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LA RECHERCHE COMME GESTE . UNE FORME DE RESURGENCE arbara Formis | Nous attribuons au terme « l'existence Particuliére, -s quel type d’actions, protocoles, exercices Mettons. us mettons en état de « recher, oi 8 en ceuvre lorsque nous no — ment la création peut-elle étre a la fois une modalité de re et une performance artistique ? Comment qualifier du vue des arts du corps cet état performatif partic uli recherche ? La difficulté est que lorsque nous nous trouvons en mo, de « recherche », les actions, les idées deviennent moing a plus floues, ce qui demande de la concentration et nous emp d'agir de fagon directe et avec aisance. Ce qui caractérise 1, recherche, entendue comme une modalité de penser et agir gy; n’a pas encore une direction visible ni une méthodologie aver ge, est souvent ce qui est le plus imprécis : le balbutiement, le taton. nement, la maladresse, I’hésitation, l'incertitude... Nous Tous trouvons dans une situation ot la supposée clarté de nos idées, opinions et préjugés, n’est plus opérante. Nous sommes dans yp état de doute, voire d'inquiétude, puisque la recherche peut a tout moment s’essouffler, s‘estomper et méme nous diriger vers un résultat erroné. La recherche est toujours teintée de failles, elle est méme formée, composée, d'une série d’échecs, d’erreurs et d’éga- rements, autrement elle n’aurait aucune légitimité en tant que recherche véritable. ety Point gy ier & 4, Ce qui peut immédiatement nous rassurer est que cet état de recherche n'est en soi pas trés différent de notre bricolage percep- tif quotidien : nous nous débrouillons depuis toujours avec \'in- certain et l’opaque, nous avons l'habitude de trouver du sens 1a ol tout est trouble, dans les méandres de notre intimité, dans les Tecoins nébuleux et non encore formés des petites choses ordi- naires, dans les mouvances et les tergiversations de nos actions, nos paroles et nos comportements les plus communs. Autremen! dit, l'état de recherche, cet état de brouillon n et de rumination que recherche » n’est pas une condition de autonome, ,cérdbrale ot comps dau tous les jours, mais tout le contraire. Le quotidien est deja. telle ment oe eee tout un tas s d'agrégai ‘informes, souvent im] ‘ ; oS i sélecti a ne pas | ; A Ne pas ouvrir notre attention a Vimprévisible du détail, « ilence nos } ut il en va comme si nous pouvons, par la recherche, revenir primaire et rudimentaire de l'existence la Plus ordinaire et ins raffinée qui soit. Par un mouvement de Tetour et d'inver- lu sens, nous nous retrouvons 4 l'état d’ébauche, au moment ntuition initiale et de la perception brute. La recherche n'est onc pas quelque chose de particulier et de dissonant avec nos des de vivre, elle est au contraire ce qu'il y a de plus basique Je vivre, c'est-a-dire le non-savoir, la peur, l'inquiétude, mais ssi la surprise, la joie et l’émerveillement. La recherche n'est is tant une activité visant a découvrir et a inventer, que plutét a evoiler, a révéler et déceler quelque chose qui n'est pas nouveau ‘is qui est déja la, quelque chose qui a été recouvert, abandonné oublié. Plutat que de la connaissance et de la trouvaille, en tant que nodalité de la pure création et de l'invention, il y a dans la echerche une rencontre avec le déja-vu, avec le familier, qui ndique dans la recherche une marge de manceuvre assez réduite et pourtant beaucoup plus féconde que dans le cas d’une recherche entendue comme création ex nihilo. I y aurait donc dans la décou- verte, et dans le supposé « nouveau » de la recherche, une réalité Masquée et exactement inverse qui révéle un cheminement de la re-connaissance et des re-trouvailles, un cheminement qui ne pré- Suppose aucune table rase, mais plutét un terrain trés dense dans lequel pouvoir s'immerger. Lorsque la recherche réussit, Geet quand nous nous retrouvons en terrain familier, nous reconnais- Sons quelque chose qui n’est pas aliénant, mais au contraire qui nous libére et qui fait sens. La recherche « fonctionne » lorsque hous revenons «a la maison», lorsque nous revenons « aux Tacines », La radicalité de la recherche n’est donc pas dans originalite ct la création démiurgique, mais plutét dans un retour 4 Sol, dans ~ une réévaluation des racines et du fondement. Et dans ce soi que la recherche demande et impose, nous rencontron vent une forme de résistance, non pas seulement Parce résultat est rarement satisfaisant