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I.

L'objet du droit constitutionnel


“Là où il y a société, il y a nécessairement du droit”
Le droit constitutionnel est une discipline juridique autonome depuis le XIXe siècle. À la suite
de la Révolution française puis en Europe sont apparus des textes appelés Constitution,
charte ou encore statut. Dès lors le droit constitutionnel entretient un lien très étroit avec les
événements politiques voire avec une certaine conception des rapports politiques. Ce
rapport entre le droit constitutionnel et les événements politiques ont contribué à bien des
égards à mettre en exergue (en évidence) à la fois la richesse de cette branche du droit
mais aussi ses limites.
En effet, le droit constitutionnel comporte une dimension aléatoire liée au fait que
les phénomènes du pouvoir sont rétifs à toute tentative d'enfermement dans des cadres
juridiques. Les rapports de force politique ont une influence prépondérante sur l'élaboration
des règles juridiques et surtout sur leurs sanctions. Cet endroit constitutionnel que ce dernier
élément (la sanction) qui est de l'essence même de la notion de règle de droit fait le plus
cruellement défaut.
Paradoxalement, le caractère aléatoire de la règle de droit constitutionnel est en
réalité un stimulant particulièrement bénéfique. Ceci explique que l'objet de cette discipline
soit pour l'heure largement indéterminé alors que ses méthodes sont largement éprouvées
(acquises).
Selon la conception dite formelle, le droit constitutionnel est tout simplement le droit
des constitutions càd la discipline qui étudie les dispositions contenues dans les textes
constitutionnels. Ces derniers peuvent aisément être identifiés car ils sont élaborés avec une
certaine solennité et peuvent faire l'objet de modifications.
Cette définition n'est toutefois pas satisfaisante car le droit constitutionnel se
détache de la notion de Constitution dans la mesure où un certain nombre de dispositions
juridiques essentielles pour le fonctionnement de l'Etat ne se trouve pas dans un texte
constitutionnel écrit. C'est le cas notamment de la Grande Bretagne qui ne dispose pas de
Constitution au sens juridique précis du terme. Ce qui ne signifie pas en revanche que ce
pays ne dispose pas de droit constitutionnel.
À l'inverse, la notion de droit constitutionnel est parfois plus restreinte que celle de
Constitution. En effet, il existe des hypothèses où pour des raisons politiques les auteurs
des constitutions y incluent des règles auxquelles ils veulent donner une valeur juridique
particulièrement élevée sans pour autant que ces règles aient un lien avec le
fonctionnement de l'Etat ou plus largement des pouvoirs publics. Selon la conception
matérielle, le droit constitutionnel se définit non pas à partir d'une catégorie de textes mais à
un groupe de matières. Autrement dit, vu sous cette angle, le droit constitutionnel comprend
l'ensemble des règles qui constituent (qui organise/institue) la société politique et son
expression juridique qui est l'État càd l'ensemble des règles qui organisent le statut et les
fonctions des gouvernants. Cette définition présente l’avantage d’être réaliste et facilement
compréhensible sans être un spécialiste. En revanche, elle a l’inconvénient d’être pour le
moins imprécise car il est difficile de dire où s’arrête le droit constitutionnel.
Le droit constitutionnel dans sa version matérielle a une dimension verticale et
présente l’inconvénient d’avoir un champ d’application démesurément extensible. S’il est
évident que l’Etat est constitué pour l’essentiel par les organes publics les plus élevés dans
la hiérarchie mais aussi les autorités administratives.
Dans un sens horizontal, le droit constitutionnel est alors conçu comme le droit des
organes de l’Etat. Dans ce cas de figure, le risque est que le droit constitutionnel soit abordé
de manière assez stricte et ne pas permettre par exemple d’aborder les partis politiques qui
constituent pourtant un élément fondamental du jeu politique sans qu’ils aient le statut
d’organe de l’Etat.
Pour qu’une définition du droit constitutionnel soit à la fois cohérente sur un plan
théorique et fonctionnel mais aussi didactique, il n’est pas interdit de l’envisager comme un
corps de règles mais aussi comme un ensemble de techniques. S’agissant du corps de
règle, il est possible de définir le droit constitutionnel en se référant à un passé majeur à
savoir le principe de la séparation des pouvoirs qui, à bien des égards, constitue le
fondement de ce droit puisque la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789
nous enseigne que : “Tout Etat où la séparation des pouvoirs n’est pas assurée […] n’a
pas point de Constitution” ⇨ ENJEU = ENCADRER LE POUVOIR POLITIQUE
Il est bien certain que tous les régimes politiques qui ne sont pas assimilés à des
dictatures ont divisé l’Etat en plusieurs pouvoirs. Aussi le droit constitutionnel peut alors être
défini comme le droit des pouvoirs publics de leur statut et de leur rapport. Cependant, le
droit constitutionnel n’est le droit que des pouvoirs publics en tant que tel, ce qui exclut
l’étude des organes publics qui ne sont que de simples services. Dans ce cas de figure, ces
services appelés “services publics” relèvent d’une autre matière en l'occurrence le droit
administratif. S’agissant des questions techniques, le droit constitutionnel peut alors être
défini comme l’étude des techniques permettant à un groupe de s’organiser et de se
gouverner d’où l’étude des procédures d’élection, des rapports entre les électeurs et les
élus, de la structure et du fonctionnement des organes élus. Dans cette perspective, le droit
constitutionnel permet d’étudier les partis politiques et les groupes de pression et cela à un
double titre. En premier lieu, ils influent sur le fonctionnement des techniques
constitutionnelles à l’intérieur du groupe étatique. En second lieu, ils constituent eux-mêmes
des groupes qui utilisent cette technique. Cette approche du droit constitutionnel permet
parallèlement de mesurer la valeur pratique ou opérationnelle du droit constitutionnel dont la
vocation est d’appréhender tous les phénomènes de pouvoir à l’intérieur de tous les groupes
sociaux.

● Les méthodes du droit constitutionnel


Le droit constitutionnel est sans doute l’une des disciplines juridiques à être passée de la
méthode exégétique à la méthode dialectique. Bien qu’encore marqué par une vieille
querelle entre méthodes positives et méthodes normatives.

➢ Le passage de la méthode exégétique à la méthode dialectique


Il y a deux façons d’enseigner et d’étudier le droit.
La première consiste à appréhender les textes et les règles comme des valeurs en soi, à les
disséquer, à en faire l'exégèse (=interpréter le texte pour en dégager le sens).
La seconde façon d’étudier le droit envisage la règle juridique comme un élément du
contexte social où elle est insérée, dont elle est le produit voire le moteur et il serait vain à
ce titre de l’isoler.

➢ La divergence entre méthode positive et méthode normative


La méthode positive consiste à étudier les règles de droit telles qu'elles sont sans les juger.
La méthode normative consiste à aborder cette étude par rapport à un certain nombre de
principes posés comme un impératif et à valoriser ou à critiquer les règles de droit positif
selon qu’elles soient ou non conformes à ses principes.

II. La constitutionnalisation du droit


Selon le doyen Louis Favoreux : “Le constitutionnel est en train de colorer progressivement
l’ensemble des branches du droit”. La constitutionnalisation des branches du droit est un
phénomène relativement récent qui s’est développé notamment à propos des droits
fondamentaux. Elle tend à considérer que les différentes branches du droit, qu'elles soient
privées ou publiques, ne peuvent plus être abordées sans la perspective du droit
constitutionnel. La constitutionnalisation du droit est le processus qui par le moyen du
principe de constitutionnalité concourt à assurer l’unité du droit ou de l’ordre juridique en
donnant un socle commun à l’ensemble des branches du droit. Le fait que la constitution soit
envisagée comme une norme juridique suprême dans un ordre juridique donné a pour
conséquence que les sources constitutionnelles irradient l’ensemble de l’ordre juridique. Il
est d’usage de distinguer deux formes de constitutionnalisation :
- La constitutionnalisation directe qui est une constitutionnalisation des sources du droit.
C’est un processus visant à élever certaines règles de droit en leur attribuant une valeur
juridique supérieure même si elles n’ont pas reçu de consécration constitutionnelle.
- La constitutionnalisation indirecte qui intervient lorsque l’interprétation de la constitution
retenue par le juge constitutionnel va avoir un effet sur l’ordre juridique et surtout influencer
les interprétations retenues par les juridictions ordinaires.
Par exemple, le droit fondamental à la vie ou à la dignité de la personne humaine sont en
principe absents du bloc de constitutionnalité. Pourtant par une interprétation extensive de la
première phrase du préambule de 1946 le conseil constitutionnel a reconnu l’existence du
principe de dignité de la personne humaine dans une décision du 27 juillet 1994 à propos
des lois relatives à la bioéthique.

Les concepts fondamentaux du droit constitutionnel

Chapitre I - L’Etat
Le cadre dans lequel peut s’épanouir, se développer le droit constitutionnel est l’Etat. L’Etat
est une institution millénaire puisque les premiers États occidentaux dits modernes
apparaissent vers le XIe siècle et singulièrement en France pour se consolider au XVIe
siècle. L’implantation du mot a pris des voix diverses suivant les pays. En France, il demeure
largement inconnu au XVIe siècle car c’est le mot respublica. C’est ce dernier terme que le
juriste Jean Bodin utilise dans son ouvrage majeur et considéré comme le premier traité sur
l’Etat : Les six livres de la République (1576). L’Etat est une notion proprement politique. Elle
désigne l’autorité la plus haute pour gérer le vivre ensemble. Il surplombe la société voire la
notion à laquelle il impose son arbitrage lorsque des conflits apparaissent entre les intérêts
privés. A ce titre, il détient la force policière et militaire. Du reste l’Etat peut se définir, pour
reprendre l’expression de Max Weber, comme le détenteur du “monopole de la violence
légitime”.

