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Rev. Méd. Périnat.

(2012) 4:99-104
DOI 10.1007/s12611-012-0194-4

ARTICLE DE SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE DOSSIER

Reste-t-il des contre-indications à l’anesthésie locorégionale


en obstétrique ?
Does it remain any contraindication to regional anaesthesia in obstetrics?

P.-Y. Dewandre
Reçu le 4 juillet 2012 ; accepté le 19 juillet 2012
© Springer-Verlag France 2012

Résumé L’anesthésie locorégionale périmédullaire (péridu- infection, intracranial hypertension, hypovolemia, inherited
rale et rachianesthésie) représente la pierre angulaire de and acquired coagulopathy, allergy to local anaesthetics,
l’anesthésie et de l’analgésie obstétricale. En ce début de XXIe hyperthermia, cardiopathy, neurological diseases, spinal
siècle, environ 80 % des parturientes bénéficient de ces tech- abnormalities, cervical dilation and lumbar tattoo. All toge-
niques pour le travail et l’accouchement. Néanmoins, quel- ther, it estimated that less than 0.5% of the parturient are
ques rares situations représentent des contre-indications contraindicated to regional anaesthesia in obstetrics.
absolues ou relatives à la réalisation de ces techniques. Il
convient de connaître ces situations afin non seulement de Keywords Contraindication · Spinal anaesthesia · Epidural
ne pas exposer nos patientes à un risque accru de compli- anaesthesia · Regional anaesthesia
cations mais également de ne pas les priver des bénéfices
de ces techniques en élargissant indument le champ de ces
contre-indications. Cet article passe en revue les problèmes
liés au refus de la patiente, à l’infection localisée au site de
Introduction
ponction, à l’hypertension intracrânienne, à l’hypovolémie,
aux troubles de l’hémostase héréditaires ou acquis, à l’aller-
L’anesthésie locorégionale périmédullaire représente la
gie aux anesthésiques locaux, à l’hyperthermie, aux cardio-
pierre angulaire de l’anesthésie obstétricale. En effet, tant
pathies, aux affections neurologiques, aux anomalies du
dans le domaine de l’analgésie pour le travail que dans celui
rachis, à la dilatation cervicale et aux tatouages lombaires.
de l’anesthésie pour la césarienne, les techniques d’anesthé-
sie locorégionale périmédullaire (APM) représentées par la
Mots clés Contre-indication · Rachianesthésie · Péridurale ·
péridurale, la rachi ou la rachipéri combinée se sont impo-
Anesthésie locorégionale
sées depuis plusieurs décennies comme les techniques de
référence en raison de leur rapport efficacité-sécurité large-
Abstract Regional anaesthesia (epidural and spinal) is the ment supérieur à toute technique alternative [1-5]. Néan-
cornerstone of obstetric anaesthesia and analgesia. In the moins, il convient de connaître les rares situations contre-
beginning of the 21st century, about 80% of the parturient indiquant la réalisation de ces techniques afin non seulement
take benefits from these techniques during labour and deli- de ne pas exposer la parturiente à un risque accru de compli-
very. However, very few situations represent absolute or cations mais également et surtout afin de ne pas élargir indu-
relative contraindications to regional anaesthesia. The ade- ment le champ de ces contre-indications au nom du principe
quate knowledge of these contraindications prevents to de précaution et dans le but de se préserver d’un risque médi-
expose our patients to an increased risk of complications of colégal, ce qui priverait nos patientes des bénéfices avérés de
regional techniques but also avoid depriving them of their l’APM tant en matière de confort que de sécurité.
benefits in the name of false contraindications. This paper
Parmi les contre-indications absolues, la plupart des
reviews the problems of patient refusal, site of puncture’s
ouvrages traitant du sujet citent le refus de la parturiente ou
son incapacité à collaborer, l’infection cutanée au niveau du
P.-Y. Dewandre (*) site de ponction, l’hypertension intracrânienne secondaire à
Service universitaire d’anesthésie-réanimation, CHU Liège, CHR
un processus expansif intracrânien, l’hypovolémie non com-
de la Citadelle Liège, 1, boulevard du Douzième de Ligne, 4000
Liège, Belgique pensée, une anomalie franche de la coagulation innée ou
e-mail : pydewandre@chu.ulg.ac.be acquise et une allergie aux anesthésiques locaux [1-3].