dans sa forme coneréta 1 kk qu'on le compare au fantasmagorique imaginaire qui lava . cédé, mais aussi parce que la perception ordinaire de |’ ‘xistens, freine souvent ce retour au rudiment de la vie dans sq forme |g plus tatonnante et maladroite. C’est ce que Ludwig Wittgenstein écrivait si bien dans ses Remarques philosophiques (V, p, 78): h perception ordinaire n'a rien de frappant. Sou. 47. Que rien ne nous frappe lorsque nous regardons autour de nous, nous déplagons dans l'espace autour de nous, sentons notre propre corps, etc., voila qui montre combien naturelles nous sont justement ces choses. Nous ne percevons pas que nous voyons l'espace en perspective ou que l'image visuelle, vers ses bords, devient floue en quelque sens que ce soit. Cela ne nous frappe jamais et ne peut jamais nous frapper parce que c'est la /a nature de la perception. Nous n'y réfléchissons jamais - ce qui est dailleurs impossible, car il n'y a pas de contre-forme opposée a la forme de notre monde!. Ce qu'il y a de saisissant dans ces quelques lignes, clest qu’elles pointent la coincidence entre la limite de ce que notre corps nous permet de percevoir et la nature méme de la perceP- tion. Notre usage habituel du corps ne nous frappe pas et c'est 8 raison pour laquelle il fonctionne. Autrement dit, c'est dans le fait méme que la vie ordinaire n’a rien de frappant qu’elle trouve tout son sens. Cela montre a quel point le dispositif du sensible peut Paraitre inexistant. Et pourtant ¢a existe, mais son existence est en ag presque imperceptible et souvent inapergue. La phéno- ologie, tout particuliérement dans sa forme merlau-pontienne nous Ia appris : le dispositif du sensible se fonde sur un proces- sus de sabotage : nous tombons dans le piége de la perception. Gette perception par piége ou en creux nous cache quelque chose, elle met en place un sabotage qui voile une partie du monde. Tout ‘reste flou puisqu'inapergu, et l'enjeu de la recherche est de dévoi- Jer non pas le sabotage, ni la vérité de l’appareillage de la percep- ion, mais plus fondamentalement le flou lui-méme, ses qualités et ses formes. _ Leretour au flou est un mouvement de recherche entiérement erformatif. Contrairement a une typologie d'action intention- elle, verbale, écrite et claire, telle que l'on pourrait trouver dans “une théatralité représentationnelle classique, la recherche est un it de performance 1a ot la performance est entendue comme une josition nue de soi, comme un principe balbutiant souvent non ‘bal, tel un geste qui émerge sur place mais qui remémore en me toutes ses formes possibles. La performance n’est pas ns l'agir rationnel et conscient, mais plutét dans la passivité droite du geste, dans un laisser-faire qui est propre a la -maitrise et qui rompt avec les régles du spectacle vivant. La mance est comme une véritable recherche puisqu’elle que la retrouvaille avec soi, mais aussi la prise de risque liée e a autrui par la mise en condition d'une forme de nunauté intempestive et éphémére. Tout comme la perfor- ) la recherche est aussi tout le contraire de la consommation | aire et de la satisfaction, tout le contraire du théatre forme la plus plastifiée et fictionnelle. La recherche | qualités de la performance non théatrale, 4 savoir la tion furtive et multiple, l‘identification entre personne et e, la démocratie du plan équitable entre regardeurs et leurs, le risque du ratage. x, la performance ne peut pas rater, au sens strict du isqu’elle est déja en elle-méme une forme de ratage. Si un it, répété et composé peut, quant a lui, rater (l’acteur “une partie du décor tombe, la danseuse ne réussit ice ne peut pas rater puisqu’elle se VX oute une panoplie d'actions possibles dénuées de sens et de forme precise: ee est au performance réeussit ee ae ae te elle SDouse les qualités rudimentaires 4 ac : F es arte t Pas 4 ey moment de spectacle ou de visi maid ell jette les Brains pour une performativite de l’existence 4 venir. La recherche tla performance artistique sont Lontes deux des foes Particulidres de semence: Elles sement des graines, elles travaillent sur Je ter. rain de la perception ordinaire, elles sont composées de Tatages d’échecs et de déchets, elles sont toujours mobiles et parfois méme décevantes, mais lorsqu’elles réussissent, elles dévoilent des exis. tences toutes entieres, elles transforment, elles accomplissent une révolution interne aux sujets quin’est pas une fuite en avant, mais