Section I - L’État et le pouvoir politique

1. Les différentes théories de l’Etat


Pour certains auteurs, l’Etat serait l’aboutissement d’un phénomène naturel qui s’imposerait
aux hommes. Avant l’apparition du concept d’Etat, l’organisation de la société se met
progressivement en place sous l’autorité de chefs ou d’une oligarchie et les premiers
groupements humains vont revêtir des formes relativement primitives. On passera alors de
la famille au clan ou la tribu puis au village et à la cité. Les premières préfigurations de l’Etat
moderne sont les minuscules cités états de la Grèce antique entre le VIe et le IV avant JC
qui ont permis à Platon et à Aristote de théoriser la cité idéale. Un pas est franchi en
changeant d’échelle avec l’empire romain. C’est la thèse défendue par trois philosophes que
sont Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau qui remettent en cause la
doctrine des auteurs chrétiens tels que saint Paul qui considéraient que le pouvoir politique
avait été créé par Dieu pour satisfaire ses desseins pour l’être humain. Si l’Eglise s’était
montré favorable à la monarchie, force est de constater que la majorité des théologiens sont
restés fidèles aux positions beaucoup plus souples de saint Augustin au Ve siècle et
consacrés au XIIIe siècle par Saint Thomas d’Aquin qui considéraient que si le pouvoir vient
de Dieu, celui-ci laisse néanmoins le soin aux hommes d’en aménager l’exercice et ne leur
impose aucune forme particulière de gouvernement. Cette idée est rejetée par les trois
philosophes précités. Elle apparaît au XVIe siècle et se déploie au XVIIIe siècle. La thèse
du contrat social fait de l’Etat un phénomène volontaire et s’est construite autour des
théories du contrat social. Conséquemment, l'État aurait pour origine un contrat conclu entre
les hommes lors du passage de l'État de nature où la vie n’est réglée par aucune loi à la
société civile soumise à un minimum de règles. Cette idée est d’abord développée par
Hobbes dans son célèbre ouvrage Le Léviathan en 1651. Elle est reprise par John Locke
dans ses deux traités sur le gouvernement civil publiés en 1690. Contrairement à Hobbes
qui considérait que le contrat social avait pour objet d’éviter l’anarchie caractérisant l'État
de nature, John Locke pense que l'État de nature est relativement pacifique. Cependant,
afin de garantir leur bonheur, chaque individu a passé un contrat avec le futur monarque à
charge pour celui-ci de pourvoir au bien public en protégeant la liberté et la propriété.
S’agissant de Rousseau, il affirme dans son ouvrage Du contrat social en 1762 que dans
l'État de nature, les hommes sont heureux et libres mais la civilisation a introduit
l’inégalité et l’esclavage. Pour recouvrer leur liberté, ils se sont résolus à conclure un pacte
par lequel ils s’engagent à obéir, à se conformer à l’intérêt général. Se faisant, l’Homme ne
perd pas sa liberté, celle-ci change simplement de nature car en obéissant à la loi, il ne
fait qu’obéir à la volonté générale à laquelle il participe lui-même. Cette volonté générale est
incarnée par la loi d’où cette fameuse expression selon laquelle la loi est l’expression de
la volonté générale. Tous les citoyens ont, de ce fait, un droit égal à participer au vote de la
loi. Si cette thèse ne repose pas sur des réalités historiques avérés, cela fait du contrat
social une simple hypothèse pour appuyer des démonstrations. Cependant, cette thèse a
permis à ces différents auteurs de fonder le pouvoir politique. Par conséquent, l’Etat, sur
le libre accord des individus.

L'Etat n’a pas toujours existé. Il est le résultat d’un processus historique.
L'institutionnalisation de l’Etat est le résultat de plusieurs phénomènes. Il est l’aboutissement
d’un processus lent de formation à la fin de la féodalité au XVIe siècle. Il serait consécutif à
des transformations sociales, économiques et politiques. Progressivement, l’Etat va
monopoliser toutes les ressources et se doter d’un appareil administratif spécialisé et
permanent. Ceci caractérise l'État moderne car, si du temps de la monarchie la personne
du roi se confondait avec l’Etat, l’émergence d’un appareil administratif spécialisé met fin à
cette conception puisqu’une distinction va s’opérer entre la fonction et son titulaire.
Dans la société politique moderne, le pouvoir n’est plus un objet de propriété. Entre les
gouvernants et les gouvernés s’intercale une institution à savoir l’Etat. En définitive, il
apparaît que ces différentes thèses sur l’origine de l’Etat se complètent. En effet, il n’est pas
inenvisageable de dire que la nécessité de s’organiser s’est imposé naturellement aux
hommes et que parallèlement il semble difficile de concevoir l’organisation de la société
sans un minimum d’accord entre les hommes incarnée par l’idée du contrat social mais il est
tout aussi avéré que l’Etat n’a pas toujours existé et que son institutionnalisation résulte d’un
processus historique.

2. Les caractéristiques de l'État moderne


L’Etat moderne se caractérise aujourd’hui à raison de ses conditions d’existence et de ses
caractères juridiques.

I. Les conditions d’existence de l’Etat


Trois conditions sont nécessaires à l’existence de l’Etat.

A. Un territoire
Celui-ci est pluridimensionnel car il est à la fois terrestre, maritime et aérien. Le territoire est
l’espace où s’exerce l’autorité et les compétences de l’Etat. Il est question alors de principe
de territorialité. Il n’y a pas d’Etat sans territoire et un Etat qui perd son territoire n’est plus
un Etat. Toutefois, il ne se confond pas totalement avec un territoire car même en cas
d’amputation, l’Etat demeure tout de même dès lors qu’il conserve une assise territoriale. Le
lien entre le territoire et l’Etat est si ténu que l’on considère généralement qu’il est un
élément objectif essentiel à la définition de l’Etat, ce qui pose nécessairement la question
des frontières. Ces dernières peuvent être naturelles comme c’est le cas du Río Grande
qui sépare les Etats-Unis du Mexique ou encore du Rhin qui sépare la France de
l’Allemagne. Dans d’autres cas, les frontières sont artificielles comme les lignes droites
courbes ou géométriques comme l’illustre, le 38e parallèle qui sépare la Corée du Nord de
la Corée du Sud. Les frontières sont terrestres et comprennent le sol et sous-sol mais elles
sont aussi maritimes et s’étendent au-delà des 12 000 nautiques prévus pour la mer
territoriale. A partir de la ligne de base jusqu’à la limite des 200 000 miles constituant la zone
dite économique où s’exerce en particulier le droit de protection et d’exploitation des
ressources naturelles. Au-delà, c’est la haute mer accessible à tous les Etats et
assimilée à un patrimoine commun de l’humanité. Enfin, le territoire peut présenter
certaines particularités qui ne remettent pas fondamentalement en cause l’existence d’un
État. Il peut être constitué de plusieurs entités, être fractionné comme l’est la France avec
ses territoires situé outre-mer ou encore les Etats-Unis d’Amérique avec l’Alaska et les îles
Hawaï.

B. Une population
La population assujettie au droit de l’Etat est composée de l’ensemble des personnes vivant
sur son territoire autrement dit l’ensemble des nationaux et des étrangers. Les nationaux
ont la nationalité de l’Etat et jouissent de droits attachés à cette qualité comme le droit de
vote. Il est parfois tentant d'identifier l'État à partir de la nation. La question se pose alors de
savoir qu’est ce qu’une nation. Selon une première conception, la définition de la nation peut
être établie à partir d’éléments dits objectifs comme la race, la langue, la religion, une
culture, une mémoire et une histoire communes. Une seconde conception met l’accent sur la
composante volontariste de la nation qui trouverait son origine dans la volonté des individus
de s’associer pour un destin collectif commun. Cette conception est notamment défendue
par Ernest Renan dans son fameux texte Qu'est-ce qu'une nation ? incarné par cette phrase
selon laquelle la nation est un “vouloir vivre collectif”. La nation dépasse en tout cas le destin
personnel de ce qui la compose et pour reprendre la phrase de l’écrivain André Malraux
c’est une “communauté de rêve”.
L’idée de nation est sujette à débats pour deux raisons majeures : la nation est souvent
associée au nationalisme notamment quand celui-ci est de nature belliqueuse car le
nationalisme est une idéologie politique qui entend faire de la nation le lieu privilégié de
l’expression collective. L’État-nation est contesté voir miné de l’intérieur par l’affirmation de
particularismes régionaux, linguistiques, religieux voire ethniques. La nation est par ailleurs
mise à mal par la mondialisation, surtout dans les domaines économiques et financiers.

C. Un pouvoir politique organisé


Un territoire où vit une population ne suffit pas à créer un Etat. La reconnaissance est aussi
soumise à l’existence d’une puissance, d’un pouvoir de contrainte qui s’exerce sur ce
territoire. Les conditions cumulatives sont donc le territoire, la nation et le pouvoir
politique. Le pouvoir de contrainte de l’Etat est le pouvoir de fixer des règles, des
normes, et d’en déposer le respect. Mais l’Etat n’a pas le monopole de fixer des règles
puisque les particuliers peuvent s’engager par contrat de même que les collectivités
territoriales (communes, départements, régions). Cependant, les personnes privées et les
collectivités territoriales sont assujetties au droit de l'État. Ce qui caractérise l'État est le
monopole de l’usage de la force. Le sociologue Max Weber a dit que l’Etat dispose du
monopole de la contrainte physique légitime. Pour exécuter les décisions qu’il a prises, l’Etat
dispose d’un appareil administratif et au besoin de la force publique (Police,
Gendarmerie, Force Armée). Enfin, la légitimité du pouvoir repose sur le consentement des
gouvernés qui estiment sa détention et son exercice par les autorités étatiques justifiées; ce
qui caractérise la démocratie.

