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Politique intérieure

Dans Monde Arabe 1966/4 (N° 16), pages 15 à 31


Éditions La Documentation française
ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.016.0015
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15

POLITIQUE INTERIEURE

ALGÉRIE

Le colloque Toutefois, la démocratisation de l'instruction ne doit pas


être seulement un idéal moral. Tous les participants du
sur l'enseignement colloque ont été d'accord pour souligner qu 'elle doit con-
6-9 MAl 1966 tribuer à la lutte contre le sous-développement et être liée
à la planification des besoins et des postes à pourvoir.
Or cette planification n'est pas entamée en Algérie et
Instruire le plus grand nombre po·s sible d'enfants, c'est ainsi que paradoxalement l'enseignement technique
adapter l'enseignement à une société qui se transforme, manque de débouchés et que la pleine utilisation des
ce sont là des objectifs qui, depuis l'indépendance, ont diplômés de l'enseignement supérieur n'est pas assurée.
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été jugés prioritaires par les gouvernants de l'Algérie.
Celle-ci consacre 20 % de son budget à l'Education natio- Il a été suggéré que soient fixés des buts à court terme,
nale. Mais les problèmes que soulèvent l'extension et trois ans par exemple, comme base de départ.
l'adaptation de l'enseignement sont à la me·sure de cet ef-
fort. C'est dans cette perspective que le président de I'Asso_ Les impératifs de la démocratisation ne doivent pas
ciation Algérie-France, M. Bouayad, estimant utile un dia- cependant abaisser le niveau de l'instruction qu'il importe
logue entre responsables algériens et français en la de chercher à améliorer sans cesse. Les structures actuel-
matière, a organisé un colloque sur l'enseignement qui les de l'enseignement répondent-elles à cette double
s'est tenu à Alger les 6, 7 et 9 mai et qui réunissait des exigence ?
hauts fonctionnaires français et algériens des ministères
de l'Education nationale et des Affaires étrangère·s et des STRUCTURES
journalistes des deux pays.

Trois questions ont dominé les débats L'enseignement primaire

la démocratisation de l'instruction, Dans ce domaine. il a fallu en 1962 recruter des moni-


les structures actuelles, teurs pour pallier Je manque d' instituteurs. Mais le minis-
tère de l'Educations nationale a astreint ces moniteurs à
l'arabisation de l'enseignement. suivre des cours pédagogiques qui leur permettent de se
perfectionner en vue d'atteindre le niveau des instituteurs.
DEMOCRATISATION On conçoit que dans un pays comme l'Algérie, Je be-
soin d'instituteurs soit considérable, aussi l'effort des pou-
La démocratisation de l'instruction est un principe qui voirs publics tend-il à la création d'écoles normales. Une
figure dans la Constitution algérienne. C'est un but à loi de 1964 prévoit la création de deux écoles normales
atteindre et les efforts accomplis dans ce domaine sont dans chaque département : 18 écoles on t été créées en
encourageants : si avant l'indépendance on comptait 1965, 30 doivent être en place à la rentrée d'octobre 1966.
700.000 enfants scolarisés, on en compte aujourd'hui
1.350.000. Un haut fonctionnaire du ministère français de l'Edu-
cation nationale a invité ses collègues algériens à lutter
Des mesures pratiques tendent à faciliter l'accès de tous contre la « sédimentation des programmes "• en dévelop-
à l'école, au lycée, à l'université : égalité des garçons et pant l'initiative de l'écolier. La néce·ssité a été soulignée
des filles pour l'inscription à l'école ; développement de de réagir dès l'école primaire contre la « mémorisation
la ·s colarisation en milieu rural qui n'atteignait en 1961-62 stupide et fatigante " • afin que l'enseignement remplisse
que 20 % du taux de scolarisation générale et atteint sa fonction essentielle, qui est de développer la person-
aujourd'hui 50 % ; octroi très libéral de bourses ; déve- nalité de l'enfant. Comme l'a souligné M. Bouayad, « les
loppement des cantines scolaires des écoles primaires, èe réflexions des participants au colloque ont porté sur une
qui permet à des enfants généralement sous-alimentées, double préoccupation : d'une part, une meilleure organi-
particulièrement dans le Sud, de . prendre quotidiennement sation pédagogique et, d'autre part, une insertion plus
un repas chaud et substantiel. complète dans le milieu social et culturel "·
16 POLITIQUE INTERIEURE

L'enseignement secondaire et supérieur arabe ; pour, en outre, lui rendre son rôle véhiculaire
dans les sciences, les techniques et les arts ; pour répon-
Les structures sont identiques à celles qui existaient dre enfin au vœu de l'opinion publique.
avant l'indépendance (1 ). Toutefois, dans le domaine de
l'enseignement supérieur, le gouvernement algérien a créé Mais l'enseignement de la langue arabe doit être réfor- ·
une école normale supérieure avec deux options - lettres mé, car ce qui est en·s eigné à l'école primaire ne peut
ou sciences - et une école nationale polytechnique où être assimilé de façon durable par les enfants. Il faut donc
sont formés des ingénieurs. Un conseil de la recherche à l'école primaire introduire des méthodes nouvelles. Au
scientifique a été créé ; il gère quatre centres de recher- niveau de l'enseignement supérieur, l'arabisation est
ches. lente ; elle n'a atteint que la faculté des lettres où ont
été créées une propédeutique arabe, puis une licence de
Le gouvernement algérien estime qu'il convient de langue et littérature arabe, ainsi qu 'une licence d'histoire
développer le plus possible le goût et l'enseignement des arabe et de philosophie arabe.
sciences. La priorité donnée à celles-ci se trouvait déjà
affirmée dans le programme de Tripoli. Depuis · lors, le La réalité d'aujourd'hui, c'est le bilinguisme. Ce bilin-
nombre d'heures consacré aux mathématiques a été aug- guisme sera-t-il considéré comme une étape transitoire
menté dans le second degré. vers l'arabisation totale ou comme un état culturel normal
pour un pays tel que l'Algérie ?
Mais si la culture algérienne se veut scientifique, elle
est arabe par son origine et ses caractères. Or, l'ensei- D'une façon générale, les participants du colloque sont
gnement actuellement di·spensé en Algérie est essentielle- convenus que l'Algérie ne peut se passer du bilinguisme,
ment francophone. Cette situation peut-elle normalement qui permet la formation rapide des cadres scientifiques
se prolonger ? C'est sur le problème de l'arabisation de ainsi que l'utilisation de l'aide des pays francophones dans
l' enseign ement que les débats du colloque ont été les pl us le domaine de l'enseignement. Un participant algérien a
animés et les plus riches. même fait valoir que le bilinguisme est une solution béné-
fique pour la langue arabe, car " la pensée islamique et
la langue arabe ne peuvent se développer qu'au contact
de la civilisation moderne ...
ARABISATION
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Mais la question a été et demeure posée de savoir,
pour l'Algérie qui entend retrouver sa personnalité arabe,
Pourquoi vouloir arabiser l'enseignement en Algérie ? si le maintien d'un enseignement bilingue à titre définitif,
A cette question, un profe·sseur algérien de l'enseigne- ne risque pa·s de créer une situation psychologique diffi-
ment supérieur a répondu . Pour rendre, en premier lieu, cile pour les futures générations : un enfant qui devra
à la langue arabe la place qui lui revient dans un pays assimiler deux langues aussi radicalement différentes que
l'arabe et le français, ne sera-t-il pas pris entre deux
modes d'expression, deux modes de penser, deux civili-
(1) Cf. • Maghreb no 1. " L' enseignement en Afrique du Nord • ,
sations, sans pouvoir du fait de cette dualité s'épanouir
p . 53-60 . • Maghreb • n• 12. " Rentrée scolaire en 1965 •, p. 19-20. complètement ?

MAROC

Le rapport La mi·ssion de la B.I.R.D. a pris un soin particulier à


la confection de son rapport : après leur départ, ses mem-
de la mission de la B. 1. R. D. bres sont restés en relation avec les .autorités marocai-
nes ; plusieurs sont retournés au Maroc à diverses
A la demande du gouvernement marocain, une mission reprises ; en outre des discussions ont eu lieu avec les
de la Banque internationale pour la Reconstruction et le agences spéciali'sées des Nations Unies. Le texte défi-
Développement (B.I.R.D.), a. étudié, au cours du printemps nitif n'a été établi en langue anglaise qu'en décembre
1964, l'ensemb le de l'économie marocaine. En quittant le 1965, c'est-à-dire près de deux ans après l'enquête : il
Maroc en mai 1964, le chef de la mis·s ion avait, sous sa s'agit d'un document de 300 pages, traitant en 13 cha-
responsabilité, remis au gouvernement un aperçu pro- pitres tous les aspects de l'économie marocaine, souvent
visoire de ses premières observations, dont " Maghreb .. de façon détaillée (2).
avait alors fait, en raison de leur nature, une analyse L'exceptionnelle durée de l'élaboration du rapport est
succincte et prudente (1). due sans doute à la complexité des problèmei marocains :

(1) Cl. • Maghreb n° 6 : • La mission de la B.I.R.D. au Maroc. (2) " The economie development of Morocco. Johns Hopkins
p . 41. Press . Juillet 1966.
M A R 0 C 17

l'économie marocaine, . plus avancée que celle des pays cre 3,2 %. En outre, un accroissement de productivité
dits sous-développés, demeure cependant incomplète et implique un accroissement du taux d' investissement. Mais
ne connaît pas· la « croissance auto-entretenue , _qui l'augmentation même de la population - particulièr-ement
caractérise les systèmes évolués ; face à ses problèmes, de la proportion de jeunes - entraîne une croissance
le Maroc n'a ni défini de solution magique, ni adhéré à des dépenses courantes, laissant ainsi peu - ou même
une doctrine économique stricte. Cette complexité, la pas de disponibilité - pour l'investissement .. (p. 1-3).
mfssion l'a ressentie et exprimée : « sur la scène inter-
nationale, le Maroc est un pays à fidélités multiples. En La mrssion souligne ainsi dès l'abord la difficulté fon-
tant qu 'Etat arabe et musulman, il se sent solidaire des damentale à laquelle se heurte le développement du Ma-
Etats . de même famille et est membre de la Ligue arabe. roc. La croissance démographique est à ses yeux le
Le Maroc s'est montré actif dans les divers mouvements problème majeur dont la solution constitue un préalable :
« Nous reconnaissons que les possibilités de contrôle des
pan-africains, mais il se considère comme appartenant
aussi à la culture méditerranéenne. Du fait de ses liens naissances sont encore à prouver dans un pays comme
étroits avec la France, il est en relation avec une com- le Maroc. Nous mesurons pleinement les problèmes tech -
munauté largement répartie dans le monde ; par cette niques, culturels, religieux et politique·s ainsi soulevés.
entremise, .il espère obtenir une définition spéciale de ses Nous devons néanmoins souligner que, dans les perspec-
rapports avec la Communauté Economique Européenne tives actuelles d'expansion démographique, il sera très
et ses membres. L;occupation américaine pendant la difficile de maintenir le niveau économique actuel, et plus
guerre et l'établissement de bases en temps de paix, ont encore de parvenir à ce type de croissance nécessaire
contribué à développer des relations privilégiées avec les pour un << décollage , qui se soutienne de lui-même. Le
Etats-Unis. Outre ses diverses fidélités, le Maroc est appa- gouvernement et le peuple marocains doivent reconnaître
ru pour le monde entier comme un partenaire actif dans le coût économique de leur inaction à l'égard du contrôle
les affaires des Nations Unies , (p . 8) . des naissances et faire leur choix en conséquence ,
(p. 3).
La mission décrit la situation existante avant de définir
le·s problèmes et de proposer des recommandations. C'est Un chapitre entier est consacré au « problème de popu-
à celles-ci que nous consacrerons l'essentiel de cet artic le, lation , (chapitre 6, p. 84-88) . Il analyse les raisons de
notamment lorsqu 'elles intéressent la politique générale ; l'accrois·sement et ses conséquences (structures de la
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nous rechercherons dans quelle mesure leur mise en population, augmentation constante des dépenses publi-
œuvre peut être rapidement envisagée. ques, en faveur notamment de l'éducation et de la santé,
aux dépens de l'investissement), énumère les mesures
Cette étude du rapport de la mi·ssoin de la B.I.R.D., dont possibte·s par référence aux expériences égyptienne et
on soulignera qu'il engage la mission - et non la Banque tunisienne, et souligne la nécessité d'une campagne gou-
internationale en tant qu 'institution - sera conduite dans vernementale.
l'ordre suivant : 1) programme de développement, 2) poli-
tique économique et financière, 3) réformes dans l'admi- Cette recommandation a retenu toute l'attention du gou-
nistration, 4) problèmes agricoles, 5) problèmes d'édu- vernement, qui a entrepris, à partir de mai 1966, une
cation. campagne dans ce sens.

