateur pour nos praticiens.
Plus précisément, l’objectif est à ce stade d’identifier les modes privilégiés de
diversifications. Les réponses apportées devraient ainsi nous indiquer à quel point le partenariat
externe est privilégié des experts du métier. La première interrogation, à l’image des rôles
précédents, sert à introduire le sujet, bien qu’elle puisse réserver quelques surprises. En effet,
pour nos répondants, la stratégie de diversification privilégiée peut ne pas s’appliquer aux
métiers de la logistique mais aux services proposés par exemple. De telles réponses
délégitimeraient en partie le rôle de médiateur chez ces 4PL.
Conformément à nos attentes cependant, une majorité confortable des réponses, avec
un coefficient de près de 60%, privilégie une diversification métier pour leur entreprise. La nature
même des déclinaisons opérationnelles de l’offre doit ainsi être élargie pour poursuivre la
croissance et assurer une pérennité aux affaires. Pour nos répondants, y compris fournisseurs et
clients des 4PL, ces derniers doivent étendre leur contrôle le long des chaînes logistiques. Cette
conquête passe par la capacité à emprunter différents modes de transports, incluant
l’accomplissement des formalités administratives associées. La stratégie opérationnelle du
groupe CMA CGM se focalise ainsi sur cet objectif, mobilisant toutes les équipes, des
commerciaux, invités à vendre, aux opérationnels, chargés de mettre en œuvre. Le groupe ne
compte cependant pas uniquement sur ces derniers, que des formations rapides ne peuvent
transformer en experts. Ils sont donc appelés à créer les partenariats pour couvrir un maximum
de zones géographiques.
Bien que majoritaire, cette réponse n’est pas unanime, démontrant que les 4PL
envisagent la prospérité de leurs activités autrement. Ainsi, chez CMA CGM, certains considèrent
qu’il est préférable pour leur entreprise de se restreindre à un développement continu des lignes
maritimes. Ainsi, pour 20% des réponses, la meilleure stratégie de différenciation pour le groupe
CMA CGM est de créer de nouvelles escales afin tout simplement « d’aller là où nos concurrents
ne vont pas ».
Ensuite, 13% des réponses apportées évoquent une troisième idée de diversification.
Cette dernière serait intermédiaire, entre la radicalité d’une diversification métiers et le simple

232
développement des lignes maritimes. En effet, se restreignant à ce secteur cœur de métier du
groupe, certains de nos répondants du groupe CMA CGM plaident pour l’internalisation de
services annexes, utiles à étoffer ces prestations. A titre d’exemples sont cités l’assurance cargo
ou le tracking en temps réel.
Une minorité des réponses apportées, avec un coefficient de seulement 7%, se montre la
plus radicale. Pour certains praticiens en effet, leur organisation devrait entreprendre des
investissements durables dans certaines filières productives, notamment agricoles. L’idée aurait
déjà ainsi été évoquée par le management du groupe à l’occasion d’une réunion. Il s’agirait ainsi
de contribuer au développement de petites exploitations agricoles dans certains pays en
développement.
Le caractère explicite du rôle d’arbitre nous permet de l’aborder sans détour auprès de
nos praticiens. Les cas de conflits clients-fournisseurs sont récurrents en logistique et la question
devrait se révéler évocatrice, suscitant des réponses claires à notre interrogation.
Sans constituer la majorité absolue, un pourcentage assez élevé des réponses, 42%,
reconnaît le caractère inévitable du rôle d’arbitre qui s’impose aux 4PL. En effet, c’est bien
souvent dans la situation d’otage que se trouve le 4PL du fait d’un gel du processus logistique
entre clients et fournisseurs. Le 4PL a donc tout intérêt à s’investir pour favoriser les accords à
l’amiable afin de sortir d’une impasse extrêmement coûteuse. Les praticiens affirment ainsi
s’activer à transmettre et traduire, au sens propre comme au sens figuré, les points de vue
d’acteurs séparés par la barrière de la langue et la distance géographique. Il s’agit d’intensifier la
communication, mettant à profit le réseau d’agences du groupe, avant de chercher le
compromis. La plupart du temps, les initiatives font intervenir le réseau d’agences de l’armateur,
permettant un contact privilégié avec chaque partie.
Pour d’autres répondants, il convient de répondre à l’urgence tout en minimisant les
risques. Ainsi le 4PL fournit de premiers efforts pour rapprocher les parties en conflits et parvenir
à une solution convenable. Si la démarche ne montre aucun signe de déblocage, il faut s’interdire
davantage d’investissements pour laisser les services juridiques contraindre à la résolution du
conflit Le 4PL éviterait ainsi une implication aventureuse autour de sujets qu’il ne maitrise pas,

233
et pour lesquels il n’est de toute façon pas concerné, même s’il en subit les conséquences. Ces
réponses totalisent un coefficient important avec tout de même 37% des réponses apportées.
11% des réponses vont plus loin estimant que leur groupe doit purement et simplement
éviter de s’impliquer dans la résolution des conflits. Prendre ce type d’initiatives fait directement
peser une responsabilité trop grande alors que des désaccords d’ordre financiers ou légaux sont
en jeu. Le 4PL doit donc accorder un délai concret à ses chargeurs pour leur permettre de
s’accorder. A son terme, le service juridique doit intervenir pour permettre un retour des
équipements immobilisés. Les commerciaux, premiers concernés pour arbitrer, n’interviennent
donc à aucun moment.
Enfin, dernière réponse apportée avec un coefficient d’environ 11%, le 4PL jouerait un
rôle d’arbitre par anticipation. En effet, en connaisseur des enjeux liés aux processus logistiques
longs et complexes, certains répondants soutiennent qu’en bon 4PL, il convient d’assumer un
rôle dans la prévention des différends. Il s’agit ainsi d’accorder certaines latitudes aux chargeurs,
par le biais d’offres commerciales adaptées à leurs besoins. Par exemples, en accordant des jours
gratuits d’immobilisation d’équipements, le 4PL prend en charge certains couts potentiels non
seulement pour valoriser son offre, mais aussi pour éviter que les malentendus susceptibles de
dégénérer en conflits ouverts.

5.1.3 Exposé des réponses en lien avec l'accélérateur de


performance et le vecteur de développement

Nous introduisons le thème trois avec la question de la légitimité du rôle d’innovateur.


Différenciation et innovation sont des sujets souvent étroitement liés. Or, les offres de service
classiques de la logistique se prêtent traditionnellement peu à la différenciation. Les critères de
choix privilégiés par les chargeurs se restreignent ainsi à la compétitivité tarifaire, le
raccourcissement des délais et quelques annexes, propres à étoffer la qualité de service. Sur ce
dernier axe, l’intérêt est souvent porté sur la réactivité des prestataires ou un professionnalisme
propre à minimiser les erreurs.

234
C’est justement à ce niveau que se situe la réelle valeur ajoutée des 4PL. Ils proposent des
grilles tarifaires majorées contre une réelle différenciation opérationnelle, lorsque comparée au
service simple et basique des prestataires plus classiques. Les 4PL fonderaient ainsi leur modèle
sur une innovation utile, censée justifier les couts qu’ils représentent, donc leur existence même
le long des chaînes. Ainsi, de même que diversification et médiation entretiennent une relation
positive, il en va de même pour innovation et différenciation.
Notre question aux praticiens est donc naturellement axée sur les possibilités d’avantages
concurrentiels qui, pour les 4PL, ont de fortes chances de relever de leur capacité novatrice. La
légitimation de ce rôle dépend directement de la priorité que nos praticiens accordent à
l’innovation pour se différencier, allant ainsi au-delà des critères plus traditionnels de la
prestation logistique. De plus, cette interrogation présente l’avantage d’être évocatrice pour le
quotidien de tout praticien qui se donne inévitablement le temps de conjecturer sur ce type de
questions d’ordre stratégique.
Une seconde question approfondit l’idée d’innover pour se différencier. Elle doit
réorienter les débats autour de cette question au cas où la réponse à la première question s’en
éloigne. Nous espérons ainsi obtenir le point de vue des praticiens malgré le peu d’égard qu’ils
auraient accordé au sujet.
Dans l’ordre d’importance des réponses recueillies, une qualité de service faisant avant
tout référence au professionnalisme des équipes et au contact humain arrive en tête des
réponses avec un coefficient de 35%. Ainsi, pour nos interlocuteurs, les chargeurs sont avant tout
demandeurs d’une exécution accomplie et professionnelle des opérations logistiques. En outre,
les commerciaux jouent un rôle central pour bâtir des relations de confiance, rassurantes pour
des clients disposés à s’engager sur le long terme. Ces attributs sont les déterminants de
l’engagement, de la fidélité du client et des recommandations interpersonnelles qu’il peut
formuler après de ses pairs. Ils s’inscrivent dans la politique de « user experience » ou
« expérience client » prônée par les services marketing, utile au renouvèlement des contrats. Elle
est donc à prioriser dans le jeu concurrentiel, avant la création d’une différenciation purement
technique. Il s’agit donc pour les logisticiens de développer des compétences avant tout
relationnelles et commerciales.

235
Seconde réponse recueillie à quasi-égalité avec la première, fait une référence plus
directe à l’innovation. Les praticiens soulignent en effet les exclusivités techniques et
opérationnelles que leur groupe peut tenter de créer pour marquer sa différence sur le marché.
Ainsi, des investissements sont lancés pour créer une longueur d’avance technologique avec les
outils de tracking en temps réel par exemple. Il est assuré pour toute opération de transport dans
le monde et directement accessible depuis la page d’accueil du site web, ce qui semble faire
défaut à certains acteurs du marché. La dématérialisation documentaire est également vantée
comme étant une facilité pratique pour des chargeurs dans l’urgence. Les services annexes tels
l’assurance-cargo sont en considérés comme des innovations différenciatrices sur le marché car
encore absente de l’offre concurrentielle. De plus, nos répondants révèlent les sollicitations de
leur management pour encourager la créativité et l’esprit d’initiative des équipes. En front end
des 4PL, ces opérationnels sont les premiers à l’écoute des clients, donc les mieux à même
d’imaginer des nouveautés utiles pour leur marché.
Troisième réponse apportée en termes de récurrence avec un coefficient de 18%, le
travail mené par les commerciaux pour identifier avec finesse leur marché, selon une multitude
de critères. La démarche fait partie des nouvelles stratégies commerciales mises en place par les
4PL pour sonder les besoins de leurs clients et y répondre de la manière la plus appropriée
possible. Un outil informatique est ainsi mis à la disposition des opérationnels, qu’il convient de
renseigner pour chaque client de l’importance de ses flux, de leur nature ou des zones d’origines
et de destinations de leurs échanges. Ce travail implique un recensement des chargeurs effectifs
mais aussi potentiels, afin que l’offre de service leur soit adaptée avant d’être les cibles de
campagnes commerciales réfléchies.
Enfin, dernière réponse apportée à hauteur de 12%, les répondants rappellent
l’importance des campagnes promotionnelles menées par le service des relations publiques. Les
4PL, en multinationales puissantes, ne peuvent se permettre de négliger leur image de marque,
pan central pour leur réputation. La vigueur promotionnelle est ainsi censée convaincre les
chargeurs en ménageant une présence forte sur le marché.
Le rassemblement de volumes, et ses motivations sous-jacentes, à savoir la maximisation
des économies d’échelle est au cœur de l’actualité pour les 4PL. Il s’agit d’une occasion

236
intéressante pour questionner nos praticiens auprès de qui le sujet devrait se révéler
particulièrement évocateur. En effet, les crises à répétition réduisent dangereusement les
marges bénéficiaires des grands 4PL qui dans le même temps, doivent s’accommoder de couts
fixes très élevés. Les profits perdent ainsi en constance, ajoutant à la difficulté de gestion
financière. Pour ne rien arranger, l’offre s’est multipliée durant les décennies de croissance, avant
de faire face à cette demande devenue brusquement apathique.
La réaction collective face à une situation de surcapacité de l’offre a été pour les 4PL de
procéder à des fusions-acquisitions ou, à défaut, de conclure des alliances stratégiques.
Consolidant ainsi leurs moyens, il devient largement plus simple de rentabiliser des équipements
dont la fréquence d’usage est réduite selon un principe de rotations entre les partenaires. C’est
donc ce choix stratégiques, engageant à un processus collectif de rassemblement que nous avons
cherché à soumettre au jugement des praticiens.
En tête des réponses avec un coefficient de 47%, la reconnaissance dans ces systèmes
d’alliances, d’une contrainte devenue inévitable pour l’ensemble des acteurs membres de cette
industrie. Les commerciaux interrogés sont en effet en première ligne pour mesurer qu’un
ralentissement prononcé des flux sur les marchés fait face à une surcapacité marquée de son
offre. Cette dernière résulte à l’économie d’échelle avec un alignement massif d’équipements
qui, d’avantage compétitif, s’est transformé en condition de survie. En effet, pour le transport
maritime à titre d’exemple, les porte-conteneurs les plus récents doivent excéder une taille
critique pour se donner accès à ces indispensables économies d’échelle.
Tout en y reconnaissant un passage obligé, certains répondants se montrent plus mesurés
à l’égard des bienfaits de telles alliances. Ils y voient une menace pour les intérêts purement
commerciaux de leur entreprise dans la mesure où certains concurrents, devenus alliés de
principe, se saisissent cette opportunité pour pratiquer un dumping abusif. Les accords négociés
font en effet preuve de largesse, autorisant un accès réciproque à des informations aussi
sensibles que les structures de coûts ou l’identité des clients chargeurs. Dans 35% des réponses,
nos répondants révèlent éprouver un sentiment d’injustice dans le cadre d’accords qui voient le
groupe CMA CGM, exerçant un contrôle confortable sur d’importantes parts de marché, s’allier
à des concurrents bien moins performants. Ces derniers ont ainsi pu se donner accès non

237
seulement à des informations précieuses, mais aussi à des standards de qualités plus élevés, tout
en conservant une liberté totale dans la définition de leurs politiques tarifaires.
Une minorité de nos praticiens, représentant 18% des retours, voit au contraire des
opportunités commerciales dans ces systèmes d’alliances entre 4PL. Il s’agit d’appliquer un effet
miroir à l’argument avancé précédemment. Les menaces des concurrents peuvent ainsi être
retournées contre eux, en exploitant autant que possible les informations et services désormais
accessibles. Le versement d’allocations en compensations des espaces de chargement ou la
documentation telle que le manifeste de cargaisons sont autant de moyens nouveaux en faveur
d’un benchmarking utile.
Il peut être raisonnablement attendu d’un consultant qu’il dispose d’une expertise
avancée dans un domaine technique ou managérial, associée à des qualités de pédagogue pour
expliquer et convaincre. Nous avons tenté de savoir, à l’aide de trois questions soumises à nos
praticiens, s’ils estiment que les 4PL vérifient ces attributs. Auquel cas, cela indiquerait qu’un 4PL
d’une telle envergure prodigue, de manière formelle ou non, des conseils utiles pour la
performance des chaînes.
La première question est fortement orientée autour des innovations techniques et
opérationnelles de l’industrie logistique. Pour un 4PL, conseiller ses chargeurs et adapter des
solutions implique la production d’un effort de formation volontaire et substantiel. Il est censé
promouvoir l’offre du groupe grâce à une valeur ajoutée réelle, la contribution au
renouvellement des processus SCM de ses clients.
La réponse à cette question se révèle positive pour une large majorité des répondants
avec un coefficient de 70% des retours. L’effort de former est justifié par son intérêt à
professionnaliser les pratiques des services logistiques chez les chargeurs. Ils préviennent ainsi
les malentendus notamment en faisant adopter un langage commun et approprié. Les
commerciaux prennent le temps d’expliquer à leurs clients les avantages d’une méthode de
travail sur une autre ou de convaincre de l’intérêt d’adopter un outil nouveau comme le e-
commerce par exemple. Leur disponibilité à renseigner ces clients, les orienter vers des solutions
appropriées à leurs besoins spécifiques se réalise dans l’espoir d’améliorer les relations d’affaire.
En outre, nos répondants soulignent l’intérêt de ces démarches en faveur d’une confiance

238
interpersonnelle. Certains commerciaux admettent ainsi que la diversité des contextes peut
inciter à orienter ponctuellement leurs clients vers des solutions alternatives à l’offre de leur
entreprise, simplement pour favoriser une relation de long terme. A l’exception de rares
occasions comme le lancement d’un service inédit et réellement innovant, le conseil est donc
prodigué de manière informelle, faisant partie intégrante de l’effort commercial.
Pour la minorité restante des réponses, 30% donc, le conseil et la formation relèvent des
prérogatives de la communication officielle. Chez les 4PL, il serait donc à la charge de ce service
de promouvoir et d’expliquer les solutions et services innovants. Le quotidien des opérationnels
ne peut donc s’y atteler, se limitant avant à la vente pour les commerciaux et la conduite des
activités pour les opérationnels. Le terrain ne permet donc pas à ces professionnels de
s’aventurer plus loin qu’un travail de renseignement limité et la résolution de blocages
opérationnels.
Notre seconde question cible de manière détournée mais plus spécifique encore la
légitimation de ce rôle de consultant. En effet, en tentant de mesurer l’évolution du métier de la
logistique, potentiellement vers plus de complexité, le besoin d’un expert en la matière le long
des chaînes, disposé à partager son savoir, s’en trouve renforcé, au point de devenir
indispensable. Cette interrogation doit également permettre d’identifier les grands facteurs
d’évolution dans le domaine de la prestation logistique, données en elles-mêmes hautement
instructives. Les dix années d’ancienneté moyenne de nos répondants se révèlent
particulièrement précieuses pour cette question.
Le renouvellement de plus en plus fréquent des Nouvelles Technologies de l’Information
et de la Communication (NTIC) représente pour 58% des retours de nos praticiens, le défi majeur
de la décennie précédente. Ces technologies ont contraint chaque opérationnel à diversifier ses
domaines d’intervention de chacun, les contraignant à se former en continu pour être polyvalent
et assumer des responsabilités additionnelles. C’est donc leur quotidien même qui s’en est rendu
plus exigeant, à presque tous les niveaux. Ce point de vue est particulièrement avancé par les «
anciens », qui reprochent à l’intégration des NTIC un détournement de leur attention au
détriment des tâches qu’ils considèrent comme centrales et vraiment productives pour leurs
métiers. D’autres praticiens reconnaissent leur importance, notamment pour les grandes

239
multinationales dont la dimension contraint au recours des systèmes d’informations intégrés
pour contrôler, manager, informer ou exécuter les activités. Il est d’autre part intéressant de
noter que ces deux groupes sont unis par leur remise en question des contraintes traditionnelles
du travail.
Pour quasiment le reste de nos réponses, soit 42% d’entre elles, la cause principale de
complexification du secteur est à attribuer à une récente intensification de la concurrence. Elle
représenterait un défi majeur pour chaque entreprise et leurs opérateurs. Ce défi concerne
particulièrement les commerciaux qui pour chaque client et chaque contrat, doivent se débattre
contre d’autres 4PL, voir PSL spécialisés aux prix bien plus attractifs. Les offres de services sont
souvent jugées équivalentes par les chargeurs et le critère du prix devient le seul à être pris en
compte. Les clients font naturellement usage, dès qu’ils le peuvent, du jeu de la concurrence à
leur profit. Ils en deviennent mécaniquement plus difficiles de convaincre. Cette congestion sur
le marché n’est pas sans conséquence d’un point de vue purement opérationnel où elle se
répercute de manière équivalente. Les infrastructures logistiques, qu’il s’agisse du port, de
l’aéroport et de leurs entrepôts, sont sujets à de plus en plus congestionnés, situations qui
engendrent des retards et hausses de couts.
Notre troisième et dernière question sur ce rôle laisse aux praticiens la liberté d’avancer
les qualités et compétences devenues aujourd’hui essentielles à l’exercice de leur métier. Leurs
réponses doivent donner des indications plus claires quant au niveau de technicité qui pourrait
caractériser l’intervention d’un 4PL consultant. Des attributs liés à une expertise technique plus
exclusive ou des qualités relationnelles renforcent le crédit attribuable à un rôle de véritable
consultant.
C’est une confirmation que nos praticiens apportent ici avec une compétence purement
estiment jugée indispensable avec un coefficient de 53% des réponses. Ils reconnaissent ainsi le
niveau de complexité difficilement accessible que leur métier a pris depuis une vingtaine
d’années. Le management chez CMA CGM attendrait ainsi de ses opérateurs qu’ils sachent porter
leur savoir-faire au-delà de leur service d'appartenance. Les opérationnels sont encouragés à
développer une vision transversale, favorable à la polyvalence et la synergie entre départements.

240
Cette qualité souvent jugée essentielle, notamment pour établir un service commercial de
qualité.
La seconde réponse des praticiens semble achever de valider ce rôle du 4PL consultant
puisqu’il nos praticiens choisissent de placer en seconde position de leurs réponses la relation de
confiance, ou le contact humain. Naturellement, ce sont avant tout les commerciaux qui mettent
en avant ces réponses, représentant 47% des retours. Ainsi, plus la relation est jugée personnelle,
plus le client se montre disposé à l’approfondir, renonçant au passage à certaines exigences
purement rationnelles comme le prix par exemple.
La connexion entre les territoires est la première question de notre quatrième thème. Elle
est permise et particulièrement renforcée par les solutions logistiques du 4PL, censée favoriser
les échanges et, par voie de conséquence, la croissance économique et le bien-être des
populations. La réalité est cependant bien plus nuancée. L’impact écologique de leurs activités
en premier lieu, est non négligeable. Il est ainsi intéressant de noter qu’à la visite des sites web
de chacune des entreprises visitées, les démarches liées à la préservation de l’environnement,
qu’elles soient consacrées à la promotion du recyclage ou la réduction des gaz à effet de serre
par exemple, monopolise l’actualité. C’est notamment le cas pour les multinationales, CMA CGM
et Pepsi Co, qui orientent leurs politiques de relations publiques sur ces thèmes particulièrement
chers à la collectivité.
Aussi, la contribution des 4PL soumet les marchés et leur tissu économique et social à une
concurrence forcément exacerbée. Le phénomène menace les PME de pays en développement
qui affrontent à arment inégales les grandes multinationales occidentales. Ces dernières à leur
tour, cèdent des parts de marchés face à des industriels Asiatiques, capables de produire en
s’accommodant de structures de couts bien moins contraignantes.
Le bilan des 4PL en termes de développement semble donc particulièrement complexe et
ambigu. Il importe donc de donner à nos répondants toute la latitude nécessaire pour s’exprimer
librement sur le sujet.
Pour 9 répondants sur 10, l’impact purement économique de la prestation logistique
serait presqu’entièrement positif. Nos praticiens rappellent les avantages associés aux
investissements de toute entreprise commerciale, valorisés à mesure de leur importance. Ainsi,

241
les 4PL créent nombre d’emplois partout où ils interviennent, bâtissant des agences locales et
formant des équipes. Les dirigeants du groupe CMA CGM sont ainsi particulièrement appréciés
au Liban pour leurs origines du pays du Cèdre. Ils ont établi une agence de premier plan sur place,
comptant aujourd’hui plus de 250 personnes employées dans un contexte économique pourtant
morose.
Autre contribution positive, les 4PL font l’acquisition de matériels divers, consommables
ou non, contribuant à enrichir les entreprises locales, à leur tour, capables de créer de nouveaux
emplois. CMA CGM est une fois de plus un exemple parlant. Le groupe poursuit le développement
de son offre de service par l’investissement avec l’ouverture d’une plateforme logistique
inaugurée en 2018 dans la plaine de la Békaa et de nouvelles escales hebdomadaires dans le port
de Tripoli. Tout cela contribue également à dynamiser l’emploi dans chacune de ces régions. A
Beirut également, les escales toujours plus fréquentes, auxquelles contribuent les concurrents
du groupe, permettent aux opérateurs portuaires de générer des recettes importantes. Ces
profits élargissent d’ailleurs l’assiette imposable, donc la contribution du secteur au budget de
l’état.
Concernant le rôle de mandataire, c’est concrètement le contrôle qu’ils exercent sur les
grandes infrastructures logistiques, position éminemment stratégique, qui fait des 4PL les points
de passage obligé pour les flux de marchandises. Cela justifie que les organismes d’états
choisissent de faire appel à leurs services pour exercer différentes formes de contrôle sur ces
flux, s’inscrivant dans la mise en œuvre de politiques conjoncturelles comme structurelles.
Notre question tente de mesurer auprès des praticiens l’intensité de la coercition ou de
l’influence que les gouvernements peuvent exercer sur les 4PL, en l’occurrence, de l’importance
du groupe CMA CGM.
Les répondants sont unanimes, la présence des autorités publiques se manifeste de
manière quasi permanente dans leur quotidien. Ils se décrivent comme des sous-traitants
privilégiés pour appliquer directement des décisions relevant de politiques économiques ou de
sanctions internationales. Concrètement, les 4PL appliquent les interdictions au chargement de
certaines catégories de produits ou à destination de certains pays. Ils se chargent également

242
d’intégrer à leurs tarifications certaines taxes, dont le prélèvement est ainsi simplifié à moindres
frais pour les autorités.
Dernier rôle enfin de ce thème 4, celui de contrôleur. Il contraint le 4PL à s’écarter de
manière conséquente de son cœur de métier en proposant des services de contrôle qualité ou
de respect de normes sociétales. Ce rôle ne devrait s’appliquer qu’à l’existence d’un véritable
écosystème complexe bâti par ses soins, et à l’endroit duquel il mobilise d’importantes
ressources. Il apparait d’emblée que ce rôle, s’il existe, serait difficilement identifiable du fait de
son caractère parfois implicite et encore rare. Il convient donc d’interroger nos répondants en
faisant référence à un sujet bien pratique, plus évocateur pour chacun d’entre eux.
Une rhétorique semble unir les différents membres des ESL, du prestataire CMA CGM à
ses chargeurs industriels comme Pepsi Co ou distributeurs comme Carrefour par exemple, il s’agit
de la question environnementale. Chacun met en avant les vertus de ses pratiques pour
combattre le gaz à effet de serre ou réduire la pollution au plastique. Considérant cette idée,
nous avons donc choisi d’aborder le rôle de contrôleur assumé potentiellement par le 4PL, à
travers ces enjeux environnementaux. Notre question a ainsi pour objet de reconnaitre la
propension des 4PL à prendre en charge, pour le compte de leurs chargeurs, le contrôle du
respect de normes environnementales par les fournisseurs distants. Concrètement, pour des
raisons commerciales ou autres, CMA CGM est-il prêt à veiller à l’application, sur les chaînes de
ses clients, des normes de RSE dictées par ces derniers ?
Avec un coefficient des réponses de 60%, les praticiens ne se disent que peu convaincus
par les préoccupations environnementales affichées par les grands 4PL. Ils les réduisent à un
simple argument commercial en faveur duquel seules les ressources des relations publiques sont
mobilisées. Il s’agirait donc de donner aux clients de l’entreprise et au grand public, l’image d’une
entreprise responsable à une période où ces enjeux sont au cœur de l’actualité. Ces enjeux
seraient ainsi l’exclusivité des grands groupes qui seuls, ont les moyens de mettre en place des
normes contraignantes. Ils n’auraient d’autre intérêt à le faire que la préservation de leur image.
La démarche n’est donc qu’intéressée et peu de pression sont exercées à l’endroit des nouveaux
entrants dans les ESL.

243
La grille ci-dessous nous sert à synthétiser les réponses obtenues de nos répondants et le
coefficient qu’elles obtiennent selon notre système de calcul décrit dans la partie méthode
d’analyse de nos données.
Tableau 4 - Synthèse des réponses de l’enquête terrain
Thème Rôle Réponse Coefficient Commentaire
Les systèmes d'alliances sont devenus une contrainte pour tous les
4PL face à un marché en ralentissement et une surcapacité de
Contrainte 47%
l'offre. Ils permettent une baisse des couts opérationnels, l'accès à
de nouveaux marchés et des économies d'échelle indispensables.
Les systèmes d’alliances n’empêchent pas les concurrents de se
livrer au dumping. Aussi, il faut subir les décisions de chacun quant
1. Rassembleur Menace 35%
à l’exploitation de leurs actifs. Certaines alliances avec des PSL
peuvent également créer une méfiance entre partenaires.
Opportunité de conquérir de nouveaux marchés grâce aux services
des concurrents et de mieux surveiller leurs politiques
Opportunité 18%
commerciales. Les alliances avec PSL leur permettent de profiter de
la marque et du réseau des grands 4PL.
Détermine le niveau de satisfaction du client face au service
Expérience proposé, sa disposition à renouveler son expérience et la
35%
client recommandation qu'il peut faire à d'autres. Cela inclue une partie

1. émotionnelle et est lié au contact humain.

Accélérateur Avantages Avantage technologique, fréquence des escales, services


35%
techniques supplémentaires et annexes (assurance, crédits…)…
de la
2. Innovateur
Le 4PL dispose d'un outil précieux : ses bases de données qui
performance
Bases de couvrent de larges portions des marchés. Cela repose également
18%
données sur le travail d'identification du marché produit par les
commerciaux.

Communicatio
12% Effort de communication, marketing du groupe.
n / Réputation
La formation du client fait partie de la qualité de service et permet
de prévenir des erreurs et complications ultérieures. Elle se produit
Prévention 70%
souvent sur requête / questionnements du client. Elle se rapproche
de l'activité de conseil prodiguée de manière informelle.
3. Formateur
Former le client à des solutions logistiques nouvelles pour
promouvoir un nouveau service ou un processus nouveau. L'effort
Promotion 30%
est produit par le 4PL de sa propre initiative et va bien sûr dans le
sens de ses intérêts.
Les NTIC jouent un rôle de plus en plus important, rendant les
4. Consultant NTIC 58%
choses parfois plus complexes, plus denses, plus rapides ou plus

244
simples. Elles peuvent également rendre les horaires de travail fixes
moins pertinents.
La concurrence se renforce avec le temps ; le nombre de 4PL et
autres augmente. Cela a pour effet une guerre des prix et des
clients plus exigeants et plus experts dans tous les domaines. Sur un
Compétition
42% plan purement opérationnel aussi, il y a plus de congestions, ce qui
accrue
ne peut que compliquer des opérations toujours plus nombreuses.
Cela va de pair avec la démocratisation du commerce
transfrontalier.
La maitrise technique du métier et de ses enjeux qu'il est
Technique 53% recommandé de porter au-delà du service d'appartenance, simple
maillon d'une chaîne de processus plus longue.
5. Consultant
Les répondants, pour une bonne partie membres du département
Relationnel 47% commercial, mettent en avant les relations humaines qu'ils
entretiennent avec leurs clients.
Par la promotion des services logistiques.
Sous conditions 40% A condition que l'approche se fasse par secteurs d'activités.
Grâce à l'identification de marché.
Il faut respecter l'exclusivité sur certains produits qu'ont des clients.
Il ne faut pas promouvoir certains clients au détriment des autres.
Pas notre
1. Intégrateur 35% Cela engage à une responsabilité et on ne peut rien garantir.
métier
Difficile car accès à une seule partie.
Difficile car marché diffus.

Peut-être
25% Lors de foires et autres salons ou sur requêtes expresse du client
occasionnel
En développant un ensemble de services complémentaires au cœur
Porte à porte 60% de métier. Cela suppose des investissements importants mais aussi
2. Interface dans l'acquisition de l'expertise par le rachat d’experts du marché
des Développer le
20% Plus de lignes, de ports d'escales, d'innovations techniques.
organisations cœur de métier
2. Médiateur Assurance -
13% Promouvoir l’assurance en complément des services logistiques.
cargo
Investir dans
Sous la condition que les agriculteurs aient recours exclusivement à
des filières 7%
nos services
productives
Il faut qu'il y ait confiance entre prestataires et clients impliqués.
Solution à
42% Il faut favoriser une solution par plusieurs moyens ; faciliter la
l'amiable
communication, traduire voire « hausser le ton ».
3. Arbitre
Procédures En dernier recours, pour défendre nos intérêts et éviter d'avoir à
37%
légales subir les dommages collatéraux.

245
Précautions
11% Certaines mesures peuvent servir à éviter les situations de conflits.
aux conflits
Il faut éviter d'assumer une trop grande responsabilité.
Cela n'est pas à la portée de nos compétences.
Il faut éviter de prendre parti, même si l’on entretient des relations
Pas nos
11% interpersonnelles car chacun est client du groupe, au même titre. Il
compétences
s’agit donc de rester des professionnels.
Nous ne traitons qu'avec une partie. Difficile alors d'assumer un
rôle d'arbitre entre les deux.
Un 4PL doit s’efforcer de proposer
• des solutions propres à créer des économies d'échelles
• des innovations de toutes sortes
• une expertise avancée
Qualité de
44% • une valeur ajoutée opérationnelle
service
• une facturation raisonnable

1. Architecte • une personnalisation des services


• des investissements conséquents
• une disponibilité humaine
Réputation d'expertise mais aussi relations dans le monde des
Réputation 33%
affaires qui facilitent les financements.

Contact
22% Elle est essentielle, notamment d’un point de vue commercial.
Humain
3. Instruction Ce sont les innovations techniques (notamment le conteneur) et les
de Moyens du 4PL 54% moyens mis en œuvre par les prestataires logistiques qui ont

partenariats permis la croissance des échanges.


Par de nouveaux services, les prestataires logistiques ont permis à
Nouveaux
2. Facilitateur 23% leurs chargeurs de faire accéder au commerce mondial des régions
marchés
du monde jusque-là délaissées.

NTIC : Moteur Ce sont les NTIC qui ont enclenché et développé la croissance des
23%
des échanges échanges.

