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Eglise et la khéra égyptienne au IV’ siécle Nous nous proposons d’étudier ici tout d’abord les éléments susceptibles d’éclairer les étapes du développement du christianisme dans la khéra égyptienne entre le milieu du 1° et le 1v¢ siécles. La confrontation entre documents papyrologiques et littéraires permet de mieux apprécier tant l'assise matériclle de I'figlise d’Egypte que le recrutement de ses cadres. Enfin, si celle-ci occupe désormais une place importante dans la société égyptienne, il convient de s'interroger sur le réle qu’elle entend y jouer, et d’essayer de mesurer l’influence qu’elle a pu exercer sur les comportements. I. L’ EXPANSION DU CHRISTIANISME DANS LA KHORA EGYPTIENNE Le Christianisme en Egypte fut longtemps cantonné & Alexandrie et Yon demeure fort mal renseigné sur les étapes de son développement dans le reste du pays. Pourtant il semble bien que les premiéres commu- nautés chrétiennes dispersées dans la khéva égyptienne se soient organisées autour de prétres et de diacres didascales soumis 4 l’autorité de l’évéque d’Alexandrie, comme on en trouve encore trace en Arsinoite (Fayoum) att milieu du mr sidclel, C’est sans dotte a partir de cités grecques comme Antinoupolis — ott l’existence d'une communauté chrétienne est attestée vers l'an 200? — et des métropoles de nomes regroupant, entre autre, une minorité de grecs et d’égyptiens hellénisés, que la bonne parole se répand 1, Nous nous perntettons de renyoyer & uotre thése de doctorat en cours pour Vensemble du stijet. Sur la question précise évoquée ici, v. Denys d’Alexandrie, dans Eusdbe de Césarée, H.E., VII, 24, 6. La conimunanté du Fayoum est également attestée par P. Amh. 3 (a) (= Wilcken, Chrest. 126), une des plus anciennes lettres chrétiennes datées, 2, Une lettre de l’évéque Alexandre de Jérusalem Ini est adressée entre 215 et 230 v. Eustbe, VI, 11, 3 ; elle a pour objet de rétablir la concorde ep son sein. Sur son interprétation, v. P. Nauti, Lettres et éovivains des ITs et ITTe siacles, (Patristica II), pp. 119-121. 4 ANNICK MARTIN dans les kémai indigénes, Vers le milieu du ur sitcle apparaissent égale- ment les premitres traductions de la Bible en langue copte®. Et c’est la correspondance de Denys, considéré dans les chronologies tardives comme Je treizigme évéque d’Alexandrie aprés Marc', mais en réalité seulement le troisiéme attesté par les plus anciens documents aprés Démétrius et Héraklas®, qui nous livre les premiers noms d’évéques égyptiens. Ainsi émergent 4 notre connaissance, outre les communautés d’Arsinoite et d’Antinou déja citées, celles de Niloupolis* (en moyenne Egypte), @Hermoupolis? et des cing poleis de Cyrénaique®. Celle de Thmouis (dans le Delta) nous est connue par I’Histoire d’Orig’ne®. Enfin, celles de 1'Oxyrhynchite, de Panopolis et de la grande Oasis sont attestées par des papyrus de la fin du mr® et du début du rve siécles!®. Or il est intéressant de constater que cette expansion géographique et sociologique du christianisme dans la khéra égyptienne demeure, pour une grande part, liée aux persécutions, qu’elle en suit le rythme. T/évéque Denys tient, en effet, A montrer que la persécution de Dace 3. H. I. Butz, Cults and Creeds in Graeco-Roman Egypt, Liverpool, 4° édit. 1957, p. 88, cite en particulier P. Beaity, 7, commentaire d’Isaie, comme étant un des plus ancievs documents de ce genre actuellement connu. L’égyptien Hiérakas, originaire de Léontopolis, ascéte et pratiquant les deux langues, selon Fpiphane, Hasr. 67, 1, a cettainemtent contribué & ce mouvement. 4. Busébe, dont la Chronique utilise celle de Julien ’Africain publiée en 227, en reprend les éléments dans I'H.E. Butychius, dans ses Annales (PG 111), et Sévére el ‘Aschmounein, dans son Histoire des Pairiarches d'Alexandrie (PO I, 2 et 4) Vutilisent. 5. Ces deux évéques d’Alexandrie sont en effet imtpliqués dans I’histcire d'Origane, 6. Lettre & Fabius d’Antioche, dans Eustbe, H.E., VI, 42, 3. 7. Thid., 46, 2, sans que nous puissions préciser s'il s'agit d’H. parva, la métropole de la khéra d’Alexandrie, on d’H. magna alors en Heptanomia (‘Thébaide). Les deux sont également possible car le christianisme au temps de Denys a déja remonté la vallée du Nil au moins jusqu’a Antinoupolis comme nous l’avons signalé, 8, Lettre & Basilide « évéque des chrétientés de Pentapole », dans Eusébe, H.E., VII, 26, 3, il faut entendte qu'il occupe le sidge de Pentapolis ; Ammién est évéque de Bérénike, ibid., 26, 1; Télesphotos, Euphranér et Eupotos, auxquels s’adresse en méme temps Denys, occupent vraisemblablement les trois autres siéges d’Arsinoé (euchira), Sozous’s (Apollonia) et Cyréne, v. L. DUCHESNE, Hist, anc. de l’Eglise, I, p. 483. 9. Photius, Interrog, decem, n° 9, PG x04, 1229, I’évéque Amnténios de Thmouis a autorisé Origéne A précher dans son église, ce qui lui valut d’étre déposé par Héraklas. ro. P. Oxy. 43 (vets 295-300), verso I, 10-12 et IIL, 19-21, mentionne parnti les édifices publics d’Oxyrhynchos, dont une douzaine de temples et une synagogue, deux églises, celle ¢ du Nord ¢ et celle « du Sud » (laquelle figure encore dans une liste du vie sidcle, P. Oxy. 1367, 27 et 61). En Oxythynchite, le village de Khysis a une église, P. Oxy. 2673, v. infra ; on ajoutera a ces témoignages de chtistlanisation pour cette région, les 5 lettres de tecommandation : PSI 208 et roqr (fin m° s, [début Ives.) et P. Oxy, 1162, 2603 et 2785 (1v°s.). P. Gen, inv, 108, frg. D, 11, mentionne une oixta frou exrAnciag of. dans un relevé topographique des intmeubles de la métro- pole de Panopolis; cependant V. Martin dans son contmentaire, Recherches de Papyrologie, U1, 1962, pp. 37-73, et plus particulitrement p. 66, estime que ola signification chrétienne ultérleute est & exclure », mais il ne fournit aucune autre interprétation, P. Gis, 103 (v. 309), lettre adressée & un diacre, témoigne de l’exis- tence d’une communauté dans la Grande oasis. L’EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IVe SIBCLE 5 touche des chrétiens de tous Ages, de tout sexe et de toutes catégories sociales, résidant aussi bien dans les cités et dans les bourgs qu’ Alexan- drie¥, et il juge bon de souligner que certains martyrs sont « de race libyenne » ow ¢ égyptiens »!2, Sans Ja relégation qu'il subit Iui-méme a Kephro pendant Ja persécution de Valérien, de son propre aveu, la Libye, contrée sauvage et rude, n’aurait pas connu la Parole! ; et les villages de Maréote pourtant proche d’Alexandrie seraient longtemps restés dépourvus de fréres si certains membres du clergé d’Alexandrie n’y avaient été assignés a résidence par le gouverneur Fmilien!4, Puis c'est a nouveau le silence des sources pendant les quelques quarante dernigres années du me siécle traditionnellement appelées « la petite paix de1’Bglise ». Pourtant & l’aube du ive sidcle, avec Pierre d’Alexandrie (300-311), la carte des sitges épiscopaux couvre pratiquement l'ensemble de la province ecclésiastique d’Egypte (qui comprend & partir de Dioclé- tien, comme on sait, outre I’Egypte proprement dite, la Thébaide et Jes deux Libyes). C’est de cette Eglise presque totalement constituée qu’allaient hériter Alexandre puis Athanase!, I,es déportations de chrétiens, hommes et femmes'®, dans les carriéres de porphyre et les mines de Haute Egypte, ainsi que dans les oasis libyennes et thébaines!? 11, Lettre & Dométios ef Didyme, dans Rustbe, H.E., VIL, x1, 20; et VI, 42, 1. 12, Letire & Pabios d’Antioche, ibid., VI, 41, 17 (Make) ; 19 (les soldats Héron, Ator et Isidore) ; 2x (Némésion) ; 22 (les soldats Ammdn, Zénon, Ptolémée et Ingénés) ; VI, 42, 1 (Ischyrion, intendant d’un magistrat). Le terme « Egyptiens » ne signifie pas nécessairement qu’ils soient coptes ; ce sont des habitants de la khéra, hellénes aussi bien que coptes, par opposition aux « politikoi », c'est-A-dire les citoyens d’Alexandrie, v. H. DELENAYE, Les Martys @’ Egypte, dans Analecta Bollandiana 1922, p. 5. 33. Lettre & Vévéque Germain, dans Eustbe, H.E., VIL, 11, 13. 34. Ibid., 16-17, . 15. Sur ce point, ncus renvoyons au premier chapitre de notre thése od nous dressons cette carte A partir de l’analyse critique des listes épiscopales egyptiennes, Nous ayous pu établir I'existence d'une soixantaine de sidges pour l'Hgypte et Jes deux Libyes, eu début de I’épiscopat d’Athanase. 16, On discute toujours le cas de cette femmte appelée « Ja Politik » déportée dans la Grande Oasis par le préfet d’Alexandrie et norte en déportation, P. Gren., IL, 73 (= P. Lond. 713 = Wilcken, Chrestomathie, 127). Rtait-elle chrétienne ? Les deux prétres, auteur et destinataire de la lettre, sont-ils des prétres pafens ou chré- tiens ? Aucun des argumtents avancés jusqu’a présent n’est plemement convaincant (date : entre 242 et 310). 17. P. Flor, 1, 3 (été 301), et P. Rain. 290 (début tv° s., dont on a rapproché P, Gron, II, 73 (v. C. WuSsEty, Les plus anciens monuments du Christianisme éorits sur papyrus, PO 4 (x908), pp. 132-135) concernent des travailleurs (forcés) et des ¢mialfaiteurs » déportés dans les mines de ‘Thébaide, non des chrétiens. Sur le travail forcé daus les mines, v. les références fournies par Jonus, The Later Roman Empire, Oxford r964, TI, p. 281, n, 34. Tis ont laissé des traces de leur séjour dans Jes Monts Porphyrités et Claudianus dans le désert oriental (v. infra, u. 21). J. Schwartz (In Oasin velegave, Mélanges Piganiol, 3, pp. 1481-1488) fait état des liewx de déportation en Egypte niais ne mentionne pas l'Ammioniaka ou oasis d’Animi6n, en Inbye. Que les chrétiens aient fait partie des convois, on Ie seit par Eusdbe, De Mart, Palasst., VIM, 1, qui fait état d'un groupe de chrétiens, honintes, fenimes, 6 ANNICK MARTIN durant la grande persécution, ont sans aucun doute contribué a leur tour & répandre la cause chrétienne a I'intérieur du pays. Ce rapport entre persécutions et christianisation de la khéva égyptienne se maintiendra tout au long du rv® siécle, bien que la nature de la persé- cution ait changé. Nous en donnerons deux témoignages se rapportant A celle provoquée par les Ariens au temps de Valens : deux prétres nicéens @edesse, Protogéne et Euloge, sont exilés 4 Antinoupolis ; constatant que les chrétiens y sont une petite minorité, I’un d’eux propose a Pévéque @ouvrir une école élémentaire, comme cela se pratique en Syrie, il y enseigne I’écriture et la sténographie A partir des Psaumes et du Nouveau ‘Testament, tandis que l'autre opére des guérisons par miracles. Le résultat ne se fait pas attendre : de nombreux paiens se convertissent!®. Dans Je méme temps, la déportation des moines de Nitrie subissant la persé- cution de l’évéque arien Lucius en 372 dans «une fle entourée de maré- cages » (sans doute dans le Delta) entraine la conversion des habitants du lieu. Ainsi quelle que soit leur origine (paienne ou arienne), les persécutions servent toujours la cause des persécutés, ici les nicéens. Pourtant, parmi ces chrétiens déportés dans les mines au temps de la grande persécution, tous ne reconnaissaient pas l’autorité de I’évéque d’Alexandrie ; et la rapidité de la diffusion du schisme mélitien dont témoigne la liste des trente-cing siéges de la nouvelle Kiglise conservée par Athanase”®, pourrait trouver 1a une des explications possibles. Rappelons que Mélitios de Lykopolis, qui fut a l’origine de la sécession, avait été lui-méme condamné aux mines, d’abord en Thébaide puis 4 Phaeno en Palestine. De son séjour dans les solitudes du Mons Porphyritas, entre le Nil et la Mer Rouge, parmi les soldats et les déportés, nous verrions volontiers la trace dans inscription trouvée dans cette région mentionnant une katholiké ekklesta Melitiou®. De plus nous sommes conduits a nous interroger sur le réle éventuel du schisme mélitien dans l’implantation méme du christianisme . le long du Nil. Nous disposons en effet de plusieurs listes permettant d’établir les sidges épiscopaux attestés au temps de Nicée, lesquelles peuvent étre confrontées 4 celle mentionnée plus haut et donnant l'état de Tfiglise mélitienne 4 1a méme date. Or sur cinquante et un sidges attestés au total pour I’igypte et la Thébaide (a l'exclusion des deux et enfants, ¢ dans la ntine de Thébaide qui porte le nom de pierre de Porphyre qu’elle produit », et évoque les tortures qu'ils y subirent. 18. Théodoret, H.E., IV, 18, 7-14, H.-I. Marrou, dans I’Histoire de l’ Education dans UAntiquité, p. 430-43, insiste sur le catactére exceptionnel de cette école confessionnelle. 19, Rufin, H.E., IL, 4. 20. Apol. c. Ar. 71, 6, et analyse de cette liste dans le chap. 2 de notre these, consacré au schismte mélitien. 21, SB 8162, SEG 647, republiée par D. MrREDITH, Eastern desert of Egypt, dans Chronique d’Egypte, 28, 1953, pp. 131-133. Elle n’est pas datée ; les dates proposées oscillent entre 305 et Ja fin du xv® s, L'EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IV? SIECLE 7 Libyes ott le schisme mélitien ne s'est pas implanté), quinze ne le sont que par la liste mélitienne et sept d’entre eux constituent les seuls témoins de l'existence de communautés chrétiennes 4 cet endroit pour tout le ive siécle®. Pourtant ne nous hatons pas de conclure A partir d'une docu- mentation par trop fragmentaire. Nous retrouvons le méme probléme avec le développement des monastéres mélitiens. Certains auteurs, dés l’Antiquité, ont cru bon d’attribuer également aux persécutions les origines du monachisme”*. Quoiqu’il en soit, le phénoméne constitue une forme originale de l’expansion du christianisme qui allait profondément marquer les masses rurales. Et les récits de conversion de villageois jusque-la attachés a leurs vieilles idoles, consti- tueront, on le sait, un des fopoi les plus répandus dans l’hagiographie monastique grecque et latine. L/Historia monachorum a conservé de ces récits : tel celui du moine Apollé qui, dans le nome Hermoupolite, conver- tit les fellahin des kémai au voisinage du monastére de cing cents moines qu'il ditige. Ailleurs encore, les moines catéchisent et construisent méme des églises pour les bergers et les paysans voisins™4, Ie monachisme, en assurant la maintenance de l'idéal évangélique qui avait soutenu les confesseurs et les martyrs, a, de plus, nous le verrons, joué un réle non négligeable dans 1a diffusion d’un certain modéle de chtistianisme. Les vertus élémentaires du moine — obéissance et pauvreté — se trouvent (A des degrés divers certes) répandues dans les masses rurales subissant Yaliénation ancestrale, elles en constituent comme une seconde nature ; et c'est sans doute pourquoi l’osmose entre paysans et « hommes de Diet » s'est réalisée ici mieux que partout ailleurs dans l’Empire. IZ, Son asstsz ECONOMIQUE L’existence matérielle de cette Eglise égyptienne est assurée comme ailleurs par les offrandes des fidéles qui revétent des formes diverses : oblations, donations et, plus tard, legs, A partir de 321°. — Une ancienne coutume (d’origine juive) veut que les membres de la communauté fassent don a leur église d’une part de leurs récoltes sous la forme de dimes et de prémices des fruits. Cette pratique, toutefois, 22. Parmi les quinze, douze se trouvent en Hgypte (Hermoupolis parva, Metelis, Pihenotu, Sebennytos, Kléopatris, Léontopolis, Boubastos, Phakouses, Athribis, Héliopolis, Letopolis Kynopolis sup.), trois en Thébaide (Ptolémais, Diospolis parva et Hermonthis), Parmi les sept, six sont en Egypte et un en Thébaide (noms en italique). 23. Sozonténe, H.E., I, 12, rr. Paul de Thébes se serait retiré au désert pendant la persécution de Dace. 24, VIII, 24-29 et 36-37 ; X, 28, 33-35, Vie de Pakhdme (grecque), 29(€d, Halkin, Subsidia hagiographica 19, p. 19), 25. C, Th. 16, 2, 4. 8 ANNICK MARTIN ne fut jamais obligatoire. Cassien en fait état par deux fois dans ses Conférences : un paysan égyptien a coutume d'apporter les prémices et la dime a Ja diaconie de Jean, abbé d’un monastére prés de Thmouis®, et un groupe de propriétaires fonciers parmi lesquels Théonas, futur abbé de Diolkos, font de méme chaque année auprés d’un autre Jean, responsable de la diaconie d’um monastére de Panephysis*”, Elle est recommandée aux prétres qui exploitent ewx-mémes la terre comme loca- taires ou propriétaires®®, Et les canons du Ps. Hippolyte, document égyp- tien du milieu du rv@ siécle®*, énumérent parmi les produits apportés & Léglise « a titre de prémices » : « les céréales, l’huile, le vin, le miel, le lait, Ja laine, les produits du travail des mains, les fruits®?», En outre, des offrandes en nature (les Karpophoriai) sont apportées & diverses occasions aux églises et aux monastéres. Ainsi Pakhéme recut un don de blé pour assurer temporairement sa subsistance et celle des moines qui vivaient avec lui A Tabennesi® ; de méme, un riche marchand vient apporter dix sacs de 1égumes secs A Paphnuce, moine de 1a région d’Hérakléoupolis magna (en moyenne Egypte), « comme fruit de son commerce® », Prémices et offrandes peuvent étre destinées exclusivement aux pauvres par la volonté du donateur, comme le montre le canon 32 du Ps. Hippolyte, qui précise qu’en ce cas elles doivent leur étre distribuées le jour méme et «s'il y a plus que le nécessaire, qu'on donne le reste le lendemain et ainsi pour le troisigme jour ». Un service particulier, la diaconie, attestée a Vintérieur des monastéres dés le milieu du rv® siécle, a été créé spéciale- ment pour rassembler et distribuer ces auménes aux indigents assistés par eux, comme le prouvent les deux mentions de Cassien déja relevées®*. Elles peuvent aussi étre employées aux besoins du culte et 4 l’entretien du clergé sous forme de repas consommés sur place par les membres réunis autour de l’évéque, occasion pour ce dernier de vérifier leur conduite et de les enseigner®4, Le surplus leur est distribué, qu’ils consommeront chez eux. 26. Coll., XIV, 7. 27, Ibid., KXI, 1-2 et 8. 28. Ps. Athanase, canons 69 et 70, pour le blé et le vin, et c. 83. Les éditeurs, Crum et Riedel, retiennent la fin du rve s. comme date éventuelle de ce document conservé dans des matmscrits coptes (v1® s.) et arabe, The Canons of Athanasius of Alesandria, 1904. Cette date est aujourd’hui absissée & la 1*° moitié du ve sidcle par certains chercheurs sans arguments décisifs, 29. Ed. R. Coquin, PO, 31, 2, entre 336 et 340. 30. C. 36, ef. Ps, Athanase, c. 63, 69, 70 (qui mentionne le bétail) et 82. 31. Vie de Pakhéme, 39 ; le cas est considéré commie exceptionnel, Pakhdme s’engage en effet A le rendre. 32, Hist, mon, Aeg., XIV, 19-20 (€4. Festugidre), et VIII, 40-41. 33. H.-I, Mannov, L'origine ovientale des diaconies romaines, dans Mél. d’ Archéo. et d'Hist., 1940, pp. 95-142. Les textes précisent bien que les dons serviront aux besoins ‘des pauvres. 