LE PROGRAMME DE DEVELOPPEMENT *
**
La mission de la B.I.R.D. a élaboré un programme La m1ss1on prend nettement position sur le programme
sexennal pour la période 1965-1970. Dans le même temps, de développement :
le gouvernement marocain a lancé un Plan de trois ans,
1965-1967. La mission considère qu'il peut être intégré << Les objectifs d'un programme de développement pour
dans son projet de 6 ans, et qu'il convient dès 1966 de le Maroc devraient être d'assurer un taux de croissance
préparer la mise au point de la seconde période cre trois de la pr6duction plus élevé que celui de la population,
ans. de telle sorte que le revenu par tête puisse augmenter,
le niveau de vie s'améliorer et que des épargnes supplé-
La mission avait tout d'abord décrit la structure de mentaires puissent contribuer à de nouveaux investisse-
l'économie marocaine et sa situation en 1964-1965. Celle- ments. Des revenus croissants élargiraient J'assiette fiscale
ci peut se résumer ainsi : " La production nationale s'est si bien que la situation budgétaire s'améliorerait et les
accrue en moyenne de 1,6 °/o seulement par an au cours ressources contribueraient dans une mesure plus impor-
de la première partie de la décade 1960. Quelques me- tante au programme d'investissements pubJic·s. En outre,
sures, directes ou indirectes, que l'on prenne pour aug- un programme de développement se proposerait d'amé-
menter la production, elles crevront· inévitablement prendre liorer la balance des paiements en portant l'accent su r
place dans le contexte d'une très rapide croissance de l'accroissement des exportations et limitant celui des
la population. Le Maroc devra continuellement courir plus importations. D'autres objectifs crevralent viser à procurer
vite pour rester sur place. Actuellement, la population est de l'emploi et élever les conditions de vie dans ies zones
en train d'augmenter au rythme de 3,2 % par an. Ceci déprimées du pays, soit par des mesures sur place, soit
signifie que la production nationale doit croître en même en offrant des chances ailleurs .. (p. 37).
temps simplement pour maintenir la production actuelle
par tête. Mals, la part de la population active dans la La mission semble suppos,er ainsi le problème résolu
population totale étant en cours de diminution, la pro- et elle définit. les priorités qui, selon elle, permettraient
ductivité par .personne active devrait augmenter .de pius d'atteindre œs objectifs .
18 POLITIQUE INTERIEURE

- concentrer les investissements publics et privés sur rités qu'elle a définies en vue d'une croissance marquée
les secteurs productifs : agriculture, industrie, mines, tou- de la production. Ce changement apparaît dans le tableau
risme ; donner la priorité à ceux qui complète_nt les réali- suivant qui compare le Plan quinquennal marocain 1960-
sations déjà existantes, ainsi qu 'aux nouveaux projets 1964 et le projet B.I.R.D. (en pourcentage du total des
dont l'élaboration et l'exécution peuvent être rapides ; investissements).
- accorder toute l'attention aux programmes tendant
à former le personnel administratif et technique qualifié Projet r ecorranan dé.
nécessaire aux secteurs public et privé ; 1 Plan 1960-1964 par la mission
1965-1970 .
- limiter les dépenses d'équipement général adminis-
tratif, économique et social ; Secteur productif 4) , 6 '· 52,5 .
'1.

L q uipcr.~cn t généra 1 20 '7 23,2


- donner la préférence aux projets productifs qui n'im-
Ld ucntion 8,1 6,8
pliquent pas d'adjonctions importantes à l'infrastructure :
" Si ces priorités sont respectées, nous croyons qu'un Equipemen ts Sociaux 19 , 4 4 ,2
taux de croissance annuel du produit national brut de Pror.totion nationale
(prog r ~::-me
spéc i3l
- 3,5
plus de 3 % pourra être atteint en 1966 et 1967. Par la
a dditionnel )
suite, si le programme d'investissement public augmen- 1
tait comme nous le préconisons ci-dessous, et qu'il y ait Divers , Provisions pour 8, 2 9,8
invcsti!;senents supplé -
une expansion du secteur privé, ce taux annuel pourrait 1'71Cntaircs
être poussé au delà de 4 Ofo " (p. 38). -- --
Total lOO l OO
Pour la réalisation de ce programme, la mission, con-
1
trairement à la philosophie souvent étroitement " libé-
rale •• que l'on reproche parfois à la B.I.R.D ., confie le
principal rôle à l'Etat : " A ce stade du développement La réduction des pourcentages n'empêche pas, en fait,
du Maroc nous croyons qu ' il est trè·s important d'insister un accroissement des montants en chiffres absolus. Les
avec réalisme sur le rôle du gouvernement dans le pro- investissements d'infrastructure passeraient de 18,7 % ;1
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cessus destiné à favoriser la croissance. A un stade sui- 11,9 % ; par contre les équipements énergétiques aug-
vant, lorsque l'organisation gouvernementale se sera ren- menteraient de 2 % à 11,3 %, car· la capacité actuelle
forcée, on pourra s'orienter vers un plan exhaustif et de production d'électricité est désormais pleinement uti-
intégré " (p. 38). lisée et par suite, de nouveaux investissements sont deve-
nus indispensables.
Le plan dïnvestissements publics, que la mission recom-
mande, concerne non seulement l'Etat, mais aussi les La définition des investissements publics n'étant pas
autres collectivités publiques. Le programme se chiffre- exactement la même pour l'administration marocaine et
rait à 7.180,7 millions de dh (1) pour la période 1965-1970. pour la mi·ssion de la. B.I.R.D., les comparaisons entre le
Il ne serait, au départ, qu 'en progression modeste : les programme de l'une et le plan de l'autre ne peuvent être
dépenses d'éq uipement étaient fixées à 800 millions en très précises. Cependant, nous tenterons divers rappro-
1965 et l'ensemble des investissements publics à 950 mil- chements qui auront une valeur indicative (voir tableau
lions. Ces chiffres sont à peu de chose près les chiffres ci-après p. 19).
du budget d'équipement en 1965 : 810,8 millions dans
l'évaluation la piLis restreinte, 820,2 millions dans une On voit que le Plan triennal et le programme sexennal
évaluation un peu plus large, mais qui ne comportait pas proposé par la mission fixent des orientations analogues
tous les éléments que le rapport de la mi ssion a envisagés et marquent ensemble une rupture avec le précédent plan
(crédit agricole, investissements de l'Office chérifien des marocain de développement. Toutefois, la moyenne d'in-
phosphate·s). vestissements annuels est plus élevée dans le plan sexen-
nal , puisque la mission escompte une forte progression
Les investissements prévus au programme de la mis- au cours de la seconde moitié de la période. Les inves-
sion s'accéléreraient au cours de la période 1968-1970 tissements industriels sont cependant sensiblement moins
pour atteindre 1.500 millions la dernière année, dont 1.260 élevés dans les prévisions de la mission, qui s'en explique :
au titre du budget proprement dit. Le Plan triennal d'in- " La mission a eu l'occasion d'examiner les dossiers d'un
vestissement public est établi au niveau de 2.461,2 mil- certain nombre de projets, mais dans aucun cas n'a
lions - soit quelque 800 mi ll ions par an - ; le Pl an considéré que les études étaient parvenues au stade où
sexennal de la mission ne prévoit donc pas de montants il serait possible de porter un jugement sur leur carac-
très supérieurs au cours de cette période (« le montant tère réalisable ou leur justification économique. Aussi. ..
du programme d'investissement dans son ensemble croî- avons-nous seulement pu inscrire un chiffre de principe
trait modestement jusqu 'en 1967 et ensuite augmenterait de 100 millions de dirhams pour mémoire durant la
plus rapidement au cours des trois années suivantes " ) période de 6 ans. Ce montant pourrait- être augmenté par
(p. 41). Il n'y a donc pas incompatibilité, au total, entre tirage sur la réserve provi·sionnelle à la lumière des justi-
le Plan marocain et le programme de la mission. fications subséquentes " (p. 182-183).
Celle-ci insiste sur le changement d'orientation des Par contre ,dans le domaine des investissements éner-
investi"ssements, que devrait entraîner l'adoption des prio- gétiques, les prévisions de la mi·ssion sont plus élevées.
Elle a procédé en effet à une étude exhaustive des besoins
en énergie et le chapitre qu'elle y consacre est plus pré-
(1) 1 dirham : 0,975 franc. cis que celui du Plan triennal (chapitre 10, p. 185-201).
M A R 0 C 19

en millions de DH .

Plan tr iennal 196 5-1 967 Pr ogramne r ecor:unandé 1965- l9 70


'}!oyennes a r.nue lles du Plan 1960 -1 964 1
l'-~ oyenn e l'.oyenne
Total Total 1
annue lle a nnuelle

Sec t eur · er oduc tif 23 7 ' 7 l. 915 638 ,3 3.772 ,3 628, 7


don t - agric ulture 172,4 85 1, 6 283,8 l. 807 '1 3 11 , 2
- }lines a/
b/
4,.'3
-
44 , 6
396 , 9
14,5
132 , 2
-
809 , 5
-
134 , 9
- Indus tri e 56 487 , 9 162, 6 685 114,3
·· Touri s me c/ 4 ,4 134 44 , 6 - -
- d/ - 326 108,6 410,7 60 , 4
E auiEem~nt génér a l 147 'l 509 , 3 169,4 1.667,6 277 , 9
dont - éner gi e el 14 120 40 - -
f/
- Trans port s et P. T . T.
-
13 3 ' 1
240
389 , 3
80
129,4
510 , 8
856 , 8
135' 1
1~2 ,8

Education 44 , 3 130,5 43, 4 466 81


Egu iEement s sociaux 80 ,2 139 ' 1 4 6, 4 304 , 8 so ,e
Pr omot i on Nati onal e g/ - - - 250 41, 6
Divers · c t 2rov isi on 76 ,5 164,1 54 , 6 700 116 , 6
--- --- --- --- ---
Total h/ 585 ,7 2 . 46 1,2 820 , 4 - -
i/ - 3 .125 , 5 1.086 , 4 7 . lü0,7 1. 196,8

1
a/ s ans l es i nves t issemen ts O. C. P.
b/ avec l es i nves ti ssements O. C.P.
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c/ budget d' équ i pemen t seul
d/ y c ompr i s cré dits d ' or igine pub lique
el subvent i on budgé taire à l'Off i ce National d' é l ec t ricité (O. N.E .)
f/ y compr i s l e f inanc ement apporté par l' Offi c e Nati onal d'é lectric i t é
g/ programme add i ti onnel s pé cial ; le s programmes normaux s ont dé J à réparti s dans l es autr es r ubr iques
h/ t otal du budge t d' équi pemen t s e ul
i/ ~ o tal c omprenant l' O.C. P. e t le f inancement propre de l' O. N.E. , les cr éd it s publics à l' hôte l lerie.