un retour a soi et une reconnaissance de soi. Il y aurait done, au sein du sensible de la recherche comme modalité réflexive et supposément autonome, un socle dur de sen- sations qui constituent Je matériau du discours et qui mettent en crise cette méme autonomie intellectuelle. Et cet état intellectuel si particulier correspond aussi a un état de corps que la perfor- mance aide a saisir et a faire partager. On pourrait ainsi rappro- cher ce flou d'une certaine mouvance propre a la néo-avant-garde américaine et d’artistes comme Allan Kaprow, auteur du recueil The Blurring of Art and Life, traduit en frangais par L’art et la vie confondus. Mais le blur n'est pas seulement le flou, il n'est pas uniquement de l‘ordre du visuel, le blur est, dans son sens général, ce qui ne frappe pas, ce a quoi nous ne pensons jamais et qui reste indiscernable. Le blur indique ce qui est littéralement « impos- sible » a penser, puisque le blur n’atteint méme pas le degré du pensable, il n’en aurait pas l’apparence, voire la dignité. 02 ay pense jamais, on ne prend jamais la peine de lui accorder notre attention, a ce flou, ce blur, ce dispositif confus de la perception Carle blur est vague, indéterminé, nébulewx, imprécis etl @19°" dendément et nécessairement indécis; dés qu'il est saist P® 1 tention, il perd son identité de flou. * SOuven donne dans t SSi vpa: Tai, la 72-73 Ainsi, la recherche comme modalité de savoir invite a défendre A yimportance de ce flou, de ce blur, au sein du processus propre a la pensée tout comme a la création artistique, car au moment du surgissement d'une idée, a cet instant initial que les artistes asso- Be cient & Vinspiration et les philosophes 4 l'intuition, ce qu’on " constate souvent, c'est qu'il s‘agit de quelque chose aux contours t sur laquelle nous ne pouvons pas immédiatement nous prend forme ici: la connaissance comme modalité de he surgit nécessairement dans le flou. On a souvent ten- ou de la perception, c'est la perception elle-méme, tout comme e flou de la pensée, c'est la pensée elle-méme. Le flou, le blur, le 1 s et l'imprécis sont le perceptible; ils sont le perceptible sa forme la plus parfaite. Is ne sont pas tant les contours, les isses ou le véhicule au sein desquels la perception prend me, mais ils en sont l'étoffe méme. Nous ne ressentons pas le mde (le corps, la matiére, les sentiments) malgré le flou, mais e a lui, puisque le confus, ou le flou, sont tout ce dont nous ms besoin. ' La pensée comme mode de recherche serait donc qualifiée par ine opacité et un dynamisme interne auquel on doit pouvoir rester idéle, sans étre tenté par l'exercice de la clarification. Or, cette pproche n'est pas entiérement nouvelle, le non-savoir de Socrate le doute de Descartes en étaient déja des développements exem- aires. Tout comme, un peu plus récemment l'idée du flux de la Onscience, le stream of consciousness chez William James ou idée de « vagueur » (vagueness) chez Charles Sanders Peirce xprimée déja dans un de ses premiers articles intitulé On the F gebra of Logic, De Valgébre de la logique (1880, W 4, 164): «A ief-habit in its development begins by being vague, special and meagre; it becomes more precise, general and full wi The process of this development is called thought y hous it traduire ainsi : « Une croyance-habitude dans son ‘ee Deut Comes pas étre vague} parca et mince; elle devient ph précise, générale et pleine sans limites. Le processus de ce i loppement s’appelle pensée. » Le développement d'une idée, tout comme d’une habitude prend son départ de la « vagueur », de cet état initial de recherche, et c'est seulement cet état qui permet le plus de dynamisme et de généralité possible, le plus de puissance au sein d’une idée, Car dés qu'on cherche a cristalliser ou éclairer le flou, on est irrémé. diablement confronté a une perte. Pour éviter cela, il s‘agit avant tout de réévaluer ce que nous n’avons pas l'habitude de considérer comme une partie prenante de la vie intellectuelle: les idées confuses liées a la distraction, l’erreur, l’hésitation, le doute et la perplexité. Ces notions rejoignent celle de vagueur chez Peirce, car ce qu'il y a de trés fort dans la vagueur, c'est qu'elle permet l/ou- verture. Plus le début de l'idée est vague, plus de possibilités de recherche et d’interprétation s‘ouvrent devant elle. Plus I'hypo- thése initiale est indéterminée, plus elle laisse la place a la décou- verte et aux