34. Ps. Athanase, c. 20, 63, 66, 67 et 82. L'usage de ces repas, en particulier & Voccasion de certains jours de fétes, est attesté par Rufin, H.E., I, 14, & l'occasion L’EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IV® SIECLE 9 — La déclaration sous serment d’un lecteur de la petite église de Khysis en Oxyrhynchite, datée du 5 février 304, donne par la négative une idée assez compléte des biens meubles et immeubles qu'une église serait déja susceptible de posséder : celle-ci ne posséde, affirme-t-il, «ni or, ni argent, ni argent monnayé, ni vétement, ni bétail, ni esclaves, ni batiments, ni terres acquis par donation ou par legs testamentaires, rien sinon la porte de bronze qui y fut trouvée%5 », laquelle fait l’objet de la confiscation conformément 4 1’édit de Dioclétien. Les fidéles font en effet dons aux églises et aux monastéres de biens mobiliers divers : coupes a boire, récipients variés en matitre vile ou précieuse, argent, maison, bateaux méme éventuellement®’. Pambon, moine de Nitrie recoit de V’or pour le distribuer aux pauvres®” ; et c’est encore a lui que Mélanie fait don de trois cents livres d’argent qui serviront a aider les monastéres libyens particuligrement démunis®. De plus, au moment de quitter le monde, le nouveau moine fait souvent don de tout on partie de ses biens au monastére ot il va demeurer : ainsi I’un arrive avec deux tapis au monastére de Pakhéme tandis qu’un autre, riche propriétaire foncier, apporte gros et petit bétail, instruments agraires et, aprés avoir convaincu toute sa famille, esclayes compris, d’entrer au couvent, it donne aussi vraisemblablement la terre et la maison qui devait devenir Je monastére de Tébeu®®. de la féte de Pierre évéque d’Alexandrie et martyr, le 25 noy., honoré par son succes- seur Alexandre. 35. P. Oxy. 2673. 36. Ps, AtBanase, c. 84 et 85 (or, coupe en terre, cruche A eau, richesses diverses) ; P. Ony, 1901 (Vi° s,); Flavius Pousl, petit fonctionnaire, légne le mioitié de sa maison & Véglise locale ; les églises et les monestéres possédent des bateaux dés le 1v¢ s., ‘Wilcken, Crest. 434 (390), mentionne un navire de l’église d’Alexandrie utilisé pour le transport de I'embolé de I’Hermoupolite & Alexandrie ; P. Ross. Georg, IIT, 6, des bateliers de l’église. d’Oxythyuchos transportent des marchandises privées, cf. également les bateaux des mouastéres pakhémiens (deux au tentps du fondateur, Vie de Pakhéme, 113) plusieurs au temps de Théodore, ibid, 146), mais il ne s'agit pas toujours de donations, bien que I’on ait fait remarquer qu’un bateau se légue plus facilement qu'une terre, v. R. R&MONDON, L’Eglise dans la société égypt. & Pépoque byz., dans Chronique @’ Egypte, 10972, pp. 254-277 et plus particuliérement p. 257 j ils sont aussi construits par les moines ou encote la propriété d’um évéque, P. Oxy. 2729, 1. 7-8 (fin 1V® s,, Théodore) ou de son fils, P. Harris 94, lig. 12-13 (Apol- Jon, fils de Dionysos). Pour ies boutiques et les ateliers (en particulier les boulangeries), les documents cités par R, Rémondon, Chron, d’Eg. 1965, p. 171 (P. Alex. 32, inv. 18, 448 0 463), ou par E, WirszycKa, Les ressources ef les activités économiques des églises a’ Egypte du IV¢ au VIIIe s., Bruxelles, 1972, pp. 57-63, sont tardifs, 37. Socrate, H.E,, IV, 23. 38. Palladins, Hist. laus., X, 2-3. CE. Apoph. Pair., Arsénios, 27, testantent d’un séaateur Al’abba Arsénios quile refuse. 39. Vie de Pakhéme, 39 et 80 : Kal poviw adc Tn Bed Leyonévny BSaxsy ; ce n'est pas Vopinion de E. Wipszycka (qui s’appuie sur l'étude de Schiwietz, 1904) dans Les Terres de la congrégation pakhdmienne dans une liste de payements pour les Apora, dans Hommage a C. Préaux, Bruxelles, 1975, pp. 625-636, plus particulitrement p. 635 et note 3, 10 ANNICK MARTIN — Ce sont en effet, les donations et legs en biens-fonds qui fournissent Vessentiel des revenus ecclésiastiques. Ceux que l’on connait pour le ive siécle restent toutefois modestes et sont le fait de petits et moyens propriétaires : donation « de tout son bien» par un militaire retraité, dont la moitié en usuiruit pour sa veuve, a I’église locale de Pathyris*, donation d'une aroure a la communauté locale par un propriétaire d’Oxy- rhynchos", Ce dernier document de 1a fin du mr® sidcle est particuliére- ment intéressant car il fait allusion & « une ancienne coutume » montrant que probablement dés la constitution d’une communauté séculitre (et, plus tard, monastique), le systéme du don a fonctionné®. Selon Claire Préaux!, une aroure permet de nourrir une personne par an sans compter les impéts. Les parcelles ainsi acquises se trouvent en général dans le méme nome que l’église on le monastére qui en ont regu don, sauf pour Tiiglise d’Alexandrie*4, et elles constituent des propriétés trés morcelées, tout comme c’est le cas des propriétés civiles#®. Ces terres sont parfois exploitées directement par un personnel attaché a ’église, ou par les moines s'il s’agit de propriétés monastiques*®, ou affermées aux paysans!”. La gestion de l'ensemble des biens meubles et immeubles de I’église épiscopale est assurée par un administrateur — l’économe — recruté parmi les membres du clergé et soumis au contréle de l’évéque®®. A Apol- jonopolis parva c’est par le moyen d'une diaconie, ici véritable service administratif de l’église épiscopale, que sont centralisés et gérés l'ensemble 40. P. Gron. 10 (premitre moitié du 1ve s.). 41. P. Oxy. 1492, il s'agit d’une parcelle donné en usufruit et destinée dla culture ; le terme employé pour le destinataire du don, t@ ton@, doit s'entendre ici de l’église Jocale plutdt que d’une communauté monastique (bien hypothétique & cette date) commie le propose, & tort pensons-nous, Naldini, dans I! cristianesimo in Egitto. Lettere private nei papiri dei secoli IT-TV, Florence, 1968, n° 30, p. 40. V. dans le méme sens, P. Oxy. 2603 et 1162, et SB 7269 (= Naldini, n° 47, 50 et 94). 42. Sur Vexistence d’une propriété ecclésiastique antérieure au IV® s., v. JONES, The Later Roman Empire, Oxford, 1964, II, p. 895 et III, p. 301, n. 54 (en particulier Védit de Maximin, Bustbe, H.E., TX, ro). 43. Annales Univ. Sarav., Philosophie VIII, 1959, pp. 8-9. 44. P. Graec. Vindob., 25885 (= SB 9527) fait état de propriétés de 1'Bglise d’Alexandrie dans l’Arsinoite au tentps de l’évéque Théophile (385-412), cf. P. Lond. I, x13 au sidcle suivant. 45. Le caractére tardif de la formation des grands domaines en Jigypte a été souvent, souligné, v. en dernier liew I, Brezunxa-Matowist, La propridté fonciére dans U Egypte romaine et le réle de élément romain, dans Problémes de la terre en Grace ancienne, éd. M. I. Finley, 1973, Pp. 253-265. 46. La date d’apparition de cette propriété fait probléme pour les mionastéres pakhémiiens, mais A ’époque de Théodore elle existe, v. infra. Les références fournies par Jones (op. cit., III, 319, n. 157) sont tardives, Apoph. Patr., Isaac, 1, pourrait @tre une allusion & une propriété monastique exploitée directement par les moines. 47. Ps. Athanase, c. 21, concerne des fermiers de l’église employant des journaliers agricoles. 48. Vie de Pakhdme, 40, Denys, prétre et admtinistrateur de ’église de Tentyra (1¥¢ moitié du 1v°s.), et Ps, Athanase, c, 61, 62, 81 et 89, chaque église du nome semble avoir le sien, qui dépend de celui de la métropole du nonte, L’EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IVe SIECLE Ir de ses revenus, parmi lesquels une taxe en argent que sont tenues de Ini verser sur leurs propres revenus les églises de sept villages (dont celui de Tanyaithis qui, 4 lui seul, en compte quatre) ainsi que des monas- tres de campagne et des corps de métiers#®, Nous ne nous étendrons pas ici sur la gestion monastique et retiendrons seulement que les biens destinés aux patvres, regroupés dans un service spécial, 1a diaconie, étaient semble-t-il, nettement distingués du reste des revenus gérés par 1’économe de la communauté®?, ‘A ces revenus provenant de la plus ou moins grande générosité des fidéles s’ajoutent dans certains cas ceux personnels des clercs et des moines, ce qui jette un jour sur le recrutement de ces derniers, comme nous allons le voir. Il est done manifeste qu’au 1Vv° sitcle I'figlise d’igypte — en dehors du sige alexandrin — est loin, semble-t-il, d’avoir acquis l’assise écono- mique (en particulier foncigre)® qui en fera une des grandes puissances des sidcles postérieurs. Et l’on sent combien I'écart économique entre ‘Alexandre, le siége métropolitain, et le reste du pays ne fait que renforcer Hautorité absolue que le patriarche d’Alexandrie détient sur l'ensemble des évéques égyptiens et libyens. IIL, Le RECRUTEMENT ECCLESIASTIQUE Que sait-on du recrutement des clercs et des moines en Egypte Al’époque qui nous occupe ? Sur les quelques 246 évéques égyptiens dont nous avons pu relever la trace sur plus d'un siécle (de !’épiscopat de Denys a la mort d’Athanase)®!, nous ne savons pratiquement rien, sinon, pour un peu plus de 60 % d’entre eux, le sidge dont ils ont été titulaires, et, dans certains cas, leurs démélés disciplinaires ou théologiques avec 1’évéque d’Alexandrie. ‘Toutefois, ’onomastique révéle l'existence de quatre grou- pes de noms : I. grecs, les plus nombreux, avec prés d’un tiers de théo- 49. P. Bad, 1V, 94, (V°-VIe s,), v. B. WrpszvcKa, Les ressources et les activités écon. des dglises d’ Egypte pp. 125-126 ; et J. Gascou, P. Fouad 87 : les monastires pakhd miens et U Etat byzantin, dans B.I.F.A.O., 1976, pp. 157-184, plus particuli@remtent pp. 181-182, qui miontre que ¢ ces bénéfices fiscaux étaient assortis de prestations adutinistratives, Etat récupérant en services ce qu'il avait cédé par une sorte de délégation de ses compétences ». L’assistance aux panvres est, en effet, considérée comme un service public A cette époque. 50. Sur cette gestion, outre la Régle, v. Vie de Pakhéme, 28, 59, 78, 81, 83, 134- ‘sob. Des temples paiens avaient déja été transformés en églises (A Alexandrie, celui de Saturne-Kronos, devenu église St-Michel au temps d’Alexandre, et le Césa~ reum devenu «la grande église » au temps d’Athanase, par exemple), mais ce n'est qu’a Vextrénte fin du ve s, que le mouventent s’antplifia et s'accompagna sans doute du transfert des biens paiens aux églises dans certains cas, P. Merion 41 (406) témoigne ainsi du transfert du Césareum d’Oxyrhynchos (qui figurait parmi les édifices paiens de 1a ville au début du 1v¢ s. (P. Oxy. 43, verso, I, 22) & l’Bgtise sous le nont de V’éyfa éxxAnoia tod Karcapeion. 51. Nous renvoyons ici a notre thase de doctorat en cours. 12 ANNICK MARTIN phores® sur une bonne centaine de noms; 2. égyptiens, moitié moins nombreux et presque tous théophores, avec, parmi eux, une forte majorité de noms hellénisés®? ; 3, judéo-chrétiens (30 noms) dont la moitié vétéro- testamentaires®4 ; 4, enfin, un peu plus d'une trentaine de noms latins®®, Ajoutons que l’ambiguité des dérivés de Théos (une douzaine) ne permet pas de trancher entre ce groupe et le premier®®. On sait que la pratique des changements de noms par hellénisation des noms indigénes rend trés difficile, pour ne pas dire impossible, l'utilisation d'un tel matériel docu- mentaire®® et que, par la-méme, il ne permet pas de connaitre le degré réel de christianisation de la khéra égyptienne. Cependant, sans trop nous avancer sur ce terrain, nous pensons pouvoir dire que les noms grees et hellénisés joints au groupe non négligeable constitué par les noms ro- mains traduisent aussi l’origine sociale d'une partie du corps épiscopal. A cet égard, on notera que les noms indigénes tels Dakhis (libyen)®%, Paphnoutios, Psais, Chenitos, ou Pakhéme, restent rares, A la grande différence de ceux que nous révélent les documents monastiques, dont on pourrait dire, en bref, qu'ils suivent une courbe inverse marquée par 1a raréfaction des noms latins et la forte proportion des noms indig&nes. Ceci est sans doute li¢ au fait que le recrutement du clergé supérieur 52. Nonts simples, tels Aréios ou Aréién, Dios, Dioskoros, Hérakls etc... ; dérivés comme Appolénios ; Appollodéros, Artemidéros etc... Mais, comme le fait remarquer V. Martin, dans son étude de l’onomastique du P. Gen. inv, 108, « sous ces vocables @aspect purement grecs, peuvent se cacher des noms égyptiens dont ils ne sont que la traduction plus ou moins fiddle », dans Recherches de Papyrologie, II, 1962, p. 61, par ex. Eudaimén, Hér6n traduiraient des noms égyptiens. 53. 48 théophores sur 57 noms, simples comme AmutOn, Anoubién, Harpokrés, Isién, ete..,, dérivés, tels Amménianos, Ammdnios, Agathammén, Blastammdn, Ischyranimén, Potamidn ; ou encore, composés de deux noms divins associés, soit égyptiens, Nilammén, Satapammén, Sarapi6n, soit gréco-égyptiens, Héraklammdn. 54. Aardn, Amiés, Blie, ilisée, Bphraim, Isaac, Isaie, Jacob, Moise, Salomon. 55. Trés peu de gentilices, et avec valeur de cognonem, Flavius, Tulius, auxquels on peut ajouter Flavianus et Sempronianus, eux-mémes dérivés de gentilices ; quelques praenomina, Caius, Lucius, Quintus, Titus, Tibérius ; la mtajorité demeurant composée par des surnoms, Aquila, Felix, Fortunatius (sic), Fortunatianus, Libour- nius, Optatus, Secundus... ; et trois théophores, Silvanus, Tiberinus, Romulus. 55b. Théoctistos, Théodoros (8 fois), Théodulos (2 fois). Théén, Thédnas. 55¢. Sur ces probléntes, outre les travaux de W. Peremans, voir V. MARTIN, L’Onomastique comme indice des rapports entre indigenes et occupants dans U Egypte gréco-romaine, dans Abten des 8 internationalen Kongressesses fir Papyrologie, Wien, 1955, Pp. 85-90, et Recherches de Papyrologie, 2, 1962, pp. 59-63. L’entreprise, qui s’appuierait sur Vonomastique pour définir I’origine ethnique, sans aucun autre indice contplémentaire, s'avérerait vouée & I’échec. V. en dernier lieu, bien que dans un domaine différent, l'art. cité supra n. 45 de Mme Biezunka-Malowist. Nous ne pouvons, dans le cadre de cette communication, que soulever ce probléme particulid- rement difficile. : 56. O. Masson, Grecs et Libyens en Cyrénatque, d’apras les témoignages de I'tpigra~ phie, dans Assimilation et résistance & la culture gréco-romaine dans le monde ancien, VI° congrés intern. d’ Et. class., Madrid, 1975 (1976), p. 385. D. FoRABOSCHT, Onomas- ticon alterum papyrologicum, Milan, 1971, donne une seule référencé pour ce nom, Vostracon O. Tait. roto, d’époque romaine. L'EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IVe SIBCLE 13 demeure essentiellement urbain et touche les milieux 1a plupart du temps hellénisés. On s'en convaincra aisément en comparant a titre d’exemple la liste du clergé mélitien tel que nous le connaissons pour le 1v® si&cle’?, et les signatures des lettres émanant de communautés monastiques également mélitiennes pour la méme époque®*, C’est dans ce dernier groupe, incluant parfois les noms de simples laics, que les noms coptes se trouvent les plus nombreux, tandis que les noms grecs et hellénisés sont le mieux représentés parmi les membres du clergé (26 sur 44 noms). Les conditions fiscales permettent aussi de rendre compte, en partie, de l’attirance des riches pour les fonctions ecclésiastiques. C’était une des maniéres d’échappert aux mumneva et de bénéficier de certaines immu- nités®®, comme Athanase se plait 4 le dénoncer 4 propos du recrutement du clergé mélitien®. Nous avons évoqué un groupe de noms judéo-chrétiens dont l’impor- tance numérique est comparable A celui des romains. Cela ne surprendra pas de constater que la moitié des noms ont été repris de I’Ancien Testa- ment, dans un pays ot les Juifs sont nombreux et pas seulement 4 Alexan- drie. C’est aussi, pensons-nous une indication sur un des milieux dans lequel continue de se recruter le christianisme dans les cités de la khéra. Bt si certains évéques sont encore issus — dans quelle proportion, nous Vignorons — de mitiewx paiens, de Philéas de Thmuis a l’aube du rve siécle & Synésios de Cyréne au début du v® siécle, d’autres proviennent désormais de familles déja chrétiennes, comme en témoignent les noms de Pierre, Philippe, André, Timothée, Etienne, Marc, Jean et Paul, sans compter Irénée qui, au 1v® siécle, a pris une coloration nettement chré- tienne™. Ces quelques renseignements, si ténus soient-ils, s’ajoutent a quelques autres montrant que les cadres de I’Eiglise égyptienne appartiennent en grande majorité aux catégories aisées de la population, celles qui vivent de leurs revenus fonciers et dans lesquelles se recrutent également les curiales, les fonctionnaires de l’administration impériale et les cadres de l’armée. Ainsi un registre foncier de la deuxiéme moitié du iv siécle Athanase, Apol. c. Av., 71, 5-6, 4° Letive Festale, 5, P. Lond. 2487 (= éd. Bell, 1ot4}» Sozomine, HE, 11, 24, 5) Wilaive, jrg. hist, Il, C.S-E-L, 65 Pp. 76-77, n° 34, 41, 43, 52, 53 58, 66, Athanase, De Syn., 12, 3, Bpiphane, Haer., 73, 26, 6, Libellus Precum, 26. 58, Athanase, Apol. c. Ar., 67, et le dossier des papyrus mélitiens édités par H. I. BELL, Jews and Christians in Egypt, London, 1924. 59. C, Th. XVI, 2, 1-2 (313), -v.. J. Gaupemer, L’Eglise dans PEmpire romain aux IV et V6 sidoles, 1958, pp. 311-315 et A. H. M. Jonxs, The Later Roman Empire, TL, 745-746 et 912. 60. Hist. Ar., 78, 1 et 3. 6r. V. & ce sujet les remarques de H.-I. Marron, dans Problémes génévaux de Vonomastique chrétienne, L'onomastique latine, Colloque international du C.N.R.S., 1975 (1977), PP 431-433. Faut-il y ajouter Makarios, nom qui n'apparait dans les papyrus qu’a partir du ms, ct dont Ja fréquence auguiente du 1V* au Vit? s. (v. Foraboschi). 14 ANNICK MARTIN donnant 1’état des biens des citadins d’Hermoupolis mentionne un Dios apiscopos, propriétaire de 466 aroures, et parmi les propriétaires d’Anti- noupolis possédant des biens dans ce méme territoire hermoupolitain figurent trois autres episcopoi, AmmOnios, Arién et Makarios, pour des biens, il est vrai, plus modestes allant de quelques fractions d’aroure & 8 et 19 aroures, mais il n’est pas exclu qu’ils aient possédé des parcelles dans le territoire méme de leur cité. D’autres sont propriétaires de ba- teau(x), tel I'évéque Théodore d’Oxyrhynchos a la fin du rv® sigcte®, Les canons du Ps. Athanase témoignent également de ce que des prétres sont recrutés parmi les riches propri¢taires et continuent d’exploiter eux-mémes leurs terres avec leur famille® ; et ils dénoncent la tentation de certains d’utiliser a fonction épiscopale comme source de profit®®, en particulier par 1a captation des donations des fidéles®, Ils font un devoir A I’évéque de compléter sur ses propres tevenus les insuffisances éventuelles des revenus des églises dont il a matériellement 1a charge, pour I’entretien des clercs, des batiments et des panvres®”, ce qui suppose que nombre d’entre eux avaient une fortune personnelle, Plus modestes, certains prétres ou diacres entretiennent leur famille en louant un fonds®®, ow un troupeau® ou encore en exercant tout autre métier”, Un rapide sondage dans les sources monastiques permet de constater que nombre de moines, en particulier les supérieurs de monastéres, sont également issus de ces mémes milieux aisés et instruits, tel cet Agathos, fils d’un curiale d’Arsinoé, et rédacteur d’un acte de cautionnement pour un prétre de village” ou ce protokomate converti par Paphnutios & la vie monastique” ; tels les Antoine, Pakhdme, Pétronios, Thédnas, tous fils de propriétaires fonciers ou propriétaires eux-mémes”S ; certains sont dits « de noble origine », « d’illustre famille », et «riches», tels Amoun de Nitrie, Archébios de Diolkos, Joseph de Thmouis, Arsénios, ancien haut fonctionnaire impérial, Isidoros de Nitrie”; d’autres encore, plus 62. P. Flor. 71, 147, 510, 519, 73% les trois derniers ne sont peut-étre que des chorévéques. 63. P. Oxy. 2729. P. Harris, 94, mentionne un fils d’évéque, propriétaire de bateau. 64. C. 70. 65. C5. 