Elle prévoit une dépense de 230 millions en fin de pé- me ·le Maroc sont tributaires d'un coût élevé de J'énergie
riode pour la mise en route d'une nouvelle unité thermique et bénéficieraient grandement d'un programme de coor-
et d 'une unité hydro-électrique, qui viennent s'ajouter aux dination énergétique pour la région (maghrébine) . Le Ma-
programme·s courants d'extension et de transmission. Les roc , qui serait le principal bénéficiaire, grâce à des éco-
calculs de la mission se fondent sur une prévision d'aug- nomies à la fois sur les investissements et sur les coûts
mentation annuelle de la consommation de 7 %. C'est d'utilisation de l'énergie, devrait prendre l'initiative de
aussi le taux retenu par Je Plan triennal (Plan triennal , pousser à créer une institution régionale pour l'énergie
p. 306) . Dans Je détail, Je programme est sensiblement le qui entreprendrait des consultations en vue d'un pro-
même. Toutefois, le Plan marocain ne fait qu'une allusion gramme coordonné. Un tel programme se montrerait
à l'interconnection avec l'Algérie, ( << la sécurité d'appro- exceptionnellement attirant pour un financement Interna-
visionnement de la partie orientale du réseau ne sera donc tional ., (p. 68) .
pas aussi complète qu'il serait souhaitable, tant qu' il
n'existera pas d' interconnection avec l'Algérie "• Plan Les prévisions de la mission dans le domaine du tou-
triennal, p. 309) , alors que la mission recommande cette risme sont plus prudentes que celle-s du Plan triennal. Elle
solution : « Il conviendrait de prendre en considération approuve la politique marocaine, telle que Je Plan l'a défi-
la possibilité d'une interconnection du réseau de J'Office nie en liaison avec J'aide de la Banque national.e pour le
national de J'électricité (O.N.E.) avec Je réseau algérien, développement économique (B.N.D.E.). L'objectif marocain
où un ample surplus d'énergie thermique est actuellement est d' être en mesu re de recevoir 700.000 touristes en
disponible, plutôt que d' installer la seconde turbine. Cette 1967, grâce à J'adjonction de 20.000 chambres au patri-
ligne (d'Oran à Oujda) éliminerait tout risque de restric- moine existant, que l'on chiffre en 1964 à 13.800. De son
tion pendant que les unités additionnelles mentionnées côté, ,, la mission pense que J'objectif de recevoir plus
plus haut sont en construction et laisserait tout Je temps d'un million de touri·stes en 1970 n'est pas déraisonnable ,
nécessaire à J'étude d'adjonctions nouvelles. L'existence (p. 132), mais considère que le programme du gouverne-
de cette ligne n'empêcherait certes pas Je Maroc d 'entre- ment portant sur quelque 7.000 lits par an est trop ample,
prendre son programme de construction d'unités supplé- au moins pour le début, et propose à sa place un pro-
mentaires et ne Je ferait pas non plus dépendre à J'avenir gramme de 5.000 lits par an.
des sources d'énerg ie électrique étrangère ., (p . 193-194).
La mission, comme le fait le Plan marocain, recommande
Cette question est reprise par la mission lors de l'étude la création d 'un organisme unique chargé de la gestion
des problèmes d'intégration régionale : << La Tunisie corn- de tous les hôtels publics (elle est actuellement répartie
20 POLITIQUE INTERIEURE

entre plusieurs responsables : Office du tourisme, Office POLITIQUE ECONOMIQUE ET FINANCIERE


des chemins de fer, Caisse de dépôts et de gestion) et
la mise en œuvre d'un véritable crédit hôtelier. Celui-ci Le chapitre IV traite de la politique économique. La
devrait être organisé de façon autonome ; les prêts mission y rappelle la nécessité d'un important programme
devraient atteindre une quotité de 80 % de la valeur esti- d'inve·stissements publics : " Dans l'économie marocaine,
mative de la construction, leur durée devrait être portée par essence mixte, le programme d'investissement public
de 15 à 25 ans avec un différé d'amortissement de 5 ans, est d'une importance croissante, si bien qu'un important
et un taux d'intérêt fixe remplacerait l'intérêt progressif objectif de la politique fiscale doit être de trouver des
actuel. fonds pour son financement. Dans les dernières années,
La mission recommande aussi dans ce domaine la con- les investissements publics ont été financés dans une
centration des investissements sur les zones où des large mesure par un niveau élevé de déficit budgétaire
ensembles sont déjà implantés : côte méditerranéenne de complété par des aides étrangères. Il faut trouver de's
Tanger à Al Hoceima, Agadir, l'intérieur ; elle préconise moyens d'augmenter les ressources publiques de façon
la construction d'hôtels confortables mais non luxueux et à éliminer, progressivement au moins, le recours à une
la surveillance des prix pratiqués ; enfin, une formation création monétaire de nature inflationniste ,. (p. 50).
intensive du personnel hôtelier ; les agents formés de- Mais le second objectif de la politique trscale doit être,
vraient passer de 240 en 1964 à 1.800 en 1970. parallèlement, « d'offrir des stimulants positifs à ·l'inves-
tissement privé dans le secteur productif, et d'éliminer les
forces contraires ». A ce point de vue, le système fiscal
"'** marocain n'est pas jugé toujours adéquat. Dans le cas
notamment de l'impôt sur les bénéfices, les limites supé-
La mission propose un schéma de financement de Gon rieures admis·sibles auraient été franchies (à l'époque où
programme et étudie la possibilité de sa réalisation dans la mission procédait à son enquête, le taux de l'impôt
le chapitre consacré à la politique économique. Le tableau sur le bénéfice des sociétés atteignait 43,2 %).
ci-dessous met en regard le schéma de financement du
Plan triennal et celui du programme sexennal, en rappe- De façon plus générale, la mission s'attaque à la notion
lant que les comparaisons sont seulement indicatives de progressivité fiscale : " Au Maroc, comme dans la
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dans la mesure où le plan marocain ne comporte que les plupart des pays en voie de développement, il y a une
investissements du budget d'équipement, alors que la limite à la progressivité de l'impôt qu 'il est possible d'ap-
mission a une conception plus large de l'investissement pliquer. En premier lieu, l'assiette est trop étroite. Quoi-
public. qu'il y ait de larges écarts dans les niveaux de revenus,
le nombre des titulaires de hauts revenus est très res-
treint. Un système fiscal dépendant d'impôts directs hau-
e n millions d e Dl!. tement progres·sifs procurerait des ressources insuffisan-
tes et aurait un effet contraire sur la formation de capital
Programme privé. Comme il a été reconnu au Maroc, une taxation
Plan Triennal sexennal
indirecte est une source de revenu plus sOre et plus
Tota l % Total % importante. Il y a néanmoins un élément de . progressivité

Res sources i n ter nes


--- --- --- - 1 dans la structure fiscale marocaine : l'impôt sur les béné-
fices est élevé et affecte principalement les secteurs mi-
~ niers et industriels, où les revenus sont relativement hauts ;
~
Au t o fi na nc emen t pub lic 1.625 22 ,5 1
300 12 4
Fi nancemen t d ir e ct O. C.P . 310 l'impôt sur les salaires et traitements est progressif : même
Emprun t s inté ri eurs 120 5 620 8 les impôts indirects sont assis de telle sorte que les titu-
laires de hauts revenus paient des droits de douane et des
.'\va nee s de l' Ins t i t ut
d 1 émi s s i on en reoyens d e taxes de consommation plus élevés sur de nombreux
trés or e r ie 5 16 21 1.12 5 17 articles, étant donné qu'ils sont seul·s à pouvoir le faire »
-- - -- - -1 (p. 50). La mission préconise alors des taxes « simples
936 JS 3. 620 51 , 5 à administrer et difficiles à éluder », croissant parallèle-
1
n.essources exté r i e ur es . l. 52 5 62 3. 500 4 8, 5 1 ment à l'économie, cependant que le·s services publics
-- - -- devraient être, chaque fois que possible, payés à leur
Tota l généra l 2.46 1 lOO 7 .lôO l OO 1 prix réel : taxes d'eau, péages routiers, etc ...
1
1 : Si la fiscalité marocaine satisfait dans l'ensemble à ces
principes, elle ne procure cependant pas le·s ressources
qui permettent de faire face aux tâches courantes de
Il est symptomatique que le Plan marocain commence l'Etat et aux investissements publics. La mission recom-
par mentionner et chiffrer l'aide extérieure, alors que la
mande donc un certain nombre de mesures.
mission de la B.I.R.D. cite et évalue d'abord les re·ssources
intérieures. De fait, la mission analyse plus à fond les
possibilités de la fiscalité marocaine, ainsi qu'on le verra VERSEMENT DE L'OFFICE CHERIFIEN DES PHOSPHA-
au chapitre suivant. TES (O.C.P.) : La mission prévoit une augmentation de
la production et des vente·s de phosphates de 8 % par
Ainsi se présente le programme de développement an au cours des six prochaines années (cf. p. 152) : la
recommandé par la mission. Sa réalisation suppose une production devrait passer de 10,1 millions de tonnes en
politique économique et financière adéquate, dont la mis- 1964 à 16 millions en 1970, grâce à des investissements
sion définit les grandes lignes. permettant notamment d'améliorer la productivité. Une
M A R 0 C 21

proportion crorssante des bénéfices de I'O.C.P. devrait nature dans le cas de grands domaines, c'est-à-dire par
donc être transférée à l'Etat, tandis q'ue l'Office aurait cession de terres qui seraient ensuite distribuées selon
recours pour son programme d'expansion à des prêts des formules de location-vente.
étrangers à long terme : « L'Ofiîce est l'entreprise la plus
solvable du Maroc ; il pourrait avec une relative faç;ilité - Redevance pour l'eau d'Irrigation : Le système actuel
obtenir de tels crédits, tout en cédant ses propres fonds devrait être révisé, de façon à couvrir le coût réel de
au budget pour la réalisation d'investissements publics J'eau . La redevance serait due dès que J'eau est dispo-
dans des projets qui autrement auraient de grandes diffi- nible, qu 'elle soit utilisée ou non.
cultes à trou\'er leur financement , (p. 51).
ABAISSEMENT DE L'IMPOT SUR LES BENEFICES :
. La mission calcule que les bénéfices supplémentaires Son tau x était en 1964 stJpérieu r à celui pratiqu é en Tuni-
dus à l'augmentation de production de phosphates tota- sie (28 %) , en Algérie (30 % ), ou dans les pays haute-
liseront BOO millions de dh . sur 6 ans. Par ailleurs, le ment industrialisés dont le Maroc espère attirer des èapi-
programme d'investissement doit s'élever à 700 millions, taux : " Nous recommandons une modeste réduction, par
dont 310 seraient couverts par autofinancement et 390 par exemple de 10 %, qui ramènerait la limite supérieure de
emprunts étrangers. La contribution totale supplémen- J'impôt quelque peu au-dessous de 40 %. Nous pensons
taire de I'O.C.P. s'élèverait alors pour 6 ans à 1.190 mil- qu 'une telle réduction, tout en prouvant à l'évidence que
lions de dh. · Je gouvernement est sincère dans son désir d'encourager
l'investissement privé, n'affecterait pas sérieusement Je
BENEFICES DU COMPLEXE DE SAFI : Le complexe rendement à long terme de cet impôt » (p. 58).
atteindra .sa pleine capacité en 1968. Le chiffre d'affaires
de 1965 à 1970 totaliserait quelque 500 millions, rappor- REDUCTION DES DEPENSES ORDINAIRES : La mis-
tant à l'Etat 20 millions en taxes d'exportation (au taux sion recommande · des économies sur l'assi·stance tech-
normal de 5 %) et 20 millions d'impôts sur le bénéfice nique et administrative étrangère et la réduction de sub-
et les dividendes . ventions à divers organismes publics (radio-télévision,
ports secondaires) , qui devrait être compensée par des
REVENUS DES TERRES REPRISES PAR L'ETAT : La augmentations de redevances.
mission escompte 100 millions des terres de colonisation,
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dont la redistribution ne doit pas intervenir dans des pro- Au total pour la période 1965-1970, les mesures ainsi
portions importantes avant 1970. préconisées rapporteraient un supplément de 2.185 mil-
lions de dh. :
AUGMENTATION DES TAXES EXISTANTES : Elle por-
terait sur le tabac, les produits pétroliers (20 % sur l'es-
en mi llio11S de DH .
sence seule), les alcool·s (10 %) ; Je prix de vente du
sucre, qui est passé en 1964 de 1,34 dh. le kilo à 1,85,
serait maintenu à ce taux, alors que le cours mondial a Ve r sc~e nt s supplémen tai res de lr O.C.P . 1.1 90
baissé considérablement : le bénéfice serait partagé entre Ve r se~ents du complexe de Saf i 40
la Caisse de compensations et le budget d'équipement. La I mpôt agric ol e ôO
mission ne mentionne pas que le maintien de ce prix
Sup p l ement de taxe sur l e ta bac 75
élevé est également nécessaire à l'équilibre financier des
sucreries marocaines nouvellement implantées. Supplénent èe t axe sur l 'essenc e lOO
Supp l émen t de taxe s ur t•a lc oo l 25
CREATION DE NOUVEAUX IMPOTS ET RELEVEMENT Nai n t i e n du pr ix du s ucr e 225
DU TAUX D'IMPOT EXISTANT. 1
Taxes s ur t e rr ai ns 100
Econ omi es s ur d~ p en ses ordina ires 170
- Impôt agricole : Au premier janvier 1962, le « ter-
tib ••. impôt assis sur la production, a été remplacé par Dive r ses taxes nouv e lles 200
un impôt agricole assis sur la capacité productive des
terres, mais celle-ci a été évaluée de telle sorte que les 2. 185
petits agriculteurs (90 % du total) se trouvent exonérés.
De ce fait, lè secteur agricoie, qui fournit environ 30 %
du produit national, supporte 1 à 2 % du total des charges
fiscales . La mission recommande un doublement immé- L'augmentation des dépenses ordinaires devant être
diat, sous réserve de l'octroi d'une déduction aux agri- Jimiiée cte 3 à 5 % par an, soit un total cumulé de 560 mil-
culteurs réalisant des investissements productifs. lions de 1965 à 1970, il resterait un montant supplémen-
taire de 1.625 millions disponibles pour les investissements
- Taxe urbaine : La mission recommande l'institution (2.185 - 560). .
d'une taxe, au taux rapidement pràgresslf, sur les opéra-
tions foncièr,e·s à caractère spéculatif et, en contrepartie, La mission examine ensuite la politique monétàire. Elle
un traitement fiscal favorable des investissements pro- résume l'évolution de la situation monétaire, en soulignant
ductifs. A cet effet, la taxe de mutation sur les terrains l'augmentation des créances sur le Trésor et des crédits
urbains po~rrait être majorée et un impôt, dont le tâux à l'économie, parallèlement à une rapide baisse des avoirs
serait supérieur au taux de l'impôt sur les bénéfices pro- en devises qui a empêché la masse monétaire de croître
fessionnels, pourrait frapper les gains en capital. en fonction des terisioris inflationnistes internes. La mis-
~ioH recommande une expansion modérée de la mon-
- Impôt sur ce'r talnes plus-values : Institué sur la plus- naie, n'adoptant donc pas sur ce point une attitude
value des terres irriguées, il pourrait être acquitté en rigide : " Nous suggérons que le gouvernement se donne
22 POLITIQUE INTERIEURE

