You are on page 1of 6
Collection du Centre d’Etudes Romaines et Gallo-Romaines Nouvelle série, N° 20 LES LEGIONS DE ROME SOUS LE HAUT-EMPIRE TOMEI Actes du Congrés de Lyon (17-19 septembre 1998) rassemblés et édités par Yann Le Bohec avec la collaboration de Catherine Wolff Lyon, 2000 Diffusion De Boccard 11, rue Médicis - 75006 Paris Francois Bertrandy* et Bernard Rémy** Legio XII Fulminata Depuis la publication de Ja notice d'E. Ritterling, en raison du faible nombre de documents susceptibles d'apporter de nouveaux éciairages, nos connaissances sur la XTe Iégion Fulminaia ont peu progressé. Il n'y a rien 2 ajouter & ce que nous savons de Thistoire de la légion par Vintermédiaire des sources littéraires. Assez rares au demeurant, les insctiptions nouvelles ne mentionnent Ie plus souvent que des soldats et des officiers (tribuns rusticlaves) qui ont servi & un moment donné de leur carriare dans cette unité, ou des Iégats qui Tont commandée. Ces témoignages concement le domaine de la prosopographie et ne dont donc pas de propos ici’. Les autres textes épigraphiques nous confirment seulement que ia légion ou des vexillations de cette unité sont iniervenues dans la province d-Asie (au Te sidcle) et dans le Caucase (sous Domitien) ; qu'elles ont trés probablemeat participé 2 la Seconde guerre juive d'Hadrien ; que des vétérans de cette Légion ont é¢ établis en Cappadoce méme (des Vespasien). “A notre connaissance, le document le plus récent concemant la XTle légion Fulminata reste Linscription trouvee & Ancyre, daiée entre 175 et 192, qui fait mention de Caius Tulius Pudens, domo Caesarea Mauretaniae, wibun angusticlave de Ja legio XII Fulminata C(erta) Clonstans}", Les summoms complémentaires de la Iégion ont éé obtenus en raison de la Fidelité de ses soldats & Mare Aurdle lors de lusurpation d’Avidius Cassius. Enfin, une nouvelle lecture, par C. J. Howgego, de contremarques de la légion sur des momnaies de Neapolis en Samarie nous apprend son intervention en Palestine entre 86/87 et 156/157. 1. Les origines de la XIle Iégion Fuiminata "aucun élément significatif ne peut éire apporté a l'histoire des origines de cette Iégion qui, d'aprds les textes recensés par Je savant allemand, aurait ét& levée par César avec le dognomen Vietrix. Une douzidme égion, sous Ie commandenement de Servius Galba, est Gréstée. en 56, dans le Valais®, Elle aurait combatu au sidge de Pérouse dans Tarmée ‘GOctave (41/40), En outte, il existait A cette Spoque plusieurs XMle Iégion avec des surnoms différents, Legio XII Antiqua, Legio XII Paterna, qui peuvent avoir donné naissance 2 la XIle Fulminata. Sous le regne d’Auguste, des vétérans de la Xie Fulminata furent installés & Patras". Dans le cadre de lorganisation des provinces et de la répartition des légions éiablies par ce: empereur, ilest possible que cette unité ait fait partie de Tarmée d'Egypte, car cette province possédait A Vorigine trois Iégions’. Cependant rien ne vient attester Ia présence de la Xile Fuminaa en Egypte’. Seules sont connues, en effet, la XXIe Deiotariana et la Mle * professeur AT Université de Savcie, LLSH. BP 1104, F-73011-Chambéry Cedex. ‘e+ Professcur a YUniversité de Grencble Il, Domaine universitaire de Saint-Martin dHéres, BP 47, F-38040- Grenoble Cedex 19 — Centro Camille Julian, Aix-en-Provence. 1 Parexemple, mentions de la XIle legion Fulminaia dans TAnnée Epigraphique (1981-1900) : 1982, $85 + 1983, 928, 976 ; 1984, 10, 911b ; 1985, 426 ; 1986, 686 ; 1987, 929; 1990, 7, 217, 371 2 CIL IH 6758 ; ILS 2760. > César, De bello gallico, 3, 1. « CILTit $04, 507 (= 7261), 509 ; E. Riterling, 1925, col. 1705-1706. 