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Le dessein de Dieu dans l’ecclésiologie de Joseph Ratzinger : des

débuts jusqu’en 2005

Introduction
La théologie de Joseph Ratzinger s’est essentiellement développée durant la deuxième
moitié du XXe siècle dans une succession de bouleversements doctrinaux et de réformes ecclésiales.
Face à une telle période de crises, la tâche de la théologie est de se livrer à une investigation patiente
et critique pour redéfinir l’intelligence de la foi et les nouvelles possibilités de son expression. Cette
exigence a imprimé à l’ecclésiologie du penseur allemand la quête incessante d’un concept
théologique intégrateur, capable de fédérer l’essentiel des notions par lesquelles l’Église est
désignée. Par les notions majeures comme « peuple de Dieu et corps du Christ », « Révélation de
Dieu dans l’histoire », « fraternité chrétienne », « sacrement universel de salut » et « communion »,
Ratzinger a donc essayé d’exprimer, entre autres, l’origine et l’identité, la mission et la finalité du
sujet « Église ». À terme, on se retrouve après un demi-siècle de recherche théologique en présence
de plusieurs notions qu’on peut caractériser en fonction de l’évolution de la science ecclésiologique
de l’auteur. Autrement dit, chaque dénomination mise en lumière par Ratzinger se réfère à une
période de construction théologique précise, sans pour autant signifier la mise au rebut des autres
désignations. Cette réalité donne au lecteur non-averti l’impression d’une ecclésiologie en perpétuel
état de révision. On pourrait alors se demander s’il existe chez Ratzinger une catégorie théologique
fondamentale capable de conférer aux différentes notions ecclésiologiques élaborées une unité de
sens.
Dans la recherche ici proposée, nous avons répondu à cette question de départ en
caractérisant l’ecclésiologie de Ratzinger suivant quatre périodes de sa construction. La première
traite de l’Église, peuple de Dieu et corps du Christ dans l’unité du dessein de Dieu (1951-1962).
La deuxième exprime le dessein universel du salut du Père par la médiation du Verbe dans les
contributions de Ratzinger au Concile Vatican II (1962-1965). Quant à la troisième partie, elle
étudie l’Église comme une grandeur sacramentelle, et plus spécifiquement sous l’angle de sa réalité
de communion dans le dessein de Dieu (fin des années 60 jusqu’aux débuts des années 90). La
dernière construction s’attache à défendre la caractérisation d’une ecclésiologie du dessein de Dieu
dans les œuvres tardives de Joseph Ratzinger (des débuts des années 90 à 2005). Ce résultat
confirme donc les premières orientations données par notre question de départ dont nous allons
reprendre brièvement les quatre principaux axes.

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1. L’Église, peuple de Dieu et corps du Christ dans l’unité du dessein de Dieu
(1951-1962)

L’adhésion de Ratzinger à l’ecclésiologie du dessein de Dieu se caractérise à partir de trois


grands développements. Le premier, plus spéculatif, embrasse l’union réelle des créatures humaines
à Dieu par la médiation du Christ et par la foi. Le deuxième aborde la catégorie du peuple de Dieu
en l’insérant dans l’unité de la foi de l’Église appelée « corps du Christ ». Le troisième, plus concret
et pragmatique, concède au vécu de la fraternité chrétienne, une vocation ecclésiale dans le « dessein
de Dieu ».
Nous avons, en effet, recueilli une première compréhension de l’idée de l’Église dans son
rattachement à l’histoire du salut et à la Révélation. L’insistance sur la catégorie de la Révélation est
à dessein : c’est parce qu’elle est très peu soulignée sinon oubliée par les interprètes de l’ecclésiologie
de Ratzinger. C’est pourtant essentiellement par elle que l’Église est décrite comme un projet
unique et une totalité. La communauté humaine dont l’unité est visible en Adam est le bénéficiaire
de ce projet. Nous avons relevé que Ratzinger, durant cette période, parle très peu de ce dessein au
sujet des créatures invisibles et spirituelles que sont les anges. Cette quasi-absence n’est pourtant
pas un défaut. L’insistance sur l’Église de la création et de la rédemption dans le Christ relève d’une
option méthodologique s’opérant dans un double mouvement descendant (exitus) et ascendant
(reditus). Dans un tel processus, le point de départ se trouve dans la décision de Dieu de créer
quelque chose qui n’est pas consubstantiel à lui. Tous les êtres créés sont l’expression de la gloire
de Dieu et de son plan d’amour sur le monde. Ratzinger, pour avoir étudié les saints Augustin et
Bonaventure, connaît cette Église d’intention divine. Il connaît l’Église de la gloire, la Cité sainte,
la Jérusalem nouvelle qui « descendait du Ciel d’auprès de Dieu », apprêtée pour les hommes
« comme une fiancée parée pour son époux » (Ap 21, 2). Mais il connaît aussi l’ecclesia ab Abel, don
de la création, visible dans l’offrande que le premier juste, et par lui tous les justes de la communauté
humaine présentent à Dieu, en réponse à son amour premier. À chaque étape de l’analyse des textes
de cette recherche, cette économie est inscrite dans la double perspective humaine et divine, visible
et invisible de l’Église. L’Église est la communauté qui réunit l’humanité entière en qui Adam créé
à l’image et à la ressemblance de Dieu symbolise l’unité. La conception ratzingérienne de l’Église,
unité du dessein de Dieu et visible en Adam est exactement celle d’un Henri de Lubac qui reprend
lui-même les intuitions fondamentales de saint Irénée de Lyon1. Chez Ratzinger, il faut toutefois
insister sur le caractère profondément christocentrique de cette dimension, par lequel il dénie au