66. A. H, Jonus, The Later Roman Empire, 1964, II, p. 896-897. Le canon 56 du Ps. Ath, fait allusion awx orphelius recueillis par un prétre du voisinage qui ue doit pas en profiter pour accaparer leur bien. 67. ©. 65. 68. C. 69. 69. SB 9622 (Théadelphie, 343), un diacre et sa famille vivent de l'exploitation d'un troupeau de 500 nioutons, 8 veaux et 5 anes, loués par ses fils. 70. Ps, Athanase, c. 49. 7. PB. Warzd. 16. 72. Hist. mon. Aeg., XIV, 10-15. 73. Vita Ant.,1 et 2 ; Viede Pakhéme, 3 et 80 ; Cassien, Coll., XXI, 1. 74. Hist. mon. Aeg., XXII, 1; Cassien, Inst., V, 38; Coll., XVI, 1 (cf. Inst, IV, 29 et XI, 13) ; Apoph. Pair., Arsénios, r ; Hist. laus., I, 1 et 4. L'EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU Ive SIECLE 15 rares, sont fils de marchand, ainsi Paesios et Isaie, ou marchands eux- mémes, tel Apollénios de Scété, et Salomon de Rhinokorara’® ; et le pére de Makaire 1’Rgyptien exploitait le natron”®. A Vaisance matérielle est en général li¢ un certain degré d’instruction reconnu, dans les canons du Ps. Hippolyte par exemple, comme « le signe des prétres?’ », Nombre de clercs nous sont ainsi connus au Iv® siécle de maniére indirecte par les actes civils qu’ils rédigent 41a demande des populations villageoises (contrats, actes de cautionnement...), et un siécle plus tard, on le sait, on les trouve nombreux dans les bureaux de l’administration publique et dans celle, privée, des grands domaines”®. De méme les moines ne sont pas ces énerguménes crasseux et ignorants dont I’époque tardive se complatt & conserver l'image. On nous signale parmi eux des gens « lettrés », entendons par 14 qu’ils connaissent le gree et souvent le copte, tel Kronios, qui servit d’interpréte 4 Antoine, ou encore Théodore qui exerga les mémes fonctions auprés de Jean de Lyko- polis?® ; ou bien seulement le latin®®, A cause de leur origine occidentale. Certains, tel Bulogios, ont « parcouru le cycle complet des études » tandis que d’autres « parlent méme les trois langues®l », le grec, le copte et le latin. Enfin nous voudrions rappeler ume fois de plus® que l'ignorance du grec ne doit pas étre assimilée 4 une absence totale d’instruction et qu’étre copte n’est pas nécessairement synonyme d'illettré. La Bible fut traduite en copte dés le 1° siacle et quand le lecteur de la petite église de Khysis en Oxyrhynchyte dit qu’il est « illétré », (ce qui frise l'absurde !), on est en droit de se demander s'il ne faut pas comprendre qu'il ne lit pas le grec®9, C’est ce niveau d’instruction et parfois de culture®4 qui, en plus des qualités morales requises, explique qu'Athanase ait choisi de recruter un certain nombre d’évéques parmi les abbés de monastéres. Déja A Vassemblée d’évéques et de moines réunie pendant 1’épiscopat de l'intrus Grégoire ( entre 339 et 345) 4 Latopolis en Thébaide pour 75. Hist. laus., XIV, 1 ; XIII, 1; Sozomténe, H.E., VI, 31, 10. 76. Cod. Vatic. copt., UXIV, fol, 152, cité par H. Leclercq, art, Seéié, D.A.C.L., XV, I (1950), 997. 17 Go Oe 78, E, WipszycKA, Les vess. ot les activ... p. 163, en fournit des exentples, 79. Hist. laus., KRI, 15 ; REX, 5-6. 80, Tel Syniéon, originaire d’Ttalie, copiste en latin, Cassien, Inst., V, 39, 1-2. 81. Hist. Jaus., XX, 3 ; Hist. mon. Aeg., VILL, 62 3 VI, 3. 82, R. Rémondon, art. cit., Chron. d’Eg., 1972, p. 259 et suiv. Cf. L. Th, LEFORT, S. Athanase, éovivain copte, dans Le Museon, t. 46, 1933) D- 1-33- 83. P. Oxy. 2673, Aurélios Amménios, fils de Kopréns, est égyptien. 84, A ce sujet, om peut relever que les documents monastiques tiennent parfois a le préciser, surtout quand ils sont destings & étre lus par les classes supérieures de la société. Ainsi, outre les exemples déja donnés injra n. 74, Dioklés a fait des études de philosophie, il est dit yyaorindtatog, Hist. laws. L,VILI, 2-3; Amménios et Diosk6ros de Nitrie sont « érudits », Hist. Laus., XI, t et X, 1. Hérou d’Alexandrie, Hist, laus., XXVI, 1, Sarapion, ibid., KXXVII, 1, Jacob, ibid., XLVIL, 1, woot Kétatog els Uxpov, Pétirous est physicien, Socrate, H.E., IV, 23. 16 ANNICK MARTIN régler le cas de Pakhéme, deux évéques, Philon (de Thébes) et Mouis (de Latopolis) sont interpellés par le Tabennesiote : « n’étiez-vous pas jadis moines avec moi att monastére avant de devenir évéques'® ? », Lun des deux, Mouis, est & nouveau cité avec six autres moines abbés devenus évaques par Athanase pour convaincre Drakontios d’accepter le siége d’Hermoupolis parva®® afin qu'il ne tombe pas en des mains indignes : parmi eux, on feconnait Sarapion de Thmouis, l’ami d’Antoine, Agathos de Phragonis et Ammonios de Pachnemounis®”. A Ia fin du 1v° et au début du vé siécles la pratique semble se développer : on peut citer Mélas de Rhinokorura, qui subit la persécution de Valens contre les Nicéens, et & qui suiceéda son frére, moine Iui aussi, Salomon ; Adelphios de Nilopolis, Apphous d’Oxyrhynchos, Nétras de Pharan dans le Sinat ; Archébios de Panéphysis® ; enfin le sitge d’Hermoupolis parva est devenu l’apanage des moines de Nitrie depuis I’élection de Drakontios en 354°. L/évaque joue un réle important dans la formation de ses clercs comme dans Venseignement de ses otiailles® ; c'est Iui en particulier qui doit contr6ler que les textes lus par le lecteur a P’église ne sont ni apocryphes ni hérétiques et que les hymnes chantés par le peuple des fidales sont bien les Psaumes de David et non des chants profanes tels que ceux composés par les Méli- tiens®, On sait que la 39° lettre festale d’Athanase a pour objet de définir avec précision Ja liste des écrits canoniques®® et, de nombreuses fois, 85. Vie de Pakhéme, 112 ; la précision des siéges vient de la liste de 340 fournie par Athanase, PG 26, 14130, pour Philon, et de celle de 347 (19° lettre festale) pour Mouis, ibid. 1430B. 86. Lettre 4 Drakontios, 7, PG 25, 532A ; la lettre date de 354. 87. Pour Sarapion, Vita Ant. 82 et or et Hist, acephala, 3 (353). Le sitge d’Agathos est précisé dans le Tome aux Antiochiens, 10, (362), PG 26, 808B ; celui d'Amménios parl’Hist, acephala, 3, et la signature du Tome aux Ant., ibid. 88. Sozomtane, H.E., VI, 3, 6-11 89. Apoph. Patr., abba Sisods, 15 ; ibid., Apphous ; Néwvas ; Cassien, Coll., XI, 2. Qn connait I’histoire d’Ammo6nios qui préféra se couper l’oreille plutot que d’accepter de devenir évéque, au temps de Timothée d’Alexandrie, Hist, Laus,, XI, 33 et Hist. mon, Aog. XX, 14 (qui amiplifie) ; Nilammon de Gera, A qui Théophile fait la méme proposition, refuse et meurt le jour de l’ordination, Sozomene, H.E., VIII, 19, 3-7. 90. A Drakontios suce8dent Isidoros, puis Dioskoros, Lettre d’Ammdén & Théophile, 32, €d, Halkin, Subs. hagiog. x9, p. 119, Hist. laus., XLVI et X, 1, XII, x (Dioskoros). or. Lors des repas pris ensemble par exemple, v, supra n. 34. C’est A Ini qu'incombe Vexplication de I’Reriture. Et il les réunit au moins trois fois par an (A Paques, a la Pentecéte et 1’Epiphanie) pour leur donner ses instructions, Ps. Ath., c. 68. 92. Ps. Athanase, c. 18 (cf. c. 11), ¢. 12, et c. 59 ef. concile de Laodicée, c. 59. ‘Phéodoret, Hacret. jabul. comp., IV, 7, fait allusion aux hymnes que les Mélitiens composaient enx-mémes et qu’ils chantaient en les accompagnant de battements de mains et en dansant. On sait, d’autre part, qu’Arius avait composé des chants pour les marins et les dockers du port d’Alexandrie, Philostorge, H.E., II, 2. La chanson se répand bien plus vite et agit plus efficacement que Jes écrits, surtout dans les couches populaires aux(uelles elle s’adresse en priorité. 93. PG 26, 1440 (367) ; Athanase avait déja dénoncé les Mélitiens et leur ignorance ¢ de ce que nous, chrétiens, tenons pour les Kecritures », Hist. ar., 78, 1. L'EGLISE ET LA KHGRA EGYPTIENNE AU IVe SIECLE 17 L’évéque d’Alexandrie s'en prend A ces écrits ariens et mélitiens qui cir- culent de couvents en couvents et qui trompent les simples. Que la fonction sacerdotale ait trés tot revétu un caractére prestigieux, et que I'accés a la cléricature — a fortiori a I’épiscopat — ait été par conséquent ressenti comme une promotion sociale, nous en avons des témoignages certains : tel ce diacre d’un petit village de I’Arsinoite qui demande aux autorités de Iui faire justice dans les plus brefs délais, parce que, dit-il, «je sttis diacre de l'Eiglise catholique" ». Origéne n'avait- il pas déjA dénoncé ceux « qui se glorifient d’avoir parmi leurs parents des hommes qui ont été jugés dignes de s’asseoir 4 la premiére place sur le tréne épiscopal, ou revétus de I’honneur du presbytérat ou chargés de l'office de diacre auprés du peuple de Dieu », Un autre signe en est Yattraction que cette fonction exerce sur les moines au point d’étre dénoncée comme une des tentations dont tout moine doit se défier, par Pakhéme comme plus tard par Cassien, car elle est signe, estiment-ils, d'une volonté de pouvoir et d’une recherche de vaine gloire, sources de conflit A lintérieur de Ja communauté®?. Ceux, parmi les moines, qui désirent devenir diacres puis prétres, sont aussi ceux que le désir de promotion sociale peut, en effet, conduire a la direction d’une communauté monastique et méme parfois 4 I’épiscopat, comme on 1’a déja noté. I n’en demeure pas moins qu'une bonne partie des cleres, des ermites et des moines, tant mélitiens que pakhOmiens, continue d’étre recrutée dans les catégories inférieures de la société : simples paysans, artisans des petites cités, marginaux de tout poil. Ces hommes d'origine modeste, dont les documents monastiques nous révélent parfois le métier (forgeron, charpentier, baumier, voleur, brigand, joucur de flite, ouvrier lapidaire, esclave d'un haut fonctionnaire, paysan, patre), sont la plupart du temps soit totalement illétrés tels Or, Paul, Paphnutios « Le Buffle », soit pottrvus d’une instruction rudimentaire dans laquelle mémoire et tradi- tion orale devaient jouer un rdle fondamental®®, 94, Bu particulier, la Letive aux moines, PG 26, 1185. 95. P. Lond, 412 (= P, Abinn, 55) (351), Autélios Hérdn, diacre du village de Berenikes, a été volé par un habitant du village voisin, il demande que ses vétements Ini soit rendus ¢ sans histoire », 96. In Math. Comment., XV, 26 ; et il stigmatise ceux qui, non contents d’étre parvenus au presbytérat,+mettent tout en cuvre pour parvenir & porter devant Jes hontmes le titre d’évéque c’est-A-dire de maitre », 1bid., series 12, 97. Vie de Pathéme, 27, Cassien, Inst., XI, 14. 98. Hist, mon. Aeg., XIII, 1 (Apelids, forgerou), Hist, laus. XXXV et Cassien Coll XXIV, 26, (Jean de Lykopolis, charpentier, parents obscurs, frére teinturier) ; VHist. mon., X, 3 et XIV, 2-3, rapporte le cas de deux brigands, dont Pun était devenu jouent de fitite, qui se font moines (Patermouthios et un auonymte) ef. VI, 2 3 VHist, laus., évoque celui de Moise, ancien esclave éthiopien d’un fonctionnaire, qui se fait brigand, XTX, 1-3, et celui de Kapiton, LVIII, 4, voleur, Makarios est ouvrier lapidaire, 2did., VI, 5 ; Makarios le jenne est patre, ibid., XV, 1 (s’enfuit au désert apres avoir conimis un honticide involontaire) ; Matcatlos (I’alexandrin) était marchand de cacabuétes, ibid. XVII, x ; Paul est paysaun, on le surnommte «le simple », ibid., XXII, 18 ANNICK MARTIN IV. Le ROLE SOCIAL DE 1EGLISE La reconnaissance officielle de 1’Kglise depuis Constantin lui a permis de renforcer son influence en méme temps que son prestige parmi les forces temporelles qui dominent Ja société égyptienne. Elle a également contribué — avec les immunités et priviléges dont elle a été assortie, en particulier dans le domaine des charges civiques®® — a définir 1’ « ordre » clérical au sein de la communauté chrétienne et de la société dans sa globalité. Cela se traduit encore par une participation croissante des chrétiens au fonctionnement des institutions temporelles (exercice des magistratures, armée, administration), en méme temps que 1'Fglise entretient désormais un certain rapport avec ces institutions que d’aucuns pouvaient juger ambigu sinon contradictoire avec les exigences évangé- liques. (On a déja mis en rapport 1'installation de !’Figlise dans le monde et le développement du monachisme). On diseute toujours au sujet de la nature de Ia juridiction épiscopale reconnue par Constantin dans les constitutions de 318 et de 3331 : tribunal véritable au méme titre que les tribunaux civils, ou simple procédure d’arbitrage fonctionnant déja auparavant a l'intérieur de la communauté chrétienne ? Deux documents illustrent l’existence de Vaudientia episcopalis en Egypte au iv® si&cle : P. Lips 43 ot V'évéque Plousianos (de Lykopolis), bien connu autrement pour ses démélés avec les mélitiens avant 335, figure comme arbitre dans une affaire Whéritage ot est impliquée une vierge, et P. Oxy. VI, 903, concernant une affaire conjugale oh «des évéques » sont impliqués d’abord comme témoins @un serment du mari de ne plus battre sa femme puis comme arbitres pour tne éventuelle conciliation entre les deux époux!!, Mais ils ne 1-2 (c’est A 60 ans qu'il se fait moine, trompé par sa femmie). Parmi les « illétrés », nous avons relevé les noms de Or (Hist, mon., IL, 5), Thé6n ’égyptien (ibid., VI, 3), Paul déja cité, Paphunce kephala (Hist. laus., XI,VIL, 1), Pambon (Socrate, H.E., IV, 23). Enfin dans le dossier mélitien publié par H. I. Bell, on peut lire : «moi, Kollouthos j’ai écrit (signé) pour les autres qui ne savent pas les lettres », P. Lond. 2 543 (= Bell 913, lig. 19-20). Sur le réle de Ia mémoire dans la formation monastique, on notera le cas de Jean, signalé par Sozoméne, VI, 28, « illétré mais possédant une grande mémoire », celui de Mare, « qui apprend par cosur I’eriture », ébid., 29 ; de méme des candidats au diaconat s'engagent & apprendre par coeur !'Bvangile de Jean, Crum, Copt. Osty. 29, cité par R. Rémondon, art. cit., Chron. d'Eg, 1972, cf. Vie de Pakhéme, 58. 99. Supra n. 59 ; Julien les supprimera, (et P. Sirasb, 154, requéte pour obtenir exemption de la charge de collecteur de l’annone pour le diacre Paul, est un té moin de cette nouvelle situation) ; ils seront rétablis par Valentinien I. r00. C. Th., t, 27, t et Const. Sirmond. I (333), v. J. Gaupemer, L’Eglise dans VEmpire..., pp. 230-240, et J. LALnEMaND, L’administration civile de V’ Egypte, de Favinement de Dioclétien & ta création du diocése (284-382), Bruxelles, 1964, pp. 150 152. ror. Des cleres sont souvent cités contmie téntoins ou arbitres daus les affaires de miceurs, cf. P. Grenf. I, 53 (= Chrest., £31), lettre d’Artémis A son mari soldat pour qu'il informe un de ses compagnons de chambrée des « débordements » de ses filles : L’EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IV® SIECLE 19 permettent pas de savoir si la nature des causes jugées pouvait relever d'actions civiles ou n’engageait seulement que la vie de la communauté. I arrive aussi que dans les contestations mettant aux prises deux villages et concernant l’eau ou le bornage, des moines de la région utilisent leur autorité morale pour arbitrer le conflit!”, Autres signes du prestige social des cleres, leur présence comme témoins ou garants dans un certain nombre d’actes administratifs dont ils sont parfois les rédacteurs : tel ce prétre de I’Figlise d’Hermoupolis, Dioskoride, qui, en 330, est témoin dans un acte de vente d’une terre entre deux femmes! ; ou bien ces deux prétres témoins et rédacteurs d’un acte de reconnaissance de dette entre deux personnes!4, A Philadelphie, le partage d’une succession. entre deux fréres se fait « en présence de Paul, prétre du village!® », Mais engagement auprés de l’institution administrative va plus loin quand un certain Moise, diacre d’une église de village dans 1'Hermoupolite, se porte garant, en 343, de deux paysans de la couronne devant le pracpositus pagi!®, Ce dernier type de document montre bien le caractére ambigu de l'engagement de l’Eglise, intermé- diaire entre gouvernants et administrés dans la khéra pour assurer le bon fonctionnement du systéme, en méme temps qu’au service des petits qui lui font confiance. Toujours en ce sens, on constate que la mesure du prétre de 1'Eglise devient la référence, la garantie dans les comptes de blé ou d’orge que le paysan doit verser a 1’Rtat comme impét ou au propriétaire comme loyer pour sa terre!”, Et le canon 19 du Ps. Athanase demande 4 l’évéque d’avoir dans son église « une juste mesure, pour que le pauvre ne subisse pas de tort! », Secourir les pauvres et les faibles, que l’évolution économique du rv? sigcle rend de plus en plus nombreux et démunis face aux exigences du «ne mi'interroge pas niais les prétres de I’église », Ini éorit-elle. De ménte, P. Herm. Rees, 0, tras fragnientaire, semtble étre une requéte adressée A Jean anachoréte, pour obtenir son intervention auprés du juge. 102. Hist. mon, Aeg., VILL, 30 et 36 en Hermoupolite, le mine Apollé intervient ; Hist, laus., XXX, une vierge s'interpose entre deux villages pour un problime dean. 103. Mrrrmis, Chrest, 69, lig. 9-10. 104. P. Oxy. 1026 (ve s.), ef. P. Brit, Mus, 113 (1), ott deux « prétres et économes de la sainte église d’Arsinoé » souscrivent arbitrage d'un acte ; dans P. Oxy, 1130 (484), le diacre Banos, fils de Pierre, signe pour Aurélios Abraham, d’un village de VOxyrhynchite, pour ume reconnaissance de dette, 105. P. Gen. 68. 106. P. Oslo 113 ; cf. P. Warzb, 16; de niéme dans une déclaration aux ripaires faite par quatre habitants d’an village (Iseios Zapitos) coucernant un villageots réclamié par eux, figure un Sarmatos presbuteros, P. Oxy. 897 (346), prétre ou ¢ an- cien » du village ? Les docuntents de cette sorte se font plus nomibrenx au vit s, surtout, ef. P. Oxy. 2478 (596), o& l'économe de ia sainte église de 1a résurrection se porte garant pour un coion d’un domaine d’Apion, 107. P. Princ. r00, eité par Rémondon, art. cit., p. 263. 108. Ed, Riedel and Cram, p. 28 (traduction de l’arabe), cf. c. 9 et 55. 20 ANNICK MARTIN pouvoir impérial (fisc, armée), c'est une des principales taches sociales que s'est donnée I'liglise. Cela nécessite des moyens matériels qui justifient Texistence et le développement d'un patrimoine ecclésiastique, nous Vavons vu. Les craintes des habitants de la Ahdra transparaissent dans les documents. La principale, c’est l’endettement ; car alors s’installe Je cortége des maux qui sont le lot des pauvres : manque de nourriture et de vétement, maladie, expulsion, emprisonnement ou fuite, prise en gage des enfants! Le dossier mélitien des Papyrus de Londres (v. 330-340), édités jadis par H. I. Bell, jette un jour sur le réle de I'Eglise dans un cas d’endettement causé par la pression du fisc. Il y est rapporté Yhistoire d'un marchand de vin, Pamouthis, qui, dans l’impossibilité de payer le chrysargyre, se vit dans l'obligation d’emprunter une forte somme a des créanciers qu’il n’arrive plus a rembourser ; la vente de tous ses biens jusqu’a ses vétements ne couvrit que la moitié de la dette ; en conséquence les créanciers « sans pitié et impies, arrachérent tous ses enfants en bas Age comme recouvrement de la dette et les trainérent en esclavage », il s’adresse alors 4 Heriéus, moine mélitien, qui, aprés avoir rassemblé des fonds de sa communauté, se charge de faire appel A une autre communauté de fréres, afin d’étre ainsi en mesure de réunir Ja somme exigée pour libérer les enfants", De la fin du rv? ou du début du ve siacle, une lettre rédigée par deux marchands de bié du village d’Alabastrine en Hermoupolite, Hymios et Origéne, demandent 4 un anachoréte, apa Sabinos, de leur envoyer « la petite somme d'argent pour les taxes dont est redevable le forgeron nommé Victor, parce que, expliquent-ils, nous sommes pressés en ce moment par l'auxiliaire du village!!! », L’artisan mentionné dépend sans doute du monastére. De méme Archébios, moine de Diolkos, préte assistance 4 sa mére devenue veutve et inquiétée par ses créanciers™, Apris le fisc, les autres manifestations d’appel a l'aide des populations de ia khdra A l’Eglise concernent I’armée. Ainsi wn habitant d’un village de l’Antaioupolite, pare de famille, Psois, écrit 8 apa Jean, anachoréte, pour qu'il intercéde auprés du tribun afin d’étre libéré du service mili- taire ; il explique qu’il avait déja eu recours A lui comme intermédiaire auprés de l’autorité militaire pour remettre a celle-ci huit solidi, sans résultat, Il espére donc sa libération, sinon la restitution de l'or car, ajoute-t-il, « j'ai déja donné mes enfants en gage au préteur!