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[J=Forces vives]

Vous représentez toutes et tous ici le travail, l'activité, l'engagement associatif et aussi le mouvement
sportif. Vous exprimez l'ensemble des énergies à l'oeuvre dans notre société, ces énergies créatrices
qui font notre développement culturel, économique et social. Vous prouvez jour après jour que la
société civile entend s'impliquer davantage dans la transformation de notre pays. Votre légitimité
s'enracine dans une expérience concrète des réalités. C'est ce qui fait votre force et je dirais votre
modernité. C'est pourquoi vous devez être écoutés.

Démocratie politique et démocratie sociale se complètent. Elles ne sauraient être confondues mais
elles ne doivent pas être opposées.

La démocratie politique est fondée sur l'appartenance à une même nation. Elle transcende les
intérêts économiques et sociaux. Elle repose sur la citoyenneté qui exprime ce que les hommes et les
femmes d'un même pays portent en commun : une communauté de vie, un "vouloir vivre ensemble",
et aussi une histoire, une langue, une culture qui unissent.

Il ne peut évidemment être question pour les acteurs de la démocratie sociale de disputer aux
assemblées parlementaires le monopole de l'expression de la volonté générale.

Mais la démocratie politique ne progressera pas en faisant reculer la démocratie sociale. C'est au
contraire en lui faisant toute sa place et en s'appuyant sur les acteurs de la vie économique et sociale
qu'elle pourra se fortifier, se moderniser et rester unie à la réalité vivante de notre pays. Il est
important que les pouvoirs publics prennent l'habitude de s'appuyer toujours davantage sur les
forces vives que vous représentez, dont l'importance d'ailleurs va croissant dans la vie des nations.

La place et l'autonomie de la démocratie sociale doivent être reconnues et respectées. La loi est
indispensable à la définition du bien commun. Mais elle ne peut pas tout faire. Le législateur doit
avoir la sagesse et le réflexe de toujours écouter, observer et comprendre le mouvement profond de
la société, un mouvement largement porté par les acteurs économiques et sociaux. C'est une
respiration nécessaire à la démocratie.

Dans plusieurs Etats d'Europe, la pratique contractuelle donne lieu à un véritable pacte social. Il
constitue un cadre stable et harmonieux, favorable au progrès social comme au développement de
l'activité et de l'emploi. Je crois que l'on peut dire que c'est la modernité. Il n'y a pas de raison que la
France n'y parvienne pas à son tour.

Il y a le champ politique. Mais il y a aussi celui de la liberté contractuelle et de la négociation


collective. Dans les conditions contemporaines de la vie économique et sociale, le dirigisme n'est pas
seulement inefficace et dépassé, il devient en réalité impossible.

L'Etat doit en revanche -et c'est une mission essentielle- veiller à la solidarité entre tous les membres
de la communauté nationale, notamment, comme on vient hélas de le voir, au moment des épreuves.
Il doit assurer l'égalité des chances entre les Français, libérer les énergies, apporter à nos libertés la
protection de la République.

Il lui appartient d'inventer de nouveaux moyens d'action pour continuer à jouer pleinement son rôle
de garant de la cohésion sociale et pour devenir un facilitateur actif du développement économique.

Mais que l'Etat ne doive plus chercher à tout régenter ne signifie pas que les relations économiques
et sociales doivent être abandonnées au règne du plus fort. L'Etat doit peser de tout son poids dans
les grandes négociations internationales, en premier lieu à l'OMC, pour que la mondialisation soit
maîtrisée, qu'elle soit tournée vers le bien de l'homme, qu'elle prenne mieux en compte les exigences
de l'éthique et de l'environnement.

Les changements actuels du monde sont source de progrès mais ils affectent les équilibres de la
société. C'est en prenant appui sur le dialogue social et sur la négociation collective que nous
pourrons préserver ou reconstruire ces équilibres, les faire évoluer, voire les réinventer.

En élargissant la place de la démocratie sociale, on fait progresser toute la démocratie. C'est pourquoi
j'attache la plus grande importance au rôle de laboratoire du dialogue social que le Conseil
économique et social joue au coeur des institutions de la République, car c'est un lieu où tout peut se
dire, où tout se dit, en dehors des clivages partisans.

Je suis particulièrement attentif aux discussions engagées entre eux par les représentants du monde
de l'entreprise, salariés et entrepreneurs, pour examiner la possibilité d'un renouveau des relations
sociales et du paritarisme. C'est un enjeu essentiel. Sans intervenir dans les débats entre
organisations syndicales et professionnelles, la République doit montrer son attachement au dialogue
social en mettant tout en oeuvre pour faciliter le déroulement et l'aboutissement des discussions. Si
une large entente s'exprime, je serai prêt pour ma part à en tirer toutes les conséquences, y compris,
si nécessaire, sur le plan constitutionnel. Nous devons en effet être ouverts à tout ce qui peut
permettre de donner au dialogue social un meilleur ancrage et de mieux reconnaître la valeur du
contrat collectif dans le respect, bien sûr, des droits du Parlement.

Une démocratie nourrie par la négociation sociale et respectueuse de celle-ci sera plus forte pour
traiter les grands enjeux de notre temps : la croissance et l'emploi, la solidarité et la lutte contre
l'exclusion, avec la ferme volonté d'assurer, au bénéfice de chacun des Français, une juste répartition
des nouveaux fruits de cette croissance.

Nous avons su créer les conditions de l'expansion en nous qualifiant pour l'euro. Désormais, notre
pays a cessé de s'épuiser dans une politique d'argent cher pour défendre le franc. En partageant une
même monnaie avec nos partenaires européens, nous avons reconquis une souveraineté monétaire
qui s'était peu à peu rétrécie. Et nous sommes désormais protégés contre ces dévaluations
compétitives entre pays européens qui ont fait tant de mal à notre agriculture et à nos industries de
main-d'oeuvre. C'est un socle solide. A nous d'en tirer le meilleur parti. A nous d'attirer et de fixer sur
le sol français des investissements qui ouvrent les portes du plus grand marché du monde. Nos atouts
sont très grands. Ils le seront plus encore quand nous aurons su procéder à l'adaptation en
profondeur de notre système de prélèvements obligatoires et faire reculer l'esprit de réglementation
et de contrôle qui imprègne encore trop souvent les relations entre l'administration et les
entreprises.

L'économie moderne offre à la France de nouvelles chances de croissance au bénéfice de chacun. La


part des technologies nouvelles dans les créations d'emplois ne cesse de progresser. Nous devons
entrer résolument dans la société de l'information. C'est une révolution qu'il faut faire dans nos vies,
mais aussi dans nos têtes. C'est pour notre pays l'une des clés de l'avenir.

L'emploi hautement qualifié ne cesse de se développer, au point que des pénuries de main-d'oeuvre
apparaissent déjà dans certains secteurs tandis que le chômage des travailleurs sans qualification
reste à un niveau très élevé. C'est dire que l'adaptation des formations et le renouvellement des
compétences comptent parmi les grands défis de la France de demain.