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Parmi les contre-indications relatives et beaucoup moins dentelle et à l’hypotension du LCR consécutive qui contre-
universellement reconnues on retrouve les états de bactérié- indique l’APM. Les efforts de poussées étant également
mie et d’hyperthermie, certaines cardiopathies, certaines contre-indiqués, on s’orientera vers une césarienne sous
affections neurologiques, certaines anomalies anatomiques anesthésie générale avec contrôle optimal et agressif de la
du rachis ainsi que les antécédents de chirurgie du rachis [ pression artérielle maternelle et de la pression
1-3]. Plus récemment enfin, certaines questions se sont intracrânienne.
posées par rapport à l’APM chez les patientes porteuses de On gardera cependant à l’esprit qu’en l’absence d’HTIC,
tatouages lombaires. un accouchement instrumenté par voie basse sous couvert
Enfin certains considèrent encore à tort qu’une dilatation d’une APM de qualité est envisageable [8].
cervicale minimale est nécessaire avant la réalisation d’une
APM chez une parturiente en début de travail.
L’objectif de cette revue est de préciser la place exacte de Hypovolémie non compensée
ces contrindications.
À côté du bloc sensitif recherché et obtenu par l’APM, celui-
ci induit également un bloc sympathique responsable d’une
Refus de la patiente vasodilatation. Cette vasodilatation aboutit à une baisse de la
précharge du ventricule droit déjà limitée par l’hypovolémie.
Si, en France et dans d’autres pays présentant une offre de S’y ajoute une baisse des résistances périphériques qui abolit
soins similaire, 80 % des parturientes bénéficient d’une un mécanisme compensateur visant à éviter l’hypotension en
APM pour le travail et l’accouchement [6,7] certaines cas d’hypovolémie. Dès lors, l’hypovolémie et l’APM
patientes, pour diverses raisons, ne souhaitent pas bénéficier conjuguent leurs effets et aboutissent à une hypotension
de cette technique. Il convient néanmoins de s’assurer que ce maternelle voire à un véritable collapsus cardiovasculaire.
refus persiste après une information adéquate sur les avanta- Cette situation est le plus souvent rencontrée au cours des
ges et inconvénients potentiels de ces techniques. En parti- hémorragies massives et persistantes. À l’inverse, si le sai-
culier, pour certaines patientes, le bénéfice attendu de l’APM gnement est tari et l’hypovolémie compensée par un remplis-
dépasse largement la simple notion de confort mais recouvre sage adéquat, la réalisation d’une APM reste possible.
la notion d’indication médicale. Ces indications médicales
d’APM au cours du travail comprennent entre autre la pré-
éclampsie en l’absence de trouble de l’hémostase afin de Coagulopathies congénitales ou acquises
favoriser le contrôle hémodynamique, l’utérus cicatriciel
(césarienne antérieure), la grossesse multiple, la présentation La complication majeure redoutée par les anesthésistes est la
en siège, le diabète, la macrosomie, l’obésité morbide, la formation d’un hématome périmédullaire consécutif à une
plupart des cardiopathies, l’insuffisance respiratoire et la lésion traumatique d’un vaisseau sanguin dans l’espace péri-
notion de risque d’intubation difficile en cas de césarienne dural. Cet hématome se formant dans un espace clos et inex-
[3]. Dans toutes ces situations, il conviendra de tenter de tensible pourra aboutir à une compression médullaire dans
convaincre la parturiente tout en respectant son refus éclairé 1 cas sur 150 000 péridurales obstétricales et 1 cas sur 200
le cas échéant. 000 rachianesthésies pour césarienne [9-12]. Pour cette rai-
son, l’anomalie avérée ou non de la coagulation est sans
doute le motif invoqué contre-indiquant le plus souvent
Infection cutanée du site de ponction l’APM.