® », De méme, tog. Le cas suivant rapporté par I'Hist. mon. Aeg., XIV, 5~7, est courant : une femmie fuit au désert pour échapper aux appariteurs des archontes et des bouleutes de sa cité & cause d'une dette fiscale de son mari, de 300 sous d’or ; le mati a été entprisonné et les trois enfants yendus a I’encan. tro, P. Lond. 2544 (= Bell 1915) et 2545 (= 1916). rx. PSI XIII, 1342; sur Pauxiliaire de l'exactor, chef fiscal du miunicipe, v. J. LALLEMAND, Liadministvation civile.., p. 125. Le diacre Paesios leur sert d’inter- ‘iédiaire, Il est impossible de savoir s'il s'agit d'un don ou d’une avance. 122, Cassien, Inst. V, 38. 113, P. Herm, Rees, 7 (iin rv° s.). L’EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IV® SIECLE 25 provenant d’Hermoupolis, une demande pressante d’intervention est adressée par une veuve, Leuchis, 4 un apa Jean : « aprés l’assistance de Dieu, c'est la tienne que j’attends, pour que tu fasses une requéte au tribun des Goths et qu’il retire ses soldats de ma maison, car je suis une veuve. Seigneur, au nom de Dieu, fais cela44», La correspondance @Abinnaeus, préfet du camp de Dionysias, comprend une intercession du prétre Kaor, du village d’Hermoupolis en Arsinoite, en faveur du soldat Paul qui a déserté : « pardonne-tui pour cette fois! », écrit-il, D'autre part, V’allusion a la citation évangélique du « verre d’eatt donné a un de ces petits », nous autoriserait peut-étre a considérer une autre requéte adressée au méme Abinnaeus dont le début est malheureusement mutilé, comme émanant d’un clere ou d’un moine : elle concerne une demande de libération pour une recrue, « parce que sa mére est veuve et qu’elle n’a personne d’autre sinon lui», L’influence de I’Eglise, reconnue comme une force sociale importante, est désormais suffisante pour qu’elle puisse, dans une certaine mesure, protéger les faibles. Viendra pient6t le temps ott les évéques seront recrutés en fonction de leur capacité A défendre les populations contre les invasions ou les raids Blemmyes. Crest le cas, par exemple, de cet officier de l’armée de Valens, Sidérios, revenu en Pentapole pour gérer ses terres, et que les habitants d’Hydrax et de Palaebisca, villages dépendant d’Erythrée, propostrent comme évé- que pour ditiger leurs églises”, Enfin on connait Je role joué plus tard par 1’évéque Apion dans la défense de Syéne, Eléphantine et Philae4S. Iyassistance aux pauvres est une des taches principales de I’évéque et c'est ce que rappelle vigoureusement le canon 14 du Ps. Athanase : « qu’est-ce donc que la tache d'un évéque, s'il ne visite pas son peuple atin d’apprendre comment il vit ? (...) Un évéque qui aime les pauvres, celui-la est riche, et 1a cité et son territoire I’honoreront, et, durant sa vie, V'église ne manquera pas de se développer (...) et dans sa cité il n’y aura pas de pauvres, car léglise de la cit¢ est riche », et d’évoquer ensuite un des devoirs élémentaires de l'évéque : la distribution régulitre (chaque dimanche, et trois fois par an, 4 Paques, a la Pentecdte et a !'Epiphanie) des auménes et des prémices des fruits aux pativres, aux veuves et aux 114, P. Herm. Rees, 17 (v° s.), signalé par C. Prtaux, Chr. Egyp., 1965, p. 476 et traduit par R. Rémondon, art, cit,, p, 266. 115. P. Lond. I, 417 (= P. Abinn. 32) ; Paul est chrétien et il a pu trouver refuge chez le prétre, tout contme ces déserteurs qui ont laissé leurs graffiti sur les nuts du monastére de Phoibammion dans la montagne thébaine (1ve/v° s.), Ch. BacHa- ary, Le monastive de Phoibammon dans la Thébatde, 11, grajfitt, inscript. ostr., Le Caire, Publ, Soc. Arch. Copte, 1965, pp. 5-20 : graffiti édités par Rémondon. 116. P. Gen. 51 ( = P. Abinn, 19). Ce pourrait étre apa Mios, qui a signé trois autres lettres du méme dossier. 117. Synésios, Ep. 67, PG 66, 1413C. 118. P. Leid. Z (= Chvest. I, 6) ; ’évéque demande aux entpereurs que les soldats de la garnison soient placés sous ses ordres pour une défense efficace des habitants réfugiés alors dans les églises transformées en forterresse contre les Blemintyes et tes Nobades (425-450). 22 ANNICK MARTIN orphelins selon leurs besoins, la visite fréquente des malades et des prisonniers™, Des repas étaient organisés pour les patvres et pour les veuves, soit par des particuliers soit par l’évéque qui les présidait!2, Ces distributions étaient alimentées grice aux offrandes des fidéles sous forme de dons en nature ou de prémices, et aussi, nous l’avons vu, par Jes revenus des églises et, parfois, des biens personnels des clercs. Les monastéres jouaient également un réle important dans I’assistance aux pauvres. La Vie de Pakhéme montre bien que le travail manuel exigé des moines (sous la forme de fabrication de nattes et de corbeilles souvent, beaucoup plus que du travail de la terre) répond A une double fonction : assurer lentretien des moines, qui ne doit étre a charge 4 personne, (on notera qu'il s’agit du minimum vital, alimentaire et vestimentaire) et distribuer le surplus aux indigents!!, Ainsi le fruit du travail monastique est nécessaire pour répondre au devoir d’hospitalité et d’assistance. Un passage de I’Historia monachorum montre comment, A la fin du rve siacle, le service des pauvres était assuré par les monastéres dirigés par apa Sarapion dans l’Arsinoite : « grice au travail des fréres... qui Ini apportaient le grain que chacun avait obtenu pour salaire de la moisson... : tout ce grain ils le fournissaient par son entremise pour le service des pativres », ceux des alentours et méme ceux d’Alexandrie ; et l’auteur de faire remarquer que « cette forme d’administration » est répandue dans toute I’Rgypte et que les monastéres envoient ainsi une part du fruit du labeur des fréres aux pauvres de la capitale, sous forme de « navires pleins de blé et de vétements!” », On rapprochera de ce texte un passage des Institutions oi: Cassien rapporte que les moines d’Egypte ne se conten- tent pas de se nourrir en travaillant mais qu’ils restaurent aussi les fréres visiteurs et les pélerins et que « plus encore, réunissant en grande quantité nourriture et ressources diverses, ils les envoient dans les régions de Libye qui souffrent de la sécheresse et de la famine, et méme dans les villes pour ceux qui dépérissent dans la misére des prisons!?* », Nous sommes vraisemblablement ici en présence de cette institution, jadis étudiée par H.-I. Marrou, la diaconie, « service d’assistance fonctionnant (ici) a Vintérieur d’un couvent! », alimenté non seulement par les générosités des fidéles mais encore par le fruit du travail des moines. Nous ajouterons, d’autre part, que sont considérés comme pauvres aussi bien d'autres moines de régions moins favorisées que la vallée du Nil, comme Ja Libye, que les indigents des villes, dont les plus nombreux ont trouvé refuge 119, Ed. Riedel and Cram, pp. 25-26 ; ¢. r5, p. 26, c. 16, pp. 26-28. 120. Ps. Hippolyte c. 32 (tepas pour les panvres), c. 35 (tepas pour les veuves) ; Ps, Athanase, c. 16, cf. concile de Gangres, ¢. 11. x21. Vie de Pakhéme, 6, 14, 28, 113, 134. Cf. P. Iand. VI, too. 122. XVII, 1-2, c’est le terme oikonomia qui est employé ici. 123. X, 22, cf. Hist. laus., RX, 9 (le surplus sert ici A l’entretien des monastéres de femmes et aux prisons), Sur l’extréme pauvreté des monastéres de Libye, ef. ibid. X, 2-3. S’agit-il de tons les prisonniers ou seulement des chrétiens ? 124. Op. cit., p. 134, cf. supra. 33 et 49. L’EGLISE ET LA KHGRA EGYPTIENNE AU Ive SIECLE 23 a Alexandrie. A cet égard, on peut se demander, au vu de ces documents, si l’Figlise d’Alexandrie ne prélevait pas déja a cette époque (sans doute sous forme de taxe) une partie des biens que centralisaient les diaconies des monastéres et des églises égyptiennes, en plus des revenus des terres quelle possédait en Egypte!®, Enfin le dossier des libéralités impériales en Egypte va nous permettre de préciser ceux, parmi les pauvres, qui avaient le plus de chance d’étre concernés par les institutions de charité en ce Ive siécle. On sait en effet que parmi tes priviléges dont il a gratifié 1'Rglise, Constantin avait alloué 4 chaque cité des subsides annuels en espéces ou. en nature prélevés sur les impositions publiques pour la subsistance des vierges, des veuves et du clergé. La mesure, rapportée par l’empereur Julien, fut rétablie par Jovien aprés amputation d’un tiers a cause de la disette ; elle était encore en vigueur dans la premiére moitié du v® sidcle!29, Cette fourniture en blé ou en pain était placée sous le contréle de Pévaque. Ceci explique que seuls les membres de le communauté catholique en bénéficiaient. En effet, quand le rapport de force entre Athanase et le pouvoir impérial se renverse au profit des Ariens et de leurs alliés Mélitiens, comme entre 339 et 345, en 351, ou entre 356 et 361, ceux-ci revendiquent précisément que le blé soit retiré aux Athanasiens et leur soit donné#7, C'est donc bien reconnaitre qu’orthodoxie et droit 4 l’assistance allaient de pair. Le soin des veuves, reconnues par I’iglise depuis longtemps comme une catégorie particuligrement démunie et faible parmi les pauvres, est un des devoirs qui incombe aux clercs!°8. Il semblerait, du reste, qu’elles 125, Ceci est assuré sans preutve suffisante commie le recounatt 1. Wipszycka, op. cit... 127, 126, Sozomene, H.E., V, 5, Taéodoret, H.E., 1, rt et IV, 4; confirmation par une loi de 452, C. Just,, I, IT, 12. Les Ariens accusent en 338 /339 Athanase d’avoir vend & son profit ce blé destiné A la subsistance des pauvres et des veuves, Apol. c. Ar., 18, 2-4, repris par Socrate, H.E., II, 17; on se souvient d'une accusation du ménte gente, portant sur les blés destinés A Constantinople, qui valut a1’évéqued’Alexandrie Wétre exilé A Treves en 335, Apol. c. Av., 9 et 87. Cette allocation ne doit pas étre confondue avec le préléventent sur I'annone destiné aux habitants d’Alexandrie depuis Dioclétien et distribué sous fornte de pain, que empereuz nienace de suppri- ater si la capitale égyptienne n'exécute pas ses ordres, Athanase, Hist, Ar., 54,1 et 63, 1. 127. Athanase, Apol. ¢. Ar., 18, 4, Hist. Ar., 10,2 (339); idid., 31,2 (350) et 61,2, Apol. de juga 6 (356). Les Mélitiens étaient excius de ces distributions, P. Lond. 2487 (= Bell rgr4) lig. 48-50. Le concile de Gangres, c. 7 et 8 rappelle que pour pouvoir bénéficier des dons, prémices et oblations, il faut étre accepté par I’évéque ou son économe, ce qui suppose un contréle établi au moyen de liste. De cela nous avous témoignage par le c. 6 du Ps. Athanase. Rappelous que le rescrit du 1* sept. 326, C. Th., EVI, 5, 1, exclut des immunités et privildges accordés aux chrétiens les hérétiques et les schismatiques. 128. Athanase, Hist. Ar. 61, 2 évoque ¢ les cletcs chargés du soin des veuves > 4 Alexandrie. En dehors d’Alexandrie, il semble que ce soin ait incombé & I’économe de l'église, (P. Wisconsin inv. 77 (480), fourniture de vétement). V. éga.emtent P. Oxy. XVI, 1954, 1955, 1956 (fin 5¢8.). 24 ANNICK MARTIN aient figuré sur une liste propre, différente de celle des pauvres. De riches laiques pouvaient aussi décider de subvenir aux frais d’entretien de l’une (ou plusieurs) d’entre elles!29, Les canons de l'Figlise égyptienne font également un devoir aux évéques et aux clercs de prendre un soin particulier des malades pauvres, Hopitaux, hospices, hételleries ne font leur apparition comme institutions qu’a la fin du ive siécle et A Alexandriel®°, Toutefois ces malades pauvres sont déja recueillis dans le dortoir — koimetivion — de 1’églisel®%, ils sont noutris, et I’économe doit veiller sur eux « comme sur les vases sacrés, car ils sont l'image de Dieu », rappelle le canon 80 du Ps. Athanase. Ainsi s’élabore progressivement l'image d'une Tiglise sécurisante et bienveillante pour les faibles en méme temps que se renforce son assise matérielle et que la place qu’elle oceupe dans la société égyptienne la range du cété des privilégiés. I,'installation dans le monde implique aussi Vinsertion dans le réseau de l’ordre dont les puissants (représentants du pouvoir impérial, propriétaires) tiennent les fils. Et en Rigypte, 1’Mglise a renforcé aussi 4 sa maniére l’emprise d’Alexandrie sur le reste du pays. R. Rémondon avait raison de rappeler qu'il est impossible tant 4 une large communauté qu’A une société de s’en tenir au service exclusif de Dieu, et que «ce ne peut étre qu’une solution personnelle conduisant & la solitude absolue!4», C’est au niveau de 1’enrichissement matériel que le danger devait étre d’abord ressenti, et de cela nous avons un témoin en Ja personne de Théodore, qui, vers le milieu du rv? siécle, a tras lucide- ment pergu les conséquences du développement des dons et des legs aux convents pakhémiens : « les fréres avaient acquis beaucoup de terrains et aussi aprés quelque temps beaucoup de bateaux, puisque chaque monastére construisait des navires : ils devinrent donc sujets 4 des préoc- cupations et A de graves soucis... Quand Théodore vit que beaucoup de moines commengaient 4 s’éloigner des anciens fréres quant 4 leur fagon de vivre, il se désola A leur sujet... Notre négligence s’est multipliée et nous ne faisons pas le bien », constate-t-il amérement!®, Outre 1’écart x29. Cassien, Coll., XVIII, 14, une vierge d’Alexandrie, isme de milien aisé, demande & Athanase « de Ini donner, pour la nourrir, quelqu'ume des veuves entre- tenues sur les deniers de l’église », 130. Isidoros est prétre et EevdSoxo¢ de ’Viglise d’Alexandrie au temps de Théo- phile, Hist. Jaus., I, 1 (Sozoméne, VIII, 2, Socrate, VI, 2) ; Makarios est responsable @un hospice pour les mutilés 4 Alexandrie égelement, ibid., VI, 5 et 8 (Cossien, Coll., XIV, 4), Vhopital comprend un étage pour les fenimes et un rez-de-chaussée pour les hommes, Une hotellerie est attenante a l’église de Nitrie, Hist, Jaus., VII, 4. ‘Un fils de riche marchand espagnol utilise sa part d’héritage & construire un monas- tére avec quelques fréres et & y recueillir étrangers, infirmes, vieillards et pauvres. Ibid., XIV, Les malades sont i’objet d'une attention particuliére de la part du Ps. Athanase, qui, pourtant, ne meutioune pas d'instituticn appropriéey e. 15, 30, 36, 471 80. 330b. Ps. Hippolyte, c. 24. 131, art, cit., p. 277. 332, Vie de Pahhéme, 146, ct. 127 (schisuie de Monchésis). L’EGLISE ET LA KHORA EGYPTIENNE AU IVe SIECLE a5 par rapport aux exigences premiéres que la communauté s’est fixée, il est intéressant de constater que Théodore est également sensible 4 1’écran que créent les richesses entre la communauté elle-méme et le monde extérieur, celui des pauvres. Un cas flagrant nous en est fourni par un autre passage de la Vie de Pakhéme oi\l’on assiste au détournement d’un don de blé destiné par un Iaic aux condamnés aux mines, en faveur de Ja communauté de Tabennési!**, Ainsi cette justification du patrimoine, que nous évoquions tout a l'heure comme nécessaire 4 une tAche sociale définie, perd alors son sens. Certes, une partie des dons aux églises ou aux couvents est redistribuée aux pauvres. Mais ceux-ci prélévent aussi une part importante des dons des fid@les pour leur entretien et celui des batiments, nous l'avons vu ; a l’exigence premiére du travail pour gagner son pain, qui continue d’exister, se substitue progressivement, semble-t-il Ja notion d’entretien du clergé et des moines sur le patrimoine ecclésiasti- que. Le don aux pauvres est d’abord un don 4 telle église ou a tel monas- tére, si bien que trés t6t l'institution ecclésiastique fait paradoxalement écran aux « vrais » pativres, Enfin au niveau des comportements sociaux, on peut difficilement juger de V'influence de l'figlise et de son efficacité dans la diffusion du modéle chrétien. Cependant 1a littérature monastique témoigne que la réputation acquise par certains moines ne se fit pas seulement sentir auprés des grands de ce monde, qui cherchaient a les rencontrer pour leur édification personnelle et dont certains redoutaient aussi manifeste- ment la concurrence de ce nouveau pouvoir!$4, Elle attire aussi, nous l’avons vu, des marginaux, des déclassés sociaux, brigands, voleurs, qui finissent parfois au couvent, Mais encore, le modéle monastique pénétre chez les jaics, La pratique de l'ascétisme par des vierges continuant de vivre dans leur famille est bien attestéel®®, et il n’est pas rare que dans une méme famille plusieurs membres entrent au couvent!®8, Enfin la pratique de la chasteté par des couples chrétiens est signalée dans les récits hagiographiques comme un fait remarquable. Certes elle s’explique parfois par la contrainte exercée par les parents a l'occasion du mariage, c’est ce qui est arrivé A Amofin, qui vécut chastement dix-huit ans avec 133. Vie de Pakhéme, 30. 134, Jean de Lykopolis est ainsi visité par le gouverneur de Thébaide, et par des officiers avant leur départ en expédition dans la région de Syéne, Hist. mon. Aeg., I, t-ro ; sa réputation parvint jusqu’au palais impérial et il prédit & Théodose et la révolte de Maxime et d’Eugéne et sa propre victoire (Cassien, Coll., XXIV, 26). Abba Moise regoit la visite du chef de la région de Scété, Apoph. Patr., Moise, 8, de méme abba Poemen, ibid. Poemen, 5, qui refuse de le recevoir, C’est Jeur réputation qui vaut & certains moines des demandes d'aide diverses, P. Ami, II, 145, P. Lond. LIL, 891 (= Chirest. 130). 135. Hist. laus., LX, XXXI, XK 2; Ps. Hippolyte, c. 38; Ps. Athanase, c, 98, 336. C’est le cas pour Pétronios, les deux fréres Paesios et Isaie, Amménios et Diokoros, déja évoqués, de méme que certains couples, Ammén de Nitrie et sa femme par exeniple, Le frére de Pakhéme, Jean, le rejoint, ainsi que sa scent, Vie de P., 14 et 32, Ceci devra faire objet d'une étude systématique, : 26 ANNICK MARTIN sa femme avant de devenir moine!’