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Droit Constitutionnel
Droit Constitutionnel
Chapitre I - L’Etat
Le cadre dans lequel peut s’épanouir, se développer le droit constitutionnel est l’Etat. L’Etat
est une institution millénaire puisque les premiers États occidentaux dits modernes
apparaissent vers le XIe siècle et singulièrement en France pour se consolider au XVIe
siècle. L’implantation du mot a pris des voix diverses suivant les pays. En France, il demeure
largement inconnu au XVIe siècle car c’est le mot respublica. C’est ce dernier terme que le
juriste Jean Bodin utilise dans son ouvrage majeur et considéré comme le premier traité sur
l’Etat : Les six livres de la République (1576). L’Etat est une notion proprement politique. Elle
désigne l’autorité la plus haute pour gérer le vivre ensemble. Il surplombe la société voire la
notion à laquelle il impose son arbitrage lorsque des conflits apparaissent entre les intérêts
privés. A ce titre, il détient la force policière et militaire. Du reste l’Etat peut se définir, pour
reprendre l’expression de Max Weber, comme le détenteur du “monopole de la violence
légitime”.
L'Etat n’a pas toujours existé. Il est le résultat d’un processus historique.
L'institutionnalisation de l’Etat est le résultat de plusieurs phénomènes. Il est l’aboutissement
d’un processus lent de formation à la fin de la féodalité au XVIe siècle. Il serait consécutif à
des transformations sociales, économiques et politiques. Progressivement, l’Etat va
monopoliser toutes les ressources et se doter d’un appareil administratif spécialisé et
permanent. Ceci caractérise l'État moderne car, si du temps de la monarchie la personne
du roi se confondait avec l’Etat, l’émergence d’un appareil administratif spécialisé met fin à
cette conception puisqu’une distinction va s’opérer entre la fonction et son titulaire.
Dans la société politique moderne, le pouvoir n’est plus un objet de propriété. Entre les
gouvernants et les gouvernés s’intercale une institution à savoir l’Etat. En définitive, il
apparaît que ces différentes thèses sur l’origine de l’Etat se complètent. En effet, il n’est pas
inenvisageable de dire que la nécessité de s’organiser s’est imposé naturellement aux
hommes et que parallèlement il semble difficile de concevoir l’organisation de la société
sans un minimum d’accord entre les hommes incarnée par l’idée du contrat social mais il est
tout aussi avéré que l’Etat n’a pas toujours existé et que son institutionnalisation résulte d’un
processus historique.
A. Un territoire
Celui-ci est pluridimensionnel car il est à la fois terrestre, maritime et aérien. Le territoire est
l’espace où s’exerce l’autorité et les compétences de l’Etat. Il est question alors de principe
de territorialité. Il n’y a pas d’Etat sans territoire et un Etat qui perd son territoire n’est plus
un Etat. Toutefois, il ne se confond pas totalement avec un territoire car même en cas
d’amputation, l’Etat demeure tout de même dès lors qu’il conserve une assise territoriale. Le
lien entre le territoire et l’Etat est si ténu que l’on considère généralement qu’il est un
élément objectif essentiel à la définition de l’Etat, ce qui pose nécessairement la question
des frontières. Ces dernières peuvent être naturelles comme c’est le cas du Río Grande
qui sépare les Etats-Unis du Mexique ou encore du Rhin qui sépare la France de
l’Allemagne. Dans d’autres cas, les frontières sont artificielles comme les lignes droites
courbes ou géométriques comme l’illustre, le 38e parallèle qui sépare la Corée du Nord de
la Corée du Sud. Les frontières sont terrestres et comprennent le sol et sous-sol mais elles
sont aussi maritimes et s’étendent au-delà des 12 000 nautiques prévus pour la mer
territoriale. A partir de la ligne de base jusqu’à la limite des 200 000 miles constituant la zone
dite économique où s’exerce en particulier le droit de protection et d’exploitation des
ressources naturelles. Au-delà, c’est la haute mer accessible à tous les Etats et
assimilée à un patrimoine commun de l’humanité. Enfin, le territoire peut présenter
certaines particularités qui ne remettent pas fondamentalement en cause l’existence d’un
État. Il peut être constitué de plusieurs entités, être fractionné comme l’est la France avec
ses territoires situé outre-mer ou encore les Etats-Unis d’Amérique avec l’Alaska et les îles
Hawaï.