Dans ce cas, le rôle du 4PL est de fluidifier l'échange de


l'information, parfois de la traduire, au sens propre comme figuré.
Information 77% L'effort de coordination, qu'il fasse partie des prérogatives du 4PL
ou pas, est potentiellement un avantage concurrentiel sur la
3. Coordinateur
compétition.
Les répondants mettent en garde, il faut veiller à dégager toute
Responsabilité 23% responsabilité. Aussi, informer de manière efficace permet
justement d'éviter que la responsabilité soit imputée au 4PL.

5. Vecteur du Mettre en œuvre les décisions légales (donc en informer ses


partenaires) fait partie intégrante des prérogatives du 4PL. C'est
développeme 1. Mandataire Prérogative 100%
nécessaire s'il souhaite poursuivre sa présence sur un marché ou
nt éviter des amendes et autres pénalités.

246
En tant que prestataire, des moyens peuvent être mis en œuvre
Argument pour remporter un contrat important avec un client-chargeur ce,
60%
commercial tant qu'aucune influence n'est exercée sur une autre organisation
2. Contrôleur afin d'éviter le lobbying notamment.

Pas une
40% Ce rôle ne fait en aucun cas partie des prérogatives d’un 4PL.
prérogative
Investissements et créations d'emploi, recettes douanières et
Positif 90% import, solutions techniques ont permis l'accès au marché des pays
3. Connecteur pauvres.

Négatif 10% Concurrence déloyale, manque de protection des industries locales.

Source : Elaboration de l’auteur

247
5.2 Analyse des réponses

5.2.1 Proposition du modèle d’affaire type des 4PL – instructeur de


partenariats et interface des organisations

Le rôle d’architecte est évocateur d’une technicité particulièrement exigeante. Pour


l’assumer, il importe pour le 4PL de se doter du niveau d’expertise requis afin de concevoir et de
cartographier des processus, pour beaucoup inédits car exclusifs aux exigences d’un partenariat.
Ses idées doivent non seulement être appropriées mais aussi suffisamment robustes pour
s’inscrire sur un terme long. Le rôle d’architecte impose donc la mobilisation d’un large panel de
compétences purement techniques, mais pas uniquement. L’expérience éprouvée du 4PL dans
la conception des partenariats lui est forcément instructive et de bonnes capacités relationnelles
chez ses équipes doivent lui permettre de persuader à l’adoption de ses solutions.
En outre, ce rôle fait assumer au 4PL une responsabilité conséquente puisqu’au-delà du
travail de conception, il lui revient logiquement de garantir le respect de ses préconisations et,
potentiellement, d’assurer la continuité opérationnelle de cette phase introductive des
partenariats.
Les réponses apportées par les praticiens face aux motivations qu’il leur importe de
mobiliser relèguent la compétitivité tarifaire derrière ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler
l’expérience client. Même pour des activités considérées aussi standard que le transport et
l’entreposage, ce dernier serait donc prêt à payer plus cher un service de qualité, privilégiant par
là même des relations stables avec son prestataire. En effet, les industriels et distributeurs
adoptent presqu’unanimement la stratégie de recentrer leurs ressources sur leur cœur de métier
(Mevel et al, 2018), ce que nos praticiens n’ont pas manqué de rappeler. Il importe donc pour les
4PL comme CMA CGM d’investir dans des actifs logistiques durables pour diversifier et surtout
personnaliser l’offre de services, à la convenance des chargeurs.
Chaque partie est donc à la recherche de relations stables, qu’il importe d’étoffer de
services additionnels, customisés, parfois complexes. Inévitablement, le 4PL doit investir pour

249
maintenir ses avancées technologiques et managériales ou se montrer capable d’aligner les
moyens nécessaires. Ces ressources et compétences correspondent de près aux exigences de la
formalisation de contrats logistiques entre ses chargeurs. Ainsi, les réponses récoltées à cette
étape ne suffisent pas à confirmer que le rôle d’architecte soit pleinement assuré par les
opérateurs du groupe CMA CGM. Mais elles autorisent à sérieusement envisager une prise en
charge industrielle de ce rôle pour les 4PL.
La question de la réputation du 4PL arrive en seconde position des arguments favorables
à une souscription à ses services. Elle se construit avant tout par son expérience, mais aussi grâce
au professionnalisme reconnu de ses équipes. La réputation donne également des indications
liées à certaines valeurs intrinsèques comme l’honnêteté. Ces qualités sont cependant utiles en
toute circonstance, allant bien au-delà du rôle de potentiel d’architecte. Alors que les clients
jugent de la qualité de service selon leur propre expérience, la réputation se transmet avant tout
par recommandation, et résulte à moindre mesure de la communication du groupe. Les réponses
des praticiens démontrent qu’elle demeure essentielle dans la sélection du prestataire logistique
faisant écho à un isomorphisme mimétique chez les chargeurs, notamment de petite taille. Ces
derniers ne sont pas en position d’exiger une personnalisation des services et ne recherchent
donc qu’une standardisation fiable auprès d’un acteur reconnu. Cette réponse ne semble pas
fournir d’indication suffisante à valider le plein exercice du rôle d’architecte dans les contrats
inter-chargeurs. De plus, pour ces derniers, déléguer jusqu’à l’élaboration de leur contrat
logistique à un 4PL exige de longuement éprouver ses services, excluant de ne s’en tenir qu’à sa
seule réputation.
Les cadres du groupe CMA CGM semblent tenter, encore aujourd’hui, malgré la taille
industrielle de l’entreprise et ses ambitions de volumes, de préserver une dimension humaine
aux relations clients. Le groupe donne ainsi une judicieuse importance à la confiance, qui, plus
encore que les contrats correctement parachevés, est indispensable pour approfondir les
relations d’affaire. De même que la réputation, l’idée pour les clients de rechercher le contact
humain auprès des opérationnels ne peut faire référence au rôle d’architecte de 4PL que de
manière trop détournée pour constituer une indication formelle.

250
Le groupe CMA CGM a très fortement développé ses ressources et compétences ce, dans
le respect d’une période très courte. La croissance du groupe s’est réalisée au moyen des
acquisitions, à l’image de CEVA logistics ou Delmas. Les opérateurs sont donc encore très
spécialisés à des métiers restreints de la logistique et commencent à peine à acquérir les
compétences transversales que peuvent exiger des rôles aussi complexes que celui d’architecte
des réseaux. Les ambitions affichées de diversification devraient cependant diriger l’entreprise
vers une pratique régulière de cette activité, achevant son mouvement vers la classe des experts
en logistique intégrée.
Une partie importante des réponses recueillies concernant le rôle de facilitateur accorde
un rôle moteur aux 4PL dans la croissance des échanges à échelle mondiale. Selon nos praticiens,
la mondialisation commerciale n’aurait ainsi pu se réaliser sans les innovations des prestataires
et la mobilisation de leurs moyens.
Ces retours ne sont que peu surprenants venant des employés d’un 4PL qui a bâti son
empire sur une révolution technique, le conteneur. L’exemple de cette innovation majeure est
d’ailleurs très approprié pour illustrer le rôle de facilitateur aux échanges assumé par ces 4PL.
Alors que les chargements de flux physiques se réalisaient pour beaucoup à dos de dockers, et
que leur acheminement comportait de nombreuses ruptures de charges, cette boîte métallique
aux dimensions standardisées est venue révolutionner les pratiques. C’est notamment la volonté
d’un entrepreneur de réduire ses couts de transports qui a donné naissance à ce nouveau moyen
simple, qui s’est révélé un promoteur sans précédent pour les échanges. Le transport
transcontinental est en effet devenu grâce à conteneur plus rapide, plus sûr et surtout moins
cher. L’outil a permis l’essor de toute une industrie, mettant à disposition des chargeurs dans le
monde des solutions qu’ils n’avaient imaginées. A ce titre, l’innovation, pensée au profit de
l’offre, a créé une demande devenue au fil du temps dépendante.
La notion de « nouveaux marchés » évoquée par les praticiens est à prendre dans un très
sens large. Elle peut faire référence à des zones géographiques reculées ou enclavées que les 4PL
ont su connecter aux circuits principaux des échanges, comme aux secteurs d’activité qu’ils
peuvent aujourd’hui compter dans leur portefeuille de clients, ce que la technologie ou le déficit
de moyens leur interdisait il y a encore quelques années. Ainsi, il peut être devenu plus rentable,

251
au début du vingt et unième siècle de s’échanger à échelle internationale des marchandises à
faible valeur ajoutée comme certaines denrées alimentaires. C’est le cas du riz ou de certaines
céréales notamment.
La dernière réponse des praticiens retire aux 4PL un rôle prépondérant dans la motivation
aux échanges. Pour certains praticiens donc, les prestataires ne font que s’adapter aux tendances
des marchés et ses modes de consommation, relevant lorsque nécessaire leurs investissements
pour répondre à la demande. Ce serait donc Internet notamment, qui a façonné notre modèle
de consommation en offrant à des milliards de consommateurs la possibilité de consulter,
d’acheter et de faire parvenir jusqu’à leur domicile presque tous les types de produits. Les
chargeurs seraient donc les premiers à avoir repensé leur business model au profit des
consommateurs finaux, que les 4PL n’ont eu d’autre choix que de suivre. Cette idée minimise
ainsi, sans le nier, le rôle de facilitateur aux échanges du 4PL qui demeure incontournable pour
assurer les échanges de flux physiques.
Le rôle de facilitateur est censé pour les 4PL leur permettre d’étoffer leur offre de services
liés au SCM. Il s’agit d’apporter à leurs clients un ensemble de services afférents aux grandes
tâches de la logistique qu’ils proposent traditionnellement, afin de proposer un véritable service
clé en main, utile au chargeur. Ainsi, un 4PL spécialisé dans l’entreposage peut proposer des
services d’emballage et de tri. Un autre, spécialisé dans les systèmes d’information logistiques
multiplateformes peut aller jusqu’à avancer la réparation ou la location de hardwares mobiles
par exemple. Ces services peuvent également, dans le cadre d’un partenariat entre chargeurs
autour d’un actif physique exploité par le 4PL, prendre la forme d’analyse, de rapports de
performances partagés aux membres du partenariat pour servir d’aide à la décision et à la
construction stratégique. Le rôle de facilitateur exige donc des 4PL de faire preuve de créativité,
en étant à l’écoute des attentes de leurs clients pour offrir les suppléments de services qui
sauront convaincre, tout en restant cohérents avec leur cœur de métier. Les services liés au rôle
de facilitateur sont donc directement construits dans un objectif de se démarquer de la
concurrence.
Le rôle de coordinateur correspond de près à assurer une circulation fluide de
l’information afin de permettre à chaque partie de réagir aux blocages éventuels avant les

252
accumulations de charges inutiles et pénalisantes. Sur ce point, le 4PL doit être capable d’assurer
l’optimum des besoins, à savoir une transparence complète et en temps réel sur le déroulé des
opérations. Concrètement, cela passe par les SIIO partagés entre les membres des ESL ou par une
information rendue disponible sur un site web, dans le respect, à l’évidence, de règles de
confidentialité. Transmettre cette information aux clients requiert donc un effort volontaire et
doit être considéré comme un service additionnel. Mais au-delà de ces services, cette initiative
peut suffire à retirer du 4PL toute forme de responsabilité dans d’éventuels incidents
opérationnels.
En cas de conflits, cette communication rendue transparente doit être intensifiée entre
les parties pour expliciter les points de vue. L’exercice implique de traduire les messages, parfois
au sens propre du terme. Les commerciaux des 4PL, comme chez CMA CGM, sont ainsi amenés
à jouer un rôle d’interprète entre clients et fournisseurs distants. Cela concerne également une
forme de langage technique qu’il est important de standardiser dans les réseaux pour écarter les
incompréhensions et retards liés. Le réseau mondial des agences d’un 4PL joue ainsi un rôle
crucial dans ce travail de traduction, permettant aux parties d’échanger rapidement une
information claire et concise. L’exercice est, on l’imagine, des plus délicats car le 4PL se doit de
démontrer à tous les membres de ses réseaux son statut de neutralité. Des initiatives trop
aventureuses pourraient menacer, dans bien des cas, ce statut si important dans le duel client –
fournisseur.
Pour la littérature, le 4PL coordinateur non seulement organise et informe, mais il produit
également une analyse de la performance sur laquelle repose les termes des partenariats entre
chargeurs. Cette mission se matérialise par des outils de reporting sur la qualité de service ou le
respect des engagements mutuels. Les grands prestataires semblent encore accuser un retard
dans l’offre de ce type de service, étant encore en phase d’intégration des outils dédiés. Il faudra
sans doute encore du temps avant de les voir produire des rapports adaptés aux besoins des
réseaux.
Ces réponses donnent des indications décisives, qui, associées aux données relevées de
la littérature, permettent de déduire le business model de ces rôles évoqués dans le thème 1. Le
tableau suivant est ainsi proposé.

253
Tableau 5 - Grille RCOV en lien avec l’instruction de partenariats

INSTRUCTION de partenariats

• Système d'Information
développé pour le partenariat • Personnel dédié
• Compétences et expertises
Ressources • Actifs physiques nécessaires à Actif physique dédié aux
techniques spécialisés
la mise en œuvre du tâches d'emballage…
partenariat
• Degré d'externalisation
• Cœur de métier stratégique,
dépend du terme du
inévitablement interne • Degré d'externalisation
Organisation partenariat qui permet ou
• SI développé en partenariat dépend des volumes à traiter
non de rentabiliser les
avec un spécialiste
investissements
Offre • Architecte • Coordinateur • Facilitateur
• Faible valeur ajoutée
• Prestations rares et à fortes • Prix élevés pour rentabiliser correspondant à des prix bas
Revenus valeurs ajoutées justifiant des les actifs physiques et • Services annexes qui
prix élevés services personnalisés renforcent une offre de
services plus large
• Salaires attractifs pour attirer • Forts couts d'exploitation • Faibles couts d'exploitation
Charges des cadres faisant office de Forts Investissements en Importance moyenne des
consultants spécialisés actifs physiques investissements

Nous abordons à présent les discussions résultantes des réponses apportées en lien avec
le second thème de notre typologie des rôles : le 4PL, interface entre les organisations.
Le premier rôle inscrit dans ce thème est celui du 4PL intégrateur pour qui, prendre
l’initiative de rapprocher un fournisseur d’un client potentiel ou vice-versa, suppose d’endosser
une responsabilité importante, qui n’est même pas directement liée à la prestation logistique. La
pratique se fait donc assez rare. Par le passé, le groupe CMA CGM a tout de même tenu des
rencontres organisées pour établir des liens nouveaux entre fournisseurs reconnus et clients
potentiels. L’idée était alors d’établir des ponts entre entrepreneurs issus de zones
géographiques distantes, avec l’objectif affiché d’initier des partenariats durables. CMA CGM

254
espérait en profiter alors que le groupe projetait de lancer une ligne maritime inédite, sur un
marché peu exploité mais au potentiel important, dont la rentabilité devait reposer sur les
échanges ainsi créés. Les praticiens réagissent à ces faits en rappelant que de telles rencontres
ne peuvent se tenir sans de nombreuses conditions pour canaliser les efforts et minimiser la
responsabilité à assumer.
Les réponses des praticiens traduisent leurs difficultés à imaginer la création de solutions
propres à renforcer davantage les liens entre fournisseurs et clients. Leur vision restreint le 4PL
à des prestations de services classiques, le conduisant à établir une jonction purement
opérationnelle, mais sans être proactive.
Les potentielles rencontres, lorsqu’elles ont lieu avec le 4PL dans la position de l’initiateur,
peuvent se réaliser dans les locaux de l’une des parties impliquées, mais le plus souvent dans les
foires et expositions commerciales. Ces dernières ont tendance à se multiplier à travers le monde,
malgré un ralentissement sans doute temporaire en raison de la pandémie de covid-19. Elles
représentent l’occasion par excellence de rencontrer, et faire se rencontrer, des partenaires
d’affaires. Les 4PL, en lien avec chacune des parties, sont en parfaite position pour établir des
relations interpersonnelles. A l’introduction, il peut convenir de transmettre à chacun des
synthèses sommaires du candidat partenaire avant de laisser les acteurs engager eux-mêmes leur
prise de contact.
Ces initiatives revêtent un caractère parfois clandestin qui dissuade les opérateurs de
livrer des informations trop détaillées. En effet, des mises en relations mal étudiées peuvent
menacer l'exclusivité sur produits dont bénéficient d’autres clients sur leurs marchés.
L’entreprise pourrait être rapidement accusée de favoritisme, mettant en danger ses relations
avec une partie de sa clientèle et pouvant s’exposer à de sérieuses poursuites.
Second rôle du thème 2, celui du 4PL médiateur. Il convient de noter que la stratégie
d’expansion le long des chaînes par l’investissement propre n’est permise que par l’envergure de
certains 4PL, avec le groupe CMA CGM comme parfait exemple. La stratégie privilégiée par le
groupe est celle des investissements en acquisitions, utile pour conserver un maximum de
contrôle sur les actifs. Ce type de croissance externe implique malgré tout que les équipes
réparties dans chacune des entités du groupe coordonnent leurs opérations. Pour vendre une

255
offre de services que techniquement ils ne maitrisent pas, les opérationnels chez CMA CGM
doivent s’ériger en interface entre les chargeurs et leurs homologues de CEVA logistics. La
médiation, entre entités du groupe ou par externalisation ponctuelle, est donc clairement
appelée à prendre de l’ampleur dans l’avenir proche du groupe. Un engagement fort des équipes
dans ce processus de changement repose en partie sur une inévitable formation technique.
L’idée de poursuivre le développement continu du cœur de métier semble déboucher sur
une impasse. Ce choix recouvre un potentiel peu prometteur parce qu’il porte sur un marché en
récession. De plus, toutes les zones géographiques d’importantes et rentables sont couvertes par
plusieurs lignes maritimes et autres offres logistiques. Le reste des régions, plus isolées ne peut
en aucun cas compenser d’éventuelles pertes sur les grandes lignes principales. D’ailleurs,
désenclaver ces zones souvent reculées suppose des investissements lourds dans les
infrastructures dédiées comme les terminaux portuaires.
Les perspectives de développement des services annexes semblent, elle, séduisantes.
Elles ne font pas quitter à un groupe comme CMA CGM son cœur de métier pour lequel un 4PL
dispose déjà de l’expertise et des moyens nécessaires. Ces services ont l’avantage de présenter
une mise en place simple et étroitement liée aux offres de services principales. Leur cohérence
avec le cœur de métier logistique des 4PL renforce leur argumentation commerciale car elle
rassure les chargeurs. Bien souvent, leurs coûts d’exploitations sont peu élevés, favorisant une
rentabilité confortable. Les 4PL exploiteraient ainsi les opportunités de nouveaux gisements de
rentabilité tout en minimisant les risques encourus. L’investissement est en effet réduit car, bien
que des entités dédiées à ces services doivent être créés, le recours aux partenariats auprès
d’experts est inévitable. C’est ainsi que le groupe CMA CGM ratifie des accords auprès de grandes
compagnies spécialisées dans l’assurance par exemple, ou de start-ups novatrices dans le
domaine des nouvelles technologies.
L’idée d’investir dans des filières productives semble relever davantage de l’opération de
communication. Le groupe s’achèterait ainsi une image favorable d’investisseur durable et
équitable, disposé à contribuer au développement de régions rurales encore défavorisées. Dans
le même temps, elle n’est pas dénuée de fondements. L’argument valorisé par le management
en interne, est d’accompagner de petits agriculteurs en manque de moyens et d’expertise dans

256
leur participation aux flux commerciaux mondiaux. Le groupe s’attacherait ainsi la loyauté de
structures en croissance, s’assurant un contrôle logistique pérenne de flux potentiellement
importants. Il demeure regrettable de voir cette dernière réponse récolter aussi peu d’égard
compte tenu de son audace et de son potentiel prometteur. Se mouvoir ainsi en banque au
développement serait peut-être une solution d’avenir sérieuse pour la prestation logistique,
surtout à échelle internationale. Cette idée mériterait sans doute d’être approfondie par des
travaux de recherche additionnels. Pour ce qui est de la médiation, l’ambition affichée de cette
stratégie est de réserver au 4PL un contrôle total sur les chaînes de filières productives. De
manière analogue à la première idée, elle confirme également un rôle de médiateur que le 4PL
peut être capable de s’arroger.
On le comprend, les conditions à réunir pour assumer le rôle d’arbitre sont l’expertise
dans le métier et les processus, ce que nous pouvons difficilement questionner et remettre en
cause car un 4PL est forcément qualifié et son expertise dans les processus dépend grandement
de la durée de sa présence auprès des acteurs. Ce qu’il apparait plus pertinent de questionner,
c’est la deuxième caractéristique essentielle, l’impartialité. Le praticien pourrait
vraisemblablement avoir de sincères critiques à émettre quant aux garanties d’impartialité que
son entreprise est capable d’offrir. Dans le même temps, il se bien compte qu’il est parfois
contraint d’assumer ce rôle d’arbitre en trouvant des solutions aux litiges pour ne pas en subir
les dommages collatéraux.
La première idée évoquée par les praticiens fait assumer aux 4PL un rôle primordial dans
la résolution des conflits. Leurs réseaux d’agences implantées à travers le monde leur font
disposer d’un outillage pratique pour faciliter et intensifier la communication entre des chargeurs
séparés par la distance géographique et les barrières culturelles. Cette traduction de
l’information permet d’éviter que dans nombre de cas, des incompréhensions à l’origine sans
gravité ne dégénèrent en des levées de boucliers de part de d’autre. Au-delà de ses atouts
opérationnels uniques, nos praticiens jugent que le 4PL aurait tout intérêt à l’intervention afin
de préserver la prospérité d’un réseau dont il dépend.
Un second groupe de praticiens se distingue en concédant le caractère effectif du rôle
d’arbitre chez les 4PL, tout en en minimisant la portée. Ainsi, même si cela peut aller dans le sens

257
de ses intérêts, le 4PL ne devrait pas tenter de préserver les relations d’affaires entre clients et
fournisseurs. La démarche lui ferait assumer une responsabilité importante et inutile. Selon ce
groupe de répondants, il conviendrait donc pour le 4PL de se restreindre à préserver ses intérêts
directement en jeu par la mise à terme rapide des blocages engendrés par les situations de
conflits. Il convient ainsi d’exercer un recours direct au droit.
En effet, sur un plan purement opérationnel, le 4PL est subi les dommages collatéraux de
ces conflits qui présentent l’inconvénient de reporter la ratification de contrats ou de bloquer
des opérations en cours. Les ressources du 4PL s’en retrouvent immobilisées, donc
improductives, le temps de parvenir à une résolution satisfaisante pour tous. Le prestataire est
donc le premier à supporter les coûts directs d’immobilisation de ses équipements et de
stationnement sur les ports, de branchements des marchandises réfrigérées… A cela il convient
d’ajouter un coût relevant davantage de l’opportunité puisque les ressources ainsi bloquées ne
sont pas exploitées ailleurs.
Malgré les incitations à intervenir, nos praticiens rappellent à juste titre les risques
commerciaux auxquels s’expose le 4PL par ses interventions. En effet, ses prises de position se
réalisent bien souvent en faveur de l’une ou l’autre des parties en conflit, le contraignant à
compromettre une partie de sa neutralité afférente à son statut d’intermédiaire. Bien qu’elle ne
soit pas toujours possible, l’issu idéale pour toutes les parties demeure l’accord à l’amiable. Grâce
à elle, le 4PL renforce son crédit et préserve ses relations avec chacun de ses partenaires. A défaut
d’une telle solution, il peut donc convenir de valoriser la contrainte légale qui, bien qu’agressive
en apparence, elle est pleinement justifiée par l’urgence de libérer des ressources dont les couts
de l’immobilisation peuvent rapidement se rendre insupportables. De plus, le recours juridique
a le mérite de préserver la neutralité du 4PL alors qu’il transmet la responsabilité décisionnelle
au droit.
La troisième catégorie de réponse apportée par nos praticiens se montre plus radicale
encore dans le rejet du rôle d’arbitre. Au-delà des risques qu’il prendrait pour ses relations
commerciales, le 4PL mettrait également en jeu sa crédibilité, et par voie de conséquence, sa
réputation, en tentant la résolution de conflits ne relevant pas toujours de ses compétences. En
effet, s’il ne s’est pas trouvé dans la position d’architecte des partenariats, il ne peut que

258
rarement se prévaloir des compétences suffisantes pour trancher en cas de désaccords. Les
répondants remettent également en question les compétences des agents même à convaincre
et rapprocher les points de vue. Ce travail requiert un temps de traitement non négligeable, que
l’exercice opérationnel interdit bien souvent. De plus, à l’avantage du maillage dense que
constituent les agences du 4PL, un obstacle pratique peut être opposé ; chacun des agents est en
contact étroit et privilégié avec une seule partie impliquée dans le conflit. La neutralité de ces
agents peut être remise en cause, retirant toute légitimité à leur arbitrage.
Une dernière minorité de nos répondants suggère une facette de l’arbitrage que nous
n’avions envisagé, le travail d’anticipation des conflits produit par le 4PL. Cette réponse rejoint
de manière détournée le soutien au rôle d’arbitre du 4PL. Ce dernier disposerait ainsi des outils
nécessaires à la prévention des conflits, mais aussi à leur résolution. Il s’agirait des remises
commerciales que le prestataire peut choisir d’accorder sur les immobilisations d’équipements.
Les couts liés se rendent bien souvent responsables des conflits et les réductions proposées
contribuent souvent à apaiser les tensions et inciter au compromis.
Les chercheurs membres du courant néo-classique ont su relever le caractère
incontournable de la présence arbitrale dans des réseaux structurés par les formes de contrats
hybrides. Dans une large majorité des cas, la portée qu’ils donnent à ce rôle se révèle tout à fait
fondée. En effet, quel que soit la problématique posée et la nature au sein de laquelle elle
s’inscrit, des clauses contractuelles liant clients et fournisseurs, aussi exhaustives soient-elles, ne
peuvent prévenir tous les cas de conflits potentiels. La complexité du réel et ses évolutions
permanentes sont aux origines des malentendus, omissions et comportements clandestins qui
débouchent presque mécaniquement sur des situations de conflits. Ces cas de figures constituent
l’une des menaces majeures pour la pérennité des réseaux car ils laissent la place à la défiance
et au retrait de la coopération.
Au centre des ESL, qu’il contribue largement à bâtir pour ses qualités de leader et son
expertise purement technique, le 4PL semble doublement indiqué pour assumer ce rôle
d’arbitre. Profondément impliqué dans les processus de nombre des acteurs, il se rend capable
d’intervenir entre fournisseurs, clients voire PSL spécialisés auxquels il se charge souvent de faire
appel.

259
Sa neutralité et le lien qu’il crée entre les parties incitent le 4PL à arbitrer leurs conflits.
Son implication profonde bien souvent l’y contraint. Intervenir entre deux parties en conflits
impose de détenir cette double légitimité, relevant à la fois des compétences et de l’autorité.
Accepter le rôle d’arbitre implique également d’accepter d’endosser une responsabilité qui n’est
pas sans conséquences. Elle fait prendre un risque quant aux relations commerciales avec les
parties mais aussi financier.

Tableau 6 - RCOV de l’Interface des organisations


INTERFACE des organisations
• Actifs physiques nécessaires à
• Réseau de partenaires
la mise en œuvre du
Ressources SI intégré capable de gérer • Position de neutralité
partenariat
les interfaces
• Personnel dédié
• Cœur de métier stratégique, • Fort degré d'externalisation • Intervention possible de
Organisation
inévitablement interne des tâches inévitable spécialistes juridiques…
Offre • Intégrateur • Médiateur • Arbitre
• Commissions prises sur
• Contrôle des flux sur une • Pas de rémunération
chaque opération.
partie des chaînes voir un financière. Crédit auprès des
Revenus Standardisation comme
réseau lorsque l'intégration parties en conflit et
personnalisation sont
prend de l'ampleur préservation d'un business
possibles
• Temps, consultations…
Attention à ne pas froisser
• Dispositifs pour faciliter les • Rémunération des
Charges une partie, cela
rencontres interpersonnelles partenaires spécialisés
représenterait une perte de
collaboration
Source : Elaboration de l’auteur

260
5.2.2 Proposition du modèle d’affaire type des 4PL – accélération
de la performance te Vecteur du développement

Nous ouvrons le thème 3 de notre typologie, les rôles du 4PL en lien avec l’accélération
de la performance, avec celui de l’innovateur.
Alors que la seconde et la troisième réponse marquent sans détour l’importance de
l’innovation pour des prestations de niveau 4PL, la première et la quatrième s’en éloignent, ne
laissant de place qu’à l’interprétation. Leur nature des idées proposées par les praticiens semble
tributaire du métier qu’ils exercent. En effet, un certain nombre de nos interlocuteurs étant
commerciaux, le contact humain est naturellement central de leur point de vue. Ce dernier
valorise leur travail et arrive donc en tête des réponses de manière peu surprenante. Ils sont
sensibilisés dans leur quotidien par leur management et les attentes des clients, en quête de
proximité. La même question adressée à un membre du marketing stratégique, profitant d’une
vision plus globale, produit une réponse autre. Il en va de même de nos répondants impliqués
dans une conduite plus opérationnelle et technique du quotidien. Ils sont également en première
ligne pour mesurer l’influence que les NTIC et les outils logistiques modernes ont exercée sur la
qualité et la fréquence de leurs activités ces dernières années. L’importance accordée aux
relations interpersonnelles trouve également un fondement dans accessibilité. Il semble en effet
beaucoup plus abordable car moins onéreux d’investir dans une amélioration du traitement
commercial que dans la proposition d’une véritable innovation managériale ou technique.
Cette réponse ne fait pas directement référence à l’innovation logistique, que les 4PL
doivent chercher à créer ou simplement mettre en œuvre. Cependant, les relations de long terme
avec les clients, qu’il est important de nouer, implique d’inévitables efforts d’adaptation à leurs
besoins. Le contact rapproché et permanent des commerciaux vise ainsi à mieux identifier ces
attentes propres à chaque client. Pérennité de la relation et efforts d’identification sont ainsi
deux conditions indispensables pour favoriser l’émergence d’une innovation qui, rappelons-le,
est souvent exclusive. En outre, elle est liée à la construction des bases de données clients, dont
l’exhaustivité tend à s’améliorer au sein des grandes entreprises. Structurée et complétée
d’informations diverses, elle doit permettre au 4PL notamment de décider avec plus d’assurance

261
des services qu’il peuvent se permettre de standardiser ou au contraire qu’il leur est
indispensable d’adapter aux besoins des chargeurs d'un pays, d'une région ou d'un secteur
d’activité.
Pour autant, nos résultats constituent des indications directes vers quatre motivations
principales qui pourraient motiver les 4PL à mobiliser d’importantes ressources en faveur de
l’innovation.
D’abord, elle peut être mise en œuvre pour satisfaire des objectifs de réduction des
importants coûts opérationnels. L’un de nos opérationnels s’est ainsi livré à une intéressante
projection quant à l’avenir de son métier, prédisant un rôle central à l’automatisation des tâches
grâce à l’intelligence artificielle. Selon lui, tous les armateurs cherchent à s’approprier un modèle
reposant sur le commerce électronique, sans intermédiaire humain, s’inspirant du géant de l’e-
commerce, Amazon. S’inscrivant dans cette logique, les navires du groupe CMA CGM sont déjà
largement automatisés, ne comportant au plus qu’une vingtaine de personnel d’équipage. Il en
va de même pour les mécaniques tâches documentaires, en partie délocalisées vers des centres
informatiques spécialisés en Inde par exemple. Les activités commerciales, puis opérationnelles,
pourraient s’en trouver elles aussi impactées dans un avenir proche.
Ensuite, l’innovation peut servir de protection solide face aux fluctuations de marché et
éloigner la menace d’une guerre des prix. Elle accorde un supplément de productivité à tous les
acteurs de la chaîne et met à l’abri des situations de crises. En effet, dans les conditions déjà
concurrentielles de la prestation logistique, elle dresse une barrière à l’entrée difficilement
franchissable pour les nouveaux entrants. L’un de nos répondants estime ainsi qu’encore
aujourd’hui, le secteur de la logistique ne tire pas un plein profit de technologies pourtant déjà
disponibles. Les 4PL capables d’adapter des technologies nouvelles à leur métier peuvent donc
se donner un avantage concurrentiel important et augmenter leur rentabilité par une réduction
directe des coûts opérationnels.
Troisième motivation majeure, l’innovation permet de diversifier les sources de revenus
des 4PL. La question est particulièrement sensible pour ces acteurs en quête permanente de
différenciation. C’est notamment cet axe qui a permis aux PSL d’abord spécialisés et restreints
au statut de simples exécutants de la logistique, d’évoluer vers la position valorisante de 4PL que