Depuis longtemps je souhaite, dans ce domaine, une réforme fondatrice, pour donner à chaque
Français un droit personnel à la formation tout au long de sa vie. Ce serait, pour tous, le gage d'une
plus grande sécurité de l'emploi à travers l'évolution continue des besoins de l'économie. Ce serait
aussi la promesse de nouvelles chances de promotion sociale. Il s'agit en réalité d'une réforme de
société. Elle passe par un engagement très fort de l'ensemble des partenaires sociaux. On ne peut pas
en faire l'économie.

Il est également très important que nous réussissions à maintenir nos principaux centres de décision
économique sur le territoire national.

Il est grand temps de mettre en place de nouveaux outils permettant aux Français d'investir leur
épargne dans notre économie et d'obtenir des droits supplémentaires pour leurs retraites. Il est
temps également de diffuser plus largement l'actionnariat des salariés en s'inspirant de cette grande
idée qu'est la participation.

Il y a trente ans, sous l'impulsion du général de Gaulle, notre pays avait su percevoir l'importance
d'une meilleure association du travail et du capital. Aujourd'hui, cette exigence de participation peut
être modernisée mais elle est plus forte que jamais. Elle est devenue l'une des conditions de la
réussite de notre modèle économique.

Les salariés souhaitent être mieux associés au succès de leur entreprise. C'est un mouvement sain et
positif qui démontre leur engagement, leur motivation, leur dynamisme. Nous devons en tirer les
conséquences. C'est pourquoi j'appelle l'ensemble des forces politiques, sociales et économiques à
faire de l'exigence de cette nouvelle participation l'une des grandes ambitions de l'an 2000 pour créer
une économie plus solide et plus solidaire.

Nous devons prendre garde aussi à ne pas rester indifférents à l'accélération des fusions
internationales entre grands groupes. La course à la taille est utile dans bien des cas, mais elle ne doit
pas conduire à la constitution de grands monopoles privés alors que nous avons peu à peu réussi à
mettre fin à la plupart des monopoles publics d'autrefois.

La libre concurrence doit être rigoureusement respectée. Au plan national, au plan européen mais
également au plan mondial. Il y a là un enjeu essentiel pour parvenir à ordonner et aussi à humaniser
la mondialisation.

Il faut aussi donner à celle-ci une dimension humaine plus forte et plus visible. Cela commence dans
notre propre pays par la réaffirmation de la solidarité.

J'insiste chaque année sur l'attachement des Français à la sécurité sociale. J'y reviendrai encore
aujourd'hui car la sécurité sociale est au coeur de la constitution sociale de notre pays. Elle assure la
triple solidarité des Français face aux charges de famille, à la maladie et à la retraite. Elle lie tous nos
concitoyens entre eux. Et, je l'ai déjà dit, j'en suis le garant. Je m'estime responsable de son avenir.
C'est pourquoi, vous le savez, j'ai invité les Français à réfléchir aux changements nécessaires pour
sauvegarder la retraite par répartition avec le double souci de fortifier la solidarité entre les
générations et entre tous les secteurs d'activité et de conforter le dynamisme de notre économie.

Nous avons pris l'exacte mesure des problèmes. Ils sont de nature structurelle. C'est en prenant
maintenant des dispositions à la hauteur des difficultés à venir que nous éviterons de devoir un jour
pénaliser l'emploi en augmentant les ponctions sur l'activité, en diminuant les pensions servies aux
retraités, ou pire, en faisant les deux à la fois.

Mais, au-delà de la sécurité sociale, nous devons prendre davantage conscience de la nécessité de
faire progresser la lutte contre la pauvreté qui s'accroît. Il y a, dans ce domaine, matière à
préoccupation. Le nombre de bénéficiaires des minima sociaux continue à augmenter malgré la
reprise de l'économie. Plus de la moitié des allocataires du RMI le perçoivent depuis une durée
supérieure à deux ans. C'est le signe d'une difficulté, celle que nous avons à organiser le retour vers
l'emploi des personnes qui se sentent aujourd'hui rejetées vers les confins les plus extrêmes de notre
société.

Nous ne pouvons pas accepter cette situation. Un grand débat national a eu lieu. Il s'est étendu sur
plusieurs années et j'y ai pris ma part. Comme le souhaitaient de nombreux mouvements, à
commencer par ATD-quart monde, comme l'avait demandé aussi le Conseil économique et social,
toutes les forces politiques représentées au Parlement ont admis que de nouveaux principes devaient
être inscrits dans la loi. La lutte contre l'exclusion et le respect de l'égale dignité de tout homme sont
des impératifs nationaux.

Il faut maintenant créer les conditions d'une meilleure intégration à la vie économique des personnes
les plus en difficulté, en prenant acte des limites inhérentes aux solidarités d'argent.

La solidarité doit se faire plus fraternelle. Elle doit se rapprocher des lieux de vie. Elle doit prendre le
visage d'hommes engagés au service d'autres hommes. Elle impliquera de plus en plus un lien
personnel pour qu'à l'aide de celui qui parle au nom de la collectivité, puisse répondre l'engagement
de celui qui reçoit. Un engagement proportionné aux possibilités et à la situation de chacun, mais un
engagement réel, qui encourage à reprendre espoir et à se remettre en chemin.

Mesdames et Messieurs,

Je ne voudrais pas terminer ce propos sans évoquer un sujet douloureux qui, vous le savez depuis
longtemps, me tient à coeur.

L'année qui s'est achevée a vu célébrer le dixième anniversaire de la Déclaration des droits de
l'enfant. Cet anniversaire a permis de mesurer les progrès accomplis grâce à l'action de la
communauté internationale, et en premier lieu grâce à l'engagement des organisations non
gouvernementales. Mais elle a aussi été l'occasion de constats très douloureux pour la conscience
universelle. Les images qui nous viennent chaque jour du monde entier nous disent cruellement la
détresse de millions et de millions d'enfants écrasés de souffrance, sans toit, livrés à la brutalité et à
la violence des adultes.

Face à ce scandale inexprimable, nous ne pouvons pas nous résigner à l'impuissance. A l'aube de ce
nouveau siècle, je voudrais vous demander d'être tous mobilisés pour faire renaître l'espoir. Le temps
de l'enfance est court. Il ne se rattrape pas. Dans le combat pour les droits de l'enfant, l'engagement
de tous est nécessaire.

Mesdames, Messieurs,

L'an 2000 sera une année importante dans tous les domaines de la vie économique et sociale. Les
Français l'abordent avec la confiance que leur apportent les premiers fruits de longues années
d'efforts. De ces efforts, chacun a pris sa part. Tous les Français doivent en avoir le juste retour. Une
répartition équitable des fruits de la croissance conditionne tout à la fois l'harmonie de notre société
et le dynamisme de notre économie.