comme objectif de limiter la croissance annuelle de la de la dette publique en devises, cependant que les réser-
masse monétaire à quelque 6 %... Nous ne suggérons ves de devises devront toujours équivaloir à quelque 3 à
pas que cet objectif pui·s se être atteint immédiatement : 4 mois d'importations, alors que dan·s l'intervalle les sor-
le faire signifierait une réduction brutale du budget d'in- ties de capitaux continueront.
vestissement de l'Etat en 1965 et 1966. Il en résulterait
une désorganisation de nombre de projets actuellement Très bref sur les négociations avec la Communauté
en cours et le coût d'une telle désorganisation pour l'éco- Economique Européenne, le rapport est plus étoffé sur
nomie marocaine dépasserait le gain. En outre, le niveau l'intégration maghrébine. Il reprend d'ailleurs les éléments
actuel de l'activité économique déclinerait, aggravant ainsi du rapport de la Commission économique des Nations
le niveau du sous-emploi " (p. 61). Unies pour l'Afrique (C.E.A.) qui étudiait déjà les sec-
teurs où les investissements devraient être coordonnés
La mission propose alors que l'expansion monétaire et même unifiés : énergie, plomb, zinc, engrais, mécanique
soit adaptée à tout moment à la situation : accroissement et automobile, utilisation du gaz naturel, etc.
du crédit privé si le secteur privé démarre, augmentation
des investissements publics, donc du crédit au Trésor, les recommandation·s de la mission correspondent sou-
dans le cas contraire. La mission tient compte de fac- vent à des idées qui étaient déjà " en. l'air , au Maroc ;
teurs techniques commandant le volume de monnaie, ainsi certaines avaient été portées à la connaissance du gou-
que des progrès de la " monétisation , de l'économie ou vernement par la mission pendant la période d'étude et
encore de l'augmentation des dépôts privés qui accroîtra de rédaction du rapport. Ainsi s'explique que plusieurs
les pressions inflationnistes, si les mesures tendant à d'entre ell-es aient été déjà mises en œuvre, avant même
encourager les investissements de capitaux privés se révè- la parution du rapport. L'austérité budgétaire, la politique
le'nt un succès et que par suite les fuites de capitaux fiscale, la politique monétaire ont en quelque sorte de-
diminuent et les réserves de change s'améliorent (cf. p. 62.) vancé les conseils de la mission et la plupart des mesures
Il faudra , dans ce cas, que les autorités marocaines prises à cet effet l'ont été en 1964 et 1965. Au début de
" entreprennent quelque contrôle de la création de crédit 1966, le gouvernement y a ajouté la diminution du taux
privé par voie du contrôle sur le réescompte ». de l'impôt sur les bénéfic-es qui revient de 43,2 à 40 %.
Mais en matière monétaire, l'intervention du Fonds moné-
La mission formule quelques remarques à propos du taire international a conduit à des mesures de contrôle
Code des investissements. Elle recommande surtout une
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et de restriction qui dépassent les vœux de la mission (1).
int-erprétation libérale de ses dispositions qui ne paraît Celle-ci acceptait en effet une création modérée de mon-
pas faci le, car les mesures d'exception, au droit commun naie qui paraît proscrite par les nouvelles mesures.
fiscal notamment, sont en principe de droit étroit. La mis-
sion préférerait dans un souci de simplification, remplacer Comme on l'a noté précédemment, le recours massif
la provision pour amortissement accéléré par une sup- aux ~ides extérieures entre autant dans les vues de la
pres·s ion de l' impôt sur les bénéfices pendant les pre- mission que dans celles du gouvernement : le finance-
mières années. Enfin l'achat de matériels d'occasion ment des investissements publics prévu·s au Plan trien-
dev rait aussi bénéficier des dispositions du Code, con - nal qui atteignent un total de 2.461 millions, fait appel à
formément à la doctrine de la B.I.R.D . hauteur de 1.525 millions, soit 62 %, aux aides extérieures.
Les investissements publics du plan sexennal, d'un mon-
Les relations économiques internationales sont ensuite tant de 7.180 millions, devraient être financés par un
analysées par la mission qui étudie à ce propos le régime apport extérieur de 3.500 millions, soit environ 49 % ; la
du commerce extérieur, la balanc-e des paiements, les mission demande ainsi un effort plus considérable au pays
relations avec la C.E.E. , les relations inter-maghrébines. lui-mêm-e. Il a déjà été donné suite à une partie de ses
propositions concernant les droits de douane et les taxes
En matière de commerce extérieur, le rapport est favo- de consommation. En fait, l'équilibre financier imaginé
rable à l'élévation des droits de douane ; il considère par la mission dépend largement de la prospérité de
que les mesures de réduction d-es importations appliquées l'Office Chérifien d-es Phosphates - et de sa contribu-
en 1964 n'auraient pas dû prendre la forme de restrictions tion au financement du Plan - puisque tou·s les calculs
quantitatives, mais d'augmentation des droits de douane sont fondés sur une augmentation annuelle de produc-
qui constituent une ressource budgétaire. De façon géné- tion de l'Office de 8 %, et sur le recours à d-es emprunts
rale, " cette recommandation est faite à la lumière de extérieurs à hauteur de 390 millions pour le financement
l'étude de la mission selon laquelle le niveau des droits de ses investissem-ents ; or la production des Phosphates
de douane est actuellement relativement bas ; leur aug- en 1965 est demeurée stationnaire.
mentation laisserait encore le Maroc moins protection-
niste que beaucoup d'autres pays » (p. 62).

La balance des paiements est, selon le rapport, appelée REFORMES ADMINISTRATIVES


à évoluer favorablement : les ventes de phosphates, d'en-
grais, de produits agricol es, y compris l-es agrumes, ainsi La mission suggère le renforcement de l'administration
que les recettes touristiques, doivent progresser. Toute- marocaine dans le domaine de la plan i fica~on.
fois, l'aide extérieure nécessaire à la réalisation du pro- En premier lieu, le plan pluriannuel devrait être révisé
gramme de développement devra se situer à un niveau chaque année par un comité de fonctionnaires supérieurs
élevé : 700 millions de dh . en 1970 ; 3,8 milliards pour la représentant les principaux secteurs, analogue au groupe
périod-e 1965-70, comme on l'a vu, sur un total de 7.180
millions. C'est que le programme préconisé entraînera
des importations directes et des importations indirectes
(1) Cf. • Maghreb • n• 15 : • Les restrictions de crédï't au
du fait de la relance de l'activité, une charge croissante Maroc " · p. 17.
M A R 0 C 23

de rapporteurs qui a préparé le Plan triennal. Il serait On peut enfin se demander dans quelle mesure on peut
assisté de groupes de travaiL Sa tâche porterait sur les préconiser de lourdes structures dans un pays où le per-
activités non seulement de·s administrations, mais de tous sonnel qualifié, en nombre insuffisant, est absorbé par les
les établissements qui, à des degrés divers, relèvent de tâches d'administration quotidienne.
la puissance publique. Le Bureau . du Budget d'équipe-
ment serait renforcé, mais il semble qu'il serait cantonné La mission recommande, il est vrai, le recours à l'assis-
à la fixation et à la répartition des dépen·ses annuelles. tance technique étrangère. Mais la diminution du volume
de celle-ci est par ailleurs conseillée dans un but d'éco-
En second lieu, la mission préconise la création d'une nomie budgétaire par la rntssion qui rappelle, à juste titre,
petite unité spécialisée dans les problèmes d'aide exté- qu 'un Etat doit tendre à s'administrer par ses propres
rieure , qui coopérerait étroitement avec le comité ci- moyens : " Le moment est venu où le Maroc doit avoi'r
dessus. l'administration qu'il peut se permettre, à la fois financière-
ment et structurellement .. (p. 80) . Cependant, des experts
En troisième lieu , des transformation·s devraient inter- étrangers devraient renforcer le comité de développement,
venir à l'échelon supérieur, c'est-à-dire ministériel. Un l'unité spécialisée dans l'aide étrangère, le bureau de
comité permanent interministériel suivrait les questions éco- l'équipement au ministère des Finances, le service du
nomiques et serait présidé par un vice-président du Conseil : Plan .
celui-ci n'aurait en charge aucun autre portefeuille et rem-
plirait uniquement sa tâche de coordination. Le comité
permanent interministériel serait assisté d'un service qui PROBLEMES AGRICOLES
pourrait être au départ le comité de fonctionnaires supé-
rieurs chargé de la révision du Plan, sous le nom de
Ils font l'objet du chapitre 7 du rapport (p. 89 à 128),
comité de développement ; il constituerait en même temps
c'est-à-dire le plus long, comme il convient à la première
l'organe technique d'un service du Plan renforcé. Son
des priorités reconnues par le Plan triennal.
directeur serait en même temps, - et sous les ordres
du vice-président du Conseil - , secrétaire permanent du
comité interministériel. Le service des statistiques serait Les principes
rattaché à ce service.
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Les principes qui doivent guider l'action dans ce do-
maine sont simple à énumérer : " La première tâche
En quatrième lieu, chaque ministère devrait être doté
est d'augmenter rapidement et efficacement la production
d'une unité de planification. Ces unités constitueraient le
agricole .. (p. 94) : ce n'est pas un truisme, car jusqu'à
noyau essentiel des groupes de · travail chargés d'assis-
ce jour les programmes se proposaient de réaliser d'abord
ter le comité de développement, mais ces groupes com-
des réformes de structure (Plan 1960-1964) ou d'implan-
prendraient également des représentants des établisse-
ter de larges infrastructures (Plans 1949-1952 et 1953-
ments concourant au Plan : « Tous les mini·stères, services
et agences qui pourraient avoir quelque lien avec les 1957). Le programme sexennal doit avant tout permettre
d'obtenir une crois·sance annuelle supérieure à celle de
projets sectoriels, devraient être représentés à ces grou-
pe·s de travail. Par exemple, si un projet hydraulique à la population, donc dans l'agriculture comme ailleurs, il
buts multiples était à l'étude, des représentants de l'Of- est un plan de production.
fice de mise en valeur agricole, de l'Office national d'élec- Le taux de croissance prévu pour la production agri-
tricité des ministères de l'Agriculture, des Travaux publics, cole est de 3 °/o : " Nous avons cependant mis en lumière
des Finances, ainsi que le service du Plan, seraient inclus que le taux de croissance devrait être très supérieur à
dans le groupe » (p. 75). 3 % dans divers secteurs de l'économie agricole. Mais
déjà parvenir à un taux de croissance moyen national de
Bien entendu, les instances supérieures demeurent 3 % par an impliquera un effort soutenu de la part du
celles prévues par la Constitution : Conseil des mini·stres, gouvernement comme du peuple marocain » (p . 98).
Conseil supérieur du Plan.
Pour y parvenir, " non seulement le principal effort doit
On aboutit au total à une. organisation pyramidale com- être concentré sur la mise en valeur, en utilisant ainsi à
plexe qui n'est pas sans rappeler celle qu'avait mise au pleine capacité les projets déjà en cours, mais il doit
point en 1957-59 le vice-président, ministre de l'Economie l'être également sur des zones choisies du pays. La poli-
nationale, M. Bouabid, en vue de la préparation du Plan tique du gouvernement, en prenant en charge les lots de
quinquennal et de la coordination de l'action économique colonisation, relève en une certaine mesure de ce prin-
du gouvernement. Sa reconstitution suppose des moyens cipe ; mais il doit être suivi aussi dans d'autres types
en personnel qualifié qui risquent de faire défaut. Le d'activité et même dans des travaux entrepris sous les
comité interministériel existe déjà en principe, mais son au·spices de la Promotion nationale. Dans ce dernier cas,
secrétariat permanent est inexistant et la division du Plan il y a un réel danger que de trop nombreux projets puis-
se réduit à un bureau peu étoffé. Le ministère chargé de sent conduire à une dispersion excessive des efforts, alors
la Coordination économique ne disposerait donc, actuel- que le programme de protection et de restauration des
lement, d'aucun moyen d'animation. C'est bien dans cette sols dans le Rif par exemple, devrait requérir une forte
situation que s'est trouvé en 1965 le ministère du Déve- concentration des ressources de la Promotion nationale.
loppement. De toute manière, la position du ministre des Pour les grands projets d'irrigation, l'exemple du pro-
Finances, en période de difficultés financières, a toute gramme de betterave sucrière est instructif : un effort
chance d'être considérablement plus forte que celle d'un massif et concentré a été un facteur décisif pour le rapide
ministre sans portefeuille chargé de coordonner le·s acti- succès de la campagne dans sa première zone d'appli-
vités économiquès. cation » (p. 95).
24 POLITIQUE INTERIEURE