1IRENEE DE LYON, Adv. Hæreses, 4, 6, 7 (PG VII, 990) ; 4, 9, 3 (PG VII, 998), cité par H. DE LUBAC, Catholicisme. Les
aspects sociaux du dogme, Paris, Cerf, 19525, p. 9-10.

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péché de faire partie de ce dessein, car Dieu est sans idée du mal2. Le péché corrompt toutefois la
création, défigure l’image de Dieu en l’homme et incurve le projet de Dieu, sans pour autant en
faire un autre plan pour le monde. Mais si Ratzinger souligne que le péché n’atteint pas la réalité
théologique de salut qu’est l’Église, c’est pour que ce salut soit proposé intact à l’homme pécheur
appelé à la communion de vie avec le Père. Ce salut n’est visible que dans le Fils par qui l’Église est
la réunion des créatures vivant de la filiation adoptive. Par son incarnation rédemptrice, le Fils,
nouvel Adam et premier-né de la création restitue à la totalité de l’humanité et à la création entière
la forma Dei. Il redonne à l’homme sa dignité de créature à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Mais Ratzinger le bonaventurien croit que cette foi en l’incarnation est déjà anticipée depuis
l’origine de la création (semina) comme figures (arbores figurarum) de la grâce (fructus)3.
L’on pourrait objecter qu’une telle conception de l’Église comme unité du dessein de Dieu
fait peu cas de l’histoire de sa naissance dans le Nouveau Testament. L’Église serait alors une réalité
mythique si l’instance de la foi en l’incarnation, décrite dans les figures sacramentorum
vétérotestamentaires, couvrait cette historicité jusqu’à l’évanouir4. À la vérité, c’est pour démontrer
l’existence permanente de l’Église dans le dessein de Dieu que Ratzinger nous a appris à ne pas
considérer l’historicité de l’Église comme une fragmentation du cours du temps. Par la foi
vétérotestamentaire en l’incarnation à venir, nous devons plutôt accueillir les différentes phases de
l’histoire du salut comme figures historiques du Christ et de son Église. La foi met alors en évidence
un processus permanent de « l’union au Christ-Dieu par l’union au Christ-homme »5. L’insistance
sur le rôle de l’humanité du Christ pour le dévoilement de sa divinité n’a pas qu’un intérêt théorique.
D’un côté, elle manifeste l’unité de la grâce de la foi accueillie dans les différentes phases de
l’histoire du salut et donc l’unité de tous les hommes dans le nouvel Adam. Par l’accueil de
l’incarnation à venir, la grâce de la foi reçue avant le Christ est déjà une grâce venant
mystérieusement de l’union avec le Christ lui-même et donc aussi avec son Église. D’un autre côté,
la fides mediatoris est anticipée chez tous les justes qui ont vécu avant le Christ. En eux, le caractère
concret de la grâce de la nouvelle Alliance deviendra une réalité visible et chrétienne grâce à
l’incarnation rédemptrice. Il nous semble que cette conception de l’économie divine, Ratzinger la
reçoit de saint Augustin et des grands maîtres de la scolastique que représentent saint Bonaventure
et saint Thomas. C’est pourquoi il soutient que la valeur historique au sens de fragmentation du
cours du temps n’est pas constitutive du contenu de la foi. Elle lui est plutôt accidentelle. Avec
cette vision de totalité centrée sur le motif de la foi en l’incarnation, il situe l’Église dans la sphère

2 J-M. GARRIGUES, Dieu sans idée du mal. La liberté de l’homme au cœur de Dieu, Limoges, Criterions, 1982, p. 61 s.
3 La théologie de l’histoire, trad. Robert GIVORD, Louis BURGER et Françoise VINEL, Paris, Quadrige/PUF, 2007, p. 44.
4 « Ce qui est historique dans l’Église réside en un certain sens à l’extérieur de ce par quoi elle est Église », Peuple et

maison de Dieu dans l’ecclésiologie de Saint Augustin, trad. Éric IBORRA, Paris, Artège Lethielleux, 2017, p. 396.
5 Op. cit., p. 396.