5 Strabon. 1. 30; B. Ritteling, 1925, col. 1706. 53 Lecquier, "Liarmée romaine dEgyple d’Auguste a Dioclétien", Le Caire, 1918 dans son tableau des troupes ayant stationné en Egypte. ne mettionze pas Cette Iégion ; en damier lieu, R. Alston, "Soldier and Society in 254 F, Bertrandy-B. Rémy Qyrenaica. La mention d'un primipile de la XWe Fulminata, Aulus Instuleius Tenax, & \ebes, au colosse de Memnon, reléve du tourisme’. ‘Au tout début de Tre chrétienne, la XMe Fulminata fut envoyée en Syrie, certainement avant 4 avant J.-C., od elle demeura jusqu' son départ pour la Cappadoce, au Jendemain de la prise de Jérusalem en 70. Si on connait son camp en Syrie A Raphaneae, on ne dispose daucune information sur elle jusqu’au début des années soixapte. En 62, elle prend part a Ja campagne contre Jes Parthes ; en 66, elle engagée en Judée*. A I'automne 70, ‘Titus fenvoya en lie centrale. Aprés une dure marche hivemnale dans le Taurus kurde, elle sjinstalla, au printemps 71, 4 Mélitine od elle devait demeurer jusqu’a Ja fin du TVe sidcle 2- La légion en Cappadoce Grace au récent avail effectué par Shelagh Gregory sur les fortifications de la fronti@re orientale de !'Empire'?, quelques précisions peuvent éire apportées sur le camp de la légion & Méliténe (Eski Malatya). Il n'y a d'abord aucune preuve que Je camp ait été installé en ce lien, m3me si on accepte généralement cette localisation, en s'appuyant sur la description de Procope proche de la réalité actuelle''. Au Colloque Ankara de 1988, on a proposé de placer Ie camp & huit kilométres 2 Vest de la modeme Malatya, sur une hauteur appelée Karamildan, ob une aire plus ou moins rectangulaire de 320mx300m, entourée d'un mur défensif muni de tours, et des citemes ont été repérées’*. S'agit-il de la premitre installation de la Kégion avant son établissement a Eski Malatya ? Une prospection de surface a révélé la présence de céramique hellénistique tardive et de sigille orientale, dite pergaménienne, qui datent le site du He sicle avant J.-C. au Ile sitcle aprés J.-C. Les remparts actuels de Mélittne (Eski Malatya) qui englobent une vaste superficie, en fonction de Jeur mode de construction, appartiennent aux rgnes d'Anastase (491-518) ct de Justinien (627-565). Cette information reste cependant es théorique, tant le camp a subi de sitges, de démolitions et de reconstructions au cours de son histoire, en réutilisant les maténaux antérieurs. En l'état actuel, aucune fouille n'a été entreprise sur les sites de Méliténe et de Karamildan, aucune inscription n'a été découverte sur les lieux. Un ré-examen de Minscription CIL II 1180 ULS 1403) en provenance d'Hispalis (Bétique) fait at d'un wibun angusticlaye de la XTle Iégion Fulminata, Sextus lulius Possessor, curatcur de la colonic d'Arca. Il a éi¢ suggéré que cette cité n'était pas Arca Caesarea en Phénicie, mais Arca de Cappadoce, distante de moins de 40 kiloméues, au sud Sud ouest de Mélitene. Elle serait devenue colonie par déduction de vétérans de la XUle legion feng probablement sous Vespasien, peut-@tre en 70-71, au moment du transfert de la sgion’*. Roman Egypt : a Social History’, London-New York. 1995, p. 23, indique bien, qu'aprés 23 avant J.C., il n'y aplas que deux Kegions en Egypte. * CHL 30, daiée de mars 65. * En demier lieu, sur cette présence en Syrie, E, Dabrows, "The commanders of Syrian Iégions Ist 3rd AD" dans D. L. Kennedy, "The Roman Army in the East Joumal of Roman Archeology”, supplt. 