B. Une population
La population assujettie au droit de l’Etat est composée de l’ensemble des personnes vivant
sur son territoire autrement dit l’ensemble des nationaux et des étrangers. Les nationaux
ont la nationalité de l’Etat et jouissent de droits attachés à cette qualité comme le droit de
vote. Il est parfois tentant d'identifier l'État à partir de la nation. La question se pose alors de
savoir qu’est ce qu’une nation. Selon une première conception, la définition de la nation peut
être établie à partir d’éléments dits objectifs comme la race, la langue, la religion, une
culture, une mémoire et une histoire communes. Une seconde conception met l’accent sur la
composante volontariste de la nation qui trouverait son origine dans la volonté des individus
de s’associer pour un destin collectif commun. Cette conception est notamment défendue
par Ernest Renan dans son fameux texte Qu'est-ce qu'une nation ? incarné par cette phrase
selon laquelle la nation est un “vouloir vivre collectif”. La nation dépasse en tout cas le destin
personnel de ce qui la compose et pour reprendre la phrase de l’écrivain André Malraux
c’est une “communauté de rêve”.
L’idée de nation est sujette à débats pour deux raisons majeures : la nation est souvent
associée au nationalisme notamment quand celui-ci est de nature belliqueuse car le
nationalisme est une idéologie politique qui entend faire de la nation le lieu privilégié de
l’expression collective. L’État-nation est contesté voir miné de l’intérieur par l’affirmation de
particularismes régionaux, linguistiques, religieux voire ethniques. La nation est par ailleurs
mise à mal par la mondialisation, surtout dans les domaines économiques et financiers.
1. Le pouvoir législatif
Il a pour objet de poser des règles de portée générale et impersonnelle càd des lois et ils
relèvent du Parlement. Dans le système juridique français, la loi vient après la Constitution
qui est considérée comme étant la norme supérieure. Seul le législateur peut la modifier ou
l’abroger. A la suite de Rousseau, la loi est considérée comme l’expression de la volonté
générale sous réserve, et ceci particulièrement en France, qu’elle soit conforme à la
Constitution suite à l’instauration en 1958 du contrôle de constitutionnalité des lois. Il
convient de noter que le peuple peut aussi adopter une loi par la voie du référendum. En
conclusion, on peut formellement définir la loi comme une décision prise par le Parlement ou
le peuple selon une procédure prévue par la Constitution.
2. Le pouvoir exécutif
Le pouvoir exécutif est chargé de l'exécution des lois. Initialement, le pouvoir exécutif était
incarné par le monarque. Il s’est progressivement transformé et est passé du monarque au
gouvernement qui dispose du pouvoir réglementaire et a vu ses pouvoirs s’élargir de
manière considérable. Il a autorité sur l’administration et dispose de la force armée pour
mettre en œuvre sa politique. Les gouvernements modernes ne sont pas de simples
exécutants des volontés des parlements car l’observation témoigne d’une tendance
marquée par la primauté du gouvernement sur le Parlement.