II. Les caractères juridiques de l’Etat

A. L’Etat, une personne morale de droit public


L’Etat est une personne juridique : elle dispose de l’aptitude à être titulaire de droits et
d’obligations. Par opposition aux personnes physiques, l'État est une personne morale càd
un être fictif qui n’a ni une consistance physique ni une consistance charnelle. L’attribution
de la personnalité morale permet de donner une capacité et une existence juridique à l’Etat
et d’en faire un sujet de droit. Titulaire de droits, l’Etat peut ainsi détenir un patrimoine
avec les biens domaniaux (biens du domaine public et du domaine privé). Il peut aussi
passer des conventions, contracter des dettes, être assujetti à des obligations et voir sa
responsabilité engagée. L’Etat n’est pas la seule personne morale à disposer de cette
qualité, il la partage avec d’autres institutions du droit public comme les collectivités
territoriales et les institutions de droit privé mais ces personnes juridiques sont soumises
aux lois de l'État. La personnalité morale de l’Etat emporte des conséquences sur certains
aspects de son statut ➡ la personnalité de l’Etat ne se confond pas avec ses dirigeants qui
sont certes titulaires de leurs fonctions mais n’en sont pas propriétaires. Les décisions des
autorités étatiques sont prises au nom de l’Etat et non en leur nom personnel. Le
patrimoine de l’Etat est distinct de celui des gouvernants. L’Etat dispose des prérogatives
de puissance publique càd qui déroge au droit commun que constituent les règles
normalement applicables en droit privé (exemple : l’expropriation en droit des biens).
B. La souveraineté de l’Etat
Dire que l’Etat est souverain, cela signifie qu’il détient le pouvoir suprême dans le territoire
où il exerce son autorité. Il n’est subordonné à aucun autre pouvoir. On dit que “l’Etat a la
compétence de la compétence”. La souveraineté traduit la suprématie du rôle de l’autorité
étatique. Selon l’article 3 de la Constitution de 1958 : “La souveraineté nationale appartient
au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum”. Par conséquent,
l’Etat ne s’identifie jamais complètement à la souveraineté. Il a pour mission de mettre en
œuvre la volonté du peuple souverain. Il est l’instrument de la réalisation de la volonté du
souverain, du projet de société voulu par ce dernier et contenu dans la Constitution. C’est ce
qui légitime le degré de puissance dont jouit l’Etat. On distingue de manière pratique la
souveraineté interne qui s’exerce sur le territoire et la souveraineté externe qui signifie
l’indépendance des puissances étrangères.

Section II - L’organisation du pouvoir dans l’Etat


L’Etat repose sur le principe de la séparation des pouvoirs. Ce principe naît véritablement
dans l’histoire constitutionnelle de l'Angleterre avec John Locke qui distingue le pouvoir
législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédératif (diplomatie). En 1748, Montesquieu
va plus loin en évoquant l’existence d’un pouvoir judiciaire dont la fonction est de juger les
crimes et délits.

I. La séparation horizontale des pouvoirs

A. La nature des pouvoirs


Il est d’usage de considérer qu’il existe trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir
exécutif et le pouvoir judiciaire ou juridictionnel.

1. Le pouvoir législatif
Il a pour objet de poser des règles de portée générale et impersonnelle càd des lois et ils
relèvent du Parlement. Dans le système juridique français, la loi vient après la Constitution
qui est considérée comme étant la norme supérieure. Seul le législateur peut la modifier ou
l’abroger. A la suite de Rousseau, la loi est considérée comme l’expression de la volonté
générale sous réserve, et ceci particulièrement en France, qu’elle soit conforme à la
Constitution suite à l’instauration en 1958 du contrôle de constitutionnalité des lois. Il
convient de noter que le peuple peut aussi adopter une loi par la voie du référendum. En
conclusion, on peut formellement définir la loi comme une décision prise par le Parlement ou
le peuple selon une procédure prévue par la Constitution.

2. Le pouvoir exécutif
Le pouvoir exécutif est chargé de l'exécution des lois. Initialement, le pouvoir exécutif était
incarné par le monarque. Il s’est progressivement transformé et est passé du monarque au
gouvernement qui dispose du pouvoir réglementaire et a vu ses pouvoirs s’élargir de
manière considérable. Il a autorité sur l’administration et dispose de la force armée pour
mettre en œuvre sa politique. Les gouvernements modernes ne sont pas de simples
exécutants des volontés des parlements car l’observation témoigne d’une tendance
marquée par la primauté du gouvernement sur le Parlement.

3. Le pouvoir judiciaire ou juridictionnel


Il a pour rôle de veiller au respect des lois. Le juge est considéré comme la bouche de la loi
au sens où son rôle n’est pas de créer du droit mais de dire le droit à l’occasion des litiges
qui lui sont soumis à bien des égards et au même titre que l'exécutif. Il est lui aussi chargé
de l'exécution des lois. Ce pouvoir porte le titre de pouvoir judiciaire mais l'appellation de
pouvoir juridictionnel apparaît plus approprié singulièrement dans le cas de la France où la
fonction de juger est divisée en deux ordres de juridiction que sont :
- La juridiction judiciaire qui juge les affaires entre particuliers et exceptionnellement
entre les particuliers et l’administration
- La juridiction administrative qui est compétente pour juger les affaires entre
l’administration et les administrés et entre les administrations

B. L’aménagement des pouvoirs


Incontestablement, le principe de séparation des pouvoirs continue à influencer les esprits et
la conception de l’organisation des pouvoirs. Il convient toutefois de faire deux observations.
Au XXIe siècle, la division est peut-être moins entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif
qu’entre les fonctions directrices de la politique nationale relevant désormais du
gouvernement et les fonctions délibérantes et de contrôles exercées par les assemblées
parlementaires. En outre, le principe de séparation des pouvoirs ne fait pas l’objet d’une
application identique dans tous les Etats. Il est convenu de distinguer les régimes de
séparation souple des pouvoirs comme les régimes parlementaires où il y a une
collaboration entre les pouvoirs législatifs et exécutifs et les régimes de séparation stricte
des pouvoirs qui se caractérisent par une indépendance entre les pouvoirs. C’est le cas du
régime présidentiel incarné par les Etats-Unis d’Amérique.

II. La séparation verticale des pouvoirs

A. L’Etat unitaire

1. Définition de l’Etat unitaire


C’est l'État dans lequel existe un seul centre de pouvoir càd l’unité du pouvoir de décision. Il
en résulte que tous les habitants sont soumis à une même et unique organisation juridique
et politique. Par conséquent, les citoyens sont soumis à un pouvoir politique unique avec
une seule constitution mais aussi un seul pouvoir législatif, un seul pouvoir exécutif qui ont
pleine compétence à l’égard de l’ensemble de la collectivité nationale. L’Etat unitaire connaît
également une seule justice au sens où il y a une seule organisation juridictionnelle. En
somme, l’appareil d’Etat est unique dans l’Etat unitaire. C’est la forme d’organisation
étatique la plus répandue. Néanmoins, le caractère unitaire d’un Etat n’exclut pas des
divisions territoriales. Ces divisions territoriales sont avant tout historiquement des
circonscriptions administratives de l’Etat administrées par des représentants de l’Etat
(préfet). Dans ce cas, on parle de déconcentration de l’Etat qui est un procédé par lequel on
transfère le pouvoir de décision à des agents locaux qui agissent au nom et pour le compte
de l’Etat. L’Etat unitaire peut aussi être décentralisé.

2. L’Etat unitaire décentralisé


La décentralisation est le transfert de compétence de l’Etat vers des personnes morales
distinctes (les collectivités territoriales) qui sont administrés par des autorités élus tout en
étant soumises à un contrôle de l’Etat. Ce contrôle a pris la forme depuis la loi du 2 mars
1982 relative aux libertés des communes des départements et des régions d’un contrôle dit
de légalité. La décentralisation telle qu’elle vient d’être définie est une décentralisation
territoriale dans la mesure où il s’agit de confier des attributions propres et des pouvoirs de
décision à des collectivités territoriales. La décentralisation territoriale doit être distinguée de
la décentralisation dite fonctionnelle ou encore par service qui consiste à confier des
attributions à des organismes autonomes singulièrement des établissements publics
chargés de gérer des activités d’intérêt général comme les universités.
Dès la fin du XIXe siècle, les constitutionnalistes allemands (Lebland et Jellinek) ainsi que
les français en la personne notamment de Louis Le Fur qui lui-même va inspirer les
réflexions d’Hauriou et Duguit. Ils vont formuler une distinction juridique claire entre deux
grandes formules d'État : les confédérations et la fédération.

B. L’Etat composé

1. La Confédération d’Etats
C’est un concept très ancien puisque cette question est évoquée depuis l’époque de la
Grande Grèce. Selon Louis Le Fur, la Confédération d’Etats n’est qu’une association d'États
souverains et ne possède pas elle-même la souveraineté ni par conséquent le caractère
d’Etat. Au XIXe siècle, Hans Kelsen confirme cette distinction en considérant la
Confédération d’Etats comme “une union d’Etat purement internationale à l’image de la
société des Nations”. Etymologiquement, la confédération vient du latin “cum” qui signifie
“avec” et “foedus” qui signifie “alliance”. En somme, une confédération désigne une
association, une alliance entre plusieurs Etats indépendants qui se regroupent sans
renoncer entièrement à leur souveraineté et à leur autonomie. Les Etats délèguent l’exercice
de certaines de leurs compétences à un pouvoir central constitué d’organismes
interétatiques dont presque toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité des Etats
membres. Le statut de Confédération d'États est établi sur la base d’un traité qui ne peut
être modifié qu’avec l’accord unanime de tous les signataires. A ce titre, la Confédération
d’Etats se distingue de la fédération où il y a partage de souveraineté entre les Etats fédérés
et l'État fédéral sur la base d’une Constitution. Les exemples de confédération sont assez
rares aujourd’hui. Ce fut le cas de la Suisse avant 1848. C’est aussi le cas des Etats-Unis
d'Amérique de 1777 à 1789. L’Union Européenne présente certaines caractéristiques d’une
confédération dans la mesure où l’Union Européenne regroupe aujourd’hui 27 Etats
souverains. La forme confédérale a souvent été défendue tout au long du processus de la
constitution des Etats-Unis d'Amérique. Toutefois il convient de relever que la confédération
a toujours été perçu comme un moment transitoire précédant la mise en place d’un Etat
fédéral européen inspiré du modèle américain. A titre d’illustration, l’Union européenne est
qualifiée par certains de fédération d'Etats-nations parallèlement on utilise aussi le terme
des Etats-Unis d’Europe. Valéry Giscard d'Estaing alors Président de la convention de
l’avenir pour l’Europe à l’occasion d’une déclaration au collège européen de Bruge prononcé
le 2 octobre 2002 s’est posé la question de savoir quelle serait l’avenir d’une union rénovée.
A cette question il répond ainsi : “Une union d’Etat européen coordonnant étroitement leur
politique et gérant sur le mode fédéral certaines compétences communes”.