En vous présentant aujourd'hui mes voeux les plus cordiaux, je voudrais vous dire ma conviction que
la France aura tous les atouts pour réussir dans l'Europe du XXIe siècle si elle veut bien regarder
lucidement les réalités de notre monde et adopter une nouvelle culture de dialogue.

Je souhaite à chacune et à chacun d'entre vous mes meilleurs voeux pour l'année 2000.
[J=Corps]

Je vous remercie, Monsieur le Président, des voeux que vous venez de me présenter au nom des
corps constitués. A mon tour, je forme pour vous et pour l'ensemble des serviteurs de l'Etat, en
métropole, outre-mer ou à l'étranger, les voeux les plus chaleureux pour l'an 2000.

Je voudrais d'abord exprimer ma reconnaissance et celle de la nation à toutes celles et à tous ceux
qui ont donné et qui donnent encore le meilleur d'eux-mêmes pour aider nos concitoyens à
surmonter les conséquences des drames qu'ils viennent de vivre avec les tempêtes et la marée noire.

Mes pensées vont aussi vers celles et ceux, civils et militaires, qui se trouvaient en poste la nuit du
passage à l'an 2000. Ils ont assuré une présence indispensable dans les commissariats, dans les
hôpitaux, dans les services de transport, de distribution d'énergie ou de télécommunications, dans
bien d'autres services encore. Que tous trouvent ici, au nom de l'ensemble de nos concitoyens,
l'expression de ma gratitude.

Nous abordons ce nouveau millénaire dans un contexte favorable. Les économies du monde entier
sont portées par un mouvement d'intensification des échanges et d'innovation technologique :
aujourd'hui, informations, marchandises et capitaux sillonnent le monde, se jouent du temps, des
distances et des frontières. Ce double mouvement de modernisation et de mondialisation vous
touche directement car il contribue à redessiner, en réalité, le visage de l'Etat.

J'emploie volontairement ce terme de "redessiner". Loin d'affaiblir l'Etat, la mondialisation ne cesse


de souligner à quel point les fonctions qu'il exerce sont primordiales pour l'équilibre et le
développement de la société.

Il faut le reconnaître : au cours des dernières décennies, l'image de l'Etat s'est un peu brouillée. En se
diluant, l'Etat ne s'est pas grandi. Son intervention massive dans l'économie n'a pas empêché le
développement du chômage. Les nationalisations l'ont entraîné sur un terrain qui n'était pas le sien.
L'action publique y a perdu aussi bien en efficacité qu'en autorité.

Aujourd'hui, la mondialisation ramène au premier plan ces grandes missions de l'Etat que sont
l'arbitrage, la sécurité, la cohésion sociale.

L'Etat doit certes évoluer dans ses modes d'intervention. Il ne peut plus, comme par le passé,
s'appuyer sur un équilibre savant de contrôles et de réglementations : contrôle douanier, pour éviter
la concurrence étrangère ; contrôle des changes, pour définir et pour défendre la monnaie ; contrôle
des prix, pour lutter contre l'inflation. Ces réformes et ces abolitions sont toutes récentes même si
elles nous paraissent aujourd'hui si lointaines.

Au stade de développement que nous avons atteint, l'Etat doit au contraire libérer les énergies et
faciliter notre insertion dans l'économie mondiale, car c'est en grande partie de là que vient la
croissance. La conjoncture la plus récente nous le rappelle de façon exemplaire.

Nous avons besoin d'un Etat capable d'élaborer et de faire respecter les règles du jeu, aussi bien à
l'intérieur que sur le plan international où l'absence d'arbitre ne doit pas conduire à la dictature du
plus fort. La société internationale se développe rapidement. Il faut sans cesse l'organiser et mieux
l'organiser.

La France participe à la construction de ce nouvel ordre mondial en défendant, dans le cadre de


l'Union européenne, notre modèle de société et en oeuvrant pour l'adoption d'instruments
nouveaux. Je pense, dans le domaine juridique, à la Cour pénale internationale ou à la prochaine
convention contre le crime organisé. Je pense à la réforme du système monétaire international et à la
lutte contre le blanchiment de l'argent sale. Je pense, dans le domaine des échanges, à l'Organisation
mondiale du commerce au sein de laquelle l'Union européenne occupe et doit occuper toute sa
place. Je pense, enfin, dans le domaine de l'environnement, à la lutte contre la pollution maritime et
aux prolongements de la conférence de Kyoto, qui doivent permettre, en contrôlant les émissions de
gaz à effet de serre, de maîtriser les changements climatiques.

Nous avons besoin d'un Etat capable d'assurer la sûreté des personnes et des biens. L'autorité de
l'Etat doit être respectée sur l'ensemble du territoire : c'est son premier devoir. Garant traditionnel de
la sécurité publique, l'Etat n'est plus seulement responsable de la police et de la défense nationale.
Nos concitoyens attendent de lui qu'il les protège contre les risques nouveaux qui apparaissent dans
le domaine de la santé, de l'alimentation et de l'environnement.

Nous avons besoin d'un Etat capable d'assurer son rôle d'arbitre. Cela suppose que l'administration
laisse toute sa place au dialogue et à la négociation entre les partenaires sociaux, qu'elle n'étouffe
pas la démocratie sociale mais qu'elle la respecte. Cela suppose aussi qu'elle sache associer les
grands acteurs de la société civile à l'élaboration des décisions. Le développement d'instances
indépendantes de régulation, l'organisation de conférences de consensus et des premières
conférences-citoyennes sur les organismes génétiquement modifiés, la pratique naissante du
référendum consultatif commencent à dessiner dans notre pays les contours d'une action publique
plus équilibrée.

Ce mouvement doit se poursuivre. Nos sociétés sont devenues trop complexes pour que les règles
puissent être fixées à partir d'un centre unique. L'administration ne peut plus faire les questions et les
réponses. Mais elle a un rôle essentiel pour organiser le débat public.

Nous avons besoin, enfin, d'un Etat qui facilite le développement économique, en maîtrisant ses
dépenses pour pouvoir baisser les charges qui pèsent sur l'activité et sur l'emploi, et en améliorant
encore le niveau des prestations de ses services publics. Education, recherche, santé, justice : les
besoins des sociétés modernes en services publics sont immenses. Dans la compétition des
territoires, c'est sur ce socle que s'appuient les pays les plus performants. A l'Etat d'assurer cet
environnement favorable à nos entreprises. A lui de libérer les énergies de notre société.

Plus que jamais, il nous faut une école pour relever le défi de l'innovation, un système de santé
capable de garantir l'accès de tous aux meilleurs soins et une justice pour assurer l'Etat de droit.

Je viens d'évoquer la justice et, dans les circonstances actuelles, j'aimerais prolonger un instant mon
propos. J'ai eu l'occasion de dire tout récemment que, du fonctionnement de la justice dans un pays,
dépendait la santé et la force de la démocratie.