18, 1996, p. 288-289. Les dewe ISgtats connus sont Calavius Sabimus en 62 et A. Caesennius Gallus en 66. 5° Flavins Joséphe, BJ, 7, 1-3 ; T. B. Mitford, "Cappadocia and Armenia Minor : historical Setting of the Limes” dans ANRW, I, 7, 2, 1980, p. 1186, © S, Gregory, ‘Roman miliary Architecture iu the Bastere Frontier A.D. 200-600", Amsterdam, 1997, vol. HL p-49-53 ; vol. IL, pl. B3, Ba. ™ Procope, Aedifcia, 3. 4, 15-20. Pour une description du camp de Malatya, voir A. Gabriel, “Voyages archéologiques dans la Turquie orientale ”, Paris, 1940, p. 264-268 et fig. 195. 2. Sevin, Z. Dein, “ A fortified site to the east of Malatya ” dans The Eastern Frontier of the Roman Empire. Proceedings of a Colloquium, held at Ankara, september 1988, ed. D. H. French, C. S. Lightfoot, BAR Int. 553, Oxford, 1989, p. 437-460, fig. 30. 2. © Sar la colonia Arce, ILS 1403 ; A. H.M. Jones, "The Cities of the Eastern Roman Provinces”, 2e 3. Oxford, 1971. p. 182 et p. 432 note 16 ; H. Nesselhauf. “ Sex. Iulius Possessor ", dans Madrider Mitteilungen. 5, 1964, p. 180-184. Legio XU Fulminata 288 Sous le régne de Vespasien (vers 76), la Iégion participa a la construction de la route qui devaitrelier Mdlittne & Sarala, avec l'aide présumée de la XVIc Kégion Flauia™. 3 - La légion dans la province d’Asie Nous savions deja pe deux épitaphes’* que des détachements de la 1égion avaient participé & des opérations de maintien de l'ordre et de lutte contre le banditisme. Un texte récent (Leg(io) XIT Fulm(inata) / ab Apam(ea) XXTIX]'*, gravé sur une borne milliaire découverte, quasiment in situ, en Phrygie, au sud de Yuva Kby, dans le teritoire de Ia cité antique d’Ewnencia, nous apprend que la égion (cu plutot une yexillation) a participé a la construction ou a la réfection dela route d'Apamée (Dinar) a Eumeneia (Isikli), & plus de 600 ‘Kilometres de son lieu de cantonnement. C'est le seul cas recensé dans la province d'Asie od une unité légionnaire est intervenue pour accomplir ce type de travaux. 4. La légion dans le Caucase Depuis la publication de la notice d'E. Ritterling, qui avait déj cu connaissance de plusicurs inscriptions'’, un nouveau texte [Imp(eratore) Domitiano / Caesare Aug(usio) / Germanic(o) / L(ucius) Tulius / Maximus, (centurio) / leg(ionis) X11 Ful(minatae)}" a confirmé la fréquence des interventions de la Iégion ou de ceriains de ses détachements dans Je Caucase pour assurer la sécurité des possessions romaines d'Anatolie dans cette zone sensible, disputée par lennemi parthe. ‘Découverte sur le mont Biiyiik Dag, dans l'actuel Azerbaidjan, cette inscription gravée sous Domitien par Lucius Tulius Maximus, un centurion de le Kgion XI Fulminata, est Je plus oriental des textes concemmant la légion. Le détachement semble avoir stationné sur la rive gauche du cours inféricur de VArax et avoir participé 2 une expédition militaire dans le Cavcase’”. A défaut d'un contréle politique, ces témoignages attestent existence d'une influence romaine dans cette région périphérique 2 la fin du Ter sidcle. 