A. L’Etat unitaire
B. L’Etat composé
1. La Confédération d’Etats
C’est un concept très ancien puisque cette question est évoquée depuis l’époque de la
Grande Grèce. Selon Louis Le Fur, la Confédération d’Etats n’est qu’une association d'États
souverains et ne possède pas elle-même la souveraineté ni par conséquent le caractère
d’Etat. Au XIXe siècle, Hans Kelsen confirme cette distinction en considérant la
Confédération d’Etats comme “une union d’Etat purement internationale à l’image de la
société des Nations”. Etymologiquement, la confédération vient du latin “cum” qui signifie
“avec” et “foedus” qui signifie “alliance”. En somme, une confédération désigne une
association, une alliance entre plusieurs Etats indépendants qui se regroupent sans
renoncer entièrement à leur souveraineté et à leur autonomie. Les Etats délèguent l’exercice
de certaines de leurs compétences à un pouvoir central constitué d’organismes
interétatiques dont presque toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité des Etats
membres. Le statut de Confédération d'États est établi sur la base d’un traité qui ne peut
être modifié qu’avec l’accord unanime de tous les signataires. A ce titre, la Confédération
d’Etats se distingue de la fédération où il y a partage de souveraineté entre les Etats fédérés
et l'État fédéral sur la base d’une Constitution. Les exemples de confédération sont assez
rares aujourd’hui. Ce fut le cas de la Suisse avant 1848. C’est aussi le cas des Etats-Unis
d'Amérique de 1777 à 1789. L’Union Européenne présente certaines caractéristiques d’une
confédération dans la mesure où l’Union Européenne regroupe aujourd’hui 27 Etats
souverains. La forme confédérale a souvent été défendue tout au long du processus de la
constitution des Etats-Unis d'Amérique. Toutefois il convient de relever que la confédération
a toujours été perçu comme un moment transitoire précédant la mise en place d’un Etat
fédéral européen inspiré du modèle américain. A titre d’illustration, l’Union européenne est
qualifiée par certains de fédération d'Etats-nations parallèlement on utilise aussi le terme
des Etats-Unis d’Europe. Valéry Giscard d'Estaing alors Président de la convention de
l’avenir pour l’Europe à l’occasion d’une déclaration au collège européen de Bruge prononcé
le 2 octobre 2002 s’est posé la question de savoir quelle serait l’avenir d’une union rénovée.
A cette question il répond ainsi : “Une union d’Etat européen coordonnant étroitement leur
politique et gérant sur le mode fédéral certaines compétences communes”.
Chapitre II - La Constitution
Le mot “constitution” a historiquement évoqué des textes que l’on considérait sacré et dont
on parlait avec déférence sans avoir une idée bien précise de leur contenu (instrumentum ≠
negotium). Ceci importait peu car il était admis que la Constitution de l’Etat ne se réduisait
pas à quelques articles jetés sur un papier. Cette idée apparaît aujourd’hui obsolète car à
notre époque la Constitution désigne non seulement un texte mais un texte qui a force de
loi dont les juges se sont emparés et qui est régulièrement opposé au législateur.
Essentiellement politique, la Constitution est devenue exclusivement juridique. Autrefois
ordre social ou de valeur, la Constitution désigne aujourd’hui une norme juridique ou
encore un ensemble de normes qualifié de fondamental et qui pour certains apparaît être la
garantie de la liberté voire la condition de la démocratie.
1. La constitution matérielle
L’objet d’une constitution est double puisqu’il s’agit à la fois du statut du pouvoir mais aussi
celui des citoyens.
1. La dévolution du pouvoir
Dans les constitutions, il est toujours énoncé les grands principes de dévolution du pouvoir
et à un degré moindre les règles permettant leur mise en œuvre. Ainsi, la plupart des
constitutions rappelle le principe de la souveraineté nationale et souligne les conséquences
de ce choix. On est ainsi amenés à tracer les contours du pouvoir de suffrage reconnu au
peuple. Dans les constitutions modernes, c’est le suffrage universel qui prévaut. Mais une
grande partie des modalités de ce pouvoir de suffrage sont souvent établis en dehors de la
Constitution. C’est le cas notamment des élections présidentielles, législatives et
sénatoriales.
