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Renvoi fait par le gouvernement du Québec en vertu de la Loi sur 2008 QCCA 1167

les renvois à la Cour d'appel, L.R.Q. ch. R-23, relativement à la


constitutionnalité des articles 8 à 19, 40 à 53, 60, 61 et 68 de la Loi
sur la procréation assistée, L.C. 2004, ch. 2 (Dans l'affaire du)
COUR D’APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

N° : 500-09-015177-041

DATE : LE 19 JUIN 2008

CORAM : LES HONORABLES PAUL-ARTHUR GENDREAU J.C.A.


JACQUES CHAMBERLAND J.C.A.
PIERRETTE RAYLE J.C.A.

DANS L'AFFAIRE DU RENVOI FAIT PAR LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC EN


VERTU DE LA LOI SUR LES RENVOIS À LA COUR D'APPEL, L.R.Q. ch. R-23,
RELATIVEMENT À LA CONSTITUTIONNALITÉ DES ARTICLES 8 À 19, 40 À 53, 60,
61 ET 68 DE LA LOI SUR LA PROCRÉATION ASSISTÉE, L.C. 2004, ch. 2.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC


REQUÉRANT
c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


INTIMÉ

ARRÊT

I – INTRODUCTION
[1] À la demande du gouvernement du Québec1, la Cour doit répondre à la question
suivante :

1
Les décrets Renvoi à la Cour d'appel relatif à la Loi sur la procréation assistée, D. 1177-2004, G.O.Q.
2005.II.62, le 15 décembre 2004, et Modification du décret no 1177-2004 concernant un renvoi à la
Cour d'appel relatif à la Loi sur la procréation assistée, D. 73-2006, G.O.Q. 2006.II.1290, le 14 février
2006, pris en vertu de la Loi sur les renvois à la Cour d'appel, L.R.Q., ch. R-23.
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Les articles 8 à 19, 40 à 53, 60, 61 et 68 de la Loi sur la procréation assistée2,


L.C. 2004, ch.2, excèdent-ils, en tout ou en partie, la compétence du Parlement
du Canada en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 ?3

[2] La Cour rappellera tout d'abord le contexte entourant l'adoption de la Loi sur la
procréation assistée (la « Loi ») avant d'en résumer le contenu et d'exposer les
prétentions des deux parties au renvoi. La Cour procédera ensuite à l'étude de la
question posée en rappelant tout d'abord les étapes de l'analyse constitutionnelle dans
le contexte du fédéralisme canadien avant de décrire les divers champs de compétence
constitutionnelle invoqués de part et d'autre et d'appliquer les principes analytiques
énoncés aux diverses dispositions législatives visées par le renvoi. La Cour conclura
enfin son étude en répondant à la question posée par le gouvernement du Québec.

II – L'HISTORIQUE DE LA LOI
[3] Il n'est pas inutile de rappeler le contexte d'adoption de la Loi en exposant
sommairement les diverses actions législatives et administratives prises par le
Parlement et le gouvernement fédéral en matière de procréation assistée au cours des
dernières années.

[4] S'inquiétant des répercussions morales, religieuses, juridiques et sociales des


progrès de la science en matière de procréation assistée4, le gouvernement du Canada
adopte, le 25 octobre 1989, un décret créant la Commission royale sur les nouvelles
techniques de reproduction (la «Commission Baird», du nom de sa présidente,
Mme Patricia S. Baird, pédiatre)5. Celle-ci est chargée d'enquêter et de formuler des
recommandations sur l'utilisation des nouvelles techniques de reproduction au Canada.
Le 15 novembre 1993, la Commission Baird présente son rapport final6; elle conclut à la
nécessité pour le Parlement de légiférer pour interdire certaines activités ou techniques
jugées inacceptables (le clonage humain, la création d'hybrides animaux-humains, etc.).
Elle recommande également au Parlement de créer une commission nationale chargée
de réglementer les aspects considérés acceptables des diverses techniques de
reproduction assistée et de délivrer des permis aux personnes souhaitant appliquer ces
techniques7.

[5] Au mois d'avril 1995, Santé Canada demande à un groupe de discussion, formé
de chercheurs et d'experts, son opinion sur la recherche et les expériences faites sur
les embryons humains. Tout comme la Commission Baird, le groupe de discussion

2
Selon le titre abrégé de la Loi concernant la procréation assistée et la recherche connexe, L.C. 2004,
ch. 2, laquelle a reçu la sanction royale le 29 mars 2004.
3
Les articles visés par le renvoi sont reproduits en annexe.
4
Débat de la Chambre des communes, (6 avril 1989) à la p.186 (M. O'Kurley).
5
C.P. 1989-2150, 25 octobre 1989.
6
Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, Un virage à prendre en douceur
(rapport final), Ottawa, 1993 (Mme Patricia Baird).
7
Ibid., vol. 1, p. xxxiv et p. 123 à 143.
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constate la nécessité d'interdire certaines activités et recherches sur les embryons


humains, à titre d'exemple celles relatives au clonage. Il réitère également l'importance
d'établir une réglementation, par l'intermédiaire d'un organisme administratif national,
relative aux autres types de recherche sur l'embryon humain8.

[6] Le 27 juillet 1995, la ministre fédérale de la Santé de l'époque,


me
M Diane Marleau, demande aux chercheurs et aux praticiens du domaine médical de
s'abstenir, pendant un certain temps, d'utiliser neuf pratiques et techniques relatives à
la procréation assistée. Parmi les pratiques et techniques visées par ce moratoire
volontaire, on peut mentionner le choix du sexe de l'enfant à naître en fonction de
critères non médicaux, les contrats de mères porteuses à titre onéreux et le clonage
humain. La ministre annonce en même temps la création d'un comité consultatif chargé
de conseiller Santé Canada quant au respect du moratoire9.

[7] Le 1er juin 1996 le Règlement sur le traitement et la distribution du sperme


destiné à la reproduction assistée10 entre en vigueur. Ce règlement uniformise, à
l'échelle canadienne, les normes de contrôle de don de sperme en matière de
procréation assistée. Le sperme doit dorénavant être soumis à un ensemble de tests
de dépistage afin de réduire le risque de transmission de maladies.

[8] Le 14 juin 1996, le premier projet de loi relatif à la procréation assistée est
présenté à la Chambre des communes11. Le Projet de loi C-47 compte quatorze
articles; il énumère une série d'actes prohibés et prévoit les sanctions applicables aux
contraventions à la loi. Le projet de loi s'attaque à la fois aux techniques de procréation
assistée jugées totalement inacceptables (la création de zygotes provenant de matériel
reproductif humain et animal, la sélection du sexe des embryons à naître, etc.) et à la
commercialisation du corps (l'interdiction de rétribution des mères porteuses).

[9] En juin 1996, Santé Canada publie un document qui explique à la population
canadienne le contenu du Projet de loi C-47. Ce document présente également le
cadre général d'un second projet de loi qui ajouterait au premier une section visant à
réglementer les techniques de procréation assistée jugées acceptables12.

[10] Le Projet de loi C-47 meurt toutefois au feuilleton à la suite du déclenchement


des élections fédérales de 1997.

8
Groupe de discussion sur la recherche sur les embryons, Recherche sur l'embryon humain au
Canada (Rapport final), Ottawa, 1995, p. 2 et 3.
9
Santé Canada, Communiqué 1995-57, « Le ministre de la Santé annonce un moratoire sur neuf
techniques et pratiques de reproduction » (27 juillet 1995).
10
D.O.R.S./96-254, adopté en vertu de la Loi sur les aliments et les drogues, L.R.C. ch. F-27.
11
P.L. C-47, Loi concernant les techniques de reproduction humaine et les opérations commerciales
liées à la reproduction humaine, 2 session., 35e Parl., 1996 («Projet de loi C-47»).
12
Santé Canada, Les nouvelles techniques de reproduction et de génétique: Fixer des limites et
protéger la santé, Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services Canada, juin 1996.
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[11] En juin 2000, Santé Canada, après avoir consulté les provinces au sujet d'une
éventuelle loi fédérale interdisant certaines techniques de procréation assistée et en
réglementant certaines autres, publie un compte rendu des discussions menées et des
commentaires recueillis13. Ce document fait mention d'un certain consensus sur la
nécessité d'agir du Parlement fédéral en matière de procréation assistée; il fait
également état des objections soulevées par certaines provinces14, dont le Québec,
quant à la partie réglementaire d'une éventuelle loi fédérale en la matière.

[12] Le 9 mai 2002, donnant suite aux recommandations du Comité permanent de la


santé sur l'avant-projet de loi concernant la procréation assistée15, le ministre fédéral de
la Santé dépose à la Chambre des communes le Projet de loi C-56, Loi concernant la
procréation assistée16. Énumérant les activités et techniques interdites, réglementant
celles permises sous conditions, créant une agence de contrôle et d'application de la
loi, instaurant un régime de cueillette des renseignements et édictant les sanctions
applicables aux contraventions à la loi, ce projet de loi établit en quelque sorte le cadre
général de la Loi actuelle.

[13] Mort au feuilleton en septembre 2002, le Projet de loi C-56 est remplacé le mois
suivant par le Projet de loi C-13, Loi concernant les techniques de procréation assistée
et la recherche connexe17. Identique au projet de loi précédent, le Projet de loi C-13
franchit les étapes de troisième lecture à la Chambre des communes et de deuxième
lecture au Sénat après avoir été modifié selon les recommandations du Comité
permanent de la Santé18. Il meurt toutefois à son tour au feuilleton en novembre 2003.

[14] Le Projet de loi C-6, successeur des projets de loi antérieurs et véritable
conséquence des travaux de la Commission Baird, est présenté lors de la 3e session de
la 37e législature19. Il est finalement adopté par la Chambre des Communes le 11
février 2004 et sanctionné le 29 mars 2004.

[15] La Loi entre en vigueur le 22 avril 2004, à l’exception des articles 8, 12, 14 à 19,
21 à 59, 72 et 74 à 77. Les articles 21 à 24 (sauf les alinéas 24(1)a), e) et g)), 25 à 39,
72, 74, 75 et 77 entrent à leur tour en vigueur le 12 janvier 2006. L'article 8 entre en

13
Santé Canada, Discussion et commentaires écrits sur la législation fédérale proposée en matière de
technique de reproduction et de génétique, Ottawa, juin 2000.
14
Ibid; le document n'identifie toutefois pas les provinces qui se sont opposées, outre le Québec.
15
Canada, Chambre des communes, Comité permanent de la santé, « Assistance à la procréation:
Bâtir la famille », Ottawa, décembre 2001.
16
P.L. C-56, Loi concernant la procréation assistée, 1re sess., 37e Parl., 2002.
17
P.L. C-13, Loi concernant les techniques de procréation assistée et la recherche connexe, 2e sess.,
37e Parl, 2003.
18
Canada, Chambre des communes, Comité permanent de la santé, «Premier rapport», 12 décembre
2002.
19
P.L. C-6, Loi concernant les techniques de procréation assistée et la recherche connexe, 3e sess.,
37e Parl, 2003.
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vigueur le 1er décembre 2007, en même temps que le Règlement sur la procréation
assistée (article 8)20 publié dans la Gazette officielle du Canada le 27 juin 2007.

[16] À ce jour, les articles 12, 14 à 19, 24(1)a), e) et g), 40 à 59 et 76 ne sont toujours
pas en vigueur et aucun autre règlement n'a été adopté.

[17] Enfin, la preuve révèle que tout au long du processus d'élaboration de la Loi, le
gouvernement du Québec, par des lettres adressées au ministre fédéral de la Santé, a
manifesté son désaccord; à son avis, la partie réglementaire de la Loi enfreint le
partage des compétences. Le 18 décembre 2007, le ministre québécois de la Santé et
des Services sociaux, M. Philippe Couillard, présentait à l'Assemblée nationale le projet
de loi no 23 intitulé « Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de
procréation assistée »21.

20
D.O.R.S. 2007/137; le règlement régit l'obtention du consentement des donneurs en matière de
procréation assistée.
21
Ce projet de loi reprend le projet de loi 89, Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière
de procréation assistée et modifiant d'autres dispositions législatives, dont le principe avait été adopté
par l'Assemblée nationale du Québec le 14 avril 2005, mais qui est mort au feuilleton à la suite des
élections provinciales de mars 2007. Le projet de loi no 23 est ainsi décrit dans les notes explicatives
l'accompagnant :
Ce projet de loi vise à encadrer les activités cliniques et de recherche en matière de
procréation assistée de manière à assurer une pratique de qualité, sécuritaire et
conforme à l'éthique. Il vise aussi à favoriser l'amélioration continue des services en
cette matière.

À cet égard, le projet de loi prévoit que toute activité de procréation assistée, sauf
exception, doit être exercée dans un centre de procréation assistée pour lequel un
permis est délivré par le ministre de la Santé et des Services sociaux et qui est dirigé par
un médecin. Celui-ci doit s'assurer notamment que les activités qui sont exercées dans
le centre respectent une pratique de qualité, sécuritaire et conforme à l'éthique. Le
projet prévoit également qu'un centre doit obtenir un agrément de ses activités par un
organisme reconnu par le ministre.

Par ailleurs, le projet de loi assujettit tout projet de recherche relatif à des activités de
procréation assistée à l'approbation et au suivi d'un comité d'éthique de la recherche.

Le projet de loi prévoit une reddition de comptes pour chacun des centres au moyen
notamment d'un rapport annuel d'activités. Il octroie des pouvoirs d'inspection au
ministre et il prévoit que ce dernier peut demander au Bureau de l'Ordre professionnel
des médecins du Québec des avis portant sur la qualité, la sécurité et l'éthique des
activités de procréation assistée et sur la compétence professionnelle des médecins
dans un centre, ainsi que sur les normes à suivre pour relever le niveau de qualité, de
sécurité et d'éthique des activités de procréation assistée.

Enfin le projet de loi confie des pouvoirs de réglementation au ministre et au


gouvernement concernant les centres de procréation assistée et leurs activités et il
prévoit des sanctions administratives et pénales pour assurer le respect des dispositions
de la loi.
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III- LE CONTENU DE LA LOI


[18] Sommairement, la Loi vise toutes les activités cliniques et de recherche en
matière de procréation assistée. Elle identifie les actes qui sont interdits (les «actes
interdits», art. 5 à 9) ainsi que ceux qui ne peuvent être exercés qu'en obtenant les
autorisations requises et en respectant certaines conditions (les «activités
réglementées», art. 10 à 13). Elle instaure un mécanisme de cueillette des
renseignements personnels liés aux personnes ayant recours à la procréation assistée
et précise les circonstances permettant leur communication, tout en établissant un
registre destiné à contenir l'ensemble de ces informations (art. 14 à 19). Elle crée
l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée (l'« Agence ») (art. 21 à 53).
Enfin, elle impose des sanctions pénales aux contrevenants (art. 60 à 64).

[19] La Loi criminalise tout d'abord une série de techniques et d'actes liés à la
procréation assistée. L'article 5 interdit le clonage humain, la création d'embryons in
vitro pour des fins autres que la création d'un être humain, la création d'hybrides ou de
chimères dans le but de les transplanter dans un être humain ou encore dans une autre
espèce que l'espèce humaine, etc. Les articles 6 et 7 reprennent le principe de la non-
commercialisation du corps en interdisant toute forme de rétribution aux mères
porteuses, ainsi que l'achat ou la vente d'ovules, de spermatozoïdes, d'embryons in
vitro, de cellules ou de gènes humains. L'article 8 interdit l'utilisation ou le prélèvement
de matériel reproductif humain dans le but de créer un embryon, ainsi que l'utilisation
d'un embryon in vitro sans le consentement du donneur. Enfin, l'article 9 interdit le
prélèvement ou l'utilisation de l'ovule ou du sperme d'une personne âgée de moins de
18 ans.

[20] La Loi interdit ensuite, sauf en conformité avec les règlements et avec
l'autorisation de l'Agence, une seconde série d'activités liées à la procréation assistée
(art. 10 à 13). Ces « activités réglementées » consistent entre autres en la
manipulation, la modification ou le traitement du matériel reproductif humain dans le but
de créer un embryon; la modification, la manipulation, le traitement ou l'utilisation d'un
embryon in vitro; la combinaison du génome humain à celui d'une autre espèce; le
remboursement des frais encourus par les donneurs et les mères porteuses. Ces
« activités réglementées » visent autant la pratique clinique que la recherche en matière
de procréation assistée. Enfin, l'article 13 prévoit que ces « activités réglementées »
doivent être exercées dans un établissement habilité par l'Agence (art. 40).