5- La légion ea Palestine Les controverses sur la participation de la Iégion la seconde guerre juive dHadrien (132-135) ne semblent plus vraiment de mise. Dé bien attestée par une ancienne inscription de Jérusalem”, cee participation parait @we confirmée par une dédicace au dieu Turmasgada’ rewouvée técemment 4 Césarée de Palestine™. par Iulius Magnus, un centurion de cette unité, cet autel en grés est daté par le décor iconographique au moins du regne de Trajan, mais la présence d'un aigle surmonté d'une Victoire incite A voir dans ce symbole un succ’s militaire remporté en Judée, qui a de bonnes chances d'éire le triomphe @'Hadrien sur les Juifs™. 17 B, Mitford, 1980, 1183-1184. "5 CHE IM 353, d’Amorivm, et 414, de Smyme. * AE 1976, 658 2”°CIL 111367 a, 6741, ILS 9117. AE 1951, 263 ; B. Isaac, "The Limits of Empire, The Roman Army in The East’, Oxford, 2e €t., 1992, p. 4445, ® Sclon T. B. Mitford, 1980, 7, 2, p. 1194, elle aurait ét¢ placée, peu avant 92, sous le commandement Quintus Iulius Cordinus Caius Rutilius Gallicus, qui aurait trouvé 1a mort dans Fexpédition. C'est une bypothese peu vraisemblable, ca, a cette date, Gallicus avait plus de soixante-cing ars et zelevait dune grave maladie (Stace, Siluae, l 4, 38-93). 'R, Savignac, “Inscription romaine et sépulture au nord de Jérusalem", dans Revue Biblique, 1, 1904, p. 90- 99. * E. Puech, "Notes dlépigraphie latine palestinienne. Le dieu Turmasgada a Césaeée Maritime", dans Revue Biblique, 75, 1982, p. 210-201 2 AE 1984, 911. 2 |. ¥. Rehman, "Un autel funéraire romain a Césarée Maritime", dans Revue Biblique, 85, 1978, p. 268 276 et "Liautel de Césarée. Note additonncle’, dans Revue Bibligue, 88, 1981, p. 240-244, Volr peut-eue 256 F. Bertrandy-B. Rémy Sur cing monnaies de Neapolis frappées en 86/87", C. J. Howgego*® a identifié avec de solides arguments des contremarques de la Igion XII Fulminata : foudre, aigle (e° 1-4) et méme FVLM. (n° 5). La validité de cette identification fait d'autant moins de doutc que la monnaie n° 4 a &é découverte & moins de uvis kilometres du camp de Mélittne, ce qui prouve quelle avait éé ramenée en Cappadoce par un soldat de la Iégion. Il est donc Iégitime d'admettre que la légion (ou plutot des vexillations) ont stationné dans la région entre 86/87 et 156/157, od furent frappées de nouvelles monnaies de Neapolis sans contremarque. Deux dates seulement semblent plausibles : 115-117, od la Palestine fut secouée par des échauffourges, lors des campagnes orientales de Trajan ; 132-135, lors de la seconde guerre juive d'Hadrien. Compie tenu des découvertes épigraphiques, cette demitre hypothése est peut-éure la plus vraisemblable. Au terme de ce rapport, c'est un bilan quelque peu décevant qui est proposé. A notre sens, seules des fouilles engagées sur Je site du camp de la légion et Ja mise au jour d'inscriptions nouvelles peuvent nous permettre d'espérer en savoir plus sur l'histoire et les hommes de cetie unité. aussi une inscription de Césarée de Palestine (AE 1962, 274) gravée par lulius Magnas, un soldat de la gion XI Fulminasa, % 1: Paris, 1968/227 : 2 : Berlin (imboof-Blumer, 1900) : 3 : ANS. New York: 4 : Oxford: 5 : Glasgow Giuter Ip. 270. * C.J. Howgego, "The XII Fulminata : countermarks, Emblems and Movements under Trajan or Hadrian”, dans Armies and Frontiers in Roman and Bycantine Anaiolia, Proceedings of a colloquium held at University College, Swansea, in April 981 (St. Mitchell 64.), BAR International Secies, 156, 1983, p. 41-46. Legio XI! Fulminara Plans des deux camps de Mélitane aaprts 8. Grégory, 1997, ol. I, B. 41) (a) ski Malatya/MELTTENE Schematic plan (scale £). (After Gabciel 1940, fig. 195 ) (b) Raranildan, sketch plen (approx. seme scale). (From Sevin and Derin 1989, fig. 30.2.)

You might also like