2. L’exercice du pouvoir
Le pouvoir est exercé par les différents organes mis en place par la Constitution à savoir les
organes législatifs, exécutifs ou encore judiciaires mais aussi d’autres organes comme le
conseil constitutionnel ou encore le Conseil économique social et environnemental dans la
Constitution de 1958. Elle en organise plus ou moins précisément la composition tel que le
nombre de députés ou de sénateurs voire le statut de ces derniers en évoquant les
questions d’incompatibilité ou encore d’immunité. Mais surtout la Constitution précise les
prérogatives de ces institutions càd leurs compétences et leurs pouvoirs ce qui permet de
préciser leurs relations mutuelles et par conséquent de déterminer le régime politique
(parlementaire ou présidentiel).
2. La Constitution formelle
La Constitution se définit aussi par sa forme. Elle est alors considérée comme un acte doté
d’une force juridique particulière car supérieure à celle de tous les autres actes juridiques.
C’est une manifestation en vue d’une volonté de produire des effets de droit. Il y a des actes
bilatéraux, unilatéraux… Ceci s’explique parce que la Constitution est une règle “énoncée
dans la forme constituante et par l’organe constituant et qui par suite ne peut être modifié
que par une opération de puissance constituante et au moyen d’une procédure spéciale de
révision” (Raymond Carré de Malberg). Ceci met en exergue le caractère original du pouvoir
constituant aussi bien originaire que dérivé.
2. Néanmoins différents
a. Limites dans le temps
L’un est originaire et l’autre dérivé, càd qu’il est institué par la Constitution elle-même qui
peut donc introduire des limitations aux droits de révision.
Certaines constitutions interdisent la révision pendant un délai, ce fut le cas de la
Constitution de 1791 qui ne pouvait être révisée pendant les trois premières législatures (5
ans).
D’autres interdisent la révision dans certaines circonstances comme c’est le cas
actuellement de l’article 89-4 de la Constitution qui prévoit : “Qu’aucune procédure de
révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du
territoire”.
b. Limites quant à l’objet
Certaines révisions sont impossibles. Depuis 1884, “la forme Républicaine du gouvernement
ne peut faire l’objet d’une révision” selon l’article 89-5 de la Constitution.
II. La protection des droits et libertés fondamentaux aussi bien individuels que collectifs
Quasiment toutes les constitutions, quelle que soit leur idéologie, proclame l’existence de
tels droits soit dans le corps même soit dans un document qui lui est annexé. C’est le cas en
France de la DDHC de 1789 et du préambule de 1946. Même s’il est exercé suivant des
modalités différentes, le contrôle du respect des droits fondamentaux est assuré par
toutes les cours et dans certains cas c’est leur mission la plus importante. Elles les
conduit à se prononcer sur des questions aussi diverses que la peine de mort, le droit de
grève, l’égalité entre époux, les limites qui peuvent être apportés au droit de propriété, à
l’IVG ou à la bioéthique càd des problèmes qui intéressent directement la vie des
citoyens. La jurisprudence constitutionnelle adapte régulièrement le contenu afin de tenir
compte de l’évolution des idées et de celles du contexte économique, ce qui l’oblige parfois
à une dialectique subtile notamment lorsque l’usage d’un droit par quelques-uns risquerait
d’en priver le plus grand nombre. C’est le cas notamment de la question de la liberté. En
France, en Italie et en Allemagne, il a été ainsi jugé que les médias ne devaient pas être
livrés au libre jeu des forces sociales et qu’il fallait donc limiter les concentrations pour
sauvegarder le pluralisme. Paradoxalement, le principe de la liberté de la presse peut donc
être interprété comme interdisant à certains propriétaires de journaux d’en acquérir de
nouveaux.
