You are on page 1of 19

La

personnalité
morale de
z
la société
1

Les attributs de la personne


morale
z Art. 1835, C. civ. (extrait) : « Les statuts …
déterminent… l'appellation… de la
société ».

Différence entre « raison sociale » et


2 « dénomination sociale »
L’identification • La « raison sociale » : comporte les noms de tous ou
de la société – certains associés + « et compagnie »
• Obligatoire, dans un premier temps, dans certaines
l’appellation sociétés de personnes, puis progressivement
abandonnée (L. 24/07/1966 pour les sociétés
commerciales ; L. 28/03/2011 pour les SCP)
• La « dénomination sociale » : librement choisie
(fantaisie, nom de famille, simple prénom…)
Possibilité de changer aisément de
dénomination (simple modification
statutaire)
3
L’identification
z de la société – l’appellation

Les critères du choix d’une dénomination

Ne pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs (contrôle par le
greffier)
• Mais ces notions ont évolué : ex. Opium, Téléphone rose…

Ne pas reproduire un nom de famille autre que celui de l’un des associés

Respecter le principe d’antériorité :


• Absence d’un risque de confusion : double critère de l’activité concurrente et du périmètre
géographique
• Le risque de confusion s’apprécie en fonction de l’activité effectivement exercée par la société et
non en fonction de son objet social (Cass. com., 10 juillet 2012, Cœur de Princesse)
• Application possible également de l’action en parasitisme, particulièrement si la dénomination
sociale reproduit un signe notoirement connu
z
4
L’identification de la société – l’appellation

Le régime du nom de famille intégré dans la dénomination

Principe du détachement du nom de famille : Cass. com. 12 mars 1985,


Bordas
• Le nom de famille intégré dans la dénomination sociale devient un signe distinctif de la
société, qui détient sur lui un droit de propriété incorporelle.
• Même dans une EURL ! L’EURL portant le nom de l'associé unique conserve, faute de
prévisions contractuelles contraires, l'utilisation du nom après la cession de la totalité des
parts (Cass. com., 12 juin 2007).
Nuance : lorsque le nom de famille intégré dans la dénomination est
notoirement connu, la société ne peut pas le déposer à titre de marque :
Cass. com., 6 mai 2003, Ducasse
• La notoriété s’apprécie à une échelle nationale (Cass. com., 24 juin 2008)
5
L’identification de la société – le siège social et la nationalité
z

Le siège social : lieu de localisation de la société et critère majeur de la nationalité de la société

Difficultés en cas de changement de siège à l’étranger : risque de changement de nationalité et de perte de la personnalité
morale

Difficultés atténuées par la Dir. du 27 novembre 2019 sur les transformations, fusions et scissions transfrontalières, (UE)
2019/2121, désormais transposée (Ord. n° 2023-393, 24 mai 2023 et D. n° 2023-430, 2 juin 2023)

La nationalité : critère de rattachement à la loi française (lex societatis)

Le critère principal du droit français : le siège social (statutaire ou réel, art. 1837, C. civ. et L. 210-3, C. com.)

Le droit européen favorise la mobilité des sociétés sur le territoire européen et interdit aux États de tirer du siège réel des
conséquences préjudiciables aux sociétés européennes (sauf volonté de fraude)

Proposition du HCJP en faveur de l’adoption d’un « pur » rattachement par le siège statutaire (31 mars 2021)
Projet de code français de droit international privé (31 mars 2022)

Projet de société européenne simplifiée - SES (HCJP, 31 mars 2021/Association Henri Capitant, 23 nov. 2020)
z
6
La capacité de la société

Une capacité juridique particulière…

• La société est affectée par une incapacité d’exercice


(représentation par les dirigeants sociaux)
• La société bénéficie d’une capacité de jouissance restreinte
(principe de spécialité statutaire)
Sous ces réserves, la société conclut des
contrats, agit en justice, engage sa propre
responsabilité, etc.
z
7
La capacité de la société– Le droit d’agir en justice

La société peut-elle défendre en justice


des droits de l’homme et des droits de la
personnalité (ex. droit à la dignité, droit
au respect de la vie privée) ?

Pour certains, non ! Elle n’a pas de


sentiments, elle ne souffre pas, elle est
une fiction…

Pour d’autres, oui ! Dès l’instant où de


tels droits sont compatibles avec sa
nature.
z
8
La capacité de la société – Le droit d’agir en justice

La jurisprudence adopte un position de compromis

Exemples de droits de l’homme et de la personnalité admis pour


une personne morale :
• Défense de l’honneur (action en diffamation)
• Atteinte au domicile (perquisitions illicites)
• Secret des correspondances
• Procès équitable, accès au juge…
• Réparation du préjudice moral (atteinte aux sentiments !!!) : Cass. com., 15 mai
2012
• Le préjudice moral subi par une personne morale n’est pas limité à la seule
atteinte à sa réputation ou à son image : les préjudices de stress, d’anxiété, de
déception ou d’affection sont réparables (Cass. crim., 8 juin 2022)
9
La capacité de la société – Le droit d’agir en justice
z