2. L’Etat fédéral ou le fédéralisme


a. Définition de l'État fédéral
L'Etat est dit fédéral lorsqu’il est composé d’entités disposant d’une réelle autonomie
constitutionnel, législatif et juridictionnel. C’est un État composé ou superposé
constituant une association d’Etats fédérés prenant des appellations différentes : Etat fédéré
aux USA, canton en Suisse ou Länder en Allemagne. Le modèle par excellence du
fédéralisme demeure les USA.

b. Les principes organisateurs du fédéralisme


L’Etat fédéral est régi par deux principes : le principe d’autonomie et le principe de
participation. En vertu du principe d’autonomie, les Etats fédérés peuvent disposer de
compétences qui peuvent être constituantes, législatives, juridictionnelles et administratives.
Selon le principe de participation, les Etats fédérés participent au pouvoir central en
contribuant notamment à l’élaboration de la Constitution fédérale et à ses modifications, à la
procédure législative fédérale par le biais des deux chambres qui composent le Congrès
américain, une assemblée représentant la Nation dans son ensemble à savoir la chambre
des représentants et une assemblée composée des représentants des Etats fédérés en
l'occurrence le Sénat. Les Etats fédéraux sont moins nombreux que les Etats unitaires mais
plusieurs grands pays revêtent cette forme. La formation de l’Etat fédéral peut résulter soit
du regroupement de plusieurs Etats antérieurement indépendants soit de la transformation
d’un État antérieurement unitaire en un Etat composé (fédéralisme par dissociation). Ce
fédéralisme par dissociation est beaucoup plus rare que le précédent.

C. Les formes intermédiaires d’Etat


Ces formes intermédiaires d’Etat sont incarnées principalement par les Etats dit régionaux
ou encore autonomiques. Cette forme d’Etat se situe entre l’Etat unitaire et l’Etat fédéral. Ce
type d'État se caractérise par la reconnaissance d’une réelle autonomie politique aux entités
régionales et notamment de véritables pouvoirs normatifs autonomes. Cette organisation de
l’Etat correspond à la nécessité de tenir compte de certaines spécificités ethniques,
culturelles ou linguistiques. L'Etat régional se distingue de l’Etat fédéral dans la mesure où la
structure étatique reste unitaire. En revanche, l’Etat régional se distingue de l’Etat unitaire
classique car l’autonomie accordée aux régions va plus loin que la décentralisation. Les
régions disposent d’une compétence normative autonome et plus précisément d’un pouvoir
législatif régional.

Chapitre II - La Constitution
Le mot “constitution” a historiquement évoqué des textes que l’on considérait sacré et dont
on parlait avec déférence sans avoir une idée bien précise de leur contenu (instrumentum ≠
negotium). Ceci importait peu car il était admis que la Constitution de l’Etat ne se réduisait
pas à quelques articles jetés sur un papier. Cette idée apparaît aujourd’hui obsolète car à
notre époque la Constitution désigne non seulement un texte mais un texte qui a force de
loi dont les juges se sont emparés et qui est régulièrement opposé au législateur.
Essentiellement politique, la Constitution est devenue exclusivement juridique. Autrefois
ordre social ou de valeur, la Constitution désigne aujourd’hui une norme juridique ou
encore un ensemble de normes qualifié de fondamental et qui pour certains apparaît être la
garantie de la liberté voire la condition de la démocratie.

Section I - La notion de constitution


Ces règles ou lois constitutionnelles forment ce que l’on appelle la constitution matérielle
pouvant résulter d’une coutume ou d’une loi formelle écrite dénommée constitution écrite ou
encore constitution formelle. L’expression désigne alors un document qualifié de constitution
et dont la fonction consiste à stabiliser les normes appelées la constitution matérielle et qui
sont la base positive de l’ensemble de l’ordre juridique étatique.

1. La constitution matérielle
L’objet d’une constitution est double puisqu’il s’agit à la fois du statut du pouvoir mais aussi
celui des citoyens.

I. La constitution matérielle (constitution politique et constitution sociale)

A. Le statut du pouvoir ou la Constitution politique


Dans cette conception, la constitution permet de fonder la légitimité du pouvoir ainsi que de
l’organiser. Le pouvoir légitime est celui qui émane du souverain mais qui est néanmoins
limité.

1. La Constitution, expression du pouvoir


Historiquement parlant, en France la constitution est liée à l’idée selon laquelle la Nation,
assimilée au nouveau souverain, exprime sa volonté à travers cet acte qui devient ainsi
fondateur de l’Etat qui, littéralement, le constitue. C’est ainsi que la constitution de 1791
permet de fonder un nouvel ordre politique dans lequel le roi n’est plus qu’un élément, l’un
des représentants de la Nation. Cette idée de la constitution expression du souverain est
reprise aujourd’hui pour souligner que la constitution traduit la capacité pour un peuple de
s’auto organiser, d’être par conséquent indépendant. Selon le constitutionnaliste Olivier
Beaud, “la souveraineté nationale serait donc le droit d'autodétermination constitutionnelle”.

2. La Constitution, instrument de limitation du pouvoir


Selon Benjamin Constant, “tout ce qui tient à la liberté est constitutionnelle”. Ainsi se résume
le constitutionnalisme càd l’idéologie selon laquelle la constitution est LE moyen de
limiter le pouvoir et donc de garantir la liberté d'autonomie. C’est cette conception que
retiendra la DDHC dans son article 16 au terme duquel toute société dans laquelle la
garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de
constitution. Les constituants français ne se sont souciés que de la séparation des pouvoirs
et envisagé ces différentes manières d’être.

B. L’organisation et le fonctionnement du pouvoir

1. La dévolution du pouvoir
Dans les constitutions, il est toujours énoncé les grands principes de dévolution du pouvoir
et à un degré moindre les règles permettant leur mise en œuvre. Ainsi, la plupart des
constitutions rappelle le principe de la souveraineté nationale et souligne les conséquences
de ce choix. On est ainsi amenés à tracer les contours du pouvoir de suffrage reconnu au
peuple. Dans les constitutions modernes, c’est le suffrage universel qui prévaut. Mais une
grande partie des modalités de ce pouvoir de suffrage sont souvent établis en dehors de la
Constitution. C’est le cas notamment des élections présidentielles, législatives et
sénatoriales.

2. L’exercice du pouvoir
Le pouvoir est exercé par les différents organes mis en place par la Constitution à savoir les
organes législatifs, exécutifs ou encore judiciaires mais aussi d’autres organes comme le
conseil constitutionnel ou encore le Conseil économique social et environnemental dans la
Constitution de 1958. Elle en organise plus ou moins précisément la composition tel que le
nombre de députés ou de sénateurs voire le statut de ces derniers en évoquant les
questions d’incompatibilité ou encore d’immunité. Mais surtout la Constitution précise les
prérogatives de ces institutions càd leurs compétences et leurs pouvoirs ce qui permet de
préciser leurs relations mutuelles et par conséquent de déterminer le régime politique
(parlementaire ou présidentiel).

II. Le statut des citoyens ou la constitution sociale


Conçu au départ comme un instrument de limitation de pouvoir, la Constitution est devenue
chemin faisant un instrument d’organisation du pouvoir. C’est le cas notamment de la
France où les constituants se sont évertués à trouver la meilleure organisation des pouvoirs
en oubliant la finalité de celle-ci : la garantie des droits des citoyens.

A. Les droits garantis


Les différentes constitutions françaises ont rarement énoncé les droits des citoyens. Le plus
souvent, ce sont les préambules des constitutions qui ont rempli ce rôle. C’est encore le cas
aujourd’hui puisque le préambule de Constitution de 1958 renvoie à la DDHC ainsi qu’au
préambule de Constitution de 1946. Les droits reconnus par la DDHC sont avant tout des
droits individuels. En effet, ce sont les hommes et les citoyens qui sont les destinataires de
cet acte. C’est donc bien l’individu appréhendé dans ces dimensions civiles et politiques qui
se voit reconnaître des droits. Il s’agit de la liberté de l’égalité, de la propriété, de la sûreté et
de la résistance à l’oppression. S’agissant du préambule de Constitution de 1946, bien que
réaffirmant les droits de 1789 et en tenant compte des apports de la IIIe République. En
faisant allusion aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR)
sans énoncer explicitement ceci mais surtout ce préambule proclame : “[...] comme
particulièrement nécessaire à notre temps les principes politiques, économiques et sociaux”
comme le droit de se syndiquer, de faire grève, le droit au travail, etc. Ce sont des droits qui
ne s’exercent que collectivement et dans le cadre des rapports économiques et/ou sociaux.