Il est essentiel de rappeler que si les anomalies de l’hé-
Il convient de s’abstenir de réaliser une APM dans cette mostase peuvent contre-indiquer l’APM, aucune recomman-
situation, sous peine de risquer des complications de type dation d’aucune société savante n’a jamais suggéré ni
méningite ou abcès périmédullaire. Néanmoins, le choix imposé de documenter systématiquement la normalité de
d’un espace intervertébral adjacent doit permettre de solu- l’hémostase avant la réalisation de l’APM [13-15]. De plus,
tionner ce problème dans de nombreux cas. on se souviendra que la grossesse d’évolution normale repré-
sente un état hypercoagulable réduisant la probabilité d’être
confronté à un déficit de l’hémostase.
Hypertension intracrânienne (HTIC) C’est l’anamnèse, l’examen clinique et la situation obsté-
secondaire à un processus expansif tricale particulière (pré-éclampsie, HRP, mort fœtale in
utero, sepsis, embolie amniotique, hémorragie) qui pourra
Dans cette situation, c’est la crainte d’un engagement du faire craindre une anomalie de l’hémostase et conduire à
tronc cérébral secondaire à une brèche dure-mérienne acci- son exploration. En aucun cas, l’absence de bilan
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d’hémostase en présence d’une anamnèse normale et d’un On recherchera la notion d’urticaire, de bronchospasme,
contexte obstétrical normal ne peut justifier le refus de pra- d’œdème facial et d’instabilité hémodynamique de même
tiquer une APM. La limite inférieure de la numération pla- que les moyens thérapeutiques mis en œuvre pour contrôler
quettaire compatible avec la réalisation de l’APM en toute la réaction allergique supposée. Ces signes évocateurs sont
sécurité est égale à 75 000/ μl [2]. Cependant, plus qu’un présents dans moins de 15 % des cas. Dans la mesure du
chiffre absolu, c’est l’étiologie responsable de la thrombo- possible, les cas suspects seront orientés en consultation
pénie qui pourra influencer la décision dans les situations d’allergologie bien avant la date prévue pour l’accouche-
limites. La thrombopénie gestationnelle généralement supé- ment [20].
rieure à 75 000 est présente chez 5 à 10 % des parturientes et
ne représente pas une contre-indication à l’APM. Il est donc
inutile de la rechercher systématiquement puisque sa décou- Hyperthermie chez la parturiente
verte fortuite ne modifiera pas la prise en charge anesthé-
sique. Le purpura thrombotique idiopathique (PTI) est une Trop souvent, un état fébrile ou subfébrile chez la parturiente
pathologie immunitaire de la femme jeune. Chez les
est à l’origine d’un refus de réaliser une APM. Ce problème
patientes asymptomatiques présentant une numération pla- a fait l’objet de nombreux débats. Cette fièvre peut être satel-
quettaire > 50 000, l’APM est envisageable [16,17]. À l’in-
lite d’un processus infectieux, par exemple en cas de
verse, une thrombopénie rapidement progressive dans un chorioamniotite.
contexte de HELLP syndrome pourra contre-indiquer la réa-
La crainte est liée au risque théorique de complication de
lisation de l’APM pour des valeurs similaires de numération
type méningite ou abcès périmédullaire. Néanmoins, ce
plaquettaire.
risque est extrêmement faible et il est actuellement admis
Parmi des déficits constitutionnels de l’hémostase, la
que l’APM est réalisable dans ces conditions moyennant la
maladie de Von Willebrand est la moins rare puisqu’elle tou-
mise en œuvre d’une antibiothérapie adéquate avant la réa-
che environ 1 % de la population dans ses formes mineures.
lisation du geste [2]. L’existence d’une hyperleucocytose ou
Le déficit de type I en facteur de Von Willebrand est un
d’un syndrome inflammatoire ne représente pas non plus une
déficit quantitatif très souvent normalisé par la grossesse
contre-indication à l’APM.
qui induit une synthèse accrue de ce facteur. La normalisa-
Par contre, en situation de sepsis franc avec hypotension,
tion documentée en fin de grossesse de ce déficit rend pos-
on se méfiera des effets vasodilatateurs surajoutés de l’APM.
sible la réalisation de l’APM dans la plupart des cas [18].