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théologique. Ainsi l’Église en tant que réalité théologique est l’autorité intérieure de l’unique foi
déployée dans toutes les périodes de l’histoire du salut, d’où sa nécessité comme une unique et
même Église de tous les temps6.
La nécessité et l’unité de la foi de l’Église de tous les temps constituent, de ce qui précède,
le critère théologique fondamental de sa désignation comme « peuple de Dieu ». On ne sera pas
surpris de retrouver ici, dans un deuxième moment, comment l’auteur assume la pluralité
analogique de l’appellation « peuple de Dieu ». Ratzinger comprend en effet cette dénomination
dans le sens d’un accomplissement de l’Église, à la manière d’un saint Augustin pour qui « les
prophètes ont moins clairement parlé du Christ que de l’Église »7. À cet accomplissement, il attribue
deux orientations conceptuelles majeures. La première s’inscrit dans la nature historico-dialogique
de la Révélation qui se manifeste dans l’Alliance avec le peuple élu. Toute la Bible, nous enseigne
Ratzinger, est l’écho d’un dialogue, d’un échange historique de Dieu avec son peuple. L’expression
« peuple de Dieu » à ce propos, désigne d’abord Israël en vertu de la réponse de foi que celui-ci
donne à l’Alliance conclue avec son Dieu et c’est en cela qu’elle prépare l’Église visible.
La seconde orientation souligne la nature sacramentelle de ce dialogue, typologiquement
constitué par l’attente de l’accomplissement de la promesse de la venue du Messie. Par cette attente
du Messie, tout le peuple d’Israël représentant « une seule personne » est en marche vers le lieu
définitif du repos de toute la création, le sabbat de la Torah. La sacramentalité du dialogue conduit
ainsi historiquement tout Israël vers une Alliance nouvelle et éternelle dont l’Église, « corps du
Christ » et « temple de l’Esprit Saint » en sera la visibilité dans l’histoire. Ainsi l’ecclésialisation du
signe de la nouvelle Alliance exige-t-elle la relecture typologique des actes et des paroles du culte
de l’ancienne Alliance. Une telle ecclésialisation est « médiatisée » par et dans le corps du Christ.
Elle inclut l’universalisation du peuple de Dieu. En définitive, si la catégorie du « peuple de Dieu »
vise l’universalité du salut de l’humanité selon le telos de la création, ce salut n’est en revanche pas
possible sans l’Église du corps du Christ. Ratzinger découvre que l’Église est peuple de Dieu dans
et par le corps du Christ. De fait, cette thèse est une variante de celle que cette recherche a
défendue : l’Église n’est peuple de Dieu et corps du Christ que dans la totalité du dessein de Dieu.
À partir des notions du corps du Christ et du dessein de Dieu, dans une troisième réflexion,
Ratzinger situe la catégorie de la fraternité chrétienne dans l’ensemble du peuple de Dieu. Le
dessein de Dieu commence par le Christ par qui tout est créé. Tous les hommes sont voulus frères
et sœurs du Christ. Aussi l’histoire du peuple de Dieu décrite comme une histoire des frères de

6 Se référer à « Wesen und Weisen der auctoritas im Werk des hl. Bonaventura », in Gesammelte Schriften,
Offenbarungsverständnis und Geschichtstheologie Bonaventuras, (JRGS 2) Habilitationsschrift und Bonaventura-Studien, Hg.
von Ludwig Müller, Freiburg-Basel-Wien, Herder in Zusammenarbeit mit LEV, 2009, p. 750.
7 SAINT AUGUSTIN, Enarrationes 2a in psalmos 30 : (PL XXXVI, 244).

