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RFG 171 0015
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Wilfrid Azan
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Développement
chez F. Perroux
et performance
par le changement organisationnel
D
La contribution vise à oit-on aujourd’hui parler de performance ou de
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1. Nous décrirons l’évolution du concept sans discuter de son bien-fondé pour évoquer le travail humain.
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évolution de la société ce que la fonction les objectifs subissent des aléas divers.
Cobb-Douglas ne permet pas de mesurer. L’intention stratégique est une orientation
« L’exigence d’élaborations analytiques claire, qui assure la cohérence à long terme
bute contre les insuffisances de la compta- des actions, mais qui est suffisamment large
bilité nationale et du traitement statistique pour permettre à divers projets ou expéri-
qui y est appliqué. Ainsi, la fonction Cobb- mentations de se développer. Elle reste
Douglas (P = TaK1-a) qui relie les quantités stable tant que l’entreprise n’est pas parve-
de deux facteurs supposés homogènes (tra- nue à ses fins. L’intention stratégique
vail et capital) en régime de rendements énonce un but qui mérite un engagement et
constants, outre ses graves défauts intrin- un effort important de la part des salariés.
sèques, laisse hors d’atteinte de 40 à 60 % La performance dérive d’un surplus global.
du produit pour les pays développés ; cette Elle est alors la somme d’optima locaux au
partie inexplorée que l’on aurait tort de sein de l’entreprise. H. Bouquin, non sans
confondre avec la notion de progrès tech- s’inspirer des économistes, considère que la
nique, englobe hypothétiquement, la performance d’une activité, d’un centre de
meilleure allocation des ressources dans le responsabilité, d’une personne et d’un pro-
temps, la meilleure qualité des facteurs, le duit se mesure par l’impact qu’ils ont sur
learning des agents et les formes variées de la performance globale de l’entreprise
l’innovation. » (Perroux, 1981). (Bouquin, 1999). La performance se
Chez F. Perroux le développement ou « la décompose alors en efficience, efficacité et
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2. « La structure d’un ensemble économique se définit par le réseau de liaisons qui unissent, entre elles, les unités
simples et complexes, et par la série des proportions entre les flux et entre les stocks des unités élémentaires et des
combinaisons objectivement significatives de ces unités. », p. 333.
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3. Concept très proche de celui de marché chez F. Perroux et défini comme « un ensemble de firmes, centres de déci-
sion autonome, liées entre elles par un réseau d’échanges, qui rend interdépendants tous les prix et toutes les quan-
tités », p. 282.
4. C’est la stratégie d’une entreprise, c’est-à-dire l’ensemble des choix opérés par ses dirigeants qui façonnent la
structure.
5. Les entreprises cherchent à réduire leur dépendance par rapport à l’environnement dans lequel elles évoluent.
Elles cherchent à contrôler les incertitudes de l’environnement (« task-environment ») afin de pouvoir gérer leur
activité.
6. Ibid., p. 147.
7. « Elle forme une prévision, correcte ou non, sur les changements de la demande globale et s’adapte à cette pré-
vision. », Ibid. p. 198.
8. « La croissance est déséquilibre, le développement est déséquilibre. », p. 169.
Développement et performance 19
Tableau 1
TRANSFORMATIONS ET CARACTÉRISTIQUES
Facteurs Caractéristiques
Les changements de l’environnement sont-ils faibles ou
Environnement
importants, réguliers ou irréguliers, rapides ou lents ?
L’organisation dispose-t-elle d’une capacité d’apprentissage
Capacité d’apprentissage suffisamment importante pour répondre en temps voulu aux
variations de l’environnement ?
causalité stable et unique entre les varia- dizaines d’années plus tard, certains rappro-
tions de l’environnement et les change- chements peuvent être tentés.
ments des organisations.
La performance de l’organisation peut souf- 3. Développement, performance
frir d’une ambiguïté générale des choix à et production de sens
effectuer. C’est le modèle de la poubelle ou Le concept de sens apparaît rapidement
« garbage can » (March, 1991). L’organisa- dans l’œuvre de F. Perroux. Il naît premiè-
tion se caractérise par une forte ambiguïté rement du constat de la finitude de l’appa-
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9. « C’est principalement la disparition de l’articulation entre le système de mesure de performance et les fonde-
ments de la valeur qui est à l’origine de la perte de pertinence du système de comptabilité de gestion. »
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encore très mince (Perroux, 1981a). port de F. Perroux est alors considérable.
« L’agent est une organisation et une indi- Premièrement, il permet d’envisager une
vidualité ; il vit en société et il décide, diversité des comportements et des straté-
c’est-à-dire combine ses variables gies qui sera largement reprise en
moyens et ses variables objectifs selon sciences de gestion. « Les groupes oligo-
son information et ses potentialités, en polistiques, par exemple, ayant épuisé
recourant à sa mémoire pour former son leur énergie de changement, peuvent se
projet. » Le niveau le plus faible est celui satisfaire d’un équilibrage plus ou moins
de l’unité, alors que les sciences de ges- durable, qui impose ses propres condi-
tion tentent de formaliser à un niveau tions, ses propres contraintes aux petites
encore inférieur celui des acteurs. L’ap- et moyennes unités. »
Tableau 2
RÔLE ET CARACTÉRISTIQUES DES ACTEURS DANS LA MISE
EN PLACE D’UNE ORGANISATION PERFORMANTE
Acteurs Rôles et caractéristiques dans la performance
Le leader Il diffuse le changement auprès des différents membres de
l’organisation, il est charismatique (Gioia et Chittipendi, 1991) et
transforme les valeurs, les traditions et impose sa vision. Il
interprète les événements et interagit avec eux. Le processus de
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10. Le modèle que L. Isabella propose se divise en trois phases : le dégel, le mouvement et le regel. Ces phases cor-
respondent chez le leader à quatre phases : anticipation, confirmation, culmination et conséquences.