[21] La Loi instaure aussi un mécanisme de cueillette obligatoire des renseignements


relatifs aux personnes ayant recours à la procréation assistée (art. 14). Elle énumère
les situations et les conditions applicables à la communication de ces renseignements
(art. 15 et 18). Elle prévoit les modalités d'accès aux renseignements détenus par les
personnes concernées, ainsi que celles de leur destruction (art. 16). Enfin, elle crée un
registre où figurent les renseignements personnels visés (art. 17).
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[22] La Loi crée également l'Agence canadienne de contrôle de la procréation


assistée chargée de l'application de la loi (art. 21). L'Agence est l'organisme
administratif responsable de délivrer les autorisations relatives aux « activités
réglementées » et de surveiller tant l'application de la Loi au Canada que l'évolution de
la procréation médicalement assistée ici et ailleurs (art. 22, 24, 40 à 53).

[23] L'article 65 de la Loi accorde au gouvernement fédéral un vaste pouvoir de


réglementation qui vise notamment l'ensemble des aspects liés à la détermination des
« activités réglementées », à l'établissement des conditions applicables aux
autorisations prévues par la Loi, à l'élaboration des qualifications requises aux fins de
l'obtention des autorisations, à l'établissement des normes relatives aux installations
dans lesquelles les « activités réglementées » sont exercées22.

[24] Enfin, la Loi rend passible de sanctions pénales allant de l'amende (maximum de
500 000$) à l'emprisonnement (maximum de 10 ans) toute contravention à la Loi et à
ses règlements (art. 60 à 64).

IV- LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

A. Le Procureur général du Québec


[25] Le Procureur général du Québec reconnaît que les manipulations génétiques et
la commercialisation du matériel reproductif humain, objet des prohibitions édictées aux
articles 5 à 7 de la Loi, relèvent du droit criminel et donc, de la compétence exclusive du
Parlement. Ces dispositions ne sont pas contestées. Elles portent essentiellement
sur le clonage humain, la détermination du sexe d'un embryon (pour des raisons autres
que médicales), la création d'un embryon in vitro ou sa conservation (à des fins autres
que la création d'un être humain), la transplantation de gamètes d'une autre forme de
vie dans un être humain, ou la recherche dans ce domaine, la création de chimères ou
d'hybrides, la rétribution des mères porteuses et la commercialisation de gamètes et
autre matériel reproductif humain.

[26] Le Procureur général du Québec prétend par ailleurs que les articles 8 à 19, 40 à
53, 60, 61 et 68 de la Loi vont à l'encontre du partage des pouvoirs prévu par la Loi
constitutionnelle de 1867 et sont par conséquent invalides. Il soutient que le caractère
véritable des dispositions attaquées consiste à réglementer tout le secteur de la
pratique médicale liée à la procréation assistée, incluant les professionnels de la santé
et les établissements de santé au sein desquels ces professionnels oeuvrent, la relation
patient - médecin et les aspects civils de la procréation médicalement assistée.

[27] Le Procureur général du Québec estime que les dispositions attaquées


empiètent ainsi de façon injustifiable sur les compétences reconnues aux provinces par

22
Il est à noter toutefois que, mis à part le Règlement sur la procréation assistée (article 8), aucun des
règlements auxquels réfère la Loi n'a été adopté à ce jour; supra, note 20.
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la Loi constitutionnelle de 1867 aux paragraphes 7, 13 et 16 de l'article 92 et à l'article


93, c'est-à-dire les pouvoirs exclusifs des législatures provinciales en matière
d'établissement, d'entretien et d'administration des hôpitaux; en matière de propriété et
de droit civil; en matière de nature locale ou privée et en matière d'éducation et de
formation des intervenants en santé.

[28] Le Procureur général du Québec affirme que les dispositions contestées visent à
uniformiser les normes relatives à la prestation des services médicaux en matière de
procréation assistée. Par les articles sous étude et les règlements dont elle permet
l'adoption, la Loi régirait la totalité des aspects propres à la prestation de services en
matière de procréation assistée, un domaine de compétence provinciale exclusive. Par
exemple, le consentement des donneurs (art. 8), le remboursement des frais assumés
par ceux-ci (art. 12), le droit d'exercice des médecins et des établissements dans
lesquels ils oeuvrent (art. 10 et 13), le droit d'exercice en matière de recherche
(art. 40(2) à (7)), la confidentialité des renseignements recueillis et leur communication
(art. 14 à 19) ou encore, le contrôle de l'application de la Loi par des mécanismes
d'inspection et l'imposition de sanctions administratives et pénales (art. 46 et suivants).
Le Procureur général du Québec souligne également le large pouvoir réglementaire
prévu à la Loi qui, selon lui, permet au gouvernement fédéral de réglementer de
manière encore plus intrusive la pratique médicale partout au Canada (art. 65).

[29] Bref, contrairement aux articles 5 à 7 qui interdisent formellement certaines


activités liées à la procréation assistée et qui relèvent sans contredit du droit criminel, le
Procureur général du Québec considère que le traitement de l'infertilité et la procréation
médicalement assistée sont du domaine de la santé et qu'en conséquence, les
dispositions de la Loi qui les réglementent sont inconstitutionnelles.

[30] Selon le Procureur général du Québec, l'effet des dispositions attaquées sur la
législation québécoise confirme ses prétentions quant à leur caractère véritable. La Loi
s'immiscerait carrément dans la prestation des services de santé en matière de
procréation assistée et dans les aspects civils liés à celle-ci, deux domaines de
compétence provinciale. La Loi aurait ainsi pour effet de soustraire un secteur complet
du domaine de la santé à la compétence des provinces. Le Procureur général du
Québec considère que plus de 14 lois et règlements québécois relatifs au domaine de
la santé seront affectés par la Loi; par exemple, les articles 11 à 25 du Code civil du
Québec relatifs au consentement aux soins et à la non-commercialisation du corps;
l'article 541 du Code civil du Québec déclarant la nullité absolue de tout contrat de mère
porteuse; la Loi sur les services de santé et les services sociaux23, quant au droit
d'exercice des établissements de santé en matière clinique et de recherche, leur
gestion, leur contrôle, leur surveillance, le consentement aux soins et la communication
des renseignements personnels; le Code des professions24, la Loi médicale25 et le Code

23
L.R.Q., ch. S-4.2.
24
L.R.Q., ch. C-26.
25
L.R.Q., ch. M-9.
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de déontologie des médecins26, visant le droit d'exercice des médecins, le contrôle de


la pratique médicale, le consentement aux soins, l'approbation des recherches et la
confidentialité des renseignements; la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels27 ainsi que la Loi sur la
protection des renseignements personnels dans le secteur privé28, relatives à la
cueillette, à la protection et à la communication des renseignements personnels.

[31] Le Procureur général du Québec prétend également que les dispositions


attaquées ne peuvent être justifiées par le pouvoir du Parlement en matière criminelle
prévu par le paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867. Il soutient que le
simple fait de créer des interdictions auxquelles des sanctions sont rattachées ne suffit
pas à faire d'une loi qui empiète sur les compétences provinciales une loi de droit
criminel valide; encore faudrait-il que cette loi ait un objet de droit criminel reconnu. Or,
à son avis, les articles contestés de la Loi ne viseraient pas à protéger la population
contre un « mal légitime » ou encore, contre un « effet nuisible ou indésirable ». La
procréation médicalement assistée, accomplie selon les règles de l'art, ne constituerait
pas une activité criminelle ou encore un « mal » contre lequel il faudrait protéger les
Canadiens.

[32] Le Procureur général du Québec prétend que les dispositions en cause ne


sauraient être légitimées par un objectif de prévention d'un éventuel « mal » puisque,
selon la même logique, tous les domaines de la santé pourraient être réglementés par
le Parlement fédéral. Au surplus, les effets importants de la Loi sur la législation
québécoise démontreraient que celle-ci vise principalement les compétences
provinciales et non un objet de droit criminel valide. Même s'il est vaste, le pouvoir du
Parlement en matière de droit criminel n'est pas illimité et ne peut pas, selon le
Procureur général du Québec, servir de justification à un empiètement majeur sur les
compétences des provinces.

[33] Selon le Procureur général du Québec, bien que le domaine de la santé, dans
son ensemble, puisse être considéré comme un sujet vague, il est possible d'en
délimiter certains aspects tels la pratique médicale, la gestion des établissements de
santé ou encore la relation patient-médecin, soit autant d'aspects que la Loi aborde et
qui, pourtant, tombent sous l'égide des compétences provinciales exclusives.

[34] Le Procureur général du Québec plaide enfin que l'article 68 n'est d'aucun
secours au Procureur général du Canada pour justifier la validité constitutionnelle de sa
Loi. Cet article illustrerait plutôt l'inconfort du Parlement quant à la constitutionnalité de
sa Loi et il ne saurait atténuer l'empiètement créé par celle-ci.

26
R.R.Q., ch. M-9, r. 4.1.
27
L.R.Q., ch. A-2.1.
28
L.R.Q., ch. P-39.1.
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B. Le Procureur général du Canada


[35] Le Procureur général du Canada défend la validité des dispositions attaquées en
s'appuyant sur le pouvoir du Parlement de légiférer en matière de droit criminel (paragr.
91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867). Il considère que la constitutionnalité des
articles contestés est entre autres justifiée par la théorie du « double aspect » qui
permet aux deux ordres de gouvernement de légiférer sur des aspects différents d'une
même matière, par exemple la santé. Le caractère véritable de la Loi et de ses
dispositions serait de protéger la santé, la sécurité et la moralité publique. Ce faisant,
l'essence même de la Loi constituerait un objet valide de droit criminel.

[36] Le Procureur général du Canada souligne la validité de la technique législative


utilisée, soit la création d'interdictions auxquelles se greffent certaines exemptions
faisant l'objet d'une réglementation précise. Il soutient également que les effets des
dispositions contestées sur la législation québécoise sont mineurs, que la Loi n'entre
pas en conflit avec les lois et règlements québécois, mais qu'elle institue plutôt un cadre
législatif complémentaire.

[37] À titre subsidiaire, le Procureur général du Canada soutient que, même s'il y a
empiètement sur les compétences des provinces, les articles contestés constituent une
partie intégrante et indissociable de la Loi et sont par conséquent valides.

[38] Selon le Procureur général du Canada, les dispositions contestées visent à


protéger les personnes vulnérables (art. 9), la moralité publique (art. 8, 9, 11, 12(1) et
12(2)), la santé et la sécurité publique (art. 10 et 12(3)) ou encore, sont nécessaires à la
réalisation de ces objectifs (art. 13 à 19, 40 à 53, 60 et 61). La procréation
médicalement assistée, bien que socialement souhaitable afin de solutionner les
problèmes liés à l'infertilité, demeurerait un domaine de science nouveau et
comporterait plusieurs risques relatifs à la santé et à la sécurité des personnes
impliquées, soit les donneurs, les receveurs ou les enfants à naître. La procréation
assistée est un phénomène récent et en constante évolution; dans ce contexte, l'accès
non sécuritaire ou éthiquement condamnable à la procréation assistée constituerait un
« mal » qui commandait l'intervention législative du Parlement.

[39] Selon le Procureur général du Canada, l'effet des dispositions contestées sur les
compétences provinciales est secondaire et ne saurait entraîner leur
inconstitutionnalité. Il rappelle que la théorie du « double aspect » et la présence d'un
domaine aussi vaste et flou que celui de la santé entraînent naturellement la possibilité
d'un certain chevauchement inévitable dans un système fédéral tel que le nôtre. Il
prétend que les dispositions contestées touchent un aspect très restreint de la pratique
médicale et non l'ensemble du domaine de la santé; elles viseraient principalement le
travail en laboratoires et non la relation patient-médecin (art. 10, 11, 13, 40(1), 42 et
61). Les dispositions contestées et les règlements qui viendront les compléter
coexistent et coexisteront de façon complémentaire, et non conflictuelle, avec la
législation provinciale en vigueur. Ainsi, l'article 8 de la Loi concernant le consentement
500-09-015177-041 PAGE : 11

des donneurs d'embryons ou de matériel reproductif humain n'écarterait pas


l'application du droit provincial pertinent puisque la définition même du terme
« consentement » précise que celui-ci doit être donné selon le « droit applicable en la
matière », ce qui inclut vraisemblablement le droit provincial (art. 3).

[40] Le Procureur général du Canada mentionne également l'absence de conflit entre


les articles 6 et 12 de la Loi, interdisant la rétribution des mères porteuses dans le
premier cas et permettant le remboursement des frais encourus par celles-ci dans le
second, et l'article 541 du Code civil du Québec consacrant la nullité absolue des
contrats de mères porteuses. Il soutient que ces articles ne permettront pas de valider
un contrat par ailleurs nul selon le droit provincial puisque le paragraphe 6(5) de la Loi
précise que l'article ne porte pas atteinte à la validé des ententes de maternité de
substitution conclues en vertu du droit provincial.

[41] De la même façon, la création d'une agence nationale chargée de la surveillance


et de l'application de la Loi n'affecterait en rien le contrôle déjà exercé par les provinces
en matière de santé et de discipline des professionnels de la santé. Rien n'empêcherait
la coexistence de plusieurs paliers d'inspection et de régulation. En somme, le
Procureur général du Canada soutient que si empiètement il y a, le chevauchement est
mineur et n'affecte pour ainsi dire pas les lois québécoises relatives à la santé.

[42] Le Procureur général du Canada estime également que la technique législative


employée, soit la création d'interdictions assorties d'exemptions faisant l'objet d'une
réglementation, est un exercice valide de la compétence du Parlement en matière de
droit criminel. Il cite à l'appui de cette prétention les arrêts Hydro-Québec29, RJR-
MacDonald Inc. c. Canada (P.G.)30 et Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu31. Il
ajoute que, tout comme l'environnement dont traite l'arrêt Hydro-Québec, la santé est
un sujet vaste et complexe qui ne relève pas d'une compétence constitutionnelle
exclusive, et pour lequel il est possible d'établir un régime réglementaire au soutien
d'une loi criminelle valide.

[43] Le Procureur général du Canada soutient, à titre subsidiaire, que, même si la


Cour concluait à l'existence d'un empiètement, les dispositions de la Loi seraient par
ailleurs valides puisqu'elles font partie intégrante d'une loi criminelle valide. En effet, le
régime mis en place par les dispositions contestées viserait à assurer la protection de la
santé et de la sécurité des personnes ayant recours à la procréation assistée dans une
optique de respect des valeurs morales de la société canadienne. La présence
d'exemptions en matière de procréation assistée, le contrôle et la surveillance des
activités visées par ces exemptions et la cueillette d'informations seraient autant
d'éléments nécessaires à la réalisation fonctionnelle de l'objet de la Loi.

29
[1997] 3 R.C.S. 213.
30
[1995] 3 R.C.S. 199.
31
[2000] 1 R.C.S. 783.
500-09-015177-041 PAGE : 12

[44] Enfin, le Procureur général du Canada rejette l'application de l'article 94 de la Loi


constitutionnelle de 1867, invoquant que la compétence à la source de la Loi est celle
du Parlement en matière de droit criminel et non de droit civil. Il estime que l'article 68
de la Loi, loin d'être une reconnaissance d'une quelconque faiblesse constitutionnelle
de la loi, illustre plutôt la théorie du « double aspect » et du concept de chevauchement
acceptable dans notre système fédéral.

V – L'ANALYSE
[45] D'entrée de jeu, il convient de faire deux remarques préliminaires.

[46] Premièrement, selon les informations fournies par les avocats du Procureur
général du Canada, la Loi ne fait l'objet d'aucune autre attaque constitutionnelle au
Canada.

[47] Deuxièmement, la position du Procureur général du Canada se limite à plaider


que la Loi a été conçue, puis adoptée, uniquement en fonction de la compétence du
Parlement en matière de droit criminel (paragr. 91(27) de la Loi constitutionnelle de
1867). Il n'est donc ni nécessaire ni utile de se demander si les dispositions contestées
pouvaient être adoptées en vertu du pouvoir du Parlement de légiférer pour la « paix,
l'ordre et le bon gouvernement du Canada » (art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867,
la théorie des dimensions nationales).

[48] La Cour décrira tout d'abord les étapes de l'analyse constitutionnelle à laquelle le
renvoi la convie dans le contexte du fédéralisme canadien; elle rappellera ensuite les
paramètres applicables aux divers champs de compétence constitutionnelle invoqués
de part et d'autre; elle procédera enfin à l'analyse de la Loi et à l'application des
principes énoncés précédemment avant de répondre à la question posée par le renvoi.