B. La garantie des droits

1. La décision « Liberté d’association » (CC 71-44 DC 16 juill. 1971) ou la valeur


constitutionnelle du préambule
Initialement, tous ces droits n’étaient pas reconnus par la Constitution proprement dite et
n’avaient aucune valeur juridique en droit positif. C’est le conseil constitutionnel qui va leur
reconnaître une valeur constitutionnelle en ayant recours à la technique de constitutionnalité
par renvoi. Une loi soumettant les associations à l’agrément des juges est déférée au
Conseil constitutionnel par le président du Sénat. Cette loi sera déclarée par le Conseil
constitutionnel non conforme à la Constitution et plus précisement au préambule de la
Constitution de 1958. Pour se faire et pour la 1ere fois, le Conseil constitutionnel se réfère
aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et leur reconnaît ainsi la
même valeur que la Constitution, principe dont il fait seulement mention dans le préambule
de la Constitution de 1946.
2. Les décisions ultérieures ou la notion de constitution jurisprudentielle
Tous les éléments du préambule vont, par la suite, être invoqués par le Conseil
constitutionnel.
- La décision 81-139 DC du 11 février 1982 “Nationalisation II”
- La liberté de communication qui figure à l’article 11 de la déclaration (CC 84-181 DC
10 octobre 1984 “Entreprise de presse”)
- Le principe d’égalité des citoyens qui figure à l’article 1 de la déclaration (CC 73-51
DC 2 décembre 1973 “Taxation d’office”)
- L'interdiction de la détention arbitraire (CC 93-326 DC 11 août 1993 “Réforme du
code de procédure pénale”)
- Le principe de proportionnalité (CC 93-321 DC 20 janvier 1993 “Code la nationalité”)

Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République :


- La liberté de l’enseignement : CC 77-87 DC 23 novembre 1977
- Le respect des droits de la défense : CC 76-70 DC 2 décembre 1976 “Prévention des
accidents du travail”
- L’indépendance la justice administrative : CC 80-119 DC 22 juillet 1980 “Validation
d’actes administratifs”
- La compétence exclusif de la juridiction administrative pour l’annulation des actes de
la puissance publique
Les principes particulièrement nécessaires à notre temps :
- Le droit de grève : CC 79-105 DC 25 juillet 1979 “Grève à la radio et à la télévision”
- La liberté syndicale : CC 83-162 DC 19 juillet 1983 “Démocratisation du secteur
public”
- Le principe du non-recours à la force contre la liberté d’un peuple : CC 75-59 DC 30
décembre 1975 “Autodétermination des Comores”
- L’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïc : CC 77-87 DC 23 novembre
1977 “La liberté d’enseignement et de conscience”

À ces principes, le Conseil constitutionnel ajoutera par la suite :


- Des principes à valeur constitutionnelle (principe auquel le législateur ne saurait
porter atteinte) comme le principe de la protection de la santé et de la sécurité des
personnes (CC 80-177 DC 20 juillet 1980).
- Des principes généraux du droit de valeur constitutionnelle comme la continuité des
services publics (CC 79-105 DC 25 juillet 1979), la séparation des pouvoirs (CC
79-104 DC 23 mai 1979)
Les objectifs à valeur constitutionnelle comme la sauvegarde de l’ordre public (CC 82-142
DC 25 juillet 1982)

2. La Constitution formelle
La Constitution se définit aussi par sa forme. Elle est alors considérée comme un acte doté
d’une force juridique particulière car supérieure à celle de tous les autres actes juridiques.
C’est une manifestation en vue d’une volonté de produire des effets de droit. Il y a des actes
bilatéraux, unilatéraux… Ceci s’explique parce que la Constitution est une règle “énoncée
dans la forme constituante et par l’organe constituant et qui par suite ne peut être modifié
que par une opération de puissance constituante et au moyen d’une procédure spéciale de
révision” (Raymond Carré de Malberg). Ceci met en exergue le caractère original du pouvoir
constituant aussi bien originaire que dérivé.

I. Le pouvoir constituant originaire


Le propre du pouvoir constituant est de mettre en place les pouvoirs constitués. Le premier
est conséquemment à l’origine des seconds. Ceci ne peuvent agir que dans le cadre mis en
place par le pouvoir constituant alors que celui-ci est libre d’agir comme il l’entend. Deux
considérations sont alors posés : la question du titulaire du pouvoir constituant mais aussi
l’exercice du pouvoir constituant qui se distingue de ceux des pouvoirs constitués

A. Le titulaire du pouvoir constituant originaire


Le titulaire du pouvoir constituant est le souverain lui-même ou encore ses représentants.
Ceci est déjà symptomatique du caractère exceptionnel et solennel de l’auteur qui distingue
l’auteur du pouvoir constituant de l’auteur des pouvoirs constitués.

1. Les solutions de la démocratie représentative


a. Les assemblées autoproclamées (constituantes)
Deux scénarii sont envisageables en matière de droit constitutionnel.
En premier lieu, il y a le cas des assemblées autoproclamées. Ce fut le cas notamment de
l’assemblée nationale constituante de 1789 qui va élaborer la Constitution du 3 septembre
1791. Ce fut aussi le cas de l’assemblée constituante élue le 3 février 1871 qui adopte les
lois constitutionnelles de 1875 : “Constitution Grévy” et naissance de la IIIe République ➡
Loi d’habilitation du 3 septembre 1958 pour le général de Gaulle qui lui permet un droit
d’amendement (acolyte fidèle Michel Debré).

b. Les assemblées convoquées par un gouvernement provisoire


Il y a également les assemblées convoquées par un gouvernement provisoire comme
l’Assemblée constituante du 23 avril 1848 qui rédige la Constitution du 4 octobre 1848.

2. Les solutions de la démocratie semi-directe


a. Les projets d’assemblées soumis à l’approbation du peuple
Cela fut le cas de la Constitution du 24 Juin 1793 élaborée par la convention (Assemblée)
ratifiée par le peuple, “Constitution du V Fructidor An III” (22 Août 1795) qui devait mettre en
place le directoire. Extrait de l’article 7 de cette Constitution : “Ce qui n’est pas défendu par
la loi ne peut être empêché. – Nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.”
C’est la Constitution du 24 octobre 1946 qui a fondé la IVe République.

b. Les projets d’exécutifs soumis à l’approbation du peuple


La Constitution de 1958 a été rédigée conformément aux conceptions du général de Gaulle
qu'il a exprimées lors de son discours de Bayeux de juin 1946. Le 4 septembre 1958, le
projet définitif de Constitution est présenté aux Français par le général de Gaulle sur la place
de la République à Paris.

B. L’exercice du pouvoir constituant


1. L’absence de cadre procédural de principe
Qu’il s’agisse de l’élaboration par l’Assemblée constitutionnelle ou par le peuple, la
procédure n’est organisée par aucun texte. L’Assemblée est totalement libre de son temps
mais aussi de ses méthodes de travail et surtout du contenu du futur texte constitutionnel. Il
illustre ainsi une forme de toute puissance de ces assemblées ou de ses organes. Pour
remédier aux conséquences d’une telle situation sont apparus des textes
pré-constitutionnels visant à encadrer le pouvoir constituant.

2. L’existence exceptionnelle de textes pré-constitutionnels


Ce cas de figure a été utilisé pour l’élaboration de la Constitution de 1946 (IVe République).
En effet, la procédure d’élaboration était expressément écrite dans la loi constitutionnelle
du 2 novembre 1945, justement dénommée “petite constitution” puisqu’elle limitait les
pouvoirs de l’Assemblée constituante et mettait en place un gouvernement provisoire. Dans
un contexte différent, ce fut aussi le cas pour la procédure d’élaboration de la Ve République
qui avait été organisée par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 qui prévoyait
l’intervention du gouvernement comme le rédacteur du projet ➡ consultation de
certains organismes et la ratification populaire (28 septembre 1958). Cependant, la loi
constitutionnelle du 3 juin 1958 allait encore plus loin puisqu'elle fixait des conditions
de fond que devait respecter la future constitution.

II. Le pouvoir constituant dérivé


Réviser la Constitution, c’est aussi l’occasion de mettre en œuvre le pouvoir constituant
mais ce pouvoir constituant est dérivé de la Constitution. Compétence en droit : Habilitation
à édicter des actes juridiques. Il y a une inégalité des actes administratifs ➡ inégalités
externes et internes. Distingué du pouvoir originaire. Il se différencie aussi du pouvoir
législatif.

A. La distinction pouvoir constituant originaire/pouvoir constituant dérivé


1. Deux pouvoirs de même nature
Dans les deux cas, il s’agit du pouvoir constituant. Au sens où ils ont pour objet de créer des
normes de valeur constitutionnelles car à bien des égards réviser la Constitution
reviendrai à la réécrire. C’est du reste la position du Conseil constitutionnel qui a affirmé
que “le pouvoir constituant est souverain, il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de
compléter des dispositions de valeur constitutionnelle, dans la forme qu’il estime appropriée”
(CC 91-298 DC 24 juillet 1991). Ceci s’applique aux droits fondamentaux comme le droit
d’asile. Cette idée a eu du mal à s’attester par le risque de “gouvernement des juges”. Le
juge constitutionnel est impuissant face au pouvoir constitution. La Constitution est révisée
en 1993.

2. Néanmoins différents
a. Limites dans le temps
L’un est originaire et l’autre dérivé, càd qu’il est institué par la Constitution elle-même qui
peut donc introduire des limitations aux droits de révision.
Certaines constitutions interdisent la révision pendant un délai, ce fut le cas de la
Constitution de 1791 qui ne pouvait être révisée pendant les trois premières législatures (5
ans).
D’autres interdisent la révision dans certaines circonstances comme c’est le cas
actuellement de l’article 89-4 de la Constitution qui prévoit : “Qu’aucune procédure de
révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du
territoire”.
b. Limites quant à l’objet
Certaines révisions sont impossibles. Depuis 1884, “la forme Républicaine du gouvernement
ne peut faire l’objet d’une révision” selon l’article 89-5 de la Constitution.

B. La distinction pouvoir constituant dérivé/ pouvoir législatif

1. Des procédures plus difficile à mettre en œuvre que la procédure législative


L’article 89 de la Constitution actuelle prévoit une procédure de révision qui se divise en
trois phases :
- L’initiative du Président sur proposition du premier ministre ou des parlementaires
qui prend l’initiative de réviser la Constitution. S’agissant de la loi ordinaire, l’initiative
revient du premier ministre ou des parlementaires.
- L’adoption. La procédure d’adoption d’une loi constitutionnelle est assez classique
car le texte doit être adopté dans des termes identiques par l’Assemblée nationale et
le Sénat (Parlement). Relativement à la loi ordinaire, l’adoption se fait d’une manière
identique sauf si le gouvernement décide d’écarter le Sénat en vertu de l'article 45 de
la Constitution. Le projet de loi est déposé à l’Assemblée nationale et au Sénat
(domaines prioritaires, lois de finances à l’Assemblée nationale). Si il y a un
désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, on fait un appel en commission
mixte et paritaire.
- L’adoption définitive. Les lois constitutionnelles sont adoptées définitivement par le
peuple par voie de référendum (peu de lois constitutionnelles ont été votées) sauf si
le Président décide de recourir au Congrès càd une réunion entre l’Assemblée
national et le Sénat réunis à Versailles (jamais évident de trouver un accord encore
une fois) ➡ questions sociales (travail) et sociétales (droits, libertés et mœurs).