Aussi ai-je souhaité voilà déjà trois ans que de profondes réformes soient entreprises : pour que
l'institution judiciaire, trop longtemps négligée, dispose de moyens adaptés à ses missions ; pour
qu'elle soit en mesure de mieux répondre aux attentes des citoyens par une réduction des délais de
jugement et une simplification des procédures ; pour qu'elle sache enfin concilier indépendance,
responsabilité et respect des droits de chacun.

Tâche considérable dont j'avais, comme c'est mon rôle, fixé le cap.

Le temps a passé. Le Premier Président Truche et ses collègues ont fait oeuvre utile s'agissant de
l'indépendance des magistrats, de leur responsabilité et du respect de la présomption d'innocence.
Des textes ont été déposés. La modification constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la
magistrature a été votée par les deux assemblées. Mais sur les textes législatifs qui en sont
l'accompagnement nécessaire des opinions divergentes subsistent tenant à certaines des dispositions
envisagées et aussi à la nature des engagements pris par le Gouvernement. Il ne faut pas s'étonner de
cette situation. Il ne faut pas la déplorer. C'est le jeu normal et sain de la démocratie qui demande
débats et confrontations.

Pour ma part, fidèle à mes objectifs, j'ai pris mes responsabilités en usant du pouvoir constitutionnel
que me donne l'article 89. J'ai convoqué le Congrès, je l'ai fait à une date suffisamment éloignée afin
de laisser aux points de vue opposés le temps de se rapprocher.

Je souhaite que le dialogue engagé par le Gouvernement avec les parlementaires qui seront appelés à
se prononcer en conscience le 24 janvier se poursuive et s'intensifie.

Il est encore temps pour qu'à certaines questions posées, des réponses plus précises soient
apportées. Il est encore temps pour que les engagements du Gouvernement soient confirmés de
façon indiscutable. Il est encore temps que ce dialogue aboutisse.

Des réformes de cette nature, qui touchent à l'organisation de la société et au respect des droits
individuels, doivent recueillir le plus large assentiment des forces politiques. Tant il est vrai qu'il s'agit
au sens le plus fort des termes, d'une question d'intérêt général.

Pour répondre aux attentes de notre société, qui sont immenses, bien sûr, l'administration doit savoir
aussi s'adapter. A l'aube de l'an 2000, il nous faut construire l'Etat de demain.

Construire cet Etat, c'est d'abord redéfinir ses contours en le recentrant sur ses missions essentielles
de service public.

L'Etat sera plus performant s'il identifie dès maintenant les missions qui nécessitent des moyens
accrus et les secteurs où il est au contraire possible de dégager des marges de manoeuvre, comme les
tâches de gestion ou le traitement des données.

L'Etat sera plus performant s'il se concentre sur les missions qui lui appartiennent en propre. A
l'heure où les progrès technologiques deviennent extrêmement rapides, on peut s'interroger, par
exemple, sur l'opportunité pour les ministères de gérer eux-mêmes leurs services informatiques.

Jamais les possibilités de réussir la modernisation de l'Etat n'ont été aussi grandes. Non seulement
parce que la société de l'information est en train de révolutionner les conditions du travail
administratif et modifiera en profondeur les relations de l'Etat avec nos concitoyens. Mais également
parce que la pyramide des âges de la fonction publique est telle aujourd'hui que près de la moitié des
agents de l'Etat partiront à la retraite au cours des dix prochaines années, aggravant les difficultés de
financement des pensions, mais créant aussi les conditions d'un profond renouvellement. Nous ne
devons pas laisser passer cette chance de repenser sereinement l'Etat pour l'adapter aux temps
modernes en évitant la reproduction indéfinie d'un modèle d'administration qui serait, par vocation,
immuable. Des choix doivent être faits, dans la transparence et la concertation, en anticipant les
nouveaux besoins des Français à l'égard de leurs services publics et en planifiant les transformations
nécessaires.

Enfin, l'administration sera plus performante si elle sait mettre ses compétences en réseau. La mise
en place d'un intranet reliant l'ensemble des services de l'Etat permettrait de décloisonner les
administrations, d'alléger les procédures, d'accélérer les processus de décisions. Elle faciliterait la
transmission des informations, les discussions et la conduite de projets interministériels. Elle placerait
l'intelligence et les hommes au coeur de l'Etat.

Dans ce domaine, certains services déconcentrés ont mené des expériences intéressantes, avec
l'appui de leur ministère respectif. Il est temps d'en tirer les enseignements et de les généraliser.

Construire l'Etat de demain, c'est aussi tirer toutes les conséquences de l'affirmation des pouvoirs
locaux et de l'accélération de la construction européenne.

Les compétences communautaires ne se limitent plus à quelques politiques sectorielles, fussent-elles


essentielles, comme l'agriculture. Elles couvrent aujourd'hui un large spectre de l'action publique,
elles reconfigurent l'action de l'Etat. C'est encore plus vrai depuis l'entrée en vigueur du Traité
d'Amsterdam qui a inclu dans le champ communautaire certaines questions de sécurité et de justice.

Cette mise en commun n'est en rien une dépossession. D'abord parce que l'Europe s'inspire de nos
traditions et participe à notre rayonnement. Mais aussi parce que l'Union européenne est fortement
tributaire des administrations nationales, aussi bien en ce qui concerne l'élaboration des normes que
pour leur application. C'est le sens du principe de subsidiarité, essentiel dans l'équilibre européen et
auquel j'attache -pour ma part-,une importance particulière, et c'est également une nécessité
pratique : la Commission, le Conseil, le Parlement ne peuvent fonctionner qu'en s'adossant aux
administrations des pays membres.

Les services de l'Etat doivent donc intégrer pleinement la composante européenne de leur action.
Cela passe par un renforcement de la présence des fonctionnaires français dans les institutions
communautaires : il est important que notre administration se donne les moyens d'agir à Bruxelles et
d'y être présente dans la continuité. Cela passe aussi par une forte implication des différents
ministères tant dans l'élaboration des normes communautaires que dans une transposition des
directives complète et conforme aux traditions de notre droit. Prenons garde aux retards qui peuvent
s'accumuler.

L'Etat doit également tirer les conséquences de l'affirmation des pouvoirs locaux. Il ne sert à rien de
transférer des compétences aux communes si les maires trouvent en face d'eux un chef de service qui
ne peut prendre ses décisions qu'à Paris. La déconcentration est une nécessité pour créer
l'administration de proximité que souhaitent nos concitoyens, pour permettre aux services locaux de
l'Etat de s'engager dans des partenariats efficaces avec les collectivités territoriales.

L'Etat doit s'adapter aux nécessités de l'action locale. Il doit gagner en souplesse, pour mieux épouser
les spécificités et les besoins de chaque territoire.

Construire l'Etat de demain, c'est enfin mettre l'administration au service de l'usager grâce aux
nouvelles technologies de l'information.