Les droits économiques et sociaux en revanche ne se prêtent pas toujours à des
constructions jurisprudentielles très poussées. Leur effectivité et leur opposabilité est loin
d'être avérée car pour la plupart, il ne s’agit pas de véritables droits subjectifs mais des
droits dits objectifs. Dans ce cas de figure, ce qui est exigé du législateur est qu’il prenne
toutes les mesures nécessaires pour garantir leur effectivité. On parle alors d’obligation
de moyen et non pas d’obligation de résultat. Les actes qui dans les différents domaines
précités peuvent être déférés aux cours constitutionnels sont plus ou moins nombreux mais
l’étendu du contentieux constitutionnel est plus vaste que la sphère de compétence
des cours. Les actes qui leur échappent relèvent le plus souvent d’autres juridictions.
I. L’Etat de droit
C’est un concept aux contours variés qui a été mis progressivement en œuvre en France.
Cette notion permet de préciser la place de l’Etat et du droit. De manière sommaire, l'Etat de
droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est
soumise au droit. D’origine allemande, elle a été revue par le juriste autrichien Hans Kelsen
comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de sorte que sa
puissance s’en trouve limitée. Selon VGE, il y a Etat de droit lorsque “chaque autorité de la
plus modeste à la plus haute s’exerce sur le contrôle du juge qui s’assure que cette autorité
respecte l’ensemble des règles de compétences et de fond auxquelles elle est tenue”. La
notion d’Etat de droit suppose que chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles
supérieures. Un tel système suppose par ailleurs l’égalité des sujets de droit devant les
normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes. Un Etat de droit s’oppose à
l’Etat de police où règne l’arbitraire, le bon plaisir du prince. Dans ce cas de figure, les règles
de droit ne sont que des instruments qui permettent d’agir efficacement.
1. La démocratie procédurale
Ce terme caractérise la forme particulière de démocratie qui s’était posée en l'occurrence la
démocratie représentative. Elle se définit d’abord par des caractéristiques principalement
par la reconnaissance du principe de la souveraineté nationale qui postule la participation du
peuple à l’exercice du pouvoir par la garantie des libertés de mouvement, d’expression et
d’information, par le recours à des élections régulières et concurrentielles. Afin de
départager les candidats aux fonctions électives ainsi que par le respect des règles d’un Etat
de droit. Les partisans de la démocratie procédurale cherchent à s’accorder sur une
définition minimale. Selon ces derniers, la démocratie est avant tout une méthode
comprenant un certain nombre de règles aptes à produire des décisions collectives sur la
base du consensus le plus large possible et requérant le minimum de violence pour être
appliquée. Elle est donc un moyen pacifiqieu de conflit. Cette vision est notamment celle de
Schumpeter pour qui “c’est une méthode institutionnelle aboutissant à des décisions
politiques dans laquelle des individus acquièrent le pouvoir de statuer sur ces décisions à
l’issue d’une lutte concurrentielle portant sur le vote du peuple”. En définitive, pour ce
dernier, la démocratie n’est qu’une simple méthode pour choisir et écarter des dirigeants.
Cette approche politique de la démocratie pose donc le problème de la nature même de ce
régime. La démocratie serait-elle qu’une notion purement procédurale permettant la simple
participation du peuple au système représentatif ? Dans ce cas, toutes les décisions
politiques adoptées au moyen de procédures démocratiques autrement dit qui répondent à
des conditions formelles minimales seraient légitimes du seul fait qu’elles ont été produites
pas de telles procédures. Le doute est d’autant permis car l’émergence de la démocratie
constitutionnelle fait une large place à la démocratie dite providentiel.
2. La démocratie substantielle
Selon cette conception, la démocratie est présente lorsque certaines normes ou droits sont
respectés. Elle renvoie à une vision politique de la démocratie en mettant l’accent sur les
valeurs cardinales de la démocratie sur le projet de société. C’est une théorie normative
axiologique de la démocratie. Dans cette perspective, la démocratie est un régime de liberté.