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sang devient-elle l’histoire de la formation de l’Église, communauté de frères unis par les liens de
la foi. Cette communauté chrétienne en soi est une « personnalité corporative » qui grandit à la
manière d’une « con-corporation » grâce aux sacrements. La réalisation de cette fraternité de foi est
interprétée dans une théologie de repræsentatio et de substitutio, initiée par Karl Barth et revisitée par
Ratzinger dans les termes d’une théologie du dessein de Dieu. Car parler de dessein de totalité
salvifique, c’est envisager une élection dialogique dans laquelle l’élu est élu au profit des frères d’une
part, et de la multitude d’autre part. L’enjeu consiste à appliquer à l’Église le duplex ordo de l’intention
divine que nous avons caractérisé dans la double dimension universelle et personnelle de l’identité
de l’Église. Si nous avons mis en lumière ce rôle de repræsentatio que lui confère Ratzinger, c’est pour
montrer que toute l’Église représente une personne, « un unique frère ». L’accomplissement du
dessein d’universalité du salut pour le monde passe nécessairement par ce « frère ». Par cette
manière d’honorer la thématique de la fraternité en la relevant au rang d’un projet divin, Ratzinger
ouvre un chemin à l’ecclésiologie de la fraternité. Il personnalise et universalise l’Église. Le
processus découle de l’œuvre du salut, opérée par la mort et la résurrection du Christ, célébrée dans
les sacrements dont notamment le baptême et l’eucharistie. Ainsi la grande fonction vicaire du
Christ, par laquelle il nous constitue « fils adoptifs du Père » et « ses propres frères » devient un
acquis positif pour la théologie du dessein de Dieu. Deux motifs l’attestent.
Le premier se présente dans l’acte pascal du Christ au moyen duquel l’Église naît et renaît
de son côté ouvert. Il est l’acte fondateur de notre fraternité entre nous et l’acte paradigmatique
que chaque chrétien est appelé à imiter. Perçu comme le dynamisme intérieur de la fraternité entre
chrétiens, il se refuse d’être une vertu simplement intra-ecclésiale. L’Église est « un frère », non
seulement parce qu’elle se régénère à chaque eucharistie, mais aussi parce qu’en celle-ci, elle réalise
sa mission de diaconie envers le monde, par la croix. Cette dimension dénommée « exode, sortie
de soi » par Ratzinger, indique la voie missionnaire de l’ouverture de l’Église au monde, moyennant
le chemin de la souffrance et du martyre, conformément aux paroles du Seigneur : « s’ils m’ont
persécuté, ils vous persécuteront aussi » (Jn 15, 20).
Le second motif attestant de l’universalisation ecclésiale à partir de la notion du « frère » se
traduit dans la mise en évidence de l’Église comme chemin et but du dessein de Dieu. La fraternité
de l’Église est ici le signe et l’instrument par lesquels le salut de Dieu s’accomplit dans l’histoire.
Sans la perspective sacramentelle, en effet, la catégorie du frère elle-même est vouée à n’être qu’un
cadre sociologique, affectif et romantique, trop plat pour exprimer la puissance de la Révélation et
du salut de Dieu. Aussi la découverte d’une ecclésiologie axée sur l’unité de la Révélation et dont
la clé d’intelligibilité s’enracine dans l’unité du peuple de Dieu par le corps du Christ avait-elle déjà
préparé Ratzinger contre cette platitude.

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2. Le dessein universel du salut du Père par la médiation du Verbe : Ratzinger au
Concile Vatican II (1962-1965)
Ratzinger ne soutient pas la thèse selon laquelle la notion du peuple de Dieu serait le cœur
de l’ecclésiologie du Concile Vatican II. Depuis la croissance du schéma « De Ecclesia » jusqu’aux
commentaires sur la constitution Lumen Gentium, l’auteur n’a pas varié ses premières conclusions :
l’Écriture Sainte, selon lui, n’a donné aucune définition de l’Église. Elle l’a plutôt présentée sous
divers aspects, images et notions qui, dans une perspective globale, décrivent le mysterium qu’elle
représente. Or nous avons clairement montré que pour Ratzinger, ce mysterium c’est le Christus totus,
tête et corps. Nous aboutissons ainsi à la même conclusion que la première partie de ce travail,
mais par une autre voie : l’Église est un projet assurant l’unité des mystères de l’économie divine
du salut. Notre auteur la définit essentiellement comme le sacrement de la présence et de la
médiation du Verbe de Dieu dans l’histoire. La catégorie du dessein de Dieu que nous avons mise
en lumière dans cette période conciliaire est intimement rattachée aux rapports existant entre Église
et Révélation. Ratzinger est l’un des tout premiers experts du Concile à avancer la thèse selon
laquelle Dei Verbum est le socle théologique de Lumen Gentium qui, de son côté, est la référence
théologique et formelle de Dei Verbum. Cette conception est plus tard reprise dans l’audience
générale du pape Benoît XVI en 20128. L’Église, annoncée en figure dès l’origine de la création est
le dessein universel de salut du Père éternel. Dans ce mystère d’unité et de totalité que représente
le Christ, elle est le projet bienveillant de Dieu pour la création et pour l’homme (LG 2). C’est ce
dynamisme de totalité et d’unité que Dei Verbum exprime comme disposition de sagesse et de bonté
de Dieu. L’ « Église » peut être dite « dessein de Dieu » puisqu’elle est associée du dedans au
mystère de la volonté de Dieu, « grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent
dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (DV 2). Les
deux constitutions dogmatiques se complètent et s’éclairent donc mutuellement de l’intérieur.
Cette ecclésiologie est favorisée par un ajustement d’ordre épistémologique, relatif au
rapport entre l’ordre de l’être et l’ordre de la connaissance. La priorité redonnée à l’ordre
ontologique durant le Concile remet au premier plan la dimension théologique de l’Église et fait
d’elle le motif ultime pour lequel Dieu décide de se révéler dans l’histoire. L’Église est non
seulement le but de la Révélation, mais aussi sa raison d’être. Partant, l’histoire des Alliances de
Dieu avec son peuple développe la reconnaissance implicite de l’Église depuis les origines de la
création et de l’humanité. L’acte de foi en la création, en quoi est établie la reconnaissance qu’elle
est une œuvre divine, découle de la foi implicite en la vocation de l’Église de procurer le salut. À