2. L’enjeu : la distinction constitution rigide/constitution souple


Lorsque la procédure de révision est plus difficile à mettre en œuvre que la procédure
législative, on dit que la constitution est rigide. A l’opposé, quand la procédure est simple,
on parle de constitution souple. Une constitution rigide garantit la supériorité de la
constitution : “Une loi a pu faire, une loi peut défaire”.

Section II - Le contrôle de constitutionnalité


Le contrôle de constitutionnalité permet de s’assurer de la conformité entre les actes
produits par les organes constitutionnels. Les décisions judiciaires sont structurées
selon le syllogisme. Ce mécanisme apparaît dans les droits nationaux européens au sortir
de la seconde guerre mondiale après que les dérives des législateurs aient mis à mal le
culte de la loi consacré depuis 1789. Le contrôle de constitutionnalité trouve son origine au
Ve siècle avant JC à Athènes. En effet, la graphè paranomôn (action public d’illégalité) est
une procédure qui consiste à contester la légalité d’un décret adopté par l’assemblée des
citoyens. La légalité s’apprécie à l’aune des nomoi, un ensemble de normes supérieures au
décret qui régit l’organisation de la cité et pose les fondements démocratiques. Tout citoyen
peut déclencher cette action après la promulgation d’un décret et en cas de succès obtenir
son abrogation par une déclaration d’illégalité prononcé par un tribunal populaire au terme
d’un débat démocratique. Il y a un lien très ténu entre l’idée que la Constitution écrite
est la norme nationale suprême et le contrôle de constitutionnalité. Celui-ci s’est
développé pour garantir la supériorité de la Constitution. Son institution ne s’est pas faite
sans réticence. Si aux Etats-Unis le contrôle a été instauré dans les années suivants la mise
en application de la Constitution de 1787, cet exemple est demeuré pendant longtemps
isolé. En effet, la plupart des démocraties ayant vu le jour après les révolutions des XVIIIe et
XIXe siècles ont bâti leurs institutions sous le dogme de la souveraineté parlementaire
comme l’illustre l’article 6 de la DDHC qui énonce que la loi est la volonté de
l’expression générale. Dès lors, il est apparu inconcevable que la loi puisse être contestée,
mise en échec par un organe quelconque qui, conséquemment se placerait au-dessus du
Parlement censé être l’émanation directe de la Nation souveraine. A cette objection de
principe s’ajoutait la difficulté pratique de définir le statut d’un tel organe : devrait-il être élu
ou bien composé de magistrats désignés en fonction de leurs compétences sans aucune
légitimité démocratique avec le risque qu’il s’oppose au nom d’un légalisme étroit, à des
réformes souhaitées par l’opinion public et votées par ses représentants ? Ces réticences
sont bien moindres aujourd’hui de sorte que la plupart des Etats se sont dotés chemin
faisant de cours constitutionnels.

1. L’objet du contrôle de constitutionnalité

I. L’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics


L’ensemble des litiges portant sur l’interprétation ou l’application de la Constitution est
habituellement désigné sous le nom de contentieux constitutionnel. On peut distinguer à
l’intérieur de celui-ci deux secteurs principaux : l’organisation et le fonctionnement des
pouvoirs publics. Tout Etat démocratique repose sur le suffrage universel dont il faut
garantir l’authenticité. Ceci explique que le contentieux constitutionnel est à connaître les
questions de découpage des circonscriptions électorales afin d’assurer que chacune des
voix pèse à peu près le même poids. Dans certains pays, dont la France, les cours
constitutionnels ont aussi à se prononcer sur la régularité du scrutin lui-même lorsque
l’élection d’un parlementaire ou encore du chef de l’Etat est contestée. Le partage des
compétences entre l’Etat et ses entités composantes ne posent guère de problèmes dans
les Etats unitaires où les pouvoirs des collectivités territoriales sont résiduels et résultent
de la loi plutôt que de la Constitution. Il est au contraire important dans les États très
décentralisés comme l’Espagne ou l’Italie et à fortiori dans les Etats fédéraux. Leur nature
même appelle l’institution du contrôle de constitutionnalité afin que ni les actes du pouvoir
central ni ceux des collectivités territoriales n’excèdent les limites du domaine qui leur est
réservé. Enfin, tous les Etats, quelle que soit leur situation interne, doivent déterminer avec
précision les domaines d’action respectifs de l'exécutif, du législatif et du judiciaire et
garantir les uns et les autres contre d’éventuels empiétements.

II. La protection des droits et libertés fondamentaux aussi bien individuels que collectifs
Quasiment toutes les constitutions, quelle que soit leur idéologie, proclame l’existence de
tels droits soit dans le corps même soit dans un document qui lui est annexé. C’est le cas en
France de la DDHC de 1789 et du préambule de 1946. Même s’il est exercé suivant des
modalités différentes, le contrôle du respect des droits fondamentaux est assuré par
toutes les cours et dans certains cas c’est leur mission la plus importante. Elles les
conduit à se prononcer sur des questions aussi diverses que la peine de mort, le droit de
grève, l’égalité entre époux, les limites qui peuvent être apportés au droit de propriété, à
l’IVG ou à la bioéthique càd des problèmes qui intéressent directement la vie des
citoyens. La jurisprudence constitutionnelle adapte régulièrement le contenu afin de tenir
compte de l’évolution des idées et de celles du contexte économique, ce qui l’oblige parfois
à une dialectique subtile notamment lorsque l’usage d’un droit par quelques-uns risquerait
d’en priver le plus grand nombre. C’est le cas notamment de la question de la liberté. En
France, en Italie et en Allemagne, il a été ainsi jugé que les médias ne devaient pas être
livrés au libre jeu des forces sociales et qu’il fallait donc limiter les concentrations pour
sauvegarder le pluralisme. Paradoxalement, le principe de la liberté de la presse peut donc
être interprété comme interdisant à certains propriétaires de journaux d’en acquérir de
nouveaux.
Les droits économiques et sociaux en revanche ne se prêtent pas toujours à des
constructions jurisprudentielles très poussées. Leur effectivité et leur opposabilité est loin
d'être avérée car pour la plupart, il ne s’agit pas de véritables droits subjectifs mais des
droits dits objectifs. Dans ce cas de figure, ce qui est exigé du législateur est qu’il prenne
toutes les mesures nécessaires pour garantir leur effectivité. On parle alors d’obligation
de moyen et non pas d’obligation de résultat. Les actes qui dans les différents domaines
précités peuvent être déférés aux cours constitutionnels sont plus ou moins nombreux mais
l’étendu du contentieux constitutionnel est plus vaste que la sphère de compétence
des cours. Les actes qui leur échappent relèvent le plus souvent d’autres juridictions.

Il y a deux exceptions au contrôle de constitutionnalité :


● La première, plus apparente que réelle, est celle des systèmes de contrôle
décentralisé de type américain où tout tribunal peut refuser l’application d’une loi
qu’il estime contraire à la Constitution sous le contrôle de la Cour suprême en cas
d’appel.
● La seconde, moins répandue, est celle de pays comme l’Allemagne qui distingue
entre les lois suivant la date de leur adoption. Si celle-ci est antérieure à la
Constitution, n’importe quel tribunal peut constater leur inconstitutionnalité. Dans le
cas contraire, seule la cour constitutionnelle est habilitée à le faire.
Le contrôle de constitutionnalité porte aussi sur les actes administratifs. Les règlements ou
les décisions individuelles font aussi l’objet du contrôle de constitutionnalité par les cours
constitutionnels comme en Autriche ou au Portugal. Afin d’éviter le risque de surcharge qui
pourrait en résulter, certains pays ont préféré ouvrir l’accès à la cour qu'après épuisement
des voies de recours devant les tribunaux compétents pour statuer en matière administratif,
c’est le cas de l’Allemagne et de l’Espagne. Pour la France et l’Italie l’appréciation de la
constitutionnalité des actes administratifs est opérée par les juridictions administratives. Du
reste bien avant la création du conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat français avait déjà
imposé à l’administration le respect des principes généraux du droit résultant notamment du
préambule de la Constitution.
- Le contrôle des décisions juridictionnelles
Même si cela peut sembler paradoxale car les juges ont pour mission de dire le droit, il n’en
demeure pas moins vrai qu’une décision judiciaire puisse être taxé d’inconstitutionnalité soit
à raison d’une fausse appréciation de la constitutionnalité d’une norme soit parce qu’elle a
été rendue selon une procédure qui ne respectait pas certaines garanties. Aux Etats-Unis,
tout tribunal peut être censuré pour ce motif par la juridiction supérieure et en dernier ressort
par la Cour suprême. En Europe continentale où la Cour constitutionnelle ne fait pas partie
de la hiérarchie des juridictions ordinaires. Cette question est plus complexe et est résolue
par des dispositions expresses. Ainsi, en Allemagne ou en Espagne, un jugement rendu en
dernier ressort peut être déféré à la cour. Dans le cas français et italien, cette possibilité est
exclue. Si le contrôle de constitutionnalité est d’essence juridique, càd l’objectif consiste à
confronter une norme juridique à la norme constitutionnelle en vue d’en vérifier sa
conformité ou non contrariété, sa dimension politique ne saurait être occultée.

2. Les enjeux du contrôle de constitutionnalité

I. L’Etat de droit
C’est un concept aux contours variés qui a été mis progressivement en œuvre en France.
Cette notion permet de préciser la place de l’Etat et du droit. De manière sommaire, l'Etat de
droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est
soumise au droit. D’origine allemande, elle a été revue par le juriste autrichien Hans Kelsen
comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de sorte que sa
puissance s’en trouve limitée. Selon VGE, il y a Etat de droit lorsque “chaque autorité de la
plus modeste à la plus haute s’exerce sur le contrôle du juge qui s’assure que cette autorité
respecte l’ensemble des règles de compétences et de fond auxquelles elle est tenue”. La
notion d’Etat de droit suppose que chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles
supérieures. Un tel système suppose par ailleurs l’égalité des sujets de droit devant les
normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes. Un Etat de droit s’oppose à
l’Etat de police où règne l’arbitraire, le bon plaisir du prince. Dans ce cas de figure, les règles
de droit ne sont que des instruments qui permettent d’agir efficacement.