L'enjeu est triple. Il s'agit d'abord de simplifier la relation de nos concitoyens avec l'administration.
Les Français attendent des services publics qu'ils leur facilitent la vie quotidienne. Le développement
des téléprocédures peut permettre à chacun d'effectuer le maximum de démarches à partir de son
domicile, en évitant les déplacements inutiles. 17 % des formulaires administratifs sont aujourd'hui
mis en ligne. Il faut aller plus vite, plus loin. Il est désormais urgent que le Parlement puisse débattre
du projet de loi relatif à la reconnaissance juridique de la signature électronique. C'est le préalable
nécessaire à toute initiative dans ce domaine.

Les nouvelles technologies, c'est aussi un outil au service d'une transparence accrue de nos
administrations. Les citoyens doivent avoir, sur le réseau, un accès direct aux lois et aux règlements,
mais aussi aux circulaires, qui restent aujourd'hui cantonnées dans des revues aussi officielles que
confidentielles.

L'internet permet enfin de renforcer la démocratie participative et de mieux associer le citoyen au


fonctionnement des services publics. Les forums de débat public, les consultations informelles, les
appels à propositions lancés par diverses administrations montrent que l'association des usagers au
service public n'est nullement un leurre, lorsque les Français ont les moyens de s'exprimer sur les
sujets qui touchent à leur vie quotidienne.

Simplification, transparence, participation : il y a là un véritable enjeu pour notre démocratie au XXIe


siècle, à condition que l'usage de l'internet profite à tous. L'administration a dans ce domaine une
forte responsabilité, l'école en premier lieu, mais aussi les services publics de proximité. Seuls 1 000
bureaux de poste sur 17 000 offrent aujourd'hui un accès au réseau. C'est trop peu. L'administration
française doit montrer l'exemple et permettre l'entrée de tous dans l'ère de l'information.

Mesdames et Messieurs,

A l'heure de la mondialisation, nous avons plus que jamais besoin d'Etat. Parce que la croissance des
échanges multiplie les besoins d'arbitrage. Parce que des risques nouveaux étendent les missions
régaliennes de l'Etat. Et parce que les économies modernes se caractérisent d'abord par la qualité des
biens publics offerts aux acteurs du marché, qu'il s'agisse d'infrastructures, d'éducation, de justice ou
de sécurité.

Comme vous, Monsieur le Président, je ne crois pas que l'intérêt général se soit dissous dans la masse
des intérêts individuels. L'Etat a plus que jamais la tâche de le défendre mais il doit pour cela
s'adapter. Ce qui est vrai, c'est que l'Etat, pour définir cet intérêt général, doit collaborer avec les
acteurs de la société civile, avec nos partenaires de l'Union européenne et avec la communauté
internationale. L'administration de demain sera davantage tournée vers les autres. Elle sera tournée
vers l'Europe. Tournée vers les collectivités locales. Et tournée vers le citoyen.

Je vous remercie.

[J=Corps diplomatique]

Vos paroles m'ont profondément touché. Je forme à votre intention des voeux très sincères et, par
votre intermédiaire, j'adresse à Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, au seuil de cette année
exceptionnelle, les souhaits déférents et affectueux du peuple français.

Qu'est-ce que l'an 2000 ? Pour nombre de peuples que vous représentez, Mesdames et Messieurs les
Ambassadeurs, c'est le jubilé de l'avènement du christianisme dans l'histoire de l'humanité. Pour
tous, la sensation d'un moment de passage entre un siècle et un autre, entre hier et demain, entre le
passé et l'avenir.

Cette sensation est d'autant plus forte que, de plus en plus, les hommes, dans leur diversité, se
réfèrent au même calendrier, comptent le temps de la même façon, vivent et partagent les mêmes
événements, les mêmes images, les mêmes émotions.

Ensemble, portons nos regards sur le siècle nouveau. Franchissons ce seuil symbolique. Non pas en
nous demandant de quoi ce siècle sera fait. Mais en réfléchissant à ce que nous voulons en faire.

Pour les Européens, la réponse est claire. La voie est tracée. Notre histoire nous oblige. Avec la
Renaissance et pendant cinq siècles, l'Europe a su bâtir une civilisation rayonnante. Puis le choc de
nationalismes exacerbés et la négation radicale de nos valeurs ont entraîné notre continent, et le
monde avec lui, dans deux guerres terribles qui ont cassé, effacé l'Europe. Depuis cinquante ans, avec
opiniâtreté et avec succès, nous réunissons les conditions d'une nouvelle renaissance européenne.

Fondée sur la liberté et la démocratie, sur un modèle économique et sur une exigence sociale,
l'Union européenne a d'abord eu le mérite inouï de rendre la guerre impossible entre nos peuples. Et
chaque élargissement signifie d'abord, de façon irréversible, la garantie de la paix et de la démocratie
pour les peuples qui nous rejoignent.

C'est parce que les Balkans ont vocation à appartenir à cette Europe, c'est parce que la haine
ethnique menaçait à nouveau de gangrener notre continent que nous avons réagi avec tant de
détermination au Kosovo. Favorables à cette intervention, nos peuples ont compris que nous devions
savoir tirer les leçons de notre histoire. Aujourd'hui, la situation reste préoccupante et appelle une
extrême vigilance, qu'il s'agisse du Kosovo, mais aussi du Monténégro où le statu-quo ne doit pas être
menacé. La clé d'une solution durable pour l'ensemble de la région demeure l'avènement d'un
régime démocratique à Belgrade.

Les Européens doivent désormais apprendre à réconcilier leur histoire et leur géographie. Pendant
quarante ans, l'Union européenne n'a pas eu à dessiner ses frontières : elles lui étaient imposées par
le rideau de fer. En s'ouvrant à 13 pays candidats, l'Union affirme sa vocation à rassembler toute la
famille européenne.

Penser une Union de 600 millions d'habitants et de plus de 30 Etats membres, c'est d'abord la doter
d'institutions plus efficaces et plus démocratiques. Voilà une première tâche confiée à la présidence
française qui succèdera, dans six mois, à celle du Portugal.

Nos deux pays, qui travaillent la main dans la main, veulent que l'Europe du XXIe siècle soit celle des
hommes. Une Europe où l'on circule librement et en sécurité. Une Europe de la croissance et de
l'emploi. Une Europe sociale. Une Europe, aussi, des universités et des pôles de recherche, pour que
nos jeunesses fassent vivre notre Union par un dialogue intense de nos cultures. C'est leur diversité
même qui fait notre richesse collective.

Pour s'affirmer dans le monde, l'Europe doit avoir tous les moyens pour agir. La présidence française
devra donc faire progresser, avec pragmatisme, la défense européenne. L'Alliance atlantique demeure
la pierre angulaire de notre sécurité. Mais les Européens doivent pouvoir assumer les responsabilités
qui leur reviennent, au sein ou en dehors de l'Alliance. Là aussi l'objectif est clair. C'est désormais
affaire de moyens et, donc, de volonté.

Aurons-nous la capacité de conduire les prochains et ambitieux élargissements, tout en poursuivant


le renforcement de nos solidarités dans des domaines toujours plus nombreux ? Ma réponse est
résolument positive. Elle se fonde sur le chemin parcouru en cinquante ans à peine. Même les plus
optimistes des pères fondateurs n'avaient pas imaginé l'euro. La construction européenne, dans un
processus continu, nous y a conduits. Nous l'avons voulu et c'est une réussite exemplaire, qui appelle
à son tour de nouveaux progrès.