Développement et performance 23
11. Théories de la généralisation, théories circulaires, anti-théorie, théorie de la différence de temps, théorie des
variables indépendantes.
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Tableau 3
ÉTAPES ET MODÈLES DE GREINER
Phase Caractéristiques
La phase de créativité Elle consiste en la création d’un produit et d’un marché. Elle prend fin
avec la crise du leadership. L’organisation ne peut être gérée de façon
informelle. Cette crise se traduit par la nomination d’un manager
chargé de résoudre la crise.
La direction Elle est une phase de croissance soutenue. Alors que l’énergie des
employés se concentre sur la croissance de l’entreprise, la hiérarchie
commence à peser. Cette crise se traduit par la mise en place d’un
système de délégation.
La délégation Elle se caractérise par la mise en place d’une structure
organisationnelle décentralisée favorisant le développement
d’initiatives. Cette étape conduit à la crise du contrôle. Peu à peu, le
top management tente de regagner le contrôle de l’organisation
décentralisée.
La coordination Elle vise à utiliser les systèmes formels afin d’accroître la cohérence
entre les unités autonomes. Les managers apprennent à justifier leurs
actions.
La collaboration Le contrôle social prend le dessus sur le contrôle formel. Des équipes
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Tableau 4
MODÈLES ET PHASES D’ÉLABORATION DE LA PERFORMANCE
Phases Auteurs
Variation, sélection, rétention M. T. Hannan et J. Freeman
Maturation, déracinement, enracinement I. Vandageon-Derumez
Momentum et révolution D. Miller et P. H. Friesen
prend les phases de maturation, déracine- riés. Sans nous prononcer sur les dérives
ment, enracinement (Vandangeon-Derumez, parfois occasionnées par l’utilisation de ces
1998), le modèle de Miller et Friesen ren- méthodes, nous retenons qu’il vise à chan-
voie à deux phases : momentum et révolu- ger les mentalités et les habitudes au sein
tion (Miller et Friesen, 1980). d’une population.
Les modèles de performance par le change- Dans le reengineering, une technologie fait
ment intègrent l’aléa, le chaos, l’imprévi- souvent irruption et modifie le fonctionne-
sible et l’instabilité du facteur humain. En ment à l’œuvre. Un exemple donné par M.
cela, ils se rapprochent des modèles de Hammer et J. Champy12 est celui de la
développement des économistes. reconnaissance automatique. Une société
qui gère un parc de camions connaît en
III. – SUPERPOSER PERFORMANCE continu leur emplacement. Elle n’a plus à
ET DÉVELOPPEMENT ? surveiller son matériel. Si les véhicules
changent de place, le siège en est immédia-
Les hypothèses d’une performance par le tement informé et il est inutile d’attendre
changement organisationnel et d’une place que les chauffeurs s’arrêtent pour signaler
prépondérante de l’homme et de la produc- le nouvel emplacement du véhicule.
tion de sens dans les modèles de développe- Le reengineering ou courant de la transfor-
ment rendent imaginable une superposition mation radicale (Hammer et Champy,
entre développement, tel que défini par 1993) offre une méthode d’organisation du
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sur des innovations comme les usines tiale des acteurs semble liée à des problé-
propres. La « Corporate Social Responsabi- matiques d’image et de notoriété.
lity » (ou responsabilité sociale de l’entre- Pourtant, la superposition entre perfor-
prise) est largement reprise dans la NRE ou mance et développement ne conduit pas à
nouvelle loi de régulation économique16. une stratification supplémentaire d’indica-
La superposition entre performance et teurs de développement se surajoutant à
développement est particulièrement percep- des indicateurs d’efficience et d’efficacité.
tible dans les indicateurs que les systèmes Les enjeux sont plus profonds et ont trait à
de pilotage ont à produire (tableau 5). Si la production de sens pour une population
beaucoup de ratios assurent aux acteurs, qui susceptible d’amener un changement de
parfois les manipulent, un positionnement mentalité autoalimentant la croissance
marketing, les communautés humaines ont durable d’un ou plusieurs indicateurs fédé-
également besoin de tendances liées à leur rateurs.
propre développement.
Les rapports d’activités des grandes socié- CONCLUSION
tés industrielles regorgent d’indicateurs
environnementaux, globaux et sociaux. En conclusion, nous avons montré les rap-
Telle société développe un programme prochements possibles entre plusieurs cou-
d’aide alimentaire dans une région, telle rants en sciences de gestion et la définition
autre assure que sa fondation combat l’illet- du développement de F. Perroux. Les théo-
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Tableau 5
EXEMPLE D’INDICATEURS « CLASSIQUES »
Groupe Indicateur
Indicateurs de protection de l’atmosphère
Indicateurs
Indicateurs de gestion des déchets
environnementaux
Indicateurs de gestion des écosystèmes
Indicateurs de commerce équitable
Indicateurs globaux
Indicateurs d’aide aux ONG17
Indicateurs de contribution à la lutte
contre la pauvreté dans le monde
Indicateurs sociaux
Indicateurs de contribution à la lutte contre l’illettrisme,
la sous-nutrition ou encore la malnutrition
16. « La responsabilité sociétale des entreprises est décrite comme l’intégration volontaire des préoccupations
sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties intéressées ».
17. Organisations non gouvernementales.
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