A. L'analyse constitutionnelle et le fédéralisme canadien

[49] L'analyse de la validité constitutionnelle d'une disposition législative sous l'angle


du partage des pouvoirs établi par la Loi constitutionnelle de 1867 comporte deux
volets : il s'agit tout d'abord d'en rechercher le caractère véritable ou la caractéristique
dominante, puis de déterminer à quelle rubrique de compétence cette caractéristique se
rapporte le plus afin de décider si la disposition attaquée relève de la compétence de
l'ordre de gouvernement qui l'a adoptée32.

32
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, [2005] 2 R.C.S. 669, paragr. 8;
Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698, paragr. 13; Renvoi
relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), supra, note 31, paragr. 15.
500-09-015177-041 PAGE : 13

[50] Le caractère véritable d'une loi ou d'une disposition législative, ou sa


caractéristique dominante, doit être déterminé sous deux aspects : le but visé par le
législateur qui l'a adoptée (ou son objet) et son effet juridique33.

[51] L'objet d'une loi ou d'une disposition est le but poursuivi par le législateur lors de
son adoption. Celui-ci est souvent énoncé dans le texte même de la loi ou de la
disposition attaquée, mais il peut aussi être circonscrit à partir de documents
extrinsèques, comme un journal des débats parlementaires ou une publication
gouvernementale. Afin de déterminer l'objet d'une loi, il peut être utile de cerner le
problème que le législateur cherchait à corriger; le contexte de l'adoption d'une loi peut
donc se révéler très pertinent34.

[52] L'étude de l'effet d'une loi ou d'une disposition consiste à en examiner les
conséquences pratiques ou juridiques. Il s'agit en somme de voir comment la loi
s'appliquera et comment elle affectera les citoyens dans leur vie quotidienne. Il peut
arriver que l'effet d'une loi révèle un objet différent de celui qu'elle énonce. L'effet
juridique d'une loi se rapporte à la manière dont le texte législatif dans son ensemble
influe sur les droits et obligations de ceux qui y sont assujettis35.

[53] Après avoir déterminé le caractère véritable de la loi ou de la disposition


attaquée, il s'agit ensuite d'identifier le ou les chefs de compétence énumérés à la Loi
constitutionnelle de 1867 auxquels celui-ci se rapporte36.

[54] Les rubriques de compétence ne sont pas statiques, leur contenu s'ajuste en
fonction de l'évolution de la société canadienne de manière que « le pacte confédératif
puisse répondre aux réalités nouvelles »37, sans qu'il soit nécessaire d'en modifier
continuellement le texte; le plus haut tribunal du pays emploie souvent la métaphore de
l'arbre vivant et suggère d'adopter une « interprétation progressiste »38 ou une
« approche évolutive »39. En somme, les compétences que la Loi constitutionnelle de
1867 attribue à l'un ou l'autre des ordres de gouvernement sont essentiellement
dynamiques.

33
Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), supra, note 31, paragr. 16.
34
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, paragr. 15 et 16;
Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, supra, note 31, paragr. 17.
35
Dans le Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, au
paragraphe 27, la juge Deschamps souligne l'importance de l'examen des effets de la loi ou de la
disposition contestée en rappelant que, dans l'arrêt Saumur c. City of Québec, [1953] 2 R.C.S. 299,
une mesure législative sur le contrôle des rues a été déclarée inconstitutionnelle parce que, d'après
son effet prédominant, elle était utilisée comme moyen de censure; voir aussi Renvoi relatif à la Loi
sur les armes à feu (Can.), supra, note 31, paragr. 18; R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463, 482.
36
Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), supra, note 31, paragr. 25.
37
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, paragr. 9.
38
Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, supra, note 32, paragr. 29.
39
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, paragr. 9.
500-09-015177-041 PAGE : 14

[55] Le recours à cette interprétation évolutive, ou progressiste, ne doit cependant


pas justifier un empiètement par un ordre de gouvernement sur le champ de
compétence exclusive de l'autre.

[56] L'exercice qui consiste à fixer les limites à l'évolution d'une compétence
constitutionnelle donnée en fonction de la structure politique canadienne est délicat,
chacun ayant sa propre conception du fédéralisme et sa propre perception du point
d'équilibre entre les pouvoirs fédéral et provinciaux40.

[57] Ceci étant, l'analyse de la validité constitutionnelle d'une loi ou d'une disposition
législative exige de garder à l'esprit certains principes liés à l'essence même du
fédéralisme canadien, notamment quant au partage des compétences entre le fédéral
et les provinces. Dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec41, la Cour suprême
du Canada rappelle les principes de base du fédéralisme canadien :

43. Le fédéralisme était la réponse juridique aux réalités politiques et culturelles


qui existaient à l'époque de la Confédération et qui existent toujours aujourd'hui.
À l'époque de la Confédération, les dirigeants politiques avaient dit à leur
collectivité respective que l'union canadienne permettrait de concilier unité et
diversité. […]

Le partage des pouvoirs entre le fédéral et les provinces était une


reconnaissance juridique de la diversité des premiers membres de la
Confédération, et il témoignait du souci de respecter cette diversité au sein d'une
seule et même nation en accordant d'importants pouvoirs aux gouvernements
provinciaux. La Loi constitutionnelle de 1867 était un acte d'édification d'une
nation. Elle était la première étape de la transformation de colonies dépendant
chacune du Parlement impérial pour leur administration en un État politique
unifié et indépendant où des peuples différents pouvaient résoudre leurs
divergences et, animés par un intérêt mutuel, travailler ensemble à la réalisation
d'objectifs communs. Le fédéralisme était la structure politique qui permettait de
concilier unité et diversité.

52. Ces principes guident l'interprétation du texte et la définition des sphères de


compétence, la portée des droits et obligations ainsi que le rôle de nos
institutions politiques. Fait tout aussi important, le respect de ces principes est
indispensable au processus permanent d'évolution et de développement de notre
Constitution, cet [TRADUCTION] «arbre vivant» selon la célèbre description de
l'arrêt Edwards c. Attorney-General for Canada, [1930] A.C. 124 (C.P.), à la p.
136. […]

40
Ibid., paragr. 10.
41
[1998] 2 R.C.S. 217, paragr. 43, 52, 56, 58 et 66.
500-09-015177-041 PAGE : 15

56. Dans un système fédéral de gouvernement comme le nôtre, le pouvoir


politique est partagé entre deux ordres de gouvernement: le gouvernement
fédéral, d'une part, et les provinces, de l'autre. La Loi constitutionnelle de 1867 a
attribué à chacun d'eux sa propre sphère de compétence. Voir, par exemple,
Liquidators of the Maritime Bank of Canada c. Receiver-General of New-
Brunswick, [1892] A.C. 437 (C.P.), aux pp. 441 et 442. Il appartient aux
tribunaux de «contrôle[r] les bornes de la souveraineté propre des deux
gouvernements», Northern Telecom Canada Ltée c. Syndicat des travailleurs en
communication du Canada, [1983] 1 R.C.S. 733, à la p. 741. Dans leur
interprétation de notre Constitution, les tribunaux ont toujours tenu compte du
principe du fédéralisme inhérent à la structure de nos arrangements
constitutionnels, l'étoile qui les a guidés depuis le tout début.

58. Le principe du fédéralisme est une reconnaissance de la diversité des


composantes de la Confédération et de l'autonomie dont les gouvernements
provinciaux disposent pour assurer le développement de leur société dans leurs
propres sphères de compétence. La structure fédérale de notre pays facilite
aussi la participation à la démocratie en conférant des pouvoirs au
gouvernement que l'on croit le mieux placé pour atteindre un objectif sociétal
donné dans le contexte de cette diversité. Selon l'arrêt Re the Initiative and
Referendum Act, [1919] A.C. 935 (C.P.), à la p. 942, le but de la Loi
constitutionnelle de 1867

[TRADUCTION] n'était pas de fusionner les provinces en une seule, ni de


mettre les gouvernements provinciaux en état de subordination par
rapport à une autorité centrale, mais d'établir un gouvernement central
dans lequel ces provinces seraient représentées, revêtu d'une autorité
exclusive dans l'administration des seules affaires dans lesquelles elles
avaient un intérêt commun. Sous cette réserve, chaque province devait
garder son indépendance et son autonomie, assujettie directement à la
Couronne.

Plus récemment dans notre arrêt Haig c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 995, à la p.
1047, les juges de la majorité ont déclaré que les différences existant entre les
provinces «font rationnellement partie de la réalité politique d'un régime
fédéral». Cette remarque, qui visait l'application différente du droit fédéral aux
diverses provinces, a néanmoins une portée plus générale. La Cour a
unanimement exprimé un point de vue semblable dans R. c. S. (S.), [1990] 2
R.C.S. 254, aux pp. 287 et 288.

66. Il est vrai, bien sûr, que la démocratie exprime la volonté souveraine du
peuple. Pourtant cette expression doit aussi être considérée dans le contexte
des autres valeurs institutionnelles que nous estimons pertinentes dans ce
renvoi. Les rapports entre démocratie et fédéralisme signifient par exemple que
500-09-015177-041 PAGE : 16

peuvent coexister des majorités différentes et également légitimes dans divers


provinces et territoires ainsi qu'au niveau fédéral. Aucune majorité n'est plus, ou
moins, «légitime» que les autres en tant qu'expression de l'opinion
démocratique, quoique, bien sûr, ses conséquences varieront selon la question
en jeu. Un système fédéral de gouvernement permet à différentes provinces de
mettre en oeuvre des politiques adaptées aux préoccupations et aux intérêts
particuliers de leur population. En même temps, le Canada dans son ensemble
est aussi une collectivité démocratique au sein de laquelle les citoyens
poursuivent et réalisent des objectifs à l'échelle nationale, par l'intermédiaire d'un
gouvernement fédéral agissant dans les limites de sa compétence. La fonction
du fédéralisme est de permettre aux citoyens de faire partie simultanément de
collectivités différentes et de poursuivre des objectifs aussi bien au niveau
provincial qu'au niveau fédéral.

[58] Dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, la Cour suprême du Canada
rappelle que la détermination du chef de compétence auquel la loi ou la disposition
attaquée se rapporte n'est pas une science exacte :

26. La détermination du chef de compétence duquel relève une loi particulière


n’est pas une science exacte. Dans un système fédéral, chaque ordre de
gouvernement peut s’attendre à ce que sa compétence soit touchée dans une
certaine mesure par l’autre. Comme le juge en chef Dickson le dit dans General
Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, à la p. 669,
«il faut s’attendre à ce qu’il y ait chevauchement de mesures législatives et il faut
s’y adapter dans un État fédéral». Les lois se rapportant principalement à la
compétence d’un ordre de gouvernement peuvent déborder, ou avoir des «effets
secondaires», sur les champs de compétence de l’autre ordre de gouvernement.
C’est une question d’équilibre et de fédéralisme: aucun ordre de gouvernement
n’est isolé de l’autre, ni ne peut usurper ses fonctions.

[59] Les règles du partage des compétences constitutionnelles ne sont pas conçues
de manière à tracer les contours précis d'un système de logique parfait et à proscrire,
ce faisant, les débordements ou les répercussions indirectes qu'une loi relevant de la
compétence d'un ordre de gouvernement peut avoir sur celle de l’autre ordre de
gouvernement42. Le fait qu'une loi ou une disposition empiète sur une matière ne
relevant pas de l'autorité qui a légiféré ne permet pas de conclure obligatoirement à son
invalidité; le tribunal doit vérifier la constitutionnalité de la loi ou de la disposition en se
demandant, d'une part, si elle fait partie d'un régime législatif valide et, d'autre part, si
elle y est suffisamment intégrée43.

42
Fédération des producteurs de volailles du Québec c. Pelland, [2005] 1 R.C.S. 292, paragr. 31;
Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, 180-181.
43
Renvoi sur la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, paragr. 8; Bande
Kitkatla c. Colombie-Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la
Culture, [2002] 2 R.C.S. 146, paragr. 58; Global Securities Corp. c. Colombie-Britannique (Securities
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[60] Les matières énoncées à la Loi constitutionnelle de 1867 ne constituent pas des
« compartiments étanches »44; il peut donc arriver que les deux ordres de
gouvernement légifèrent sur le même sujet, chacun dans son champ de compétence
exclusive. D'où la théorie du double aspect; le pouvoir d'un ordre de gouvernement de
légiférer sur un aspect d'une matière n'enlève rien au pouvoir de l'autre ordre de
gouvernement de régir un autre aspect de cette matière qui relève de sa propre
compétence45.

[61] Le professeur Hogg résume ainsi la théorie du double aspect46 :

One might well ask why a law which presents both federal and provincial
characteristics should not be treated as competent to both the federal Parliament
and the provincial Legislatures. At first glance, such a result seems inconsistent
with the stipulation in ss. 91 and 92 that each list of classes of subject is
assigned "exclusively" to either the Parliament or the Legislatures. But the Privy
Council early announced that "subjects which in one aspect and for one purpose
fall with s. 92, may in another aspect and for another purpose fall within 91. This
doctrine has become known as the "double aspect" doctrine.

[…]

In other words, the double aspect doctrine is the course of judicial restraint.
When the court finds that the federal and provincial characteristics of a law are
roughly equal in importance, then the conclusion is that laws of that kind may be
enacted by either the Parliament or a Legislature.

[62] Il convient également de souligner que le rôle du tribunal appelé à décider, sous
l'angle du partage des compétences entre le Parlement et les législatures, de la validité
constitutionnelle d'une mesure législative ne consiste surtout pas à en évaluer le mérite,
la sagesse, l'opportunité ou l'efficacité. Cette tâche revient, chacun dans le cadre de
ses compétences constitutionnelles respectives, au Parlement et aux législatures
provinciales47.

Commission), [2000] 1 R.C.S. 494; General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1
R.C.S. 641.
44
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, paragr. 8; Hodge c.
The Queen (1883), 9 App. Cas. 117 (Conseil privé), p. 130; Citizens Insurance co. of Canada c.
Parsons (1881), 7 App. Cas. 96 (Conseil privé), p. 107-108, 116-117.
45
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, supra, note 32, paragr. 8.
46
Peter Hogg, Constitutional Law of Canada, vol. 1 (Loose-Leaf Edition), Toronto, Carswell, 2001, p.
15-8.
47
Québec (Ministre de la Justice) c. Canada (Ministre de la Justice), [2003] R.J.Q. 1118, 1135 (Renvoi
relatif au projet de loi C-7 sur le système de justice pénale pour adolescents); R. c. Malmo-Levine; R.
c. Caine, [2003] 3 R.C.S. 571, paragr. 5.
500-09-015177-041 PAGE : 18

[63] Finalement, la présomption de constitutionnalité signifie qu'il appartient au


gouvernement du Québec, en tant que partie contestant la Loi, de démontrer que les
dispositions attaquées ne relèvent pas de la compétence du Parlement48.

B. Les champs de compétence invoqués

[64] Les deux ordres de gouvernement invoquent la santé comme justifiant, pour l'un,
la validité de la Loi, pour l'autre, son inconstitutionnalité.

[65] Pour le Procureur général du Québec, la santé est une matière qui, sans avoir
fait l'objet d'une attribution spécifique, se rapporte à quatre chefs de compétence
provinciale énumérés aux articles 92 et 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[66] Le Procureur général du Canada est plutôt d'avis que la Loi vise la protection de
la santé, qu'il s'agit là d'un objectif légitime et reconnu de droit criminel et que ce
domaine relève de sa compétence exclusive en vertu de l'article 91 de la Loi
constitutionnelle de 1867.

[67] La Cour examinera maintenant les champs de compétence du Parlement et des


législatures provinciales en matière de santé puis en matière de droit criminel en vertu
de la Loi constitutionnelle de 1867 et à la lumière des enseignements jurisprudentiels.

48
Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1978] 2 R.C.S. 662.
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La santé

[68] On sait déjà que la santé n'est pas une rubrique nommément désignée dans la
Loi constitutionnelle de 1867. Il s'agit d'un domaine vaste et diffus, dont les contours
pour fins de compétence constitutionnelle ne sont pas toujours facilement identifiés.

[69] Traditionnellement, ce sont les législatures provinciales qui ont légiféré en


matière de santé. Toutefois, cela n'a pas empêché le Parlement de s'exprimer de
temps à autre en cette matière, notamment, mais pas exclusivement, par le biais de sa
compétence en matière de droit criminel.