Ainsi va l'Europe. Plus vite et plus loin qu'on ne le dit. Le XXIe siècle verra, j'en suis sûr, l'affirmation
de l'Union européenne, humaniste et prospère, puissante et pacifique, au premier rang des acteurs
sur la scène mondiale.

Autre pôle de notre continent, la Russie. Sous la conduite du Président Eltsine et malgré d'immenses
difficultés, elle a affirmé avec constance son engagement démocratique, sa volonté de réforme et
d'ouverture, sa place éminente en Europe et dans le monde. Au nom d'une amitié qui plonge ses
racines dans l'Histoire, la France fait confiance à la Russie pour confirmer au cours des prochains mois
ces orientations essentielles. Je souhaite qu'elle trouve très rapidement en Tchétchénie, où les
populations civiles sont meurtries, le chemin d'une solution politique et de la paix.

Agir dans le monde, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, c'est contribuer au règlement des
conflits. Prendre du recul et de la hauteur, voir grand et loin, peut aider à établir la paix là où elle
paraît encore difficile à concevoir.

Le conflit du Proche-Orient est né avec le siècle achevé. Puisse-t-il s'achever dans l'année où naît le
nouveau siècle ! C'est le souhait de tous les peuples de la région. C'est la volonté publiquement
affirmée par leurs dirigeants. Les Etats-Unis bien sûr, mais aussi la France, avec d'autres, leur
apportent tout leur concours. A l'heure où reprennent les négociations syro-israéliennes, je forme les
voeux les plus forts pour leur plein succès. Je souhaite que s'engagent dès que possible les
discussions libano-israéliennes. J'espère enfin que, dans les délais prévus, l'accord israélo-palestinien
sur le statut final pourra être adopté.

L'Europe peut aussi aider les partenaires de la paix en avançant des propositions concrètes, dans
deux domaines en particulier.

L'eau d'abord. Trop rare dans tout le Proche-Orient, elle suscite depuis toujours des tensions qui
touchent au plus profond de l'instinct de survie des peuples. Et elle est aujourd'hui l'un des enjeux les
plus difficiles de la paix. Je souhaite que l'Europe, sur la base de son expérience de la gestion des
ressources, apporte toute sa contribution à la recherche de solutions précises pour mieux répartir et
surtout augmenter les quantités disponibles.

L'habitat et l'urbanisme ensuite. Ce sont deux urgences du futur Etat palestinien. La meilleure arme
de la paix sera le développement. Un programme ambitieux pour la Cisjordanie et Gaza, en
accompagnement d'un accord, apporterait un grand nombre d'emplois, une meilleure qualité de vie,
des structures urbaines modernes. Déjà la France et les Pays-Bas unissent leurs efforts pour
construire le port de Gaza. A la demande de l'Autorité palestinienne, l'Union européenne et la
Banque mondiale pourraient élaborer une première esquisse cohérente dont la mise en oeuvre serait
engagée, dès la signature du règlement, et étalée sur plusieurs années.

Oui, la paix est possible au Proche-Orient ! Pendant les mois décisifs de la négociation, qui
coïncideront avec la présidence française de l'Union, l'Europe peut lui apporter un concours
significatif en aidant à créer un état d'esprit nouveau à travers des solidarités de fait et une prospérité
partagée. C'est cette approche qui a permis d'effacer l'antagonisme entre la France et l'Allemagne au
lendemain de la guerre. Inspirons-nous de cette démarche ! Encourageons tous nos partenaires
arabes à accompagner l'Autorité palestinienne, la Syrie et le Liban vers la paix en se plaçant eux aussi
dans la perspective d'une normalisation de leurs relations avec Israël !

Pour donner à cette perspective toutes ses dimensions, j'ai proposé, vous le savez, que cet automne
se tienne à Marseille le premier sommet rassemblant tous les chefs d'Etat et de gouvernement de
l'Europe et de la Méditerranée si, bien sûr, les progrès du processus de paix le permettent. Car c'est
bien à l'échelle de notre mer commune que nous devons créer un espace organisé de stabilité et de
paix, de coopération et de développement. Voilà une grande et belle ambition pour le siècle
naissant !

L'Afrique doit être aussi notre priorité. Plus de la moitié des conflits recensés dans le monde s'y sont
enkystés, enfermant de nombreux peuples dans le malheur et dans le désespoir. Cette situation est
d'autant plus inacceptable qu'ailleurs, la communauté internationale a su se mobiliser pour imposer
des solutions de paix.
C'est d'abord en Afrique centrale que nous devons agir. La guerre en République démocratique du
Congo, en impliquant tous les Etats du pourtour, a entraîné la région dans une spirale sans fin
d'affrontements et de destructions. Et pourtant, le chemin de la paix existe. L'accord de Lusaka l'a
tracé, en décidant avec sagesse le retrait des forces étrangères et la réconciliation nationale. Il faut
absolument que cet accord soit appliqué. Il faut que le Conseil de sécurité s'engage résolument en
contrôlant, sur place, le cessez-le-feu et les retraits. La France est prête à apporter son concours au
succès de cette opération nécessaire et urgente.

En accompagnement de l'action du Conseil, la convocation par l'ONU et l'OUA de la Conférence des


Grands Lacs, depuis longtemps demandée par la France, vous le savez, permettrait de définir et de
garantir les modalités d'une coexistence harmonieuse entre populations dans chaque Etat et d'une
coopération entre les pays pour assurer enfin le développement de l'une des régions les mieux
dotées du continent. La France présentera ce mois-ci au Conseil de Sécurité des suggestions
détaillées à ce sujet.

S'il n'est pas de développement sans paix, il n'est pas non plus -je le souligne- de développement
durable sans démocratie. Les derniers jours de l'année ont vu la démocratie à l'épreuve. La position
de la France, vous le savez, reste constante : elle condamne le recours à la force et appelle au
rétablissement d'un ordre constitutionnel respectueux des exigences démocratiques.

Il n'y a pas non plus de progrès possible en Afrique sans aide publique.

En deux ans seulement, l'Asie et l'Amérique latine ont renoué avec la croissance grâce aux réformes
engagées avec le concours du Fonds monétaire international. Ces réformes, il faut les poursuivre
jusqu'au bout, avec détermination, pour assurer une croissance solide et durable. Mais je veux ici
saluer la remarquable réussite de politiques courageuses. Les perspectives sont désormais favorables
dans le monde entier. Elles le seront aussi en Afrique si les efforts de bonne gouvernance conduits
dans une majorité de pays sont épaulés par l'aide publique indispensable pour développer les
infrastructures et les systèmes d'éducation et de santé.