Mais l'agriculture ne doit pas être un monopole d'Etat. d'irJvestissement aux con~idérations évoquées ci-dessus.
La mission a remarqué que les services publics agissaient En ce qui concerne les autres parties de notre programme
trop souvent à la place du fellah, · qui, dans tous les cas, de 6 ans, nous espérons qu'elles aideront. le gouverne-
doit participer aux travaux. Lorsque J'Etat investit, les béné- ment à la fois à procéder àux modifications possibles du
ficiaires de l'investissement doivent acquitter Je coût com- Plan en cours et à établir Ur] plan ultéri.eur à la lumière
plet de l'amortissement, permettant ainsi à J'Etat de réin- des circonstances prévalé!rJt à ce moment ~ (p. 110).
vestir. Le problème est alors celui de la viabilité de
l'exploitation : " La mission reconnaît que dans nombre Et la mission s'engage à nouveau en marquant sa
de zones, la taille des exploitations existantes sera trop confiance dans se·s propositions : « Le programme de
petite pour permettre un amortissement adéquat des dé- déyeloppement agricole que la mission recol)1mande pour
penses d'investissement de l'Etat et que le regroupement les quelques prochaines armées doit être considéré com-
et la redistribution des terres prendra inévitablement un me le prélude à une croissance beaucoup plus rapide· au
temps considérable ,. (p. 96) ; dans ce cas, comme dans cours des années suivante·s. Le constant accroissement
les travaux d'utilité publique (lutte contre l'érosion), la de l'investissement et de la production que nous pré-
dépense doit rester à la charge de l'Etat. voyons pour la période 19.65-1970, devrait même augmen-
ter plus rapidement par fa suite. Ainsi apparaît toute
La mission aborde avec beaucoup de prudence la l'importance qu'il y a à disposer, en vue qe leur réalisa-
que-stion de la réforme agraire : " Il parait impossible, tion. d'un large éventail de projets d'irwe:stissements
dans une courte période, de conduire à travers l'ensem- significatifs déjà à l'étude et presque prêts au moment
ble du pays les études nécessaires à une réforme agraire où des ressources nouvelles - financières et humaines
immédiate. La mission recommande donc que le gouver- -~ont disponibJe·s ,. (p. 110i. .
nement limite pour le moment la réforme aux zones où
elle est très importante pour augmenter la production ou Nous metton·s ci-dessous en regard le programme de •
conserver les sols » (p. 98) : dans les périmètres d'Irriga- la mission et le Plan triennal.
tion, sur les propriétés insuffisamment exploitées, sur les
terres collectives ou domaniales des régions prioritaires. en mi ll ions d e Dl !.
La mrssion considère que les anciennes terres de coloni-
sation ne doivent pas être exploitées directement par les 1 Pr ogra mme
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P lsn tri cnnn l
techniciens de l'Etat, mais vendues à des paysans ayant scxer: n.1 l
1
une expérience des cultures modernes ou à des coopé- l ~ cr r ~s i rri cuécs 1..6 1 , 8 60 6 , 9
ratives, ou cédées en location-vente aprè"S une période
Të l: rcs sclc h e s 156 ,~ 430,2
probatoire.
P~o j cts ag ri co ! cs i n t ~g r ~~ 70
La mission fait également des recommandations con- Protec tio n des so l s e t
cernant l'appropriation des terres en périmètres irrigués forêts 69 , 9 2 13
et en zones sèches, ainsi qu'en ce qui touche les struc- Pror.1 otion nat i onale 61 180
ture·s administratives de l'agriculture : " Le développe- l'.e ch ~ rch e 16 30
ment agricole se situe sur place et non à Rabat. La poli-
f.t ud es et travaux fo nc i e rs 16 ,1 57
tique apricole doit être coordonnée et non pas dispersée '
entre diverses institutions autonomes ,. (p. 102) ; la mis- Di ve r s e t provi s i on 2 00
sion approuve la fusion des offices agricole-s en un Office
1 8 51, 6 1.867,1
unique de mise en valeur (O.M.V.A.) qui doit être réfor- 1
mé : l'administration centrale de l'Office doit être char- Cr é dic a gr ico l e 202 , 7 (50 6 ) (l)
gée uniquement d'une tâche de coordination et de con-
trôle, et l'action elle-même doit être décentralisée : l. 051.. ,J 1. 867 , 1
" L'état-major doit être réduit sévèrement et une organi-
sation plus simp le devrait permettre aux administrations
(l ) Déj~ r épart is da ns l es "ubriques pr écéden t es .
régionales de laisser au personnel le moyen d'avoir des
relations de travail plus directes dans la campagne ,.
(p . 103). La mission insiste sur l'importance du crédit
La différence la plus marquante apparaît au chapitre
agricole, de l'enseignement, de la politique des prix pour
des grands périmètres d'irrigation pour lesquels le Plan
le blé, le sucre, les graines oléagineuses, de l'organisa-
triennal prévoit une dépense de 486,3 millions, dont 383,3
tion commerciale .
par le budget et 103 au titre du crédit agricole, alors que
la mission, pour une période. de 6 ans, prévoit seulement
Le programme une dépense de 435,9 millions, dont 318 par Je budget et.
117,9 par le crédit agricole. Le programme sexennal de
1
la mission reporte entièrement à une période ultérieure
Ces principes affirmés, la m1ss1on est alors en mesure les travaux prévus dans le périmètre du Haouz.
de définir un programme d'investissement pour 6 ans. La
différence entre ce programme et le plan triennal est que Le gouvernement maroc11in est cependant parfaitement
la mission écarte la création de toute infrastructure nou- conscient de la nécessité de donner la priorité à la " mise
velle, tant que l'infrastructure actuelle ne sera pas plei- en valeur ••, sur l' << équipement •• : Je Plan triennal met
nement utilisée, c'est-à-dire sans doute pas avant 1970, bien en évidence la << distorsion entre les équipements
et en tout cas pas avant 1967. Ses recommandations sont déjà réaJi·sés et la satisfaction rationnelle des besoins en
faites ici dans un style ferme : " Nous espérons que le eau des producteurs : le rapport est, on le sait, de 1 à 25 »
gouvernement verra là le moyen d'adapter son programme (Plan triennal, p. 95). Mais il estime que J'O.M.V.A. doit
M A R 0 C 25

cependant .poursuivre les équipements " externes ,. : d'éducation des hommes. Tout en se considérant comme
24.500 hectares en 3 ans pour 26.000 ha en équipements largement d'accord avec lés objectifs du Plan triennal ,
internes, alors què la mission prévoit une mise en exploi- la mission apporte des propositions nouvelles qui relèvent
tation de 8.600 ha par an de terres effectivement irrigu-ées, de trois principes : •
soit 51 .000 en 6 ans : elle applique ainsi plus systémati-
quement les principes mêmes mis en lumière par les auto- - efficacité, par· le changement des programmes et
rités marocaines. de·s méthodes d'enseignement,

- expansion, notamment au niveau moyen, pour les


Parmi les projets intégrés, la m1ss1on reporte à plus adultes, et dans la formatiOn des professeurs du secon-
tard les projets du Loukos et du Tafilalet, mais elle com- daire,
prend dans la protection des sols le début de réalisation
du projet D.E.R.R.O. (Développement économique rural de - économie, gtâce à la participation des liutorités loca-
la région du Rif occidental), dont les études ont été finan- les, des communautés et des entreprises privées.
cées avec l'aide du Fonds spéc ial des Nations Unies sous
l'égide de la F.A.O.
Enseignement primaire
S'agissant de la Promotion nationale, le Plan triennal
préVoi t une dépense de 61 millions, répartis sur l'ensem-
ble des travaux agricoles. Il s'y ajoute la part payée en En matière d'enseignement primaire, la m1ss1on recom-
nature - céréales généralement fournies au titre de mande le maintien à 5 ans de la durée de la scolarité,
l'aide amérièaine - qU'on peut évaluer à 28,6 millions qui commence à l'âge de 7 ans, alors que le Plan triennal
de dh., soit un total de quelque 90 millions. La mission prévoit un allongement de la scolarité par son extension
prévoit le double pou r la période de 6 ans, soit 180 mil- aux enfants âgés de 5 à 6 ans. De ce fait, l'augmentation
lions qui fourniront un programme supplémentaire, alors du nombre d'enfants scolarisés prévue par la mission,
que, dans ses prévisions, 224 millions de travaux réalisés sera plus modérée, d'autant plus qu'elle préconise la
avec cette technique sont déjà compris dans les autres suppression du redoublement des classes et le passage
rubriques d'investissements. La Promotion nationale assu- automatique à là ciasse supérieure : la niasse dès élèves
merait ainsi un montant de 404 millions de travaux, soit tendra de ce fait à diminuer.
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22 % au total des investissements agricoles, et jouerait
Par ailleurs, la mission ne croit pas souhaitable d'at-
un rôle déèisif dans la réalisation du programme. teindre trop vite une scolarisation totale : 62,5 Ofo dès
enfants de 7 ans seraient scolarisés en 1970-71 au lieu
de 45 Ofo en 1963-64. A la fin du Plan sexennal, 80 % des
PROBl i:MES D'EDUCATION enfants parviendraient à la firi du cycle primai re au bout
de 5 Ms au lieu de 70 Ofo au début de la période.
La mission consacre un long chapitre aux problèmes ce·s quelques données de base peuvent être résumées
d'éducation. Tant le gouvernement que la mission sont dans le tableau suivant qui retrace i'évolutien de la sco-
bien convaincus que le développement dépend du niveau larisation :

e n mi lliers d'élève s

An née Pla n Tr iennal Pla n s exenna l r ec omma ndé par l a mission


1964 -1965 1965-1 966 196 6-1967 1967 -1 96J 196 5-1 966 1966 -1967 1967-1 96/J 1968 -1 969 1969- 1970 1 1970 -1 971
1
(1)

Cla sses 1 - - - 300 - - - - - -


2
3
-
2 61
-
600
600
300
300
300
-
134
-
2!· 1
-
272
-
2 90
-
3 11
-
33 7
4 22 5 243 300 302 230 120 222 25 5 275 29 5
5 205 2 17 230 277 2 14 213 114 2 11 243 262
6 186 17 5 192 204 195 203 207 1o9 200 230
7 199 20 1 203 215 163 176 186 i 95 103 190
-- -- -- -- - -·- -- -- -- -- --
1. 076 1. 4 36 1. 82 5 1. 898 936 953 1. 00 1 1. 060 1.132 1. 3 14

Augmen t a tic
par r a p por t pa r an 360 339 7J - 140 22 43 59 72 182
à 1964 -1 96 5 82 2 2311
cumulée 360 749 - 140 - 118 - 75 - 16 56