surprises propres a un vrai chemin de recherche. Ainsi le mouvement propre du doute consiste 4 se laisser_surprendre par le processus méme du non-savoir. Ten va d'une certaine pratique de la pensée par laquelle la vie gestuelle des idées, le dispositif du sensible et J'indétermination du pergu puissent se garder tous ensemble dans une dynamique de recherche, d’expérimentation et d’écriture par laquelle le but d'une recherche n’est pas de trouver et d’analyser, mais simple- ment de décrire en gardant et respectant la forme sensible et mou- vante du vivre. Cette dynamique est hautement esthétique puisqu’elle retrouve lorigine de l’esthétique comme une science des idées confuses (comme chez Alexander Baumgarten ou encore Jean-Baptiste Du Bos), et elle est aussi artistique puisqu’elle cherche a tenir la compréhension du vivant par les deux bouts de son expression et de sa manifestation, a savoir la matiére et l'idée, F z Jractivité et Ha Bese ie différence et Vindiscernabilite, vement et l'immobilité, l’énergie et la stase. Certains ee comme Wittgenstein et Peirce, mais aussi ne Maurice Merleau-Ponty et John Dewey, bien que venus One enTSrente) ae montré la voiea entreprendre par une tentative Meee a discréditer la métaphysique, afin non pas de la remplacer Se avec le physique et le biologique, mais plutét afin de tenir ensemble le biologique et le sociologique, 'im- pression sensible avec la saisie intellectuelle, le confus avec le réfléchi, le geste avec la parole. Cette philosophie, tout comme la pratique artistique avec laquelle elle pourrait étre mise en réso- nance, rompt avec le diktat de la mimesis comme modalité de représentation, pour cerner les airs de famille et les traits physio- nomiques communs entre la pensée et l’expérience, entre la créa- tion et le mouvement. Cette pensée physionomique colle au réel et a l’expérience qui en découlent, tout comme le visage colle tellement a son expres- sion qu'il se confond avec lui. Le visage est la colére, insiste le second Wittgenstein, il n'y a rien d’autre que lui. Alors que a la fin des années soixante, des artistes comme Yvonne Rainer, affir- maient : The mind is a muscle, l'esprit est un muscle, ou feelings are facts, plus tard dans ses mémoires, les sentiments sont des faits, en écrasant les deux polarités de la pensée occidentale en une seule dimension. Cet écrasement est proche du flou car l’indé- termination des marges du monde pousse @ investiguer dans la pensée comme une forme d’expérience ot les rebords, les détails, les contours fagonnent I’étoffe propre a la méditation spéculative. Les contours de la pensée, une fois réévalués, finissent par ancrer et reconstituer le vitalisme de l’expérience intellectuelle. S’oppo- sant a l‘attitude kantienne qui soustrait l'idée a son contexte, l'ob- Jet a son environnement, la philosophie du flou, ainsi que la pra- tique d'art correspondante, puisent dans la « substance sensorielle de la vie ordinaire2 » pour le dire avec Allan Kaprow (1996, P- a0), Je mou- ARTISTES-CHERCHEUR:ES, CHERCHEUR-ES-ABTISTES, 1, 1996, p. 40. © Allan Kaprow, Vart et la vie confondus [1958-1990]. Centre Georges-Pompido La substance sensorielle de la vie ordinaire devient matrice artistique et montre la connexion profonde de y rience (du corps et de la pensée) avec ce qui semble ain - entourer cette méme expérience; elle montre que dans la Téalité g l'étoffe du sensible, l’expérience vient toujours avec son one son fond, son contexte. Liexpérience est indissociée, et quelque part indissociable, de son contexte, ce n'est qu’ensuite, Par un geste de discernement de la pensée, que l’on opére un forcage en séparant l'expérience de Ja situation dans laquelle elle surgit, en finissant par la dissocier de ce contexte pour perdre son aspect flou et produire un éclaircissement. Forgage et éclairage vont donc de pair : le discernement opére une violence au sein du sensible pour le déconnecter de la complexité de son advenue et de son déroulement afin de rendre la situation moins détaillée et plus simple a saisir. L’éclaircissement n’aime pas toujours les sédimen- tations multiples du vécu et préfére souvent la synthése 4 l’ana- lyse, quitte a perdre un lien sensible avec la réalité de J'expérience elle-méme. Dans Théorie de l’enquéte, Dewey rappelait ce lien fondamen- tal entre l'expérience et le contexte de sa formation : Nous ne faisons jamais l’expérience, ni ne formons desjugements sur les objets et les événements de maniére isolée, mais seule- ment en connexion avec un tout contextuel, On appelle celui-ci uneGituation [...]; un objet ou un événement est toujours une par- tie spéciale, une phase ou un aspect d'un monde environnant dont nous avons l’expérience et qui surgit devant nous de facon mani- eee fested. : sleet Une idée surgit toujours dans une situation spécifique et ‘ fagon manifeste, mais elle n'est qu'un aspect du contexte global dans lequel elle surgit. Nous ne pensons jamais de fagon abstraite, 4 he Theory of Inquiry (1938), Southern Illinois University Press, 1986: rman, Sous l'interprétation, trad. J.