La France a obtenu le maintien, au cours des cinq prochaines années, de l'aide que l'Union
européenne apporte aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. C'est un beau succès et qui
n'allait pas de soi. La France demande, au sein du G7, vous le savez, que les Etats dont la contribution
est nettement inférieure à la sienne, profitent d'une conjoncture budgétaire exceptionnelle pour
accomplir les efforts que la morale et l'équité commandent.

Il en va de même pour la dette des pays les plus pauvres. La France, qui sera la plus généreuse avec
40 milliards de francs d'annulation, lance un appel pour que les engagements pris à Cologne soient
strictement tenus par tous. Si tel était le cas, la France pourrait proposer que le prochain sommet, en
juillet à Okinawa, décide de porter à 100 % le taux d'annulation de la dette des pays les plus pauvres.

Une aide publique accrue ; une dette totalement effacée ; mais aussi un accès privilégié aux marchés
des pays industrialisés, comme l'Europe l'a offert à Seattle : voilà les trois propositions de la France
pour accompagner les efforts des pays les plus pauvres. Mises en oeuvre ensemble, ces trois
orientations leur permettraient de bénéficier enfin de la mondialisation des capitaux et des
technologies. Alors, unissons nos volontés, au nord et au sud, pour que le XXIe siècle soit celui d'une
prospérité partagée !

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

L'an dernier, devant vous, j'avais proposé que le sommet du millénaire, rassemblant tous les chefs
d'Etat et de gouvernement de la terre, en septembre prochain à New York, adopte sept principes
pour mieux maîtriser les mutations contemporaines et guider la société internationale au XXIe siècle.
Une société marquée par le progrès constant des droits de l'Homme et de la démocratie et
l'émergence d'une conscience universelle.

Je veux y revenir aujourd'hui, un mois après l'échec de Seattle, pour vous dire la conviction qui inspire
la politique de la France : nous devons progressivement bâtir ensemble, autour de ces sept principes,
une éthique de la solidarité. Elle seule permettra la gestion globale de nos interdépendances dans
l'intérêt de tous.

Dans un monde où tout se tient, l'égoïsme, le repli sur soi, le refus de l'autre conduisent à l'échec de
tous. Saisissons l'occasion unique du sommet des Nations Unies pour progresser vers une société
mondiale mieux organisée et mieux acceptée !

Sans éthique de la solidarité, nous ne surmonterons pas des catastrophes naturelles de l'ampleur de
celle qui endeuille aujourd'hui le Venezuela. Nous ne parviendrons pas à sortir de l'enlisement les
négociations sur la protection de notre environnement ni celles sur le désarmement, deux domaines
d'action dont dépend l'avenir même de l'humanité. Sans éthique de la solidarité, nous ne vaincrons
pas le sida et les autres maladies infectieuses. Nous ne vaincrons pas le crime organisé, la drogue et
le terrorisme.

Avec une éthique de la solidarité, nous pourrons enfin bâtir un système commercial mondial
équilibré, prenant en compte, au Sud, les exigences du développement et, au Nord, les attentes de
nos peuples. Pour le construire, nous devons aussi tirer quelques leçons de Seattle. Nous devons
renforcer l'OMC, réformer ses procédures, établir des liens de coopération organisée avec les autres
institutions internationales.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Une renaissance européenne, la paix, le développement, une éthique de la solidarité : voilà les
ambitions de la France pour le siècle qui naît.

C'est ce message que je vous demande de transmettre, avec mes voeux personnels les plus
chaleureux, à tous vos chefs d'Etat et de gouvernement, qui sont souvent, pour moi, des amis. A
l'intention de chacune et de chacun d'entre vous et de vos familles, à l'intention de tous vos peuples,
je forme les souhaits les plus sincères, les plus cordiaux de bonheur et de prospérité.

Bonne et heureuse année à tous ! Bonne et heureuse année à tous vos pays !

[J=Armées]

Madame, Messieurs,

Je remercie chaleureusement le général Kelche des voeux qu'il vient d'exprimer et auxquels je suis
très sensible.

Je vous demande, à mon tour, de transmettre, mon Général, aux militaires des armées, de la
gendarmerie et des services ainsi qu'au personnel civil de la défense, les voeux très sincères,
chaleureux que je forme pour eux-mêmes et pour leurs familles.

Que cette année 2000 apporte à chacun les joies et les satisfactions personnelles et professionnelles
auxquelles il aspire.

Mais, dans cette période de fêtes et de célébrations, nous devons une pensée particulière aux
familles de ceux qui ont donné leur vie pour que notre pays tienne son rang et une pensée pour tous
les militaires et gendarmes blessés en service commandé auxquels j'adresse mes voeux personnels
de sympathie et d'affection. La communauté nationale leur doit un soutien moral et matériel sans
faille.

Je tiens également à remercier, au nom de tous les Français, les milliers d'hommes et de femmes des
armées et de la gendarmerie qui se sont dévoués, vous l'avez évoqué, mon Général, avec coeur et
avec beaucoup d'efficacité au service de nos concitoyens victimes de la tempête et de la marée noire.

L'année 1999 a été, pour nos armées et, plus largement, pour l'avenir de la défense de notre pays,
vous l'avez souligné, une année charnière.

Comme vous l'avez relevé, mon Général, elle a été marquée par des opérations militaires d'une
ampleur inconnue depuis la Guerre du Golfe.

Notre importante contribution à la gestion des crises internationales du Kosovo, de la Bosnie, du


Timor oriental, a permis à la France de tenir son rang, là aussi, et de jouer un rôle conforme à son
Histoire, à ses valeurs et à ses intérêts.

La part prise par les armées à ces opérations de rétablissement du droit et de la paix témoigne des
progrès réalisés depuis le lancement du plan de modernisation de nos forces que j'ai décidé en 1996.

Au Kosovo, en particulier nous avons pu peser sur les décisions stratégiques grâce au volume, mais
aussi grâce à la qualité de notre contribution, à la campagne aérienne et navale et, par la suite, au
dispositif de rétablissement de la paix.

La révolte et l'indignation ressenties par l'immense majorité des Français ont trouvé dans le courage,
la compétence et la détermination de nos unités, leur meilleure expression.

Je vous demande, mon Général, de leur transmettre mes sentiments de gratitude et ceux de nos
concitoyens.

Je dois ajouter que cet engagement important de nos armées dans des opérations extérieures s'est
exercé dans un contexte difficile.

A mi-parcours de la réforme, alors que s'accélérait la transformation des structures et que s'esquissait
l'armée professionnelle, mobile et réactive dont j'ai voulu que la France soit dotée, vous avez dû
affronter l'urgence et les contraintes de la crise.

Ces engagements ont pesé et pèsent encore, je le sais, sur la restructuration de notre appareil de
défense, mais vous avez su les assumer avec une disponibilité, avec une efficacité auxquelles je tiens
à rendre hommage.

Cette année 99 est aussi celle qui a vu naître et s'affirmer la perspective d'une Europe de la défense.

C'est un événement majeur dont les conséquences, pour la sécurité de notre pays et pour la défense
de ses intérêts et de ses valeurs, seront considérables si nous savons conduire à son terme le
processus engagé à Quinze.