(l) La clas s e 3 corr e spond à la scolar is ation ac t ue lle à part i r de l'â ge de 7 a ns. Le Plan Tr iennal v e ut f a ir e r emon t e r la
scolarité à 1 'âg e de 6 a ns, pu is de 5 a ns (clas ses l e t 2) ; mai s en 196 5, l e s enfa nts de 6 a ns sont réun i s aux e nfants
de 7 a ns, et en 1966 ceux de S ~ns sont joints à ceux de 6 ans .
26 POLITIQUE INTERIEURE

La scolarisation des enfants de 5 et 6 ans et l'allon- La mission recommande " que la diversification et la
gement de 2 ans de la scolarité primaire se traduisent spécialisation de l'éducation soit reportée au plus loin-
évidemment dans le Plan triennal par un accroissement tain stade possible. En premier lieu, l'élève, pourra repor-
con·sidérable des effectifs. Par contre, la disparition du ter à un stade plus tardif le choix définitif d'une occupa-
redoublement dés classes dans le plan de la mission tion, accroissant ainsi se·s chances de choisir de façon
peut apparaître problématique. Elle conduit à un allège- avisée. En deuxième lieu, ayant une meilleure éducation
ment des effectifs qui ne retrouvent qu'en 1969 leur niveau générale, il pourra acquérir plus rapidement les connais-
de 1964. Bien entendu, les investissements nécessaires sances spéciales et la technique nécessaires. Ce gain
sont . différents dans les deux hypothèses. Aucune com- de temps correspondra ainsi à un gain d'argent, d'ail-
paraison n'est cependant pos·sible, car Je Plan triennal ne leurs proportionnellement plus grand, étant donné que
semble pas avoir chiffré de façon complète les dépenses l'éducation spécialisée est payante. Une meilleure éduca-
de construction d'écoles primaires : 8 millions pour 3 tion générale renforcera aussi les chances d'une meilleure
ans- alors que 100 millions ont été dépensés en 1960-64 ; promotion dans Je domaine choisi. En troisième lieu, la
la mission évalue Je coût moyen de la classe à 10.000 dh . réduction du temps qui s'écoule entre l'entrée dans l'en-
et la dépense totale à 78,2 millions de dh . en 6 ans (aux- ·seignement spécialisé et l'emploi permettra une meilleure
quels s'ajoutent les constructions de logements pour le·s adaptatiolil du premier aux besoins en main-d'œuvre,
instituteurs, soit 39,1 millions). Le même mode de calcul
réduisant ainsi le risque d'une sur- ou d'une sous-pro-
- à la vérité assez complexe - permet de chiffrer la
dépense réelle impliquée par Je Plan triennal à 190 mil- duction •• (p. 212).
lions de dh . pour 3 ans à comparer avec 78 millions pour
6 ·ans. La mission prévoit en fin de période le doublement des
effectifs entrant dans l'enseignement secondaire. Elle sug-
gère de créer des classes secondaires dans les écoles
Enseignement secondaire primaires, notamment dans les campagnes, pour assurer
dans la même école le cycle primaire et le cycle infé-
La mission considère que J'enseignement secondaire rieur du secondaire.
manque d'homogénéité et dirige trop rapidement les élèves
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vers une spécialisation technique : ces derniers n'au- Le taux de passage de dernière année du primaire en
raient pas acquis le niveau de connai·ssances générales première année du secondaire est, en 1964-65, de 33 °/o;
qui permet d'assimiler plus aisément ensuite des ensei- il devrait passer en fin de période sexennale à 40 %.
gnements techniques, ils arriveraient en outre trop jeunes
L'enseignement secondaire comprendra deux cycles, res-
sur le marché du travail. En 1964, les jeunes Marocain·s
pectivement de 4 et 3 ans. De même que dans le primaire,
suivant J'enseignement secondaire étaient au nombre de
121.000, dont 107.000 dans le premier cycle et 14.000 dans le redoublement de classe est supprimé, et 85 % des
le second, soit 6 % du groupe d'âge de 12 à 18 ans. Les élèves sont supposés passer chaque année dans la classe
élèves parvenant en dernière année représentent 1 % du supérieure. Ces hypothèse-s permettent d'évaluer les effec-
nombre de Marocains ayant 18 ans. tifs au cours des 6 années à venir :

en mi lliers d'élèves.

1964-1 965 1965-1966 1966 -1 96 7 1967-1 968 1968 -1969 196? -1 970 1970-1 97 1 1971-1972

Année d'étude ( 186 ) (195) (lOJ)


(199) ( 1&3) ( 17 6) (1 90 ) (219)
prima i re finale
~ccondaircl 43 65 65 70 75 ao 40 80
2 43 36 55 55 60 64 66 34
ler
cycle 26 ]6 Jl 47 47 51 54 5::1
JI
4 25 22 31 26 40 40 43 46
-- -- -- --
193
--
222
--
235
-- --
218
137 159 182 205
annuelle 22 23 16 24 lJ - JO lJ
J...~Jgme;-~t ation
cumulée 22 1, 5 61 85 98 68 81
5 9 lJ 11 15 13 20 20 21
cyc2èmc
le ! 6 5 8 11 9 13 11 17 l7
7 J 4 7 9 8 11 9 14
--
17
--
25
--
29
--33 --34
--42
--
46
--
52
a nnue 1le 8
Augment ation 8 4 4 1 4 6
cumulée 8 12 .16 17 25 29 35
M A R 0 C 27

Seulement la moitié des élèves poursuivent leurs études avoir multiplié par 12 le nombre des élèves de l'Ecole
secondaires au delà du premier cycle. normale supérieure (soit 6.250 en 1970), .où la durée de
l'enseignement devrait être portée de 3 à 4 ans.
Le Plan triennal prévoit l'entrée dans le secondaire· de
63.500, 66.000 et 67.500 élèves respectivement pour 1965, L'éducation complémentaire et celle des adultes n'étaient
1966 et 1967, c'est-à-dire que pour ces trois années le pas mentionnées dans le Plan triennal.
passage du cours moyen 2' année en 6' se ferait -a u La principale différence avec le Plan a cependant trait
rythme de 31 ,70fo, 32,5 Ofo, 31,4 Ofo. à l'importance plus grande donnée par la mission à l'en-
seignement secondaire et aux disciplines scientifiques et
technologiques de l'enseignement supérÏ1:!ur. " Comme
Enseignement professionnel noté ci-dessus, si l'on doit développer l'enseignement
secondaire, une très haute priorité doit être donnée à la
En ce qui_ concerne l'enseignement professionnel, léi
formation des profe·sseurs du secondaire et la mission
mission recommande deux principes : d'une part, asso-
recommande que, durant la période sexennale, la moitié
cier les employeurs à la responsabilité de cet enseigne-
environ des nouveaux arrivants da[ls l'Université poursuive
ment et, d'autre part, définir le rôle de l'Etat à qui il
des cours leur procurant l'éducation et l'entraînement
reviend rait de compléter, d'anticiper et seulement en der-
nécessaires pour faire d'eux des professeurs. La réparti-
nière analyse, de se substituer aux employeurs. Les
tion des étudiants par branches d'études devra être en
remarques de la mission dépassant certainement le cas
mesure d'assurer la formation d'un nombre suffisant de
du Maroc, il parait utile de mentionner les raisons qui
professeurs de sciences, de mathématiques et de matières
lui paraissent justifier une telle politique : préparer les
techniques. Sur la moitié restante des nouveaux étudiants,
étudiants "à des professions qui conviennent aux entre-
la mission pense qu 'environ 70 Ofo devrait suivre des dis-
prises ; assurer une correspondance entre les études et
ciplines scientifiques et techniques , (p. 258) .
les besoins et possibilités d'emploi ; réduire les dépenses
de l'Etat, les travaux pratiques· étant dispensés dans les
locaux des entrepreneurs ; les chances de satisfaire tou- *
**
tes les parties prenantes sont accrues : les entrepreneurs
qui peuvent trouver le nombre et le type de spécialistes
qu'ils recherchent, les étudiants qui sont sûrs de trouver Le rapport de la mission contient - en entrant sou-
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un emploi au terme de leurs études, le·s parents des étu- vent dans le détail - bien d'autres recommandations qui
diants qui voient l'avenir de ceux-ci assuré, l'Etat qui concernent tous les aspects de la vie économique et
fait face aux besoins du pays en personnel qualifié, de sociale.
façon efficace et économique. Pour la première fois, une étude exhaustive du Maroc
est réalisée en dehors des services nationaux. Il est excep-
tionnel que soit réuni en un seul document l'ensemble
Formation des enseignants des données : problèmes et leurs solutions possibles ;
état actuel et perspectives d'un Etat, .ouvert à la coopé-
La mission fait encore un certain nombre de sugges-
ration internationale. La B.I.R.D. n'est sans doute pas liée
tions concernant la formation des maîtres et professeurs,
par les rapports des missions d'étude générale, qui sont
l'enseignement supérieur, l'enseignement complémentaire
réali·sés avec la collaboration, souvent l'animation de ses
et celui des adultes. S'agissant de la formation des en·sei-
agents, mais non sous sa responsabilité. Cependant ces
gnants du primaire, la mission souligne que les effectifs
rapports sont un élément important de la connaissance
prévus par elle diminuant en 1966 et ne retrouvant qu'en
des pays membres et la volonté de mettre en œuvre
1969 le niveau de 1964, 1€ problème est plus aisé à
les recommandations qui y sont contenues ne fait qu'en-
ré·soudre ; la durée de formation, qui avait été ramenée
courager la B.I.R.D. à envisager favorablement une aide
par les autorités marocaines de 3 à 2 ans, devrait être à
substantielle apportée tant par elle-même que par des
nouveau portée à 3 ans.
« consortium , d'Etat qu'elle s'efforce de constituer dans
Par contre, l'effort de formation des professeurs secon- ce but. C'est pourquoi nous avons tenu à consacrer de
daires doit être considérablement accru : on doit en 1970 longs développements à ce rapport.

TUNISIE

1o ans d'indépendance. du retour du président Bourguiba à Tunis à la veille de


la signature à Paris des conventions dites d'autonomie
Un bilan positif. interne (1).
C'est le second anniversaire qui est ·devenu la fête
LES FESTIVITES DU 1"' JUIN
nationale de la Tunisie appelée aussi fête de la Victoire.
La Tunisie a célébré à peu de jours de distance deux Cette dernière dénomination ne doit pas être prise dans
anniversaires importants de son histoire contemporaine.
Le premier est celui du 20 mars 1956; date de l'indépen-.
(1) Conventions entre la France et la Tunisie signées à Paris le
dancê nationale, le second est celu.i d.u 1·~ juin 1955, date 3 juin 1955.
28 POLITIQUE INTERIEURE

son sens étroit de victoire militaire, mais de victore du de facettes, l'abondance des boissons et de'S sucreries,
" Combattants suprême .. sur les forces qui s'opposaient le feu d'artifice enfin tiré sur la mer par une pleine lune
à son action, qu'elles fussent celles de colons français éclatante, ç!onnaient à cette réception un .carl:!ctère de
redoutant que toute conce11sion n'entraîne d'autres con- fête orientale.
cessions jusqu'à leur dépouillement total, ou qe YoU'Sse-
En même temps, le portrait en pied du président de la
fistes revendiquant l'indépendance immédiate par, calcul
République et celui de son épouse rappelaient aux assis-
politique et surenchère nationaliste..
tants le caractère nouveau du régime. Quiconque avait
Cette année, la fête de la Victoire débutait le 31 mai connu l'ancien ne pouvait s'empêcher de comparer cette
au soir par l'inauguration de la Télévi·sion tunisienne à fête à celle du Trône où le souverain tunisien recevait
la maison de I'O.R.T.T., en présence des membres du les prépondérants français sans chaleur et sans joie.
gouvernement, des représentants dU Parti, et de nom- Le Palais .de Carthage prend ainsi sa signification. Il
breuses personnalités tunisiennes et étrangères, parmi est le signe de la prépondérance recouvrée des Tunlsl~n'S
lesquelles le directeur générai de l'O.R.T.F. et plusieurs en même temps qu'une création marquant, dans l'His-
de ses collaborateurs, l'O.R.T.F. ayant joué le rôle de toire, l'avènement d'une nouvelle époque pour la Tunisie.
maître d'œuvre dans le démarrage des nouvelles installa- Il est aussi le lieu où l'amalgame se fait entre l'ancienne
tions. et la nouvelle société car, au cours de la réception du
Cette inauguration était l'occasion pour le président de 1•• juin, maints tenants de l'ancien régime étaient pré-
la République tunisienne de s'adresser au peuple tunisien sents.
dans le langage simple et direct qui est le sien, propre à Une fête de la jeunesse clôturait le 2 juin au soir les
frapper l'imagination et emporter la conviction. festivités de la Victoire.
Le lendemain avait lieu, avenue Mohammed V, à l'em- 5 à 6.000 enfants, garçons et filles, s'échelonnant de
placement traditionnellement réservé aux manifestations 1Q à 20 ans, y participaient, exécutant par masses de plu-
de même nature, une prise d'armes suivie d'un défilé. Des sieurs centaines, des évolutions savantes. La fête se pro-
détachements de forces de police et de la garde natio- longeait dans la nuit à la lueur des projecteurs, laissant
nale ouvraient le défilé. Suivaient : les détachements de le spectate!Jr impressionné non seulement par la qualité
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4 à 5 bataillons d'infanterie, d'un groupe d'artillerie, d'un ou spectacle, mais également par l'effort accompli pour
escaç!rpn de chars et d'autos-mitrailleu·ses, des éléments guider une jeunes$e hier encore trop souvent livrée à
du génie, des transmissions, du service de santé, une elle-même.
un ité saharienne, une unité de parachutistes, un groupe
de fl!l:?iliers marins, un détachement d'infanterie de l'air.
Deux patrouilles d'aviation légère survolaient le défilé. LE BILAN