8 Benoît XVI, « Dieu révèle son dessein bienveillant », Audiences générales du mercredi 5 décembre 2012, p. 2,
https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20121205.html

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côté donc de la raison et de la finalité de la Révélation, l’Église est aussi le chemin conduisant au
terme du voyage. Elle fournit à l’homo viator les biens du salut visibles dans les sacrements. Elle
construit de cette manière le Royaume de Dieu dont elle est la partie pèlerine sur terre, grâce à son
union sacramentelle avec son Seigneur. Ainsi la Révélation reconduit-elle à un sujet historique,
l’Église, qui grandit dans le temps et l’espace, mais demeure toute tendue, dans l’unité avec son
Seigneur, vers la fin des temps. On comprend alors la ferme mise en garde de Ratzinger contre
l’herméneutique de rupture qui, dans une première relecture du Concile, s’est emparée du concept
« peuple de Dieu » et en a fait le tout de l’ecclésiologie conciliaire. Isolée de sa perspective
sacramentelle ou pneumatique, la notion de « peuple de Dieu » devient une caricature de
l’ecclésiologie conciliaire.

3. Église, sacrement et communion dans le dessein de Dieu (fin des années 60


jusqu’en 1992)
La thèse selon laquelle la notion de « peuple de Dieu », livrée à elle seule, ne peut servir de
clé de compréhension à l’ecclésiologie conciliaire découle des travaux antérieurs du théologien
allemand. À ce titre, elle s’entend comme une confirmation de ses premiers résultats au sujet de la
relation étroite discernée entre Église, histoire et Révélation chez Augustin et chez Bonaventure.
Dans la ligne du Concile, Ratzinger désigne alors l’Église comme « sacrement universel du salut »
et « mysterium salutis ». À ses yeux, c’est en ce sens qu’elle est dessein bienveillant divin, d’où découle
le principe sacramentel. L’adhésion à la sacramentalité de l’Église fondée elle-même sur la catégorie
du dessein divin corrige les théories réductrices du peuple de Dieu. Le principe sacramentel
intimement solidaire de la notion du dessein intègre le niveau d’historicité du salut. Dans ce salut,
l’histoire de la création et de l’homme est récapitulée. Par les textes que nous avons étudiés, nous
avons montré comment ce principe mis en œuvre par Ratzinger féconde théologiquement les
critères symboliques et les processus historiques et communautaires de l’histoire devenant histoire
du salut par la Révélation et la foi. Sur le même principe sacramentel, se fonde l’interprétation
typologique de l’Ancien Testament. On sait combien Ratzinger tient à cette relecture typologique
qui repose sur le mysterium Christi, par qui et en qui l’unité du dessein de Dieu est rendue visible. La
sacramentalité de l’Église représente à ce sujet la continuité historique et pneumatique de l’agir de
Dieu dans les missions du Fils et de l’Esprit.
Il nous faut ici évoquer les difficultés rencontrées dans la mise en évidence du rapport entre
l’Église dans le dessein de Dieu et la qualification de communion donnée à l’ecclésiologie conciliaire
par Ratzinger. Nous avons découvert que le refus de voir dans l’unique terme du « peuple de Dieu »
la clé d’intelligibilité de l’ecclésiologie du Concile a inauguré chez l’auteur une autre ligne de travaux