[70] L'analyse sera conduite en trois étapes: la compétence traditionnelle des


provinces, la compétence du Parlement et l'évolution récente de la compétence
provinciale.

a) La compétence traditionnelle des provinces

[71] La compétence des provinces en matière de prestation de soins et de toutes


activités corollaires procède effectivement de quatre chefs de compétence énumérés
aux articles 92 et 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[72] Par le biais du paragraphe 92(7) de la Loi constitutionnelle de 1867, on a


exclusivement attribué aux législatures provinciales le soin de gérer les établissements
de santé – hôpitaux, asiles, hospices ou refuges, à l'exception des hôpitaux de marine –
leur entretien et leur administration. Par la conjugaison des paragraphes 13 et 16 de
l'article 92, les aspects civils de la pratique médicale et les rapports patient-médecin
relèvent des législatures provinciales auxquelles on a aussi reconnu le pouvoir de
mettre sur pied et de gérer un système hospitalier ainsi qu'un régime d'assurance
maladie et d'assurance hospitalisation49.

[73] Par ailleurs, l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde des pouvoirs
exclusifs aux provinces en matière d'éducation, sans restriction quant à la nature et la
portée de cette matière au Québec50.

[74] Dans l'arrêt Office canadien de commercialisation des œufs c. Richardson51, la


Cour suprême affirme que non seulement les provinces ont le pouvoir de déterminer les
conditions d'admissibilité à l'exercice d'une profession, mais elles ont aussi la
compétence nécessaire afin de réglementer l'ensemble des professions.

49
Re Employment and Social Insurance Act, [1936] R.C.S. 427; The Canadian Indemnity Company c.
P.G. Colombie-Britannique, [1977] 2 R.C.S. 504; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur
général), [1997] 3 R.C.S. 624.
50
McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229; Renvoi relatif à la Loi sur l’instruction
publique, [1993] 2 R.C.S. 511; Potter c. Québec (Procureur général), [2001] R.J.Q. 2823 (C.A.).
51
[1998] 3 R.C.S. 157, paragr. 78; voir aussi R. c. Morgentaler, supra, note 35.
500-09-015177-041 PAGE : 20

[75] Ajoutant aux rubriques énumérées dans les paragraphes 7, 13 et 16 de l'article


92 celle de l'éducation attribuée aux provinces aux termes de l'article 93, on constate
que la compétence de celles-ci en matière de santé est très vaste. Elle inclut la
réglementation et la gestion des professions relatives à la médecine et aux sciences de
la santé, la recherche médicale, les facultés de médecine, les instituts médicaux de tout
genre ainsi que l'hygiène et les soins accordés aux personnes handicapées et aux
malades mentaux52.

[76] Ce tableau brossé à grands traits de la compétence des provinces en matière de


santé suffit puisque le Procureur général du Canada ne conteste pas vraiment la
compétence de ses partenaires confédératifs. Réciproquement, le Procureur général
du Québec ne prétend pas non plus que le Parlement ne peut jamais intervenir en
matière de santé. Bref, la santé n'est pas un monopole dans le paysage constitutionnel
canadien.

b) La compétence du Parlement en matière de santé

[77] Au jour le jour, la santé est un domaine d'activités sinon de préoccupations qui
incombe aux législatures provinciales, cela est acquis. Le Parlement peut intervenir
dans ce même domaine et il l'a fait à plusieurs reprises par trois voies différentes: en
exerçant son pouvoir résiduaire de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon
gouvernement, son pouvoir général de dépenser53 ou sa compétence en matière de
législation criminelle. Examinons brièvement chacune de ces voies.

[78] Dans le cas présent, le Procureur général du Canada a renoncé à invoquer le


paragraphe introductif de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui lui attribue le
pouvoir de «faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada,
relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par le
présent acte exclusivement assignés aux législatures des provinces». Il reconnaît ainsi
que la Loi ne s'inscrit pas dans ce pouvoir général et, forcément, il ne soulève pas la
théorie des dimensions nationales non plus que celle de l'urgence.

[79] En effet, cette compétence fédérale résiduaire54 comporte deux volets: la


situation d'urgence nationale et la sécurité ou l'intérêt national. Seule la sécurité
individuelle des participants à la procréation assistée et des enfants issus de celle-ci
doit être protégée. Quant à l'urgence, elle n'est plus manifeste si elle l'a déjà été du
temps de la Commission Baird, puisque quinze années se sont écoulées entre la

52
Concernant la réglementation des professions voir : Law Society of British Columbia c. Mangat,
[2001] 3 R.C.S. 113, paragr. 38; Gérald-A. Beaudoin, La constitution du Canada, 3e éd., Montréal,
Wilson & Lafleur, 2004, p. 644.
53
Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), supra, note 49; Chaoulli c. Québec (Procureur
général), [2005] 1 R.C.S. 791, paragr. 16.
54
Henri Brun et Guy Tremblay, Droit constitutionnel, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001,
p. 550.
500-09-015177-041 PAGE : 21

première intervention en Chambre des communes portant sur la procréation


médicalement assistée et l'adoption de la Loi.

[80] Les commentaires qui précèdent importent afin d’éviter qu'on ne soit tenté de
légitimer la Loi par un souci d'uniformisation au plan national ou par la crainte de
commercialisation du matériel reproductif humain sur une échelle nationale ou inter-
provinciale.

[81] Avant de dire d'une matière qu'elle est d'intérêt national, il faut que le sujet
abordé transcende les compétences provinciales55. Cette matière « doit avoir une
unicité, une particularité et une indivisibilité qui la distinguent clairement des matières
d'intérêt provincial, et un effet sur la compétence provinciale qui soit compatible avec le
partage fondamental des pouvoirs législatifs effectué par la Constitution […]»56.

[82] Si le Procureur général du Canada voulait légitimer sa démarche par la


dimension nationale du problème attaqué, il ne pouvait pas se contenter de le faire par
la voie de sa compétence en matière de droit criminel, espérant ainsi contourner les
exigences que comporte l'exercice de sa compétence résiduaire de légiférer pour la
paix, l'ordre et le bon gouvernement.

[83] Le pouvoir de dépenser du Parlement lui a permis de jouer un rôle important en


matière de soins de santé au pays. Il a pu fixer des normes nationales à l'égard des
programmes provinciaux d'assurance maladie, et ce, dans le but de faciliter l'accès à
des soins de santé comparables pour l'ensemble des Canadiens. Selon la Loi
canadienne sur la santé57, le gouvernement fédéral contribue ainsi d'une manière
conditionnelle au financement des programmes d'assurance maladie provinciaux.
Comme le souligne le juge LaForest dans l'arrêt Eldridge58, cette méthode a été validée
par la Cour suprême dans le Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du
Canada59.

[84] Le Parlement peut enfin intervenir en matière de santé sous l'égide de sa


compétence exclusive en droit criminel. La jurisprudence fait état de plusieurs
interventions en la matière que la Cour examinera, le moment venu d'étudier la rubrique
constitutionnelle du droit criminel.

c) L'évolution récente de la compétence provinciale en matière de santé

[85] Les arrêts récents de la Cour suprême ont confirmé la compétence générale des
provinces en matière de santé.

55
Schneider c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 112 p. 131.
56
R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd., [1988] 1 R.C.S. 401, 432. Voir aussi R. c. Hydro-Québec, supra,
note 29, paragr. 64 et suivants.
57
L.R.C.1985, ch. C-6.
58
Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), supra, note 53, paragr. 25.
59
[1991] 2 R.C.S. 525, 567.
500-09-015177-041 PAGE : 22

[86] Déjà, dans l'arrêt Schneider c. La Reine60, le plus haut tribunal du pays traçait la
frontière entre les domaines législatifs de la santé et du droit criminel. La santé, en tant
que matière constitutionnelle, peut faire l'objet de législations fédérale ou provinciales
selon la nature et la portée de la question abordée. Dans cette affaire, la loi étudiée
portait sur les stupéfiants, un sujet généralement réglementé par le législateur fédéral.
La Cour suprême du Canada a cependant reconnu que le traitement médical de la
toxicomanie relève de la compétence provinciale en matière de santé en vertu du
paragraphe 92(16) de la Loi constitutionnelle de 1867. La toxicomanie n'étant pas un
crime mais bien un état psychologique nécessitant une intervention médicale et sociale
de la part de la province61, la Cour suprême reconnaît le caractère intra vires du Heroin
Treatment Act de la Colombie-Britannique.

[87] Quelque dix ans plus tard, la compétence générale des provinces en matière de
santé était à nouveau affirmée par la Cour suprême du Canada dans R. c. Morgentaler:

Le paragraphe 92(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde aux provinces la


compétence législative générale sur les hôpitaux et les par. 92(13) et (16) leur
attribuent la compétence sur la profession médicale et sur la pratique de la
médecine. Le paragraphe 92(16) leur accorde aussi la compétence générale en
matière de santé sur leur territoire: Schneider c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 112, à
la p. 137.

[…]

En outre, tous sont d'accord pour dire que les chefs de compétence de l'art. 92
invoqués par l'appelante attribuent aux provinces la compétence sur les soins de
santé dans la province en général, y compris les questions de coûts et
d'efficacité, la nature du système de santé et la privatisation des services
médicaux62.

[88] Dans Bell Canada c. Québec (CSST)63, le juge Beetz écrit :

La compétence législative générale en matière de santé appartient aux


provinces, sous réserve de la compétence limitée du Parlement, accessoire aux
attributions expresses de compétence de l'art. 91 de la Loi constitutionnelle de
1867 ou consécutive au pouvoir d'urgence relatif à la paix, à l'ordre et au bon
gouvernement du Canada: Schneider c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 112, à la p.
137 des motifs du juge Dickson – il n'était pas encore Juge en chef – qui écrit au
nom de sept juges de cette Cour. Cette compétence a été historiquement
considérée comme dévolue aux provinces par le par. 92(16) de la Loi

60
Supra, note 55.
61
Ibid., p. 137.
62
R. c. Morgentaler, supra, note 35, 490-491.
63
[1998] 1 R.C.S. 749, 761.
500-09-015177-041 PAGE : 23

constitutionnelle de 1867, "généralement toutes les matières d'une nature


purement locale ou privée dans la province", quoique l'on n'ait probablement pas
entrevu en 1867 la portée considérable de cette compétence.

[89] Plus récemment, la Cour suprême du Canada confirme la prépondérance


provinciale en matière de législation relative à la santé dans les arrêts Chaoulli c.
Québec (Procureur général)64 et Mazzei c. Colombie-Britannique (Directeur des Adult
Forensic Psychiatric Services)65. Dans l'affaire Chaoulli, la juge Deschamps atteste de
l'étendue de la compétence provinciale, reconnaissant que la prestation des soins de
santé fait partie intégrante du corpus législatif provincial:

17. […] La Loi canadienne sur la santé ne constitue donc qu'un cadre général
qui laisse une large marge de manœuvre aux provinces. […]

18. La compétence des provinces sur la santé est plus clairement établie. La Loi
constitutionnelle de 1867 prévoit que les provinces ont compétence sur les
matières de nature locale ou privée (par. 92 (16)), sur la propriété et les droits
civils (par. 92(13)) et sur l’établissement des hôpitaux, asiles, institutions et
hospices de charité (par. 92(7)). Au Québec, les services de santé sont
dispensés en application de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, L.R.Q., ch. S-4.2 (« LSSSS »). Cette loi réglemente les établissements
où les soins de santé sont dispensés et énonce les principes guidant la
prestation des soins de santé au Québec. Ainsi, selon l’art. 5 LSSSS, les
Québécois ont « droit de recevoir des services de santé et des services sociaux
adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et
de façon personnalisée et sécuritaire »66.

[90] En somme, les arrêts les plus récents de la Cour suprême du Canada confirment
la compétence provinciale générale sur l'ensemble des normes relatives à la prestation
des soins de santé, sur l'implantation, l'administration et le contrôle des établissements
qui dispensent de tels soins et sur la formation et les mécanismes d'inspection et de
vérification des compétences des professionnels de la santé.

Le droit criminel

[91] Tout en n'étant pas illimitée, la compétence du Parlement en matière de droit


criminel est un «vaste domaine de compétence fédérale» qui occupe «une place à part
comme chef de compétence fédérale»67.

[92] Dans R.J.R. – MacDonald inc. c. Canada (P.G.)68, la Cour suprême rappelle la
«nature plénière» de cette compétence dont on a «toujours défini largement la portée»,
64
Supra, note 53.
65
[2006] 1 R.C.S. 326, paragr. 31 à 36.
66
Supra, note 53.
67
Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, supra, note 31, 803.
500-09-015177-041 PAGE : 24

les termes du paragraphe 91 (27) de la Loi constitutionnelle de 1867 devant être


interprétés «comme attribuant au Parlement la compétence exclusive en matière de
droit criminel dans le sens le plus large» ["in the widest sense of the terms"].

[93] La compétence du Parlement en droit criminel s'exprime principalement mais


non exclusivement au Code criminel: la Loi sur les aliments et drogues69, la Loi sur les
produits dangereux70, la Loi sur le dimanche71 et la Loi sur le tabac72 sont des exemples
d'un exercice valide de compétence en matière criminelle.

[94] La législation adoptée en vertu de la compétence exclusive du Parlement en


droit criminel doit être intrinsèquement répressive puisque telle est fondamentalement la
nature du droit criminel.

[95] La Cour suprême a tôt fait de déterminer ce que constitue un crime73 :

[TRADUCTION] Un crime est un acte que la loi défend en y attachant des


sanctions pénales appropriées; mais comme les interdictions ne sont pas
promulguées en vase clos, nous pouvons à bon droit rechercher le mal ou l’effet
nuisible ou indésirable pour le public qui est visé par la loi. Cet effet peut viser
des intérêts sociaux, économiques ou politiques; et le législateur a eu en vue la
suppression du mal ou la sauvegarde des intérêts menacés.74

[96] Cette définition a maintes fois été reprise par la jurisprudence75.

[97] Un crime est donc un acte que la loi défend parce qu'il constitue un mal ou qu'il a
un effet nuisible ou indésirable pour le public. Il s'agit de supprimer le mal ou de
sauvegarder les intérêts menacés par l'effet nuisible ou indésirable de l'acte défendu.
L’interdiction doit viser un objectif public légitime relatif au droit criminel. La paix, l’ordre,
la sécurité, la moralité et la santé sont des buts habituels du droit criminel76.

68
Supra, note 30, 240.
69
S.R.C. 1927, ch. 76.
70
L.R.C. 1985, ch. H-3.
71
S.R.C. 1952, ch. 171.
72
L.C. 1997, ch. 13.
73
Renvoi relatif à la validité de l’al. a) de l’art. 5 de la Loi concernant l’industrie laitière, [1949] R.C.S. 1,
49.
74
La traduction est celle de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R.J.R.-Macdonald, supra, note 30,
paragr. 28.
75
Brasseries Labatt du Canada Ltée c. Procureur général du Canada, [1980] 1 R.C.S. 914; R.J.R-
MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), supra, note 30; R. c. Hydro-Québec, supra, note 29;
R. c. Malmo-Levine, supra, note 47.
76
Voir notamment Renvoi relatif à la validité de l’al. a) de l’art. 5 de la Loi concernant l’industrie laitière,
supra, note 73 ; R. c. Hydro-Québec, supra, note 29; R.J.R-MacDonald inc. c. Canada (Procureur
général), supra, note 30.
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[98] Les trois critères que sont a) la présence d’une infraction b) ayant un objectif
public de droit criminel c) à laquelle est assortie une sanction ont constamment été
appliqués pour déterminer le caractère criminel d'une loi77.

[99] Il arrive que les interdictions soient assorties d'exemptions et, le cas échéant,
d'une réglementation détaillée qui les précise et les encadre. L'introduction d'un régime
d'exemptions dans une loi qui se veut du domaine du droit criminel n'a pas
obligatoirement pour effet de constituer un moyen détourné de réglementer une matière
de compétence provinciale. Toutefois, pour que la loi conserve sa nature criminelle, le
régime d'exemptions doit, en quelque sorte, demeurer l'accessoire de l'interdiction; il se
limite alors à fixer la portée de l'interdiction ou à en réduire le champ. Dès lors, le
fondement de la loi doit encore exprimer la volonté législative de réprimer un « mal » ou
un « effet nuisible ou indésirable » 78.