. Mais bien différent est le cas de ce protokéméte de village, qui, aprés avoir fait trois enfants en trois ans a sa femme, décide de faire lit & part; il pratique aussi !’hospitalité & l'égard des étrangers, l’assistance auprés des pauvres, il n’utilise pas sa position sociale pour défendre les intéréts de sa maison, il respecte je bien d’antrui, il rend la justice équitablement!, Nous lisons [4 les devoirs du riche chrétien a qui ne manque plus que la consécration monas- tique. Nous évoquerons pour finir l'histoire exemplaire de ce patre, Eucharistos, et de sa femme Marie, vivant tous deux chastement dans un village ; du produit de leurs brebis ils font trois parts : « une pour les pativres, la seconde pour I’hospitalité, et la troisi&me pour leurs besoins personnels » ; et le mari confesse aux fréres venus le voir : « depuis que j’ai épousé ma femme, nous n’avons eu aucun commerce ensemble, car elle est vierge... la nuit nots portons des cilices et le jour nos vétements ; jusqu’A présent personne n’a eu connaissance de celal® », Ces quelques témoignages soulévent la question d’une éventuelle rivalité, sinon concurrence, entre clercs et moines auprés des populations de la khéra, Ia documentation conservée, le plus souvent d'origine monas- tique, fausse quelque peu le débat : aux prétres de village peureux, couards, et inefficaces, sont opposés de fortes individualités, vierges et hommes de Dieu, capables d’agir sur les populations, de discerner les esprits mauvais, de guérir les corps et de christianiser les paiens!°. A les écouter, Je soulagement des faibles et des pauvres serait en grande partie leur affairel4!, Notre analyse demeure encore trop tributaire de ce déséquilibre documentaire. Ht il serait sans doute plus juste de-dire que c’est I'Eglise dans son ensemble qui joua désormais auprés d’une grande partie des populations de la khdra le réle de refuge et de modéle d’un nouvel idéal en ces temps de violence et de brutalité . Annick Martin (Rennes) 337. Hist, laus., VILL, 27, Hist. mon, XXII, r. 138. Hist. mon., RIV, 13. 139. Apoph. Patr., Eucharistos, x40. Hist, laus., XXKI, une vierge arbitre le conilit entre deux villages pour un ptoblime d’ean car les prétres ont ex peur de l’affrontement. Ibid., XVII, 6-7, les prétres sont impuissants A désensorceler une femimie ; le mari tecourt alors 8 Macaire Végyptien, Hist. mon., XII, 6-9, le prétre, qui dessert les fréres installés sur l'autre rive du Nil, a peur d’un crocodile; abba Hellé s’en sert comime d'une monture. Cf. Apoph. Patr., Daniel, 2, Euloge le prétre, Bessavion, 5. 141, C’est aux anachorétes que sont adressées des demandes de priéres ou de guéri- son, v. la correspondance de Paphnuce publiée par H. I. Bell, Jews and Christians.., Pp. 103-119, ou celle d’apa Johannes, P. Herm. Rees, 7-10, ou encore P. Heid. I, 6, P. Amph. IL, 145 (= Chrest. 33) ; &eux aussi les paysans recourent quand un serpent détruit le bétail (Hist. Mon. Aeg., TX, 8), ou un hippopotamte dévaste la région (IV, 3), ou encore en cas de famine (VIII, 44). L’Evangile de Vérité, Ephrem le Syrien et le comput digital L’exégése allégorique de la parabole de la brebis perdue (Maith, 18, x2-14; Luc 15, 4-7), présentée par I’Evangile de Vérité, a é&é un des arguments invoqués par les éditeurs? de cet écrit et par la plupart de ses commentateurs* pour Iui assigner une origine valentinienne, et méme pour I'identifier & l'Evangile de Vérité (Veritatis Evangelium), dont, au témoignage d’Irénée*, les Valentiniens faisaient usage. En effet, Vexégese arithmologique de cette parabole est étonnamment proche de celle attribuée par Irénée aux Valentiniens, et plus précisément aux Marcosiens’. Les deux explications ont ceci de commun qu’elles sont 1. NHC I, 31, 35-32, 17. Texte et traduction de I’ Evangile de Vérité (nous utilise- rons l'abréviation EvVer) d'aprés l'editio princeps : M. MALININE, H.-Ch. PUECE, G. Quisrrr, Evangelium Veritatis, Zurich, 1956. Voir aussi, pour notre passage, la traduction de H.-M, ScHENKE, dans Die Herkunji des sogenannten Evangelium Veritatis, Gottingen, 1959, p. 47-48. 2. Op. cit, p. KUL 3. Cj. entre autres, H.-Ch, Purcn, ¢ Gnostic Gospels and related Documents », dans E. HENNECKE, Now Testament Apocrypha, 6d. pat W. SCHNREMELCHER, t. 1, Londres, 1963 (6d. allemande, Titbingen, 1959), p. 238 ; H.-Ch. Puxcu et G. Quisren, «Les écrits gnostiques du Codex Jung», Vigiliae Christianae 8 (1954) 27-28 J.-E, MENARD, L’Evangile de Vérité, rétroversion grecque e commentaire, Paris, 1962, p. 159-160; J.-E. Ménarn, L'Luangile de Vérité, Leiden (NHS 2), 1972, p. 150-151 ; S. ARAT, Die Christologie des Evangelium Veritatis, Leiden, 1964, p. 5. Dans un sens contraire, voir H.-M. SCHENKE, op. cif., p. 21. 4. Adversus Haereses III, 11, 9 (PG 7, 891 B). 5. Adversus Haeveses I, 16, 2 (PG 7, 633.4): 51d Kail gebyery abrotc bid tH yWooens tiv tav CO xapav, tovréom t Lorépnpa, Tov dpiotepas zeIpd<" heradtixetv 88 7d Ev, 8 mpootebev toic EvevnxovtueweEd, sic Thy BeEtav abrobs yetpa netéornoe. Texte paralléle chez Hippolyte, Elenchos VI, 52, 11 (6d. WENDLAND, GCS 26, p. 187, 1-4). Pour I'bistoire de lI'exégése de cette parabole dans la guose et le chtistianisme. antique, cf. C. BARTH, Die Interpretation des neuen Testaments in der valentinianischen Gnosis, Leipzig (TU 37, 3), 1911, p. 60-61 ; P. SENISCALCO, 28 PAUL-HUBERT POIRIER incompréhensibles si I’on ne recourt pas au comput digital tel qu’il était pratiqué dans l’Antiquité, Le texte de 1’EvVer se lit comme suit : «C’est le Pasteur qui a laissé les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui ne se sont pas égarées. Il est allé A la recherche de celle qui s’était perdue. Il s’est réjoui lorsqu’il 1'a retrouvée, Car 99 est un nombre qui est (compté) sur la main gauche qui le détient. Mais, das que I’on trottve I'Un, le nombre tout entier passe 1a main droite. Ainsi en est-il de celui qui manque de I'Un, c’est-a- dire de la main droite entiére, qui attire ce qui est déficient, le prend de la partie gauche et (le) fait passer & la droite. Et, de la sorte, le nombre devient cent. C’est la signification de ce qui est dans leur voix. C’est le Pére. » C’est uniquement lorsqu’on fait appel au comput digital de l’Antiquité®, qu’on peut éclairer le symbolisme mis en ceuvre par l’auteur de l'EvVer dans ce passage que nous citons, Le mécanisme de ce comput? ayant été maintes fois exposé, il suffira d’en rappeler ici quelques éléments néces- saires & l'intelligence des textes que nous voulons comparer. Les anciens figuraient les nombres qu’ils voulaient compter, par diverses positions des doigts les uns par rapport aux autres, Ils pouvaient ainsi compter, théoriquement du moins, de 1 A 9999, et de r0000 & un million, selon la position des mains par rapport au corps. Une des caractéristiques Mito ¢ Storia della Salvessa. Ricerche sulle pitt antiche interpretazioni di alowne parabole evangeliche, Tutin 1971, p. 35-67 et passim ; A. ORBE, Pardbolas evangdlicas an San Iveneo, Madrid (Biblioleca de Autores cristianos 332), 1972, t. 2, p. 117-181. 6. Béde le Vénérable, entre autres, nous en a rapporté Ia théorie dans son De loquela per gestum digitorum (PL 90, 685-608). Ce traité est en fait le premier chapitre (De compuito vel loquela digitorum) du De temporum vations (PL 90, 295-298) réédité par Ch. W. Jonus, Bedae Opera de Temporibus, Cambridge (Mass.), 1943, p. 179-181. Sur le De loguela et ses relations avec le De temporum ratione, cf. Ch. W. Jonns, Bedae Pseudepigrapha : Scientific Writings Falsely Attributed to Bede, Ithaca, 1939, p. 22 et 53-54. 7. Sur Je comput digital en général, cf. K, MENNINGER, Zahlwort und Ziffer. Eine Kulturgeschichte der Zahl, 2. neubearb. u. exweit. Auil., Gottingen, 1958, t. 2, P. 3-25. Pour les textes anciens qui mentionnent ce comput, en exposent la théorie ou Tutilisent, cf. PL 23, 213, uote b; PL 90, 685-686 ; A. RoprGER, « Ueber die im Orient gebriuliche Fingersprache fiir den Ausdruck der Zahien », Jahresbericht der deutschen morgenlandischen Gesellschaft jar das Jahr 1845, Leipzig, 1846, p. r11- 129 ; A. QUACQUARELL, « Ai Marigini dell’ Actio : La Loquela Digitorum (La rappre- sentazione dei numeri con la flessione delle dita in un prontuario trasmesso dal Beda) », dans Saggi Patristici. Retorica ed esegesi biblica, Bari (Quarterni di « Vetera Christianorumt » 5), 1971, p. 189-221 ; H.-I. MaRRou, Histoive de Véducation dans PAntiquité, 6¢ éd., Paris, 1965, p. 238-240 et 561. Pour Orient, voir S. de Sacy, 4 De la maniére de compter au moyen des jointures des doigts, usitée dans Orient », Journal asiatique 3 (1823) 65-71 ; A. RODIGER, art. cit., et surtout J.-G. LEMOINR, «Les anciens procédés de calcul sur les doigts en Orient et en Occident », Revue des Etudes Islamiques 6 (1932) 1-60. Les textes arabes concernant le comput digital ont été nouveau édités et traduits par Ch, Purrat, dans Testes arabes relatifs 4 Ia dactylonomie, Paris (Publications du département d'Islamologie de l'Université de Paris-Sorbonne 5), 1977. Cet ouvrage constitue en outre 1a mise an point 1a plus récente et la plus précise sur l'ensemble de la question du comput digital, LE COMPUT DIGITAL 29 de ce systéme était que l’on comptait jusqu’a 99 sur les doigts de 1a main gauche, cependant qu’a Zoo, on passait 4 la droite, les mémes figures qui marquaient les unités et les dizaines sur la main gauche, servant alors A marquer les centaines et les milliers sur la droite. L’auteur de l’EvVer, reprenant, comme nous le montrerons, une allégorie traditionnelle, utilise donc un élément du comput, le passage de g9 4 100, pour expliquer la parabole évangélique de Ja brebis perdue dans Ja perspective gnostique du retour a l’unité du Pléréme. Le Pasteur, — ici le Christ —, en. retrouvant la brebis qui s’était égarée, et en la joignant 4 nouveau aux 99 qui n’avaient point erré, fait passer ces derniéres de la gauche 4 Ja droite, c’est-a-dire, dans l’esprit de l’auteur, de la déficience (pentah®r Sta, botépnua) a la plénitude de I’'Un. On a voulu tirer argument de la diffusion du comput digital utilisé dans !’EvVer, pour déterminer de fagon plus précise le milieu d’origine de cet écrit. Etant donné que ce comput est surtout, mais non exclusive- ment, il s’en faut, attesté en Occident, on a cru y trouver une confir- mation de l’origine occidentale, voire méme romaine, de 1’EvVer8. Déja H-I. Marrow® a rappelé, avec a-propos, que ce comput, loin d’étre le bien propre du monde romain, était attesté dans le monde grec des premiers siécles de notre are. Nous voudrions, pour notre part, verser au dossier un texte d’phrem le Syrien, passé, jusqu’ici, tout-afait inapergu, jamais mis du moins en relation avec le probléme qui nous occupe. Il s’agit de I’hymne De Ecclesia 24. Ce texte témoigne non seulement de la diffusion du comput digital dans 1’Orient — et un Orient non grec — mais, ce qui est plus remarquable, il présente une utilisation symbolique de ce comput, tout- a-fait paralléle A celle de l’EvVer, et méme, sur un point, plus complete. Cet hymne!® célébre l’espérance inébranlable du vieillard Abraham. Sans jamais douter de Ja parole divine, il a cru en 1a naissance de I’héritier promis par le Seigneur. Plus précisément, Ephrem commente les cha- pitres 17 et 2x de 1a Genése. De ces deux chapitres, il retient les indications relatives a I’age d’Abraham avant et aprés la naissance du fils promis. 8. Cf. W. C. vaw Unwre, « The ‘Gospel of Truth’ and the New Testament », dans The Jung Codex. A Newly Recovered Gnostic Papyrus. Thrée Studies by H.-C. Purdy, G. Quisrer, W.-C. van UNNIK, Londres, 1955, p. 96-97 ; G. QUISPEL, « Nene Funde zur valentinianischen Gnosis », Zeitschrift jy Roligions- und Geistesgeschichte 6 (1954) 294-205 : ¢... ein wichtiges Arguntent daftir, dass diese Schrift in Rom geschrieben worden ist 2, et : « So zihlten die Rémter, und wie es scheint nur die Rénter, Bei den Griechen ist diese eigenartige Zahiweise nicht belegt. » 9. HL. Marnou, ¢ L/Tivangile de Vérité et Ia diffusion du comput digital dans PAntiquité », Vigiliae Christianae 12 (1958) 98-103. to. Hd. E. Buck, CSCO 198, Syr. 84, p. 52-54 (nous ntiliserons 1'abréviation HaE 24); sur la place de 'H4z 24 dans le recueil trés composite des Hymn de Ecclesia, cf. E. BECK, Vorwort & CSCO 199, Syr. 85, p. 1H. Dans notre texte, nous indiquons le numéro des strophes que nous citons, 30 PAUL-HUBERT POIRIER Nous lisons, en effet, en Gen. 17 et 21, qu’Abraham avait 99 ans lorsqu’il regut la visite de l’ange lui annoncant Ia naissance d’un fils (Gen. 17, I. 17). Sur quoi, le texte tient 4 préciser plus loin : « Abraham était agé de cent ans quand Iui naquit Isaac, son fils » (Gen. 21, 5). Dans l'H@E 24, Rphrem loue donc la longue patience d’Abraham qui, grace & sa foi, a supporté quatre-vingt-dix-neuf années durant, épreuves et combats, avant de voir la réalisation de la promesse. Pour illustrer cette persévérance d’Abraham, qui lui a valu de parvenir au terme de ses fatigues, Hiphrem introduit le symbolisme du passage de ia gauche a la droite, du nombre 99 au nombre x00 : 3. La foi, en effet, est Yoeil qui voit les réalités cachées = Bn elle, ils avaient vu toutes les promesses, ceux qui ont supporté toutes Jes souffrances, En elle, Abraham a vu sa promesse, et il a supporté la longneur de son combat. 4. De la méme maniére, la droite s‘est tendue et elle a saisi le nombre cent, Comme une couronne symbolique pour Abraham, qui, cent années durant, a persévéré dans le combat. Ephrem développe alors l’analogie ainsi amorcée : 5. La droite et la gauche, de méme, se trouvaient pareillement au combat : Laquelle (des deux) prendra le nombre, comme une Couronne de victoire ? La gauche a enfermé dans son sein les nombres (jusqu’s) quatre-vingt-dix-neuf, Par I'Un la droite I'a dépouillée et elle I’a tressé et ce fut sa couronue | Fort de cette comparaison, Hphrem applique alors I’allégorie arithmo- logique, non plus seulement @ la naissance d’Isaac, mais encore au passage du péché a la grace, de l'erreur A la vérité : de méme que le nombre 99 est libéré de 1a gauche et passe a la droite par l’ajout d’un seul nombre, ainsi par le fils wnigue (image de 1’Un, a la fois Isaac et le Christ, had yalda, thidaya), les peuples ont été libérés de Vidolatrie (strophe 8), et daus le Christ, droite véritable, — autre harmonique de la comparaison — (strophe 9), nous sommes passés de la mort la vie, du Shéol a 1’Eden : ro, A nouveau, cherche d’autres symboles, et vois combien est semblable La résutrection & la droite, et semblable le Shéol & la gauche, Car, comme la droite atrache Jes nombres & la gauche, Ainsi Ia résurrection arrache les morts aux mains du Shéol. LE COMPUT DIGITAL 3r Et encore : 11, Considére la droite, qui rend la vie aux nombres, Dans le sein de la gauche. Les quatre-vingt-dix-neuf nombres Par I’Un en une couronne unique sont tressés, courounés par la droite qui a vaincu. Crest le nombre sauvé, qui est devenu la couronne de son Sauveur. Le symbolisme de cet HdE 24 est donc tout entier échafaudé sur un comput digital identique A celui utilisé par I’auteur de I’EvVer. Si besoin était de nous en convaincre, il suffirait de citer encore la strophe 7, ott Ephrem expose en quelque sorte la théorie de analogie qu'il utilise, en croisant le symbolisme de la liberté et de la couronne : D’avance avait été tracé le symbole du nombre quatre-vingt-dix-neuf. Sous son joug, la gauche (’) avait asservi, miais en Isaac, le fils de la femme libre, La droite a libéré les nombres de la gauche Ht elles les a tressés pour I’Unique avec qui elle a vaincu, et qu’elle a couronné. Les composantes de ce symbolisme, qu’Ephrem connaissait bien — il Vutilise ailleurs! que dans l'HaE 24, mais jamais de fagon aussi systé matique —, peuvent se ramener 8 trois. 1) Le passage de 99 100, de Ia gauche a la droite”®. Chez Fiphrem, ce transfert des nombres est situé dans une triple perspective éthique, sotériologique et eschatologique : passage de la servitude & la liberté avec Isaac, du péché a la grace avec le Christ, ainsi que de Ja mort a la vie par la résurrection. Dans l'EvVer, l’accession ou_le retour a la centaine comporte une connotation plus métaphysique : passage de la déficience au Pléréme. 41, Voir Hymnus de Crucifixione 7, 12, éd. Buck, CSCO 248, Syr. 108, p. 72 (sym- bolisme des nombres siz et cent) ; Hymnus de Virginitate 19, 8, éd. BECK, CSCO 223, Syr. 94, p. 66 (sur Gen. 33, 19 selon la Peshitta et les LXX) ; Hymnus de Nativitate 9, 5-6, éd. Buck, CSCO 186, Syr. 82, p. 64 (sur le psaume cent-dix, selon la numé- rotation de I'hébreu et de la Peshitta) ; ibid., T, 66, éd, cit., p. 9 (allusion trés probable & notre comiput ; cf. E, BECK, CSCO 199, Syr. 85, p. 53, note 4). Le Psautier mani- chéen copte (éd. C. R. C, ALBERRY, p. 170, 25-27) fait peut-€tre référence aussi au comput digital. Voir en outre I'Histoire de Philippe, apdire et évangéliste, éd, W. Wrront, Apocryphals Acis of the Apostles, Londres, 1871, t. 1, p. 86, 7-0. 12, Cet élément s'inscrit évidemment dans la symbolique plus large dela gauche et de la droite, amplement exploitée par Ephrem. R. Murray (Symbols of Church and Kingdom, A Study in Early Syriac Tradition, Cambridge, 1975, p. 249, note 1) Va signalé & propos @’HdE 24. 32 PAUL-HUBERT POIRIER 2) Insistance sur l'Un (had) et sur le réle qu'il jouc. Parfait parce quil est @ la fois unique et unifié, il devient pour tous facteur d’unité et de perfection, Ainsi en est-il du nombre 1 pour le nombre 99 ; ainsi en est-il d’Isaac, le fils unique, et, d’une facon éminente, du Christ, PUnique par excellence, le Monogane (#hid@ya). Dans ’EvVer, 1a méme emphase est mise sur I’importance de I'Un (pouecei). 3) Le dernier élément constitutif du symbolisme est la couronne (zifla). On ne le retrouve pas dans I’EvVer. Ii convient donc ici d’insister. En effet, dans l’HdE 24, on ne reléve pas moins de 17 emplois du substantif ou du verbe couronner (hallel). On pourrait d'abord penser qu'il s'agit simplement de la mention, trés courante dans le monde syriaquel®, de Ja couronne comme symbole de victoire. D’autant plus qu’on retrouve ici, dans le méme champ sémantique, la couronne, le combat et la victoire (cf. p. ex., les strophes 5-7). C’est cependant en revenant au comput digital, et aux gestes mémes formés par les mains pour figurer les chiffres, que nous découvrirons la raison exacte de l’insistance sur la couronne dans ce contexte. En effet, Jéréme, au début du premier livre de son Adversus Jovinia- num, youlant montrer contre Marcion, Tatien et les Manichéens, que le mariage, bien qu’inférieur a la virginité, poss¢de une valeur positive, commente ainsi la finale de la parabole du semeur, ot le grain donne trente, soixante ou cent pour un (Maith. 13, 8; Mare. 4, 8) : « Trente correspond aux noces. En effet, la jonction méme des doigts, s’embrassant comme. en un doux baiser, et s’unissant, représente le mari et la femme. Quant a soixante, (il correspond) aux vewves, en ce quielles se trouvent dans la géne et dans la détresse ; aussi comporte-t-il une pression par le doigt du dessus. Le nombre cen, au contraire (lecteur, je t’en prie, que ton attention soit diligente) passe de la main gauche A Ia droite et, par ces mémes doigts — mais non de la méme main —, qui, de la gauche, signifiaient les noces et le veuvage, formant un cercle, représente la couronne de la virginité », En effet, on faisait le chiffre 100 en appliquant!® 13, Cf, R. Payne-Smita, Thesaurus Syriacus, t. 1, col. 1730-1733. 