-P. Cometti, éditions de V'Eclat, | citation ont été ajoutés par l'autrice. be e. es Novi 2 ‘déconnectée de tout contexte, mais tissons notre Pensée en lien it avec ce qui 'S entoure : cette tasse de café, cet ami qui nous parle, cette table en bois, cet cette piéce bruyante. Au sein de e situation spécifique, les idées nous parviennent tout d’abord Ee sous forme floue et confuse, elles avancent dans l'opacité : elles | masquées et donc méconnaissables; elles sont presque nt notre attention, elles ont besoin qu’on se consacre a qu'on ne les laisse pas tomber; sans quoi, elles s’épuisent instantanément et s’effondrent pour disparaitre dans robléme du surgissement d'une idée est que l’aspect nou- Vidée nous perturbe. Si d'une part nous voulons satisfaire conceptuel, d’autre part nous avons.du mal a nous dessai- repéres habituels : nous ressentons donc 4 la fois de ion et de la méfiance, de l’enthousiasme et de l’inquié- u sein d'une telle tension, si l'inspiration et l’enthousiasme ent, lon pourra alors parler d'une intuition, mais si la ace et l'inquiétude s’imposent, on restera alors dans l’incer- ire dans l’erreur. Avant méme que la forme de l'idée soit C ide il faut passer par un processus incertain, car le jaillisse- / #~ at nt in itial de l'idée, qu'on le comprenne tout de suite ou pas, joue f qe "une promesse; on devine a peine ce que ces idées pour- lores enir, et c'est 1a ow elles se donnent sous forme gestes. ébut d’une idée est un geste naissant dans la pensée, une intellectuelle qui annonce une relation particuliére avec iées a ce qui nous entoure, elles sont aussi en lien a ce e en notre intérieur. De fagon souvent inconsciente, Meneses om notre humeur ou l'état physique de oe on desprit ala i és que si now idées ne se fabriquent pas loin des corps, elles ne tombe, «du ciel », mais surgissent au sein d'une dimension immang tres complexe et mouvante dans laquelle s'entremélent ee connaissances acquises, des préjugés, des états physiques oe soires, des humeurs transitoires, des changements émotionnelg 7. organiques que nous maitrisons souvent tres mal et qUE nous connaissons habituellement trés peu. «Les idées semblent donc posséder une < ualité somatique Notre disposition d’esprit est en effet indissociable de notre état affectif et corporel et elle se présente comme un terrain qui peut étre, selon les cas et les circonstances, plus ou moins fécond, Mais qui n’est pas en soi stérile et qui n’a jamais été vierge. Il y a une forme de résurgence, de retour, de reconnaissance et de retroy. vaille. Se joue 1a le lien entre pensée et perception. En effet, s'il ya un surgissement d'une idée, ce n'est souvent pas a partir d'un ter rain complétement intact, telle une tabula rasa ou J’on vivrait comme dans un degré zéro de la conscience et de la connaissance, Au lieu d’apparaitre comme totalement nouvelles, les idées sur gissent souvent a partir d'une sorte « d’aprés-coup », elles se pré- sentent 4 nous comme les simples impressions de ce que l'on pressentait auparavant, elles viennent en quelque sorte décrire quelque chose qu’au fond nous comprenions déja. C'est 14 en quelque sorte l’enjeu principal de la maieutique chez Socrate, mais aussi de ce que Wittgenstein appelle une «forme de vie », a savoir la situation détaillée, et souvent 8° tuelle, d'une fagon de vivre et de penser allant décrire quelque chose que nous comprenons déja. Ainsi, 4 cause des temporalités inattendues du processus de surgissement, la vie des idées se donne sous forme de mouvement, elle fluctue dans uné série e ramifications et d'interconnections narratives et subject Vidée supposée « nouvelle » ne fait pas simplement irruption - fait partie de notre histoire, elle ne surgit pas tout bétemen™ os elle re-surgit, elle surgit de nouveau, elle vient décrire un