262
certains occupent aujourd’hui. C’est une succession d’innovations réussies qui aujourd’hui
permet à ces logisticiens d’assurer une coordination complexe entre chargeurs. Ce travail est
avant tout valorisé par la pointe des technologies de l’information. Le progrès technique ou
managérial crée donc une valeur ajoutée monnayable dans des activités aussi basiques que le
transport ou l’entreposage, qui historiquement se prêtaient peu aux possibilités de la
différenciation. Au-delà d’une offre techniquement mature, l’idée des services annexes évoquée
par certains de nos praticiens se réfère également à cette motivation.
Enfin, grâce aux gains de productivité partagés, l’innovation doit permettre aux 4PL de
démontrer leur expertise à l’ensemble de leur réseau, y renforçant leur légitimité, mais
également au-delà, pour grandir leur prestige. Les clients deviennent ainsi plus captifs de
solutions sur mesure et mieux disposer à étendre l’application des partenariats ce, sur un terme
plus long. Ainsi, le changement productif n’est pas forcément une innovation radicale et peut
s’appliquer uniquement aux processus propres du chargeur ou d’un groupe restreint d’entre eux.
S’inscrivant sur une logique de long terme, cette relation d’interdépendance est sciemment
entretenue par le PSL dans le cadre d’une « stratégie d’enracinement » (Boissinot et Kacioui-
Morin, 2009). Le 4PL se rend également capable de conquérir de nouvelles parts de marchés
lorsque ses solutions modifient le statu quo.
Les propos de nos praticiens indiquent que CMA CGM considère l’innovation comme un
objectif réaliste pour se différencier. Pour des 4PL d’une telle dimension, cela s’apparente à une
contrainte davantage qu’à un choix stratégique.
Le rôle de rassembleur semble relever des principes fondateurs et existentiels de la
prestation logistique, ce, depuis que les prestataires ont progressivement pris à leur compte la
gestion des flux, dévolue auparavant aux grossistes (Chanut et Paché, 2013). C’est en effet bien
parce que les couts fixes des chargeurs seraient trop élevés s’ils prenaient en charge leur
logistique qu’ils choisissent de l’externaliser à des acteurs spécialisés.
S’agissant des 4PL, il convient cependant de tester la légitimité d’une forme avancée du
rassemblement des volumes. La dimension toujours transnationale de ces prestataires aux
moyens importants doit en effet leur permettre l’exploitation de flux à plus grande échelle,
maximisant au passage les économies liées. En effet, l’ampleur de la mobilisation de moyens

263
physiques, décidant de celle de la rentabilité unitaire liée, est devenue un axe stratégique majeur
pour l’ensemble des chaînes. La corrélation a poussé les prestataires à massivement investir
depuis le début des années 2000 dans la construction de moyens comme les porte-conteneurs
par exemple. Les plus volumineux frôlant les vingt-deux milles Equivalent Vingt Pieds (E.V.P).
Malgré le risque de s’exposer à de dangereuses surcapacités face à un marché atone et irrégulier,
aucun des grands acteurs ne peut se permettre de se retirer de la course car il laisserait une place
confortable à sa concurrence.
Ainsi, les gains en productivité ne peuvent que s’accroitre avec la mondialisation des
chaînes qui font multiplier leurs intervenants et les échanges qu’ils entretiennent. La
compétitivité d’une entreprise repose alors largement sur ses capacités à éliminer son superflu
coûteux. C’est là que pour sa position naturelle d’interface, le 4PL est attendu pour créer une
valeur ajoutée grâce au rassemblement maximal des flux physiques. Ses moyens et son expertise,
adroitement mis en œuvre pour traquer les sources d’économies, sont les nouveaux enjeux
majeurs de l’affrontement concurrentiel.
La stratégie, murie avec le temps, a fait naitre des systèmes d’alliances horizontales pour
partager la contrainte des lourds investissements requis par cette maximisation des flux à
outrance. Des coalitions concurrentes se forment ainsi, prévoyant l’exploitation commune des
grands équipements. Le réseau de partenaires, dont la qualité se mesure avant tout par la
fiabilité, est donc une autre ressource, parfois indispensable, dans la démarche du
rassemblement des volumes.
C’est notamment du fait d’un déséquilibre global entre l’offre et la demande que les 4PL
éprouvent d’insurmontables difficultés à rentabiliser seuls l’exploitation de leurs actifs
physiques, dont le volume est pourtant si nécessaire. Conjuguer ces moyens avec ceux de la
concurrence est donc une contrainte pour partager ces exorbitants coûts d’exploitation sans
renoncer aux économies d’échelles. Des quote parts appliqués aux flottes de navires, de camions
ou de plateformes logistiques sont ainsi négociés entre partenaires d’une alliance, naturellement
bien plus faciles à remplir commercialement pour chacun. Les économies d’échelle servent donc
paradoxalement le jeu concurrentiel tout en contribuant à renforcer les alliances et consolider
l’offre. De plus, aucun prestataire ne peut raisonnablement couvrir par ses propres moyens tous

264
les marchés, secteurs d’activités et zones géographiques. Les alliances offrent l’avantage d’ouvrir
de nouvelles opportunités dans la conquête de marchés nouveaux.
L’un de nos répondants, commercial dans une compagnie de transit filiale du groupe CMA
CGM, évoque quant à lui la marque et le réseau d’affaires dont dispose CMA CGM. L’armateur
de rang mondial s’est en effet taillé au fil du temps un prestige dans l’esprit de beaucoup
d’acteurs économiques. L’association à ce nom peut donc représenter un avantage décisif sur le
plan purement commercial. D’autres de nos praticiens sont en première ligne pour se rendre
compte de l’importance stratégique que cette massification des flux, et les économies d’échelle
qui en découlent, a pris dans leur secteur d’activité. Considérer les choix d’investissements de
leur management en ce sens comme une contrainte de survie est une position presqu’unanime
au sein du groupe que nous avons choisi pour nos entretiens. Il importe en effet d’une part de
rentabiliser d’importants couts d’exploitation, et d’autre part, de satisfaire à des attentes
devenues élémentaires pour les chargeurs.
Ce sont donc bien des raisons relevant à la fois de l’offre et de la demande qui font de ce
rôle de rassembleur amélioré une offre de service incontournable pour les 4PL. Une réalité qui
donne toute son importance au partage des gains de productivité obtenus, soumis au jugement
du 4PL et aux conditions de marché. Mais il semble que ce sont avant tout les chargeurs qui se
retrouvent, parfois paradoxalement, grands gagnants de ces systèmes d’alliances entre 4PL. Les
économies d’échelles que ces derniers parviennent à créer sont largement transférées vers leurs
clients ce, pour trois raisons notables.
D’abord, la concurrence est préservée entre réseaux d’alliées et les rudes conditions du
marché contraignent à maintenir des taux de fret relativement bas. Les prestataires se retrouvent
alors dans une position où les alliances représentent le moindre mal, limitant des pertes qui
semblent inévitables. Plus de coopération pourrait être souhaitable dans l’intérêt de toute
l’industrie, mais la solution n’est pas envisageable pour le moment.
En effet, et c’est notre seconde raison, le processus de consolidation du marché est
surveillé de près par les autorités de la concurrence. En lutte contre le processus monopolistique,
elles n’hésitent pas à suspendre des négociations entre prestataires pour protéger les intérêts
des chargeurs. C’est ce qui est arrivé en 2015 à une alliance annoncée entre les trois plus grands

265
transporteurs mondiaux ; Maersk, MSC et CMA CGM. La Chine, marché incontournable, voyait
d’un mauvais œil la prise de contrôle par ce trio de ses échanges avec l’ouest, de surcroît, au
détriment de ses propres armateurs, COSCO et China Shipping.
Enfin, autre facteur pouvant démontrer un bénéfice indirect des clients ; la diversité d’une
offre de service, que les 4PL continuent de développer. En effet, les alliances n’ont pas seulement
mis un terme aux guerres des prix, elles ont également contraint les prestataires à investir des
marchés de niche où des marges bénéficiaires sont plus confortables. Des marchés autrefois peu
accessibles ont ainsi pu se développer grâce à l’accès que les grands prestataires se sont montrés
disposés à leur donner. En outre, la compétition acharnée invite à diversifier les offres de service,
avec des investissements dans les grandes infrastructures comme les terminaux portuaires ou le
transport routier. La réduction des marges bénéficiaires que la stratégie des économies d’échelle
a engendrée a ainsi contraint les grands armateurs comme CMA CGM à conquérir des pans
nouveaux le long des chaînes.
Maximiser le rassemblement des volumes est, on le comprend, une idée rationnelle mais
à double tranchant. Utilisée à outrance dans la guerre commerciale, la stratégie peut rapidement
conduire à l’excès. Elle se rend notamment responsable des situations de surcapacité sur le
marché, contraignant les 4PL à en accentuer l’usage. Par ce cercle vicieux, ces derniers se sont
rendus dépendants des systèmes d’alliances en raison de leurs investissements coupables
d’augmenter les couts d’exploitation. En outre, ce phénomène est en partie accentué par la
hausse des prix du fuel, composante essentielle dans les structures de coûts, à laquelle s’ajoutent
les difficiles conditions de marché. Ces menaces pour la rentabilité des 4PL donnent un peu plus
de crédit à l’idée de partager ces coûts opérationnels par les alliances, rendant plus que probable
la pérennisation des accords.
Rassembler des volumes aussi importants pose le défi d’une qualité de service que les 4PL
ne peuvent se permettre d’altérer au profit de la quantité. Pour faire face au challenge, ils
disposent des agréments technologiques susceptibles d’étoffer par standardisation leurs
prestations. C’est par exemple le cas comme du tracking en temps réel, rendant l’information
transparente pour chacun des chargeurs, quel que soit leur taille. Aussi, des processus adaptés,

266
faits de routines pensées pour être revues et surveillées doivent minimiser les erreurs humaines,
plus courantes du fait de la fréquence et la répétition des tâches.
De plus, il existe des contraintes opérationnelles qui ont, elles aussi, une incidence sur les
performances commerciales. Par exemple, CMA CGM se doit d’honorer ses engagements de long
terme, même dans les moments où ces derniers perdent de leur intérêt commercial et financier.
Dans d’autres cas, l’entreprise doit subir les décisions contraignantes de ses partenaires, maîtres
à bord sur leurs propres navires. Les contrats d’alliance font ainsi inévitablement renoncer à une
partie de la marge de manœuvre.
Notre transitaire évoque l’ambiguïté de son partenariat naturel avec son entreprise mère.
Cette alliance de fait pose un obstacle concret dans la conduite de ses performances
commerciales, lorsqu’il s’agit de traiter avec des concurrents directs de sa holding. Des acteurs
incontournables du marché, avec qui l’entretien de bonnes relations est indispensable, lui font
état de de présomptions fortes en raison de ces liens. A l’inverse, la holding CMA CGM peut
difficilement accorder des tarifs préférentiels à sa filiale sans risquer de froisser d’autres de ses
clients transitaires, concurrents directs.
Troisième rôle relevant du thème 3 de notre typologie, celui du 4PL consultant. Le SCM
moderne repose largement sur la puissance des technologies qui lui sont désormais dédiées, mais
ce sont avant tout les méthodes de gestion qui décident de leur efficience. Il est donc impératif
pour le 4PL de consacrer à ses équipes et leur savoir-faire un rôle central dans les business model.
Les compétences représentent en effet une ressource essentielle qui, bien que requérant
d’importants investissements dans la formation et les salaires, est capable de s’enrichir d’elle-
même, par sa confrontation à la conduite opérationnelle. Les ingénieurs imaginent, design et
construisent alors que la proximité des commerciaux avec les marchés sert à comprendre les
besoins de chargeurs en attente de réponses personnalisées. Il revient ensuite au management
d’exprimer de concert l’expertise des premiers avec l’empathie des seconds.
En plaçant l’expertise technique en tête de leurs réponses, les praticiens valorisent leurs
apports, démontrent sont conscients des réalités et justifient au passage la multiplication des
parcours académiques spécialisés dans la logistique pour les nouveaux entrants sur le marché du
travail. Le cas CMA CGM semble particulièrement intéressant pour vérifier ce rôle

267
potentiellement assumé par les 4PL. Les commerciaux du groupe tentent en effet, chaque fois
que cela leur est possible de bâtir des relations stables et interpersonnelles avec leurs clients.
Dans le même temps, le management promeut des solutions innovantes sensées être
productives pour toutes les parties. Ces initiatives impliquent des procédures, des outils et des
services nouveaux qui contraignent à constamment former les chargeurs novices. Ces démarches
remplissent, au moins en partie les prérogatives propres aux consultants, appelés pour orienter,
former ou motiver, dans l’intérêt d’une meilleure performance opérationnelle.
Nos praticiens, concédant produire un effort non négligeable de formation et
d’orientation auprès de leur clientèle, apporte un crédit important au rôle de consultant expert
chez les 4PL. Bien que ce travail soit dispensé de manière informelle, il demeure effectif,
nécessaire et reconnu par l’ensemble des parties. D’après les répondants, certains chargeurs
s’appuient sur l’expérience des commerciaux pour comprendre leur marché, allant parfois
jusqu’à fonder une partie de leur business plan sur ces concertations. L’ajustement des schémas
logistiques est en effet une étape décisive pour la viabilité d’un projet entrepreneurial
notamment. Les solutions que le 4PL promeut auprès de ses clients contribuent ainsi à améliorer
les performances globales sur les chaînes logistiques.
A l’opposé, les praticiens rejetant ce travail de formation du client aux relations publiques
écartent clairement l’idée d’un 4PL consultant.
Aux réponses apportées à notre seconde question, ce sont dans les facteurs techniques
comme l’introduction des NTIC qu’il faut reconnaître une complexité caractéristique d’un métier
où le conseil devient nécessaire. Le commerce électronique par exemple, où les outils de tracking
en temps réel sont autant de nouveautés qui exigent de former mais aussi de convaincre à leur
utilisation. Elles font du 4PL un expert de la logistique, capable d’intégrer à ses prestations des
technologies nouvelles, renforçant la compétitivité des chaînes.
D’autres acteurs reconnaissent dans les NTIC un progrès tangible pour leur industrie car
ces outils permettent de traiter plus rapidement un volume d’opérations plus important mais y
vient une complexification des tâches. Chez certains praticiens, ce rejet s’inscrit dans une
réaction classique des générations antérieures qui considèrent comme futiles des technologies
nouvelles dont elles ont parfois du mal à comprendre le fonctionnement.

268
Cependant, même si les NTIC ont indéniablement accéléré la productivité en écourtant
les délais de traitement à la tâche, elles ont mécaniquement conduit à multiplier leur amplitude
quotidienne. Aux difficultés de compréhension et d’adaptation des anciens, certains ajoutent le
problème de l’intensification du rythme en raison de volumes dont le traitement est
paradoxalement devenu plus mécanique, à l’image d’un travail à la chaîne. Ces réflexions
inscrivent donc les avancées technologiques comme des contributrices nettes à la complexité
grandissante du métier de la prestation logistique.
L’on pourrait raisonnablement attendre des NTIC qu’ils profitent aux salariés en tant que
parties prenantes par une amélioration des conditions de travail, une réduction des horaires ou,
au moins, l’abandon de leur constance, requise en présentiel. Ces exigences managériales
semblent désormais bien moins pertinentes pour de nombreuses catégories de salariés grâce à
l’accès en temps réel aux informations, rendu possible par les applications mobiles. Le revers de
la médaille est justement cette absence d’horaires et cette accessibilité rendant les heures
supplémentaires bien plus acceptables pour tous, parfois à l’abus.
Les commentaires recueillis à la faveur de notre troisième question semblent valider les
caractères susceptibles de faire du 4PL un consultant. L’expertise technique et les qualités
relationnelles sont jugées indispensables et presque suffisantes pour assumer ce rôle. Elles lui
octroient l’autorité nécessaire pour se faire reconnaître à la fois expert et pédagogue.
D’autre part, il parait extrêmement complexe de maintenir un niveau d’expertise
satisfaisant pour des chargeurs aux métiers aussi différents que peut le permettre la diversité de
leurs secteurs d’activité. Les exigences de personnalisation contraignent donc les 4PL à définir
leur spécialisation, selon des enjeux afférents aux domaines d’activité ou aux métiers de la
supply-chain. Dans le premier cas, il s’agit de développer des compétences selon les enjeux d’une
catégorie de chargeurs. Dans le second, le 4PL se restreint à perfectionner son offre en se
focalisant sur des pratiques définies.
Notons enfin un phénomène dont l’importance tend à croitre, l’exigence de clients mieux
informés qui n’hésitent pas à faire jouer la concurrence sur les prix. Il semble pourtant vital pour
les 4PL de tenter d’extraire des affrontements destructeurs pour avancer des prestations certes
plus onéreuses, mais bien plus élaborée, notamment du point de vue du conseil.

269
Tableau 7 - RCOV de l’Accélération de la performance
ACCELERATION de la performance
• Compétences et expertises
• Missions complexes et de
long terme appelant à • Actifs physiques nécessaires à • Compétences et expertises
Ressources innover la standardisation techniques spécialisés
• Esprit d'innovation et • Personnel dédié • SI propre et développé
d'initiative à tous les niveaux
hiérarchiques
• Dépendamment du secteur
des chargeurs, il peut s'agir
du cœur de métier
• Cœur de métier stratégique, stratégique, donc internalisé. • Cœur de métier stratégique,
Organisation
inévitablement interne Dans d'autres cas, le recours inévitablement interne
au partenariat est privilégié
pour faire face à des pics
saisonniers
Offre • Innovateur • Rassembleur • Consultant
• Forts revenus à attendre de • Prestations rares et à fortes
• Faible valeur ajoutée
diverses natures selon le valeurs ajoutées justifiant des
correspondant à des prix bas
niveau d'exclusivité et prix élevés
compensés par des volumes
Revenus d'ampleur de l'innovation • Crédit commercial du conseil
importants standardisés pour
(brevets, verrouillage d'un informel
rentabiliser les actifs
partenariat, avantage • Contrats de LT et exclusivité
physiques
concurrentiel…) des clients
• Salaires attractifs pour attirer • Salaires attractifs pour attirer
• Faibles couts d'exploitation
Charges des cadres hautement des cadres hautement
unitaires
qualifiés qualifiés
Source : Elaboration de l’auteur

Dernier thème enfin composant notre typologie, constituant l’une des contributions de
notre thèse, le vecteur au développement. Le premier rôle discuté ci-dessous est celui du 4PL
connecteur entre les régions et leur tissu économique et social.

270
Les arguments apportés par nos interlocuteurs sont pertinents et tout à fait logiques
même s’ils ne font pas directement référence au rôle de connecteur que seul l’un de nos
répondants a su mentionner de manière plus explicite. Une vision transnationale semble en effet
nécessaire pour se rendre compte du rapprochement entre régions du monde que permettent
la fréquence des escales et le raccourcissement des temps de transport. Objectivement, les
solutions logistiques ont bien contribué à faire sortir de la pauvreté des millions de personnes
dans le monde en les intégrant au commerce et à la mondialisation des chaînes. Novatrices pour
réduire les couts et les délais, elles ont amélioré les conditions de vie des personnes en donnant
accès à un mode de vie longtemps resté le privilège des pays les plus riches.
Dans le même temps, les 4PL demeurent des entreprises commerciales dont l’objectif
prioritaire est naturellement de créer un profit financier. Dans les pays fragiles, où la
gouvernance demeure encore trop opaque, la tentation est grande de faire usage de procédés à
la limite de la légalité pour étendre un pouvoir déjà important. La corruption ou le lobbying y
sont documentés et souvent entretenus par les multinationales auxquels les 4PL ne font pas
exception. Certains logisticiens parviennent ainsi à tisser des réseaux d’influence à leur faveur
dans les cercles politiques pour faciliter leur prise de contrôle sur des infrastructures logistiques
financés par des fonds publics. Ces pratiques peuvent facilement déboucher sur des positions
quasi-monopolistiques, permettant de décider unilatéralement des tarifs applicables à la
manutention ou au transport. Dans des régions où le pouvoir d’achat des populations est limité,
cela contribue à léser sensiblement le développement humain.
Un seul de nos répondants a su relever certains des aspects négatifs liés aux activités des
4PL, en l’occurrence, de son employeur, le groupe CMA CGM. En effet, ces prestataires se
positionnent en première ligne pour la défense de politiques ultra-libérales, prônant un
abaissement à outrance des tarifs douaniers. Ils favorisent ainsi la pénétration sur les marchés
émergents, comme le Liban, d’une concurrence trop forte pour des industries locales, encore
naissantes. Notre praticien défend ainsi un protectionnisme nécessaire pour développer
structurellement l’industrie de produits manufacturés. Le Liban au contraire, a largement ouvert
ses frontières aux importations durant sa période de reconstruction post-guerre civile. C’est en
partie à cette politique que le pays doit son surendettement chronique qui le fait survivre sous

271
perfusion. Pour ce répondant, en simplifiant le débarquement de produits manufacturés venus
de l’étranger, les logisticiens contribuent à détruire l’entreprenariat local qui ne voit plus
d’intérêt à investir dans l’industrie. Cela pousse certains états, à simplement interdire
l’exportation de leurs matières premières sans transformation préalable, sur place. Le Gabon a
ainsi adopté des mesures équivalentes pour son bois tropical, une des principales ressources du
pays.
Le rôle de mandataire fait bien référence à la série de mesures coercitives imposées aux
4PL car en cas de contravention, ils s’exposent à des pénalités pouvant aller jusqu’à l’exclusion
du marché, même lorsque la fraude ne relève pas directement de leur fait. Les 4PL ont donc à
leur charge les responsabilités de diffuser les prises de décisions gouvernementales, d’exécuter
les mesures et de contrôler leur application. Leur présence transnationale est un autre atout pour
faire favoriser l’application à la source des arrêtés en faisant parvenir l’information aux
partenaires commerciaux étrangers, souvent hors de portée des gouvernements locaux.
Les gouvernements régulent ainsi les enjeux locaux, par le biais des 4PL, sur qui ils
peuvent exercer toute l’autorité nécessaire. A l’inverse, s’agissant des problématiques mondiales
comme la protection de l’environnement ou la régulation des pratiques commerciales, la
juridiction des gouvernements ne peut suffire. L’urgence et la globalité de ces questions
devraient pourtant en faire des priorités. Le caractère devenu inévitablement mondial des
chaînes appelle à une coopération élargie entre états donc forcément, aux compromis, pour
parvenir à les régler au profit de tous.
A échelle plus réduite enfin, les collectivités locales semblent encore se restreindre à la
compétition, rivalisant de politiques favorables à l’attraction des investissements des 4PL. La
logistique devient ainsi un secteur porteur pour dynamiser l’emploi.
Dernier rôle à faire l’objet de discussions dans cette partie, celui de 4PL contrôleur. Même
si le lobbying est considéré comme une activité légale, censé être publiquement déclarée, elle
n’en demeure pas moins sulfureuse pour le grand public. Cela explique sans doute en partie
pourquoi nos répondants se refusent à commenter les activités potentielles de leur employeur
dans ce domaine. Les membres de direction interrogés soutiennent que l’entreprise s’interdit

272
d’exercer une quelconque influence sur des parties externes privées comme publiques afin de
simple écarter de potentielles accusations de lobbying.
Pour le reste des réponses recueillies, soit un coefficient tout de même important de 40%,
le 4PL ne devrait avoir aucun rôle à jouer dans un contrôle éventuel de protection de
l’environnement. Ces investissements sont jugés inutiles pour le groupe. Il convient donc de
rejeter ce type de responsabilité en rejetant purement et simplement les potentielles requêtes
de ses chargeurs. Nos praticiens se montrent ainsi peu sensibles à ce type de préoccupations
pourtant primordiales, dont la sensibilité dépasse largement l’image de marque. Les enjeux
d’ordre économiques sont donc jugés largement prioritaires. Ces réponses démontrent
également qu’il n’est encore que peu envisagé de voir un 4PL en position de leader des réseaux.
La nuance à apporter est donc que le contrôle ne se limite encore qu’aux intervenants logistiques,
soit les PSL spécialisés que le 4PL manage dans le cadre de son rôle de médiation. Il se porte ainsi
garant de leurs qualités, se restreignant à ce domaine dont il est expert pour veiller à la cohésion
de la partie logistique des réseaux.

273
Tableau 8 - RCOV du vecteur de développement
VECTEUR du développement

• Actifs physiques
• Agrégation pour exercer nécessaires à connecter • Personnel dédié et
• Position privilégiée sur le des régions, des pays compétent pour exercer
Ressources marché ou contrôle • Infrastructures locales et le contrôle choisi
d'une infrastructure clé compatibles nécessaires • Réseau de partenaires si
(port, chemin de fer…) Réseaux d'affaires et nécessaire
portefeuilles clients
• Le 4PL exerce son devoir • Les niveaux
• Externalisation
de communication par le d'externalisation
envisageable d'autant
biais de ses moyens dépendent de différents
plus que le contrôle n'est
Organisation marketings et paramètres (taille et
pas forcément en lien
commerciaux maturité des marchés
direct avec la prestation
• Relais des PSL spécialisés connectés, opportunités
logistique
(FFW, transporteurs…) de croissance…)
Offre • Mandataire • Connecteur • Contrôleur
• Ne pas subir d'amende
• Développement des • Crédit commercial pour
Renforcer son crédit
volumes sur des marchés un service annexe
Revenus auprès des autorités et
émergents Rémunération du service
de la collectivité comme
Statut transnational de contrôle
un acteur responsable
• Couts de mise en
application des
• Couts d'exploitation et
politiques
de communication sur • Couts d'exploitation qui
(communication,
Charges des marchés nouveaux demeurent modérés
pénalités éventuelles,
(peu se faire par pour un service annexe
couts d'opportunité à
croissance externe)
renoncer à certains
business…)
Source : Elaboration de l’auteur

274
5.2.3 Résultats et cadres théoriques

L’un de nos répondants, commercial en agence, déplore la déconnection de son siège


Marseillais d’avec les réalités du terrain. Le management conçoit et tente d’appliquer une
politique de développement standardisée, pour l’ensemble du réseau mondialisé du groupe CMA
CGM. Or, les opportunités de croissance, donc les rôles à assumer, ne peut être invariables selon
les enjeux et contextes propres aux différents marchés. Ainsi, notre interlocuteur dispose d’une
expérience d’expatriation au Gabon, où il œuvrait en expatriation pour le compte de CMA CGM.
Il nous décrit le manque d’infrastructures locales ainsi que l’absence d’une demande susceptible
de rentabiliser la lourdeur des investissements que le transport intermodal impose, pourtant
fortement soutenu par les sphères dirigeantes.
Tout cela indique qu’il peut arriver au groupe de négliger les apports de sa composante
Communauté, malgré des effets d’annonces encourageant l’esprit d’initiative et clamant
l’ouverture du management. En effet, le manque de confiance à l’endroit des salariés consacre à
leur détriment des « spécialistes » dépêchés depuis le siège et autres intervenants externes pour
analyse du marché, jugement et la plupart du temps, simple validation des politiques
standardisées. Si la définition des orientations stratégiques devait échoir à ceux qui, forts d’une
longue expérience et au contact direct des clients et de leurs préoccupations, le choix seraient
sans doute différents.
Des 4PL aussi transnationaux que CMA CGM pourraient ainsi mieux appuyer leur
management opérationnel sur leur Communauté afin d’affiner les déclinaisons de leurs business
model au gré des particularités géographiques et contextuelles de leur environnement. La
diversification des activités logistiques par le multimodal par exemple n’est pas toujours le
débouché approprié. Il peut mieux convenir de remettre les perspectives de croissance au
financement de services annexes au cœur de métier, en l’occurrence le fret maritime, avec
l’assurance cargo ou le transit documentaire. Ces derniers détiennent d’ailleurs l’avantage de
largement minimiser les couts initiaux d’investissements.
L’entretien de la composante Communauté ne passe pas uniquement par des
démonstrations de soutien du management aux opérationnels. Selon Miller et Le Breton-Miller

275
(2010), cet axe des 4C désigne aussi et surtout l’esprit de cohésion qui peut et doit être élevé
entre les équipes même. Nos répondants nous ont justement décrit une dégradation progressive
de l’ambiance de leur entreprise, allant de pair avec sa croissance et l’embauche de nouveaux
salariés, dont un personnel encadrant. Dans ces conditions, et face au sentiment d’injustice de
voir des personnes récemment embauchées occuper d’entrée les positions encadrantes. Une
logique de compétition, éventuellement encouragée par le haut management peut ainsi
prévaloir au détriment de l’esprit de coopération et d’entraide.
L’analyse stratégique de Crozier et Friedberg (1977), démontrant la capacité des salariés
à développer des stratégies servant leurs intérêts, permet d’entrevoir ici des déductions
supplémentaires. En effet, dans les conditions de compétition décrites, les salariés se retrouvent
largement occupés à protéger leurs acquis et faire avancer leurs ambitions, ce, au détriment de
leur productivité. Ainsi, les politiques et indécisions de ce qu’il convient d’appeler le
Commandement, semblent entretenir dans le groupe une insatisfaction latente, nuisible à la
motivation. La Communauté peut s’en retrouve fragmentée, pénalisant l’harmonisation des
procédures et la mobilisation à la réalisation des objectifs opérationnels.
Ainsi, à l’image de toute organisation, les 4PL survivent à des luttes intestines dont la
propension à émerger est en partie liée à leur croissance rapide. Les changements induits par les
externalités, refondant les business model, offrent aux salariés des opportunités additionnelles
pour bâtir leur carrière, soit autant d’occasions d’affrontements pour remporter des promotions
forcément en nombre réduit. Ainsi, les bénéfices de la croissance peuvent se trouver à terme
infléchis par cette absence de collaboration, consacrant le privilège individuel au détriment de
celui de leur entreprise.
Au-delà de la Communauté, l’autre composante essentielle à l’accomplissement
d’orientations stratégiques pérennes est celle de la Connexion. Ainsi, à condition pour les 4PL
d’entrevoir leurs besoins locaux véritables et de mobiliser leurs ressources humaines, il importe
de consacrer des ressources importantes pour bâtir un réseau de partenaires spécialisés et
compétents.
En outre, ce système organisationnel très centralisé impose une numérisation des
données commerciales à toutes les agences. Cette politique entre parfois en contradiction avec

276
les réalités locales car, mal comprise des commerciaux, elle est perçue comme déconnectée des
préoccupations quotidiennes, vécues comme prioritaires. La numérisation, pourtant si
importante, est donc jugée inutile, parfois encombrante, voire, pour les plus suspicieux,
menaçante car propice à retirer aux salariés leur valeur ajoutée spécifique, leur connaissance du
marché. Dans ce cas, une meilleure implication du Commandement pour mieux sensibiliser sur
les enjeux du nouveau système est indispensable. L’accompagnement du changement, en lieu et
place de son imposition, doit faire prendre conscience de son importance.
La centralisation du Commandement depuis un siège distant pose également un
troisième inconvénient que nos praticiens ont su mettre en évidence. La conception de rapports
statistiques doit contribuer à la définition des orientations commerciales, à la création de
newsletters, voire à une commercialisation auprès de partenaires. Cette activité, liée à l’analyse
des enjeux commerciaux et logistiques, s’inscrit dans une forme de Continuité pour le groupe,
car lié au cœur de métier traditionnel. Cependant, là encore, son développement appelle un
Commandement fort pour soutenir la création d’une entité dédiée à ce qui doit constituer une
nouvelle division de l’entreprise. Selon nos interlocuteurs, la volonté managériale, bien présente
a souffert d’une chaîne de Commandement peu fonctionnelle, portant à échec ce projet. En effet,
certains cadres ont tacitement rejeté un projet ayant pour conséquence de leur retirer une partie
de leur monopole sur le reporting, autre source potentielle de valeurs ajoutées à valoriser. De ce
fait, une opposition entre différents partis s’est temporairement mise en place autour du
contrôle de l’information. Le processus d’enrôlement des alliés ne s’est ainsi pas déroulé comme
il l’aurait dû, la rancœur et l’absence de coopération ayant prévalues dans les relations.
La discussion de nos résultats a jusqu’à présent été centrée autour de nos trois cadres
conceptuels majeurs, à savoir les ESL, les BMI et les mécanismes de légitimation. Il semble
approprié de porter une attention particulière à nos grands cadres théoriques, à savoir la TPP et
la théorie de l’isomorphisme institutionnel. Nous discuterons leur influence sur l’émergence de
nos interprétations et de leur portée explicative des résultats récoltés sur le terrain.
Le modèle des 4C apporte ainsi différents enseignements. Les données de terrains
peuvent cependant être analysées selon une autre grille de lecture importante pour la question

277
de la légitimation du changement, la théorie de l’isomorphisme institutionnel. Cette démarche
doit nous permettre de déduire d’autres enseignements de nos entretiens.
Une observation sommaire du marché de la prestation logistique suffit à formuler le
constat évident que le mimétisme ne semble pas épargner la prestation logistique de type 4PL.
La croissance rapide du secteur pose aux prestataires de nombreuses inconnues dans la
définition de leurs politiques stratégiques. Au-delà des mutations profondes, confrontant ses
acteurs à des défis inédits, s’ajoute une instabilité chronique, voire grandissante du contexte des
affaires. Face aux incertitudes, il est naturel pour les 4PL de réagir dans nombre de cas par un
mimétisme rassurant, engageant à reproduire les politiques stratégiques qui semblent
fonctionner. Ainsi, c’est avant tout par mimétisme que les grands prestataires se sont lancés, à
partir des années 2000, dans une course au gigantisme des navires ou des plateformes de
stockage notamment. La logique qui sous-tend cette stratégie encore en vigueur est celle qui
appelle à maximiser les volumes pour profiter des économies d’échelle. Cependant, l’argument
qui servait d’avantage compétitif, s’est transformé en condition de survie, du fait justement des
réactions en chaînes. La crise des subprimes en 2008, fut la première à faire chuter brutalement
la demande, menaçant les investisseurs de couteuses surcapacités et conduisant à la faillite ou
la fusion nombre d’entre eux.
Le besoin des 4PL de renforcer leur légitimité par le conformisme est d’autant plus urgent
que les opportunités technologiques imminentes pourraient être perdues, voir se transformer
en menaces. Elles doivent en effet permettre aux prestataires de prétendre à développer leurs
activités formelles liées au conseil par exemple, indispensable aux chargeurs pour intégrer à leurs
chaînes des outils plus complexe ou spécifiques aux métiers. L’architecture des partenariats
représenterait elle aussi un gisement d’opportunités car elle gagnerait tout autant de complexité.
De manière générale, les niveaux de compétitivité de l’ensemble des chaînes devraient être
sensiblement relevés. Le travail de légitimation ex-ante des 4PL passe donc par un isomorphisme
institutionnel propice à conforter leur position sur les chaînes, avant de prétendre à la radicalité
du changement promis par l’intelligence artificielle ou les big data.
La contrainte normative est également forte dans la prestation logistique. Les PSL dans
leur ensemble sont encore largement perçus comme les exécutants sommaires de ce qui

278
constitue leurs fonctions traditionnelles. Beaucoup de chargeurs continuent de restreindre leurs
compétences aux très basiques transports, entreposages de marchandises ou autres procédures
administratives. Beaucoup de PSL, pourtant enrichi de liquidités héritées d’une forte croissance,
continuent de se conformer à cette vision. Ils éprouvent le plus grand mal à envisager une
diversification susceptible de les faire évoluer vers les statuts plus matures de 3PL, et surtout de
4PL.
En effet, la vision restrictive de la prestation logistique continue de nuire à la réputation
de ce dernier. Nombre de PSL estiment ainsi que l’ambition de parvenir à ce stade de maturation
semble chronophage et trop couteuse, donc dénuée d’intérêt. Ils excluent d’office des
possibilités de diversifier leurs prestations, pourtant utiles à gagner en productivité grâce à une
meilleure expertise, ou à développer leurs réseaux de partenaires et de clients. Cette forme
d’isomorphisme atrophie le potentiel d’innovation du secteur et freine son développement
commercial et opérationnel au profit d’autres acteurs, tels que les cabinets de conseil, encore
mieux considérés.
Comme pour tout secteur d’activité, les pouvoirs publics locaux, nationaux voire
mondiaux, exercent eux aussi une contrainte coercitive par le biais de leur encadrement légal. A
l’égard des 4PL, les règles et mesures contraignantes visent notamment à faire en sorte que ces
acteurs transnationaux contribuent de manière positive au développement des tissus
économiques et sociaux. Ainsi, certains pays renforcent leurs barrières protectionnistes pour
protéger une industrie locales fragile, mais créatrice d’emplois. Les pays exportateurs eux,
choisissent subventionnent les prestations logistiques pour promouvoir leurs industries à
l’international. Les 4PL intègrent naturellement ce facteur du développement social dans leur
communication, en faisant un argument central de leur légitimation.
Lois et réglementations servent en outre à imposer des normes d’usages, propres à
favoriser l’interopérabilité de systèmes. Par exemple, elles imposent aux 4PL des moyens de
communications adaptés au transfert sûr et réguliers de données auprès des services douaniers.
Aussi, ce sont les organismes internationaux qui sont à l’origine des standards indispensables au
transport mondial, comme les dimensions retenues pour les conteneurs. Grâce à elles, les
armateurs se permettent sans difficultés de mettre en commun des navires compatibles aux

279
flottes de conteneurs. De nouveaux modèles de coopération ont ainsi pu être construits,
renforçant les systèmes de médiation, piliers des chaînes. Les normes ainsi décidées ont modelé
l’offre de services des 4PL. Sans elles, la mondialisation des chaînes à laquelle ils ont fortement
contribué n’aurait pu être possible.
La collectivité représente une troisième force susceptible d’exercer des intimations à la
conformité de ses attentes. Elle exerce une pression sociale suffisante pour sensiblement
façonner l’activité des 4PL qui demeurent désireux, comme toute entreprise, de se ménager
auprès d’elle une image favorable. Ils se plient alors spontanément au respect d’un code de
conduite, adoptant une éthique de travail commune à leurs représentations dans le monde et
limitent l’impact de leurs activités sur l’environnement. Le groupe CMA CGM a ainsi pris
l’initiative, peu avant une édiction règlementaire internationale, de ne faire usage que d’un gaz
naturel moins polluant pour mouvoir ses navires. Le 4PL va plus loin, clamant d’ores et déjà son
intention de ne pas emprunter les routes maritimes Arctiques, en cas de dégel durable, afin d’en
préserver la biodiversité. Ces engagements sont, à l’évidence, utiles en premier lieu au service
marketing du groupe.