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dans lesquels l’Église est simultanément définie comme sacrement universel de salut, peuple de
Dieu par le corps du Christ, ecclesia tou theou, et enfin comme communion. À ce propos, une question
semble mériter notre attention. Elle découle de l’insistance progressive de Ratzinger sur le terme
« communion » qu’il tient pour une notion fédératrice des diverses expressions de l’ecclésiologie
conciliaire. Cette soumission des autres notions à une seule désignation semble contrevenir à sa
vision d’une expression plurielle et riche de l’être sacramentel de l’Église. Selon l’urgence de la
période postconciliaire, l’Église devait exprimer à la fois le dynamisme de l’unité du plan divin de
salut ainsi que de ses étapes intermédiaires, la participation sacramentelle effective de l’ecclesia aux
biens du salut, l’ouverture vers l’œcuménisme, une nouvelle perspective de la mission envers les
religions non-chrétiennes et une nouvelle vision du dialogue avec les juifs. Le prélat allemand,
devenu préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi condense alors ces divers éléments
dans l’unique catégorie de « communion ». Faudrait-il y voir dans la science ecclésiologique de
Ratzinger un changement d’accent requis par l’urgence du moment ? Nous avons montré dans
notre recherche que ce nouveau point de départ s’inspire de sa formation patristique. La
communion en tant que participation aux biens du salut est, selon les Pères, sacrement de
participation au mysterium du Christ et de son corps qu’est l’Église. Elle insère tout baptisé dans
l’ecclesia, le nom que l’Église se donne. Elle opère cette insertion grâce à l’eucharistie que Ratzinger
considère, non pas comme une étape passagère de l’histoire du salut, mais comme ce que visait le
repos du 7ème jour de toute la création, le reditus de toutes choses en Dieu. Ainsi dans le dessein
salvifique de Dieu, l’utilisation de la notion de communion situe l’Église aussi bien dans la visibilité
des biens du salut que dans leurs propriétés invisibles.
Nous avons en outre montré que la communion est également rapportée à l’unité de « la
personne-Église », fondée dans les relations trinitaires, et visible dans les missions du Fils et de
l’Esprit. En tant que sacrement de l’unité, la notion se réfère à la catholicité de l’Église dans laquelle
s’insère la communion des saints. Ratzinger y fait aussi appel pour définir la relation entre l’Église
particulière et l’Église universelle. Dans une telle diversité de rôles, il n’est pas étonnant que
l’actualité ecclésiologique donnée à la notion par la théologie moderne et accueillie par Ratzinger
l’ait éloignée progressivement de la définition stricte reçue des Pères.
Si l’on considère la communion du point de vue des premiers résultats des premiers travaux
sur les Pères, l’apport du théologien allemand est positif. Mais si on la voit sous le rapport d’une
« synthèse » des différentes notions et images de l’ecclésiologie conciliaire, comme l’auteur a essayé
de l’élaborer dans une troisième phase de la construction de son ecclésiologie, il faut constater
l’échec de sa juste réception. La tentative ratzingérienne de déterminer une « ecclésiologie de
communion » par le critère d’une priorité ontologique et temporelle de l’Église universelle sur les

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Églises particulières s’est soldée par de vives critiques. L’approche, bien qu’elle soit justifiée, a buté
contre des oppositions qu’il n’a quasiment pas été possible de surmonter. Le chercheur a pourtant
tenté d’unir de l’intérieur le langage théologico-sacramentel et la relation à la priorité ontologique
et temporelle de l’unique sujet-Église. Mais ces deux axes de défense de son ecclésiologie de
communion ont été dissociés et juxtaposés par le débat théologique, sans connexions réciproques,
bien qu’ils désignent la même réalité, la nature de l’Église, sa raison d’être et sa finalité en Dieu. En
définitive, économie et théologie semblent se tenir à distance l’une de l’autre. Ratzinger lui-même
observe que la désignation de la communion qui n’était pas à l’abri d’une horizontalisation est
devenue « un mot à la mode », ou « un slogan » qui culmine dans les questions de « répartition de
rôles ou de compétences ». Nous pouvons soutenir que le discours du théologien allemand échoue
à emporter la totale adhésion.
Mais plus qu’un simple échec à convaincre, l’ « option totale » pour l’unique notion de la
communion ne semble-t-elle pas reléguer, du point de vue méthodologique, l’approche de la
Révélation dans un rôle de second rang ? Ratzinger a-t-il assez jugé, dans ses travaux, de la
différence herméneutique entre le terme patristique de la communion et son emploi moderne ?
L’auteur lui-même s’en préoccupait dans l’une de ses communications, donnée en 1983 :

Le point de départ de mes réflexions est issu de la question : qu’est-ce que la « comunità » ?,
« Gemeinde » ?, « Gemeinschaft » ?, « Communio » ? Est-ce que tout cela va ensemble ? Le problème de
notre langage sacramentel et ecclésiologique m’a aussitôt montré le problème de la chose elle-même.
Les déterminations de notre langue ne correspondent pas au schéma de langage et de pensée de la
Bible et de la grande Tradition […]. D’autre part, surgit la difficulté d’exprimer ce que l’on veut dire
avec les moyens de notre langue. Puisque nous n’avons pas à notre disposition un mot qui
corresponde à la synthèse biblique des différentes significations, j’ai souvent employé des mots
comme « Kommunion » ou communio pour arriver à éclaircir à peu près les connexions dont il est
question. Cependant, je n’ai pas pu trouver une solution entièrement satisfaisante à ce problème
linguistique et un certain arbitraire dans le choix des mots était parfois inévitable9…

Cet aveu est significatif de l’évolution de son ecclésiologie. Nous pourrions même avancer,
comme nous avons pu le mettre en œuvre, qu’il est la raison majeure qui a motivé plusieurs points

9 « Communio : Eucharistie – Communauté – Mission », dans Faire route avec Dieu, L’Église comme communion, trad.
Maria Linnig, Paris, Parole et Silence, 2003, 20052, p. 54. Il avait déjà, dans un article « Droit de la communauté à
l’Eucharistie : la “communauté“ et la catholicité de l’Église » rédigé en 1982, opposé un refus catégorique à
l’assimilation ou à la substitution de l’ecclesia par le terme « communauté ». Cette mise en garde au sujet de la signification
du terme « communauté » semble avoir été occultée par l’auteur lui-même quand il motivait la perspective de la
communion comme une notion fédératrice des différentes désignations de l’ecclésiologie conciliaire.
L’horizontalisation abusive de la communion, de notre point de vue, vient pour une large part de l’accent mis
entièrement sur le sens sociologique de la « communauté » contre la signification théologique de l’ecclesia.