14, PL 23, 213 B-214 A: « Triginta referuntur ad nuptias. Nam et ipsa digitorum conjunctio, quasi molli se comiplexans osculo, et foederaus, maritum pingit et conjugem, Sexaginta vero ad viduas, eo quod in angustia et tribulatione sunt positae. Unde et superiori digito deprimuntur (...). Porro centesimus nunierus (diligenter, quaeso, lector, attende) de sinistra transfertur ad dexteram, et iisdem quidem digitis, sed non eum (sic, Jege eadem) manu, quibus in laeva uuptae signifi- cantnr et viduae, circulum faciens, exprimit virginitatis coronam. » Ce texte est cité par Béde au début du premier chapitre du De Temporum ratione (6d. JonEs, P. 179) et dans la préface du De Loguela (PL 90, 690 A-C, oft on tronvera les com- mentaires des scholiastes sur le texte de Jérdmie), et par K. MENNINGER, op. cit., t. 2, p. 12, Sur le symbolisnte de la gauche et de la droite en référence au mariage, a la continence et 4 le virginité, voir le Psautier manichéen (éd. C. R, C, ALBERRY, P. 180, 14-16). 15. Voir A. QuacguarEtts, of. cif., p. 203. Pour les figurations des chiffres 30 et 60, voir J.-C. Lnmomne, ari. cif., p. 26, fig. 12 et p. 28, fig, 15, et A. QUACQUAREIALT, op. cit, p. 201-202. LE COMPUT DIGITAL 33 Vongle de l’index de la main droite sur I’articulation médiane du pouce, Vintervalle laissé entre les deux doigts formant alors un cercle, comme Je dit explicitement Jéréme : « civculum faciens, exprimit virginitatis coronam ». C'est de ce geste que s'inspire fort heureusement Ephrem pour faire jouer, 4 propos d’Abraham, d’Isaac et du Christ, des harmo- niques qui lui étaient par ailleurs familiéres, celles du combat (‘igénd, Gydv) et de 1a victoire (2akitd). I y a tout lieu de penser, vu les témoi- gnages & la fois concordants et indépendants d’Hphrem et de Jéréme, que Ia couronne était un élément regu de l'utilisation symbolique des gestes du comput digital pour les nombres 99 et 100. Sur ce point, 3 rem. nous offre donc un ensemble plus complet que l'EvVer. De cette comparaison entre I’EvVer et HdE 24 d’iphrem, nous pouvons tirer trois conclusions. 1) HAE 24 fournit un témoignage précis sur Ia diffusion du comput digital en Orient : parmi tous les textes alléguést® jusqu’a ce jour, il est, pour l’Orient, le pins ancien qui ait été signalé. 2) Ephrem témoigne en outre d'une utilisation symbolique de ce comput. Comme les Marcosiens de l’Adversus Haereses, comme !’auteur de V'EvVer, comme Jéréme dans son Adversus Jovinianum, Ephrem applique ce symbolisme a l’exégése allégorique. Certes, chez les uns et les autres, les textes bibliques pris en compte sont différents (Matth. 18, 12-14 pour les Marcosiens et 1’EvVer, Maith. 13, 4-9 pour Jéréme et Gen. 17, 1-17 pour Ephrem), mais, dans chacun des cas cités, V’allégorie est la méme et connait un fonctionnement identique. Nous voyons donc que non seulement, comme nous l’avons rappelé, le comput digital était bien connu dans l’Antiquité tant orientale qu’occidentale, mais aussi que son allégorisation 4 des fins d’exégése biblique était un fait courant, Sur ce point nous voudrions renforcer encore la démonstration. Si le De Computo de Béde le Vénérable est bien connu des spécialistes du comput digital, il ne semble pas qu’ils aient remarqué deux textes de son commentaire sur la Genése. A propos de Gen. 17, 17 (un des versets que commente l’HdE 24), Béde observe : « le nombre cent, comme on l’a souvent dit, passe, dans le comput digital, de 1a gauche a 1a droite!” », 16. I. e, du premier quart dela seconde moitié du rv? sitcle (Sphrem + 373). Pour les textes orientaux précédemment connus, cf. S. de Sacy, art, cit, A, RODIGER, art. cit, p. 11-118 et 125-129 et J.-G. LeMoINE, art. cit, passim, et surtout Ch. PrxLan, op. cit., p. 37-117. A partir des textes qu'il édite et analyse, Ch. Pellat (p. 122 et 126) dégage deux systtmes de dactylonomie : l'un, propre aux auteurs occidentaux, oh la mein gauche formerait les dizaines et Ia droite les centaines, alors que Vautre, dont témoignent les textes arabes et persans, siguifierait Les dizaines par la droite et les centaines par Ja gauche. Les textes d’Ephrem que nous produisous ici montrent que cette partition des systémes est moins stricte que ne le croit Pellat. 17. In Genesim IV, 520-522 (6d. Ch. W. JONES, Corpus Christianorum, Series latina, t, 118 A, p. 208) : « Centenarius quippe numerus, ut saepe dictum est, in computo articulari de sinistra transit in dexteram. » 34 PAUL-HUBERT POIRIER et plus loin, sur Gen. 21, 5 : «Le fait qu’Abraham était 4gé de cent ans lorsque naquit Isaac et que fut circoncis le fils de la promesse, correspond pleinement la perfection de cette méme promesse. En effet, puisque Je nombre cent est un nombre parfait, — ce qui ressort au mieux de ce qu’il passe de la gatche a la droite, et que, das lors, il convient symbo- Tiquement aux biens célestes et éternels —, c'est 4 bon droit qu’Isaac nait en Ini (& savoir, la centigme année de son pére)}®, » 3) Nous avons donc chez les Marcosiens de 1’Adveysus Haereses et chez Vauteur de 1'EvVer, simple réemploi d’un matériau allégorique courant dans le monde méditerranéen, aussi bien latin, grec que sémitique, matériau qui, en soi, n’avait rien de gnostique. Ce qui pourrait étre spécifique aux Valentiniens, serait de l’appliquer a l’exégése d’une parabole déja largement mise a profit par les gnostiques pour signifier Ja chute et le retour de Sophia. D’autre part, compte-tenu de ce que nous yenons de montrer, ne convient-il pas de nuancer l’affirmation des héré- siologues, en particulier d’Hippolyte’®, selon laquelle tout ce qui, chez les Valentiniens, reléve de l’arithmologie, est tiré « des inventions des astrologues et de l’arithmétique des Pythagoriciens*® » ? Paul-Hubert Porkrer 38. In Genesim IV, 1358-1564 (ed. cit., p. 237) : «Quod autem Abraham centum erat annorum cunt natus esset Isaac et cireumcisus filius promissionis, perfectioni clusdem promissionis aptissime concinit, Nam quia centenarins perfectus est numerus, quod eo maxime astruitur quia de laeva transfertur in dexteram ; ideoque celestibus ac perpetuis bonis mystice competit, recte in hoc nascitur Isaac. » 19. Elenchos VI, 52, 1 (6d. WENDLAND, p. 184, 11-14); tata pév obv mpoSnda elvat néow #xilo tolg byatvovra voby KeKrnUévoIs Svra GKxvpa Kal paxpay TA¢ Karé OsocéBerav ydcems, Svea yEpn Gotporoyinfig eoevpéceas Kai EpiunteRts Tivdayopeiov. 20. Seule une étude plus approfondie pourrait déterminer si I’exégése allégorique basée sur le comput digital a, ou non, un lien avec l’arithmologie pythagoricienne, Sur cette derniére, voir A. Drxatte, Etudes sur la liliérature pythagoricienne, Paris (Bibliotheque de U Ecole des Hautes Etudes, Sciences hist. et philol., fasc. 217), 1915, P. 121-136, et les textes rassembiées par H. Tunsture, The Pythagorean Texts of the Hellenistic Period, Abo (Acta Academiae Aboensis, set. A, 30, 1), 1965, index, s. v. Mathemata. Diverses spéculations sur le nomibre 99 sont mentionnées par P, FRIESENHAHN, Hellenistische Wortzahlenmystik im neuen Testament, Leipzig- Berlin, 1935, p. 160-164. The Arboreal Polarisation in Augustine’s Confessions Some eight years ago I published a study which argued for what may be termed the arboreal polarisation of Augustine’s Confessionst, Briefly, that viewpoint saw the entire book as polarised between Good and Evil, symbolised by two trees respectively — the ‘Tree of Salvation being the seemingly insignificant fig tree of Confessions VIII, 12, 28%, while the ‘Tree of Sin would be the more obvious pear tree (Conf. IT, 4, 9). ‘Whe former is the tree under which Augustine casts himself down in tears as the moment of his long-delayed conversion draws nigh. ‘The latter is the tree from which the well-known theft of the pears occurs. As was pointed out in the same study, it is interesting to observe that a like polarisation can be seen in the Bible. ‘The Tree of Salvation would be the Cross upon which Christ died in reparation for the sins of huma- nity®, ‘The Tree of Sin would be the Tree of Knowledge of Good and Evil from which (in a manner remarkably reminiscent of the pear-theft) the forbidden fruit was stolen‘, By reason of their ensuing moral fruits for all humanity, these two ‘Trees can be seen as the focal points for all moral good and evil in the Bible. According to the traditional (Augustinian) interpre- tation, moral evil entered the world through the Original Sin of Adam when he stole the forbidden fruit from the Tree of Knowledge’. On the other 1, Leo C. Furrarr, The Pear-The[t in Augustine's Confessions, in Revue des Etudes Augustiniennes 16 (1970) 233-242. 2, In future such @ reference would appear as: Conf, VIII, r2, 28. 3. Matthew 27, 35; Mark 15, 24; Luke 23, 33 and John 19, 18. 4. Genesis 3, 6. 5. Genesis 3, 14-19. Against the Pelagians, Augustine maintained that Adam's sin did not only injure himself, but rather the whole human race, because it was all contained in Adam, according to Augustine's perspective, On this aspect, see Maleolnt E. Aurnarr, The Responsibility jor Involuntary Sin in Saint Augustine, in Recherches Augustiniennes 10 (1975) 171-186, especially from p. x79 onwards. 36 LEO C, FERRARI extreme, the Tree of the Cross upon which Christ died, became the sole means to the attainment of eternal life’. The contrasting functions of these two trees constitute what may be termed the arboreal polarisation of the Bible. J argued in the above-mentioned study that the two trees of Augustine’s Confessions serve a remarkably similar function. ‘The pear-theft can be seen as the climactic expression of the author’s fall from God’s grace in his youth, and therefore as the source of all the ensuing moral evil portrayed with such skilful suggestion in the Confessions. Likewise, all the promp- tings of God’s grace climax in that dramatic moment when Augustine falls down in tearful self-reproach under the fig tree just prior to his final conversion in the eighth book. In view of the previous considerations, it can therefore be claimed that the above trees serve as the two antithetical moral focal points of evil and good respectively, in the Confessions. ‘This is what is meant by the arboreal polarisation of the work as a whole. Further, it was claimed in the same study, that this phenomenon derived basically from a deep appreciation on Augustine’s part, of the primordial arboreal polarisation of the Bible, after the manner already explained. With regard to this latter claim, that eminent authority on Augustine, M. Pierre Courcelle, has quipped that the daim would become credible if it could be proven that the Tree of Knowledge of Good and Evil in Genesis was a pear tree’. While this may be a rather stringent requirement, it does raise more explicitly the question as to what extent Augustine himself saw the Bible in terms of the claimed arboreal polarisation. At the time of writing the article such a viewpoint seemed like a self-evident truth ; revealed by the very fact of the comparisons already explained. However, Courcelie’s quip prompted me to search for further and more conclusive evidence that Augustine had indeed seen the Bible in the manner claimed. ‘This seemingly easy investigation produced some rather unexpected results. In the first place, when retracing the steps which had led to the initial realisation of the arboreal polarisation, I happened to recall that the vital 6. Whence Augustine refers to the cross of Christ as the ship by which we traverse 1he ocean of this life: “" mare magnum et formidulosum, quod uix transeunt qui lignum conscenderint, "’ (Conf. I, 16, 25). Cf. In Joannis evangelium, ttactatus 2, 2, 4. Quotations for the Confessions are from the Skutella textin the Bibliotheque Augusti- nienne edition. 7. Pierre Courcenim, Le jeune Augustin, second Catalina, in Revue des Etudes Anciennes 73 (1971) 141-150, Writing of my theory about the significance of the pear-theit, M. Courcelle observes (p. 141): “ Elle [la dénionstration] n’acquerrait ‘vraisemblauce A mes yeux que sil’arbre du Paradis était un poirier et avait fait Pobjet, & ce titre, d’exégases allégoriques dela part de commientateurs chrétiens ou manichéens de Ja Gendse, en particulier de la part d’Augusti. "The main concem of M. Courcelle’s article is to provide a new and valuable literary source for the depiction of the pear-theft episode. ‘This illustrates yet again, Augustine’s intention of emphasising the evil nature of that event. THE ARBOREAL POLARISATION IN « CONFESSIONS » 37 clue had been provided by Aquinas, writing some eight and a half centuries after Augustine. In discussing the fittingness of Christ's manner of death upon the cross, Aquinas makes the comparison that just as Adam had condemned humanity by stealing the forbidden fruit from a tree, so it was fitting that Christ should make reparation by allowing himself to be killed by being nailed to a tree (i.e. the cross) as if restoring what Adam had stolen. Accordingly, Aquinas writes of the manner of Christ’s death on the cross : «Hoe gems mortis maxime conveniens erat satisfactioni pro peccato primo parentis, quod fuit ex eo quod, contra mandatum Dei, pomum ligni vetiti sampsit. Et ideo conveniens fuit quod Christus, ad satisfaciendum pro peccato illo, seipsum pateretur ligno affigi, quasi restituens quod Adam sustulerat : secundum ilhid [Psalmus 68,5] : ‘ Quae non rapui, tunc exsolvebam. ’ Unde Augustinus dicit, in quodam Sermone De passione : ' Contempsit Adam pracceptum, accipiens ex arbore: sed quidquid Adam perdidit, Christus in cruce invenit. ‘8 » Unfortunately, this sermon to which reference is made is no longer reckoned among the authentic works of Augustine, Yet all is not lost. The next obvious place to look for Augustine’s original insight from which the above extract presumably derives, is suggested by the allusion in the same text to the line of Psalm 68 : « Quae non rapui, tunc exsolvebam. » Aquinas interprets this line as the psalmist’s prophetic utterance of the words of Christ implicitly telling of his repara~ tion for Adam’s theft. The above extract from Aquinas is a more explicit formulation of the same idea in terms of Christ’s restoring to a tree, as it were, what Adam had stolen from atree. ‘The next question therefore concerns Augustine’s interpretation of the same words of the psalmis’ question which one can approach optimistically in view of Augustine’s great love of the Psalms. In one of the two principal places where Augustine comments on this line, he seems at first sight to come close to affirming the central idea of the extract from Aquinas. ‘The occasion of Augustine’s exegesis is in his commentary upon the words of Christ atthe Last Supper : “ Surgite, eamus hinc!®,”” Of this « eamus » Augustine observes : “ Eamus autem dixit, quo, nisi ad illum locum unde fuerat tradendus ad mortem, qui nullum 8, Summa Theologiae III, Q. 46, 0. 4 (corpus). Cf. In evangelium S, Matthaet, cap. 27,2: " Sed primus homo peccavit in ligno ; ideo Dominus in ligno pati voluit ; Sapientiae 14, 7: "Benedictum lignum, per quod fit justitia’, ” 9. The quote is to be found in Aquinas’ Catena Aurea in Matth., . 27, v.35, under the name of Augustine. A like reference is to be found in Sermo 154 (De Passione Domini), paragraph 4, of the Sermones Supposititit (PL 39, 2044) : «* Sacrarum manuum in ligno cmeis extensio, et reverenda confixio, quae condemnabat Adce et Fvae manus ad interdictum ligni cibum ingemiscenda saeculis transgressione portectas ; haec, inquam, confixio per omuia infirmitatem hominis asserebat. ” (Nove : with the exception of the Confessions, all such quotations are from the Maurists’ edition in PL.) 10, John 14, 3%, 38 LEO C. FERRARI hhabebat meritum mortis4?”, so that the important context for Augustine is quite clearly the impending crucifixion of Christ. Next, ‘Augustine makes explicit reference to the line of Psalm 68 as foretelling the crucifixion of Christ : « Sed habebat ut moreretur mandatum Pattis, tanquam ille de quo praedictum erat, Quae non rapui, unc exsolvebam : mortem sine debito soluturus, et nos a morte debita redempturus. Rapuerat autem Adam peccatum, quando manum in arborem praesumptione deceptus extendit, ut itcommmunicabile nomen inconces- sae divinitatis invaderet, quam Filio Dei natura contulerat, non rapinal®. » ‘However, a close examination of this passage reveals that Adam’s act of seizing is not seen as seizing the forbidden fruit, but rather of seizing the sin involved in stealing it: “‘ Rapuerat autem Adam peccatum, quando manum in arborem praesumptione deceptus extendit. "Again, notwith- standing the reference to the theft of the forbidden fruit, there is no hint of any appreciation that Christ's crucifixion and death restored to the ‘Tree what Adam had taken from it, It is strange indeed that the brilliant imagination of Augustine could have come so near to this obvious complementary comparison without actually laying hold of it ; the more so since the work in question was written about 414-416 /7 when Augustine would have been about sixty. ‘The second principal place where Augustine comments upon the “ quae non rapui, tune exsolvebam ” dates from about the same time and is even less satisfactory for present purposes, Writing of Christ, he observes : « In remissionem peccatorum nostrorum inmocens sanguis ille effusus est. Unde se dicit in Psalmis in mortuis liberum [Psalmus 87,6]. Solus enim a debito mortis liber est mortuus. Hinc et in alio psalmo dicit, Quae non rapui, tunc exsolvebam : rapinam. volens intelligi peccatum, quia usurpatum est contra licitum.18 » In this extract there is not even reference to Adam’s sin of stealing the forbidden fruit. However, of importance for present considerations is the repeated emphasis, again made quite explicitly, that the sin refers to the act of seizing itself: “ Quae non vapui, tunc exsolvebum : rapinam volens intelligi peccatum.” So much then for the more obvious leads in searching for an Augustinian underpinning for the cited extract from Aquinas. In the larger perspective of all of Augustine’s works, he seems singularly resistant to the idea that Christ was nailed to a tree, as if restoring what Adam had stolen from a tree. To the best of my knowledge, the comparison is not even implicitly present on the occasions when Augustine compares Christand Adam. Neither is it to be found in the many passages 11. In Joannis cvangelium, tractatus 79, 3. 12, Ibid, 13. De Trinitate KIM, 14, 18. THE ARBOREAL POLARISATION IN « CONFESSIONS » 39 where Augustine discusses Adam’s sin; nor on those occasions when he treats of the death of Christ upon the cross. ‘This absence of the obvious comparison is all the more surprising in view of Augustine’s genius for hitting upon the apt analogy. On the other hand, a glance at Augustine’s background suggests a source of his resistance to the idea. As he himself tellsus, from the age of nineteen to that of twenty-eight he had been a member of the heretical sect of the Manichees (Conf. IV,1,1.). From this religion he had been familiar with the idea of Christ hanging, not only from the tree of the cross, but from every treel4, Moreover, in later years, after his conversion, he was to attack the Manichean notion that Christ had not really been crucified upon the cross}5, Furthermore, for a sincerely converted Manichee, there would have been an understandable repugnance to the suggestion that the very manner of Christ’s death upon the Tree of the Cross derived from Adam’s theft of the forbidden fruit from the Tree of Knowledge of Good and Evil, One can easily imagine Augustine’s objecting that such an understanding distorts and perverts the whole perspective of the Fall and of the Recall. It is God Himself who has been offended and to Whom reparation must be made, not a mere treel®, Moreover, the comparison of Aquinas suggests (at least in a Manichean perspective) that Adam’s sin was not against God, but against the tree through the plucking of its iruit. And this was precisely one of the many follies that the converted Augustine saw in the seligion of the Manichees — they regarded the plucking of fruit from trees as inherently sinful’, Finally, and in general, it could be objected that the comparison of Aquinas imputes to trees a salvatory role uncomfortably reminiscent of their importance in Manichean mythology*®. 