280
Synthèse du chapitre 5

Certains des commentaires délivrés par nos praticiens ont permis de répondre de
manière indirecte à la question de l’applicabilité des rôles et de leur légitimité. Nous avons
donc tenté d’adopter une approche appropriée pour approfondir notre analyse ce, en lien
avec les expériences de nos interlocuteurs. Cela a contribué à nous en apprendre davantage
sur le processus de légitimation, notamment du point de vue du salariat. Ce chapitre a été
consacré avant tout à l’exposition de nos résultats empiriques, mais aussi à la description
de de certaines expériences vécues par les praticiens, utiles à l’éclaircissement de notre
objet de recherche. Cela fait notamment référence aux processus et relations humaines.
Ces éléments traduisent inévitablement une partie du point de vue de ces professionnels.
Nous avons analysé ces commentaires à l’aune de la grille des 4C de Miller et Le Breton-
Miller (2010), des apports du courant de l’isomorphisme institutionnel et de la TPP. Ces
cadres conceptuels et théoriques sont clairement utiles à révéler les dysfonctionnements
entre grandes parties prenantes, ou la nécessité du changement.

281
CHAPITRE 6 : ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS

Nous focaliserons nos discussions de ce chapitre 6 sur les questions de légitimation. Ce


dernier chapitre doit être l’aboutissement de notre démarche de recherche, permettant de
répondre à nos questionnements et produisant l’essentiel de nos contributions managériales.
Pour cela, nous discuterons d’abord du degré de sensibilité stratégique des rôles pour les 4PL
eux-mêmes en faisant un usage direct des ESL. Il importe ensuite de considérer les points de vue
des parties prenantes dans leur diversité. Nous en discuterons notamment à l’aune des résultats
obtenus dans la partie précédente.
Notre seconde section intègre le thème 4 de notre typologie, proposé dans les résultats
de notre thèse, au business model des 4PL. Cela nous permet d’ajouter une contribution
conceptuelle en lien avec la nomenclature des PSL, outil important pour la reconnaissance dont
il fait l’objet. Nous achèverons ce chapitre par des discussions directes autour des mécanismes
de légitimation liés aux rôles des 4PL.

283
6.1 Conséquences des nouveaux rôles du 4PL sur ses parties prenantes

6.1.1 Construction de l'ESL type des 4PL

Nous proposons dans cette partie une tentative de hiérarchisation des rôles du 4PL, selon
des critères d’importance stratégique. Cette démarche nous semble constituer une contribution
intéressante pour la question de la légitimation notamment. Elle doit nous permettre de
positionner par ordre de priorité, les rôles du 4PL. Les critères retenus pour y procéder sont à
définir à l’aune de l’ensemble des données recueillies pour rédaction de cette thèse, notamment
les éclairages obtenus de nos praticiens. La chronologie de l’apparition de ces rôles dans les
systèmes d’offre des 4PL nous semble également une indication utile, révélant leur portée dans
les réseaux. Ainsi, une notation sera attribuée à chacun des rôles, déterminant la taille de la police
employée pour les représenter sur ce qu’il convient d’appeler un ESL type. Aussi, nous
considérons le niveau de proximité d’un rôle du noyau de l’ESL comme une indication de la partie
prenante à laquelle le rôle est adressé.
Ensemble, la référence temporelle et les données récoltées doivent contribuer à évaluer
l’importance des rôles pour les 4PL d’abord, puis leurs parties prenantes principales, leurs clients
directs, ensuite. Nous tentons ainsi de prolonger la nomenclature des PSL en démontrant que
certains rôles, apparus tardivement, ont rapidement évolués pour migrer vers le cœur de métier
de ces prestataires.
Premier rôle discuté, l’effort d’intégration produit par le 4PL. Il est tout à fait central pour
toute forme de prestation logistique. Dans le cas particulier du 4PL, il doit être élevé à un niveau
plus stratégique qu’opérationnel, puisqu’il englobe, d’autres rôles qui n’en sont donc que la
déclinaison opérationnelle. En effet, le rassemblement des volumes par exemple, ou la médiation
auprès de PSL spécialisés, contribuent directement ou non à l’intégration entre amonts et avals
des chaînes, par un renforcement des échanges entre fournisseurs et clients. Ainsi, même s’il
concerne des pans entiers des chaînes, ce rôle est adressé par le 4PL à ses parties prenantes
directes, les clients chargeurs. Ces derniers, surtout lorsqu’ils ont de taille importante, disposent
d’un fort pouvoir d’influence sur leur prestataire dans la mesure où ils peuvent exercer des

285
mesures de rétorsions contraignantes en cas d’insatisfaction. Il convient donc de veiller à un
respect scrupuleux des promesses de vente ou de mobiliser des ressources à la résolution de
blocages afin de minimiser les couts d’exploitation liés. Ainsi, ce rôle relève du véritable cœur de
métier de la prestation logistique pour la consolidation des liens entre fournisseurs et clients.
Quelle que soit son niveau de maturité, un PSL est donc avant tout un intégrateur des chaînes,
une fonction indissociable de sa profession. Pour cela et en raison de la portée stratégique de ce
rôle toujours applicable, c’est la note maximale que nous choisissons de lui attribuer, à savoir 12.
Mobilisant ses ressources en faveur d’un rassemblement maximal de volumes, le 4PL se
constitue un portefeuille fourni de clients nombreux, lui permettant de s’affranchir de leur
influence unitaire. Le rôle est d’autant plus incontournable pour tous PSL qu’il permet de générer
d’importants cash-flows, utiles à financer des prestations plus techniques. Pour les chargeurs, la
promesse de réduire les couts unitaires logistiques est une priorité dans un contexte hautement
concurrentiel. L’importance stratégique peut cependant être tempérée s’agissant du 4PL, qui
peut toujours compter sur des arguments de différenciation, également attendus dans le cadre
de démarches de personnalisation des services. La note que nous choisissons d’attribuer à ce rôle
s’élève à 9.
Au même titre que l’intégration entre les chaînes, le travail de coordination est lui aussi
inhérent à la prestation logistique. Il s’inscrit à un niveau plus opérationnel, désignant des
services précis, mais concerne aussi bien les PSL les plus modestes et leur position d’interface,
que les 3PL ou 4PL, et leur privilège de pivot entre chaînes. C’est l’ampleur de la coordination des
prestataires qui s’en trouve variable, dépendant directement de la visibilité opérationnelle à
laquelle ils peuvent prétendre. Cette fonction impose entre autres la responsabilité d’attribuer
les tâches à chacun des intervenants et d’assurer une bonne circulation de l’information pour un
déroulement des opérations sans incidents. La cohésion des réseaux repose également sur ce
rôle grâce à un travail d’harmonisation des procédures ou l’implantation d’un SIIO. La note
attribuable à ce rôle ne peut qu’être élevée avec un coefficient de 11. Elle demeure inférieure à
celle de l’intégration en raison du caractère plus restreint de ce rôle.
Comme pour le rôle précédent, c’est également l’importance, en termes de volumétries
des prestations rendues par le 4PL, que ce dernier, et son chargeur, peuvent se retrouver

286
contraints d’avoir recours à la médiation. Les phénomènes de saisonnalité s’inscrivent justement
dans cette première catégorie de considérations incitant à la médiation. La médiation sert, entre
autres, à standardiser les prestations, alors que le partage de ressources permet de dégager des
économies d’échelle, utiles dans à l’échelle du réseau dans sa course à la compétitivité. Les
volumes peuvent également se révéler trop difficiles à absorber sur un plan horizontal. En effet,
les besoins d’un chargeur pour une diversification forte de l’offre de services logistiques rendent
leur intégration mécaniquement impossible par un prestataire unique. L’initiative de se
diversifier peut d’ailleurs émerger du prestataire pour qui il convient souvent, au moins à ses
débuts, d’avoir recours à la sous-traitance par la médiation. Pour toutes ces raisons, ce rôle revêt
un caractère presqu’inévitable pour les membres des réseaux impliqués, des 4PL aux chargeurs
en passant par les PSL spécialisés. Ainsi les premiers y ont recours lorsqu’ils se trouvent souvent
incapables de répondre aux attentes de leurs chargeurs. Ils peuvent raisonnablement prétendre,
grâce à cela, au statut ultime de leur maturation, sans un réseau étoffé de partenaires capables
de les assister dans l’exécution d’opérations longues et complexes. Les chargeurs eux, ne
disposent que rarement des moyens nécessaires pour manager des relations complexes avec des
acteurs trop nombreux. Pour les PSL spécialisés, la médiation peut représenter une source
majoritaire de revenus dans leur chiffre d’affaires. Les valeurs ajoutées sont ainsi capitales pour
tous ces acteurs. En conséquence, pour son caractère indispensable à la croissance des réseaux
mais pas à leur survie, il semble convenir de proposer un coefficient aussi élevé que 10 au rôle
de médiateur des 4PL.
Biens qu’experts reconnus et avancés dans leur domaine, les 4PL ne peuvent
raisonnablement proposer des innovations de rupture sur chacune des chaînes où ils
interviennent. En revanche, dépendamment de la profondeur de leurs interventions, ils doivent
se montrer capables de sensiblement améliorer les performances logistiques de leurs chargeurs.
Ils y parviennent par le conseil, l’alignement des processus et des méthodes, l’import de bonnes
pratiques rencontrées ailleurs ou l’usage de technologies innovantes. C’est notamment de la
sorte que les 4PL peuvent parvenir à justifier le caractère onéreux de leurs prestations et l’intérêt
même d’avoir recours à leurs interventions. En y souscrivant, les chargeurs peuvent donc
légitimement attendre, au-delà du relèvement de la qualité de service, de leur personnalisation

287
et de la multiplication des propositions novatrices d’amélioration. Tout cela n’est rendu possible
que par les moyens et le niveau d’expertise des 4PL, qu’ils sont quasiment seuls à disposer. Ainsi,
à ce niveau, l’importance d’améliorer par une innovation pas forcément radicale et parfois
exclusive justifie d’attribuer à ce rôle un coefficient de 8.
Les conseils que le 4PL est seul à savoir prodiguer prennent de l’importance avec la
complexité croissante des opérations logistiques. Au-delà de conduire à des améliorations
directes de performance, ses chargeurs peuvent éprouver de véritables besoins de consignes et
de propositions. Elles doivent leur servir non seulement à appréhender des technologies et
méthodes nouvelles, mais aussi des problématiques inédites. Pour y répondre, les 4PL disposent
d’un éventail d’orientations stratégiques possibles qui définissent la nuance de leurs
interventions. Ainsi, les interventions formelles et tarifées doivent s’inscrire dans un terme long
et servir à définir des processus structurants dans les organisations des chargeurs. Si ces
dernières, ne relèvent que de l’optionnel pour les prestataires, les indications et bonnes
pratiques qu’ils sont seuls à pouvoir prodiguer revêtent un caractère plus incontournable. Elles
lui sont d’ailleurs utiles à renforcer son argumentaire commercial au service de ses prestations
principales car elles sont facilement valorisables. Dans les deux cas, le rôle de consultant assumé
par les 4PL doit être distingué à part entière. Son inévitable application à ce niveau de la
prestation logistique démontre le besoin pour les chargeurs d’être guidés par un expert,
connaisseur de leurs problématiques propres. En outre, le 4PL prouve qu’il détient le savoir-faire
pour lequel il a été choisi. Le rôle de consultant, incluant ses différentes nuances, a ainsi une
importance stratégique justifiant de lui attribuer un coefficient de 9.
Les conflits font partie des inévitables désagréments qui jalonnent la vie des réseaux. Ils
peuvent résulter d’incompréhensions de tout genre ou de comportements opportunistes que les
plus exhaustifs des contrats ne peuvent suffire à anticiper. Lorsque les partenaires impliqués sont
incontournables au fonctionnement d’un ESL, c’est-à-dire qu’en raison de leur importance, aucun
d’entre eux ne peut être expulsé du réseau sans conséquences négatives fortes, il convient de
parvenir à un compromis satisfaisant pour tous. Conformément aux préconisations néo-
classiques, une tierce partie neutre et compétente semble donc nécessaire pour officier un
arbitrage des conflits au sein des systèmes d’alliances hybrides. Expert des questions logistiques,

288
profondément impliqué tout en étant censé préserver sa neutralité, le 4PL apparait comme
l’acteur providentiel pour minimiser les couts de règlements des potentiels désaccords. Il
supporte d’ailleurs lui aussi une partie de ces couts, parfois de manière indirecte, lorsque le
conflit se traduit en une immobilisation improductive de ses ressources, comme nous l’ont
justement souligné nos interviewés. L’idéal est naturellement de faire rapidement aboutir à une
résolution amiable, voire de prévenir au mieux les conflits potentiels grâce à des dispositions
justes dans la rédaction des contrats logistiques. Cette démarche relève en partie du rôle
d’architecte des réseaux. La contrainte légale représente, elle, le recours ultime à disposition du
4PL, lorsque les couts à subit deviennent insupportables, ou lorsque le prestataire assume une
position de leader. Il semble approprié, pour le besoin potentiel dans les réseaux, et pour le 4PL
particulièrement, d’attribuer un coefficient de 8 à ce rôle d’arbitre des conflits logistiques.
Discuter du caractère plus ou moins essentiel de l’architecture des réseaux peut référer
indirectement à discuter de l’intérêt des systèmes d’alliances hybrides. Ces derniers semblent de
plus en plus recommandables, notamment dans la logistique, où l’ampleur des flux physiques
décide en partie du niveau de compétitivité et du pouvoir de négociation. Ainsi, les industriels
comme les distributeurs éprouvent le besoin de créer des plateformes partagées ou des centres
communs dédiés aux approvisionnements. La stratégie n’épargne pas l’après-vente avec parfois
une sous-traitance collective passée là encore, dans le but de partager les couts d’exploitation
de tâches aux procédures de traitement similaires. La complexité de ces regroupements leur
impose de faire appel au recours d’un prestataire spécialisé qui, fort de son expérience, doit
savoir anticiper les enjeux logistiques et mieux évaluer les couts associés.
Pour les 4PL, le niveau de technicité et de spécialisation dans les métiers exigés pour
l’exercice de ce rôle en font une option. De plus, l’architecture de réseaux exige des qualités
pédagogiques et interpersonnelles chez les ingénieurs des prestataires pour convaincre du bien-
fondé des termes contractuels. La prérogative gagne donc en utilité mais elle n’est pas essentielle
dans les systèmes d’offre et non décisive pour prétendre au statut de 4PL. Elle demeure en cela
devancée par d’autres fondamentaux de la profession. Ainsi, tout 4PL n’est pas disposé à assumer
ce rôle qui ne relève que de l’orientation stratégique. Cependant, lorsqu’elle est effectivement
assumée, l’architecture mobilise d’importantes ressources, devient rémunératrice, donc

289
stratégique. De plus, la complexité croissance du métier contribue à la populariser, justifiant un
coefficient de 7.
Les activités propres au rôle de facilitateur des 4PL ne peuvent relever, par définition, de
son cœur de métier. Elles servent avant tout à faciliter la coopération au sein du réseau, et
prennent une importance qui ne peut être ignorée lorsque ce dernier en assume le rôle de leader
car le renforcement de la cohésion relève directement de ses prérogatives. Pour ses partenaires,
les moyens, outils et autres services qu’il met à leur disposition doivent leur procurer une
assistance qui avec le temps, peut devenir indispensable. Elle leur sert notamment à mieux se
focaliser sur leur cœur de métier, à fiabiliser leur construction stratégique ou contribuent à
améliorer leurs relations par l’organisation de rencontres. Malgré tout, du point de vue du
prestataire, ces faveurs continuent de s’inscrire dans les annexes de ses contributions principales
et demeurent en conséquence optionnelles dans la construction des systèmes d’offre. Pour ce
caractère, compensé par leur utilité dans les réseaux et la démonstration de qualité que
permettent ces services, un coefficient de 6 semble approprié au rôle de facilitateur des relations,
assumé par le 4PL.
Peu d’alternatives sont laissées au 4PL face à la contrainte des autorités publiques. Ces
dernières représentent en effet une partie prenante suffisamment puissante pour exercer pour
imposer ses exigences qu’elle considère de la plus haute légitimité. Il s’agit de l’application de
politiques pensées pour le bien de sa collectivité au service de laquelle elle se proclame. Il
convient donc pour tout 4PL de démontrer son élan lorsqu’il s’agit s’assumer son rôle de
mandataire. Sans preuves suffisantes d’irréprochabilités, il s’expose à de potentielles sanctions
allant de la pénalité à l’exclusion pure et simple d’un marché. Il ne s’agit certes pas d’une
prestation logistique à proprement parler, mais d’un rôle véritable dont le caractère inévitable
impose un coefficient aussi élevé que 10.
Les connections logistiques des 4PL ont un impact considérable sur la santé économique
mondiale. L’ampleur des échanges sert d’indicateur de premier plan pour mesurer la vigueur d’un
secteur privé et décide indirectement des niveaux d’endettement, lorsqu’il est à l’origine d’une
balance commerciale déséquilibrée. L’adoption d’une approche macro-économique, à long
terme, démontre cependant qu’il est indéniable d’affirmer que les connections logistiques

290
mondiales, auxquelles participent largement les 4PL, ont contribué à sortir de la pauvreté des
millions de personnes. Certaines régions en ont ainsi largement profité, souvent au prix d’un
creusement des inégalités, d’autres ont cependant subi des désindustrialisations massives et une
concurrence déloyale. Aussi contrasté que peut être le bilan de ses influences, le 4PL ne peut,
considérant ses propres intérêts financiers, ignorer la mondialisation de ses prestations de
services. Ce rôle doit donc logiquement profiter d’un coefficient aussi élevé que 9, considérant
également qu’il ne s’agit pas d’une prestation à proprement parlé.
Le rôle de contrôleur est sans doute le plus périphérique d’entre tous pour le 4PL. Il est
clairement optionnel et continue encore aujourd’hui de ne concerner que quelques rares clients
qui font appel à leur prestataire lorsqu’aucun autre choix n’est possible. Pour ces derniers, cette
offre de services parfois complexe ne génère que des profits limités. Le coefficient attribuable à
ce rôle peut être limité à 3.
Ces commentaires, développés pour chacun des rôles doivent relever d’une observation
purement analytique que nous avons tenté de dépeindre selon des caractères à la fois
d’objectivité et de conformité. Ainsi, ces développements permettent déjà la proposition d’une
représentation objective d’un ESL standard des 4PL. La disposition des rôles est un exercice
simple, répondant au seul critère de la partie prenante principale à laquelle elle s’adresse.
L’information est rendue de manière native par les représentations des ESA faites par Moore
(1996).

291
Figure 8 – Représentation de l’ESL type des 4PL

Source : Elaboration de l’auteur

6.1.2 Le point de vue des parties prenantes primaires

Les éléments de notre cadre conceptuel mobilisés par la discussion de notre partie
précédente sont notamment la typologie des rôles ainsi les ESL. Cette démarche nous a permis
de proposer une évaluation de l’intérêt des rôles pour les 4PL eux-mêmes. Nous adoptons à
présent une approche différente et complémentaire, celle de mobiliser ESL et modèle des 4C.
Cette approche nous permet de conserver la centralité de la question de légitimité des rôles,
objet de notre thèse, que nous tentons cette fois d’aborder selon le point de vue des parties
prenantes au 4PL. Les principales parties prenantes qui seront évoquées dans cette partie sont
les suivantes :
- Les salariés
- Les actionnaires
- Les partenaires professionnels
- La collectivité
- Les pouvoirs publics
- Les concurrents

292
Le modèle des 4C de Miller et Le Breton-Miller (2010) doit servir de grille de lecture des
attentes de chacune des parties prenantes. Il apporte donc une complémentarité intéressante à
l’analyse par rôle et doit permettre de déboucher sur les questions de légitimation plus
directement.

6.1.2.1 Les salariés

Cette partie prenante est naturellement liée à la Communauté, au sens de Miller et Le


Breton Miller (2010). Prioriser ses intérêts dans la définition des orientations stratégique donne
donc une indication évidente des mécanismes de légitimation privilégiés par les dirigeants. Dans
tous les cas, le respect d’étapes réfléchies à son égard semble inévitable pour la mise en œuvre
du changement car une appréhension naturelle domine les esprits dans les entreprises. En effet,
pour les salariés les plus anciens, la remise en question de routines confortées par des années de
pratiques parait forcément déstabilisante. Il peut ainsi leur être demandé de faire quasiment
table rase d’une expérience qu’il considère comme précieuse, pour faire l’effort de réapprendre
leur métier, désormais dépendant de technologies nouvelles et de compétences différentes.
L’attachement à bâtir une carrière garante d’un statut de reconnaissance et de respect semble
être remis en cause par la prise brutale d’un virage inattendu. A son aboutissement pour ces
employés, la crainte d’être mis devant le fait accompli d’une organisation émaillée de freins à la
promotion, favorisant la robotisation des tâches, la délocalisation partielle, voire le devancement
injustifié par des générations de jeunes diplômés trop impatients. La multitude de ces menaces
et l’écho donné aux mauvaises expériences créent les conditions favorables à l’installation d’un
climat de défiance face aux changements proposés par les instances dirigeantes.
Les plus jeunes quant à eux, ont l’avantage de mieux connaître les règles de la
concurrence sur un marché de l’emploi certes compétitif pour les demandeurs, mais également
les offreurs. Celle que l’on nomme la génération Y et, plus encore sans doute, les millénaires,
semble ne pas être disposée à subir le poids d’une hiérarchie trop envahissante. Oppressés par
la multiplication d’échelons de management semblant inutile, ils font rapidement le choix de
moins s’impliquer, perdent en motivation et font augmenter le turnover.

293
Pour les managers, la clé de la réussite semble passer par sa capacité à séduire en
suscitant un sentiment de confiance chez leurs auditoires. Plusieurs approches sont
envisageables, certaines plus incontournables que d’autres.
L’esprit de cohésion ne semble pas suffisamment valorisé chez CMA CGM, comme cela
peut être le cas dans de grandes multinationales. Peu d’initiatives du management existent pour
renforcer l’esprit d’équipes interservices. Il semble qu’au contraire des luttes de pouvoir
longtemps entretenues par le management existent, avec une atmosphère délétère qui peut
nuire à la productivité lorsque l’information est dissimulée.
Au-delà des phases critiques pour la réussite du changement, un travail permanent en
faveur de l’aménagement d’une atmosphère de cohésion joue un rôle fondamental. Des
conditions de travail et une attitude de respect sont appréciées des salariées et peut les engager
à début d’adhésion spontanée aux initiatives de leur management. Aussi, la proximité en toutes
circonstances d’un manager avec ses équipes est propre à bâtir une confiance réelle. Ce n’est pas
sans fondements que Miller et Le Breton-Miller (2010) consacrent la Communauté, comme un
axe majeur de légitimation du changement de business model.
Même lorsque ce changement est motivé par d’autres enjeux, ceux qui relève de la
Communauté semble demeurer incontournables pour leur caractère impérieux. Ainsi, les
innovations managériales ne peuvent se réaliser sans un soutien résolu des salariés qui les
premiers, mettent en œuvre les solutions et routines nouvelles, acceptant le respect des
consignes liées. Dans ce cadre, l’indispensable lien que les dirigeants ne peuvent se permettre de
manquer d’établir avec leur masse salariale est celui de la confiance.

294
6.1.2.2 Les actionnaires

Les actionnaires et investisseurs, confortés par un contrôle fort sur les ressources,
disposent d’un pouvoir suffisant pour faire infléchir à leur profit les politiques des dirigeants. En
cela, l’axe des 4C sur lequel les leviers de légitimation apparaissent les plus importants est celui
du Commandement. Un dirigeant fort se montrera ainsi capable de persuader son conseil
d’administration de privilégier sans ambiguïté une orientation opérationnelle en faveur des
clients de son entreprise, au détriment de l’orientation financière parfois court-termiste des
actionnaires. Il s’agit ainsi d’instaurer un état d’esprit mieux approprié à l’accomplissement d’une
stratégie pérenne. Elle permet de franchir la doctrine de la simple réaction pour adopter une
anticipation juste des mutations externes. La confrontation est risquée pour le manager, face à
un actionnariat supportant mal le report de ses dividendes au profit d’investissements imposés
par l’innovation managériale. Elle peut cependant se révéler gratifiante dans un second temps,
une fois l’accélération des performances établies, prouvant le bien-fondé de son jugement.
Historiquement, les années 1980 ont marqué le début d’une tendance nouvelle, celle du
renforcement du capitalisme libéral, qui permet à la classe actionnariale d’exercer sans complexe
les pressions nécessaires à satisfaire ses attentes de rentabilité. Elle a fait usage de son accès
privilégié aux ressources financières et aux cercles du pouvoir pour infléchir les orientations
stratégiques, de la performance opérationnelle vers la rentabilité financière. Ces politiques on
fait apparaitre dans les années 2000 des grilles d’analyse rappelant l’importance de préserver la
performance opérationnelle à long terme, avec une orientation client telle que préconisée par la
SCO de Mentzer et al. (2001).
Cette culture devient naturellement problématique lorsque les ressources et
compétences sont mobilisées en faveur d’attentes de très court terme. Les dérives les plus
extrêmes dans le monde des affaires sont incarnées par les fonds d’investissements vautours,
que n’intéresse qu’un profit ponctuel, provoquant par le rachat des dettes d’entreprises des
faillites douloureuses. Même les actionnaires permanents, bien qu’aspirant à la pérennité de leur
entreprise, peuvent éprouver des difficultés à accepter les reports de dividendes au profit de

295
l’investissement, notamment nécessaires aux changements de business model. Pour être
accepté des actionnaires, ce financement nécessite un effort pédagogique particulier.
En effet, comprendre le bien-fondé d’une innovation managériale impose un
discernement des problématiques transversales, parfois techniques, de l’entreprise. Il s’agit de
changements dans les méthodes qui peuvent déclencher des gains de productivité simultanés
dans les domaines commerciaux, opérationnels et/ou managériaux. Or, les actionnaires ne
disposent pas toujours des niveaux d’expertises suffisants pour entrevoir spontanément les
besoins stratégiques et matériels des organisations qu’ils sponsorisent. Ainsi, alors que la
perception de la valeur ajoutée d’un progrès purement technique semble plutôt accessible,
l’innovation tactique se fait plus subtile. Les actionnaires se montrent ainsi naturellement plus
sensibles aux initiatives créatrices d’une valeur ajoutée évidente. L’effort financier semble ainsi
plus légitime lorsqu’il est orienté en faveur de l’innovation technique, plus édifiante et
spectaculaire (Ageron et Lavastre, 2016). Aussi, l’innovation managériale peut exiger une
patience prolongée quant aux attentes de retours sur investissements, plus indirects et différés
que lors de la concrétisation d’une innovation technologique. Elle ne consolide cependant pas
moins la position des entreprises sur leur marché. Le groupe CMA CGM n’est que peu intéressé
par ces problématiques car malgré sa taille, il demeure une entreprise familiale, conformément
aux vœux de son fondateur Jacques Saadé. Peu d’actionnaires composent donc le capital social
du groupe même si, à l’occasion de la crise des subprimes en 2009, les prêts réalisés auprès des
banques ont failli couter la direction du groupe à ses propriétaires historiques.
Le processus de persuasion des cercles dirigeants ne s’applique donc pas chez le 4PL
Marseillais qui peut compter sur un Commandant fort. La concentration du pouvoir peut
cependant se révéler improductive d’une complexité qui justifie l’intérêt que lui porte la
recherche, avec des concepts aussi marquants que celui de l’enrôlement des alliés (Akrich et al.,
1986). Le changement de business model est une occasion de voir les échanges sociaux gagner
en effervescence, simplement pour déterminer le sort d’une innovation. Ainsi, les débats
s’articulent souvent sur la nature de la réponse à apporter aux innombrables aspects que
prennent les externalités conjoncturelles, souvent à l’origine du changement. Le manager, face

296
à ses actionnaires, doit alors démontrer l’intégration juste de ces facteurs à sa politique
stratégique afin de légitimer la nature de l’innovation managériale qu’il porte et sa profitabilité.
Avec l’innovation managériale, le manager et son équipe s’engagent dans un
argumentaire difficile, qui doit être élaboré selon une stratégie claire pour favoriser les chances
de rassembler, notamment ces incontournables alliés que sont les actionnaires. Il semble donc
pertinent de se conformer à certains codes Avec en premier lieu, l’impératif du changement, qui
doit être prouvé aux actionnaires par des éléments factuels et chiffrés, établissant un lien entre
exigences de changement et réponse apportée. Ces éléments peuvent par exemple relever de la
nécessité de gagner en flexibilité pour faire face à l’imprévisibilité des crises et des mutations,
affronter une concurrence élargie par la mondialisation, ou réviser les méthodes de
transformation de la valeur au gré du progrès technique. Le caractère indiscutable des
statistiques est utile pour minimiser les divergences des points de vue, naturellement variables
d’un individu à un autre. Les propositions d’innovations managériales ne peuvent en effet que
très rarement créer un consensus spontané, d’autant plus qu’un renouvellement partiel mais
couteux des outils de production leur est presque toujours afférent.
Ensuite, le discours du manager doit être bâti selon une rationalité évocatrice pour les
actionnaires. Il s’agit de démontrer que la logique qui anime le changement est supérieure en
termes d’efficience à celle qui la précédait. Pour ce faire, le business model devient un actant
incontournable. Sa finalité n’est d’ailleurs autre que de simplifier toute la technicité d’un
système, notamment afin d’appeler à son financement (Demil et al., 2006). Le discours du
manager est de nature à rassurer l’actionnariat, témoignant du fait que l’opérationnel et son
management priorisent leurs intérêts, respectant ainsi la hiérarchie des organisations. Ainsi, les
gains de productivité attendus doivent, inévitablement, profiter aux actionnaires. Le partage
auprès du reste des parties prenantes n’a lieu que pour satisfaire cet objectif.
Naturellement, l’adhésion autour d’un discours se réalise plus aisément lorsque ce
dernier allie subtilement arguments pédagogiques, cohérence et finesse de la rhétorique. Le
dirigeant et ses équipes doivent se plier à un exercice de simplification des attributs du
changement et de persuasion quant à leur pertinence. Leur prestation doit ainsi démontrer une
préparation minutieuse et ordonnée du changement, indispensable pour gagner en crédibilité et

297
minimiser les inévitables risques liés à l’ampleur d’une innovation tactique. Aussi, le leadership
doit faire preuve d’une détermination à toute épreuve, confirmant son soutien indéfectible aux
nouvelles orientations qu’il sait assumer et défendre. Il s’agit à ce niveau de soigner la forme de
l’argumentaire afin de lui faire gagner en crédibilité.
Enfin, les actionnaires peuvent se montrer sensibles à d’autres arguments annexes de
l’innovation managériale, qui viendraient étoffer ses avantages. Par exemple, la réinvention d’un
processus peut faire l’objet d’un éventuel dépôt de brevet. Cela suppose la perception de droits
à l’exploitation de la méthode, soit des perspectives de revenus additionnels qui viendraient
directement amplifier les dividendes.
Le travail de simplification, auquel contribue le business model, est nécessaire pour les
actionnaires à qui une implication profonde dans la conduite d’une activité fait défaut pour
disposer du discernement nécessaire à proposer ou entrevoir les enjeux d’un changement de
business model.
Malgré cela, leur statut de détenteurs du capital en fait une partie prenante
incontournable dans le processus de changement et le succès de l’innovation. Pour les
entreprises, le piège à éviter à l’égard de ces parties prenantes consiste à laisser les actionnaires
faire du manager l’instrument de leur politique propre.
On le comprend, à l’égard des actionnaires, le processus de légitimation impose une
mobilisation managériale forte. Un dirigeant doit ainsi savoir persuader, parfois par
l’affrontement, une partie prenante concentrant un pouvoir plus important que le sien ce, afin
de mettre en place les politiques qu’il juge nécessaires à la réussite de son mandat. Sa
détermination et son entreprise de traduction de l’innovation par l’enrôlement de partenaires
fiables implique donc d’œuvrer à renforcer son Commandement au sens de Miller et Le Breton-
Miller (2010).