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de départ de son approche ecclésiologique. S’il faut en effet thématiser, entre autres, la notion de
« communio » et celle du « dessein de Dieu », les deux concepts couvrent quasiment toute la période
des recherches de l’auteur allemand. La communion est certes constitutive d’un donné de foi,
exprimé en théologie biblique et reçu par la tradition des Pères de l’Église. C’est pourquoi elle
intègre déjà d’une certaine façon l’idée de dessein. Mais pour Ratzinger, la référence à l’origine
patristique et sa confrontation avec l’herméneutique de Vatican II réussit ou échoue, selon qu’on
interprète le Concile dans une perspective de « continuité discontinue » ou de rupture radicale face
à la grande Tradition de l’Église. Au nom de cette relation interne et nécessaire, le mode de
communication de la vérité dogmatique est l’unité dans la nouveauté, dans l’évolution de la
compréhension du donné révélé. Si nous appliquons cette vérité à l’idée de l’Église, nous
retrouvons une autre confirmation de sa désignation non seulement comme une intention du projet
divin, le chemin et le but du dessein de Dieu, mais surtout comme un sujet du dessein de Dieu. En
effet, « [l’Église] est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant
toujours le même, l’unique sujet du Peuple de Dieu en marche »10. Dans une herméneutique de
rupture, l’élément de « dessein de Dieu » est soit supprimé, soit renvoyé en second rang. Il ne fonde
plus l'enracinement théologique et téléologique de l’Église. L’ecclésiologie de communion perd
alors toute centralité et toute envergure théologiques.
Somme toute, d’un côté, émerge une critique poussée à fond contre la construction d’une
ecclésiologie de communion dans laquelle l’élément théologique est minoré ou gommé. De l’autre
côté, est posé le principe de réintégration de l’élément théologique dans l’économie (toute activité
de Dieu par rapport à la créature), moyennant l’herméneutique de la « continuité discontinue » de
l’unique sujet-Église. De fait, ces deux axes ecclésiologiques de « communion » et de « dessein de
Dieu » ne s’opposent pas. Si objective que puisse paraître la critique contre le devenir de la
communion, elle ne signifie pas pour autant la mise au rebut de la notion. D’ailleurs, celle-ci est
clairement remise en lumière en 2002 dans l’intitulé Faire route avec Dieu, l’Église comme communion11 et
dans la préface de 2011 rédigée pour l’édition du premier volume des Gesammelte Schriften. Le titre
donné au recueil de 2002 montre bien qu’on ne peut pas sérieusement soutenir que l’auteur
allemand ait abandonné le concept ecclésiologique de communion. Cependant, pour motiver les
accords et dissiper les réserves que le terme provoque face à sa nouvelle acception théologique

10 BENOIT XVI, Extrait du discours du 22 décembre 2005 du pape Benoît XVI à la Curie romaine, reçu dans Revue thomiste
Janvier-Mars 2010, p. 14.
11 Weggemeinschaft des Glaubens. Kirche als Communio, (Hrsg. v. Schülerkreis), Augsburg, 2002, 151–179. Les éditeurs, venant

pour la plupart du Schülerkreis du professeur Ratzinger, entendent faire de ce volume l’actualité des positions
ecclésiologiques fondamentales de l’auteur allemand. L’introduction qu’ils donnent pour l’expliquer décrit la matière
de l’ouvrage, comme la contrepartie ecclésiologique de Wiederauffinden der Mitte. Grundorientungen. Vom Wiederauffinden
der Mitte. Texte aus vier Jahrzehnten. Schülerkreis (Hg.), St. O. Horn, V. Pfnür, V. Twomey, S. Wiedenhofer, J. Zöhrer
(Redaktion), Freiburg/Basel/Wien, 19982.

10
postconciliaire, l’auteur s’oriente de plus en plus vers la notion de « dessein de la personne-Église ».
Il la fonde plus profondément dans les catégories de l’Alliance et de la Révélation.

