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2008-Lespace Francophone en Milieu Minoritaire Au Canada001
2008-Lespace Francophone en Milieu Minoritaire Au Canada001
Sous la dire cti on de Joseph Yvon Thé riault, An ne Gilb ert et Li nd a Card ina l
LESPACE
FRANCOPHONE
EN MILIEU MINO RITAIRE AU CA NADA
FI DES
Table des matières
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INT RO DU C TION
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L I NDA CA RD INA L, ANNE G I LBERT et I OS EPH YVON THÉRIAU LT
P R EM I ~ R f PAR T IE
POPU LATIO NS , CO M MUN A UT tS ET REPR ES ENTATI O N DE S OI
DEUXIËM E PAR TI E
I NS TI TUTI O NS , ESPA CE S ET M OBIL IS ATION S
T ~O I S IÊ ME P AR T IE
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10 L' ESP AC E FRANCOP HO N E EN MILIEU MI NO RIT AI RE AU CA N AO A
À l'instar des aut res groupes formant la société ca nadien ne. les francophones
du Canada vivant en situation mi noritaire n'ont pas écha ppé aux débats et aux
changements importants qu i caractérisent le pays depuis les dix dernières
années. Hs n'o nt cessé d'affi rmer et de réaffirmer que la langue française
constitue une valeur fondam entale de l'identité canadienne. Ils ont participé à
IN T RODUCT10N "
TABLEAU 1
Source, Slatl.llque (ilnilda (2001). Rffem~menr; Imp ://Www40.,tillt;iin.c:<I1t02IC5tOl Idemo34.d.hlm; el William FIo<h (.wo51.
Présentation de l'ouvrage
Cet ouvrage est collectif, dans le sens plein du terme. Il résulte d'un travail de
collaboration entre une quinzaine d 'auteurs qui, après une di scussion en atelier
de leur thèse et des principaux arguments la soutenant, ont soumis leur texte
à l'évaluation des autres membres du groupe. Ensemble, nous dressons u ne
synthèse analytique des connaissances accumulées de puis les dix dernières
années sur les populations francophones hors Québec. l'espace et les commu-
nautés qu'e Ues ont tenté de constituer, les institutions autour desquelles elles
se sont structurées et les représentations qu'elles ont proposées d'eUes-mêmes
et des autres . Nous.recensons les débats sur les nouveaux enjeux qui interpel-
lent ces minorités. Nous engageons aussi une réflexion sur-Ieurs mobilisations.
Ainsi, notre démarche est à la fois descriptive, compréhensive et normative.
Nous n'hésitons pas à juger ce milieu qui est aussi le nôtre, ca r il serait préten-
tieux de notre part de prétendre être au-dessus de la mêlée. Le chercheur, en
milieu minoritaire, ou majorita ire, n'est jamais neutre (Cardinal, 1997).
Intitu lé L'espace francophone en milieu minoritaire au Canada, l'ouvrage
propose donc une synthèse critique et globale de la situation. Nous avons privi-
légié trois axes d 'analyse et de réflexion : un premier portan t sur la structuration
de ces communautés par la représentation de soi - individuelle comme collec-
tive - et les pratiques quotidiennes; un deuxième s'intéressant à la c0J.1struction
de l'espace francophone et la mobilisation dans différents secteurs de la vie col-
'~ Iective; un troisième examinant le rapport au politique des minorités franco-
phones, tant en leur sein que dans leur rapport à l'autre et au droit.
Populations, com nllmautés et représentation de soi. Cette partie comprend
des textes portant sur la vitalité des milieux minoritaires francophones (Gilbert
et Lefebvre), l'engagement identitaire (Deveau, Allard et Landry), l'immigration
(Farmer), la mémoire historique (Bock), l'identité collective prise entre la socio-
logie et l'histoire (Thériault et Meunier). Gilbert et Lefebvre y vont d'une ques-
INTRODUC TI ON 1S
besoin des minorités francophones pour légitimer, sur le plan international, son
rôle de jj numéro deux de la francophonie » ou de « phare en Amérique ». Cette
façon de concevoir la relation enh'e le Québec et les minorités francophones est
nettement plus va lorisante d'un point de vue hors Québec2 • Grâce à l'action de
['État québécois, Denault constate que les francophones sont davantage intégrés
à sa redéfinition du fait français au sein de l'Amérique du Nord. Toutefois, elle
conçoit que la réflexion sur la question est encore peu développée au sein du
réseau associatif francophone.
Foucher montre qu'en i!absence d'une véritable base de pouvoir, le droit a
aussi constitué une dimension fondamentale dans la vie des communautés fran-
cophones. Un espace juridique s'est développé, des causes ont été entendues et
gagnées, un corpus juridique et normatif s'est constitué et les droits linguistiques
des francophones ont été précisés. Il est difficile de demander mieux. Le droit
est ainsi devenu un outil de lutte au service du développement des minorités
francophones hors Québec. La Charte a constitué un temps fort pour le milieu
juridique francop hone. Elle lui a permis de poursuivre ses efforts de francisation
de la pratique juridique, en parti!=ulier le développement d'une common Law en
français, phénomène inédit au Canada et source d'inspiration pour d 'autres pays
où se côtoient les traditions juridiques. Les juristes francophones hors Q uébec
ont bien profité de la situation. Certains se sont vus nommés aux plus hauts
échelons de l'appareil juridique canadien. Quant aux communautés franco-
phones, le droit est aussi devenu une dimension de leur quotidien.