298
6.1.3 Le point de vue des parties prenantes secondaires

6.1.3.1 Les partenaires professionnels

Préserver des relations fortes auprès d’un partenaire stratégique relève avec évidence de
la composante de la Connexion (Miller et Le Breton Miller, 2010). La croissance des 4PL traduit
une tendance forte, celle du recours à outrance à l’externalisation et à la sous-traitance,
contribuant à un allongement des chaînes par une multiplication du nombre de leurs membres,
la plupart naturellement intermédiaires. Les entreprises cherchent ainsi à faire usage de tous les
moyens possibles pour exploiter les opportunités nouvelles que leur offre la mondialisation des
échanges, tout en parant à ses menaces. Ainsi, face à une réalité plus complexe et exigeante, le
choix privilégié, et rationnel, consiste à mobiliser les ressources en faveur d’une part, de la
performance opérationnelle et commerciale, d’autre part, de l’innovation technique. Ce sujet a
été particulièrement évoqué par nos praticiens qui mesurent dans leur quotidien l’évolution
rapide de leur secteur et l’introduction d’innovations qui changent leur quotidien. Dans une
entreprise aussi dynamique que le groupe CMA CGM, les acquisitions sont nombreuses et avec
elles, les métiers nouveaux. Pour une partie des équipes, il convient de se conformer à l’usage
des outils et processus liés.
Quant à l’innovation managériale, elle peut largement dépendre des compétences et de
l’expérience du prestataire dont est attendu une forte expertise car il est censé concevoir un SCM
performant tout en veillant à la conformité de son application. En effet, alors que les
organisations tentent, selon cette logique de fragmentation des activités, de se délester d’une
logistique jugée périphérique et chronophage, certaines vont jusqu’à confier à leur partenaire
toute une partie de leur conception stratégique. Comptant sur le bien-fondé de cette dernière,
les organisations attendent de leurs 4PL une contribution décisive pour rehausser leurs chaînes
au rang de réseaux grâce à de meilleures performances en termes de collaboration et
d’intégration (Webster, 1992). Ces externalisations avancées constituent en elles-mêmes des
changements majeurs pour les standards de business model, agissant sur l’enjeu de la Connexion,
qui se voit considérablement renforcé. Le recours à une sous-traitance aussi étendue transparait

299
également dans les commentaires de entretiens. Les professionnels évoquent les tentatives
nombreuses du groupe CMA CGM d’avoir recours à des partenaires complémentaires en
logistique terrestres lorsque leurs moyens ne semblent convenir ou suffire. Si les commissions
sur fret demeurent raisonnables, l’objectif dans l’entreprise peut être de démontrer ses capacités
à étendre sons système d’offre ou d’apprendre un métier nouveau, avant de s’y investir
davantage.
Des contraintes naturellement, existent, venant fragiliser les politiques d’alliances. Elles
contraignent les 4PL, lorsque possible, lancer des initiatives d’acquisition comme semble le
privilégier CMA CGM. La négligence des attentes des partenaires professionnels semble être due
à deux facteurs principaux.
D’abord et avant tout une orientation devenue trop financière chez les entreprises de de
différents secteurs. Nous l’évoquions dans la partie précédente, les actionnaires, qui ont
considérablement gagné en influence, en arrivent à compromettre la performance
opérationnelle en détournant les ressources des entreprises pour leurs privilèges. Ils rejettent
l’investissement que pourrait par exemple imposer un partenariat, de nature à renforcer la
position commune des alliés.
Ensuite, la détermination des entreprises en aval des chaînes à satisfaire avant tout les
attentes des clients finaux pour capter l’essentiel de la valeur de ces derniers, sans en envisager
une répartition équitable. Le rapport de force l’emporte alors sur la négociation et le juste
partage de la valeur. Les membres des chaînes en amont sont alors soumis à la pression, le
blocage ou les sanctions, auxquels succèdent la méfiance et le conflit. Ils n’ont que peu d’intérêts
à stabiliser leurs interventions le long de telles chaînes, privilégiant des opérations ponctuelles.
Les affaires basées sur de tels paramètres ne peuvent perdurer et proposer un plein potentiel de
performance. C’est la politique privilégiée notamment par les grands distributeurs, depuis
longtemps en position de force dans les réseaux. Les clients finaux doivent certes être reconnus
pour leur rôle moteur, mais la répartition juste de la valeur est également une condition
essentielle de réussite collective.
Le renforcement de l’axe de la Cohésion implique, d’un point de vue stratégique, une
capitalisation forte sur le portefeuille client, le recours à la sous-traitance et le privilège de la

300
loyauté avec les fournisseurs. En leader au sein des réseaux, le 4PL œuvre ici à une inclusion de
ses partenaires, bénéfique pour tous, mais aussi et surtout pour le réseau dans son ensemble.

6.1.3.2 La Collectivité

A l’égard de la collectivité, l’image véhiculée par l’entreprise semble être le levier


essentiel de légitimation. L’axe des 4C qui semble le plus pertinent dans ce cas de figure est celui
de la Continuité. Il permet aux dirigeants de défendre une image conforme à l’Histoire de leur
entreprise, fidèle à des valeurs et politiques qui naturellement, doivent être claire et acceptables
pour la collectivité. Si tel n’est pas le cas, la rupture de la Continuité s’impose afin de se conformer
davantage aux valeurs commune, changeante dans le temps.
En effet, la considération du système collectif de valeurs prend une importance forte car,
inspiré d’une culture commune, de son Histoire et d’une forte diversité d’externalités, il pondère
de façon déterminante les décisions collectives comme individuelles. Le sociétal et l’individuel
échangent, par des mécanismes variés, s’influençant de manière réciproque pour définir les
valeurs prioritaires. Les entreprises, comme toute autre partie prenante, sont invitées à s’y
soumettre, tout en y apportant une contribution centrale par la force de travail et l’importance
des capitaux qu’elles savent mobiliser.
Pour la collectivité, les enjeux à défendre sont multiples. A titre d’exemples, les opinions
se mobilisent contre le travail des enfants au Bangladesh par les géants de l’habillement tels que
Nike. Les dockers Marseillais refusent le chargement d’armes produites par EADS, à destination
de l’Arabie Saoudite pour sa guerre au Yémen. L’Etat Français subventionne son cinéma et
impose des quotas au nom de l’exception culturelle. De plus en plus, les jeunes notamment,
marchent au côté de Greta Thunberg et d’autres, pour défendre leur environnement. Dans bien
des cas, il peut également s’agir de veiller au respect de l’équité, de bonnes conditions de travail
ou encore de combattre la discrimination.
Le non-respect de principes humanistes et écologistes dégénère à l’ère des NTIC et des
réseaux sociaux en une publicité des scandales dévastatrice pour l’image des entreprises. Pour
les prévenir, elles développent des politiques internes, comme celles défendant la diversité par

301
exemple, qu’elles vantent auprès de l’opinion publique dès que l’opportunité se présente. Aussi,
elles confient à des consultants en relations publiques le soin d’élaborer des stratégies de
communication pour se ménager respectabilité et prestige. La guerre de l’image est désormais
profondément intégrée dans le jeu concurrentiel et les pratiques commerciales.
Nos praticiens, notamment les plus anciens, se montrent fiers de l’appartenance au
groupe CMA CGM, persuadés des valeurs sociales positives portées par leur employeur. Le
prestige entourant une telle multinationale joue également en sa faveur. Aussi, CMA CGM
s’engage, pour les préserver, à ne pas emprunter les voies arctiques, le jour où elles deviendront
pleinement exploitables pour relier l’Asie à l’Europe. Une décision clairement prise à des fins
d’entretien des relations publiques.

6.1.3.3 Les Pouvoirs publics

L’ampleur de la vague commerciale mondialiste à partir des années 1990 a été rendu
possible par un ensemble de conditions favorables. Entre autres, l’appétit financier des grandes
multinationales, les progrès des technologies, qui permettent de communiquer à distance en
temps réel et de livrer partout, plus vite, moins cher, et une volonté politique désormais étendue
à l’Europe de l’Est et la Chine. Pour la justifier, ses partisans politiques se complaisent à rappeler
que le phénomène a contribué, en 30 ans à peine, à faire sortir de la pauvreté des millions de
personnes dans le monde.
En effet, il s’agit d’une réalité tangible et évidente. Les 4PL y jouent un rôle incontournable
en faisant circuler les biens et services le long des artères du commerce international. En créant
des ponts entre les territoires, c’est parfois leur offre qui crée la demande. Leurs solutions pour
exporter et importer plus facilement dynamisent des secteurs et des régions, étoffent le tissu
économique et social, participant aux créations et préservations des emplois. Il semble donc
logique que les pouvoirs publics leurs autorisent des facilités d’accès étendues à leur
circonscription, voire les subventionnent abondamment. En retour, les politiques peuvent
espérer développer leur popularité en vantant leurs choix économiques et cumuler les succès
électoraux.

302
Mais le choix du libéralisme économique n’est pas sans dérives. Les populations des pays
en développement se sont globalement enrichies certes, mais au prix d’un creusement des
inégalités sociales. Les délocalisations ont fait émerger un chômage structurel dans les pays
anciennement industrialisés et le consumérisme continue de nuire profondément à
l’environnement. Il appartient aux institutions étatiques comme transnationales de règlementer
l’activité économique dans l’intérêt des citoyens. Ce fut par exemple le cas lorsque l’organisation
maritime internationale imposait aux porte-conteneurs l’usage du Gaz Naturel Liquéfié (GNL)
considéré comme moins polluant.
Pour échapper à ce type de contraintes légales, les industriels ont très tôt appris à
s’organiser pour influer sur la sphère politique. Ce sont les lobbies, légaux et parties intégrantes
des systèmes démocratiques, ils demeurent pour beaucoup illégitimes et malsains. Une partie de
l’opinion publique voient en eux de petits groupes dont la richesse permet d’acheter des intérêts
nuisibles au plus grand nombre, parfois usant de moyens aussi directs que la corruption.
Les innovations managériales d’ampleur suffisante à se répandre à l’ensemble d’un
champ organisationnel contraignent souvent l’état à amender ou développer ses textes de lois.
Cela se produit régulièrement sur les créatifs marchés boursiers, lors des apparitions de pratiques
spéculatives nouvelles. Elles appellent les gendarmes sur ces marchés à intervenir pour contrer
les dérives, potentiellement nuisibles à l’économie réelle.
Internet constitue également un ensemble édifiant et récent. Les affaires liées aux
manipulations de l’information sur les réseaux sociaux suscitent l’indignation et font craindre les
menaces possibles sur le processus démocratiques et l’ingérence étrangère. L’accès à une
information juste et vérifiable fait partie des piliers de la démocratie. Il est donc essentiel pour
l’autorité publique de se donner les moyens de règlementer ces plateformes nouvelles tout y
préservant une forme de liberté d’expression.
Selon la même logique protectrice, les pouvoirs publics veillent à ce qu’une innovation
managériale procurant un avantage concurrentiel décisif ne fasse pas l’objet d’abus. Tout en
laissant aux innovateurs les largesses de profiter de leurs innovations, conditions pour
promouvoir la recherche, il est nécessaire de défendre les consommateurs des ventes forcées et
autres pratiques commerciales afférentes aux monopoles.

303
6.1.3.4 Les Concurrents

Le système concurrentiel peut facilement sombrer dans certaines dérives préjudiciables


pour les marchés. Une compétition déloyale ou agressive est à l’évidence néfaste pour tous ses
participants. Elle fragilise face à la crise en tirant les prix vers le bas et condamne les plus petits à
périr ou se faire racheter. On observe ce processus de concentration sur le marché du transport
maritime mondial. Avec la réduction du nombre d’acteurs, toutes les parties se retrouvent
perdantes. Entre les survivants Maersk Line, MSC ou China Shipping, la compétition sur les prix
continue d’être rude, contraignant aux alliances pour espérer rentabiliser les gros porteurs.
Malgré ces stratégies, la moindre augmentation des prix du baril peut faire basculer dans la perte
sèche. Les chargeurs sont également perdants ; voyant des monopoles abusifs se créer sur
certaines lignes, ignorants les spécificités de leurs besoins.
Autre dévoiement des vertus de la concurrence, les ententes abusives, qui peuvent
déboucher sur des oligopoles. Contrairement aux armateurs qui tentent de réagir face à une crise
latente, des concurrents peuvent choisir de s’entendre sur un marché pour simplement capter
l’essentiel de la valeur ajoutée au détriment de leurs partenaires (clients et fournisseurs) et
d’autres potentiels entrants, en érigeant d’infranchissables barrières à l’entrée. Cette situation
est courante dans le secteur des télécommunications, où un petit nombre d’acteurs n’hésite pas
à s’accorder autour de systèmes de prix tout en verrouillant l’entrée de leur marché à de
nouveaux entrants ce, avec parfois un accord tacite des autorités. En France, on reproche
également souvent aux grands médias de n’appartenir qu’à un petit nombre de grands industriels
ultra-riches. Au-delà du simple profit, l’entente illicite peut ainsi être motivée par la volonté
d’exercer un contrôle quasi-exclusif sur une ressource, le cas échéant, l’information.
Malgré les dérives courantes, les concurrents sont à considérer comme une partie
prenante nécessaire dans les écosystèmes des entreprises. Trois grands avantages peuvent être
attendus du mythe de la concurrence pure et parfaite. D’abord, les concurrents complémentent
leurs offres, mettant sur le marché une diversité de choix satisfaisante pour les clients. Ensuite,
sans entraves ou intervention, les mécanismes de leur compétition font parvenir naturellement
à un équilibre entre volumes d’offre et de demande grâce aux ajustements des prix. Enfin, la

304
concurrence rehausse la performance opérationnelle, donc la qualité, et la recherche de
l'innovation.
Pour l’ensemble des acteurs économiques, la concurrence semble profitable, et les
concurrents eux-mêmes n’y font pas exception. Bien qu’adversaires naturels, la menace pour eux
peut émerge sur un tout autre plan, les poussant à s’allier pour y faire face.
Il peut d’agir de survivre à un ralentissement de la demande ou pour digérer l’ampleur de
certains investissements. L’exemple des armateurs est ici aussi pertinent ; pour réaliser des
économies d’échelles, ils se sont lancés dans une course au gigantisme de leurs navires. Les couts
opérationnels exorbitants de ces mastodontes ne pouvant être compensés par une demande
stagnante, il s’est révélé indispensable de s’allier sur les plans opérationnels et commerciaux
pour espérer remplir les navires.
Bien souvent, c’est pour peser dans les rapports de force le long des chaînes qu’une
alliance horizontale est décidée. C’est la logique des pools d’industriels ou des coopératives
agricoles dont les membres ne peuvent, seuls, affronter leurs trop puissants distributeurs,
prompts à faire jouer la concurrence pour réduire ses prix d’achats. Les concurrents s’affrontent
donc, dans l’intérêt de leur entourage, mais face aux défis, peuvent choisir de s’allier. La
littérature attribue à ce phénomène le concept de coopétition.
La composante de la Continuité peut sembler paradoxal avec l’introduction de BMI et de
leur légitimation, véritables objets de notre recherche, et soulignant justement le changement
et les évolutions qu’il suppose. Mais, s’inscrivant dans une stratégie de continuité, le 4PL peut
choisir d’écarter la rupture pour faire évoluer son business model dans une logique cohérente et
ordonnée avec son savoir-faire historique. Elle correspondrait par exemple, au niveau
opérationnel de ses déclinaisons, à une extension de l’offre des 4PL le long des chaînes, et d’un
usage adapté des NTIC.
Cette composante est donc celle qui sans doute transcende le mieux une catégorisation
selon les parties prenantes. Ainsi, à l’égard des différents acteurs qui composent les ESL, cela
consisterait à préserver des liens forts à la fois avec les clients, le personnel, les partenaires
professionnels et les concurrents. Les 4PL, à mesure du développement de leur offre et de leur

305
croissance, conserveraient ainsi des parties prenantes historiques au sein d’ESL qui
n’évolueraient que peu et très lentement.
Notre discussion s’attarde ainsi sur les enjeux auxquels doivent faire face les 4PL pour
légitimer les transformations de leurs rôles, donc de leur business model. Loin d’être exhaustive,
leur énumération démontre que la tâche est hautement complexe en raison de son ampleur et
des inévitables contradictions qu’elle impose. Aussi, certains facteurs, caractérisés par leur
originalité, imposent un long travail de construction de leur légitimation alliant pédagogie et
discours argumentatifs. D’autres, plus anciens mais que des externalités ou une stratégie bien
pensée ont transféré dans le giron des prestataires contraignent ces derniers à mener des efforts
plus importants encore. Il convient en effet, lorsque la contrainte du changement n’est d’elle-
même pas suffisante, d’organiser des campagnes dont l’objectif est d’éroder le statut
institutionnel dont profitent ces facteurs au sein de leur champ organisationnel. Ceci n’est
naturellement qu’une première étape précédant le travail de persuasion du 4PL visant étendre
ses prérogatives sur des métiers et bénéfices nouveaux pour lui.

306
6.2 Les mécanismes de légitimation

6.2.1 Intégration des rôles supplémentaires aux modèles d’affaires des 4PL et
déductions analytiques

Nous nous proposons dans le cadre de cette partie, de mener un travail de réflexion
appliqués aux rôles relevant du Vecteur de développement. Cet exercice doit être analogue à
celui mené pour les autres rôles, dans le cadre de notre revue de littérature. Il conserve notre
typologie comme fil conducteur du raisonnement, que notre enquête de terrain a contribué à
préciser en évoquant les grands enjeux qui lui sont afférents. L’objectif est notamment de
déduire les ressources, tangibles ou immatérielles, nécessaires à la réalisation de ce qui constitue
les systèmes d’offre. Elles ont leur importance dans une entreprise de légitimation auprès de
parties prenantes de plus en plus attachées à la préservation d’un environnement qui,
inévitablement, subit les conséquences de l’exploitation de certaines d’entre elles. L’objet de
cette démarche n’est, à l’évidence, pas de proposer un modèle accompli, invariable le long des
secteurs de spécialisation des 4PL et immuable dans le temps. Il s’agit, dans une perspective
d’abord académique, au demeurant utile aux praticiens, de proposer un business model
standard, retraçant les composantes majeures des variables du modèle RCOV décrit par Demil B.
et al. (2006).
Nous tenterons de mener dans un second temps une discussion plus approfondie des
ressources qui émergeront comme essentielles. Bien que la variable de l’offre nous semble plus
décisive, il ne peut être nié que l’évolution rapide de certaines ressources a, comme dans de
nombreux secteurs, participé à révolutionner le métier de la prestation logistique ces quelques
dernières années. Il conviendra donc de considérer ces ressources et les conséquences que
leurs évolutions peuvent avoir sur le reste des variables.
Enfin, les variables de l’offre et des ressources explicitées devraient nous permettre de
décrire les conséquences qu’elles ont notamment sur le mode d’organisation des 4PL. Un
business model standard pour l’industrie pourrait ainsi être proposé, apportant l’une des
contributions centrales de notre démarche.

307
6.2.1.1 Connecteur

Pour connecter les territoires, il importe d’abord de pouvoir disposer d’infrastructures


appropriées comme les routes, les chemins de fer, les ports, aéroports et autres portes d’accès.
Leur nécessité en fait des ressources essentielles dont il est indispensable pour les 4PL de profiter
d’un usage libre. Lorsque les régulations commerciales ne le permettent pas, il peut devenir
indispensable pour les prestataires d’exercer un contrôle par contrat d’exploitations sur les
infrastructures.
A l’évidence, un minimum de ressources financières, physiques et humaines semble
également indispensable pour internationaliser des prestations logistiques. Cela suppose par
exemple des flottes de containers pour les armateurs ou de camions pour les routiers. Pour
mettre en œuvre avec efficience ces moyens, les équipes doivent être qualifiées, spécialisées et
souvent sur le terrain. Les réseaux d’agences dans le monde sont donc nécessaires aux
opérations. Elles peuvent également se montrer utiles au développement commercial. A
proximité des chargeurs locaux, les commerciaux développent un portefeuille de clients,
pourvoyeurs de volumes réguliers. Il s’agit d’une ressource indispensable pour espérer
rassembler à grande échelle, donc rentabiliser les moyens déployés.

6.2.1.2 Mandataire

De même que la connexion, le rôle de mandataire du 4PL est rendu contraint par le
contrôle du prestataire sur une infrastructure stratégique. En effet, même s’il n’en est pas
commanditaire ou prestataire direct, une proportion majeure des flux, voire leur totalité, ne
peuvent que transiter par ses services. Il dispose alors d’une visibilité parfaite sur les échanges,
exerçant de surcroit, pour au moins une partie de la chaîne opérationnelle, un travail de
coordinateur. Les autorités considèrent alors le prestataire comme un incontournable pour
assurer l’application et la diffusion de mesures décidées par les politiques publiques.
En l’absence de contrôle sur une porte d’accès au marché, l’efficacité du 4PL pour relayer
l’information dépend avant tout de l’étendue de son portefeuille client. Plus il est étoffé et

308
international, plus le travail de sensibilisation des chargeurs aux décisions prises par les autorités
peut être rendu important. En interne, il convient pour les équipes du 4PL de maintenir à jour
des bases de données enrichies de leurs chargeurs. Des outils numériques simples permettent
ensuite de filtrer les informations selon différents types critères, pertinents selon les besoins. Les
campagnes d’informations ou les mesures concrètes peuvent ainsi être simplement appliquées
selon le secteur d’activité ou le statut de l’entreprise par exemple. La présence commerciale
justifie tout son intérêt lorsqu’il s’agit d’établir ainsi une identification avancée des clients.
A l’égard des autorités, des solutions de partage automatisé de données semblent
particulièrement recommandable. Elles le sont d’autant plus que les volumes à réguler sont
importants et qu’une information complexe est à transmettre sur base régulière. Un SIIO permet
ainsi de limiter le risque d’erreurs humaines, maintenant un lien étroit avec les autorités.
Enfin, il importe de compléter ces ressources matérielles, de relations interpersonnelles.
En effet, des accès directs aux cercles de décisions politiques peuvent servir à influencer par le
lobby, utile pour participer à la prise de décision. Le 4PL l’utilise pour apporter son expertise,
s’épargner des prérogatives trop contraignantes ou irréalisables. Ce type de relation est
particulièrement utile en cas de contentieux, servant à les résoudre à l’amiable et s’épargner des
pénalités parfois injustifiées.

6.2.1.3 Contrôleur

La légitimité du 4PL pour assumer un rôle de contrôleur lui vient de la qualité de son SCM,
mais aussi de ses compétences transversales entre les métiers, utile à concevoir des processus
inter-organisationnels. Cependant, la fonction exige du prestataire des compétences avancées
dans des métiers autres que ceux relevant de son cœur de métier historique. Il se doit de
comprendre les enjeux afférents aux systèmes de production par exemple, ou doit apprendre à
évaluer les normes de qualité de certaines matières premières. Le 4PL doit donc être spécialisé,
formé et disposer du personnel dédié à ces tâches. Les compétences et les moyens qu’il engage
doivent être à la hauteur d’un défi pour lequel il met en jeu une crédibilité acquise chez ses
chargeurs au prix d’une collaboration longue.

309
Sa position naturelle d’interface entre les organisations offre au 4PL les attributs utiles à
légitimer son rôle de contrôleur. Elle lui confère un statut de tierce partie neutre, indispensable
pour se voir accorder un droit de regard sur les processus internes. En organisation - pivot des
échanges, le 4PL se met en contact étroit avec chacun des membres, essaimant des
représentations durables sur des zones géographies distantes. La dimension transnationale du
4PL, de laquelle il accumule une expérience profonde de marchés différents et du management
multiculturel sont dans ce cadre des qualités hautement valorisables. Elle doit lui permettre de
se constituer un réseau de partenaires variés, utile au moment de faire appel à l’un d’entre eux
pour étoffer son ESL.
C’est l’association de ces grandes ressources auxquelles les 4PL ont su se donner accès
qui ont notamment permis à ces prestataires de devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, à savoir des
logisticiens experts, capables de designer et de contrôler des pans entiers des chaînes logistiques
aux besoins variés. Les réseaux patiemment tissés de partenaires spécialisés, les portefeuilles de
clients satisfaits et loyaux, les NTIC utilisés au maximum de leurs possibilités sont entre autres,
les ressources dont l’exploitation, optimisée grâce à une accumulation forte de l’expérience, ont
impulsé le développement des affaires des 4PL.
Rendre compte de l’ensemble des moyens dont disposent les 4PL serait matériellement
trop complexe. Nous avons donc choisi de privilégier une approche plus holistique en
catégorisant les ressources en six grands groupes qu’il est raisonnable de considérer comme
essentiels. La capacité à exploiter ces ressources décide en effet du statut des prestataires dans
la nomenclature des PSL et de l’offre de services qui en résulte constitue un avantage
concurrentiel décisif.
C’est notamment au cours des trente dernières années qu’ils ont matérialisé leurs
réalisations, qui pour l’analyse, a justifié leur passage du statut de 3PL à celui de 4PL. Ainsi, alors
que certains prestataires savaient déjà assurer une coordination efficace entre de nombreux
acteurs, ils ont également appris à concevoir presqu’entièrement les chaînes. Leurs interventions
se sont étendues, dépassant de loin les prestations restreintes d’un exécutant pour en arriver à
conseiller, organiser et manager. En intégrant les nouvelles technologies du numériques, les 4PL

310
ont rehaussé les performances communes, faisant passer les enchainements de partenariats en
véritables ESL.
La prise de maturité de certains PSL fait donc directement référence à l’extension de leurs
interventions le long des chaînes, par une conquête progressive d’activités logistiques connexes
à leur cœur de métier traditionnel. Au-delà de ce mode de développement naturel pour les
prestataires, ils ont appris à développer leur propre expertise du métier et ont noué de multiples
relations partenariales nouvelles. La diversification logistique devient ainsi avec le temps une
contrainte de croissance pour les prestataires. Elle leur permet de bâtir des ESL riches et
complexes, et de profiter d’un portefeuille clients particulièrement rémunérateur, au sein duquel
le risque est mieux réparti. Ainsi, en cas de perte d’un client important, voire de dégradation des
conditions sur un marché, des activités secondaires et déconnectées permettent aux 4PL de
mieux traverser ces périodes de crises. Diversifier l’offre de services relève donc également de la
prévoyance pour disposer d’une marge de manœuvre nécessaire en temps et finances afin de
prendre les mesures appropriées et rééquilibrer des finances en difficultés.
Selon leurs grandes orientations stratégiques, les 4PL démontrent des niveaux de
performances variables au gré des rôles définis dans notre typologie. Ceux d’entre eux qui ont
choisi de privilégier l’intégration verticale n’exercent que peu le rôle de médiateur et subissent
des contraintes au rassemblement, voire à l’innovation. Au contraire, s’ils s’en donnent les
moyens, ils peuvent se révéler d’incontournables architectes pour leurs réseaux, des consultants
avisés et des facilitateurs utiles. Les autres, qui retiennent l’option des partenariats, développent
des compétences fortes pour la coordination et la médiation, lèvent plus rapidement leurs
restrictions au rassemblement et peuvent profiter d’une innovation ouverte. Le choix du type
d’organisation a ainsi un impact non négligeable sur les performances et le profil même des 4PL.
Logiquement, aux prémices de la diversification du système d’offre, les 4PL privilégient la
conclusion de systèmes d’alliances, plus simples et moins risqués. Avec la pérennisation des
activités nouvelles, et bien sûr à condition de disposer des ressources nécessaires, il devient
préférable d’intégrer des ressources pour en profiter sur un terme long.
A l’évidence, l’attente de revenus suffisants constitue la motivation principale aux efforts
entrepris par les 4PL pour se ménager des accès privilégiés aux ressources essentielles. Elle leur

311
impose également la patience nécessaire à la capitalisation de leurs acquis qui en soit,
représentent des actifs importants, potentiellement générateurs de cash-flows. Au-delà des
attentes purement financières, la démarche de diversification des interventions logistiques
permet aux 4PL d’accroître leur domination dans les réseaux. En se rendant quasi-indispensables
pour nombre de parties prenantes, ils conduisent des négociations en position de force et
définissent les orientations stratégiques en leur faveur. En retour, les chargeurs de ces 4PL
peuvent espérer une customisation avancée des prestations proposées, des économies d’échelle
plus importantes et une réduction du nombre de leurs interlocuteurs.
La capitalisation des ressources essentielles en prestation logistique impose adresse
stratégique et patience opérationnelle car elle ne peut que se bâtir sur une accumulation très
progressive des moyens. Les investissements à engager sont conséquents et simultanés sur les
plans humains, physiques, financiers ou réticulaires.
Les choix effectués au niveau de chacune des variables ont des répercussions directes sur
le niveau, et la répartition, des charges fixes et variables. L’architecture de réseaux par exemple,
ou la facilitation opérationnelle, imposent une haute adaptation à des besoins spécifiques des
clients. Cette démarche appelle à une forte mobilisation de ressources, engendrant des charges
variables élevées en contrepartie de marges unitaires confortables. D’où le risque que pose une
faible diversité du portefeuille client, bien que cela soit à relativiser au regard des relations
forcément stables et pérennes. Une rupture des liens peut s’avérer également couteuse pour le
chargeur. A l’inverse, le rassemblement de volume est synonyme d’une standardisation qui ne
peut se réaliser sans des investissements lourds en un capital physique. Les charges variables
sont importantes mais à échelle unitaire, elles deviennent négligeables, de même que la marge
bénéficiaire. La fiabilité du modèle repose ainsi sur l’importance des volumes qui par leur
nombre, permettent également de réduire à minima le risque unitaire.