Zs ti confus qui existe déja, elle se rattache et se lie 4 quelau® chos Nt Pag flou, quelque chose de présent a l'état embryonnaire dans notre situation, dans notre compréhension initiale. lidée ressurgit donc, et en réalité elle ne peut que Tessurgir, Elle se donne dans un mouvement sensible de résurgence qui est comme un geste du corps, elle s‘esquisse, se déplace, se trans- forme, elle laisse une trace et peut disparaitre. Comme un geste du corps, l'idée prise dans son intuition premiére n’a pas d’orienta- tion précise, elle ne suit aucune directive et n’a aucun sens déter- miné. Elle surgit, elle ressurgit, elle apparait et prend forme dans Je flottement et Ja fluctuation. Tel un geste, elle trouve sa force 2 avant tout dans son statut d’ébauche. Tel _un geste, elle est avant tout une relation. La vie des idées est donc profondément gestuelle puisqu’elle est fonciérement floue et sensible, elle ne se donne pas dans l’abs- traction d'un monde lointain, d'un univers parfait d'ordre géomé- trique et de lois universelles, ou on essaierait de mathématiser \’étre humain. Elle se donne au sein du terrain raboteux des choses communes, au milieu du flot, et du flou, des relations intriquées et pourtant trés simples que les étres vivants tissent dans leur envi- ronnement. La vie des idées est faite d’actions mais aussi de réac- tions, d'intentions mais aussi d’instincts, de choix mais aussi d’effets d’inertie. La vie des idées puise tant dans la résilience que dans la sérendipité et elle se tient en équilibre entre lactivité et la passivité, 1a ot se joue le destin des existences. Les implications philosophiques et politiques de cette forme sensible de la connaissance inspirée de la performance sont mul- tiples et complexes. On ne pourra ici qu’esquisser quelques pistes, quelques traits fondamentaux. Tout d’abord, d’un point de vue philosophique, un renverse- ment s'opére. Lorsque la recherche se donne comme forme incar- née, l'art assume un role magistral, il devient le maitre philoso- Phique et se permet de donner la legon a la philosophie et de définir une nouvelle forme de savoir, qui est performative Puisqu’elle est émancipée des contraintes liées a la signification ou la représentation classique. Liart aide la philosophie & décon- struire le processus rationnel, lequel fonctionne sur Van tion, l’objection, l’hypothése et la contre-hypothage oot recherche-création, ou la création entendue comme Cae la met de penser est la possibilité d'une recherche qui se veut ©, Der des procédures rationalistes du savoir, On pourrait d etnie de recherche comme une critique de la connaissance acquisition des savoirs, comme cognition. Comme ~~Une approche non Cognitive ou a-cognitive des Savoir pe. mettrait ainsi de saisir la recherche comme un Processus ge déconstruction, c'est-a-dire comme ouverture et lancement thy. pothéses sans construction logique d’une argumentation affirma. tive. Il s'agit donc de mettre en place un contexte de recherche qu soit non épistémique, et donc orienté par exemple vers les circons. tances historiques, les relations sociales et les émotions. Car Ia complexité de la vie humaine réside dans ses aspects non ration- nels. Ceci permet aussi de considérer que les contextes humains, psychologiques et spirituels sont plus larges que la simple procé- dure propre a la raison. Cette perspective est en ligne avec I’ap- proche pluraliste du pragmatisme, tout particuliérement le lien entre démocratie et éducation, du point de vue duquel les qualités morales et épistémiques sont mélées. Hee Ensuite, du point de vue politique, se pose 1a done, au final, une question d’ordre démocratique, par laquelle l'espace de la forme de vie se doit d’étre suffisamment vague, incluant et ouvert pour qu'il puisse accepter un maximum de fagons et de styles de vie, afin d’éviter un phénoméne de subjectivation « par le haut» Le flou d'une politique et d'une esthétique du commun permet la multiplicité des formes de vie et la malléabilité des pratiques sin- guliéres et sociales. Cela montre la force du contexte indét i et flottant pour en revendiquer les qualités profondes résister a toute forme de fixation qu’elle soit matériell dectuelle, Car la forme qui reste, ou qui se donne a voir, d instable, et c'est dans son instabilité qu’elle montre s critique et politique face a la structure habituelle nelle des jeux de pouvoir,

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