[100] Interdire et réglementer ne sont pas interchangeables. Une loi validement


adoptée par le Parlement en vertu de sa compétence en droit criminel peut inclure un
régime réglementaire sans pour autant perdre son caractère criminel, alors qu’une loi
de nature réglementaire qui interdit un certain comportement et impose une sanction
n’est pas nécessairement une loi de nature criminelle. Dans l’arrêt Hydro-Québec,
précité, les juges Lamer et Iacobucci, bien que dissidents, précisent qu'une loi n’en
devient pas une de nature criminelle du seul fait qu'elle contient une interdiction forte
d'une sanction, il faut pousser l'analyse plus loin :

46. La loi qui impose une interdiction et une peine n'est pas nécessairement de
nature criminelle. En fait, il arrive souvent que les lois de nature réglementaire
interdisent la violation de leurs dispositions ou de leurs règlements d'application
et imposent des peines applicables en cas de violation. Une loi de nature
réglementaire qui n'imposerait pas de telles interdictions et peines serait dénuée
de sens. Cependant, comme le juge La Forest l'a lui-même reconnu dans l'arrêt
Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches,
Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425,
aux pp. 508 à 517, et dans l'arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S.
627, à la p. 650, les peines prescrites dans un contexte de réglementation l'ont
été pour des raisons «pragmatiques» ou «pratiques» et n'ont pas pour effet de
transformer la loi en loi criminelle. (Voir également les arrêts Wetmore, Scowby,
et Knox Contracting, précités.) En droit de l'environnement, tout comme en droit
de la concurrence ou en droit fiscal, il n'est pas toujours possible d'assurer le
respect de la loi au moyen des techniques habituelles d'application des
règlements, telles les inspections périodiques ou imprévues, d'où la nécessité de
disposer d'un élément dissuasif puissant, soit la menace de sanctions pénales,

77
Voir notamment, Brasseries Labatt du Canada Ltée c. Procureur général du Canada, supra, note 75 ;
R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284; R. c. Hydro-Québec, supra, note 29; R.J.R-MacDonald inc. c.
Canada (Procureur général), supra, note 30; R. c. Malmo-Levine, supra, note 47.
78
R. c. Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89.
500-09-015177-041 PAGE : 26

pour assurer le respect des normes prescrites par la loi. Le juge La Forest s'est
fondé sur ce raisonnement pour conclure que les peines prévues dans la Loi sur
la concurrence (dans Thomson Newspapers) et la Loi de l'impôt sur le revenu
(dans McKinlay Transport) n'avaient aucune incidence sur la qualification de ces
lois comme étant des lois de nature réglementaire pour les fins de l'art. 8 de la
Charte canadienne des droits et libertés.

47. En même temps, une loi en matière criminelle n'a pas à être composée
uniquement d'interdictions générales. Elle peut, comme le juge La Forest l'a
souligné dans l'arrêt RJR-MacDonald, précité, aux pp. 263 et 264, «validement
comporter des exemptions relativement à certaines conduites sans pour autant
perdre son caractère ». Voir également Lord's Day Alliance of Canada c.
Attorney General of British Columbia, [1959] R.C.S. 497; Morgentaler, précité; R.
c. Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89. Il se peut que ces exemptions aient pour effet
d'établir des régimes « de réglementation » conférant une certaine mesure de
pouvoir discrétionnaire sans pour autant modifier la nature de la loi, comme
c'était le cas dans l'arrêt RJR-MacDonald, précité.79

[101] Interdire n’équivaut pas à réglementer; le tribunal doit examiner la portée d’un
régime réglementaire ainsi que le contexte dans lequel il s’applique afin d'en déterminer
la véritable nature. Pour reconnaître la validité constitutionnelle d’un régime
réglementaire au titre du droit criminel, il ne suffit pas de le qualifier d’exemption ou de
dérogation, il doit être de nature criminelle et s’appliquer dans un tel contexte80.

[102] L’exemption doit permettre la dérogation à l’interdiction générale et non


constituer le fondement de la législation en cause. Ainsi, l’exemption est l’accessoire de
l’interdiction et non l'inverse; c'est la différence entre une loi de nature criminelle et une
loi de nature réglementaire81.

[103] La technique législative qui consiste à instaurer une interdiction assortie


d’exemptions ne compromet donc pas nécessairement le caractère criminel d'une loi.
Il en sera ainsi lorsque le régime d'exemptions créé contribue à définir l’infraction ou à
en fixer la portée. Les exemptions servent alors « à cerner les restrictions logiques et
pratiques de la compétence fédérale en matière de droit criminel […] »82. Ainsi en a-t-il
été dans les arrêts Morgentaler, Furtney et R.J.R.-Macdonald, précités, dans lesquels la
nature criminelle des lois contestées a été confirmée malgré la présence d’un régime
d’exemptions permettant, sous certaines conditions, le comportement interdit.

79
R. c. Hydro-Québec, supra, note 29.
80
Ibid., paragr. 48.
81
Ibid., paragr. 52-53.
82
R.J.R-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), supra, note 30, paragr. 56. Voir aussi R. c.
Morgentaler, supra, note 35 ;R. c. Furtney, supra, note 78.
500-09-015177-041 PAGE : 27

[104] Bien que reconnue et souhaitable dans un régime parlementaire, cette technique
de rédaction législative associant prohibition et exemption ne doit pas servir « à
embrouiller la catégorie des actes que le Parlement a validement criminalisés en vertu
de la Loi ni à y porter atteinte »83. Il est acquis que seul le Parlement a le pouvoir de
définir un crime bien que, pour y arriver, il puisse recourir à diverses techniques de
rédaction84. Par ailleurs, si la technique choisie est celle de la réglementation, celle-ci
doit servir à « définir l'étendue d'une interdiction criminelle »85. Si la réglementation sert
à une autre fin, la rubrique de droit criminel devient alors un prétexte pour envahir un
champ d'activité qui ne relève pas de la compétence constitutionnelle du Parlement.

[105] Ainsi, la compétence plénière du Parlement en matière de droit criminel ne lui


permet pas d'emblée d'adopter une réglementation détaillée en toute matière86 puisque
cela aurait l'effet indésirable de ne pas « réserver un espace adéquat pour que les deux
niveaux de gouvernement puissent exercer leur compétence »87. Finalement, la
complexité d'une loi ne peut a priori lui faire perdre son caractère criminel88.

[106] Dans un même ordre d’idées, la présence de dispositions permettant les accords
d’équivalence constitue un autre indice de la nature réglementaire d'une loi. Cette
question a été abordée par les juges dissidents dans l’arrêt Hydro-Québec, précité; à
leur avis, ce type de disposition confirme la nature réglementaire d’une législation, car
« les provinces n'ont pas compétence pour adopter des lois criminelles et le
gouvernement fédéral ne peut pas non plus leur déléguer une telle compétence […] »89.
Dans cet esprit, si une loi est adoptée par une province en vertu d'un accord
d’équivalence, elle doit nécessairement être de nature réglementaire, puisqu’elle ne
peut maintenir l’équivalence à une loi criminelle sans pouvoir de la législature
provinciale en la matière.

[107] En somme, la présence d’une interdiction assortie d’une sanction visant un


objectif public légitime ou un but habituel du droit criminel laisse présager a priori du
caractère criminel d’une loi. Toutefois, l’analyse de la nature, de la portée ainsi que du
contexte des dispositions attaquées est nécessaire et essentielle à leur caractérisation.

[108] Particulièrement dans le cas où seules certaines dispositions de la loi sont


contestées, comme c'est le cas ici, la nature et la portée véritables de la loi doivent être
analysées en tenant compte du double contexte dans lequel celle-ci se situe: le
contexte global de la loi dont la validité, dans son ensemble, n'est pas contestée et le
contexte spécifique, propre aux dispositions qui font problème.

83
R.J.R-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), supra, note 30, paragr. 56.
84
R. c. Hydro-Québec, supra, note 29, paragr. 150.
85
Ibid., paragr. 151.
86
Brasseries Labatt du Canada Ltée c. Procureur général du Canada, supra, note 75, 934.
87
R. c. Hydro-Québec, supra, note 29, paragr. 153.
88
Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, supra, note 31, paragr. 37.
89
R. c. Hydro-Québec, supra, note 29, paragr. 57.
500-09-015177-041 PAGE : 28

[109] Dans le cas présent, cette dualité est particulièrement importante puisque les
articles 5, 6 et 7 de la Loi constituent un exemple incontestable d'une initiative
législative de droit criminel souhaitée par tous afin de combattre un mal dans un objectif
constitutionnellement légitime en assortissant de sanctions pénales les dispositions qui
interdisent certaines activités jugées déviantes. Quand viendra le moment d'examiner
si les autres dispositions de la Loi comportent elles aussi les caractéristiques d'une
législation criminelle, le contexte qui leur est propre et l'objectif qui s'en dégage seront
déterminants.

[110] Toutes ces précautions dans le processus d'évaluation de la nature des


dispositions attaquées sont nécessaires afin de respecter le pacte fédératif initial, de
préserver la souveraineté législative tant du Parlement que des législatures
provinciales, tout en répondant aux nombreux défis que pose notre époque. La
coopération des deux ordres de gouvernement – partenaires confédératifs égaux bien
que différents – demeure souhaitable afin de satisfaire les intérêts communs des
Canadiens.

[111] Cette coopération sera compromise si une loi criminelle a pour effet de causer un
empiètement «spécieux» sur les champs de compétence provinciale. Dans R.J.R.-
MacDonald, le juge LaForest écrit qu'il ne suffit pas qu'une loi comporte les trois
caractéristiques traditionnelles d'une loi criminelle pour que celle-ci soit valide :
32. […] Le fédéral possède une vaste compétence pour ce qui est de l'adoption
de lois en matière criminelle relativement à des questions de santé, et cette
compétence n'est circonscrite que par les exigences voulant qu'elles comportent
une interdiction accompagnée d'une sanction pénale, et qu'elles visent un mal
légitime pour la santé publique. Si une loi fédérale donnée possède ces
caractéristiques et ne constitue pas par ailleurs un empiétement «spécieux» sur
la compétence provinciale, c'est alors une loi valide en matière criminelle; voir
Scowby, précité, aux pp. 237 et 238.90

[112] En résumé, la santé est de compétence partagée; la compétence des provinces


en la matière est prédominante alors que la compétence fédérale exclusive en droit
criminel est vaste et constitue certainement une branche mère de cet arbre vivant qu'est
la Constitution canadienne. Les deux ordres de gouvernement, partageant le même
souci de protection de la santé des Canadiens, doivent coopérer, respecter la
compétence de l'autre sur un sujet de première importance, accepter qu'il puisse y avoir
des législations parallèles91 et éviter les empiètements spécieux. Voilà tout un
programme constitutionnel!

90
R.J.R-MacDonald inc. c. Canada (Procureur général), supra, note 30; Voir aussi R. c. Hydro-Québec,
supra, note 29, paragr. 36 et suivants; R. c. Malmo-Levine, supra, note 47, paragr. 209.
91
Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi, supra, note 32, paragr. 8, où sont citées les décisions
suivantes : Kitkatla c. Colombie-Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du
Tourisme et de la Culture), [2002] 2 R.C.S. 146, paragr. 58; Global Securities Corp. c. Colombie-
500-09-015177-041 PAGE : 29

[113] Il reste maintenant à voir si les dispositions attaquées de la Loi constituent un


exercice valide en matière de droit criminel, si elles visent à réprimer des crimes en
matière de procréation médicalement assistée ou si elles constituent plutôt une
réglementation de la pratique médicale.

C. L'analyse de la Loi et l’application des principes

[114] L'analyse sera conduite en deux étapes, conformément aux enseignements


jurisprudentiels : d'abord, la recherche du caractère véritable des dispositions
contestées et, en second lieu, la qualification de celles-ci au regard du partage des
compétences entre le Parlement et les législatures.

Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494; General Motors of Canada Ltd. c. City
National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641.
500-09-015177-041 PAGE : 30

Le contexte relatif à l’intervention législative


[115] La Loi est la réponse législative aux recommandations contenues au rapport de
la Commission Baird. Dans leur rapport final, déposé en novembre 1993 et intitulé Un
virage à prendre en douceur, les commissaires proposent deux recommandations
fondamentales. La première vise l'adoption de lois à caractère pénal dans le but de
criminaliser un certain nombre d'activités carrément inacceptables comme le clonage
humain, la création d'hybrides animaux-humains et la commercialisation de la
procréation92.

[116] La seconde recommandation vise la création d'une commission nationale sur les
techniques de reproduction afin de réglementer généralement l'ensemble des activités
cliniques et de recherche en cette matière. Il s’agit « d'un organisme nouveau,
indépendant et financé par le gouvernement fédéral […] créé par le Parlement pour
exercer la responsabilité globale de la réglementation dans ce domaine »93. Et la
Commission d'ajouter :

Une commission nationale permettrait d'établir et d'appliquer partout au pays des


normes et des mesures de contrôle conséquentes, globales et efficaces,
contrairement à ce qui serait réalisable si l'on optait pour une réforme fédérale
ponctuelle, ministère par ministère, ou si l'on misait sur des mesures prises par
chaque province et territoire, sur des initiatives non gouvernementales ou sur
l'autoréglementation94.

[117] La Commission, tout en insistant sur l'urgence de créer un tel organisme en vue
« d'une action globale au niveau national », souligne que les provinces et les
organismes professionnels peuvent, entre-temps, intervenir et « dès maintenant
s'employer à contrôler l'utilisation et la prolifération des techniques de reproduction au
sein du système de santé grâce à l'approche empirique que nous recommandons »95.
Les commissaires estiment cependant que l'action provinciale doit demeurer temporaire
et est, à leur avis, un pis-aller qui maintiendrait la fragmentation des normes applicables
au pays. À ce propos, leur opinion est clairement exprimée dans le résumé placé en
introduction du rapport :

Mais ces mesures [celles qu’édicteraient les provinces et les organisations


professionnelles] ne sont toutes que provisoires. Le gouvernement, défenseur de
l'intérêt public, doit circonscrire et réglementer l'utilisation des nouvelles
techniques de reproduction. Aucune autre institution n'a d'assises suffisamment

92
Supra, note 6, vol. II, p. 618, 746 et 747.
93
Ibid., p. 750.
94
Ibid., p. 751.
95
Ibid., p. 623.
500-09-015177-041 PAGE : 31

vastes ni de mandat pour ce faire. Il est important d'instaurer sans plus tarder les
structures et le processus ouvert et élargi dont ont besoin les Canadiens et les
Canadiennes pour résoudre ces dilemmes de plus en plus graves, qui laissent
leur empreinte dans la vie de chacun est dans la trame de notre société.
L'utilisation que nous faisons des techniques de reproduction n'est pas, en soi,
une question médicale, mais bien sociale; elle plonge ses racines dans les
domaines du droit, de la prévention, de l'éducation, du commerce, des sciences
et de la politique de la recherche. Des questions d'une telle importance pour les
femmes et les enfants, tant du point de vue de leur santé que de leur statut
juridique et l'opinion qu'on s'en fait, ne peuvent différer d'une province à l'autre.
Ce domaine évolue rapidement et la population canadienne tient à ce que le
gouvernement intervienne. Il existe de toute évidence des précédents, par
exemple l'organisme chargé d'octroyer les licences de radiodiffusion et de
télédiffusion et d'assurer la réglementation et la surveillance en ce domaine dans
l'intérêt du public canadien. L'utilisation des techniques de reproduction est une
question qui revêt une importance au moins aussi grande pour nous, à titre
d'individus et de membres de la société 96.

[118] En somme, la Commission Baird recherche une interdiction formelle et complète


de certaines pratiques, mais reconnaît par ailleurs que certaines autres sont
souhaitables car elles favorisent la fertilité et conséquemment la création de nouvelles
familles. La Commission désire voir se réaliser ces nouvelles familles dans un cadre
bien défini, conforme aux règles de l'éthique et sûr pour la santé de l’homme, de la
femme et de l'enfant. Cet objectif ne sera atteint à ses yeux que par l'implantation d’une
commission ou d’une agence agissant à l'intérieur de paramètres, de directives et de
règlements définis par le gouvernement fédéral et applicables à l’ensemble de la
population canadienne.