312
6.2.1.4 Lien entre notre typologie et la nomenclature des PSL

Les résultats obtenus semblent également permettre la déduction d’une contribution


supplémentaire, éclairant la corrélation entre notre typologie et les profils de maturité reconnus
des PSL.
Ces fonctions relèvent de l’exclusivité du 4PL et en cela, elles font partie de celles qui
contribuent à marquer ses différences d’avec ses semblables PSL, plus spécialisés.
En effet, notre revue de littérature nous a permis, entre autres, de passer en revue les
distinctions entre ces catégories autour desquelles s’accordent les chercheurs. Le classement
repose notamment sur l’étendue des domaines d’intervention et de compétences, donc sur le
niveau de maturité technique et technologique que les prestataires sont capables de démontrer.
Le simple prestataire logistique, transporteur ou manager de plateformes logistiques, clôture par
le bas une hiérarchie qu’inaugure le 4PL, expert spécialisé dans l’édition et l’implantation des
systèmes d’information. Entre ces extrêmes, le 3PL valorise surtout une médiation entre les
chargeurs et d’autres PSL. Le 4PL apporte, en sus, une conception experte sur une large partie
des chaînes, prompte à accélérer la performance.
Notre ambition de décrire les business model innovants des 4PL avant d’étudier les
moyens de légitimation liés impose cependant d’approfondir ces références succinctes qu’offre
la littérature. Les détails développés par notre typologie des rôles sont ainsi destinés à
directement servir ces objectifs en déduisant les propositions de valeurs que les nombreuses
tâches du 4PL peuvent proposer. Notre concept s’est construit à la faveur d’articles de recherche
que nous avons tenté de compléter de propositions de valeur issues de notre point de vue de
praticien réflexif.
Il s’agit donc de deux étapes dont le croisement est censé permettre d’achever la
démarche consistant à comprendre de manière exhaustive les valeurs ajoutées proposées par les
différentes catégories de PSL et mieux situer ces derniers dans les réseaux modernes
d’entreprises. Car leur maîtrise plus ou moins complète des rôles du métier détermine leur
prétention à appartenir à l’une ou l’autre des classes. La littérature sur le sujet manque à notre
connaissance d’une démarche similaire qui, considérant l’importance que prennent les PSL, ne

313
manque pas d’intérêt pour la recherche en management stratégique, en SCM, et pour les
praticiens concernés au quotidien.
Nos résultats sont résumés par le tableau 4, qui repose sur deux axes ; les rôles du PSL en
ordonnée et leurs catégories reconnues par la littérature en abscisse. Leur rencontre marque par
une symbolique simple la validité ou non d’un rôle selon le profil de PSL. Nous avons estimé que
la particularité du 5PL, qui s’apparente davantage à un consultant informatique spécialisé qu’à
un PSL classique, nous dispense de l’inclure dans la réflexion. De plus, nous avons fait le choix
préalable d’investir notre recherche dans le 4PL, au profil le plus accompli, seul capable de
conduire des opérations aussi complexes que la définition des termes logistiques d’un contrat
d’alliance et d’en formaliser l’aboutissement. Il valide logiquement la totalité des rôles
attribuables au métier de la prestation logistique, ce qui n’est certainement pas le cas du 5PL.
Ces raisons, abordées plus en détails dans la suite de notre étude, ont clairement motivé notre
focus autour du 4PL.
Alors que ce dernier valide seul l’architecture des partenariats, il partage les rôles de
l’innovation, de la coordination, du conseil, de la médiation et de la facilitation des opérations
logistiques, avec le 3PL. Chacun de ces PSL accompli cependant ces fonctions avec des moyens
différents, donc des résultats inégaux. La maîtrise technologique du 4PL lui donne un net
ascendant sur les missions les plus techniques comme le conseil. Il est également plus susceptible
de créer des innovations ou de faciliter la cohésion des réseaux, notamment lorsque celle-ci
repose sur la définition d’une orientation stratégique fiable que l’expertise pointue et
transversale du 4PL favorise. En revanche, les tâches de coordination et de médiation dépendent
d’autres facteurs, au premier rang desquels le réseau d’alliances tissé par le PSL. Incontournables
fondements de la compétitivité du 3PL, l’attention qu’il y porte laisse à penser que dans bien des
cas, il peut savoir se montrer le plus efficient des PSL. Pour les chargeurs, les choix ne peuvent à
l’évidence se faire qu’en fonctions des circonstances précises qu’ils doivent affronter, tout en
considérant les spécificités de chaque PSL et les besoins particuliers de leurs chaînes.
Cette logique, semblable à celle de Win (2008), qui se focalise sur le 4PL, offre un intérêt
managérial pour les chargeurs et constitue une piste de recherche intéressante. De manière
analogue, les autres rôles de la prestation logistique sont assumés par les PSL avec plus ou moins

314
d’efficacité, d’ampleur et de capacité à personnaliser leurs services. Par exemple, les
contributions à l’intégration des réseaux ou au rassemblement des volumes, bien que validés par
toutes les catégories de PSL, ne se formalisent qu’à mesure de leur progression dans les échelons.
Ainsi, les 3PL et 4PL intégrateurs sont reconnu comme tel par les membres d’un réseau
sciemment bâti sur des accords de long terme, leur attribuant explicitement ce rôle pour lequel
ils sont responsables et évalués. Les 1PL et 2PL n’assume pas de telles prérogatives, se contentant
de participer de manière restreinte à l’intégration de chaînes informelles, souvent éphémères.
Dans certains cas, ils peuvent créer ou renforcer les liens entre secteurs d’activités
complémentaires au moyen de services nouveaux d’échanges des flux physiques entre
fournisseurs et clients.

Tableau 9 – Validation des rôles selon les profils de PSL

Source : Elaboration de l’auteur

315
316
6.2.2 Les mécanismes de légitimation des rôles qui relèvent de l’instruction
de partenariats et de l’interface des organisations

Certains rôles, novateurs pour la prestation logistique ou perçus comme intrusifs dans les
processus des chargeurs, sont encore couramment remis en question. L’exercice de leur
légitimation s’en trouve naturellement compliqué par rapport à d’autres rôles plus traditionnels,
reconnus comme faisant partie du cœur de métier des prestataires logistiques. A titre d’exemple,
opposons le rôle de facilitateur, impliquant pour les 4PL de s’aventurer dans l’exercice d’activités
souvent mal connues, à celui de rassembleur, qui sans doute matérialise la raison principale pour
laquelle il convient de faire appel aux prestataires.
Autre problématique majeure, susceptible de complexifier le processus de légitimation,
les enjeux de pouvoirs qui prévalent parfois depuis des décennies dans les réseaux, et que les
détenteurs traditionnels refusent de voir renversés. Ainsi, après de décennies de domination
industrielles, les années 1980 ont marqué le début de l’ère des grands distributeurs, de plus en
plus coalisés à une échelle transnationale. Leur leadership souvent agressif prévaut encore dans
une majeure partie des chaînes, alors qu’ils se retrouvent bousculés par les géants du e-
commerce et, parfois, les 4PL.
D’autre part, il est intéressant de s’attarder sur les critères importants pour la légitimation
de chacun des rôles de notre typologie. Ces critères diffèrent naturellement selon la nature des
rôles, leurs exigences, leurs conséquences ou les domaines de leur application. Ainsi, et pour
rappel, l’arbitrage du 4PL repose, entre autres, sur la reconnaissance de sa neutralité alors que
son rôle de consultant, sur celle de son expertise. A l’évidence, l’acceptation des rôles dépend
aussi et surtout de la valeur ajoutée qu’ils promettent. L’importance de cette dernière et liée à
l’efficacité du 4PL dans l’exercice de ses fonctions, mesurables, en théorie, le long d’échelles
définies selon les critères afférentes à chacun des rôles.
En effet, ces fonctions nouvelles que les 4PL peuvent avoir l’ambition de prétendre
exercer ne peuvent gagner en légitimité qu’à la condition d’être assumés avec succès. Ainsi, de
premières interventions couronnées de réussites font apparaitre au grand jour l’évidence de leur
efficacité, créant une acceptation naturelle et spontanée des parties prenantes. C’est pourquoi il

317
convient pour les 4PL de proposer les rapports d’analyses statistiques utiles à mettre en valeurs
les effets de leurs interventions. Ils simplifient ainsi la comparaison entre les situations d’avant
et d’après la prise en charge d’un rôle, rendant plus simplement compte de ses qualités
potentielles d’accélérateur de performance.
Mais cette accélération de la performance collective peut ne pas suffire à assurer aux 4PL
une légitimation complète de leurs rôles. En effet, malgré son évidence, des questions peuvent
lui être posées, d’une part, ex-ante, lorsque par exemple ses interventions exigent un accès
privilégié aux informations sensibles et autres secrets industriels. Il peut également avoir à
réclamer de ses partenaires des investissements lourds mais nécessaires à la complémentarité
collective ou l’amélioration des performances. Il doit alors se montrer capable de convaincre à
l’aide d’un discours concret, démonstratif et pédagogue. D’autre part, la légitimité de ses
préconisations peut être remise en cause d’un point de vue plus stratégique, avec les multiples
motivations sous-jacentes et internes aux chargeurs. Ces derniers peuvent ainsi avoir l’ambition
d’exercer un contrôle direct et presque exclusif sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Il convient à cette étape de s’inscrire dans une démarche de réflexion analogue à celle qui
a été menée dans les deux grandes parties précédentes, consistant à discuter des différents rôles
selon le concept en objet. Nous avons ainsi évoqué, dans le cadre de notre revue de littérature,
puis en analyses et discussions pour les rôles relevant du Vecteur de développement, les
différents degrés d’importance attribuables à ces grandes fonctions dans les ESL. Au titre de
variable de l’offre, nous avons également évoqué les conséquences qu’elles peuvent avoir sur le
reste des business model. Nous discutons à présent des enjeux liés à leur légitimation, à la fois
pour les 4PL eux-mêmes, et leurs chargeurs.

6.2.2.1 Architecte – Légitimation

Le 4PL peut trouver différents avantages dans l’architecture de partenariats. En premier


lieu, l’intérêt de marquer les alliances des caractéristiques propres à ses méthodes afin d’y
pérenniser sa présence. La position lui fait jouir de prérogatives suffisamment étendues pour
concilier le modèle de l’alliance avec ses intérêts propres. Elles lui permettent d’aller jusqu’à

318
préconiser l’intégration d’un partenaire supplémentaire au réseau, et, prenant part à sa
sélection, d’exercer une influence ascendante sur ces nouveaux venus. En tant que concepteur
et animateur du réseau, c’est donc une incontestable position de leader qu’il occupe. Pour les
risques que cela implique, il demeure important pour le 4PL de ne pas s’en remettre à la
prospérité d’un seul ESL, bien que leur management puisse s’avérer chronophage et lourd de
responsabilités.
Cette prestation, qui demeure optionnelle, permet ainsi au prestataire de trouver
différents avantages au premier rang desquels, sans doute, l’intérêt de pérenniser sa présence
au centre des alliances, en les marquant de ses idées et innovations exclusives. La position lui fait
donc jouir de prérogatives suffisamment étendues pour sculpter le modèle de l’alliance,
conformément à ses intérêts.

6.2.2.2 Coordinateur – Légitimation

A l’image de l’intégration des chargeurs ou du rassemblement des volumes, la


coordination opérationnelle entre membres des chaînes est inhérente à la prestation logistique.
Ce qu’il importe d’évaluer, c’est l’ampleur qu’elle peut prendre. En effet, elle varie sensiblement
selon le niveau de complexité des prestations ou l’étendue des prérogatives du PSL, facteurs
directement corrélés à son profil. Or, le caractère onéreux des prestations proposées par un 4PL
devrait justifier une offre étoffée de coordination, susceptible d’apporter une valeur ajoutée
réelle aux ESL. Idéalement précédée de son travail d’architecture, cette coordination peut ainsi
permettre au 4PL la mise en œuvre délicate mais efficiente des accords contractuels.
Une logique de continuité peut donc légitimer, au moins en partie, les intrusions du 4PL
coordinateur dans les processus de ses chargeurs. Elle semble appropriée pour engager le
prestataire à l’investissement afin de démontrer à la fois la pertinence de son design et sa
disposition à en assumer les principes. De plus, en engageant ses ressources, il bâtit sa crédibilité
aux yeux d’un marché où les occasions fructueuses peuvent se trouver rares. L’enchaînement de
ces rôles lui fait accéder à un statut mieux valorisé que celui de simple prestataire, lui octroyant
le surcroit de légitimité nécessaire pour prétendre même à la décision logistique. Le 4PL

319
architecte devient donc coordinateur augmenté pour concrétiser les accords qu’il a contribué à
établir.

6.2.2.3 Facilitateur – Légitimation

Le rôle de facilitateur des relations inter-organisationnelles semble, de prime abord,


périphérique pour le 4PL. Cependant, une stratégie réfléchie et des investissements adroits
peuvent contribuer positivement à propulser le prestataire au centre des réseaux, grâce à des
services perçus comme indispensables pour les chargeurs les plus importants.
Les activités de support, matérialisés par exemple par les services de copacking,
fournissent une contribution considérable pour permettre à chacun de se recentrer sur son cœur
de métier. Les investissements du 4PL peuvent contribuer à libérer, pour le compte des
chargeurs, du temps et des ressources que naturellement, ils ne laissent pas inexploitées. En
sous-traitant de leurs activités périphériques et couteuses, ils peuvent mieux s’investir dans le
développement de leur cœur de métier. L’intensification des échanges, donc la prospérité du
réseau, devient ainsi directement dépendante des politiques du 4PL. Ce phénomène contribue à
rapprocher toujours plus l’ESL vers le modèle de la plateforme. Propice à l’émergence et la
diffusion de l’innovation, l’ensemble du réseau peut ainsi tirer profit à moyen et long terme de
ces initiatives, pourtant optionnelles du prestataire.
La production de rapports spécialisés et pertinents peut jouer un rôle central dans la
définition des grandes orientations stratégiques en donnant un accès privilégié à l’information
importante. Pour le 4PL, ces rapports peuvent également servir à subjectivement valoriser sa
contribution opérationnelle au réseau, lorsqu’il est tenté de mettre en valeur certains indicateurs
plutôt que d’autres. Concrètement, ils inspirent aux membres du réseau une vision et leur
assurent un suivi permanent de leurs réalisations communes, permettant d’accéder plus
simplement au compromis stratégique. Le 4PL rend ainsi disponible une information claire et
directe des résultats de l’alliance, voire du cours d’opérations longues. C’est une disposition
hautement stratégique pour la réussite des ESL.

320
Autre déclinaison majeure du rôle de facilitateur, la tenue et l’animation d’espaces de
rencontres pour non seulement servir à accorder les processus et les routines, mais également
rendre son importance au développement des relations interpersonnelles. Ils favorisent
l’installation durable d’une confiance réciproque entre les partenaires, utile à compenser les
inévitables failles contractuelles et écarter les risques de voir les conflits dégénérer. D’abord
considérés comme optionnels et annexes, ce type de services prend de l’importance avec la
maturation de l’ESL et ses premiers succès.
La valeur ajoutée du 4PL dans certaines de ces fonctions support peut être difficilement
quantifiable. Dans certains cas, elle résulte à terme en un accroissement clair des échanges dans
l’ESL, dans d’autres, dans une amélioration qualitative des relations qu’entretiennent les
membres.

321
6.2.2.4 Intégrateur – Légitimation

Le travail d’intégration des chaînes semble relever de l’essence même de la prestation


logistique, ce, plus encore que tout autre rôle. Cependant, c’est également la pluralité des
services offerts qui varie selon le degré d’implication et de compétences du PSL. Un 4PL devrait
ainsi se montrer capable de mettre en œuvre des politiques favorables à l’adoption collective
d’outils et de procédés communs ou complémentaires. Les initiatives du 4PL ont pour objectif le
développement de ses services mêmes, mais visent également à renforcer la cohésion de l’ESL
par l’intégration et l’implication de chacun de ses membres. A ce niveau, le prestataire assume
donc son rôle à un niveau également stratégique.
Sur le plan purement opérationnel, les chargeurs mesurent la qualité des prestations
d’intégration par le calcul d’indicateurs comme les taux d’erreurs à la livraison, le temps moyen
de réactivité ou la mise à disposition des ressources suffisantes. Les initiatives du 4PL lorsqu’elles
contribuent à rapprocher les acteurs distants et en intégrer de nouveaux, performants et
complémentaires, le tout à moindres couts, ne peuvent qu’être logiquement les bienvenues. Le
prestataire peut amorcer et développer ainsi les échanges à l’échelle des régions et des secteurs
d’activités. Il est d’autant plus en position de proposer des connexions utiles qu’il œuvre à échelle
transnationale et exploite une infrastructure logistique majeure.
A l’évidence, le prestataire peut espérer pour son compte un bénéfice non négligeable.
En effet, son travail d’intégration lui accorde le contrôle et la maitrise d’une information
précieuse, susceptible de consolider sa position de leader de l’ESL. De plus, lorsqu’il parvient à
généraliser l’usage des outils qu’il promeut, comme les SIIO, c’est l’essentiel de l’information qui
transite par ses canaux. Il s’agit d’une réelle prise d’ascendant sur ses partenaires puisque le 4PL
se donne la possibilité de collecter ou de filtrer les données, tout en veillant naturellement à la
préservation des données confidentielles. Concentrant de tels pouvoirs, le 4PL leader peut
organiser les échanges de telle sorte qu’il se muerait en une interface presqu’étanche entre les
chargeurs. Il devient alors leader plus dominateur que leader positif, cherchant à maximiser un
profit à court terme dans un ESL devenu système d’offre plus stérile, au sein duquel la profusion
des échanges est réduite. Rendre l’information dont il dispose transparente est le meilleur moyen

322
de prémunir le réseau de cette tendance. Le rôle d’intégrateur lui impose ainsi certaines
responsabilités, dont celle de garantir des politiques inclusives et pérennes dans son
management de cet ensemble.

6.2.2.5 Médiateur – Légitimation

La recherche d’un appui transitoire auprès de leurs pairs permet aux 4PL de faire face aux
tâches de grandes envergures, qui peuvent se manifester, selon les secteurs, en pics saisonniers
de courtes durées. La médiation auprès de PSL spécialisés doit permettre de s’épargner des
investissements lourds sans renoncer à exploiter des segments de marchés prolifiques. La
solution sert également l’efficacité des prestations, servant à concilier sur les chaînes des critères
de performances lean, par l’accumulation de moyens de standardisation, et agile, en adaptant la
quantité tout en préservant la qualité (Christopher et Towill, 2001). Le compromis se réalise alors
par une adaptabilité temporelle des moyens logistiques.
Les 4PL font donc usage de la médiation avant tout pour adapter leur offre dans le temps,
l’espace et les secteurs d’activités. En ce sens, c’est également une manière de diversifier leur
offre de services rapidement, en s’attachant un temps les services de partenaires spécialisés. La
stratégie leur permet d’étendre leur portefeuille de clients en proposant des offres plus
complètes, clé en main, et plus flexibles, afin de transcender les spécificités des secteurs et des
zones géographiques.
Bien qu’elle coute aux chaînes les commissions prélevées par les prestataires donneurs
d’ordre aux exécutants, la médiation est souvent indispensable pour répondre à la complexité
des attentes des chargeurs. En coordinateur expérimenté et dédié à la tâche, le 4PL semble être
le seul capable d’assurer une gestion efficiente de la supply-chain de ses chargeurs. Il centralise
la coordination de l’information et de ce fait, peut travailler à l’optimisation organisationnelle et
la maximisation des performances. L’ensemble du réseau peut ainsi déduire de réels avantages
opérationnels à accorder ce rôle catalyseur au 4PL. De plus, la médiation a une conséquence
pratique, celle de réduire le nombre des interlocuteurs logistiques, simplifiant grandement la
gestion du SCM.

323
Nous l’évoquions notamment en retraçant l’Histoire du groupe CMA CGM, les 4PL sont
pour la plupart, d’anciens PSL spécialisés qui ont sur, à mesure de diversification de leur offre et
de conquête des chaînes, à parvenir au stade ultime de la nomenclature. Parfois, cette mue s’est
simplement avérée nécessaire. En effet, leurs marchés d’origine, qu’il s’agisse du transport
maritime ou du transit par exemple, après avoir traversé des années de forte croissance, finissent
par atteindre une maturité qui minimise les opportunités de développement. S’aventurer au-delà
du cœur historique de métier de vient à ce stade une véritable contrainte.
Certaines externalités peuvent également appeler à la diversification. C’est le cas par
exemple des ‘Nouvelles routes de la soie promues par les autorités Chinoises. Leurs ambitions de
diversifier les modes de transport des marchandises produites localement, destinées à être
acheminées vers l’Europe appellent tous les prestataires logistiques à développer leur présence
sur terre comme en mer, pour ne pas manquer ces opportunités d’avenir. Ils n’ont ainsi d’autre
choix que de poursuivre l’extension de leur contrôle le long des chaînes de leurs chargeurs,
diversifiant ainsi leurs activités notamment par la médiation.

6.2.2.6 Arbitre – Légitimation

La présence d’un arbitre faisant autorité ne peut qu’être utile à l’ensemble des membres
du réseau. A l’évidence, pour résoudre les cas de conflits potentiels, parfois inévitables, mais
aussi pour les prévenir. La prévalence des précautions prises par le 4PL peut écarter
l’opportunisme ou tout comportement contraire à un esprit de coopération véritable. Les
partenaires peuvent se sentir, grâce à la présence d’un tel arbitre, bien moins soumis à la
tentation de tirer parti des failles contractuelles. Ils se gardent spontanément de chercher à
accaparer des ressources au détriment du système d’alliance. La confiance est donc à terme
favorisée par la simple présence d’un arbitre expert et force de loi.
Pour le 4PL, assumer ce rôle d’arbitre n’est pas sans risque, comme certains de nos
praticiens l’ont justement rappelé. En prenant position en faveur de l’une ou l’autre des parties
en conflit, il compromet la neutralité afférente à son statut d’intermédiaire. Intervenir peut
cependant se révéler une contrainte, nécessaire pour préserver ses intérêts. En effet, les

324
désaccords se traduisent souvent en blocages opérationnels, couteux pour l’ensemble des
parties, 4PL inclus. Il voit ses équipements immobilisés le temps qu’une solution émerge, se
retrouvant en position de victime collatérale entre un fournisseur et son client, dont il est urgent
de s’extraire. Faire parvenir à un accord à l’amiable est l’issu idéale, lui permettant de renforcer
son crédit et de préserver ses relations avec tous. Le risque de voir se détériorer ses relations
avec les chargeurs impliqués devient alors plus important.

6.2.3 Les mécanismes de légitimation des rôles qui relèvent de


l’accélération de la performance et de vecteur du développement

6.2.3.1 Innovateur – Légitimation

Le 4PL peut espérer instituer des innovations relevant, naturellement, de la logistique,


voire du business model, avec un aspect prépondérant pour les processus inter organisationnels.
Il y parvient souvent par le recyclage des bonnes idées, mais aussi par ses propres efforts à leur
adaptation. Cette dernière peut revêtir un intérêt décisif lorsque les innovations ne s’appliquent
efficacement qu’aux particularités d’un réseau. Leur valeur ajoutée n’est alors que très
difficilement reproductible, offrant un avantage concurrentiel au prestataire mais aussi à ses
chargeurs. Ainsi, la capacité des 4PL à injecter des méthodes et technologies nouvelles, sources
d’un supplément de productivité logistique, est un critère d’appréciation majeur, notamment
pour les chargeurs importants.
Le 4PL compte largement sur sa position d’organisation pivot entre les chaînes pour
développer sa capacité à innover ou transférer l’innovation. Cependant, les défis annoncés par
l’avenir de la logistique pourraient contraindre ces grands prestataires à poursuivre un processus
déjà amorcé de spécialisation, notamment par métiers. En effet, un niveau de maitrise plus
avancé sera nécessaire pour savoir intégrer les NTIC et faire face à des marchés concurrentiels et
imprévisibles. De telles spécialisations, trop avancée, pourraient priver les 4PL de
l’enrichissement des précieux échanges inter-métiers. Les équipes du 4PL s’en trouveraient
restreintes à la pratique de routines invariables, bridant leur créativité par l’adaptation. La

325
stratégie risque ainsi d’éloigner le prestataire d’une partie de ses occasions d’innover et de
transférer l’innovation. A l’échelle de l’ESL, la spécialisation du 4PL leader aurait pour
conséquence d’homogénéiser le réseau, n’intégrant que les acteurs répondants à certains
critères liés au secteur d’activité des chargeurs ou aux technologies qu’ils emploient.
Ce processus engagerait donc à renoncer à certains marchés mais dans le même temps,
il en ouvrirait d’autres, avec les opportunités différentes d’introduire des innovations techniques
et managériales utiles pour les chaînes. Le 4PL demeurerait, au moins un temps, un acteur plus
susceptible encore de créer un progrès hautement technique, de transférer et d’adapter de
bonnes pratiques.

6.2.3.2 Rassembleur – Légitimation

Pour les chargeurs, les prestations standardisées sont la vitrine du rôle de rassembleur
assumé par leur 4PL. Elles permettent de satisfaire des critères de performance logistique sur
chacun des trois axes de leur mesure, même si celui des couts demeure ici privilégié. Ainsi, les
fourchettes tarifaires connues facilitent les projections budgétaires sur l’axe des couts alors que
la répétition du service fait percevoir une constance des normes de qualité. Enfin, la régularité
des tournées limite les surprises sur l’axe des délais. La mutualisation des flux correspond donc
pour les 4PL aux attentes d’une demande à laquelle il convient de répondre. Elle concerne
particulièrement les producteurs de biens à faible valeur ajoutée unitaire, naturellement
demandeurs de services logistiques peu couteux et ainsi standardisés. Ces prestations ont
également un autre mérite, celui de simplifier les comparaisons de performance entre
concurrents, quel que soit l’axe que le chargeur considère comme prioritaire. Cependant, elle
peut faire perdre à l’offre une partie de sa diversité, lorsque les 4PL concurrents reproduisent par
mimétisme une formule gagnante. Le phénomène est aggravé par la mise en place de coalitions
pour justement standardiser davantage.
L’importance des volumes rassemblés est ainsi profitable à l’ensemble des ESL car
mécaniquement, le 4PL finit par répercuter son accès aux tarifs préférentiels à ses partenaires,
dans une course commune à la compétitivité. Le rassemblement de volumes contribue

326
également au renouvellement des ESL par l’investissement et l’innovation. En effet, lorsque la
précarité de l’environnement bride les possibilités d’investissement, la régularité du cash-flow
qu’il accorde peut-être employée à l’entretien du réseau même.
Alors qu’il incite à standardiser, le rassemblement des volumes peut également servir aux
4PL à diversifier leur offre. En effet, un seuil de volumes suffisant est une condition nécessaire à
la rentabilité de l’investissement mais aussi de la médiation avec des PSL spécialisés dans des
services complémentaires. La mise en commun de flux physiques en quantité rend ainsi possible
l’usage d’un transport multimodal, donc d’une offre de services étoffés et variés. Le rôle pivot du
4PL prend alors toute son importance, lui permettant de percevoir le long des chaînes les besoins
susceptibles d’être associés. L’importance des volumes ainsi rassemblés peut d’ailleurs lui
accorder le droit à des tarifs préférentiels qu’il met à profit de son ESL dans sa course à la
compétitivité.
La standardisation à toutes les étapes est ainsi devenue une pierre angulaire du modèle
d’entreprise des 4PL. Elle leur sert à constituer un réservoir important de trésorerie utile à
différents usages. Ils peuvent par exemple financer des projets d’ampleur ou diversifier l’offre de
services. Le rassemblement de volumes est dans ce cas utile au renouvellement des ESL par
l’investissement et l’innovation. Lorsque la précarité de l’environnement bride ces possibilités
d’investissement, la régularité du cash-flow qu’il accorde peut-être employée à l’entretien du
réseau.
Cette stratégie exacerbée par les 4PL est désormais utile pour ériger de sérieuses
barrières à l’entrée des différents marchés. Ainsi, les acteurs aux moyens physiques limités,
incapables de suffisamment rassembler, se voient absorbés par les plus robustes, notamment en
période de crise systémique. Les PSL en croissance ont de ce fait plus de mal à gravir les échelons
qui catégorisent leur métier face à des oligopoles régnant solidement sur leurs parts de marchés.
C’est le cas par exemple du transport routier en France (Mevel et al., 2018) ou du fret maritime
mondial.
Une prise en charge énergique de ce rôle sert donc avant tout à l’approvisionnement des
fonds de roulement. Les 4PL investissent pour rassembler car il s’agit là de la raison d’être des
prestataires logistiques le long des chaînes. Ils amplifient la logique parce qu’il s’agit du moyen le

327
plus direct pour créer du cash-flow. Les liquidités générées par une telle offre standardisée
peuvent ensuite être mobilisés à la réalisation de différents objectifs, allants du financement
d’une croissance brute, réalisée sur un marché historique toujours porteur, à une diversification
vers des activités nouvelles. Le rassemblement des volumes semble donc être une étape
incontournable, à tous les stades de maturité, pour financer le développement par diversification
ou reproduction.
L’environnement de plus en plus concurrentiel des 4PL fait du rassemblement un outil
privilégié dans la course aux parts de marché. Mais de stratégie de conquête, ce rôle est
rapidement devenu une contrainte pour préserver ses acquis, voire survivre. Ses objectifs restent
les mêmes, massifier des flux standardisés pour maximiser les économies d’échelle.

6.2.3.3 Consultant – Légitimation

La prestation logistique est secteur d’activité relativement récent. Il continue de croître


et en conséquence, de faire apparaitre des métiers nouveaux, tout en renouvelant les plus
classiques. Le consultant, dédié à la compréhension de ces nouveautés et des pratiques qui vont
avec, en fait partie. Il va bien souvent de pair avec d’inévitables choix de spécialisation car même
les 4PL, les plus matures des prestataires, ne peuvent prétendre à une maitrise avancée de
l’ensemble de ces métiers. Malgré l’entreprise d’une forte diversification opérationnelle, le statut
d’expert reconnu, capable de valoriser un conseil formel aux chargeurs, ne peut qu’être restreint
par secteurs d’activités, et semble donc inévitable. Le 4PL n’en serait donc véritablement un que
dans le cadre de certaines divisions de son offre de services, demeurant un PSL plus classiques
dans d’autres.
Dans le même temps, et comme nous l’ont révélé nos entretiens de terrain, le rôle de
consultant s’applique également lorsque le 4PL étoffe ses prestations de conseils informels. Sans
contrepartie financière directe, il peut en espérer la reconnaissance interpersonnelle de ses
chargeurs, convaincus par la diligence de leur prestataire. Un intérêt commercial auquel se joint
l’objectif d’accélérer les performances globales de son ESL. Il se doit alors de mener un travail
pédagogique que précèdent la recherche et l’analyse. Aussi, le 4PL vante le mérite de nouveautés

328
pensant implanter des solutions captives auprès de ses partenaires. L’idée rejoint la stratégie
d’enracinement par l’innovation de Boissinot et Kacioui-Maurin (2009).

6.2.3.4 Connecteur – Légitimation

Chargeurs et prestataires ont stimulé à tour de rôle la mondialisation du commerce parce


que le phénomène convient à leurs intérêts financiers. Il atteint aujourd’hui un niveau tel que les
4PL ne peuvent concevoir des chaînes logistiques sans en envisager un déploiement
transnational. Grâce à elles, les chargeurs s’approvisionnent à moindre couts et délocalisent pour
espérer augmenter leurs marges. Ils exportent plus facilement pour croitre et trouver des
débouchés à leur production. Leurs intérêts varient naturellement selon les conditions
économiques et sociales de leurs pays d’origines. En effet, aux PME ressortissantes des pays en
développement, les solutions logistiques des 4PL permettent de profiter pleinement de
potentiels avantages comparatifs en offrant un meilleur accès aux marchés consommateurs. Les
producteurs Africains de matières premières par exemple, agriculteurs ou industriels miniers, en
bénéficient. Mais les grandes multinationales demeurent les premières gagnantes du libre-
échange grâce à l’importance des moyens qu’elles sont capables de déployer sur des marchés où
la concurrence locale ne peut opposer de résistance.
Le sort réservé à la partie prenante salariale dépend lui aussi de son appartenance
géographique. Ainsi, la logistique des 4PL a permis aux grands industriels d’exporter vers le Sud-
Est Asiatique l’organisation scientifique du travail, pourvoyant des emplois qui, malgré leurs
faibles rémunérations, sont créateurs de richesse. Pendant ce temps, l’Europe ou l’Amérique du
Nord subissent une désindustrialisation douloureuse qui force à la tertiarisation de leur
économie. La baisse des couts logistiques compte pour beaucoup dans la rentabilité de ces
investissements directs à l’étranger. Elle a rendu moins onéreuse une production distante, au
détriment des industries locales.
La fragmentation des chaînes à échelle mondiale a ainsi eu pour effet de mettre en
concurrence des régions et leur tissu économique et social. En créant des emplois et des
bénéfices directs, chacune espère se trouver parmi les gagnantes de la mondialisation. Les

329
pouvoirs publics, locaux ou régionaux rivalisent donc de cadeaux fiscaux et d’investissements,
notamment dans les infrastructures logistiques, pour s’attirer les faveurs des exploitants et
industriels.
Les clients finaux semblent émerger comme d’invariables bénéficiaires de ces chaînes
internationalisées. Elles leur ont permis de sensiblement relever leurs exigences à l’égard des
distributeurs. La facilité d’accès des biens, disponibles en abondance, de manière permanente et
à faibles couts sont des attributs considérés aujourd’hui comme acquis. Ces conditions d’achats
exercent pourtant de fortes pressions sur les chaînes.
Sur la question des grandes infrastructures, biens stratégiques pour les états, que
financés, les prestataires se montrent souvent indispensables. Ils financent en partie leurs
constructions, complétés des fonds publics, et participent à leur exploitation, en professionnels
de la logistique. L’expertise et les moyens des 4PL les placent en bonne position pour rationaliser
au mieux le management de ces structures complexes. Ils multiplient alors leurs sources de
profits, faisant usage des grands ports par exemple, pour réaliser des activités de
transbordements indispensables à l’alimentation des ports de taille plus réduite. Leurs
concurrents se voient contraints, pour ne pas renoncer à d’importants marchés, de solliciter leurs
états de services. Ce contrôle étendu facilite également la définition de normes opérationnelles
mondiales.

6.2.3.5 Mandataire – Légitimation

Les 4PL prennent en charge des fonctions incontournables pour la mise en œuvre de
politiques économiques. Selon l’idéologie dominante, ils sont les agents privilégiés du
protectionnisme ou au contraire, promoteurs du libre-échange. Le contrôle qu’ils exercent sur
les voies d’approvisionnement leur permet de réguler les flux de marchandises, de collecter de
l’information à but statistique ou de collecter des taxes pour le compte de l’état. Ils en deviennent
ainsi un exécutant formel. Sur un plan plus politique, le 4PL engage sa responsabilité dans la mise
en œuvre de sanctions prises à l’encontre d’un acteur étranger, privé ou public. Il est un

330
instrument obligé de guerres commerciales qui lui font pourtant subir des conséquences
négatives.
La gouvernance publique a donc besoin, pour des raisons diverses, d’exercer un pouvoir
coercitif fort sur les 4PL. Cela peut la conduire à tolérer, voire favoriser l’émergence de marchés
des prestations à caractère oligopolistique. En effet, l’encadrement d’un nombre restreint
d’acteurs, avec les lesquels des liens interpersonnels peuvent être tissés semble plus favorable
aux politiques. En cela, le secteur d’activité dans son ensemble peut être qualifié de stratégique
sur les plans économiques, politiques voire purement industriels. Une forte concentration du
marché favorise l’émergence d’un fleuron industriel, source de prestige dans un secteur pourvu
d’une visibilité internationale. Ainsi, alors que la Chine a, au nom de lois antitrust, fait obstacle à
un projet d’alliance entre les trois plus grands armateurs mondiaux, elle a, trois ans plus tard,
incité au rapprochement de ses deux grands locaux, China Shipping et Cosco. Leur coopération
voit le pays se doter d’un acteur de rang mondial, digne de l’influence du pays sur le commerce
du vingt-et-unième siècle.