Le libéralisme politique est indissociable du pluralisme. Il implique un régime de liberté
favorisant non seulement la liberté de formation des parties et groupements politiques mais
consacrant d’une manière générale les libertés comme la liberté individuelle, la liberté de la
presse, la liberté de communication audiovisuelle. Un tel régime favorise l’expression de la
diversité des courants d’opinion et crée les conditions de l’alternance politique. Pour
certains, la démocratie moderne postule la nécessité de la reconnaissance et de la
protection des libertés collectives et individuelles. La reconnaissance institutionnelle des
libertés doit se traduire par la dimension constitutionnelle. L’institutionnalisation du contrôle
de constitutionnalité qui constitue un impératif démocratique des temps modernes ainsi
qu'une certaine effectivité des libertés dans la vie politique. Outre la liberté, la démocratie a
pour objet, pour ambition de favoriser le développement d’une “société de semblables” selon
l’expression d’Alexis de Tocqueville. Pour ce dernier, le développement graduel de l'égalité
est un fait providentiel. Il en a les principaux caractères : il est universel, il est durable, il
échappe chaque jour à la puissance humaine. “Tous les événements comme tous les
hommes ont servi à son développement”. Vu sous cet angle, la démocratie serait
providentiel pour reprendre une idée développée par Dominique Schnapper dans son
ouvrage La démocratie providentiel Essais sur l’égalité contemporaine. Elle caractérise la
situation croissante des Etats dans toutes les dimensions de la vie des individus au nom
d’abord de la protection sociale exprimée parfaitement par le concept d’Etat providence puis
de la nécessité de défendre les droits particuliers de certaines catégories, de répondre à des
exigences, à des attentes illimitées. L’égalité serait consubstantiel à l’idée de démocratie si
l’on en croit Aristote qui a pu dire : “La démocratie est née de cette idée que ceux qui sont
égaux sous un rapport quelconque sont égaux sous tous les rapports”.
1. La démocratie représentative
“Mandataire du peuple, je ferais ce que je crois le plus conforme à ses intérêts. Il m’a
envoyé pour exprimer mes idées, non les siennes. L’indépendance de mes opinions est le
premier devoir envers lui.” - Condorcet. La démocratie représentative repose sur l’idée que
la souveraineté, ne pouvant matériellement être exercée directement par la Nation, celle-ci
la confira à des représentants qui décideront en son nom. Ce système est initié par
Montesquieu dans son ouvrage L’esprit des lois (1548) et repris par Sieyès en 1789 et
consacré en France pour la première fois dans la Constitution de 1791. Mais à l’époque, on
est encore loin d’une véritable démocratie car le roi et le corps législatif élu au suffrage
censitaire sont les représentants de la Nation. C’est à partir du XVIIIe siècle que les
éléments du système représentatif seront mis en place. La démocratie représentative
repose sur la notion de mandat qui est une notion emprunté au droit romain connu du droit
civil français et qui est le titre par lequel la Nation confie à ses représentants le pouvoir de
décider en son nom. Le mandat est dit représentatif et les représentants agissent selon ce
qu’ils pensent être l’intérêt de la Nation mais pas en se conformant directement à la volonté
des électeurs. Il ne s’agit pas d’un mandat impératif. Le mandat est aussi collectif dans la
mesure où il est conféré par l’ensemble de la Nation. Dans la démocratie représentative, il y
a un risque de confiscation du pouvoir par les représentants. Carré de Malberg parlait à ce
propos de “parlementarisme absolu” et le doyen Georges Vedel a évoqué pour sa part l’idée
de régime ultra représentatif. Pour éviter cette dérive, il convient d’encadrer le pouvoir des
représentants par des règles et des principes contraignants. Il est aussi possible de
tempérer le caractère absolu de la démocratie représentative par des techniques de
démocratie dite directes.
1. Le droit de suffrage
Les principes d'organisation du droit de suffrage sont souvent consacrés par la Constitution
et c’est le cas en France. Les règles qui l’organisent doivent être suffisamment précises pour
éviter l’arbitraire dans leur application. S’agissant d’abord de l’électeur qui est la personne
disposant de la possibilité de choisir entre plusieurs candidats. Celui-ci dispose du droit de
vote qu’il peut choisir d’exercer ou ne pas exercer. Dans le cadre du suffrage restreint, le
droit de vote est limité à un petit nombre de personnes selon des critères qui permettent de
distinguer entre le suffrage censitaire et le suffrage capacitaire.