[119] Les activités dont la Commission Baird recommande la réglementation


concernent la recherche et le traitement de l'infertilité. Suivant les statistiques de 1991-
92, 8,5 % des couples souffriraient d'infertilité97. Souvent perçue comme un problème
d'origine féminine, l'infertilité affecte aussi les hommes et, dans plusieurs cas, les
anomalies sont décelables chez les deux partenaires. Le Dr François Bissonnette,
l’expert du Procureur général du Québec, estime que toutes les causes de l'infécondité
ne sont pas connues bien que dans de nombreux cas celle-ci soit attribuable à des
anomalies anatomiques ou fonctionnelles chez l'un ou l’autre conjoint. Il qualifie
l'infertilité de pathologie et la considère comme « un état qui affecte la santé ». À son
avis, « les hommes et les femmes qui éprouvent un problème de fertilité font face à une
détresse psychologique extrême incluant la diminution de l'estime de soi, l'isolation, la
perte de contrôle, les problèmes sexuels et la dépression »98. Ce diagnostic et cette

96
Ibid., p. 623 et 624.
97
Rapport d’expertise du Dr François Bissonnette, annexes conjointes vol. XXIII, p. 8621.
98
Ibid.
500-09-015177-041 PAGE : 32

qualification de l'infécondité sont entièrement partagés par le Dr Jeff Nisker, l'expert du


Procureur général du Canada99.

L’objet et les effets de la Loi


[120] La Loi, dont une partie fait l'objet du renvoi, est non seulement construite en
accord avec les propositions de la Commission Baird, mais en traduit fidèlement les
recommandations. Ainsi, elle se divise en deux grandes parties : la première décrète les
actes interdits parce qu'inacceptables en tout temps et la seconde, les activités
réglementées, pour reprendre les termes mêmes de la Loi.

[121] À l'égard de tout ce qui n’est pas complètement prohibé, la Loi constitue un code
complet qui régit l’ensemble des activités cliniques ou de recherche en relation avec la
procréation assistée. En effet, le Parlement a d’abord habilité le gouvernement à
réglementer plus de 25 champs d'activités en relation avec la procréation assistée dont
les normes relatives à la qualification et à l'autorisation du matériel, des installations et
des personnes engagées dans ces activités réglementées et à la forme que doit
prendre le consentement du donneur de matériel reproductif humain. Il a ensuite créé
l'Agence à qui il a confié le double mandat de qualifier et d’autoriser, en conformité avec
la réglementation, les établissements et les personnes engagés dans les activités de
procréation assistée d’une part et, d’autre part, de surveiller l'application de la Loi. Pour
l’exercice de cette dernière responsabilité, l’Agence s'est vu attribuer de larges pouvoirs
de contrôle, d'inspection, de saisies et de perquisitions. Il lui a aussi été confié la mise
en place et le maintien de registres obligatoires où figurent les renseignements
médicaux sur les donneurs de matériel reproductif humain et d'embryons in vitro, les
personnes ayant eu recours à une technique de procréation assistée et les enfants
issus d'une telle technique. L'Agence est également chargée de la mise en oeuvre du
régime de délivrance de permis aux hôpitaux, aux cliniques ou aux centres de
recherche et aux personnes affectées à des activités réglementées. La Loi prévoit enfin
le pouvoir du gouvernement de déclarer les règlements adoptés par une province
équivalant à ceux qu'il a lui-même décrétés.

[122] Ce résumé sommaire et simplifié de la Loi fait voir la volonté législative de


couvrir tout le champ de la procréation assistée tant en ce qui à trait à la pratique
clinique qu’à la recherche. À cet égard, la Loi peut être qualifiée de législation globale et
exhaustive sur le sujet, comme l’avait voulu la Commission Baird.

[123] Offrir à des couples qui souffrent d'infertilité la chance d'avoir des enfants et, sur
le plan collectif, réduire le niveau d'infécondité est un objectif sain, souhaité et
souhaitable. Or, le traitement de l'infertilité peut prendre diverses formes dont la

99
Rapport d’expertise du Dr Jeff Nisker, annexes conjointes vol. XXIV, p. 9003 et 9004.
500-09-015177-041 PAGE : 33

fécondation in vitro et l'insémination par donneur qui, bien qu'exceptionnelles100, sont,


suivant un constat de Santé Canada de 1999, considérées par la population comme
faisant partie de la médecine établie101. De même, la société canadienne accepte et
approuve la recherche génétique tout en reconnaissant cependant la nécessité d'une
réglementation qui encadre ces activités et assure à leur exercice un environnement sûr
et conforme à l'éthique. En somme, la Loi vise la protection de la santé et le respect des
valeurs partagées par l'ensemble de la société canadienne.

Le caractère véritable de la Loi

[124] Bien que le Parlement puisse légiférer en matière de santé lorsque cet aspect
est accessoire à l’une de ses compétences exclusives, la compétence générale en la
matière appartient aux législatures. Ce constat a précédemment été explicité.

[125] Le Procureur général du Canada soutient que la Loi a été validement adoptée en
vertu de sa compétence en matière de droit criminel prévu au paragraphe 91(27) de la
Loi constitutionnelle de 1867. Nous avons vu précédemment que cette compétence est
vaste, mais non illimitée et que pour se qualifier sous cette rubrique une loi doit
satisfaire trois conditions : un objet valide de droit criminel, une interdiction et une
sanction.

a) L'objet légitime de droit criminel

[126] Il convient d'abord de rappeler certains principes déjà développés. Le Parlement


peut définir ce qu'il considère être « un mal » qu'il convient de réprimer dans le meilleur
intérêt de la société. Toutefois, cela ne doit pas constituer un moyen détourné de
légiférer dans un domaine qui n'est pas le sien. Or, si la protection de la santé publique
peut être une matière de droit criminel, il est non moins vrai que, de façon générale et
depuis le début de la Confédération, la santé a été considérée de compétence
provinciale.

[127] Qu'en est-il à l'égard de la Loi?

[128] La procréation assistée est non seulement légale mais désirée, voire réclamée,
au point où la Commission Baird et l’expert Nisker, pour le compte du Procureur général
du Canada, recommandent qu’elle soit incluse dans les services payés dans le cadre
du régime de l’assurance santé au Canada. Or, le but proclamé afin de justifier
l’encadrement législatif de droit criminel de la procréation assistée est d’assurer la
protection de la santé et le respect des règles de l'éthique. L'objectif du Parlement n'est
donc pas d'interdire des actes mauvais – en d'autres termes « un mal » – mais de
s'assurer que l'activité désirée et encouragée est correctement conduite.
100
Selon l'expert Bissonnette, « la plupart des cas d'infertilité (85 à 90 %) sont traités avec une thérapie
standard comme la médication ou la chirurgie ». Rapport de l'expert Bissonnette, annexes conjointes,
vol. XXIII, p. 8621.
101
Santé Canada, Techniques de reproduction et de génétique, Aperçu (1999), Ottawa, 1999, p. 3-5.
500-09-015177-041 PAGE : 34

[129] Dans sa présentation au comité sénatorial chargé d'étudier le Projet de loi C-6, le
18 février 2004, le ministre de la Santé, Pierre Pettigrew, soulignait, d'une part,
l'importance de définir les activités acceptables aux Canadiens et, d'autre part, de
réglementer la procréation assistée. Il déclarait :

Présentement, à titre d'exemple, il n'y a rien dans le droit canadien qui empêche
quiconque de cloner un être humain. […] En conséquence et sans plus tarder, le
temps est venu de faire preuve de courage et d'agir dans ce domaine. Il faut
établir une fois pour toutes quelles sont les activités acceptables pour les
Canadiens et les Canadiennes par rapport à celles auxquelles ils se sont tout à
fait opposés et qui justifieraient une sanction pénale.

[…]

Ce projet de loi, qui est attendu depuis longtemps, a trois objectifs principaux :
protéger les Canadiens et les Canadiennes qui ont recours aux techniques de
procréation assistée pour fonder une famille, sans compromettre leur santé et
leur sécurité; interdire les pratiques inacceptables comme le clonage humain et
assurer que la recherche connexe à la procréation assistée, qui pourrait mener à
des traitements contre l'infertilité et de graves maladies, soit effectué dans un
environnement réglementé102.

[130] Ainsi, le ministre présente son projet de loi en ne soulignant son aspect pénal
qu'à l'égard des actes ou activités inacceptables pour la société canadienne qui, en
somme, constituent le « mal » à enrayer. Pour la partie contestée de la Loi dont l'objet
vise, en réalité, à interdire la pratique déficiente d'activités voulues, l'expert Nisker
synthétise en ces termes l'objectif recherché :

In summary, the Assisted Human Reproduction Act, based on 15 years of


development, including consultations with practitioners, scientists, and partners
at great expense of the time of many Canadians and financial resources of
Health Canada has provided a framework for clinical practise that are
scientifically proven, generally safe and in the best interests of Canadian
women/couples. The Act aims at protecting women who undergo assisted
reproduction practices as well as children who are born as the result of these
practices. The Assisted Human Reproduction Agency could monitor the recor-
keeping and reporting of health complications of women, such as ovarian
hyperstimulation syndrome, and surgical problems; as well as health problems of
children, such as blindness and cognitive impairment due to being part of a
multiple gestation103.

102
Délibérations du Comité sénatorial permanent des Affaires sociales, des sciences et de la
technologie, fascicule 1, (18 février 2004) à la p. 2 (M. Pierre Pettigrew).
103
Supra, note 99, p. 8996.
500-09-015177-041 PAGE : 35

[131] Que la pratique de la procréation assistée et la recherche en cette matière soient


encadrées, on peut raisonnablement en convenir. Ces activités ne sont pas les seules
dans cette situation. De nombreuses autres interventions médicales et activités de
recherche sont tout aussi délicates et présentent des risques importants pour le patient
ou un très haut degré de dangerosité pour les chercheurs et le public. C'est pourquoi
elles sont réglementées ou contrôlées par des protocoles scientifiques rigoureux et ne
sont entreprises que si et après que le patient a été parfaitement informé et a donné un
consentement éclairé. Ce sont les organisations professionnelles et les gouvernements
pour les hôpitaux, les cliniques et les laboratoires sous leur juridiction qui généralement
émettent des règles de conduite et mandatent des personnes ou des organismes pour
en assurer le contrôle et la surveillance104.

[132] Il est vrai que, sauf le Québec qui a proposé sa propre loi, les provinces et les
territoires n’ont pas législativement encadré la procréation assistée. Néanmoins, le
régime général de contrôle de l'exercice des professions de la santé, de la pratique et
de la recherche médicale, de la tenue des dossiers médicaux et de leur gestion, de
l'exigence du consentement éclairé au traitement et à la recherche médicale, trouve son
application. L’examen du Tableau présentant les principales dispositions législatives,
réglementaires et les décisions du common law applicables dans le domaine de la
santé dans les provinces et territoires du Canada autres que le Québec déposé au
dossier montre que les gouvernements provinciaux et territoriaux s'intéressent et
surveillent les activités de procréation assistée. Quant aux questions relatives à la
filiation et au contrat de mère porteuse, au prélèvement d’une partie du corps humain,
etc., elles sont aussi l'objet de réglementation, de législation ou de décisions judiciaires;
plus spécialement, au Québec, c'est au Code civil que l'on retrouve les règles
applicables au consentement à des traitements, à une expérimentation, au prélèvement
d'organes ou de tissus ou de parties du corps humain ainsi que celles applicables à la
filiation des enfants nés d'une procréation assistée105.

[133] Cela signifie donc que les activités cliniques et de recherche relatives à la
procréation assistée ne sont pas conduites dans un vacuum mais encadrées, à des
degrés divers, dans toutes les provinces et territoires du pays.

[134] Ainsi, la procréation assistée n'est pas un « mal », mais une activité souhaitée
dont la pratique est, au pire, encadrée au même titre que toutes les autres activités
médicales délicates ou dangereuses, soit par des lois spéciales, soit dans le cadre de
lois générales portant sur la santé et la pratique médicale.

104
Voir à ce propos l’expertise de Me Bartha Maria Knoppers, annexes conjointes vol. XXIII, p. 8516 et
suivantes. et le Tableau présentant les principales dispositions législatives, réglementaires et les
décisions du common Law applicables dans le domaine de la santé dans les provinces et territoires
du Canada, autres que le Québec, annexes conjointes, vol. XXVI, p. 9206 et suivantes.
105
Art. 11 à 25 et 538 à 542 C.c.Q.; Rapport d’expertise de Me Knoppers, annexes conjointes, vol. XXIII.
500-09-015177-041 PAGE : 36

[135] La finalité de la réglementation autorisée par la Loi est bien explicitée au rapport
de la Commission Baird : il s'agit de créer des normes uniques et identiques pour tout
le pays. Cette approche est justifiée par l’importance des questions et la nécessité de
règles cohérentes, uniques sur tout le territoire canadien. Dès le premier chapitre du
rapport, intitulé Des questions d’intérêt national, la Commission affirme la nécessité
d’adopter des politiques et règlements globaux :

Nos nombreuses consultations, les renseignements que nous avons recueillis et


les analyses que nous avons faites pendant toute la durée de notre mandat nous
ont amenées à partager l'opinion populaire voulant que les nouvelles techniques
de reproduction soulevaient des questions d'une ampleur et d'une importance
telles que non seulement elles justifiaient, mais elles nécessitaient une réaction
nationale. Nous rejetons le point de vue selon lequel les nouvelles techniques de
reproduction doivent rester parcellaires et la responsabilité à l'égard des divers
éléments doit être laissée aux provinces ou déléguée à des organismes
professionnels qui s'autoréglementent, de telle sorte que chaque province ou
même chaque organisme aurait sa propre réglementation. Vu la globalité,
l'importance profonde et l’indissociabilité fondamentale des questions en cause,
nous estimons que le gouvernement fédéral est clairement fondé à réglementer
les nouvelles techniques de reproduction en vertu du mandat qui lui a été confié
d'assurer la paix, l’ordre et le bon gouvernement du pays et en vertu des
pouvoirs que la Constitution lui reconnaît concernant le droit criminel, les
échanges et le commerce, les dépenses et d'autres domaines pertinents.

Nous sommes bien conscientes que la Constitution reconnaît aux provinces des
pouvoirs législatifs importants en matière de santé. Toutefois, une intervention
nationale dans le domaine qui nous occupe est clairement justifiée. Le Parlement
a, en particulier, le pouvoir, en vertu de la Constitution, d'assurer la paix et l'ordre
et le bon gouvernement au pays et aussi de réglementer les questions qui
dépassent le cadre local ou provincial et qui intéressent l'ensemble du pays106.

[136] La professeure Françoise Baylis, qui a déposé au dossier une expertise à l'appui
de la thèse du Procureur général du Canada, fait siennes et endosse sans réserve les
conclusions de la Commission Baird. Pour elle, la volonté d'adopter une loi applicable à
l'ensemble du pays est fondée essentiellement sur la globalité, l'importance et la
généralité des questions qui intéressent tous les Canadiens et, de ce fait, dépassent le
cadre local.

[137] Quelque valables que soient ces intentions, cela n'a pas pour effet de conférer à
la réglementation de la procréation assistée un objet de nature criminelle. La question
n'est pas celle de savoir si la Loi est la meilleure ou la pire, si elle atteint ses objectifs ou
non, mais si elle vise un objet de droit criminel. Or, en l’espèce, sauf pour les actes
totalement interdits, le dossier ne révèle aucun « mal » à réprimer. Il établit plutôt une
106
Supra, note 6, vol. II, p. 645-646.
500-09-015177-041 PAGE : 37

volonté de contrôler une activité médicale, tant dans son aspect clinique que dans le
cadre de la recherche parce que cela favoriserait une uniformité jugée souhaitable. La
pertinence d'une législation unique pour tout le Canada en vue de réglementer une
activité admise et reconnue n'est pas un objectif attributif de compétence en droit
criminel.

[138] En résumé, l'objet fondamental et dominant de la partie contestée de la Loi est la


protection de la santé et non pas l'élimination d'un « mal ». Par conséquent, les
dispositions attaquées ne peuvent pas se qualifier au titre du droit criminel selon la Loi
constitutionnelle de 1867. À cet égard, le rappel des propos du juge Sopinka dans R. c.
Morgentaler107, précité, n'est pas sans pertinence :

Le paragraphe 92(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde aux provinces la


compétence législative générale sur les hôpitaux et les par. 92(13) et (16) leur
attribuent la compétence sur la profession médicale et sur la pratique de la
médecine. Le paragraphe 92(16) leur accorde aussi la compétence générale en
matière de santé sur leur territoire: Schneider c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 112, à
la p. 137. L'affaire Schneider donne une indication de la ligne de démarcation
entre un texte législatif valide sur la santé et une loi en matière criminelle. Dans
cette affaire, l'Heroin Treatment Act de la Colombie-Britannique a été jugée intra
vires parce que son objet n'était pas de punir les toxicomanes, mais de les traiter
et de veiller à leur sécurité. La toxicomanie n'y était pas visée en tant que fléau
social mais en tant qu'"état physiologique qui appelle une intervention à la fois
médicale et sociale" (à la p. 138). Par conséquent, si la préoccupation centrale
des textes législatifs en l'espèce était le traitement médical des grossesses non
désirées et la sécurité des femmes enceintes, et non la limitation des services
d'avortement destinée à protéger l'intérêt public ou à interdire un mal public, ou
pourrait soutenir que les textes constituent une loi valide sur la santé, édictée
conformément à la compétence générale de la province en matière de santé.