L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS) ne contre-indiquent pas la réalisation de l’APM [19].
Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) adminis- Cardiopathies
trées à dose prophylactique imposent un délai de 12 heures
entre la dernière injection et la pose de l’APM ou le retrait du L’incidence des cardiopathies concerne 0,1 à 4 % des gros-
cathéter. Pour les doses intermédiaires ou curatives, le délai sesses. Les étiologies les plus fréquentes sont les cardiopa-
sera porté à 24 heures [19]. thies congénitales, le plus souvent opérées, les valvulopa-
thies rhumatismales, les cardiopathies arythmogènes et les
cardiopathies ischémiques. Dans de très nombreux cas, l’ac-
Allergie aux anesthésiques locaux couchement par voie basse est possible et même recom-
mandé, la césarienne étant réservée le plus souvent aux indi-
Une allergie vraie aux anesthésiques locaux (AL) est extrê- cations obstétricales. Afin de limiter les répercussions
mement rare. Même en cas de réaction anaphylactique ou hémodynamiques du travail et de l’accouchement et de per-
anaphylactoïde avérée, celle-ci peut-être consécutives à des mettre une extraction instrumentale de principe évitant les
agents conservateurs de type parabène ou métabisulfite et efforts de poussée, l’APM posée précocement est ici d’indi-
non pas aux AL eux-mêmes. Les AL de type esters sont cation médicale. Il conviendra de minimiser les répercus-
moins rarement incriminés que les amides utilisés en anes- sions en termes de bloc sympathique en recourant aux solu-
thésie obstétricale. tions diluées, aux injections fractionnées et à l’utilisation
De nombreux malaises consécutifs à l’injection d’AL appropriée des vasopresseurs [21-24]. Pour les mêmes rai-
dans diverses situations sont le résultat d’hyperventilation, sons de stabilité hémodynamique, le rachipéridurale com-
de syncope vasovagale, de résorption systémique d’adréna- biné représentera une technique de choix pour la réalisation
line voire d’injection intravasculaire directe. Devant l’évoca- d’une césarienne. On gardera à l’esprit les contraintes impo-
tion d’une allergie aux AL, un interrogatoire spécifique sées par la prise éventuelle de médications interférant avec
recherchant les signes cliniques d’hypersensibilité survenus l’hémostase [19]. Pour ces raisons, l’accouchement devra
lors d’un accident antérieur lié à l’injection d’AL est capital. être programmé.
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Affections neurologiques lésions médullaires fixées et non évolutives à distance du


traumatisme causal [27].
Épilepsie
Sclérose en plaques (SEP)
Même si l’intoxication aux AL secondaire à une injection
intravasculaire à dose suffisante peut générer une crise La crainte théorique de l’exposition de zones médullaires
convulsive généralisée et même si le seuil convulsivant des démyélinisées aux potentiels effets neurotoxiques des anes-
AL est abaissé chez la femme enceinte, il n’y a aucun argu- thésiques locaux administrés par voie intrathécale ou péridu-
ment pour refuser une APM à une patiente épileptique [25]. rale a longtemps représenté un frein à l’utilisation des tech-
niques d’ALR périmédullaires chez les patientes atteintes de
Anévrisme et malformation artérioveineuse SEP [29,30]. Néanmoins, il n’existe pas d’argument formel
intracérébrale clinique ou paraclinique pour contre-indiquer une APM en
cas de SEP. Il n’existe pas de démonstration d’une neuroto-
Les patientes ayant bénéficié d’un traitement neurochirurgi- xicité accrue des anesthésiques locaux en cas de SEP et tant
cal ou endovasculaire ayant exclu ces malformations béné- l’anesthésie que l’analgésie péridurale ont été réalisées avec
ficieront d’une prise en charge anesthésique similaire à n’im- succès pour le travail et l’accouchement des patientes attein-
porte quelle autre patiente. Pour les parturientes n’ayant pas tes de SEP [26].