II. L’Etat libéral ou l'État des libertés


Le respect du droit par les pouvoirs publics permet de faire respecter les libertés publiques
notamment par le respect des règles de procédure. En effet, les procédures limitent en les
encadrant les prérogatives des pouvoirs publics. Parallèlement, le respect du droit par les
pouvoirs publics signifie aussi le respect des règles de fond qui figurent notamment dans le
préambule de la constitution du 4 octobre 1958 où figure les libertés et les droits reconnus
au citoyen. En dépit de ces enjeux, le contrôle de constitutionnalité comporte un certain
nombre de risques et singulièrement un risque maximum qui est celui du “gouvernement des
juges” ➡ désigne la situation dans laquelle le juge constitutionnel profitant de son pouvoir
annule les lois pour faire prévaloir ses propres conceptions politiques. Ce risque peut être
observé notamment aux Etats-Unis. A ce risque maximum s’ajoute un risque minimum que
l’on peut observer en France et singulièrement sous la Ve République où le conseil
constitutionnel a été critiqué pour avoir annulé des lois qui sont l’expression de la volonté
générale. Ces reproches émanent de tous les bords politiques car le problème posé en
réalité est celui de la légitimité du juge constitutionnel. Non élu par le peuple, le juge peut
annuler une loi dès lors que la Constitution l’a prévu et que la Constitution s’impose à tous
singulièrement et au Conseil constitutionnel. Cet argument est fondé en droit à condition
toutefois que le Conseil constitutionnel ne devienne une troisième chambre parlementaire
dans ce processus de découverte de principe à valeur constitutionnelle.

Chapitre III - La démocratie


L’idée que la démocratie est le meilleur, le moins mauvais des régimes politiques comme l'a
supposé Winston Churchill. Elle symboliserait depuis la chute du mur de Berlin “la fin de
l’Histoire”. De fait, la démocratie serait devenue l’horizon universel et indépassable de
l’humanité au point que même les dictateurs les plus notoires font valoir leur participation à
l’aventure démocratique. Ce concept vieux de deux millénaires à fait et fait encore l’objet
d’appréciation controversée. “S’il y avait un peuple de Dieu, il se gouvernerait
démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes.” -
Rousseau. Ces controverses sont le signe que la démocratie ne relève pas de l’ordre des
choses mais que c’est un construit social donc politique. Ceci amène à s’interroger sur ce
qui caractérise la démocratie. En d’autres termes, à quel signe peut-on reconnaître une
démocratie ? Étymologiquement, le terme démocratie repose sur deux piliers : demos
(peuple) et kratie (pouvoir). Cette idée est parfaitement exprimée dans la fameuse définition
d’Abraham Lincoln selon laquelle la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple
et pour le peuple. Ceci signifie que la démocratie est un régime politique où le titulaire du
pouvoir est le peuple. Il est aussi le fondement du pouvoir et que l’assise du pouvoir se
trouve dans le peuple. La démocratie se distingue ainsi d’autres formes de gouvernement,
d’autres formes de pouvoir qui ont d’autres fondements comme la monocratie où le pouvoir
est exercé par une seule personne. L’oligarchie où le pouvoir est détenu par un groupe
d’individus comme une classe sociale (l’aristocratie) ou encore par les plus riches
(ploutocratie). A la différence de ces cas de figures énumérés, dans la démocratie, le
pouvoir n’appartient ni à un individu ni à un groupe d’individus mais au peuple.

Section I - Les caractéristiques de la démocratie


La théorie politique s’interroge depuis fort longtemps sur la nature du lien représentatif. Pour
répondre à cette question, il n’est pas inutile de se référer à la distinction bien établie entre
démocratie procédurale et démocratie substantielle, distinction posée par Alexis de
Tocqueville dans son livre de référence De la démocratie en Amérique.

1. La démocratie procédurale
Ce terme caractérise la forme particulière de démocratie qui s’était posée en l'occurrence la
démocratie représentative. Elle se définit d’abord par des caractéristiques principalement
par la reconnaissance du principe de la souveraineté nationale qui postule la participation du
peuple à l’exercice du pouvoir par la garantie des libertés de mouvement, d’expression et
d’information, par le recours à des élections régulières et concurrentielles. Afin de
départager les candidats aux fonctions électives ainsi que par le respect des règles d’un Etat
de droit. Les partisans de la démocratie procédurale cherchent à s’accorder sur une
définition minimale. Selon ces derniers, la démocratie est avant tout une méthode
comprenant un certain nombre de règles aptes à produire des décisions collectives sur la
base du consensus le plus large possible et requérant le minimum de violence pour être
appliquée. Elle est donc un moyen pacifiqieu de conflit. Cette vision est notamment celle de
Schumpeter pour qui “c’est une méthode institutionnelle aboutissant à des décisions
politiques dans laquelle des individus acquièrent le pouvoir de statuer sur ces décisions à
l’issue d’une lutte concurrentielle portant sur le vote du peuple”. En définitive, pour ce
dernier, la démocratie n’est qu’une simple méthode pour choisir et écarter des dirigeants.
Cette approche politique de la démocratie pose donc le problème de la nature même de ce
régime. La démocratie serait-elle qu’une notion purement procédurale permettant la simple
participation du peuple au système représentatif ? Dans ce cas, toutes les décisions
politiques adoptées au moyen de procédures démocratiques autrement dit qui répondent à
des conditions formelles minimales seraient légitimes du seul fait qu’elles ont été produites
pas de telles procédures. Le doute est d’autant permis car l’émergence de la démocratie
constitutionnelle fait une large place à la démocratie dite providentiel.
2. La démocratie substantielle
Selon cette conception, la démocratie est présente lorsque certaines normes ou droits sont
respectés. Elle renvoie à une vision politique de la démocratie en mettant l’accent sur les
valeurs cardinales de la démocratie sur le projet de société. C’est une théorie normative
axiologique de la démocratie. Dans cette perspective, la démocratie est un régime de liberté.
Le libéralisme politique est indissociable du pluralisme. Il implique un régime de liberté
favorisant non seulement la liberté de formation des parties et groupements politiques mais
consacrant d’une manière générale les libertés comme la liberté individuelle, la liberté de la
presse, la liberté de communication audiovisuelle. Un tel régime favorise l’expression de la
diversité des courants d’opinion et crée les conditions de l’alternance politique. Pour
certains, la démocratie moderne postule la nécessité de la reconnaissance et de la
protection des libertés collectives et individuelles. La reconnaissance institutionnelle des
libertés doit se traduire par la dimension constitutionnelle. L’institutionnalisation du contrôle
de constitutionnalité qui constitue un impératif démocratique des temps modernes ainsi
qu'une certaine effectivité des libertés dans la vie politique. Outre la liberté, la démocratie a
pour objet, pour ambition de favoriser le développement d’une “société de semblables” selon
l’expression d’Alexis de Tocqueville. Pour ce dernier, le développement graduel de l'égalité
est un fait providentiel. Il en a les principaux caractères : il est universel, il est durable, il
échappe chaque jour à la puissance humaine. “Tous les événements comme tous les
hommes ont servi à son développement”. Vu sous cet angle, la démocratie serait
providentiel pour reprendre une idée développée par Dominique Schnapper dans son
ouvrage La démocratie providentiel Essais sur l’égalité contemporaine. Elle caractérise la
situation croissante des Etats dans toutes les dimensions de la vie des individus au nom
d’abord de la protection sociale exprimée parfaitement par le concept d’Etat providence puis
de la nécessité de défendre les droits particuliers de certaines catégories, de répondre à des
exigences, à des attentes illimitées. L’égalité serait consubstantiel à l’idée de démocratie si
l’on en croit Aristote qui a pu dire : “La démocratie est née de cette idée que ceux qui sont
égaux sous un rapport quelconque sont égaux sous tous les rapports”.

Section II - Les formes de démocratie

1. La démocratie représentative
“Mandataire du peuple, je ferais ce que je crois le plus conforme à ses intérêts. Il m’a
envoyé pour exprimer mes idées, non les siennes. L’indépendance de mes opinions est le
premier devoir envers lui.” - Condorcet. La démocratie représentative repose sur l’idée que
la souveraineté, ne pouvant matériellement être exercée directement par la Nation, celle-ci
la confira à des représentants qui décideront en son nom. Ce système est initié par
Montesquieu dans son ouvrage L’esprit des lois (1548) et repris par Sieyès en 1789 et
consacré en France pour la première fois dans la Constitution de 1791. Mais à l’époque, on
est encore loin d’une véritable démocratie car le roi et le corps législatif élu au suffrage
censitaire sont les représentants de la Nation. C’est à partir du XVIIIe siècle que les
éléments du système représentatif seront mis en place. La démocratie représentative
repose sur la notion de mandat qui est une notion emprunté au droit romain connu du droit
civil français et qui est le titre par lequel la Nation confie à ses représentants le pouvoir de
décider en son nom. Le mandat est dit représentatif et les représentants agissent selon ce
qu’ils pensent être l’intérêt de la Nation mais pas en se conformant directement à la volonté
des électeurs. Il ne s’agit pas d’un mandat impératif. Le mandat est aussi collectif dans la
mesure où il est conféré par l’ensemble de la Nation. Dans la démocratie représentative, il y
a un risque de confiscation du pouvoir par les représentants. Carré de Malberg parlait à ce
propos de “parlementarisme absolu” et le doyen Georges Vedel a évoqué pour sa part l’idée
de régime ultra représentatif. Pour éviter cette dérive, il convient d’encadrer le pouvoir des
représentants par des règles et des principes contraignants. Il est aussi possible de
tempérer le caractère absolu de la démocratie représentative par des techniques de
démocratie dite directes.