L'ensemble représentait un groupement de toutes armes Cette orientation vers des objectifs précis, poursuiVIS
bien équipé, pourvu d'un armement et d'un matériel qua-
avec continuité, est une des marques du cc Bourguibisme ».
siment neuf, en majorité américain, à l'exception de quel-
ques gros camions allemands et de véhicules français Aprè·s 10 ans d'indépendance, quels objectifs ont été
en cours d'usage. atteints, quels restent-ils à atteindre 7 Le bilan n'est pas
aisé à faire, en raison du caractère trop souvent apolo-
La perfection du défilé, la tenl!e des soldats et du gétique des publications officielles. Il compte des réus-
matériel, ne pouvaient pas ne pas frapper les militaires sites, des demi-réu$sites, des échecs.
étrange~ présents, conscients de l'effort de préparation
prolongée qu'une telle présentation qénote. La correc-
tion san·s arrogance des cadres et l'absence de raideur LES REUSSITES
excessive des recrues soulignaient, d'autre part. l'impor-
tance, dans la formation de cette troupe, de ce qui appar- La première des réussites est l'instauration d'un régime
tient à la tradition militaire française de respect de l'hom- dynamique et solide. Le mérite du dynamisme revient à
me et de contact entre le chef et le soldat. la personnalité puissante du président Bourguiba, celui
Le soir, le Président recevait dans le Palais de Càr- de la solidité à l'organisation du Parti. La personnalité
thage. Le Palais de Carthage e·st l'ancienne résidence du du président Bourguiba, en dépit des contacts nombreux
secrétaire général du Protectorat, dont la construction et qu'il peut avoir avec des visiteurs étrangers, est assez
les aménagements achevés peu de temps avant la fin du difficile à cerner. A la vérité, elle est hors série dans son
Protectorat, avaient défrayé la chronique en raison de leur pays, étant à la fois un mélange de sensibilité tunisienne
coût et de leur somptuosité. et de rigueur cartésienne, l'une permettant d'aborder les
problèmes à la manière occidentale, c'est-à-dire avec net-
Le nouveau régime en a fait un palais présidentiel en teté et clarté, l'autre de les résoudre avec la souplesse
y adjoignant une immense pièce de réception pouvant et la modération que requiert le tempérament tunisien.
contenir 2 à 3.000 convives. Des artisans tunisiens dont L'action du président est celle d'un éducateur qui veut
le métier périclitait, d'autres venus du Maroc, ont décoré convaincre plutôt que contraindre. Le régime est autori-
à profusion les plafonds, les murs, les portes et les fenê- taire pour empêcher la dispersion des efforts, mals atten-
tres, entraînant la renaissance d'un art traditionnel sur tif à l'opinion publique pour ne pas être privé de son
le point de s'éteindre. Ce décor, les jardins, la mer, la adhésion. La solidité du régime est due à la force et à
présence de nombreuses Tunisiennes vêtues c;le vête- la solidité du parti qui, elles-mêmes, sont le résultat de
ments traditionnels, faits de riches et lourds tissus cha- l'organisation que ses dirigeants avalent su lui donner
toyants, le scintillement d'immenses lustres aux milliers avant l'indépendance. Depuis l'indépendance, cette orga-
TUNISIE
29

-nisation a évolué vers un renforcement du pouvoir pré- On sait l'impulsion extraordinaire donnée à l'Education
sidentiel et admini·stratif au détriment du parti, afin d'em- - ~ationale(1) par M. Mahmoud Messadi, secrétaire d'Etat
pêcher la naissance de toute opposition risquant de a J'Education nationale depuis 1958,en liaison avec les
diviser le pays ou de gêner J'accomplissement des - ré- services culturels français, l'intelligence avec laquelle
formes. cet agrégé d'Arabe a imposé la double culture française
« Maghreb , a décrit à diverses reprises cette évolu-
et arabe, convaincu semble-t-il au départ, que les deux
tion et montré, en particulier, la fU'sion continue du parti cultures, loin de se concurrencer, s'enrichiraient mutuel-
dans J'administration. Aujourd'hui, ra fusion est faite. Les lement. Ses prévisions se sont réalisées. Le nombre de
organes dirigeants du parti, Bureau Politique, Comité Cen- Tuni·siens bilingues croit. L'élite J'est totalement, Je peuple
tral, sont composés de hauts fonctionnaires. Le Conseil Je sera bientôt. En même temps, la Tunisie reste à la tête
de la République récemment créé n'est lui-même qu'une du mouvement littéraire en langue arabe d'Afrique
émanation du Bureau Politique et du Comité Central. A du Nord avec une revue littéraire telle que " Al Fikr "•
J'échelon régional, le gouverneur préside un comité de un centre culturel international de réputation mondiale
coordination qui est une sorte de Conseil régional com- à Hammamet où elle accueille les troupes étrangères,
posé de membres du parti et de techniciens compétents cependant que se crée un théâtre authentiquement
chargés de faire appliquer les consignes du parti et celles arabe et maghrébin. La représentation récente de
de l'administration qui, Je plus souvent, se confondent. " Mourad Ill , (2), drame historique, tiré de l'histoire
Cette emprise de l'administration pourrait faire conclure tunisienne du XVIII" siècle, écrit par M. Habib Boular-es,
à l'existence en Tunisie d'un régime totalitaire. Une telle re·sponsable de la presse du Parti, pour un acteur tuni-
conclusion ne serait pas exacte. Dans la multiplicité des sien de grande classe, Aly ben Ayed, le développement
instances du Parti, une liberté d'expression existe dont de la musique tunisienne traditionnelle, l'engouement
on peut constater J'effet sur les décisions du pouvoir dès pour la peinture, Je cinéma, affirment, à l'intérieur du
lors qu'une opposition se dessine. monde arabe, une personnalité tunisienne de plus en plus
marquée. -
C'est cette souplesse jointe à la continuité de la marche
Dans le secteur moderne - qui est essentiellement
en avant vers l'objectif fixé qui fait la force et J'originalité
celui de la culture française - J'effort accompli se tra-
du régime tuni·sien par rapport à ceux d'autres pays
duit par l'apparition d'une élite administrative de valeur
d'Afrique.
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égale à celle de l'Occident. Une école nationale d'admi-
La seconde des réussites du régime tunisien est J'en- nistration installée dans l'ancien séminaire de Tunis forme
semble de3 actions que l'on pourrait grouper sous Je titre dans un moule unique, les agents de J'Etat et des entre~
de " J'exploitation de la richesse humaine "· Cette richesse prises publiques.
humaine est incontestable. Placée au centre du bassin
méditerranéen, la Tunisie a été touchée, dès les premiers Grâce à cet effort, ·la Tunisie a résolu sans difficultés
siècles de l'Histoire, par les grands courants civilisateurs. la relève des hauts fonctionnaires du Protectorat. Elle
Le peuple tunisien est Je résultat d'apports successifs, où souffre toutefois du manque de cadres moyens et du
manque de spécialistes, consécutif au départ des étran-
domine l'apport arabe, mais où sont sensibles, à Tunis
particulièrement, l'apport d'autres peuples méditerranéens. gers et au développement de plus en plus important de
Depuis sa prise de contact avec la civilisation française, J'activité industrielle et touristique. Mais on peut penser
que ce n'est là qu'un mal passager appelé à disparaître
on pouvait percevoir dans la société tunisienne une voca-
tion à la civilisation occidentale la plus moderne. Cette avec les progrès de J'in·s truction et de la formation de
vocation au modernisme a été accentuée depuis J'indé- la jeunesse.
pendance par l'action du Parti, et par Je président Bour- Un autre effort important par la Tunisie a porté sur
guiba lui-même. la libération et la diversification de son économie,
La Tunisie a renié, sous l'impulsion directe de son qu'il s'agisse d' industrie, de commerce ou d'agriculture.
Président, ce qui dans le passé limitait son effort; son Là la réussite a été intégrale, car la tâche était difficile
rayonnement, sa réussite et qui finalement portait la res- Elle J'était pour J'i ndustrie en raison du manque d'ingé-
ponsabilité de l'état de sujétion où elle était tombée. nieurs et de main-d'œuvre qualifiée, de l'absence d'esprit
d'entreprise chez les possédants tunisiens, de J'étroitesse
Le nouveau régime s'est efforcé, avec un courage peu du marché tunisien, et du peu d'empressement des Magh-
commun, de renverser les obstacles qui s'opposaient à rébins à coordonner leurs plans. Elle J'était pour le com-
l'exploitation de cette richesse humaine, qu'il s'agisse de merce en raison des courants traditionnels établis avec
la formation de la jeune·sse, de J'émancipation de la fem- l'ancienne métropole et de la difficulté de trouver des
me, ou de l'interprétation des règles de la religion. Par- acheteurs autres que la France pour les produits prin-
tout, dans ces domaines, la Tunisie s'est placée à J'avant- cipaux d'exportation, à savoir le vin et le blé dur. Elle
garde non seulement des pays du Maghreb, mais d'une l'était enfin enfin pour J'agriculture en raison du manque
large partie du monde arabe avec une audace digne des de capitaux et d'agriculteurs qualifiés.
plus grands éloge·s quand on sait la facilité avec laquelle
la sensibilité religieuse des peuples musulmans peut être La Tunisie a agi avec mesure dans le domaine indus-
exploitée à des fins politiques. triel. Elle a nationalisé les entreprises d'intérêt national.
Pour les autres elle a passé des accords lui assurant Je
En ce 10" anniversaire de l'indépendance, la transfor- contrôle de l'affaire ou une large · participation. L'accent
mation de la société tuni·sienne est de plus en plus nette du plan quadriennal a été mis sur ·J'industrie. Une société
et rapide. L'esprit de J'Islam demeure, mais son forma-
lisme disparaît, qui avait fini par stériliser dans maints
pays une des civilisations les plus brillantes et dynami- (1) Cf. • Maghreb • n• 1, janvier·février 1964.
ques que Je monde ait connu. (2) Cf. le journal • La Presse • du 6 avril 1966.
POLITIQUE INTERIEURE
30