14. Contra Faustum XX, 2. 15. Contra Faustum XIV, 7. Cf. Conf. V. 9, 16. 16, Whence the importance of the blameless Mediator, both huntan and divine, by whose death the divine anger would be appeased and God would be reconciled to humanity : “In hac ita cum essent homines per originale peccatum, tanto gravius et perniciosins, quanto majore vel plura insuper addiderant, necessarius erat mediator, hoe est reconeiliator, qui hanc iram sactificti singnlaris, cujus rant (om. PL ; cf. Maur., t. 6) umbrae omnia sacrificia Legis et Prophetarum, oblatione placaret ” (Enchir. 10, 33). Gj. Sermo 204, 14, 13; Tractatus in Joannis evangelium, tract. x4, 13; De Triniiate IV. 17, 13 ; etc. Also noteworthy is the fact that Augustine culed the Manichees for their belief that trees could sense and suffered when struck (De haeresibus 46). On the other hand, using dialectic, Augustine sarcastically concludes that the Manichees should be engaged in cutting down trees to liberate the souls which they believe are trapped in them (De moribus Manichaeorum 17 55-56). 17. Accordingly, Augustine says of his youthful credulity :" sensim atque paulatim perductus [sum] ad eas nugas, ut crederem ficum plorare, cum 1 decengitan et matrem eins arborem lacrimis lacteis ” (Conf. TIT, ro, 18), Cj. De moribus Manichaeorwn x7, 57-58 and Contra Faustum v1, 4. 18, Trees were supposedly sprang from the semen of the fabled Archous and were therefore considered rich in the light element (De natura boni 44, and Contra Faustum XX, 6). 40 LEO C, FERRARI From the previous considerations, it has been seen that the claimed arboreal polarisation of the Bible is not an element of obvious importance to Augustine's perspective. Furthermore, in view of his Manichean back- ground, it can be appreciated that the very idea would hardly have commended itself to him. The above considerations would therefore seem to call into question the arboreal polarisation which I claim to have found in the Confessions. However, before recanting, it is advisable to consider whether the facts do not warrant a somewhat different explanation. ‘There may be something more than sheer coincidence to the peculiar presence of a tree both at the focal point of Sin and also at that of Salvation, in the Confessions. Of importance for present considerations is the parable of the two trees (Matthew 7, 17-20) ; the one being good because it bears good fruit, while the presence of evil fruit on the second one attests to the evil nature of the other tree, It is the latter which will be cut down and cast into the fire!®. ‘There is good reason to believe that Augustine was thoroughly familiar with this parable from his sojourn among the Manichees™®. Furthermore, some six years before he came to writing his Confessions, the parable had been introduced into a public debate involving Augustine, by his Manichean opponent? For the Manichees, the two trees signified the two natures, the one good, the other evil, from which (in the Manichean perspective) the entire world was composed. Again, at about the time of writing the Confessions, the same parable had arisen in another 19. See also : Matthew 3, 10 and 15, 13. Attention should also be drawn to the following extract from Sermo 112, 3 in the Sermones Supposititii (PL. 39, 1968) :” Istae duae radices, fratres dilectissimi, in duobus agris a duobus plantantur agricolis : unam in cordibus bonorum plantat Christus, aliam in cordibus maloram plantat dia- bolus, | Neo de charitatis radice nascitur aliquid mati,nec de radice eupiditatis aliquid 20. ‘The parable of the two treesis alluded to, with evident approval by Fortunatus in the early debate of 392 (Contya Fortunatum 14), Augustine returned to the same patable and his own interpretation on the following day (op. cit, 22), Further evidence of the importance of the parable for the Manichees is forthcoming from the lengthy treatment of the topic in theKephalaia. See pp. 16-22 in Manichitische Handschriften der Stzatlichen Museen Berlin, Band 1, Kephalaia erste Halfte (Lieferung 1-10) mit einem Beitrag von Hugo Ibscher, Stuttgart (Kohlhammer) 1940. 21. Contra Fortunatum 14 and 22, Not only did Augustine return to the Mani- chean interpretation of the parable on the second day of his debate with Fortunatus, but he also returned to the Manichean interpretation some thirty years later, in another context (Contra Julianum I, 38-46 passim). 22. Fortunatus himself speaks for the doctrine of the Manichees on this point : “« Merito dixisse Dominumt nostrum, ‘Arbor quam non plantavit Pater meus coelestis, eradicabitur, et in ignem mittetur, quia non affert fructus bonos’ [Matth. 15, 13 and 3, To] : et esse arborem radicatam. Hine vere constrt ex ratione rerum, quod duae sunt substantiae in hoc mundo, quae speciebus et nominibus constant ; quarum est una corporis, alia vero aeterna Patris omnipotentis quam Dei esse credimus. ” (Contra. Fortunatum 14). THE ARBOREAL POLARISATION IN «CONFESSIONS » 4a controversy, this time with a Donatist®, These, in line with the exigencies of their doctrine, had a vested interest in particularising the parable to the administration of the sacraments. Accordingly, for them the tree stood for the minister of the sacrament and the fruit for the person receiving the same sacrament. They argued that if the minister were a secret sinner, then the person receiving the sacrament would, as it were, be see: from an evil tree, and would therefore be without power to do good”, Against both these viewpoints, from as early as 392 AD Augustine maintained that the tree stood for the will of a person and the fruits for his actions®. ‘Thus, the person of gentiine good will, consistently performs good deeds, while the evil person will be known by hisevil deeds. Further- more, as explained in the previous footnote, this is an interpretation which Augustine upheld in numerous polemic encounters from as early as 392 to the end of his life. Consequently, it is claimed here that this particular interpretation of the parable by Augustine, is of demonstrable relevance to the present purposes, Inasmuch as Augustine’s interpretation sees the two trees of the parable in terms of good and of evil wills, this helps explain the peculiar presences of the fig tree and of the pear tree respectively at the two moral focal points of the Confessions. ‘Exigencies of context will show that these 23. Contralitteras Petiliani IIT, 44, 53, which work was written 400-402, Noteworthy is the fact that the same patable Yeappears some twenty years later in another anti-Donatist treatise (Contra Julianum I, 38-46) of the year 421. It reappears yet again, under the same auspices, in the Opus imperfectum contra Julianum (V, 21-23) which was written in the closing years of Angustine’s life. Atong other places, the parable recurs in the anti-Donatist Sermo 292. 24. The most obvious implication of the Donatists’ doctrine is well exposed by Augustine in the following extract; “ Petilianus [the Donatist] satis apertissime ostendit, tanquam arborem accipiendum eum homtinem qui baptizat, et tanquam fructum eum qui baptizatur ; ad haee ego responderam, ‘Si arbor bona bonus baptizator est, ut fructus ejus bonus sit ille quem baptizaverit ; quisquis ab homine malo etiam non manifesto fuerit baptizatus, bonus esse non poterit ; de mala quippe athore exortus est, Aliud est enim arbor bona aliud arbor occulta, sed tamen mala’. (Contva Titteras Petiliani TX, 445 53). Cf. Contra Julianum 1, 38-45 ; & IV, 30-32 and Opus ‘imperfectum contra Julianwm V, 21-23. Noteworthy is the absence of Matth. 7, 17-20 from the De daptismo contya Donatistas of 400. 25, Thus, in the debate of 392 with Fortunatus, Augustine proposes the following interpretation of the parable :“ Accipiamus duos homines ; bonumt hominem, et malut hominent. Quamdiu bonus est, malos fructus dare non potest: quamdiu malus est, fructus bonos dare non potest. Sed ut intelliges istas duas arbores sic esse a Domino positas, ut ibi significaretur iberum arbitrinm, non naturas esse istas duas arbores, sed voluntates nosttas, ipse ait in Ewangelio : ‘Aut facite arborem bonam, aut facite arborem malam’ [Maith. 12, 33]. Quis est qui possit facere naturam? Si ergo imperatum est nobis ut faciamus arborem aut bonam aut malam, nostram est eligere quod yelimus.” (Contra Fortunatum 22). Essentially, this continues to be Augus- tine's ‘interpretation of the parable throughout the rest of his life. See : De gratia Christi (418), I, 18, 19-19, 20 ; Contra adversarium legis et prophetarum (420) T, 22, 47 ; Contra Julianum (421) T, 36-38 ; Enchiridion ad Lauventium (421) 4, 5 and Opus imperfectum contra Julianum (428-30) IV, 30-32 & V, 21-23. 42 LEO C, FERRARI trees are the traces of Augustine’s polemic involvement in the orthodox interpretation of the parable of the two trees ; an involvement required by his encounters with the Manichees and the Donatists. Furthermore, it can also be claimed that the two trees are present antithetically in the Confessions as purposed products of Augustine's gifted genius. In this perspective the presence of the pear tree symbolises anagogically the evil will of Augustine’s adolescence and furthermore (through his painful diagnosis of the motives for the theft of those pears) 2 profound awakening to the depth of the depravity of that will, Likewise the dramatic struggle which brings Augustine's will into final conformity with the will of God occurs under the fig tree, a detail which has been well appreciated by two eminent scholars#®, ‘The presence of that tree would reduce to a mystical indication of rectitude of will ; a conclusion sanctioned by references in other writings of Augustine. As has already been observed, the second book of the Confessions (in which the famous pear-theft is recounted) abounds in symbols of sinfulness”. It is indeed the book of the evil tree — the tree that isto be chopped down and cast into the fire ; the axe will be put to the roots of such trees : *ecce enim securis ad radices arborum posita est," In this regard, it is not insignificant that in the third chapter of that same book Augustine recounts how his mother regretted that his evil desires of that age could not have been cut off at the roots by getting him married : ““Jamque pestilentiosum et in posterum periculosum sentiebat cohercere termino coniugalis affectus, si resecari ad uiuum non poterat®®, ” As the allusions and analogies of the second book vividly intimate, those desires were given full rein to drag the adolescent Augustine into all manner of sinful experiences. However, it is above all through his dissection of the motives which culminated in the pear-theft that he finally lays bare the basic flaw. At that age his will had reached the ultimate in malevo- Jence — he was capable of doing evil, not for any gain, but simply because he had come so low as to love evil for itself : 26. To my knowledge, Pierre Courcelle was the first to point up the significance of the fig tree in his erudite Recherches sur les Confessions de saint Augustin, Paris, 1930. In his fine study : Augustinus unter dem Feigenbaum, in Vigiliae Christianae 22 (19€8) 257-271, Vinzenz Buchheit has drawn upon the preceding pagan, jewish and christian traditions to show what associations Angustine’s readers would have conimonly made with the mention of “ fig tree”. Further, Buchheit has shown just how purposefully Augustine has availed himself of these associations, and consequently, in Buchheit's words: ‘* Sodann gilt es zm erkennen, wie sorgfiltig der Leser des achten Buches der Conjessiones auf dieses Niederwerfen unter den Feigenbanm vorbereitet wird." (art. cit, 8. 259). 27. Leo C. Ferrant, Symbols of Sinjulness in Book IT of Augustine's Confessions, in Augustinian Studies 2 (1971) 93-104. 28. Matthew 3, 10 & 7, 19. Cj. Matthew 15, 13 and Luke 3, 9 & 13, 7. 29. Conj. II, 3, 8. THE ARBOREAL POLARISATION IN « CONFESSIONS » 43 « Ecce cor meum, deus, ecce cor meum, quod miseratus es in imo abyssi. dicat tibi nune ecce cor meum, quid ibi quaetebat, ut essem gratis malus et malitiae meae cansa nulla esset nisi molitia. foeda erat, et amani eam; amaui perire, amaui defectum meum, non illud, ad quod deficiebam, sed defectum menm ipsum amani®, » Finally, in keeping with Augustine's interpretation of the parable of the two trees, his will at that age bore evil fruit, certainly something that he could only reject in later life after his conversion Consequently, towards the end of that second book, he observes (presumably with an allusion to the evil tree) : “ Quem fructum habui miser aliquando in his, quae nune recolens erubesco, maxime in illo furto%,., ” ‘The next question concerns the mystical significance of the fig tree under which Augustine cast himself just prior to his final conversion. Consis- tently with the viewpoint expounded here, this should symbolise rectitude of will. Before seeing how such an interpretation can be substantiated from the text of the Confessions, it is noteworthy that (unlike the pear tree) the fig tree has a symbolic significance established elsewhere in Augustine's writings. A significant biblical incident to which allusion is made from Augustine's earliest writings onwards, is the episode of Nathanael under the fig tree®®, When he met Christ for the first time, Christ informed him that he had seen him under the fig tree before his brother found him and urged him to come and meet the Saviour, Augustine’s earliest allusions to this episode do not explain the significance of the fig tree, but do emphasise the conviction that Nathanael was in a blessed state when under that tree®, Other undated explications of Nathanael’s condition make quite 30. Conf. TI, 4,9. The words in imo abyssi ” are of particnlar significance to the present context, In one of itis comments upon “ abyssus” Augustine gives the following explanation : * Abyssum dicit profunditatem peccatorum, quo quisque pervenit contemnendo Deum.” (Znarratio in Psalmum 35, 10). But in describing the moral condition of his heart at the time of the pear-theft, Augustine describes that heart as being” inimo abyssi. "Tn other words, he considered it impossible for him to have fallen any lower inta the depths of moral degradation. ‘This is further evidence that Augustine regarded the pear-theft as the principal and perfect expression of his evil will, in the perspective of the Confessions. Subsequently, his conversion occurs at the end of the eighth book. Then, as if recalling those words “ in imo abyssi ” of the second book, he observes in the opening lines of the ninth book : “ Tu autem, do- mine, bonus et misericors et dextera tua respiciens profunditatem mortis meae et a fundo cordis mei exhauriens abyssum corruptionis. ” 31. Conf.II,8, 16. Here, of course, Augustine is appropriating the lines of Romans 6, ar, Noteworthy is a similar reference in the thirteenth book, where writing of Paul, Augustine says: quomodo autem dolet quaedam ligna, quae fructum ei debitum non dederunt."” (Conf, XIII, 25, 38). 32, John I, 45-50. 33. De diversis quaestionibus ad Simplicianum IL, 14 ; Conira epistulam Parmeniani II, 5, 10 and Contra Faustum XII, 26. 44 LEO C. FERRARI clear the mystical significance of the presence of the fig tree, One of these explications commends itself particularly to present considera- tions. Augustine proceeds thus to explain the words of Christ about Nathanael : « Quid est enim, Cum esses sub arbore fici, vidi te ? Quid sibi hoc vult ? Quid significat ? Recordare originale peccatum Adae, in quo omnes morimur. Quando primo peccavit, de foliis fieulneis succinctoria sibi fecit (Gen. m1, 7), significans in illis foliis pruritum libidinis, quo peccando petvenit. Inde nascimur, sic naseimur, in carne peccati nascimur, quam sola sanat similitudo carnis peccati. Ideo misit Dens Filium suum in similitudinem carnis peccati. » Augustine then proceeds to explain further the mystical significance of Nathanael’s state of being under the fig tree. ‘These further explanations have an autobiographical ring to them which is of particular relevance to the present context : « Qui ergo sine pruritu foliorum ficus venit ad te, cum esses sub arbore fici, vidit te. Para te videre sublimiter, a quo visus es misericorditer. Sed quia magnum fastigium, est, de fnndamento cogita. Quo, inquis, fundamento ? Disce ab illo, quoniam mitis est, et humilis corde. Hoc in te fodi fundamentum humilitatis, et pervenies ad fastigium charitatis®, » As has been seen, Augustine consistently interpreted the biblical parable of the two trees in terms of the will of man. The evil tree symbolised the man of evil will, with the good tree signifying the man of good will. It is instructive therefore to observe the struggle of wills which occurs in the eighth book of the Confessions. Early in the sequence of events immedia- tely preceding his conversion, Augustine remarks on the fact that he was being held back, not by chains put on him by someone else, but by the iron bondage of his own will : “ ego... ligatus non ferro alieno, sed mea ferrea uoluntate®, ” He then goes on to explain how repeated acts of his own evil will had formed a chain as it were, which now held him fast. Buchheit has well explained how the breaking of this chain (which is the principal preoccupation of the eighth book), is concerned above all with Augustine’s liberation from sexual concupiscence’?. ‘Yet what was fundamentally involved in the struggle of the eighth book was a transformation of Augustine's will. From the moment of his entry into the now-famous garden scene of Milan, it was explicitly question of his 34, See the account and relevant references on pp. 193-4 in Courcelle’s Recherches sur les Confessions de saint Augustin (nouvelle édition augntentée et illustrée), Paris, (Boceard) 1968. Also very illuminating ate the observations of Buchheit (art. cit, Pp. 260-1 & 266-271). Other places where Augustine elaborates the significance of being in the condition sub arbore ficu, ate : Enarratio in Psalmum 31, en. 2, 1 ; Sermo 89 (passim) and Sermo 174, 4, 4. 35. Sermo 69, 3; 4. 