(Soulignements ajoutés)

[139] Plus largement, l'approche suggérée par la Commission Baird et adoptée par le
Parlement met en cause l’un des principes qui fondent le Canada : le fédéralisme. Dans
une première partie, la Cour a développé cette question soulignant, entre autres, que
les tribunaux ont protégé le partage des compétences afin d'éviter un déséquilibre dans
le fonctionnement du pays.

[140] Or, si la partie attaquée de la Loi était validée au titre de la compétence fédérale
en droit criminel, il s'ensuivrait que peu d'activités médicales de pointe, sinon aucune,
ne seraient épargnées, car l'on pourrait pour chacune d'elles soutenir la nécessité du

107
Supra, note 35, 490-491.
500-09-015177-041 PAGE : 38

contrôle exclusif du Parlement aux motifs que l’on doit protéger la santé, respecter les
règles d'éthique et les avantages liés à une approche pancanadienne uniforme.
Pourquoi, en effet, les travaux faits sur des virus ou en nanotechnologie, la chirurgie
néonatale ou la psychochirurgie, pour ne nommer que ces sphères d'activité, ne
devraient-ils pas être contrôlés par une seule agence pour l’ensemble du pays en
raison de leur dangerosité et des problèmes d'éthique qu'ils soulèvent? Au surplus,
grâce à l'évolution de la science et des techniques, au développement de nouveaux
matériaux et équipements, ce qui était dangereux hier est devenu aujourd'hui courant.
L'exemple des transplantations d’organes est éloquent à cet égard.

[141] Par définition, les activités médicales doivent être décidées et pratiquées en
conformité avec les règles d'éthique et se soumettre à des normes de protection de la
santé du patient et des intervenants. Contrôler l'une d'elles sous l'angle du droit criminel
ouvre une porte au contrôle de toutes les autres et, du même coup, stérilise la partie
essentielle de la compétence provinciale en matière de santé. Cela ne signifie pas
qu'une activité particulière ne puisse pas être interdite sous peine d'une sanction
criminelle, comme c'est d'ailleurs le cas aux articles 5, 6 et 7 de la Loi. Toutefois, la
santé est au premier chef de compétence provinciale et ne se limite pas à construire et
administrer des hôpitaux, des cliniques et des laboratoires. Elle inclut la normalisation
des activités qui s'y pratiquent. Soustraire la pratique de la procréation assistée du
champ de compétence de la santé pour l'inclure dans celui du droit criminel risque de
constituer un cheval de Troie qui diminuerait singulièrement la compétence provinciale
en matière de santé en permettant une réglementation exhaustive d'autres champs de
la pratique médicale et plus spécialement ceux dont l'implantation est récente.

b) Réglementation ou infraction ?

[142] À l'opposé de la situation qui prévalait dans le Renvoi relatif à la Loi sur les
armes à feu, précité, la partie contestée de la Loi vise essentiellement à réglementer
une activité relative à la santé. En réalité, les infractions ne sont pas définies à la Loi,
mais dépendent, au contraire, de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du
gouvernement. Il est vrai que le texte législatif crée des interdictions; si cela est ainsi ce
n'est pas parce que l'activité visée n'est pas souhaitée, mais pour assujettir les
établissements et les individus à des normes d'exercice de cette activité. En somme, les
infractions – voire les crimes, puisque les contrevenants sont passibles de cinq ans de
pénitencier – établissent le cadre juridique qui assure le respect de l'environnement
choisi et imposé par règlement pour la procréation assistée.

[143] Il est vrai que le fait d'édicter une exemption ne fait pas perdre à une loi sa
nature de droit criminel. Toutefois, en l'espèce, la Loi ne crée pas d’exemptions. En
effet, le Parlement a conçu la Loi dans le but de permettre la procréation assistée au
Canada, mais d'en réserver le contrôle au gouvernement fédéral en l’habilitant à
formuler des normes d'exercice et en créant une agence à qui on a confié la
500-09-015177-041 PAGE : 39

surveillance de cette activité. Cette architecture législative ne crée pas d'exemptions à


des interdictions, mais définit le cadre évolutif de l'exercice de l'activité médicale de
procréation assistée.

[144] En effet, la Loi est conçue à la négative, sous forme d'interdiction d'un acte sauf
s'il est accompli conformément à la réglementation et si l'exécutant détient une
autorisation. Aussi, l'interdiction ne vise pas l'activité médicale comme telle, à titre
d'exemple une procédure en vue d'une conception in vitro. Elle cherche uniquement à
imposer un encadrement à l'exercice de cette activité par la délivrance d'une
autorisation et la définition de normes de compétence des médecins, des règles de bon
fonctionnement des cliniques et un ensemble d'autres dispositions relatives à la
pratique même de la procréation assistée comme le consentement de la patiente, la
cueillette de renseignements et leur gestion par l'Agence. L'interdiction de nature
criminelle devient donc un mécanisme juridique qui permet de décréter toutes les
dispositions relatives à la pratique et à la recherche en matière de procréation assistée.
En réalité, l'interdiction est ici édictée dans le but de faire respecter la réglementation et
non pas d'imposer au contrevenant le stigmate associé à la condamnation criminelle.

[145] Enfin, l'article 68 de la Loi crée une situation particulière qui pourrait permettre
qu'un acte soit interprété comme un crime dans une province sans l'être dans une
autre. En effet, cette disposition autorise le gouvernement fédéral à décréter que les
règles édictées par une province sont équivalentes aux siennes. Or, une norme peut
être équivalente sans être identique. L'interprétation du texte criminel est stricte. Dès
lors, il se trouve que l'interdiction pourrait différer d'une province à une autre. Non
seulement cette situation est-elle nouvelle en droit criminel, mais elle démontre encore
que l'objectif du Parlement n'est pas de combattre une activité illicite, mais de remettre
entre les mains du gouvernement fédéral le pouvoir de réglementer la procréation
assistée.
500-09-015177-041 PAGE : 40

VI– CONCLUSION
[146] À la question posée par le pourvoi, la Cour répond donc par l'affirmative. Les
articles 8 à 19, 40 à 53, 60, 61 et 68 de la Loi sur la procréation assistée, L.C. 2004,
ch. 2, excèdent la compétence du Parlement du Canada en vertu de la Loi
constitutionnelle de 1867.

PAUL-ARTHUR GENDREAU J.C.A.

JACQUES CHAMBERLAND J.C.A.

PIERRETTE RAYLE J.C.A.

Me Jocelyne Provost
Me Daniel Villeneuve
BERNARD, ROY
Pour le Requérant

Me René LeBlanc
Me Sébastien Gagné
Me Jean-Robert Noiseux
JOYAL, LEBLANC
Pour l'Intimé

Dates d’audience : 17, 18, 19 septembre 2007


500-09-015177-041 PAGE : 41

ANNEXE
Les articles 8 à 19, 40 à 53, 60, 61 et 68 de la Loi sur la procréation assistée sont
rédigés ainsi :

8. (1) Il est interdit d'utiliser du matériel reproductif humain dans le but de créer
un embryon sans le consentement écrit du donneur, fourni conformément aux
règlements, à cette utilisation.

(2) Il est interdit de prélever du matériel reproductif humain sur un donneur


après sa mort dans le but de créer un embryon sans le consentement écrit du
donneur, fourni conformément aux règlements, au prélèvement à cette fin.

(3) Il est interdit d'utiliser un embryon in vitro sans le consentement écrit du


donneur, fourni conformément aux règlements, à cette utilisation.

9. Nul ne peut obtenir l'ovule ou le spermatozoïde d'une personne de moins de


dix-huit ans ni utiliser un tel ovule ou spermatozoïde, sauf pour le conserver ou
pour créer un être humain dont il est fondé à croire qu'il sera élevé par cette
personne.

10. (1) Il est interdit, sauf en conformité avec les règlements et avec une
autorisation, de modifier, manipuler ou traiter du matériel reproductif humain
dans le but de créer un embryon.

(2) Il est interdit, sauf en conformité avec les règlements et avec une
autorisation, de modifier, manipuler, traiter ou utiliser un embryon in vitro.

(3) Il est interdit, sauf en conformité avec les règlements et avec une
autorisation, d'obtenir, de conserver, de céder, d'éliminer, d'importer ou
d'exporter :

a) tout ou partie d'un ovule ou d'un spermatozoïde dans le but de créer un


embryon;

b) un embryon in vitro dans n'importe quel but.

11. (1) Il est interdit, sauf en conformité avec les règlements et avec une
autorisation, de combiner une partie ou une proportion du génome humain
prévues par règlement avec une partie du génome d'une espèce prévue par
règlement.

(2) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« espèce » Toute catégorie taxonomique d'une autre forme de vie.


500-09-015177-041 PAGE : 42

« génome humain » La totalité de la séquence d'acide désoxyribonucléique de


l'espèce humaine.

12. (1) Il est interdit, sauf en conformité avec les règlements et avec une
autorisation, de rembourser les frais supportés :

a) par un donneur pour le don d'un ovule ou d'un spermatozoïde;

b) par quiconque pour l'entretien ou le transport d'un embryon in vitro;

c) par une mère porteuse pour agir à ce titre.

(2) Il est interdit de rembourser les frais visés au paragraphe (1) s'ils ne font pas
l'objet d'un reçu.

(3) Il est interdit de rembourser à une mère porteuse la perte de revenu de


travail qu'elle subit au cours de sa grossesse, sauf si les conditions suivantes
sont respectées :

a) un médecin qualifié atteste par écrit que le fait, pour la mère porteuse, de
continuer son travail peut constituer un risque pour la santé de celle-ci, de
l'embryon ou du foetus;

b) le remboursement est effectué conformément aux règlements et à une


autorisation.

13. Il est interdit d'exercer une activité réglementée dans un établissement donné
sauf en conformité avec une autorisation pour l'exercice de cette activité dans cet
établissement.

14. (1) Il est interdit au titulaire d'une autorisation d'accepter d'une personne le
don de matériel reproductif humain ou d'un embryon in vitro pour l'exercice d'une
activité réglementée ou de pratiquer une activité réglementée sur une personne,
sans avoir obtenu de l'intéressé les renseignements médicaux prévus par
règlement.

(2) Le titulaire d'une autorisation est tenu, avant d'accepter le don de matériel
reproductif humain ou d'un embryon in vitro d'une personne ou des
renseignements médicaux concernant une personne :

a) d'informer par écrit la personne des exigences de la présente loi relatives à la


conservation, à l'utilisation, à la fourniture à une autre personne et à la
destruction du matériel ou de l'embryon et à la rétention, à l'utilisation, à la
communication et à la destruction des renseignements;
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b) dans la mesure prévue par règlement, de mettre des services de consultation


à la disposition de la personne et de veiller à ce que la personne les reçoive;

c) d'obtenir le consentement écrit de la personne à l'observation par le titulaire


des exigences visées à l'alinéa a);

d) conformément aux règlements, de fournir à la personne les renseignements


que l'Agence met à la disposition du public au titre de l'alinéa 19i).

15. (1) Le titulaire d'une autorisation ne peut communiquer des renseignements


médicaux à une fin donnée que dans les cas suivants :

a) l'intéressé a consenti par écrit à la communication à cette fin;

b) la communication se fait conformément aux paragraphes (2) à (5).

(2) Le titulaire d'une autorisation est tenu de communiquer les renseignements


médicaux :

a) à l'Agence, dans la mesure fixée par règlement;

b) dans la mesure où la communication est requise dans le cadre de la gestion


d'un régime d'assurance-santé au sens de la Loi canadienne sur la santé;

c) pour se conformer à la convocation d'un tribunal, d'une personne ou d'un


organisme ayant compétence pour contraindre à la production de
renseignements ou à des règles d'un tribunal relatives à la production de
renseignements;

d) dans la mesure où l'exige une disposition — mentionnée dans les règlements


— d'un texte législatif fédéral ou provincial portant sur la santé et la sécurité.

(3) Le titulaire d'une autorisation qui cède du matériel reproductif humain ou un


embryon in vitro à un autre titulaire est tenu de communiquer à celui-ci les
renseignements médicaux qu'il possède et qui se rapportent au matériel ou à
l'embryon et à la ou aux personnes en cause; l'identité d'une personne ou des
renseignements susceptibles de servir à identifier une personne ne peuvent
toutefois être communiqués que dans les circonstances et dans la mesure
prévues par règlement.

(3.1) Le titulaire d'une autorisation qui cède un embryon in vitro à un autre


titulaire est tenu d'en informer l'Agence, en conformité avec les règlements.

(4) Avant de pratiquer une technique de procréation assistée pour laquelle est
utilisé du matériel reproductif humain ou un embryon in vitro, le titulaire d'une
autorisation communique les renseignements médicaux qu'il possède sur le
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donneur à la personne qui y a recours; l'identité du donneur ou des


renseignements susceptibles de servir à l'identifier ne peuvent toutefois être
communiqués qu'avec le consentement écrit de celui-ci.

(5) Le titulaire d'une autorisation peut communiquer des renseignements


médicaux, sauf l'identité d'une personne ou des renseignements susceptibles de
servir à identifier une personne, à tout individu ou à toute organisation à des fins
de recherche scientifique ou statistique.

16. (1) Toute personne doit avoir accès, sur demande, aux renseignements
médicaux la concernant qui relèvent du titulaire d'une autorisation ou de toute
autre personne ayant obtenu les renseignements et a le droit :

a) de demander la correction des renseignements la concernant qui, selon elle,


sont erronés ou incomplets;

b) d'exiger, s'il y a lieu, qu'il soit fait mention des corrections qui ont été
demandées mais non effectuées;

c) d'exiger que les personnes ou organismes à qui les renseignements ont été
communiqués dans les deux ans précédant la demande de correction ou de
mention soient avisés de la correction ou de la mention.

(2) Le titulaire d'une autorisation ou toute autre personne de qui relèvent des
renseignements médicaux fournis par le donneur de matériel reproductif humain
ou d'un embryon in vitro, par la personne ayant eu recours à une technique de
procréation assistée ou par la personne qui est issue d'une telle technique sont
tenus, sur demande du donneur ou de la personne, selon le cas, de détruire les
renseignements dans les circonstances et dans la mesure prévues par
règlement et de notifier la destruction au demandeur.

(3) Le titulaire d'une autorisation ou toute autre personne de qui relève du


matériel reproductif humain ou un embryon in vitro sont tenus de détruire le
matériel ou l'embryon sur demande du donneur et dans les circonstances et
dans la mesure prévues par règlement et de notifier la destruction au
demandeur.

(4) Le présent article ne s'applique pas :

a) aux institutions fédérales assujetties à la Loi sur la protection des


renseignements personnels ou à la Loi sur les Archives nationales du Canada;

b) aux tribunaux, personnes ou organismes visés à l'alinéa 15(2)c).


500-09-015177-041 PAGE : 45

17. L'Agence tient un registre où figurent les renseignements médicaux sur les
donneurs de matériel reproductif humain et d'embryons in vitro, les personnes
ayant eu recours à une technique de procréation assistée et les personnes qui
sont issues d'une telle technique.

18. (1) L'Agence peut utiliser les renseignements médicaux ainsi que les autres
renseignements relatifs aux activités réglementées exercées par le demandeur
ou le titulaire d'une autorisation pour la mise en oeuvre et le contrôle
d'application de la présente loi ou pour la détermination des risques pour la santé
et la sécurité, des violations possibles des droits de la personne ou des
problèmes d'éthique relatifs à la procréation assistée et aux autres questions
prévues par la présente loi.

(2) Malgré l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels


et sous réserve des paragraphes (3) à (8), les renseignements médicaux qui
relèvent de l'Agence et qui se rapportent au donneur de matériel reproductif
humain ou d'un embryon in vitro, à la personne ayant eu recours à une technique
de procréation assistée ou à la personne qui est issue d'une telle technique sont
confidentiels et ne peuvent être communiqués qu'avec le consentement écrit de
l'intéressé.