Exemples de droits de l’homme et de la personnalité refusés à une personne


morale :
• 1ère civ. 17 mars 2016 : « Si les personnes morales disposent, notamment, d'un droit à la
protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules
les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée » (vidéosurveillance)
• Versailles, 30 juin 2021 : une personne morale ne peut pas se prévaloir d’un préjudice d’anxiété
• Cass. crim., 16 janv. 2019 : impossibilité de se prévaloir d’une atteinte au respect du domicile et
de la vie privée des associés
• 3ème civ., 5 sept. 2012 : une personne morale n’a pas de famille (impossibilité pour le bailleur -
personne morale de reprendre le local pour le faire habiter par un associé - « membre de sa
famille »)
• Ligne de partage encore confuse, mais qui devrait conduire à l’exclusion des droits les plus
intimement attachés à la personne physique (vie privée, familiale, etc.) et à l’admission des droits
à portée patrimoniale
• Question complexe et fuyante. Ex. CE, 7 oct. 2022 (n° 443826) : reconnaît expressément le droit
d’une personne morale (ici, fondation) à la protection de sa vie privée, mais au sujet de
l’interdiction pour l’administration de communiquer aux tiers les documents fournis par les
administrés. Finalement, la décision concerne davantage le secret des affaires (les documents
relatifs au fonctionnement interne et à la situation financière de la personne morale) que la vie
privée stricto sensu
10
z La capacité de la société– L’obligation de répondre de
ses actes

Responsabilité civile, sauf faute détachable des


dirigeants

Responsabilité pénale (à partir du 1er mars 1994)


• Dans un premier temps, spéciale, dans les cas prévus par la loi
• Dans un second temps, généralisée (loi du 9 mars 2004), sauf
exception légale
• Mais les sanctions pénales demeurent spécifiques (pas de
peines d’emprisonnement, interdictions et parfois, dissolution : la
peine de mort subsiste pour les personnes morales…)
z Un principe utile : chacun paye ses
dettes…
• La société détient son propre patrimoine
• Ni les dirigeants (mandataires sociaux) ni les
11 associés (propriétaires de droits sociaux) n’ont
Le patrimoine de un droit réel sur ce patrimoine
la société – Le • Les créanciers personnels des associés ou des
principe de dirigeants ne peuvent pas saisir les biens
l’autonomie sociaux
patrimoniale • Les créanciers sociaux ne peuvent pas, en
principe, saisir les biens personnels des
associés et des dirigeants
• À l’échelle des groupes de sociétés, chaque
société est responsable de ses propres dettes
• La société mère n’est pas responsable des
préjudices causés aux tiers par une filiale
z
Un principe atténué

Déclaration du « bénéficiaire effectif » (ord. 1er déc. 2016, art. L. 561-2-2, CMF) :
lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : obligation
pour les sociétés non cotées de déclarer au greffe les personnes physiques qui sont
12 leurs « bénéficiaires effectifs » (pourcentage du capital, pouvoir de contrôle ou à
Le patrimoine défaut, le dirigeant).
de la société – • Dispositif partiellement invalidé : la CJCE invalide le dispositif selon lequel les informations sur les
bénéficiaires effectifs des sociétés constituées sur leur territoire devaient être accessibles dans tous les cas
Le principe de à tout membre du grand public (CJUE, 22 nov. 2022, n° C-37/20 et C-601/20)

l’autonomie
patrimoniale Principe à géométrie variable selon qu’il s’agit d’une société de capitaux ou de
personnes

Pratique systématique des garanties personnelles des associés et dirigeants dans


les sociétés de capitaux
13
z Le patrimoine de la société – Les atteintes à
l’autonomie patrimoniale

Les atteintes fondées sur la faute


• Action en responsabilité pour insuffisance d’actif
du dirigeant d’une société en liquidation judiciaire
(art. L. 651-2, C. com.)
• Action en extension de la procédure collective de
la société à un dirigeant ou à un associé en cas
de confusion de patrimoines (art. L. 621-2, C.
com.)
• Abus de biens sociaux dans les sociétés de
capitaux, pour tout acte contraire l’intérêt social
14
z Le patrimoine de la société – Les atteintes à
l’autonomie patrimoniale

Théorie de l’immixtion dans les groupes de


sociétés
• La société mère qui s’immisce dans la gestion de la filiale est
responsable envers les contractants de la filiale (condamnation
in solidum)
• Critère initial de l’immixtion : substitution à la filiale à tous les
stades du processus contractuel
• Critère actuel de l’apparence de contrat (Ass. plén., 9 oct.
2006)
• Mais l’immixtion peut prouver l’apparence de contrat (ex. Cass.
com., 3 févr. 2015 ; 3ème civ., 12 déc. 2019)
• La preuve reste difficile (ex. Cass. com., 9 nov. 2022 : le
paiement partiel d’une dette de la filiale ne suffit pas)
15
Le patrimoine de la société – Les atteintes à l’autonomie
z patrimoniale