Sans rejoindre les critiques que certains ont adressées à une juridisation
excessive (Cardinal, 2001, 2006; Thériault, 1995, 2007), Foucher considère néan-
moins que le droit n'est pas une panacée même s'il représente un outil puissant
et fondamentaL Les tribunaux peuvent décider de ne pas entendre de causes
dans le domaine lingu istique. Leurs interprétations ne sont pas automatique-
ment libérales ou généreuses envers [es minorités. "Le droit peut aussi générer
de l'anomie et miner leur quête d'unité ou les rapports de communalisation.
Foucher suggère de compléter le droit par des moyens de type législatif (poli-
tique) ou par une plus grande représentation des minorités francophones au
sein des institutions qui disposent d'un pouvoir.
, C'est à Poirier, dans cet ouvrage, qu'est toutefois revenue la tâche d'un exer-
\.cice d'imaginaire institutionnel afin de permettre ce passage du paradigme des
2. Mentionnons aussi qu'en 1994, le Conseil de la langue française du Québec a publié un ouvrage
intitulé Pour un renforcement de la solidarité entre franc opltones du Canada, Québec, CLF. En
2000, Fernand Harvey et Gérard Beaulieu dressent un bilan des rapports entre l'Acadie et le
Québec, Les relations elltre le Québec et l'Acadie: de la tradition li la modernité, Québec et
Moncton, t ditions de l'IQRC et d'Acadie. En 2003, Simon Langlois et Jean-Louis Roy publient
Briser les solitudes. Les francophonies canadiellnes et québécoises, Québec, tditions Nota bene.
I NTRODU CTI ON 2'
droits à celui des pouvoirs. Ainsi, elle passe en revue un éventail d 'aménage-
ments institutionnels pouvant éventuellement concrétiser l'aspiration à l'auto-
gouvernement ou encore à un espace francophone au sei n du régime fédéral
ca nadien. Par «a ménagements institutionnels)}, elle entend. à l'instar de
Woehrling dont eUe reprend la défi nition, « divers mécanismes structu rés, et
reconnus par les autorités politiques, de préférence par le biais d 'instruments
juridiques, et qui visent à faciliter la participation effective au processus déci .....
sionnel démocratique de l'e nsemble de la communauté politique. ou encore de·
lui permettre d'exercer une certaine autonomie politique dans un cad re terri-
torial" infra-étatique"» (Woehrling, 2003-20 04, p. 143). Faisant écho.aux autres
textes de cette section, Poirier suggère des modèles pouvant contribuer à
résoudre le déficit démocratique à l'égard des minorités francophones hors
Québec au sein du fédéralisme canadien. Ainsi, elle invite à approfondir les
mécanismes à la disposition de la communauté germanophone de Belgique
ai.nsi que ceux mis en place afin de permettre l'autonomie gouvernementale du
Nunatsiavut élaboré par et pour les {nuits du Labrador. Pour Poirier, un tel
modèle « illustre bie n la malléabilité des solutions institutionnelles qui visent
à répondre à la diversité de réa lités sociodémographiques et politiques }), En
d'autres mots, l'existence de petits effectifs en milieu minoritaire ne devrait
plus être un obstacle à leur préoccupation pou~ une plus gra nde autonomie. À
cause des différences importantes entre les Inuits du Labrador et les franco-
phones hors Québec, l'exercice d 'imagination institutionnel que propose Poirier
mérite d 'être approfondi. Les leaders des minorités francophones seront-ils
intéressés par un tel travail de réflexion ? L'ouverture vers le droit institutionnel
obligerait les francophones, comme le souligne Poirier, à se représenter comme
des acteurs étatiques plutôt que de se limiter à interpeller l'Êtat pour qu'il
prenne en ch~Ige leur déveJoppement. 1\ s'agit, pour reprendre sa ligne de pen ~
sée, de concevoir le Canada francophone comme une entité politique et étatique
et non uniquement comme une réalité statistique ou juridique.
Un tel enjeu peut sembler nouveau mais il ne fait que rappeler une év idence.
qui, il n'y a pas si longtemps, mobilisait les chercheurs refusant de réduire la
situation des francophones à une question linguistique ou de langue officielle.
U réinscrit la question des m inorités francophones dans la nature politiqtte
même du Canada, comme l'avait fait en son temps Henri Bourassa avec l' idée
des deux nations. À force de subordonner le développement des minorités fra n-
cophones aux regards étroits de la sociologie des réseaux ou aux objectifs d'une
politique de biling1Jisme, le projet d'un espace fran cophone semble avoir perdu
de son contenu. La question doit être posée: les fr ancophones hors Québec
veulent-ils toujours d'un tel espace ?