2. La démocratie directe ou semi-directe


La démocratie directe est sans doute la forme la plus pure de la démocratie dans la mesure
où selon la théorie de la souveraineté populaire, chaque citoyen détient une parcelle de
souveraineté (tantienne) et peut donc l’exercer directement sans recourir à des
représentants. Mais cette forme de démocratie est un mythe. Rousseau qui la préconisait
dans son ouvrage Du contrat social jugeait lui-même qu’elle était inapplicable telle quelle. La
démocratie athénienne dans l'Antiquité ne permettait qu’à une minorité ayant la qualité de
citoyen de voter les lois sur l’agora de la Cité. La démocratie directe a toutefois inspiré pour
atténuer les effets de la démocratie représentative des techniques qui prennent
essentiellement la forme d’un référendum dans les démocraties contemporaines. L’article 3
de la Constitution du 4 octobre 1958 exemplifie cette tendance. En effet, il est énoncé audit
article : “La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants
et par la voie du référendum”. Les référendums sont des votations càd des délibérations
directes des citoyens qui permettent au peuple de décider lui-même. On distingue
généralement le référendum constitutionnel et le référendum législatif. Le premier porte sur
un objet constitutionnel et le recours à un tel mécanisme repose sur l’idée que la
Constitution, œuvre du souverain, ne peut être modifiée sans le consentement des citoyens.
Dans certains pays, le recours au référendum est obligatoire pour réviser la Constitution
(Autriche, Irlande, Australie, Espagne) alors que dans d’autres pays il n’est que facultatif
(Allemagne, Italie, France).
Le référendum législatif a un objet législatif au sens où il porte sur un domaine de la loi. Il
tend à permettre au peuple d’adopter directement une loi. Il est prévu en Suisse, en Italie, en
Autriche et en Espagne. Le plus souvent son champ d’application est limité. En France un
tel référendum peut être organisé sur le fondement de l’article 11 de la Constitution. On peut
aussi distinguer selon l'origine de l’initiative entre le référendum sous initiative des autorités
publiques et le référendum sur initiative populaire. Le Parlement peut être ainsi à l’origine
d’un référendum et en apprécier l’opportunité. C’est le cas dans les pays scandinaves
(Norvège, Suède) où ce référendum n’est que consultatif. Le pouvoir exécutif peut aussi
initier un référendum comme c’est le cas en Grèce à l'initiative du président de la
République. C’est aussi le cas dans certains pays d’Europe oriental comme la Pologne, la
Roumanie et la Russie. En France sur proposition du gouvernement ou sur proposition
conjointe des deux champs, le président de la république peut prendre l'initiative d'un
référendum législatif.
Le référendum d'initiative populaire peut être déclenché par un certain nombre de citoyens
et à cet égard on pourrait parler de référendum d'initiative minoritaire. Trois types de
référendum d'initiative populaire sont à distinguer :
- Le référendum d'initiative populaire suspensif destiné à empêcher l’application d’une
loi votée par le Parlement mais pas encore entrée en vigueur
- Le référendum d'initiative populaire abrogatif dirigée contre une loi promulguée afin
de l’abroger totalement ou partiellement
- Le référendum d'initiative populaire propositif où les citoyens sont à la fois à l’origine
du référendum et ont élaboré l’acte soumis au référendum. Ce type de référendum
est utilisé à l’échelon fédéral en Suisse et aux Etats-Unis d’Amérique à l’échelon
local. En France, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit qu'un
référendum législatif peut être organisé sous forme de proposition de loi à l'initiative
d’un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième des électeurs
inscrits sur les listes électorales

Section III Les modalités de la démocratie

1. Le droit de suffrage
Les principes d'organisation du droit de suffrage sont souvent consacrés par la Constitution
et c’est le cas en France. Les règles qui l’organisent doivent être suffisamment précises pour
éviter l’arbitraire dans leur application. S’agissant d’abord de l’électeur qui est la personne
disposant de la possibilité de choisir entre plusieurs candidats. Celui-ci dispose du droit de
vote qu’il peut choisir d’exercer ou ne pas exercer. Dans le cadre du suffrage restreint, le
droit de vote est limité à un petit nombre de personnes selon des critères qui permettent de
distinguer entre le suffrage censitaire et le suffrage capacitaire.
Dans le suffrage censitaire, c’est la fortune qui va déterminer l’attribution du droit de
vote et elle peut permettre d’attribuer la qualité d'électeur aux personnes qui s’acquittent
d’un certain montant d’impôt. Le suffrage censitaire a été introduit en France par la
Constitution de 1791 et mettait en exergue la distinction entre citoyens actifs titulaires du
droit de vote et citoyens passifs qui en étaient dépourvus. Ce système a été repris dans
d’autres constitutions par la suite puis abandonné définitivement en 1948. Un tel suffrage se
justifiait par l’utilité d’un lien entre la gestion des affaires publiques et le niveau de
contribution financière. Le citoyen plus fortuné était également supposé être plus éduqué à
la chose publique. Un lien était institué entre le droit de vote et la propriété.
Le suffrage capacitaire reposait sur l’acquisition d’un certain niveau d’instruction.
Chaque individu devait passer un examen destiné à juger de ses capacités intellectuelles et
de sa connaissance de la Constitution. C’est en réalité une technique qui a souvent abouti à
des discriminations sociales et raciales et utilisé pour empêcher les Noirs de voter dans
certains Etats du sud des Etats-Unis d’Amérique. En tout état de cause, quel que soit le
critère retenu, le suffrage restreint n’est pas compatible avec la démocratie.
Avec le suffrage universel en revanche tous les citoyens sont titulaires du droit
de vote. Il a été consacré en France par la Constitution de 1793 mais jamais appliqué sous
le consulat et le premier Empire puis définitivement retenue par la Constitution de 1848.
Mais il s’agissait d’un suffrage universel masculin qui sera étendu aux femmes par
l’ordonnance du 21 avril 1944, conférant ainsi un caractère véritablement universel au droit
de suffrage. Il convient de noter que la qualité d’électeur est liée à des conditions d’âge, de
nationalité et de capacité. Le suffrage peut être direct ou indirect. Le suffrage direct permet
aux électeurs de désigner directement les élus. Le suffrage indirect conduit à la désignation
des élus par d’autres élus. L’élection au suffrage direct confère une plus grande légitimité
aux élus.
2 - Les modes de scrutin

I. Le scrutin majoritaire
Dans le scrutin majoritaire est proclamé élu le candidat ou la liste qui obtient la majorité des
suffrages exprimée c’est-à-dire les suffrages dont on a déduit les votes nuls et dans certains
cas les votes blancs. Il peut être uninominal au sens où l’électeur vote pour élire une seule
personne ou plurinominal car il s’agit d’élire une liste de plusieurs noms. Le scrutin
majoritaire à un tour permet de proclamer élu le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité
simple ou relative quel que soit le nombre de voix de l’ensemble de ses adversaires. C’est le
scrutin le plus simple mais aussi le plus brutal. Il est appliqué en Grande-Bretagne et aux
Etats-Unis d’Amérique et en partie en Allemagne.
Dans le scrutin majoritaire à deux tours, lorsqu’au premier tour aucun candidat n’a obtenu la
majorité absolue c’est-à-dire plus de la moitié des voix, il y a ballotage, d’où l’organisation du
second tour. Dans certains cas de figure, il est exigé pour participer au second tour d’avoir
obtenu un certain pourcentage des électeurs inscrits. Lors du second tour est proclamé élu
le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité simple ou relative des suffrages exprimés. En
GB et aux USA, il a conduit à une simplification de la vie politique se traduisant par
l’existence d’un bi partisme. Il manque en revanche de représentativité dans la mesure où il
prive de représentation parlementaire par exemple des formations politiques qui peuvent
représenter un grand nombre d’électeurs

II. Le scrutin à la représentation proportionnelle


Ce mode de scrutin permet à chaque liste d’obtenir un nombre de sièges proportionnel au
nombre de suffrages qu’elle a obtenu. La répartition des sièges donne lieu d’abord au calcul
du quotient électoral qui est le rapport entre le nombre de suffrages exprimés et le nombre
de sièges à pourvoir. Chaque liste se voit attribuer autant de sièges que son nombre de
suffrages contient deux fois le quotient électoral. Après cette opération subsistent souvent
des restes dont la répartition peut se faire soit selon le procédé de la répartition au plus fort
reste, soit celui de la répartition à la plus forte moyenne. Le premier procédé favorise les
petites listes mais éparpille les sièges rendant aléatoire ainsi la constitution de majorité
stable. Dans le second procédé, les sièges restants sont attribués les uns après les autres
aux listes qui ont obtenu la plus forte moyenne calculée en divisant leur suffrage par le
nombre de sièges qui leur a été déjà attribué auquel on ajoute un siège fictif. Cette
technique à la différence de la précédente favorise les listes puissantes et les écarts en
suffrage sont amplifiés par la répartition des sièges.
Le scrutin à la représentation proportionnelle offre de meilleures garanties de
représentativité et permet ainsi aux formations minoritaires d’être représentées. Il reflète
mieux l’état réel des forces politiques en présence en dépit des différences entre les
procédés de répartition des restes. Mais c’est un système complexe qui de surcroît aboutit à
un émiettement du nombre de sièges rendant donc difficile la constitution d’une majorité
stable

III. Les mode de scrutin mixtes


Ces modes de scrutin comportent une part de scrutin majoritaire et une part de scrutin à la
représentation proportionnelle. C’est le cas notamment en Allemagne pour l’élection des
membres du Hunde Cdag où environ la moitié des sièges est attribuée par circonscriptions
au scrutin majoritaire uninominale à un tour, l’autre partie au scrutin proportionnel à partir de
listes partisanes dans le cadre du lambe. Dans les communes de plus de 1000 habitants,
c’est le mode de scrutin pratiqué. Les conseillers à l’assemblée de Martinique sont élus
selon ce mode de scrutin. L’électeur dispose ainsi d’un double vote et choisit à la fois une
personne et un parti.

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