Les hypothèses du droit de l’environnement


• Affaire Total (ex. Cass. crim., 25 sept. 2012) : lourde
condamnation de la société Total, en sa qualité d’affréteur du
navire, pour la pollution causée par sa filiale propriétaire de la
cargaison (textes en matière de pollution maritime)
• Responsabilité de la société mère, grand-mère ou arrière-
grand-mère au titre de la dépollution d’un site par une filiale en
liquidation judiciaire, en cas de « faute caractérisée » de la
société mère ayant contribué à l’insuffisance d’actif (art. L. 512-
17, C. env.)
L’hypothèse du droit du travail : théorie du co-emploi
(triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction)
z
16
Le patrimoine de la société – Les atteintes à
l’autonomie patrimoniale

Les atteintes fondées sur le risque

Dans le cadre de politiques


sectorielles
• Ex. en matière d’éoliennes, la société mère est
automatiquement responsable du démantèlement
et de la remise en état du site en fin d’activité, en
cas de défaillance de la filiale (art. L. 515-46, C.
env.)
• Ex. en droit de la concurrence
17
z Le patrimoine de la société – Les atteintes à l’autonomie patrimoniale

Une approche générale : devoir de vigilance des


sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre
(Loi du 27 mars 2017, art. L. 225-102-4 et s., C. com.)
• Obligation de mettre en place et de respecter un plan de vigilance afin
d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves envers les
droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des
personnes ainsi que l'environnement (cartographie des risques, droit
souple, etc.)
• Obligation couvrant les risques résultant des activités de la société,
mais aussi de celles des sociétés contrôlées et des sous-traitants ou
fournisseurs sous relation commerciale établie
• Seules les plus grandes sociétés sont concernées (5 000 salariés pour
les groupes français et 10 000 salariés pour les groupes
internationaux) : premières actions en cours (Total Énergies, BNP
Paribas, Danone, Carrefour…)
18
z Le patrimoine de la société – Les atteintes à l’autonomie
patrimoniale

Une approche générale : devoir de vigilance des


sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre
(Loi du 27 mars 2017, art. L. 225-102-4 et s., C. com.)
• Responsabilité civile de la société assujettie si l’un de ces risques se
réalise et cause un préjudice à autrui, même à l’autre bout du monde du
fait d’une filiale…
• Atteinte spectaculaire à l’autonomie patrimoniale, mais à double
tranchant, car la vigilance est aussi un moyen de pression sur les filiales
et partenaires commerciaux
• Responsabilité originale, à mi-chemin de la responsabilité pour faute et
de la responsabilité du fait d’autrui
• Preuve difficile (notamment du lien de causalité), mais remarquable
fonction préventive du texte : le but est de prévenir les risques sociétaux
engendrés par les activités de l’entreprise
19
Le patrimoine de la société – Les atteintes à l’autonomie
z patrimoniale
Une approche générale : devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises
donneuses d’ordre (Loi du 27 mars 2017, art. L. 225-102-4 et s., C. com.)
• Contentieux sur la compétence juridictionnelle, révélateur de l’originalité du devoir de vigilance :
démarche d’internalisation des externalités négatives de l’entreprise
• Compétence du tribunal de commerce : la vigilance relève de la gestion de la société (T. jud. Nanterre, 30
janv. 2020 ; Versailles, 10 déc. 2020)
• Option de compétence au profit du tribunal judiciaire : la vigilance intéresse la société civile dans son
ensemble (T. jud. Nanterre, ord. mise en état, 11 févr. 2021 ; Cass. com., 15 déc. 2021, cassation de
Versailles, 10 déc. 2020)
• Regrettable choix de la compétence spécialisée du tribunal judiciaire de Paris (Loi du 22 déc. 2021 pour la
confiance dans l’institution judiciaire)
• Premières décisions timides
• Constat d’un dispositif flou et imprécis que le juge des référés n’a pas le pouvoir d’apprécier (Trib. jud. Paris,
28 févr. 2023) et que le juge de la mise en état apprécie pour l’heure restrictivement (Trib. jud. Paris, ord.
mise en état, 1er juin 2023)
• Avenir prometteur de la Proposition de Directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière
de durabilité, 23 févr. 2022, COM (2022) 71 final 2022/0051 (COD)
• Champ d’application plus étendu
• Obligations d’intensité variable selon la taille de l’entreprise
• Régime juridique plus précis (ex. droit d’alerte et d’action des parties prenantes de l’entreprise)
• Mais aussi, consécration du pouvoir de pression des sociétés à la tête de la chaîne de valeur sur les PME
partenaires (en dépit d’une obligation d’assistance)

You might also like