bénéficié d’un tel traitement, il est essentiel de préserver une Dans un principe de précaution, on privilégiera les solu-
stabilité hémodynamique et d’éviter toute hypertension. Par tions diluées d’AL avec les concentrations les plus faibles
ailleurs les efforts de valsalva (efforts expulsifs) sont relati- permettant d’atteindre l’effet recherché. Les opiacés liposo-
vement contre-indiqués. lubles comme le sufentanil associés à de faibles concentra-
Dès lors l’APM trouvera ici plutôt une indication médi- tions d’AL permettront d’atteindre cet objectif. De même, en
cale qu’une contre-indication et permettra un accouchement présence de poussées de la maladie, en présence de lésions
par voie basse instrumenté indolore et sans efforts expulsifs médullaires objectivées à l’IRM, on évitera la rachianesthé-
ou une césarienne sans les risques de poussées hypertensives sie et les fortes concentrations d’AL. En cas de déficit neuro-
liés à l’intubation [25]. logique en postpartum, il sera primordial en concertation
avec le neurologue de faire le diagnostic différentiel entre
Paraplégie et tétraplégie une poussée de SEP et une complication de l’ALR [27].
En résumé, l’ALR périmédullaire pour l’analgésie obstétri-
Les patientes avec un niveau lésionnel supérieur à T10 ne cale, l’accouchement et la césarienne n’est pas contre-
perçoivent pas la douleur liées aux contractions utérines. Si indiquée chez les patientes atteintes de SEP. Il sera cepen-
le niveau est inférieur à T12, les contractions sont perçues dant important d’informer les patientes d’une augmentation
comme douloureuses. Le recours au forceps est plus fréquent de l’incidence des poussées de la maladie en postpartum et
en raison d’efforts expulsifs inefficaces. ceci, sans lien avec l’ALR pratiquée.
Un syndrome d’hyperréactivité du système nerveux auto-
nome (SHA) existe chez une majorité des patientes présen- Spina bifida
tant un niveau lésionnel situé en T6 ou au dessus et est carac-
térisé par une hyperactivité sympathique déclenchée par des Le spina bifida occulta est présent chez 10 % de la popula-
stimuli viscéraux ou cutanés divers. Cela entraîne des phé- tion, le plus souvent asymptomatique, caractérisé par une
nomènes d’hypertension artérielle paroxystique, de brady- absence de fusion de l’arc vertébral postérieur sans hernie
cardie, de flush ou de pâleur, de céphalées et pouvant générer de tissus nerveux et le plus souvent limité à une vertèbre,
des accidents vasculaires cérébraux. Ce SHA doit être pré- typiquement L5 ou S1.
venu par la réalisation précoce d’une analgésie péridurale Il s’agit la plupart du temps d’une découverte radiolo-
dès le début du travail [25-27]. Les déformations rachidien- gique fortuite [ 31]. Cette forme mineure complique donc
nes et les phénomènes de spasticité compliquent également rarement l’administration de l’APM, le défect étant situé
fréquemment ces lésions médullaires [27]. La présence de plus bas que le site de ponction habituel (L3-L4) et ce défect
matériel chirurgical au niveau du rachis lombaire peut poser osseux n’influençant pas la diffusion de l’anesthésie spinale
un problème technique mais ne contre-indique en rien une ou péridurale. En cas de spina bifida occulta intéressant plus
tentative d’anesthésie locorégionale (ALR). L’APM permet- de deux lames vertébrales la réalisation d’une IRM semble
tra de prévenir le SHA et lèvera les phénomènes de spasti- judicieuse [27].
cité. Les techniques d’anesthésie périmédullaires représen- Le spina bifida aperta est la forme sévère où la malforma-
tent également le premier choix en cas de césarienne [28]. tion entraîne une hernie de tissus médullaire et nerveux
On retiendra également que l’APM n’aggrave en rien les appelé myéloméningocèle. Le niveau et l’importance de
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cette malformation, le plus souvent lombaire ou sacrée, requête de la parturiente de voir ses douleurs soulagées est
détermine la symptomatologie consistant en une paralysie un critère suffisant pour accéder à cette demande [35,36].