6.2.3.6 Contrôleur – Légitimation

La charge du contrôle éloigne quelque peu le 4PL de la logistique. Pour y prétendre, les
chargeurs doivent unanimement reconnaitre en lui une légitimité à l’exercer. Elle est d’autant
plus nécessaire que contrôler amène le prestataire à intervenir de manière intrusive dans les
processus de chacun. De plus, le 4PL se voit octroyer un pouvoir répressif au sein des ESL car au-
delà de l’accompagnement à l’intégration, il mène un travail de surveillance, duquel peut
déboucher la prise éventuelle de sanctions. Le statut, déjà prééminent du 4PL se voit donc
largement renforcé.
L’engagement au contrôle peut requérir un préalable de coopération profond et durable
entre les chargeurs et leur 4PL. Elle donne à ces derniers un temps indispensable pour bâtir une
confiance réciproque, accorder les processus et doter les affaires d’une moralité qui fasse
consensus. En garant de la prospérité de son ESL, le 4PL peut percevoir dans ce rôle une
prérogative naturelle de sa position de leader.

331
Le contrôle promet des contreparties financières et commerciales, mais engage le 4PL à
garantir les résultats d’un emploi qui ne relève pas de son cœur de métier. En outre, le rôle peut
exiger des investissements importants pour être pleinement assumé. Autre risque pour le
prestataire, celui de mettre à mal ses relations avec le fournisseur ou sous-traitant contrôlé. En
cas de litige, il ne bénéficie d’aucune contrepartie du ou des donneurs d’ordres. Le cas échéant,
ses affaires avec un chargeur potentiel s’en trouvent éprouvées.

Réponse à notre question de recherche

Notre travail doctoral nous permet de soutenir la thèse suivante : nous affirmons
que pour déployer des modèles d’affaires innovants, les 4PL se doivent de proposer de
nouvelles offres de prestations logistiques, ainsi que des processus dont la nouveauté se
caractérise par une portée tant managériale que sociétale.
L’ensemble des arguments développés tout au long de notre réflexion doctorale
nous permet de proposer le tableau 10 suivant, qui récapitule les axes majeurs des
processus de légitimation des BMI des 4PL.

332
Tableau 10 : Les axes majeurs de légitimation selon les rôles du 4PL
Responsabilité Rôle Description Axes majeurs de Légitimation

Lorsque les regroupements se font


Conception des pour des motivations logistiques, le
Architecte
partenariats 4PL présente un statut incontesté
d’expert expérimenté
Les prérogatives avancées de ce rôle
Mise en œuvre des
INSTRUCTION Coordinateur sont le débouché naturel du rôle
accords contractuels.
de partenariats d'architecte
Les latitudes accordées dépendent
Support logistique,
d’abord de ses garanties
voire autre
Facilitateur d’investissements, puis de l'ampleur
(commercial, co-
de la valeur ajoutée qu’il est en
manufacturing…)
mesure de proposer

Il s’agit du cœur de métier historique


Lien opérationnel de tous prestataires logistiques, voire
Intégrateur
entre chargeurs de la raison de leur présence sur les
chaînes
INTERFACE Dépend des gains de productivité
Sous-traitance auprès
des Médiateur proposés, eux-mêmes reposant sur
de PSL spécialisés
organisations l’ampleur du réseau de partenaires
Le 4PL doit constamment prouver et
défendre sa neutralité. Il doit en
Arbitre Résolution de conflits.
outre investir dans des instruments
de prévention des conflits

ACCELERATION Création ou transfert Le 4PL profite d’une qualité d'expert


de la Innovateur d'innovations et qu’il renforce par la maitrise de SIIO
performance bonnes pratiques. et une expérience éprouvée

333
Dépend des gains de productivité
Standardisation et
proposés, eux-mêmes reposant sur
Rassembleur maximisation des flux
l’ampleur des moyens mobilisables
physiques
en propre ou par la médiation
La complexité moderne du secteur
Conseil sur le SCM contraint les chargeurs à faire
Consultant
des chargeurs. confiance à des experts logistiques,
les 4PL

L’application du rôle se fait par la


Application des
contrainte car il est admis que
directives légales ou
Mandataire l’autorité exerce un pouvoir
des politiques
ascendant sur le secteur privé, même
commerciales.
transnational
VECTEUR Les 4PL sont perçus comme porteurs
Connections entre les
du des promesses forte pour le
Connecteur territoires et leurs
développement développement du tissu économique
populations.
et social
La dimension forcément
Services de contrôle
transnationale des 4PL, dans laquelle
Contrôleur qualité, financiers ou
ils se confortent, est leur principal
sociétaux.
atout
Source : Elaboration de l’auteur

334
Synthèse du chapitre 6

Notre dernier chapitre propose avant tout un ensemble de contributions


managériales sur la question de la légitimation, articulées autour de notre typologie des rôles.
Nous tentons de proposer les principaux leviers à la disposition des 4PL pour installer leurs
rôles modernes ce, à la lumière de l’ensemble des données récoltées le long de notre
démarche de recherche. Ainsi, les mécanismes décrits sont définis selon le point de vue des
parties prenantes, identifiés grâce à notre revue de littérature mais aussi les résultats de nos
résultats du terrain. Nous n’omettons pas de prendre en considération les données
contextuelles, proposant ainsi, de mieux décrire les conditions de réalisation des rôles, au-
delà d’identifier les conséquences de leur application.
Après avoir tenté de prolonger les contributions de la littérature autour de
l’identification même du 4PL, ce dernier chapitre de notre thèse propose des éléments
véritablement nouveaux. Même si les intérêts et besoins principaux des parties prenantes
aux ESL peuvent être connus, l’idée d’en discuter selon le système d’offre des prestataires
logistiques, acteurs de plus en plus centraux, nous parait utile et inédit. Nous espérons avoir
ainsi fourni aux praticiens des arguments nécessaires à la définition de stratégies de supply-
chain management et aux chercheurs, des pistes de recherche nouvelles et productives en
management des chaines logistiques.

335
337
CONCLUSION GENERALE

A l’évidence, les 4PL ont su relever les défis logistiques et commerciaux modernes en
rehaussant leurs niveaux d’expertise. Ils démontrent ainsi un niveau de maturité opérationnelle
et stratégique et le contrôle qu’ils exercent sur les activités des chaînes les confronte à un
ensemble d’enjeux résolument complexes. Aussi, la dimension inévitablement mondiale des
échanges leur impose une mobilisation considérable de moyens pour créer des économies
d’échelle, raccourcir les délais ou personnaliser les offres. Ce sont autant de barrières à l’entrée
qu’ils peuvent renforcer en se fédérant en de véritables oligopoles sur des marchés démarqués
par les paramètres géographiques ou une filière d’activité (Mevel et al., 2018). Une politique
d’accaparement de la valeur ajoutée permise par la forte dépendance aux prestations de ces 4PL,
dont les performances sont décisives dans le jeu concurrentiel. Il parait évident que cet ensemble
d’enjeux ne peuvent que se révéler fructueux pour une démarche de réflexion.
Nous avons tenté dans le cadre de cette thèse, de proposer, au titre des contributions
théoriques et conceptuelles, un ensemble d’outils et de modèles utiles à faire changer le point
de vue de la recherche à l’égard des 4PL. Notre première contribution, aux fondements de celles
qui s’ensuivent, est notre typologie des rôles des 4PL dont les détails sont destinés à mieux
connaitre ces prestataires experts en déduisant les propositions de valeurs issues des
nombreuses tâches qu’ils sont capables d’assumer. Nous avons construit ce premier concept à la
faveur d’une revue de littérature longue et diverse, qui nous a permis de compiler et classer les
rôles modernes du prestataire.
En second lieu, notre ambition a été de prolonger ce travail descriptif en faisant usage des
business model suivant la décomposition en variables RCOV qu’en font Demil et al. (2006). Cette
approche nous a permis d’entamer de mener une discussion approfondie autour de chacune des
variables du modèle, contribuant à établir un portrait véritablement exhaustif des 4PL. Nous
avons proposé ce qui pourrait être considéré comme un modèle d’entreprise consensuel pour
l’ensemble du secteur. Cela nous semble constituer une contribution inédite et déjà fructueuse
pour la recherche. Avec les business model innovants, la démarche nous a permis une transition

339
idéale vers la question de l’innovation, du changement, donc de la légitimation, objet de notre
thèse.
Nos lectures et réflexions nous ont rapidement amenés à penser que la portée des effets
liés aux initiatives des 4PL est suffisante pour élever certaines chaines logistiques au rang de
réseaux fortement intégrés. Pour cela et afin d’étoffer notre analyse, nous avons fait le choix de
faire usage du concept des ESA (Moore, 1996) qui, dans le cadre de notre démarche, nous a
permis d’introduire le concept des Ecosystèmes Logistiques, aux caractéristiques propres,
répondants aux spécificités du secteur.
Dernière contributions majeure, censée répondre aux questionnements de notre
recherche, les mécanismes de légitimation, discutés dans notre chapitre 6. Ils constituent
l’aboutissement de notre réflexion, la contribution principale que nous espérons utile à
comprendre avec profondeur les enjeux logistiques pour les grandes parties prenantes aux
réseaux logistiques.
Sur le plan méthodologique, notre contribution principale aura été de mener un
ensemble d’entretiens prolongés auprès de praticiens expérimentés sur un terrain
particulièrement évolutif. Les pages de verbatim recueillies contribuent à mesurer les progrès
réalisés en peu d’années et l’acceptation du changements chez les parties prenantes. En outre,
nous pensons avoir saisi un moment propice pour interroger ces acteurs à une époque où les
crises se montrent particulièrement aigues et nombreuses. Ils démontrent en partie les capacités
du 4PL à répondre à l’instabilité et le besoin résultant qu’ont les grands chargeurs d’avoir recours
à ses prestations.
De ces enjeux contextuels nouveaux ou de leur esprit de conquêtes, les 4PL se voient
contraints de mettre en œuvre des stratagèmes commerciaux pour légitimer les nouveautés et
qu’il semble captivant de décrypter. Citons à titre d’exemples évidents les qualités relationnelles
qu’ils ont appris à maitriser afin de pérenniser leurs interventions sur les chaînes des grands
chargeurs. Ainsi, l’empathie pour comprendre les attentes, et la pédagogie pour expliquer,
servent également à convaincre et parvenir au compromis entre des parties nombreuses et
diverses. Ces qualités permettent aux prestataires d’assumer des rôles de plus en plus complexes

340
et exclusifs. Sur le plan opérationnel, la neutralité des prestataires leur permet de trouver
résolution aux conflits potentiels opposant les différentes parties impliquées dans les réseaux.
En toute circonstance, le 4PL tente donc de rappeler au réalisme, de rapprocher les vues
ou de préserver de la discorde, tout en contribuant à la définition des grandes orientations
stratégiques. La proposition de ces valeurs ajoutées réelles se réalise également par le
développement d’une confiance mutuelle que le 4PL bâtit sur un terme long, à mesure de
collaboration avec ses chargeurs. Elle est un élément central et déterminant de la réussite des
réseaux entraînant des répercussions tangibles sur un plan purement opérationnel. Grâce à la
confiance en effet, le 4PL peut espérer un accès réel à l’information pour chacun des membres
des réseaux. Il peut alors prendre des mesures pour entretenir la communication, aidé en cela
par sa position d’interface entre les organisations.
A l’évidence, les prérogatives accordées au 4PL par les termes contractuels des
partenariats ne peuvent pallier le manque, voire l’absence de confiance. C’est pourquoi les
prestataires font bien souvent le choix d’assumer un rôle prépondérant dans la consolidation des
relations interpersonnelles, incontournables dans le monde des affaires. Cette réalité conduit à
penser que le 4PL mérite une qualification autre celle de simple prestataire à l’image de Fulconis
et Paché (2018), qui choisissent le terme imagé de « maestro ». Il nous semblerait en effet plus
approprié d’employer une désignation connexe à celle de « Super-Connecteur » logistique.
Nous avons souhaité inscrire cette étude dans une démarche de création théorique la
plus généralisable possible, ignorant par-là les particularités régionales. Ces choix ont en outre
été retenus pour des raisons matérielles évidentes, nous empêchant de mener un travail
empirique à échelle mondiale. Cela dit, il apparait évident que les 4PL ne peuvent durablement
s’établir sur un marché encore non parvenu à un stade de maturité suffisant. Le marché Français
sur lequel une partie importante de nos données secondaires repose semble adapté. En effet, les
infrastructures logistiques y sont indéniablement abondantes, diversifiées et modernes et de
grandes entreprises s’y livrent à une concurrence forte. L’influence grandissante des 4PL se
nourrit des besoins affichés par les chargeurs, en faisant un marché approprié à une étude de
terrain. Ainsi, considérant uniquement les niveaux d’industrialisations, la généralisation de nos

341
résultats aux pays de l’OCDE semble envisageable, ce qui n’exclut pas d’inévitables disparités
qu’il peut sembler intéressant d’étudier.
En conséquence, notre approche devrait préserver son réalisme en considérant le
postulat que les réelles divergences entre marchés industrialisés ont tendance à se réduire du
fait d’une mondialisation des chaînes qui tend à unifier les enjeux dans le monde. Le critère de
différenciation majeur est clairement économique, avec la santé sur le plan conjoncturel, et la
taille du marché sur le plan structurel.
En effet, l’accessibilité aux ressources du tissu économique et social détermine
l’élaboration du système d’offre et la nature des services logistiques demandés par les chargeurs.
Il s’agit ainsi d’observer sur un marché la présence de multinationales aux moyens financiers
suffisants pour avoir recours aux services complexes du 4PL, eux-mêmes dépendants de la
disponibilité de compétences en logistiques. En outre, il est préférable de disposer d’un marché
dense de PSL spécialisés, indispensables à couvrir les besoins opérationnels qu’il faut coordonner
avec les 4PL. Aussi, une infrastructure logistique mature est également indispensable pour
mettre en œuvre ces systèmes d’offres complexes, combinant différents modes de transport et
intégrant des NTIC de pointe. Seul un niveau d’industrialisation suffisant peut donc favoriser
l’apparition de chargeurs capables de s’offrir les onéreux services du 4PL, voire d’en éprouver le
besoin pour satisfaire des clients finaux exigeants et réduire ses couts et demeurer compétitif.
A échelle mondiale, les marchés qui semblent avoir atteint ce stade sont typiquement les
marchés Occidentaux, Europe de l’Ouest et Amérique du Nord, ainsi qu’une partie des marchés
Asiatiques, au premier rang desquels la Chine, le Japon, Corée du Sud ou Taiwan. Le Sud-Est
Asiatique émerge également avec le Viêt-Nam, la Thaïlande ou l’Inde, de plus en plus
exportateurs nets de produits manufacturés.
Bien que notre objet de recherche place la mondialisation en son cœur, des réserves
peuvent ainsi être légitimement formulées quant à notre démarche d’ignorer les frontières. De
même, il ne peut qu’exister des particularités entre les chaînes logistiques d’industries
différentes. Les modalités, les attentes et les problématiques des acteurs de l’agro-alimentaire
ne peuvent être les mêmes que ceux de l’industrie textile ou des hautes technologies. Les 4PL
ont inévitablement à adapter leur offre aux particularités de leurs chargeurs. Le registre

342
stratégique auquel nous avons tenté de porter notre typologie doit cependant permettre
d’envisager les adaptations possibles. Ainsi, les rôles devraient demeurer applicables en toutes
circonstances, bien qu’ils puissent être assumés de manière différente par le 4PL.
Si le processus d’innovation managériale chez le 4PL a été longuement exploré par la
rédaction de cette thèse, nous n’avons que peu évoqué les conséquences qu’il peut avoir sur les
business model de ses partenaires. En effet, nombre de prestataires ont acquis une influence
suffisante pour contraindre aux réformes jusque dans les organisations internes. Aux fondements
de cette capacité, une ampleur considérable de moyens adroitement associés à leurs capacités à
introduire puis entretenir les innovations. Les capacités du 4PL leur permettent ainsi de lever
aisément nombre d’obstacles, logistiques d’abord, mais aussi managériaux, engendrés par les
disparités sectorielles, évoquées précédemment. Aussi, les rôles qu’ils acceptent d’assumer
peuvent les porter vers la position de leaders dans les réseaux et sont autant de leviers d’action
forts, parfois proches de la coercition. C’est souvent dans l’intérêt des ESL que les 4PL les
emploient, afin de mettre en œuvre des changements qu’ils estiment productifs ou pour
renforcer la cohésion entre partenaires. Il s’agit également pour le 4PL de simplement garantir
les dispositions qu’il aurait lui-même préconisées en architecte des alliances, façonnées et
entretenues grâce aux règles du jeu qu’il contribue à définir. Aussi, le prestataire peut chercher
à récompenser la fidélité de ses chargeurs par une animation du réseau étoffée de solutions
novatrices, propres à accélérer la performance commune.
Ainsi, un contrôle fort sur les flux logistiques et la conception des schémas liés octroient
un ascendant dans les réseaux, même encore dominés par les grands distributeurs. Les nouveaux
leaders qui émergent sont ainsi les 4PL ou les multinationales du e-commerce. Alors que ces
derniers tentent avant tout de se donner un accès privilégié aux consommateurs, les 4PL
profitent eux, de la complexification de leur métier. Cette tendance leur permet de ne plus se
restreindre à exécuter en adressant quelques recommandations commerciales ou
opérationnelles. Désormais, ils se rendent capables d’intervenir sur un terme long pour réformer
profondément les processus de leurs partenaires importants et à fort potentiel. Ces derniers en
sont incités à réviser leur SCM, souvent, avec une profondeur suffisante pour modeler leur
business model.

343
Cette réalité semble constituer un objet de recherche s’inscrivant dans le prolongement
de nos contributions. Il pourrait ainsi se révéler utile d’identifier la nature des changements
induits par les 4PL et d’en mesurer les incidences dans les business model des chargeurs. Les
paramètres liés aux industries ou à la taille des entreprises gagneraient alors largement en
importance dans le cadre de telles démarches de recherche.
En effet, les répercussions sont importantes pour les industriels et distributeurs et leurs
modèles d’intégration. Sous-traiter ou intégrer des ressources relève souvent d’un arbitrage
complexe entre état des finances et rentabilité attendue. L’arbitrage dans la plupart des cas se
joue sur trois grands axes : l’ampleur des charges, la durée d’exploitation des acquis et leur
volume.
Choisir la sous-traitance épargne de la lourdeur des investissements mais peut faire
supporter des charges variables sensiblement plus élevées, comprenant les profits ponctionnés
par les partenaires le long des chaînes. La stratégie peut constituer en elle-même une création
de valeur ajoutée lorsqu’elle permet aux entreprises de se débarrasser de certaines charges mal
gérées en interne, mobilisant en conséquence trop de ressources. Dans certains contextes, elle
peut constituer une innovation managériale en créant une rupture avec les habitudes et
procurant un avantage concurrentiel décisif. Externaliser peut également être un moyen de
recentrer ses ressources sur son cœur de métier, mobilisant les ressources clés de l’entreprise au
meilleur profit.
Choisir l’intégration au contraire appelle à évaluer les couts liés à l’investissement et à
prévoir les inévitables charges fixes et variables nouvelles qui s’additionnent aux structures de
couts. Ce choix particulièrement engageant repose sur la rigueur d’une analyse qui doit en outre
renseigner de la complémentarité des compétences et procédures réciproques entre partenaires
potentiels. Aussi, les processus d’intégration, menés pour des raisons logistiques, ont pour
inévitable effet d’éloigner les chargeurs de leur cœur de métier. L’investissement est donc
considérable et n’est pas sans conséquences sur un terme long.
Les motivations à l’intégration peuvent cependant être fondées, par exemple, par une
quête d’indépendance ou par une contrainte légale nouvelle, imposant une refonte structurelle
pour les entreprises. Autre argument d’importance, la volonté d’acquérir les compétences

344
nécessaires au développement d’une technologie prometteuse. Ce pari sur l’avenir est celui de
l’anticipation des évolutions de long terme d’un marché. Dans le domaine de la supply-chain, il
eut été avisé pour une entreprise d’investir massivement dans l’e-commerce dès le début des
années 2000. La nouveauté des principes aurait justifié de l’intégration d’une start-up spécialisée
dans ce domaine, capable de déployer les compétences novatrices en la matière.
Ainsi, pour des services qui ont une vocation presqu’indéniable à être pérennisés dans un
système d’offre, il semble clairement convenir d’intégrer au moins en partie les ressources et
compétences nécessaires à proposer ces services de manière pérenne. L’inscription à long terme
d’un positionnement stratégique sur le marché peut se donc se révéler être un élément
déterminant dans le choix d’externaliser ou d’intégrer une offre de service. La vision stratégique
développée par les dirigeants leur fait assumer les orientations données par ces décisions lourdes
de conséquences. D’où l’importance que nous choisissons de consacrer à ce facteur avec l’emploi
de modèles managériaux, notamment les 4C de Le Breton et Le Breton-Miller (2010), lui
accordant une considération importante.
D’autre part, l’adoption d’un cadre conceptuel différent, demeurant approprié pour
l’objet de recherche, conduit inévitablement à lever des questions additionnelles qui,
contextualisées à la logistique au moyen d’étude cas concrets, auraient toutes les chances de se
révéler originales et hautement contributrices. Par exemple, en choisissant de privilégier les
formes majeures de légitimité décrites par DiMaggio et Powell (1983) au détriment des 4C de
Miller et LeBreton Miller (2010), des enjeux différents et pertinents émergent. Ainsi,
contextualisé à la logistique, il semble intéressant d’identifier les modalités qu’il convient de
réunir pour qu’une entreprise leader dans un réseau favorise la mise en place d’une légitimité
normative. Aussi, le lien éventuel entre déterminisme économique ou social et l’existence, voire
la prévalence d’une légitimité cognitive, peut être instructif à décrypter.
Aussi, la théorie de la traduction, prépondérante dans la littérature, semble également
avoir un rôle utile à jouer dans l’analyse du processus de changement décrit dans cette thèse.
D’une part, elle semble pouvoir se substituer à l’isomorphisme, s’accordant avec la TPP pour
potentiellement dévoiler certains résultats alternatifs. D’autre part, un usage normatif de la

345
théorie ne peut que se révéler utile à la compréhension du processus de mise en œuvre de
l’innovation managériale par les 4PL.
Enfin, certaines évolutions de business model semblent d’ampleur suffisante pour se voir
consacrées des études plus ciblées, menées pour mesurer les évolutions des business model des
4PL et ses conséquences, au-delà de simplement les identifier.

346
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ANNEXES

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view=chart

361
Annexe 2 : guide d’entretiens

Consigne Inaugurale

Je vous remercie de m’accorder cet entretien qui se tient dans le cadre de ma thèse
doctorale en Sciences de Gestion à l’université de Nantes. Cette dernière porte sur les nouveaux
business model des 4PL et m’engage à soumettre un travail recherche qui doit comporter deux
parties ;

- La première, une longue revue de littérature qui a permis de faire émerger un certain
nombre de concepts et théories censés contribuer à répondre à ma question de
recherche
- La seconde, une partie empirique, doit me conduire à relever des données sur le
terrain par le biais d’entretiens similaires à celui que nous allons tenir. Ces données
doivent me permettre, pourvoyant mes cadres conceptuels, de produire des
contributions nouvelles pour la logistique

Nos propos seront enregistrés pour permettre la bonne conduite et la retranscription la


plus fidèle de cet entretien. Cette retranscription vous sera ensuite soumise pour validation afin
d’écarter toute interprétation potentiellement inappropriée.

Je tiens également à préciser avant de débuter que l’anonymat de vos réponses est
garanti et ces dernières ne seront exploitées que dans le cadre de cette étude.

Question(s) d’introduction

Pourriez-vous nous présentez votre fonction et nous décrire brièvement vos tâches quotidiennes
typiques dans cette compagnie ?

Dans quels grands projets votre entreprise est-elle impliquée en ce moment (nouveau SI,
nouveau marché…) ?

362
Thème 1 : Instructeur de partenariats

Architecte : Pouvez-vous citer des exemples d’opérations complexes ou novatrices, ou des


conclusions de contrats majeurs, à long terme, que vous avez eu l’occasion de concrétiser?
Quelles motivations amènent, selon-vous, vos clients à privilégier votre compagnie pour ce type
de prestations ?

Réponse attendue : Exemple de contrats majeurs. Nous sommes reconnus comme de véritables
experts en logistiques et nos clients savent qu’ils peuvent bénéficier auprès de nous de ce type de
prestations à fortes valeur ajoutée

Facilitateur : Quels services vous permettent de vous démarquer de vos concurrents ?

Vos clients se montrent-ils coopératifs lorsque vous leur recommandez la mise en place de
systèmes particuliers pour faciliter l’échange de l’information ? Jugez-vous que le délai que vous
mettez pour accéder à l’information dont vous avez besoin soit acceptable ?

Réponse attendue : Des services de supports de logistiques qui permettent de proposer un service
plus étoffé ou clé en main.

Coordinateur : Auriez-vous des exemples de cas de mauvaise coordination logistique entre le


client et son fournisseur susceptibles de vous pénaliser dans la conduite de vos opérations?
Quelles solutions structurelles et/ou conjoncturelles apportez-vous pour parer/résoudre ces
blocages ?

Explications : l’efficacité des solutions est l’élément déterminant de la légitimité de ce rôle. Il est
donc important d’identifier la nature des moyens que le 4PL est prêt à mettre en œuvre.

Réponse attendue : Sur le plan conjoncturel, nous devons constamment communiquer avec nos
agents à l’étranger afin de pouvoir informer notre client le plus rapidement possible. Pour la
transparence de l’information, nous proposons un tracking permanent des opérations et notre SI
génère des alertes envoyées aux clients sous forme de mails. Lorsqu’un business vital pour nous
est mis en danger, nous devons pourvoir intervenir plus concrètement pour trouver des solutions
si à notre portée.

363
Thème 2 : Interface entre les organisations

Intégrateur : Créez-vous des relations entre fournisseurs et clients? Quels moyens mettez-vous
en œuvre pour y parvenir?

Explication : En intégrateur, le 4PL élève la chaîne au rang de réseau. Il doit donc mettre en place
certains attributs (SIIO pour le partage de l’information, pratiques complémentaires, e-
commerce…) qui élève la coopération collective au rang de réseau. Le succès et l’acceptation de
ses initiatives indiquent de leur légitimation ou de leur rejet.

Réponse attendue : e-commerce,

Médiateur : Quelles diversifications possibles de votre offre de service ? Par quels moyens ?

Explication : Suivant l’efficacité des PSL spécialisés et la pertinence de son management à leur
égard, ce rôle devient plus ou moins légitimé auprès des clients. Aussi, si l’investissement est
privilégié, cela constituerait la preuve que la médiation est jugée inefficace ou rejetée par les
clients.

Réponse attendue : rapport qualité/prix, par des indicateurs de performance, investissements


pour des projets de long terme

Arbitre : Quelles solutions apportez-vous aux cas de litiges clients – fournisseurs ? Comment
garantissez-vous votre impartialité ?

Explication : Le 4PL est bien obligé de trouver des solutions à ces litiges pour ne pas en subir les
dommages collatéraux. Il peut en tirer parti en assumant un rôle d’arbitre dont la légitimité
repose surtout sur son impartialité.

Réponse attendue : Par la mise en application stricte du code maritime et des lois en vigueur.

Thème 3 : Accélérateur de performance

364
Innovateur : Reconnaissez-vous une plus grande complexité au métier de la logistique par
rapport à il y une dizaine d’année ? Quelles en sont les causes principales ? Comment préparez-
vous les évolutions attendues du métier dans les prochaines années ?

Votre entreprise encourage-t-elle l’esprit d’initiative chez ses collaborateurs ? De quelles


manières ?

Quels sont vos les moyens que vous mettez en œuvre pour démarquer vos services de la
concurrence et gagner plus de clients ? (À donner par ordre de priorité)

Explication : La légitimation de l’innovation dépend de l’identité des parties prenantes qui en


bénéficient et de celles qui perdent. Certaines peuvent se faire au profit de la rentabilité
financière, d’autres de l’allègement du temps de travail dont le revers peut être un allégement
des effectifs… Nous devons donc tenter d’identifier la nature des grandes innovations à venir,
point de départ pour connaitre d’une part la composante des 4C sollicitée, d’autre part l’identité
des parties prenantes qu’elles servent ou pénalisent.

Première question : mise en perspective quant à l’évolution technique et organisationnelle du


secteur depuis une dizaine d’années afin de conjecturer son avenir. La question doit amener à
entrevoir la stratégie de l’entreprise pour intégrer les innovations attendues et sa manière de les
anticiper.

Seconde question destinée à évaluer la créativité de l’entreprise pour se démarquer. Sur des
prestations simples et standardisées, le seul moyen c’est l’innovation.

Réponse attendue : Clairement, le métier a gagné en complexité. Nous nous attendons à voir la
concurrence s’intensifier, notamment avec le développement de concurrents Asiatiques et surtout
de nouvelles technologies arriver, bouleverser notre quotidien.

Nous leur proposons des services sur mesure, adaptés aux enjeux de leurs activités, ainsi qu’un
ensemble de services additionnels (e-commerce, tracking en temps réel…) afin qu’ils n’aient à
traiter qu’avec un interlocuteur.

365
Rassembleur : Comment justifiez-vous les alliances et fusions-acquisitions passées ces dernières
années sur le marché ?

Quels secteurs d’activité représentent le plus gros de vos volumes/CA ? Quelles problématiques
sont spécifiques à ces différents secteurs ?

Explications : Rassembler et standardiser les volumes pour en réduire le cout opérationnel unitaire
est l’essence même de la prestation logistique. Les clients n’en attendent pas moins. Il faut donc
ici questionner la légitimation auprès d’autres parties prenantes, à savoir le point de vue des
praticiens eux-mêmes quant à la stratégie dominante sur le marché, celle des fusions
d’entreprises.

La stratégie adoptée sur la variable « organisation » dépend largement des enjeux liés aux
secteurs d’activité. Certains présentent des pics saisonniers qu’il faut savoir affronter grâce à des
partenariats (PSL médiateur), d’autres exigent une réactivité importante ou ont des flux lissés,
justifiant une plus grande externalisation. Cette question doit là aussi indiquer l’avis des praticiens
quant à la pertinence des choix de leur entreprise se spécialisant auprès de chargeurs de secteurs
d’activité spécifiques.

Réponse attendue : Il s’agit pour les grands acteurs de s’unir d’une part pour faire face aux crises
à répétition et d’autre part de répartir les investissements nécessaires malgré une demande
atone. Cette dernière peut connaitre des pics importants et réclame également des couts unitaires
peu élevés. Les capacités du marché doivent donc être suffisants pour y répondre, d’où la nécessité
d’investissements importants.

Dépend de la spécialisation du 4PL

Consultant : Quelles catégories de clients (taille du chargeur, secteur d’activité…) vous posent le
plus de problèmes d’ordre logistiques ? Que pourriez-vous faire pour les aider à s’améliorer ?

Quelles compétences estimez-vous nécessaires pour mener à bien votre travail à l’égard de vos
clients ?

366
Explication : Il s’agit dans un premier temps d’identifier les solutions à disposition du 4PL pour
améliorer les performances SCM de ses clients. Leur nature doit fournir les premières indications
quant à leur légitimation par les clients. La question permet également d’évaluer l’intérêt pour le
4PL d’investir des ressources dans ce rôle, laissant imaginer les pistes de légitimation possibles à
l’endroit des managers et actionnaires.

Seconde question doit permettre de reconnaitre ce qui fonde la légitimité des praticiens.
S’agissant d’un métier technique, une bonne maitrise des compétences est indispensable pour
s’assurer une légitimité auprès de ses pairs ou des chargeurs. Bien identifier lesquelles de ces
compétences sont nécessaires peut donner une idée quant à la position des praticiens face à ce
rôle de consultant.

Réponse attendue : Les petits clients occasionnels dans le commerce. Nous devons pouvoir les
intégrer à nos processus en leur fournissant des outils appropriés ainsi que la formation qui va
avec car nous ne pouvons leur consacrer trop de temps à chaque opération vue qu’en plus ce sont
de petits volumes répartis sur de nombreux clients.

Il faut entre autres être organisé, multiculturel, à la pointe de la technologie et agressif sur le
marché mais aussi pédagogue et patient.

Thème 4 : Vecteur du développement

Mandataire : Quelles mesures sont prises pour vous conformer au plan de transition écologique
fixé par l’Etat ? Des initiatives propres au groupe sont-elles mises en place ?