Je tiens, devant vous, à rappeler avec force que ce projet n'implique aucun abandon de souveraineté.
La France conserve sa capacité de décider et d'agir seule, dès lors que ses intérêts propres ou le
respect de ses engagements bilatéraux sont en cause. Par ailleurs, ce projet européen ne modifie en
rien notre position à l'égard de l'Alliance atlantique qui reste le cadre de notre défense collective.
Mais c'est un progrès essentiel, après des siècles de déchirements et de conflits, que les Européens
aient le pouvoir de peser sur leur destin, d'affronter ensemble les risques et les menaces affectant
leur sécurité commune, sans dépendre nécessairement de décisions prises ailleurs.

En ce sens, la dernière année de ce siècle de violences et de barbarie aura vu naître l'espoir d'une
paix consolidée sur notre continent.

De cette année charnière, des événements majeurs qui l'ont marquée, les armées doivent tirer les
enseignements et assumer les conséquences.

Dans les mois à venir, votre principal chantier sera celui de la préparation de la future loi de
programmation militaire.

Il importe, dans l'intérêt national, que les questions qui relèvent de la défense et de la sécurité de
notre pays soient traitées sereinement, en dehors de toute échéance politique.

Je souhaite donc que cette loi soit votée au printemps 2001 pour qu'elle soit mise en oeuvre sans
rupture à l'issue de la loi actuelle.

Si nous voulons atteindre le modèle d'armée moderne et efficace, adapté aux menaces et aux risques
de notre temps, dont j'ai défini les principes et l'organisation il y a de cela trois ans environ, nous
devons d'abord maintenir notre effort de défense.

Il serait, en effet, paradoxal que nous incitions, à Bruxelles, nos partenaires à accroître leurs
engagements financiers pour construire l'Europe de la défense, et que, dans le même temps, à Paris,
nous réduisions notre effort en multipliant les encoches budgétaires et les annulations de crédits.

On ne pourrait se satisfaire d'une évolution qui, si nous n'y prenions garde, nous éloignerait
progressivement des objectifs de la loi de programmation en cours.

J'ai donc demandé au Gouvernement et aux armées de prendre toutes les dispositions pour que les
difficultés techniques, qui empêchent aujourd'hui le ministère de la Défense d'exécuter le budget
d'équipement qui lui est alloué par la représentation nationale, soient résolues au plus vite, et je sais
que c'est l'intention et l'ambition du ministre de la Défense.

La construction de l'Europe de la défense qui ouvre à nos armées de nouvelles perspectives, aura, en
terme de structures et d'interopérabilité, des exigences qu'il faudra prendre en compte.

Par ailleurs, les enseignements du Kosovo, dont le bilan a été dressé sans complaisance par le
ministre de la Défense, témoignent de lacunes qui devront être comblées.

Enfin, l'impératif de la modernisation des équipements ne doit pas faire oublier l'importance de la
préparation des forces.

A cet égard, on doit s'interroger sur leur niveau réel d'entraînement, si on le compare à celui de
certaines armées occidentales. Et je pense, notamment, aux exercices, aux jours de mer, aux heures
de vol ou aux munitions consacrées à l'entraînement. En bref, à tout ce qui fait qu'une armée
professionnelle peut être engagée efficacement, sans risques pour elle-même et pour les populations
qu'elle protège.

Il en va de notre sécurité, mais aussi du rôle que les Français veulent que notre pays soit capable
d'assumer pour défendre, dans le monde, les valeurs républicaines auxquelles ils sont attachés.
Mais le plus urgent, me semble-t-il, aujourd'hui, est de prendre la mesure du poids des
restructurations et des engagements extérieurs sur la vie professionnelle et familiale de ceux qui en
assument la charge.

Des efforts considérables ont été exigés de chacun. Les dissolutions d'unités, les mutations
accélérées, l'avancement perturbé, les rotations rapides en missions extérieures, le redéploiement de
la gendarmerie, tous ces facteurs cumulés pèsent sur le moral et demandent une attention vigilante
de la part des responsables civils et militaires.

Il revient au Gouvernement et à vous, Messieurs les chefs d'Etat-Major et directeurs du ministère de


la Défense, de veiller au maintien et à l'amélioration des conditions de vie et de travail des hommes
et des femmes qui vivent ces bouleversements.

En tant que chef des armées, j'y suis et j'y resterai particulièrement attentif.

Je n'ignore pas que cette réforme doit s'accompagner d'un changement de culture, long et difficile à
acquérir. Mais je sais que les personnels de la défense ont la volonté et la capacité de la mener à
bien. Il est de votre responsabilité de répondre à leurs aspirations légitimes, sans faiblesse ni
démagogie, mais dans le respect des traditions humanistes et sociales qui sont celles de notre pays.

Mesdames et Messieurs, les réformes engagées depuis trois ans étaient indispensables. Les
événements survenus au cours de cette période ont largement validé les choix qui ont été faits.

Les craintes souvent exprimées sur le manque supposé de civisme de nos appelés et sur les difficultés
de recrutement de nos jeunes engagés se sont révélées infondées.

Le cap doit être maintenu. Mais vous avez le devoir, dans cette période difficile, de porter une
attention particulière à tous ceux, quels que soient leur grade ou leur situation, qui souffrent des
contraintes de la transition.

Le service des armes de la France, en l'an 2000, est d'abord celui de la paix et du droit international. Il
a ses exigences et ses grandeurs que les Français connaissent et respectent.

Les militaires, pour leur part, ne doivent pas oublier qu'ils sont responsables de la sécurité d'une
communauté vivante dont ils doivent partager les valeurs et la vie.

Différents par les risques acceptés et les contraintes propres à leur état, ils doivent être avant tout
des citoyens responsables, participant à la vie de leur commune ou de leur région, attentifs à leur
environnement civil.

C'est la condition nécessaire pour que s'établisse l'osmose indispensable entre l'armée
professionnelle et la nation.

Mais cette communauté de vie et de pensée, qui me paraît indispensable, appelle en contrepartie,
dans le respect des statuts et des règles militaires, une égalité de traitement avec les autres
catégories de citoyens que l'évolution des esprits rend aujourd'hui inévitable.

Je sais que le ministre de la Défense a engagé une importante réflexion sur ces sujets et je m'en
réjouis.

Cette année 2000 sera donc, mon Général, Madame, Messieurs, consacrée à la préparation de
l'avenir.
Nous espérons que l'état du monde et les exigences de notre sécurité permettront que nos forces
soient moins sollicitées pour des opérations extérieures qu'elles ne l'ont été au cours de ces derniers
mois.

Mais si tel n'était pas le cas et si les circonstances l'imposaient, les Français savent qu'ils peuvent
compter sur vous.

Pour ma part, et en vous renouvelant mes voeux les plus chaleureux et les plus sincères, je vous
exprime ma confiance et mon estime. Je vous remercie.

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