de gravité variable, en l’existence de troubles sensitifs et
sphinctériens ainsi qu’en une hydrocéphalie nécessitant le
plus souvent une dérivation du LCR. Tatouages
La réalisation d’une analgésie obstétricale chez ces
patientes reste un challenge. La littérature à ce sujet est fort De nombreux anesthésistes restent réticents à la pratique de
pauvre et repose sur quelques petites séries de cas. Aucune l’APM en présence d’un tatouage dans la région lombaire
recommandation spécifique en la matière n’est disponible. Il [37]. Cette attitude est liée à la crainte théorique et jamais
existe chez ces patientes un risque accru de traumatisme décrite en pratique clinique de conséquences potentielles
direct des structures nerveuses et méningées. La diffusion liées à l’introduction de pigments colorés dans l’espace péri-
peut être imprévisible. Par ailleurs le cône terminal est sou- dural ou le LCR. Dès lors il faut considérer que l’APM n’est
vent situé plus bas [31-33]. pas contre-indiquée dans cette situation. Dans un principe de
précaution, on évitera, dans la mesure du possible, de ponc-
tionner une zone pigmentée. En cas d’impossibilité il a été
Anomalies et chirurgie antérieure du rachis suggéré par certains auteurs de pratiquer une incision cuta-
née centimétrique dans la zone pigmentée afin d’éviter d’in-
Aucun argument ne suggère une contrindication à l’APM en troduire des pigments en profondeur [38].
cas de lombalgies ni même de sciatalgie. L’anesthésiste
prendra soins de préciser la symptomatologie préexistante.
Les solutions diluées évitant le bloc moteur seront préfé- Conclusions
rées et le plus grand soin sera apporté au positionnement de
la parturiente au cours du travail et de l’accouchement [31]. Les contre-indications à l’ALR périmédullaire sont rencon-
En cas d’antécédent de chirurgie de type cure de hernie trées chez moins de 0,5 % des parturientes [2]. La connais-
discale ou laminectomie, l’APM reste possible et efficace sance précise de ces contre-indications doit permettre d’une
pour une majorité de patientes moyennant un abord situé part de ne pas exposer ces rares patientes à un risque majoré
1 ou 2 espaces intervertébraux plus haut que le niveau opéré. de complication mais également de ne pas priver de très
Néanmoins, des remaniements de l’espace péridural peuvent nombreuses parturientes des bénéfices de ces techniques au
entraver une diffusion homogène de la solution analgésique nom de contre-indications non fondées.
et aboutir à un taux de succès plus faible [31].
En cas de scoliose importante, il faut considérer une pro-
babilité accrue de difficultés techniques et d’échec plutôt que Références
parler de contrindication. Même en cas de présence de maté-
riel chirurgical de type tige de Harrington, il est possible 1. Polley LS, Glosten B (2004) Epidural and spinal analgesia/anes-
thesia. In: Chestnut DH (ed) Obstetric anesthesia: Principles and
dans certains cas de réaliser une APM. L’échorepérage voire practice. Elsevier Mosby, Philadelphia, p 324-348
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à l’origine d’une prolongation du travail et d’une augmen- 5. Anim-Somuah M, Smyth R, Howell C (2005) Epidural versus
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tation de taux de césariennes. Une étude récente prospective Rev CD000331
et randomisée sur plus de 12 000 parturientes a démontré 6. Palot M, Leymarie F, Jolly DH, Visseaux H, et al (2006) Request
qu’une APM placée dès 1 cm de dilatation cervicale n’alté- of epidural analgesia by women and obstetrical teams in four
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par rapport au placement à une dilatation supérieure à 4 cm. 7. Van Houwe P, Heytens L, Vercruysse P (2006) A survey of obs-
Il convient donc de considérer que quel que soit le stade de tetric and anaesthesia practice in Flanders. Acta Anaesthesiol
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