4. Caractérisation d’une ecclésiologie du dessein de Dieu dans les œuvres des


années 90 à 2005
Nous pouvons, dans une dernière construction de la pensée ecclésiologique du pape
théologien, dresser le tableau des catégories construites elles-mêmes à partir des différentes étapes
de l’histoire du salut, relues dans leur unité christologique et pneumatologique. Le refus d’appliquer
l’expression « peuple de Dieu » à l’Église selon le sens littéral se consolide dans un nouveau motif.
Sans abandonner la notion de corps du Christ et de communion, Ratzinger revient au motif
sacramentel de l’Église comme chemin de dessein de Dieu. C’est précisément à ce motif que le
pape Benoît XVI associera en 2012 le critère fondamental de l’acte de la foi : « Qu’est-ce que l’acte
de la foi ? C’est la réponse de l’homme à la Révélation de Dieu qui se fait connaître, qui manifeste
son dessein bienveillant »12. C’est dans l’acte de la foi ecclésiale qu’on accède à l’analogie de la foi
par laquelle Ratzinger considère l’Église comme la réalité ultime vers laquelle convergent toutes les
Alliances nouées et rompues avec Israël. L’Église est l’Alliance nouvelle et éternelle que le Christ a
conclue par son sang pour le salut de toute l’humanité. Elle ne se substitue pas à Israël. Elle l’ouvre
à une dimension jamais imaginée, et l’universalise dans une triple consécration prophétique,
sacerdotale et missionnaire de l’unité avec le monde. L’Église, ordonnée à Israël et aux nations en
tant que « nouveau peuple de Dieu » auquel tous les hommes sont appelés à faire partie, est une
« continuité discontinue ». À ce titre, elle est un organisme qui grandit dans le temps et a besoin de
se renouveler. Selon la même analogie de la foi, elle est une personne en Marie, d’autant qu’elle voit
en la Mère du sauveur, son type et son prototype parfaits. L’ecclésiologie du dessein de Dieu chez
Ratzinger ne peut donc se passer de la théologie de l’histoire et de la Révélation qui permet de saisir
toutes les composantes de cet unique dessein dans un tout cohérent et vigoureux. Les orientations
données à notre question de départ sont ainsi corroborées.
Si l’on admet la vérité de ce nouveau registre de langage, le parallèle que l’on observe dans
la production ecclésiologique de Ratzinger est effectivement plein d’enseignements. Mais alors, la
quête perpétuelle et jamais achevée d’une meilleure expression de l’unique sujet-Église ne provient-
elle pas de cette impuissance du langage humain à dire dans une seule perspective le mystère de
Dieu et de l’Église ? Cette quête aurait été incomplète et serait restée à l’état de maquette si elle
n’avait pas su embrasser, dans l’unité des successives temporalités déployées par l’œuvre de

12 Benoît XVI, « Dieu révèle son dessein bienveillant », Audiences générales du mercredi 5 décembre 2012, p. 3,
https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20121205.html

11
Ratzinger, les notions et les concepts majeurs par lesquels il a caractérisé l’Église. À travers ces
concepts et ces notions qui traversent la recherche ici proposée, nous avons dégagé les lignes
fondamentales d’une ecclésiologie du dessein de Dieu que notre intuition de départ a décelée.

Conclusion
Parce que le Christ, le Fils unique du Père est la Tête du corps qu’est l’Église, celle-ci
constitue la confluence de l’œuvre éternelle et de l’œuvre temporelle de Dieu, de l’œuvre divine ad
intra et de celle ad extra. L’Église assume ainsi la totalité de l’ordre de la création, de la rédemption
et de la récapitulation de toutes choses en Dieu. La clé de voûte autour de laquelle Ratzinger élève
une telle construction, c’est la catégorie du dessein de Dieu. Celle-ci est l’objet formel de la
Révélation. C’est pourquoi l’auteur défend vigoureusement une unique Église de la continuité entre
théologie et économie, entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre la Loi, la promesse et leur
accomplissement, entre le peuple de Dieu et le corps du Christ. Nous avons vu que cette
herméneutique de dessein se présente comme la ratio ecclesiæ fondant toutes les qualifications par
lesquelles l’Église est désignée. C’est à ce titre que le dessein de Dieu est leur assise théologique et
leur point de synthèse, donnant l’explication ultime de tout le mystère que représente l’Église. Dans
une telle perspective, l’Église est non seulement le projet, mais elle est aussi le chemin de son
accomplissement. Elle est enfin le lieu de l’épiphanie totale de l’amour du Père qui nous fait filii in
Filio. En définitive, Ratzinger nous aura appris qu’entre la vie divine ad intra et son œuvre ad extra
dans laquelle le Fils nous fait bénéficier de ce dessein d’amour du Père par l’Esprit, il y a une réelle
correspondance. Nous pensons que là se trouve l’apport de Ratzinger, en ce qu’il a d’original et de
décisif : la mise en évidence des éléments d’une ecclésiologie du dessein de Dieu constitue les voies
de sortie de l’impasse dans laquelle la pure horizontalisation sociologique conduit souvent les
notions de l’Église. Point essentiel qui demeure à l’état d’ébauche dans l’ecclésiologie du Concile.
À l’arrivée, Ratzinger a jeté les bases d’un nouveau registre de langage ecclésiologique que le travail
théologique actuel est appelé à poursuivre.

12

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