(3) L'Agence communique, sur demande, les renseignements médicaux sur le


donneur aux personnes ayant recours à une technique de procréation assistée
au moyen du matériel reproductif humain ou d'un embryon in vitro de ce donneur
ainsi qu'aux personnes qui sont issues d'une telle technique et à leurs
descendants; la communication de l'identité du donneur ou de renseignements
susceptibles de servir à l'identifier ne peut toutefois être faite qu'avec le
consentement écrit de celui-ci.

(4) Sur demande écrite de deux personnes qui sont fondées à croire qu'au
moins l'une d'elles est issue d'une technique de procréation assistée au moyen
du matériel reproductif humain ou d'un embryon in vitro d'un donneur, l'Agence
les informe du fait qu'elle a ou non en sa possession des renseignements qui
indiquent qu'elles sont génétiquement parentes et, le cas échéant, de la nature
du lien de parenté.

(5) L'Agence est tenue de communiquer les renseignements médicaux :

a) pour se conformer à la convocation d'un tribunal, d'une personne ou d'un


organisme ayant compétence pour contraindre à la production de
renseignements ou à des règles d'un tribunal relatives à la production de
renseignements;

b) dans la mesure où l'exige une disposition — mentionnée dans les règlements


— d'un texte législatif fédéral ou provincial portant sur la santé et la sécurité.
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(6) L'Agence peut communiquer les renseignements médicaux :

a) dans le cadre du contrôle d'application de la présente loi;

b) dans la mesure où la communication est requise dans le cadre de la gestion


d'un régime d'assurance-santé au sens de la Loi canadienne sur la santé;

c) dans le cadre de mesures disciplinaires prises par un ordre professionnel ou


un organisme disciplinaire constitués sous le régime d'une loi fédérale ou
provinciale et visés par règlement.

(7) L'Agence peut communiquer l'identité d'un donneur à un médecin si elle


l'estime nécessaire pour contrer tout risque pour la santé ou la sécurité d'une
personne ayant eu recours à une technique de procréation assistée, d'une
personne issue d'une telle technique ou d'un descendant d'une telle personne.
Le médecin ne peut pas communiquer cette identité.

(8) L'Agence peut communiquer des renseignements médicaux, sauf l'identité


d'une personne ou des renseignements susceptibles de servir à identifier une
personne, à tout individu ou à toute organisation à des fins de recherche
scientifique ou statistique.
19. L'Agence met à la disposition du public, conformément aux règlements, les
renseignements réglementaires sur :

a) la présente loi et ses règlements ainsi que les instructions en matière


d'orientation visées à l'article 25;

b) ses règlements administratifs;

c) les autorisations délivrées par elle;

d) les demandes d'autorisation, ainsi que la modification et le renouvellement des


autorisations;

e) les avis relatifs à la délivrance, à la modification, au renouvellement, à la


suspension, à la révocation et au rétablissement des autorisations;

f) les renseignements et observations qu'elle reçoit dans le cadre de toute


mesure prise relativement aux autorisations, sauf l'identité des donneurs de
matériel reproductif humain ou d'embryons in vitro, des personnes ayant eu
recours à une technique de procréation assistée ou des personnes qui sont
issues d'une telle technique et sauf des renseignements susceptibles de servir à
identifier ces donneurs ou ces personnes;

g) ses décisions à l'issue de toute mesure prise relativement aux autorisations;


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h) les nom et adresse des titulaires d'autorisation;

i) de façon globale, les résultats des techniques de procréation assistée obtenus


par les titulaires d'autorisation;

j) les mesures prises dans le cadre de l'article 44;

k) le contrôle d'application de la présente loi;

l) les accords conclus au titre de l'article 58;

m) les accords conclus dans le cadre de l'article 68;

n) les rapports et autres documents qu'elle présente ou qui lui sont présentés
dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de surveillance et d'analyse des
progrès de la procréation assistée et de toute autre question prévue par la
présente loi.

40. (1) L'Agence peut, conformément aux règlements, délivrer à toute personne
ayant les qualifications réglementaires une autorisation précisant les activités
réglementées qu'elle est habilitée à exercer.

(2) L'autorisation visant l'utilisation d'un embryon in vitro à des fins de recherche
ne peut être délivrée que si l'Agence est convaincue que l'utilisation est
nécessaire pour la recherche en cause.

(3) Des autorisations — au nombre que l'Agence estime suffisant — peuvent


être délivrées pour des essais cliniques portant sur une activité réglementée.

(3.1) L'Agence ne peut délivrer l'autorisation visée au paragraphe (1) à l'égard


d'activités de recherche sur les cellules souches embryonnaires que si elle reçoit
le consentement écrit des donneurs de gamètes d'origine et du donneur
d'embryon conformément au document intitulé Recherche sur les cellules
souches pluripotentes humaines : Lignes directrices, publié en mars 2002 par les
Instituts de recherche en santé du Canada, tel que précisé par règlement.

(4) Si le titulaire d'une autorisation n'est pas une personne physique,


l'autorisation doit indiquer le nom de la personne physique désignée comme
responsable pour assurer l'observation de la présente loi; cette désignation n'a
toutefois pas pour effet de limiter la responsabilité — sous le régime de la
présente loi — du titulaire ou de toute autre personne physique.

(5) L'Agence peut, conformément aux règlements, délivrer au propriétaire ou à


l'exploitant d'un établissement une autorisation permettant l'usage de celui-ci
pour une activité réglementée exercée par le titulaire d'une autorisation délivrée
dans le cadre du paragraphe (1).
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(6) L'Agence peut, conformément aux règlements, assortir toute autorisation de


conditions à la délivrance ou par la suite.

(7) L'Agence ne peut soumettre la délivrance d'autorisations à une politique de


recouvrement des coûts.

41. L'Agence peut, conformément aux règlements, modifier une autorisation ou


la renouveler à son expiration, avec ou sans modification.

42. L'Agence peut, conformément aux règlements, modifier, suspendre ou


révoquer l'autorisation si le titulaire contrevient à quelque condition de celle-ci ou
encore à la présente loi ou à ses règlements ou omet de se conformer aux
instructions données dans le cadre de la présente loi. Elle fixe, en cas de
suspension, les conditions du rétablissement.

43. (1) Dans l'exercice des attributions que lui confèrent les articles 40 à 42,
l'Agence peut prendre en compte les renseignements et observations qui lui sont
fournis et demander conseil à des experts ou à des groupes d'intérêts.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), l'Agence communique sur demande les
renseignements et observations visés au paragraphe (1) sauf si elle estime que
la communication constitue un risque pour la santé ou la sécurité d'une
personne.

(3) Les renseignements identifiant ou susceptibles de servir à identifier le


donneur de matériel reproductif humain ou d'un embryon in vitro, la personne
ayant eu recours à une technique de procréation assistée ou la personne qui est
issue d'une telle technique ne peuvent être communiqués qu'au demandeur ou
au titulaire de l'autorisation, et ce, que si l'Agence juge qu'ils en ont besoin pour
appuyer leur demande.

(4) Toute personne fournissant de bonne foi des renseignements ou des


observations bénéficie de l'immunité, au civil comme au pénal.

44. (1) L'Agence peut prendre, ou ordonner à toute personne de prendre, les
mesures raisonnables qu'elle juge nécessaires pour prévenir ou limiter la
menace que l'exercice d'une activité réglementée constitue ou est susceptible de
constituer pour la santé ou la sécurité humaines.

(2) Pour la prise de ces mesures, l'Agence peut autoriser l'inspecteur désigné en
vertu de l'article 46 à se rendre à l'établissement où s'exerce l'activité et à
prendre la direction de l'un comme de l'autre.

(3) Les frais engagés par l'inspecteur sont à la charge du titulaire de


l'autorisation relative à l'activité réglementée ou à l'établissement et, jusqu'à leur
500-09-015177-041 PAGE : 49

règlement, peuvent être recouvrés à titre de créance de Sa Majesté du chef du


Canada devant toute juridiction compétente.

(4) La personne qui agit dans le cadre du présent article n'encourt, jusqu'à
preuve de sa mauvaise foi, aucune responsabilité personnelle — civile ou pénale
— pour les actes qui en découlent.

45. Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles 47 à 62 et 65.

« document »Tout support d'information.

« matériel » Tout ou partie d'un embryon ou d'un foetus ou matériel reproductif


humain, lesquels se trouvent en dehors du corps humain, ou toute autre chose.

46. (1) L'Agence peut désigner tout fonctionnaire fédéral ou provincial ou toute
personne ayant les qualifications précisées par règlement à titre d'inspecteur
pour le contrôle d'application de la présente loi.

(2) L'inspecteur reçoit un certificat en la forme fixée par l'Agence. Le certificat


atteste la qualité de l'inspecteur, qui le présente, sur demande, au responsable
de tout lieu ou de tout moyen de transport visité au titre du paragraphe 47(1).

47. (1) Sous réserve de l'article 48, l'inspecteur peut, à toute heure convenable,
procéder à la visite de tout lieu ou de tout moyen de transport où il a des motifs
raisonnables de croire que s'exercent des activités réglementées ou que se
trouvent du matériel ou des documents régis par la présente loi ou des
documents concernant ces activités.

(2) Au cours de sa visite, l'inspecteur peut :

a) examiner tout matériel ou tous documents utiles à la mise en oeuvre et au


contrôle d'application de la présente loi;

b) exiger la présentation de ce matériel ou de ces documents, selon les


modalités et les conditions qu'il précise;

c) ouvrir et examiner tout contenant ou emballage où il a des motifs raisonnables


de croire que se trouvent ce matériel ou ces documents;

d) prélever ou faire prélever des échantillons de ce matériel;

e) effectuer relativement à ce matériel des essais, des analyses et des mesures.

(3) Au cours de sa visite, l'inspecteur peut :


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a) examiner les livres ou autres documents dont il a des motifs raisonnables de


croire qu'ils contiennent des renseignements utiles à la mise en oeuvre et au
contrôle d'application de la présente loi, et reproduire ces documents en tout ou
en partie;

b) exiger, aux fins d'examen ou de reproduction, la communication de ces livres


ou documents;

c) utiliser ou faire utiliser tout système informatique pour prendre connaissance


des données — utiles à la mise en oeuvre et au contrôle d'application de la
présente loi — qu'il contient ou auxquelles il donne accès;

d) obtenir ces données sous toute forme intelligible aux fins d'examen ou de
reproduction;

e) utiliser ou faire utiliser le matériel de reprographie.

(4) Le propriétaire ou le responsable du lieu visité, ainsi que quiconque s'y


trouve, sont tenus de prêter à l'inspecteur toute l'assistance possible et de lui
donner les renseignements qu'il peut valablement exiger.

48. (1) Dans le cas d'une habitation, l'inspecteur ne peut toutefois procéder à la
visite sans l'autorisation de l'occupant que s'il est muni du mandat prévu au
paragraphe (2).

(2) Sur demande ex parte, le juge de paix peut signer un mandat autorisant,
sous réserve des conditions éventuellement fixées, l'inspecteur qui y est nommé
à procéder à la visite de l'habitation s'il est convaincu, sur la foi d'une
dénonciation sous serment, que sont réunis les éléments suivants :

a) les circonstances prévues au paragraphe 47(1) existent;

b) la visite est nécessaire en vue de la mise en oeuvre et du contrôle


d'application de la présente loi;

c) un refus a été opposé à la visite ou il y a des motifs raisonnables de croire que


tel sera le cas.

(3) L'inspecteur ne peut recourir à la force dans l'exécution du mandat que si


celui-ci en autorise expressément l'usage et que si lui-même est accompagné
d'un agent de la paix.

49. (1) Il est interdit d'entraver l'action de l'inspecteur dans l'exercice de ses
fonctions ou de lui faire en connaissance de cause, oralement ou par écrit, une
déclaration fausse ou trompeuse.
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(2) Il est interdit, sans autorisation de l'inspecteur, de déplacer tout matériel ou


tous documents saisis au titre de la présente loi, ou d'en modifier l'état de
quelque manière que ce soit.

50. (1) Au cours de sa visite, l'inspecteur peut saisir tout matériel ou tous
documents dont il a des motifs raisonnables de croire qu'ils ont servi ou donné
lieu à une infraction à la présente loi.

(2) L'inspecteur peut ordonner que le matériel ou les documents saisis soient
entreposés sur les lieux ou qu'ils soient transférés dans un autre lieu approprié.

51. (1) Le saisi peut, dans les soixante jours suivant la date de saisie et à la
condition d'adresser à l'Agence, en la manière et dans le délai réglementaires,
un avis contenant les renseignements réglementaires, demander à un juge de la
cour provinciale dans le ressort duquel la saisie a été faite de rendre une
ordonnance de restitution.

(2) Le juge de la cour provinciale ordonne la restitution immédiate du matériel ou


des documents saisis si, après audition de la demande, il est convaincu :

a) d'une part, que le demandeur a droit à leur possession;

b) d'autre part, qu'ils ne serviront pas de preuve dans une procédure engagée
dans le cadre de la présente loi.

(3) Le juge de la cour provinciale qui est convaincu du droit du demandeur à la


possession du matériel ou des documents saisis sans avoir la conviction visée à
l'alinéa (2)b) ordonne qu'ils soient restitués au demandeur :

a) dès l'expiration d'un délai de cent quatre-vingts jours suivant la date de saisie
si, dans ce délai, aucune procédure n'est intentée dans le cadre de la présente
loi;

b) dès que l'affaire est définitivement tranchée, dans le cas contraire.

(4) Il ne peut être rendu d'ordonnance en vertu du présent article si le matériel


ou les documents ont été confisqués en vertu du paragraphe 52(2).

52. (1) Si aucune demande de restitution n'est faite dans les soixante jours
suivant la date de saisie ou si, après audition d'une telle demande, aucune
ordonnance de restitution n'est rendue, le matériel ou les documents saisis sont
confisqués au profit de Sa Majesté.

(2) Le propriétaire ou le dernier possesseur du matériel ou des documents saisis


peut consentir par écrit à leur confiscation. La confiscation s'effectue dès lors au
profit de Sa Majesté.
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(3) Sous réserve de l'article 54, il est disposé du matériel ou des documents
confisqués au profit de Sa Majesté conformément à ce qu'ordonne l'Agence.

53. (1) L'inspecteur est un fonctionnaire public pour l'application de l'article 487
du Code criminel en ce qui touche toute infraction à la présente loi.

(2) L'inspecteur peut exercer sans mandat les pouvoirs qui lui sont conférés par
application du paragraphe (1) lorsque l'urgence de la situation rend difficilement
réalisable l'obtention du mandat, pourvu que les conditions de délivrance de
celui-ci soient réunies.

60. Quiconque contrevient à l'un ou l'autre des articles 5 à 9 commet une


infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité :

a) par mise en accusation, une amende maximale de 500 000 $ et un


emprisonnement maximal de dix ans, ou l'une de ces peines;

b) par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $ et un


emprisonnement maximal de quatre ans, ou l'une de ces peines.

61. Quiconque contrevient à une disposition de la présente loi autre que les
articles 5 à 9 ou aux règlements commet une infraction et encourt, sur
déclaration de culpabilité :

a) par mise en accusation, une amende maximale de 250 000 $ et un


emprisonnement maximal de cinq ans, ou l'une de ces peines;

b) par procédure sommaire, une amende maximale de 100 000 $ et un


emprisonnement maximal de deux ans, ou l'une de ces peines.

68. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, déclarer que, sauf à l'égard de
Sa Majesté du chef du Canada, les articles 10 à 16, 46 à 53 et 61 et les
règlements correspondants ne s'appliquent pas dans une province lorsque le
ministre et le gouvernement provincial sont convenus par écrit qu'il existe, dans
la législation provinciale en vigueur, des dispositions équivalentes à celles de ces
articles et de ces règlements.

(2) La durée de l'accord ne peut dépasser cinq ans, mais celui-ci peut être
renouvelé.

(3) La prise du décret prévu au paragraphe (1) n'a pas pour effet d'empêcher
l'Agence de prendre des mesures au titre de l'article 44.

(4) Toute personne exerçant dans une province où s'applique un décret prévu
au paragraphe (1) une activité qui, sous le régime de la présente loi, constituerait
une activité réglementée est tenue de se conformer à l'article 14 pour l'obtention
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des renseignements médicaux et à l'alinéa 15(2)a) pour leur communication


comme si elle était titulaire d'une autorisation délivrée en vertu de la présente loi;
les articles 17 et 18 s'appliquent à ces renseignements.

(5) Dans les cas où la présente loi cesse de s'appliquer à la province,


l'autorisation délivrée à l'égard d'une personne ou d'un établissement dans la
province reste valide comme si elle avait été délivrée en vertu de la loi
provinciale.

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