tunisienne de raffinage, la S.T.I.R., à capitaux tunis iens La capacité d'hébergement est passée de moins de
et italiens, a construit à Bizerte une usine de raffinage 6.000 lits en 1963 à près de 10.000 en 1966. Le plan
d'une capacité de 1 mil lion de tonnes. La découverte en quadriennal prévoyait pour 1968 une capacité de 19.000...
mars 1965 par une Compagnie italienne d'un gisement de mais l'on parle déjà de 100.000 lits ... Le chiffre des entrées
pétrole à El Borma, produisant 3 millions de tonnes par n'a cessé de croître.
an , suivie de la découverte en 1966 d'indices prometteurs Le mouvement touristique, favorisé par la stabilité et
dan·s la région de Kasserine par une Compagnie fran- l'orientation politique du gouvernement tunisien, prend
çaise, permet à la Tunisie de satisfaire les besoins de d'année en année un développement accéléré.
sa propre consommation (1 million de tonnes) et d'ex-
porter du pétrole brut (1) .
LES POINTS FAIBLES
Un accord avec des sociétés étrangères, en particulier
françaises , vient de permettre l'inauguration à Menzei- Quels sont, à côté de ces réussites, les échecs ou les
Bourguiba, le 4 juin 1966, du complexe sidérurgique " El points faibles de la Tunisie ? La réserve est importante,
Fouledh " dont l'usine principale a une capacité de car l'optique est différente suivant que l'on se place à
100.000 tonnes d'acier brut par an fondée sur la consom- l'extérieur ou que l'on essaie de se mettre à la place
mation du marché tunisien (2) . d'un pays nouvellement indépendant assailli par des pro-
Enfin , un autre accord qui a fa it du bruit et dont les blèmes dont les solutions souvent se contrecarrent.
modalités ne sont pas connues, prévoit la réanimation Le point faible de la Tuni·sie, c'est essentiellement la
des chantiers maritimes de Bizerte par une société pri- politique agricole liée à la politique commerciale et
véè américaine. Ce sont là des réali·s ations qui, jointes financière du fait de la structure des échanges et qui,
aux projets de complexe ch imique, marquent les débuts à la suite de la décision du gouvernement tunisien de
de l' implantation d'une industrie de base en Tunisie. nationaliser les terres étrangères, s'est trouvée liée à sa
Mais c'est dans le domaine de l' industrie artisanale de po litique étrangère.
transformation, ou de confection - vêtements, chaus- Pourtant la solution adoptée par la Tunisie, qui consi·s -
sures, conserves alimentaires - et dans la petite industrie tait à transformer les propriétés des colons en « unités
- usines de tissage, de pâte à papier, suc'reries, verreries, de production " à forme coopérative, en persuadant ou
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fabriques de meubles, ateliers de montage - que les résul- contraignant les petits propriétaires tunisiens qui les
tats les plus intéressants ont été obtenus. entouraient à s'agglutiner à elles, semblait une façon sage
La Tunis ie s'oriente vers la production de biens de con- de répartir cette richesse récupérée sans en diminuer
sommation lui permettant de satisfaire les besoins essen- le rendement. Mais les expériences tentées n'ont pas don-
tiels de sa consommation intérieure. Cette production né les résultats attendus. Les unité·s de production sont
est-elle susceptible de se développer et de devenir con- difficiles à gérer, faute d'ingénieurs agronomes et de moni-
currentielle à l'extérieur en raison d'une main-d'œuvre teurs agricoles, faute aussi d'enthousiasme de la part des
meilleur marché ? Ce n'est pas impo·ssible. La Tunisie coopérateurs qui se transforment en simples salariés.
semble avoir compris l'intérêt de s'associer avec des Elles sont lourdes à financer.
entreprises étrangères au moment où celles-ci, sous la Le développement des unités de production est aujour-
pression de la concurrence, et le coût grandissant de la d'hui ralenti sinon stoppé et le gouvernement tunisien
main-d 'œuvre dans les pays industrialisés, sont amenées envisage de répartir les terres de colonisation. Mais com-
à moderniser leurs installations et peuvent donc céder à ment ? En vertu de quels critères pour concilier à la fois
des prix avantageux des machines-outils encore utilisa- le souci de rentabilité et le souci d'équité d'un parti à
bles par des pays en train de s'équiper. C'est sans doute vocation socialiste ? Cet échec de la politique agricole
dans une perspective d'exportation que la Tunisie a insisté n'est pas particulier à la Tunisie puisque dans tous les
pour la protection de ses produits fabriqués dans la négo- pays où une réforme agraire est intervenue, des diffi-
ciation avec le Marché Commun. cultés ont surgi , mais il a eu pour la Tunisie des consé-
A l'actif du régime est encore le développement du quences plus graves qu'ailleurs, entraînant une brouille
tourisme. Le gouvernement tunisien a compris l' intérêt durable avec la France et la dénon'ciation d'accords éco-
que présentaient pour une population européenne avide nomiques et financiers avantageux pour elle.
de soleil, les plages privilégiées des environs de Tunis, Les conséquences de cette brouille ne sont pas encore
d'Hammamet, Monastir, Djerba et Zarzis, joint à l'attrait effacées, et font que, paradoxalement, la Tunisie qui, la
que l'exotisme oriental continue d'exercier sur les esprits. première, en 1955, harmonisait ses rapports avec la
Une pol itique habi le qui s'est développée principalement France, se trouve aujourd 'hui, des trois pays du Maghreb,
au cours du voyage du chef de l'Etat en Scand inavie, a le plus défavorablement traité par la France.
permis d'intéresser les pays du Nord de l' Europe au
développement du tourisme et à son équipement. La Tu- Pour des raisons diverses dues à la guerre d'Algérie
nisie a vu éclore depuis deux ans une série d'hôtels de autant qu 'à la méthode des « objectifs successifs » appe-
lée fatalement, en politique extérieure, à s'user et à pro-
clas·se internationale.
voquer ·la méfiance, les rapports franco-tunisiens forment
El le tend à devenir un des pôles d'attraction des con- une courbe en dents de scie depuis la signature des
grès et conférences grâce, en particulier, à l'exi·stence à convent ion·s d'autonomie interne le 3 juin 1955.
Tunis depuis 1965 d'un grand hôtel de la chaine Hilton .
L'indépendance du Maroc entraîne celle de la Tunisie
le 20 mars 1956 et rend les conventions caduques. Un
an plus tard, en avril 1957, est conclue une Convention
(1) Cf. dans le Bull et in n" 27 de la Banqu e Centrale de Tuni sie
en févri er 1966, une étud e sur le pétrol e d'Afrique du Nord. d'aide financière dont l'application est suspendue en mai
(2) Cf. • l 'Acti on •, p. 4 du 5 juin 1966. de la même année en raison de l'attitude du gouverne-
TUNISIE 31

ment tunisien à l'égard du F.L.N. Le 8 février 1958, le Le manque à gagner résultant de la nationalisation des
bombardement de Sakiet Sidi Youcef provoque une grave terres est aujourd'hui estimé à 500 millions de francs. Le
crise. L'arrivée au pouvoir du général de Gaulle met un déficit de la balance commerciale, joint à l'inflation résul-
terme à cette crise. - tant de l'effort poursuivi dans la réalisation du plan d'équi-
Les rapports s'améliorent, mais pour peu de temps. pement, a entraîné la dévaluation du dinar qui, aujour-
Le 4 décembre, la dévaluation du franc entraîne le décro- d'hui , ne se négocie à Zurich qu 'à la moitié de sa valeur.
chage du dinar. En février 1959, des ressortissants fran- Cette " affaire des terre·s .. a eu enfin pour conséquence
çais sont accusés d'avoir organisé un réseau d'émeutes indirecte de renforcer les liens entre la Tunisie et les
et arrêtés. En 1960, la municipalité de La Marsa fait abattre Etats-Unis et certains ont cru voir là la conséquence d'un
un des murs de la résidence de ·l 'ambassadeur de France, calcul de la diplomatie tunisienne désireuse d'assurer à
ée qui entraîne le rappel de celui-ci. En juillet 1961, la Tunisie une place privilégiée auprès de l'Amérique au
enfin, c 'est « Bizerte " · C'est l'incident le plus grave. Le moment où la France favorisait l'Algérie et se rappro-
20 juillet, le président Bourguiba, répondant à une note chait de I'Egypte. A la vérité, l'ancienneté et l'importance
françai~. annonce la rupture des relations diplomatiques des liens tissés entre les Etats-Unis et la Tunisie par les
et Je dépôt d'une plainte au Conseil de Sécurité « contre représentants de l'Amérique depuis 1941 en faisaient le
l'agression française ». pays désigné pour prendre ce relai . L'aide américaine
La détente est provoquée par une conférence de presse n'est d'ailleurs pas sans inconvénients pour la Tunisie.
Aussi, la diplomatie tunisienne s'efforce-t-elle de dévelop-
du général de Gaulle, le 5 septembre 1961, au cours de
laquelle il déclare que << la France ne conteste pas la per ses relations avec les autres pays : avec la R.F.A. ,
dont les dépenses touristiques en 1965 sont estimées à
souverain.eté de la Tunisie sur Bizerte " · _
90 millions de marks, avec l'Italie qui achète son pétrole,
A la fin de 1961, des entretiens exploratoires ont lieu . les pays nordiques qui s' intéressent au développement
Les 19 et 20 juillet 1962, M. Bahi Ladgham, secrétaire du tourisme, et avec les pays de l' Est, la Bulgarie, la
d'Etat à la Présidence, se rend à Paris en mission spé- Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, qui fournissent une
ciale et reçoit l'assurance que ·l'évacuation de la base part de l'assistance technique.
s 'effectuerait dans des délais raisonnables. Les relations
diplomatiques sont renouées au niveau des ambassadeurs Elle a d'autre part multiplié le·s paroles de bonne
volonté envers la France. Mais si celles-ci ont rétabli
et les négociations reprennent en vue de la liquidation
entre les deux pays des relations correctes et cordiales,
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du contentieux franco-tunisien.
elles n'ont pas suffi à déclencher l'aide financière que la
Ces négociations aboutissent à la conclusion d'une Tunisie souhaitait.
série d'accords en mars et août 1963 (1) .
Les accords de mars et d'août 1963 comportent l'indem-
nisation des colons et l'échelonnement sur 5 ans de la "'**
reprise de leurs terres, mais assurent en contrepartie à Tel est le bilan sommaire de 10 ans d'indépendance
la Tunisie une aide de 190 millions de francs, souple et tunisienne. Il est positif. La Tunisie a pris en main son
bien adaptée aux besoins d'un pays en voie de dévelop- destin et le dirige fermement. L'effort fait pour la forma-
pement, ainsi que la reconduction de la convention com- tion de la jeunesse est imposant. La possession d'une
merciale et tarifaire de septembre 1959 permettant l'écou- double culture assure aux Tunisiens une audience inter-
lement du vin et du blé dur tunisiens en France aux cours nationale qui ne cesse de s'accroître.
intérieurs français 2) . La Tunisie ne s'est pas contentée de la révolution que
On peut donc espérer que ces accords vont marquer représentait la fin du Protectorat et du régime Beylical ,
la fin des vicissitudes des rapports franco-tunisiens, d'au- elle a voulu faire une révolution plus profonde encore en
tant plus que le 15 octobre 1963 la base de Bizerte est transformant la mentalité d'un peuple. En 10 ans d'in-
remise aux Tunisiens avec ses installations et un matériel dépendance, la révolution tunisienne a obtenu des résul-
important. Or le 28 avril 1964, le président Bourguiba tats et opéré des changements dans les mœurs et la
décide brusquement la nationalisation des terres étran- mentalité du peuple tunisien supérieurs à ceux des révo-
gères. Celle-ci devient effective par la loi du 12 mai lutions africaines qui se veulent plus radicales. Le style
1964. Elle a pour conséquence immédiate la suspension de cette révolution reste bourgeois et libéral. Mais on
1
de l'aide française et de la convention tarifaire. sait aujourd'hui qu ' il n'est pas de révolution , même socia-
liste, sans aspiration à la prospérité et à la sécurité des
Depuis lors, ces mesures de rétorsion ont été atténuées . biens acquis par le travail.
Un décret du 11 mai 1966 a fait bénéficier de la fran-
chise douanière un certain nombre de produits tunisiens. Or le libéralisme tunisien est une nécessité, non seu-
Quelques milliers d'hectolitres de vin et de mistelles ont lement parce qu'il répond -à la nature d'un peuple, mais
été achetés par la France. Mais deux millions d'hectoli- parce que la Tunisie ne peut espérer atteindre à la pros-
tres encomt>.rent encore les caves de la Tunisie, que la périté qu 'en attirant les capitaux étrangers.
France n'a pas pris encore la décision de laisser entrer Si les rapports officiels entre la France et la Tunisie
sur son territoire, malgré les offres faites par le gouver- n'ont pas correspondu jusqu'ici aux espoirs que faisaient
nement tunisien. naître les affinités intellectuelles et morales des deux
peuples, les liens entre les deux pays n'en restent pas
moins étroits et solides. Quant à ceux que la Tunisie
(1) Cf. " Maghreb " n• 1, janvier-février 1964 , p. 51 " Les conven- développe avec d'autres nations, ils ne peuvent que favo-
tions franco-tunisiennes de 1963 "· riser son enrichissement et par là permettre aux échanges
(2) En 1964 les exportations sur la France sont de 29.280.000 dinars franco-tunisiens d'augmenter en valeur absolue, sinon
sur un . total de 57.304.000 dinars. En 1965, elles tombent à
19.603.000 dinars. relative.

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