Explication : Il s’agit de cibler un sujet particulier. Les sanctions économiques sont forcément
respectées par une interdiction d’échanges (Iran…). Les mécanismes de taxes… sont eux aussi
intégrés à la facturation. La transition écologique implique à la fois des mesures coercitives que
les 4PL se doivent d’appliquer mais comporte également une part de responsabilité sociétale qu’il
est intéressant de questionner ici. Le rôle de mandataire peut en effet s’appliquer à l’égard de
l’autorité publique mais aussi de la collectivité, que l’état représente. Il convient donc pour les 4PL
de mettre en application les attentes des citoyens à travers ce rôle de mandataire.

367
Réponse attendue :

Connecteur : Comment jugez-vous l’impact économique de vos activités ?

Explication : Il s’agit de ne questionner que l’impact économique (création d’emplois, croissance,


création de richesses financière…). Un impact jugé positif ne peut que jouer en faveur de la
légitimation du rôle des 4PL dans la l’enrichissement économique global.

Réponse attendue : Positif, nous proposons des solutions logistiques de/vers le monde. Cela
contribue au développement et à l’emploi.

Contrôleur : Vous arrive-t-il de mettre en relation des clients et des fournisseurs qui ne se
connaissent pas ?

Explication : En acceptant d’endosser ce rôle de créateur de liens, le 4PL doit être prêt à en
assumer certaines conséquences, comme la fiabilité financière, la qualité des prestations… d’où
un rôle de contrôleur plus légitime.

Réponse attendue : Oui si nous prenons en charge la logistique de A à Z. Dans ce cas nous sommes
responsables de la marchandise et de la qualité de service. Nous prêtons une grande attention
aux respects de normes définies par nos clients.

Annexe 3 : Guide d’entretien - Partenaires

1. Quelles activités principales, complexes ou novatrices avez-vous confié à votre prestataire


logistique le plus important ?

368
2. Pourquoi avez-vous choisi ce prestataire en particulier ?
3. Quelles valeurs ajoutées pouvez-vous attendre d’un prestataire logistique face à ses concurrents
?
4. Auriez-vous des exemples de cas de mauvaise coordination logistique avec votre prestataire ?
Quelles solutions structurelles et/ou conjoncturelles apportez-vous pour parer/résoudre à ces
blocages ?
5. Quelles compétences estimez-vous nécessaires pour mener à bien votre travail à l’égard de vos
prestataires ?
6. Quels moyens mettez-vous en œuvre pour une meilleure harmonisation des opérations avec vos
clients distributeurs ?
7. Quelles solutions apportez-vous aux cas de litiges avec vos prestataires ? Même question pour
vos clients ?
8. Vos prestataires vous recommandent-ils la mise en place de logiciels particuliers pour faciliter
l’échange de l’information ? En faites-vous de même à l’égard de vos clients ? Jugez-vous que
l’accès à l’information se réalise correctement, en temps et en heure ?
9. Quelles catégories de clients (taille, secteur d’activité…) vous posent le plus de problèmes d’ordre
logistiques ? Que pourriez-vous faire pour les aider à s’améliorer ?
10. Reconnaissez-vous une plus grande complexité au métier de la logistique par rapport à il y une
dizaine d’année ? Quelles en sont les causes principales ? Comment préparez-vous les évolutions
attendues du métier dans les prochaines années ?
11. Votre entreprise encourage-t-elle l’esprit d’initiative chez ses collaborateurs ? De quelles
manières ?
12. Avez-vous des problématiques spécifiques à selon les produits que vous commercialisez ?
Exemples ?
13. Quelles mesures sont prises pour vous conformer au plan de transition écologique fixé par l’Etat ?
Des initiatives propres au groupe sont-elles mises en place ?
14. Comment jugez-vous l’impact économique et social des activités de votre 4PL ?

369
LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1, page 33 – « Typologie des prestations de services logistiques »

(Calvi et Erhel, 2018)

Tableau 3, page 206 – Typologie des rôles assumés par les 4PL
Thème Rôle Description

Le 4PL produit un travail très technique de conception des


partenariats, de formalisation des objectifs stratégiques et de
Architecte conciliation des attentes. Ce rôle exige des compétences tant
analytiques que pédagogiques ainsi qu'une expérience éprouvée en
la matière.
Le 4PL met en œuvre les accords contractuels. Cela implique de
INSTRUCTEUR
distribuer les tâches entre les membres du réseau et d’en assumer
de partenariats
Coordinateur le bon fonctionnement opérationnel. Une coordination efficace est
indispensable pour préserver une performance commune
acceptable, dans un contexte serein, à l'abri des conflits.
Le 4PL investit dans certaines activités de support logistique,
Facilitateur permettant aux partenaires de se focaliser sur leurs cœurs de
métier. Le support désigne un panel de services allants de l'analyse

371
stratégique à la tenue d’espaces de rencontres entre les parties, et
inclue des activités annexes comme le co-manufacturing simple.

Fonction classique pour la prestation logistique, elle désigne le lien,


surtout opérationnel, qu'entretient tout PSL entre un fournisseur et
Intégrateur
son client. Dans le cadre d'un réseau fait d'alliances formelles, le 4PL
peut être l'initiateur de ce lien entre les parties.
Le 4PL dispose de la maturité suffisante pour organiser toute une
INTERFACE
partie des chaînes de ses chargeurs. Il doit alors accorder ses
entre Médiateur
ressources propres à celles d'autres PSL spécialisés pour remplir une
organisations
mission d’ampleur souvent complexe sur le plan opérationnel.
Le 4PL se pose en garant du respect des clauses logistiques d'un
contrat de partenariat. Sa neutralité et son expertise lui procurent
Arbitre
la légitimité nécessaire pour faire valoir des décisions
contraignantes dans sa gestion des conflits.

Le 4PL multiplie ses opportunités de créer ou de transférer des


innovations et bonnes pratiques lorsqu'il s'implique le long des
Innovateur chaînes sur des secteurs différents. Ses efforts de personnalisation
aux besoins contraignent également ses équipes à la créativité, par
des solutions ou des routines nouvelles.
Par des systèmes d'alliances verticales, qui correspondent à la
ACCELERATEUR médiation avec des PSL spécialisés, ou horizontales, entre
de performance Rassembleur équivalents, les 4PL priorisent la standardisation de leur offre et
mutualisent ainsi les flux de leurs clients pour maximiser les
économies d'échelle.
Les 4PL se spécialisent autour de sujets techniques afin de conseiller,
former ou rectifier les pratiques relevant du SCM de leurs clients.
Consultant
Aussi, de manière informelle et à titre purement commercial, le 4PL
soutient et guide ses clients vers la performance opérationnelle.

VECTEUR L'autorité publique profite du contrôle qu'exercent les 4PL sur les
du Mandataire infrastructures stratégiques pour faire appliquer des initiatives
développement légales ou des politiques commerciales. Les 4PL servent donc de

372
relais informationnels mais aussi de garants de mesures
protectionnistes ou au contraire de la libéralisation des échanges.
En développant des lignes maritimes, en exploitant des chemins de
fer et des flottes de camions, les 4PL renforcent les connections
Connecteur entre les territoires et leurs populations. Ainsi s'opère la
redistribution des richesses, contribuant à un développement global
duquel il n'est pas exclu que des minorités soient perdantes.
La présence transnationale forte du 4PL peut lui servir à proposer
des services de contrôle qualité, financiers ou d'ordre sociétaux pour
Contrôleur
le compte de chargeurs en mal d'accès chez des fournisseurs
distants, au système culturel différent.
Source : Elaboration de l’auteur

Tableau 4, page 277 - Synthèse des réponses de l’enquête terrain


Thème Rôle Réponse Coefficient Commentaire
Les systèmes d'alliances sont devenus une contrainte pour tous les
4PL face à un marché en ralentissement et une surcapacité de
Contrainte 47%
l'offre. Ils permettent une baisse des couts opérationnels, l'accès à
de nouveaux marchés et des économies d'échelle indispensables.
Les systèmes d’alliances n’empêchent pas les concurrents de se
livrer au dumping. Aussi, il faut subir les décisions de chacun quant
1. Rassembleur Menace 35%
à l’exploitation de leurs actifs. Certaines alliances avec des PSL
peuvent également créer une méfiance entre partenaires.
Opportunité de conquérir de nouveaux marchés grâce aux services
1. des concurrents et de mieux surveiller leurs politiques
Opportunité 18%
Accélération commerciales. Les alliances avec PSL leur permettent de profiter de
la marque et du réseau des grands 4PL.
de la
Détermine le niveau de satisfaction du client face au service
performance Expérience proposé, sa disposition à renouveler son expérience et la
35%
client recommandation qu'il peut faire à d'autres. Cela inclue une partie
émotionnelle et est lié au contact humain.

Avantages Avantage technologique, fréquence des escales, services


2. Innovateur 35%
techniques supplémentaires et annexes (assurance, crédits…)…

Le 4PL dispose d'un outil précieux: ses bases de données qui


Bases de couvrent de larges portions des marchés. Cela repose également
18%
données sur le travail d'identification du marché produit par les
commerciaux.

373
Communicatio
12% Effort de communication, marketing du groupe.
n / Réputation
La formation du client fait partie de la qualité de service et permet
de prévenir des erreurs et complications ultérieures. Elle se produit
Prévention 70%
souvent sur requête / questionnements du client. Elle se rapproche
de l'activité de conseil prodiguée de manière informelle.
3. Formateur
Former le client à des solutions logistiques nouvelles pour
promouvoir un nouveau service ou un processus nouveau. L'effort
Promotion 30%
est produit par le 4PL de sa propre initiative et va bien sûr dans le
sens de ses intérêts.
Les NTIC jouent un rôle de plus en plus important, rendant les
choses parfois plus complexes, plus denses, plus rapides ou plus
NTIC 58%
simples. Elles peuvent également rendre les horaires de travail fixes
moins pertinents.
La concurrence se renforce avec le temps ; le nombre de 4PL et
4. Consultant autres augmente. Cela a pour effet une guerre des prix et des
clients plus exigeants et plus experts dans tous les domaines. Sur un
Compétition
42% plan purement opérationnel aussi, il y a plus de congestions, ce qui
accrue
ne peut que compliquer des opérations toujours plus nombreuses.
Cela va de pair avec la démocratisation du commerce
transfrontalier.
La maitrise technique du métier et de ses enjeux qu'il est
Technique 53% recommandé de porter au-delà du service d'appartenance, simple
maillon d'une chaîne de processus plus longue.
5. Consultant
Les répondants, pour une bonne partie membres du département
Relationnel 47% commercial, mettent en avant les relations humaines qu'ils
entretiennent avec leurs clients.
Par la promotion des services logistiques.
Sous conditions 40% A condition que l'approche se fasse par secteurs d'activités.
Grâce à l'identification de marché.
Il faut respecter l'exclusivité sur certains produits qu'ont des clients.
Il ne faut pas promouvoir certains clients au détriment des autres.
Pas notre
1. Intégrateur 35% Cela engage à une responsabilité et on ne peut rien garantir.
métier
Difficile car accès à une seule partie.
2. Interface
Difficile car marché diffus.
des
Peut-être
organisations 25% Lors de foires et autres salons ou sur requêtes expresse du client
occasionnel
En développant un ensemble de services complémentaires au cœur
Porte à porte 60% de métier. Cela suppose des investissements importants mais aussi
dans l'acquisition de l'expertise par le rachat d’experts du marché
2. Médiateur
Développer le
20% Plus de lignes, de ports d'escales, d'innovations techniques.
cœur de métier

374
Assurance -
13% Promouvoir l’assurance en complément des services logistiques.
cargo
Investir dans
Sous la condition que les agriculteurs aient recours exclusivement à
des filières 7%
nos services
productives
Il faut qu'il y ait confiance entre prestataires et clients impliqués.
Solution à
42% Il faut favoriser une solution par plusieurs moyens; faciliter la
l'amiable
communication, traduire voire « hausser le ton ».

Procédures En dernier recours, pour défendre nos intérêts et éviter d'avoir à


37%
légales subir les dommages collatéraux.

Précautions
11% Certaines mesures peuvent servir à éviter les situations de conflits.
3. Arbitre aux conflits
Il faut éviter d'assumer une trop grande responsabilité.
Cela n'est pas à la portée de nos compétences.
Il faut éviter de prendre parti, même si l’on entretient des relations
Pas nos
11% interpersonnelles car chacun est client du groupe, au même titre. Il
compétences
s’agit donc de rester des professionnels.
Nous ne traitons qu'avec une partie. Difficile alors d'assumer un
rôle d'arbitre entre les deux.
Un 4PL doit s’efforcer de proposer
• des solutions propres à créer des économies d'échelles
• des innovations de toutes sortes
• une expertise avancée
Qualité de
44% • une valeur ajoutée opérationnelle
service
• une facturation raisonnable

1. Architecte • une personnalisation des services


• des investissements conséquents
• une disponibilité humaine

3. Instruction Réputation d'expertise mais aussi relations dans le monde des


Réputation 33%
affaires qui facilitent les financements.
de
Contact
partenariats 22% Elle est essentielle, notamment d’un point de vue commercial.
Humain
Ce sont les innovations techniques (notamment le conteneur) et les
Moyens du 4PL 54% moyens mis en œuvre par les prestataires logistiques qui ont
permis la croissance des échanges.
Par de nouveaux services, les prestataires logistiques ont permis à
Nouveaux
2. Facilitateur 23% leurs chargeurs de faire accéder au commerce mondial des régions
marchés
du monde jusque-là délaissées.

NTIC : Moteur Ce sont les NTIC qui ont enclenché et développé la croissance des
23%
des échanges échanges.

375
Dans ce cas, le rôle du 4PL est de fluidifier l'échange de
l'information, parfois de la traduire, au sens propre comme figuré.
Information 77% L'effort de coordination, qu'il fasse partie des prérogatives du 4PL
ou pas, est potentiellement un avantage concurrentiel sur la
3. Coordinateur
compétition.
Les répondants mettent en garde, il faut veiller à dégager toute
Responsabilité 23% responsabilité. Aussi, informer de manière efficace permet
justement d'éviter que la responsabilité soit imputée au 4PL.
Mettre en œuvre les décisions légales (donc en informer ses
partenaires) fait partie intégrante des prérogatives du 4PL. C'est
1. Mandataire Prérogative 100%
nécessaire s'il souhaite poursuivre sa présence sur un marché ou
éviter des amendes et autres pénalités.
En tant que prestataire, des moyens peuvent être mis en œuvre
Argument pour remporter un contrat important avec un client-chargeur ce,
5. Vecteur du 60%
commercial tant qu'aucune influence n'est exercée sur une autre organisation
développeme 2. Contrôleur afin d'éviter le lobbying notamment.

nt Pas une
40% Ce rôle ne fait en aucun cas partie des prérogatives d’un 4PL.
prérogative
Investissements et créations d'emploi, recettes douanières et
Positif 90% import, solutions techniques ont permis l'accès au marché des pays
3. Connecteur pauvres.

Négatif 10% Concurrence déloyale, manque de protection des industries locales.

376
Tableau 5, page 235 - Grille RCOV en lien avec l’instruction de partenariats

INSTRUCTION de partenariats

• Système d'Information
développé pour le partenariat • Personnel dédié
• Compétences et expertises
Ressources • Actifs physiques nécessaires à Actif physique dédié aux
techniques spécialisés
la mise en œuvre du tâches d'emballage…
partenariat
• Degré d'externalisation
• Cœur de métier stratégique,
dépend du terme du
inévitablement interne • Degré d'externalisation
Organisation partenariat qui permet ou
• SI développé en partenariat dépend des volumes à traiter
non de rentabiliser les
avec un spécialiste
investissements
Offre • Architecte • Coordinateur • Facilitateur
• Faible valeur ajoutée
• Prestations rares et à fortes • Prix élevés pour rentabiliser correspondant à des prix bas
Revenus valeurs ajoutées justifiant des les actifs physiques et • Services annexes qui
prix élevés services personnalisés renforcent une offre de
services plus large
• Salaires attractifs pour attirer • Forts couts d'exploitation • Faibles couts d'exploitation
Charges des cadres faisant office de Forts Investissements en Importance moyenne des
consultants spécialisés actifs physiques investissements
Source : Elaboration de l’auteur

377
Tableau 6, page 242 - RCOV de l’Interface des organisations
INTERFACE des organisations
• Actifs physiques nécessaires à
• Réseau de partenaires
la mise en œuvre du
Ressources SI intégré capable de gérer • Position de neutralité
partenariat
les interfaces
• Personnel dédié
• Cœur de métier stratégique, • Fort degré d'externalisation • Intervention possible de
Organisation
inévitablement interne des tâches inévitable spécialistes juridiques…
Offre • Intégrateur • Médiateur • Arbitre
• Commissions prises sur
• Contrôle des flux sur une • Pas de rémunération
chaque opération.
partie des chaînes voir un financière. Crédit auprès des
Revenus Standardisation comme
réseau lorsque l'intégration parties en conflit et
personnalisation sont
prend de l'ampleur préservation d'un business
possibles
• Temps, consultations…
Attention à ne pas froisser
• Dispositifs pour faciliter les • Rémunération des
Charges une partie, cela
rencontres interpersonnelles partenaires spécialisés
représenterait une perte de
collaboration
Source : Elaboration de l’auteur

378
Tableau 7, page 252 - RCOV de l’Accélération de la performance
ACCELERATION de la performance
• Compétences et expertises
• Missions complexes et de
long terme appelant à • Actifs physiques nécessaires à • Compétences et expertises
Ressources innover la standardisation techniques spécialisés
• Esprit d'innovation et • Personnel dédié • SI propre et développé
d'initiative à tous les niveaux
hiérarchiques
• Dépendamment du secteur
des chargeurs, il peut s'agir
du cœur de métier
• Cœur de métier stratégique, stratégique, donc internalisé. • Cœur de métier stratégique,
Organisation
inévitablement interne Dans d'autres cas, le recours inévitablement interne
au partenariat est privilégié
pour faire face à des pics
saisonniers
Offre • Innovateur • Rassembleur • Consultant
• Forts revenus à attendre de • Prestations rares et à fortes
• Faible valeur ajoutée
diverses natures selon le valeurs ajoutées justifiant des
correspondant à des prix bas
niveau d'exclusivité et prix élevés
compensés par des volumes
Revenus d'ampleur de l'innovation • Crédit commercial du conseil
importants standardisés pour
(brevets, verrouillage d'un informel
rentabiliser les actifs
partenariat, avantage • Contrats de LT et exclusivité
physiques
concurrentiel…) des clients
• Salaires attractifs pour attirer • Salaires attractifs pour attirer
• Faibles couts d'exploitation
Charges des cadres hautement des cadres hautement
unitaires
qualifiés qualifiés
Source : Elaboration de l’auteur

379
Tableau 8, page 256 - RCOV du vecteur de développement
VECTEUR du développement

• Actifs physiques
• Agrégation pour exercer nécessaires à connecter • Personnel dédié et
• Position privilégiée sur le des régions, des pays compétent pour exercer
Ressources marché ou contrôle • Infrastructures locales et le contrôle choisi
d'une infrastructure clé compatibles nécessaires • Réseau de partenaires si
(port, chemin de fer…) Réseaux d'affaires et nécessaire
portefeuilles clients
• Le 4PL exerce son devoir • Les niveaux
• Externalisation
de communication par le d'externalisation
envisageable d'autant
biais de ses moyens dépendent de différents
plus que le contrôle n'est
Organisation marketings et paramètres (taille et
pas forcément en lien
commerciaux maturité des marchés
direct avec la prestation
• Relais des PSL spécialisés connectés, opportunités
logistique
(FFW, transporteurs…) de croissance…)
Offre • Mandataire • Connecteur • Contrôleur
• Ne pas subir d'amende
• Développement des • Crédit commercial pour
Renforcer son crédit
volumes sur des marchés un service annexe
Revenus auprès des autorités et
émergents Rémunération du service
de la collectivité comme
Statut transnational de contrôle
un acteur responsable
• Couts de mise en
application des
• Couts d'exploitation et
politiques
de communication sur • Couts d'exploitation qui
(communication,
Charges des marchés nouveaux demeurent modérés
pénalités éventuelles,
(peu se faire par pour un service annexe
couts d'opportunité à
croissance externe)
renoncer à certains
business…)
Source : Elaboration de l’auteur

380
Tableau 9, page 296 – Validation des rôles selon les profils de PSL
V a l eur A j outée Rôl e 1PL 2PL 3PL 4PL

Architecte

INSTRUCTIO N
Coordinateur
de partenariats
Facilitateur

Intégrateur

INTERFACE
Médiateur
des organisations
Arbitre

Innovateur

ACCELERATIO N
Rassembleur
de la performance
Consultant

Mandataire

ASSISTANCE
Connecteur
au développement
Contrôleur

Source : Elaboration de l’auteur

Tableau 10, page 311 : Les axes majeurs de légitimation selon les rôles du 4PL
Responsabilité Rôle Description Axes majeurs de Légitimation

Lorsque les regroupement se font


Conception des pour des motivations logistiques, le
Architecte
partenariats 4PL présente un statut incontesté
d’expert expérimenté
INSTRUCTION
Les prérogatives avancées de ce rôle
de partenariats Mise en œuvre des
Coordinateur sont le débouché naturel du rôle
accords contractuels.
d'architecte
Support logistique, Les latitudes accordées dépendent
Facilitateur
voire autre d’abord de ses garanties

381
(commercial, co- d’investissements, puis de l'ampleur
manufacturing…) de la valeur ajoutée qu’il est en
mesure de proposer

Il s’agit du cœur de métier historique


Lien opérationnel de tous prestataires logistiques, voire
Intégrateur
entre chargeurs de la raison de leur présence sur les
chaînes
INTERFACE Dépend des gains de productivité
Sous-traitance auprès
des Médiateur proposés, eux-mêmes reposant sur
de PSL spécialisés
organisations l’ampleur du réseau de partenaires
Le 4PL doit constamment prouver et
défendre sa neutralité. Il doit en
Arbitre Résolution de conflits.
outre investir dans des instruments
de prévention des conflits

Création ou transfert Le 4PL profite d’une qualité d'expert


Innovateur d'innovations et qu’il renforce par la maitrise de SIIO
bonnes pratiques. et une expérience éprouvée
Dépend des gains de productivité
Standardisation et
ACCELERATION proposés, eux-mêmes reposant sur
Rassembleur maximisation des flux
de la l’ampleur des moyens mobilisables
physiques
performance en propre ou par la médiation
La complexité moderne du secteur
Conseil sur le SCM contraint les chargeurs à faire
Consultant
des chargeurs. confiance à des experts logistiques,
les 4PL

382
L’application du rôle se fait par la
Application des
contrainte car il est admis que
directives légales ou
Mandataire l’autorité exerce un pouvoir
des politiques
ascendant sur le secteur privé, même
commerciales.
transnational
VECTEUR Les 4PL sont perçus comme porteurs
Connections entre les
du des promesses forte pour le
Connecteur territoires et leurs
développement développement du tissu économique
populations.
et social
La dimension forcément
Services de contrôle
transnationale des 4PL, dans laquelle
Contrôleur qualité, financiers ou
ils se confortent, est leur principal
sociétaux.
atout
Source : Elaboration de l’auteur

383
LISTE DES FIGURES

Figure 1, page 39 – Evolution du PSL dans les chaînes logistiques


Figure 1a – La chaîne logistique

(Mentzer et al., 2001)


Figure 1b – « Le PSL, maestro des chaînes logistiques »

*Lead Logistics Providers

(Fulconis et Paché, 2018)

385
Figure 2, page 54 - Le Business Model Canvas

Osterwalder et Pigneur, 2011

Figure 3, page 56 - Le business model RCOV

Source : (Demil B. et al., 2006)

386
Figure 4, page 77 - Typologie des écosystèmes d’affaires

Source : Koenig (2012)

Figure 5, page 80 – Types d’interdépendances et ESA

Source : Jacobides et al. (2018)

_____________________________________________________________

387
Figure 6, page 133 - Croisement du modèle des 4C et du business model

Source : Garreau et al. (2015)

Figure 7, page 163 – Articulation des cadres conceptuels et théoriques

Source : Elaboration de l’auteur

388
Figure 8, page 272 – Représentation de l’ESL type des 4PL

Source : Elaboration de l’auteur

389
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS 3
SOMMAIRE 7
GLOSSAIRE 10
PLAN DE THESE 13

INTRODUCTION GENERALE 15

PARTIE THEORIQUE ET CONCEPTUELLE 33

CHAPITRE 1 - LE 4PL, SITUE DANS LA LITTERATURE ET FACE AU BUSINESS MODEL 35

SECTION 1.1 Représentation du 4PL en logistique 37


1.1.1 Le processus lent de migration des PSL vers le centre des réseaux 37
1.1.2 Le gap de littérature choisi 46
1.1.3 La capitalisation comme ressource essentielle aux changements de business model des 4PL 49
SECTION 1.2 Les transformations organisationnelles des chaînes logistiques sont inhérentes au
55
modèle d’affaire
1.2.1 Les 4PL au travers de leurs modèles d’affaires 55
1.2.2 Le modèle Ressources et Compétences, Organisation et proposition de Valeur (RCOV)
60
comme outil de construction du modèle d’affaires type des 4PL
1.2.3 Regard croisé avec le champ disciplinaire des Systèmes d’Informations, à la contribution
65
majeure dans le développement des 4PL
Synthèse du chapitre 1 75

CHAPITRE 2 - LES MODELES D'AFFAIRES INNOVANTS DES 4PL 77

SECTION 2.1 Attributs et enjeux des Ecosystèmes Logistiques 79


2.1.1 L’Intérêt des écosystèmes en tant que structure 79
2.1.2 Profil d’écosystèmes logistiques et positionnement stratégique du 4PL 89
2.1.3 Le 4PL, d’une position d’interface entre chargeurs à celle d’un pivot des écosystèmes 94
Section 2.2 Attributs et attentes des parties prenantes aux écosystèmes logistiques 99
2.2.1 Les parties prenantes internes 99
2.2.2 Les parties prenantes externes 104
2.2.3 Compétences essentielles et rôles des acteurs 110
Synthèse du chapitre 2 115

CHAPITRE 3 - LES INNOVATIONS MANAGERIALES PORTEES PAR LE 4PL, DETERMINANTS DES


117
CONTRAINTES DE LEGITIMATION

391
Section 3.1 L’intégration de l’innovation aux business model des 4PL 119
3.1.1 Aperçu Historique des Innovations managériales dans la logistique 119
3.1.2 Conditions d’émergence des innovations managériales 125
3.1.3 Décoder les stratégies de conquêtes de la légitimité 130
Section 3.2 Innovations managériales et légitimité 144
3.2.1 Enjeux pour les réseaux de la typologie des rôles du 4PL 144
3.2.1.1 Le 4PL architecte 146
3.2.1.2 Le 4PL coordinateur 147
3.2.1.3 Le 4PL facilitateur 147
3.2.1.4 Le 4PL intégrateur 148
3.2.1.5 Le 4PL médiateur 149
3.2.1.6 Le 4PL arbitre 149
3.2.1.7 Le 4PL innovateur 150
3.2.1.8 Le 4PL rassembleur 151
3.2.1.9 Le 4PL consultant 152
3.2.2 Attributs des rôles du 4PL dans les business model 153
3.2.2.1 Attributs du 4PL architecte 154
3.2.2.2 Attributs du 4PL coordinateur 155
3.2.2.3 Attributs du 4PL facilitateur 156
3.2.2.4 Attributs du 4PL intégrateur 156
3.2.2.5 Attributs du 4PL médiateur 157
3.2.2.6 Attributs du 4PL arbitre 157
3.2.2.7 Attributs du 4PL innovateur 158
3.2.2.8 Attributs du 4PL rassembleur 158
3.2.2.9 Attributs du 4PL consultant 159
3.2.3 Les questions de légitimité liées aux rôles du 4PL 160
3.2.3.1 La légitimité du 4PL architecte 161
3.2.3.2 La légitimité du 4PL coordinateur 162
3.2.3.3 La légitimité du 4PL facilitateur 162
3.2.3.4 La légitimité du 4PL intégrateur 164
3.2.3.5 La légitimité du 4PL médiateur 165
3.2.3.6 La légitimité du 4PL arbitre 166
3.2.3.7 La légitimité du 4PL innovateur 167
3.2.3.8 La légitimité du 4PL rassembleur 168
3.2.3.9 La légitimité du 4PL consultant 170
Synthèse du chapitre 3 171

PARTIE EMPIRIQUE 173

CHAPITRE 4 - POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET CHOIX METHODOLOGIQUES 175

392
Section 4.1. Protocole de recherche 177
4.1.1 Articulation des cadres conceptuel et théorique 177
4.1.2 Fondements épistémologique et critères de validité 183
4.1.3 Statut de recherche et revue de littérature 191
Section 4.2. Le recueil des données empirique et leur analyse 197
4.2.1 Choix et attributs du terrain 197
4.2.2 Décryptage des questions d’entretien 202
4.2.3 L’abduction comme méthode retenue pour l’analyse des données 209
Synthèse du chapitre 4 214

CHAPITRE 5 - PRESENTATION DES RESULTATS ET INTERPRETATION DES REPONSES 217

Section 5.1. Présentation des résultats 219


5.1.1 Proposition d’un thème nouveau, le vecteur au développement 219
5.1.1.1 Le 4PL Connecteur 220
5.1.1.2 Le 4PL Mandataire 221
5.1.1.3 Le 4PL Contrôleur 222
5.1.2 Exposé des réponses en lien avec l’instructeur de partenariats et l’interface des
226
organisations
5.1.3 Exposé des réponses en lien avec l'accélérateur de performance et le vecteur de
234
développement
Section 5.2. Analyse des réponses 249
5.2.1 Proposition du modèle d’affaire type des 4PL – instructeur de partenariats et interface des
249
organisations
5.2.2 Proposition du modèle d’affaire type des 4PL – accélération de la performance te Vecteur
261
du développement
5.2.3 Résultats et cadres théoriques 275
Synthèse du chapitre 5 281

CHAPITRE 6 - ANALYSE ET DISCUSSION 283

Section 6.1. Conséquences des nouveaux rôles du 4PL sur ses parties prenantes 285
6.1.1 Construction de l'ESL type des 4PL 285
6.1.2 Le point de vue des parties prenantes primaires 292
6.1.2.1 Les salariés 293
6.1.2.2 Les actionnaires 295
6.1.3 Le point de vue des parties prenantes secondaires 299
6.1.3.1 Les partenaires professionnels 299
6.1.3.2 La Collectivité 301
6.1.3.3 Les pouvoirs publics 302

393
6.1.3.4 Les concurrents 304
Section 6.2. Les mécanismes de légitimation 307
6.2.1 Intégration des rôles supplémentaires aux modèles d’affaires des 4PL et déductions
307
analytiques
6.2.1.2 Connecteur 308
6.2.1.2 Mandataire 308
6.2.1.3 Contrôleur 309
6.2.1.4 Lien entre notre typologie et la nomenclature des PSL 313
6.2.2 Les mécanismes de légitimation des rôles qui relèvent de l’instruction de partenariats et de
317
l’interface des organisations
6.2.2.1 Architecte - Légitimation 318
6.2.2.2 Coordinateur - Légitimation 319
6.2.2.3 Facilitateur - Légitimation 320
6.2.2.4 Intégrateur - Légitimation 322
6.2.2.5 Médiateur - Légitimation 323
6.2.2.6 Arbitre - Légitimation 324
6.2.3 Les mécanismes de légitimation des rôles qui relèvent de l’accélération de la performance
325
et de vecteur du développement
6.2.3.1 Innovateur - Légitimation 325
6.2.3.2 Rassembleur - Légitimation 326
6.2.3.3 Consultant - Légitimation 328
6.2.3.4 Mandataire - Légitimation 329
6.2.3.5 Connecteur - Légitimation 330
6.2.3.6 Contrôleur - Légitimation 331
Synthèse du chapitre 6 335

CONCLUSION GENERALE 339

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 349

ANNEXES 361

LISTE DES TABLEAUX 371

LISTE DES FIGURES 385

TABLE DES MATIERES 391

RESUMES 395

394
395
Titre : Perspectives et enjeux des rôles afférents à la prestation logistique

Mots clés : PSL, 4PL, Modèles d’affaires, QCD, Innovations managériales, Légitimation

Résumé : Les 4PL, représentants les plus Notre démarche empirique menée de
matures des prestataires de Services Logistiques manière qualitative auprès de 10 répondants a permis
(PSL), insufflent aux alliances stratégiques une vision d’affiner ces catégories en identifiant les valeurs
novatrice des supply-chains, parvenant à faire ajoutées nouvelles qu’induisent les activités de ces
évoluer les chaînes logistiques vers des réseaux 4PL au travers de leurs modèles d’affaires. Nos
interactifs. Pour y parvenir, ces prestataires experts résultats nous permettent de qualifier les réseaux
développent des offres de services personnalisées et oeuvrant dans les supply chains d’écosystèmes
complexes que notre recherche propose d’analyser. logistiques (ESL) ainsi que d’affiner et de légitimer les
La revue de la littérature en SCM a permis d’identifier précédentes catégorisation des rôles des 4PL.
des familles de rôles.

Title: Perspectives and challenges of the logistics providers roles

Keywords: LPs, 4PL, Business model, QCD, Managerial Innovations, Legitimization

Abstract: The 4PLs, most mature Our empirical approach, carried out in a
representatives amongst the Logistics Providers qualitative manner with 10 respondents, has
(LPs), bring to strategic alliances an innovative enabled us to refine these categories by
vision of supply-chains, managing to make identifying the new added values induced by the
supply chains evolve towards interactive activities of these 4PLs through their business
networks. To achieve this, these expert models. Our results allow us to qualify the
providers develop customized and complex networks operating in supply chains as logistics
service offerings that our research proposes to ecosystems (LSEs) and to refine and legitimize
analyze. The review of the SCM literature has the previous categorization of 4PL roles.
allowed us to identify families of roles.

396

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