Dans le suffrage censitaire, c’est la fortune qui va déterminer l’attribution du droit de
vote et elle peut permettre d’attribuer la qualité d'électeur aux personnes qui s’acquittent
d’un certain montant d’impôt. Le suffrage censitaire a été introduit en France par la
Constitution de 1791 et mettait en exergue la distinction entre citoyens actifs titulaires du
droit de vote et citoyens passifs qui en étaient dépourvus. Ce système a été repris dans
d’autres constitutions par la suite puis abandonné définitivement en 1948. Un tel suffrage se
justifiait par l’utilité d’un lien entre la gestion des affaires publiques et le niveau de
contribution financière. Le citoyen plus fortuné était également supposé être plus éduqué à
la chose publique. Un lien était institué entre le droit de vote et la propriété.
Le suffrage capacitaire reposait sur l’acquisition d’un certain niveau d’instruction.
Chaque individu devait passer un examen destiné à juger de ses capacités intellectuelles et
de sa connaissance de la Constitution. C’est en réalité une technique qui a souvent abouti à
des discriminations sociales et raciales et utilisé pour empêcher les Noirs de voter dans
certains Etats du sud des Etats-Unis d’Amérique. En tout état de cause, quel que soit le
critère retenu, le suffrage restreint n’est pas compatible avec la démocratie.
Avec le suffrage universel en revanche tous les citoyens sont titulaires du droit
de vote. Il a été consacré en France par la Constitution de 1793 mais jamais appliqué sous
le consulat et le premier Empire puis définitivement retenue par la Constitution de 1848.
Mais il s’agissait d’un suffrage universel masculin qui sera étendu aux femmes par
l’ordonnance du 21 avril 1944, conférant ainsi un caractère véritablement universel au droit
de suffrage. Il convient de noter que la qualité d’électeur est liée à des conditions d’âge, de
nationalité et de capacité. Le suffrage peut être direct ou indirect. Le suffrage direct permet
aux électeurs de désigner directement les élus. Le suffrage indirect conduit à la désignation
des élus par d’autres élus. L’élection au suffrage direct confère une plus grande légitimité
aux élus.
2 - Les modes de scrutin
I. Le scrutin majoritaire
Dans le scrutin majoritaire est proclamé élu le candidat ou la liste qui obtient la majorité des
suffrages exprimée c’est-à-dire les suffrages dont on a déduit les votes nuls et dans certains
cas les votes blancs. Il peut être uninominal au sens où l’électeur vote pour élire une seule
personne ou plurinominal car il s’agit d’élire une liste de plusieurs noms. Le scrutin
majoritaire à un tour permet de proclamer élu le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité
simple ou relative quel que soit le nombre de voix de l’ensemble de ses adversaires. C’est le
scrutin le plus simple mais aussi le plus brutal. Il est appliqué en Grande-Bretagne et aux
Etats-Unis d’Amérique et en partie en Allemagne.
Dans le scrutin majoritaire à deux tours, lorsqu’au premier tour aucun candidat n’a obtenu la
majorité absolue c’est-à-dire plus de la moitié des voix, il y a ballotage, d’où l’organisation du
second tour. Dans certains cas de figure, il est exigé pour participer au second tour d’avoir
obtenu un certain pourcentage des électeurs inscrits. Lors du second tour est proclamé élu
le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité simple ou relative des suffrages exprimés. En
GB et aux USA, il a conduit à une simplification de la vie politique se traduisant par
l’existence d’un bi partisme. Il manque en revanche de représentativité dans la mesure où il
prive de représentation parlementaire par exemple des formations politiques qui peuvent
représenter un grand nombre d’électeurs