::t::I: l'ESP ACE FRANCOPHON E EN MILIE U MINORITA I RE AU C A NADA
En bout de piste, quel bilan dressons-nous de cet espace francophone qui, sur
les restes de l'ancien Canada français, tente depuis les années 1960 de se conso-
lider? Dans un premier temps, il nous semble que nous faisons face à un déficit
de conceptualisation. Les minorités francophones hors Québec ne sont-elles
dorénavant que des communautés ethnjques? Des populations de langue offi-
cielle. en quête de leur juste part des ressources publiques? Ne sont-elles plus
les rameaux hors Québec d 'une nation fondatrice? 11 serait important de pour-
suiv re le débat au sein de la théorie normative sur le statut à accorder à ces
minorités, amorcé ici tant par les textes de Thériault et Meunier que par celui
de Poirier, et sur le rôle de l'intervention étatique en vue de leur développement
que suggère le texte de Cardinal. Les minorités francophones hors Québec
échappent largement à la réflexion tant sur les minorités - consacrée essen-
t iellement aux minorités territorialisées - ·que sur les groupes ethniques, ce
qu'elles ne sont pas complètement. Or, un tel exercice nous apparaît plus que
nécessai re afin de permettre au milieu minoritaire de poursu ivre son inscrip-
tion dans ce monde d'histoire et de culture auquel il participe depuis plus de
400 ans en terre d'Amérique.
Dans un deuxième temps, l'espace francophone, possiblement pour le~ rai-
sons que nous venons d'évoquer, est un espace fragile, toujours en chantier dans
la plupart des domaines. Le droit et l'éducation occupent une large place dans
le monde de la francophoni e minoritaire, le premier pour compenser son
absence de pouvoir, le deuxième pour pallier son manque d'un territoire formel
(Landl'Y et Rousselle, 2003). Nous constatons aussi que, malgré sa très grande
vulnérabilité, des francophones continuent de se mobiliser afin de développer
de nouveaux lieux de pouvoir. Les progrès dans le domaine de la santé et de
l'immigration sont significatifs à cet égard. Toutefois, à quoi .ressemble ce nou·
veau pouvoir francophone? Com ment les francophones se mobilisent-ils ? Si le
réseau associatif francophone est replié sur lui-même comme le soutiennent
Gilbert et Lefebvre, quelles sont les chances de consolider cet espace pour qu'il
puisse servir à davantage retenir ses membres?
Finalement, c'est un regard inquiet que posent la plupart des collaborateurs
:. de cet ouvrage sur l'avenir des minorités francophones. Même si, par ailleurs, les
chercheurs ne semblent pas prêts à lâcher prise. Plusieurs, dans cet ouvrage, sou-
haitent relancer le travail de communaHsation, voire le travail de mémoire, au
sein du milieu minoritaire, tout en prenant en compte les nouvelles réalités et
enjeux au sein de la francophonie, D'autres cherchent à préciser des voies d 'action
ou encore invitent à une plus grande réflexivité à l'éga rd des moyens revendiqués
pour faire avancer le développement du groupe. Mais il faut bien voir que, qua-
INTROD UCT ION ::t3
rante a ns après la fin du Canada français a nnoncé par ses derniers États généraux,
vingt·cînq ans après la Charte cana dienne qui allait donner des outils ju ridiques
inédits dans lesquels les leaders de ces communautés se sont m assivement investis,
la recherche en milieu minoritaire reste teintée d 'in q uié tude.
Bibliographie
C'est un regard inquiet que posent la plupart des colla borateurs de cet
ouvrage sur J'avenir des minorités francophones canadiennes, tout en
constatant qu'elles ne sont pas prêtes à lâcher prise. Prenant en compte les
nouvelles réalités et les nouveaux enjeux de la francophon ie, plusieurs
souhaitent relancer le travail de co mmunalisation, voire le travail de
mémoire, au sein du milieu minoritaire. D'autres cherchent à préciser des
voies d'action ou encore invitent à une plus grande réflexivité à l'égard des
moyens revendiqués pour favoriser l'épanouissement du groupe. Mais il
faut se rendre à l'évidence: quarante a ns après la fin du Canada français
annoncé par ses derniers états généraux, vingt-cinq a ns après l'adoption
d'une Charte canadienne qui allait donner des outils juridiques inédits aux
leaders de ces communautés, l'avenir reste encore à construire.
L'espace francophone en milieu minoritaire au Canada, nouveaux
enjeux, nouvelles mobilisations se veut une su ite et un complément à
l'ouvrage Francophonies minoritaires au Canada, lëtat des lieux (sous la
direction de Joseph Yvon Thériault, Éditions d 'Acadie, 1999). Rédigées par
une quinzaine de spécialistes des francop honies canadiennes vivant en
m ilieu minoritaire, les contributions regroupées dans cet ouvrage se
répartissent autour de trois grands axes:
• Populations, communautés et représentation de soi;
• Instit utions, espaces et mobilisations j
• Politique, droit et autonomie.
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