36. Conf. VIII, 5, 10, 37. Buchheit, art, cit., especially pp. 268-271. THE ARBOREAL POLARISATION IN « CONFESSIONS » 45 two wills in conflict with one another ; with the new will for a reformed life in God’s service struggling against the old will of well-entrenched evil habits : “ uoluntas autem noua, quae mihi esse coeperat, ut te gratis colerem fruique te uellem, deus, sola certa iucunditas, nondum erat idonea ad superandam priorem uetustate roboratam®, ” Further, it is signifi- cant that at the very beginning of his recount of the events in that garden, the word “ will ” (volunias) or its variants occurs over fifty times in three chapters of the text, Eventually, overcome with bitter tears of self-recrimination, Augustine casts himself down on the ground under the fateful fig tree”. From that moment on, he is given the grace to banish his former evil will and so change his whole life ; as he puts it early in the ninth book ; “ et hoc erat totum nolle quod uolebam et uelle, quod uolebas!’.” In terms of the biblical parable, he had become the good tree which from then on, would bring forth good fruit. ‘This very aspect of the parable finds repeated expression in the conclu- ding chapters of the Confessions, where there are over two dozen references to fruits and fruitfulness®®, Overtly, Augustine is engaged in an exegesis of the opening verses of Genesis, Covertly, he tan well be understood to be praying that he will not fail the grace which has effected his conversion and that he will persevere to the end as the tree bearing good fruit. Such an interpretation becomes all the more plausible in the light of a most Significant passage in another work written at about the time of the 38, Conf. VILL, 5, 10. 39. See especially Conf. VIII, 8,19 - 10,24. The Manichees would maintain that the conversion which Augustine is about to describe, would be simply the victory of the internal good principle over the internal evil principle. Due to the imtportance of the change, Augustine is concerned with refuting this interpretation (Conj. VILI, 10, 22-24) and showing that it is the same person's will tom between things temporal and things eternal (Conf. VIII, 10, 24, ad finem), Essentially, it is question of the correct interpretation of the parable of the two trees. 40. Conf, VIII, 12, 28. 41, Conf. IX, 1, 1. 42. See especially Conf. XII, 17, 21-27, 42. Some of the allusions to fruitfulness obviously concern yet another theme woven through Augustine's complicated Conjes- sions. See my study : The Barren Field in Augustine's Conjessions, in Augustinian Studies 8 (1977), (presently in press). Other allusions are either allegorical, or indeterminate as to whether it is question of plants or trees. ‘Even so, there remain at least seven references to fruitful trees. Comtmonest is “* lignum fructiferum " or its equivalent (Conj.XIIL, 17, 21 ; 19, 24 ; 24) 35 : 24; 37 and 25, 38). Then thereis a direct allusion to the parable of the two trees with the words adapted from Math. 7, 20: ex. fructibus eorum cognoscatmus eos ” (Conf, XIII, 23, 33). Iinally, there is the interesting occasion when Augustine writes of Paul referring to somie “ trees" (ligna) which had failed to yield him fruit: ” quomodo antem, dolet quaedam ligna, quae fructum ei debitum non dederunt ” (Con/. XII, 25, 38). \ ‘Thisis all the miore interesting in that, to the best of my knowledge, Paul never refers to trees bearing fruits. It would therefore seem to be question of Augustine interpreting Paul in accord with the exigencies of the perspective presented in this article. 46 LEO C. FERRARI Confessions. In that passage he writes (in the first person singular), regarding the very same parable of the two trees : * Hocergo bonus fructus est, ut arbor bona sim, hoc est, bonus homo, ut praebeam fructum bonum, hoc est, opera bona." As the subsequent events of Augustine's life amply demonstrate, this grace was indeed granted him in fruitful abundance. Leo C. FERRARI St. Thomas University and The University of New Brunswick Fredericton, N.B, Canada 43. Contra litteras Petitiani I, 8, 9. ‘This, the first of the three books was written about goo and therefore at abcut the time of the publicising of the Conjessions. Piscina Siloa or piscina Salomonis ? (Possidius, Indiculum X°. 57) Among the ‘ Miscellaneous Sermons’ (Traclatus Diversi) of Augustine listed in the Indiculum traditionally ascribed to Possidius we meet the following title : De quingue porticibus ubi multitudo languentium iacebat et de piscina Siloa (XS. 57, ed. A. Wilmart, Miscellanea A gostiniana, vol, 2, Rome, 1931, p. 195): From the early seventeenth century onwards, this has been identified with the present Sermo 125, which deals with the healing of the paralytic at the pool of Bethsaida (Bethesda, Bethzatha) narrated in John 5, 1-18. This identification has persisted until the present day, despite the confu- sion involved between the pool of Bethsaida and the pool of Siloam, whither Jesus sent the man born blind in chapter 9 of John’s Gospel. I do not know when the confusion was first noticed in print, nor do I know of any attempts to explain it, nor of any discussion whether it should be laid at the feet of Augustine or Possidius', Before we grapple more closely with the problem, we must clear out of the way two solutions which are no more than enticing possibilities. A. Two entries may have been conflated into one (as has happened at one place in the editio princeps of the Indiculum by Vlimmerius — see the next article), either by Possidius or a later copyist, so that the ori- ginal would have read : De quingue porticibus ubi multitudo languentium iacebat. De piscina Siloa, r. The edition of the Indiculum in Acta Sanctorum Augusti, Tomtus Sextus (Antwerp, 1743), p. 4565, has no commtent on‘ Silos’. 48 DAVID F, WRIGHT The conflation of the two would have been facilitated in the mind of its perpetrator by the fact that the incident referred to in the first also took place at a piscina. Nor would much textual variation be required to move from -sIACEBATDEPISCINA... tO ...IACEBATETDEPISCINA..., whether we suppose the insertion of er to have resulted from careless dittography or from deliberate correction by someone who concluded that careless haplography had taken place. Furthermore, Augustine preached several sermons on the Siloam pericope : Sermo 135, Sermo 136, Sermo 136A (= Mai 130), Sermo 136B (= Lambot 10) and Sermo 136C (= Lambot 11). None of these is listed by Possidius (cf. Wilmart’s table, Misc. Agost., vol. 2, p. 225), unless, that is, one of them is listed in the separate entry De piscina Siloa hypothetically isolated above. But there are at least two objections to this solution of the difficulty. In the first place, there appears to be no manuscript support for the othission of ‘et’, although we cannot rule out the possibility that a more up-to-date critical edition than Wilmart’s, such as that in prepara- tion for the Corpus Christianorwm, Series Latina, by Fr. Glorie, may throw new light on this point. In any case it may be felt that the solution could be made to rest on emendation alone, if the traditional text were held to be intolerably difficult, which I am inclined to think itis. But second- ly, De piscina Siloa would not be the title we would expect for any of Augustine’s expositions of the pericope from John g, either in terms of the content of these sermons or in terms of the style of most of the titles listed by Possidius. De piscina Siloa is not sufficiently indicative of the substance of the scriptural passage or any of the sermons on it. Possi- dius’s conventions would lead us to expect a title in line with one of the following examples : Ex evangelio ubi Dominus oves suas Petro commendat Ex evangelio : Qui non odit patrem et matvem, et cetera De duobus caecis (X®. 89, 123, 10; Misc. Agost., vol. 2, pp. 199, 20%, 191). The opening words of either Tractatus in Iohannem 44, in which Augus- tine comments on ch. 9 of John’s Gospel, De homine quem Dominus Iesus iluminavit, qui caecus natus fuit, or Tractatus 45, De illuminato illo qui natus est caecus (CCL 36, 38x, 388), would be much more appropriate than De piscina Siloa. Of Augustine's sermons on John 9 listed above, none may be said with certainty to have a proper title in the manuscripts, but Florus of Lyons referred to Sermo 136 as De inluminatione caeci nati (cf. C. Charlier in Revwe Bénéd. 57, 1947, p. 181). Since none of these sermons concentrates substantially on the piscina itself, even though they « PISCINA SILOA » OR « PISCINA SALOMONIS »? 49 invariably enlarge on the significance of the Siloa-missus etymology, De piscina Siloa would be virtually without comparable parallel in Possidius, for it would have to be taken as shorthand for something like ‘ On the enlightening of the blind man at the pool of Siloam’, included the qualification ‘ virtually’ in this statement because the first title that would result from the division of X*. 57 into two entries would provide something of a parallel ; De quingue porticibus ubi multitudo languentium iacebat. But we should hesitate to solve one difficulty by creating another, espe- cially if the new difficulty is duplicated. We might of course have recourse to a hypothetical lost sermon which actually corresponded to the title De piscina Siloa, but with no less than five extant sermons which can find no home in Possidius we dare not indulge in the luxury of another, no longer extant, on the same pericope but rather different. B. The second resolution of the anomaly is simplicity itself : Augustine really did preach a sermon which dealt with the healing of the paralytic and the restoration of sight to the man born blind | Such simplicity has the mark almost of genius. It is after all not inconceivable that the preacher's mind moved from one healing at a pool to another. Moreover the two parts of the title would then agree remarkably well with Augustine’s homiletic expositions of these two incidents. Although he regularly explained the etymological significance of ‘ Siloa ', as we have already noted, to my knowledge he never once used the name ‘ Bethsaida’ (or any of its variants) nor even repeated the Gospel’s other name for it, probatica piscina. Although he discerned symbolical meaning in the necessity of descending into this particular pool (e.g., Sermo 424, 3 : PL 38, 687), he was most drawn to the significance of the guingue porticus which spoke of the bondage of the five books of Moses (e.g., Sermo 125, 2; PL 38, 689). But no such sermon of Augustine's has survived and I am therefore inclined to regard this hypothesis as less forceful than the one I shall present below, but probably more attractive than the one outlined above and certainly not impossible. It undoubtedly has one factor in its favour which any simple identification of the entry at Indiculum X*. 57 with a sermon on Jolin 5, 1-18 such as Seymo 125, with or without an unresolved anomaly, cannot claim. The entry would then be much mote obviously in line with most, if not all, of the two-part entries in the section of the Indiculum listing the Tractatus Diversi, that is to say, the second part would specify a subject different from, or additional to, that specified in the first part. Some bipartite entries specify two texts or passages from Scripture, such as X°, 116 (Mise. Agost., vol. 2, p. 201) : 5° DAVID F. WRIGHT De apostolo ubi ait : Qui gloriatur in Domino glorietur, et de versu psalmi septuagensimi + In tua iustitia orue me et exime me ; or XS, rx4 (zbid.), without citation of texts : Ex evangelio ubi Iesus arborem avefecit, ot de illo ubi se finxit longius ire. Others indicate the two incidents or topics, such as X®. 29 (p. 193) : De vocatione apostoli Pauli et commendatione dominicae orationis. Vet other titles combine subject and text, for example X®. 193 (p. 207) : De Samson et de versu psalmi quinquagensimi soplimi : Si vere orgo iustitiam loquinini [usta indicate). An entry nearer to the traditional reference of X°. 57 is found immediately preceding it : Item de utilitaie agendae paenitentiae, et de versu psalmi quinguagensimi : Miserere mei Deus, et cetera (X8. 56, p. 195). Here the subject and the text presumably interpenetrate each other rather than follow one another in sequence. Even closer is the following title : De flamma in rubo et ex eo quod non conburebatur, per ieiunium quinquagesimae (X°, 109, p. 200). If, as seems likely, this lists our Sermo 7, the second part of the title refers to a very early section of the sermon (7, 2; CCL 41, 71). A diver- gent manuscript reading,... rubo in Exodo ¢0 quod..., would unify thetitle, but Wilmart rejects it (p. 200). At any rate, X®. 109 offers as close a parallel as I have found to X*,57 as the latter has been traditionally understood, ive., as designating a sermon on John 5, 1-18 with a mistaken reference to Siloam instead of Bethsaida. Some may think that to examine the items in the Indiculum with this degree of closeness is inappropriate for a writing of this kind. Vet the items do fall into certain clear patterns, which at least indicate how we must understand X‘.57, even if we conclude that it remains without precise parallel among the Tractalus Diversi. De guinque porticibus ubi multitudo languentium iacebat et de piscina Siloa should not be read as equivalent to De piscina Siloa et quingue porticibus ubi etc., or to De quingue porticibus piscinae Siloae ubi ete. Since in the Johannine text the portious enter the picture ouly in relation to the previously mentioned piscina, we are entitled « PISCINA SILOA » OR « PISCINA SALOMONIS »? 51 to discern some significance in the position of ef de piscina Siloa in the second, not the first, part of the title. ‘That is to say, the form of the title leads us to look for a sermon in which the exposition of the piscina Siloais developed later than Augustine's treatment of the quingue porlicus. Does this requirement enable us to identify the sermon that Possidius’s title relates to ? According to Tractatus in Iohannem 17, 2 (CCL 36, 170) and Sermo 125, I (PL 38, 688) Augustine had often preached on the scriptural passage in question. In addition to Tractatus in Iohannem 17 there survive three sermons on the pericope, Sermo 124 (PL 38, 686-688), Sermo 123 (PL 38, 688-698) and Sermo 125A (= Mai 128, ed. Morin, Misc. Agost., vol. I, pp. 370-375 ; PLS 2, 514-518). Moreover, Johw 5, 1-18 was one of the lections on the occasion of Enarratio in Ps. 83, cf. 83, 10 (CCL 39, 1157). Of these the last is automatically excluded from consideration (and in any case Augustine makes only passing mention of the Gospel text), and Sermo 125A offers exposition neither of the guingue porticus nor of the piscina Siloa, Sermo 124 is brief, and condenses the inter- pretation of not only the piscina or agua and the quingue porticus but also other ingredients in the incident into a few rapid lines (r24, 3 ; PL 38, 687). We are left with Sermo 125. Here the quingue porticus are treated at some length in ch. 2 (PL 38, 689-690), while the piscina is considered quite briefly in ch. 3 (690) and again in ch. 6 (693). The piscina does not receive the prominence implied by the otherwise curiously placed last phrase in Possidius’s title. But is the identification of this title with Sermo 125 seriously in doubt? ? In his helpful review of my study The Manuscripts of St. Augustine's “ Tractatus in Evangelium Iohannis ” : A Preliminary Survey and Check- List in Recherches Augustiniennes 8, 1972, pp. 35-143, Pére G. Folliet remarked that in discussing Sermo 125 and its relationship to the T'ractatus (it has so far been found only in manuscripts of this collection, between Tyr. 17 and 18) I failed to refer to the agreement between the title in Possidius's Indiculum X°. 57 and the title of the Maurists’ Sermo 1258. ‘The two are indeed virtually identical : De quingue povticibus ubi multitudo languentium iacebat et de piscina Siloa (Possidius) De quinque porticibus, ubi multitudo languentium jacebat ; et de piscina Siloe, cap. ix (Sermo 125, title ; PL 38, 688). 2, MF, Berronard appears uncertain that Sermo 125 is the one designated by Possidius at X*.57 ; cf, Homdélies sur I’ Evangile de Saint Jean XVII-XXXUIT (Bibliothéque Augustinionne, Giuvres de Saint Augustin, 72; Paris, 1977), P. 717- 3. Rev, ét. aug., 19 (1973) P. 319. 52 DAVID F. WRIGHT Apart from punctuation, ‘ Siloe’ for’ Siloa’ and the addition of ‘ cap. ix’ are the only differences. (For purposes of comparison we can ignore the Maurists’ introductory phrase, ‘Rursum in Joannis cap. v.’) But the addition of ‘cap. ix’ and the semi-colon after ‘jacebat’ together suggest that the Maurists were aware of the force of the position of ‘ et de piscina Siloe’. Indeed, their form of the title agrees perfectly with the second of two resolutions of the anomaly (Siloam instead of Bethsaida) discussed and felt to be not impossible under B. above. But if this inter- pretation of Possidius’s title is sound, it cannot be combined with the identification of Sermo 125 with Possidius’s entry. For Sermo 125 males no mention of Siloam or John 9. One is left wondering what the Maurists thought they achieved by their punctuation and addition of “cap. ix’. G. Folliet took the agreement between Possidius and Sermo 125 to suggest that the latter was still separate from the Tvactaius in Iohannem when Possidius drew up his catalogue, or edited Augustine's own cata- logue. That is to say, Sermo 125 was not inserted into the sequence of the Tractatus by Augustine himself or while in the library at Hippo. But the issue is not so simple (indeed, nothing is simple in this region of the Tractatus !). For where did the Maurists’ title come from? Their text of Sermo 125 was based on two authorities. One was a manuscript of the Tractatus, now lost, from Carcassone Cathedral which furnished no title beyond ‘ De eadem lectione’. ‘This much can be ascertained from their copy of the Carcassonne text in one of their volumes of collations, Paris, Bibl. Nat. lat. 11661, ff. 161"-165". (In none of the numerous manuscripts of the Tractatus where it is found does Sermo 125 possess a title any more colourful than De eadem lectione, Item in eodem, Item wnde supra or the like!.) ‘The Maurists’ other base was Jacques Sirmond’s edition of forty new Augustinian sermons published in 1631, where our Sermo 125 was n° XV (S. Aurelit Augustini... Sermones Novi numero XL, Paris, 1631, pp. 170- 193 and notes, unpaginated, ad fin.). Sirmond’s preface bespeaks his concern to vouch for the authenticity of his sermons, which he rests partly on the antiquity of his main manuscript and partly on the corro- borating testimony of Possidius and ‘Bede’, ie. Florus of Lyons. In his Notae Sirmond invokes Possidius on eight of the first sixteen sermons, while ‘Bede’ merits rather more mentions overall. Where Sirmond’s manuscripts furnish him with sermon titles he seems invariably to indicate how far they agree with any corresponding titles in Possidius or‘ Bede’. Incases of discrepancy he makes plain whether he has chosen to follow the manuscript(s) or the writer in question. Thus for his Ser- mones XXIV and XXXI he prefers ‘ Bede’’s titles to the manuscripts’, and for Sermo I Possidius is given precedence over the manuscript. Once, for Sermo VII, he tells us that he has himself provided the title. 4. See my article The Manuscripis..., supra cit. pp. 90-94. « PISCINA SILOA » OR « PISCINA SALOMONIS »? 53 Sirmond’s source for our Sermo 125, his Sermo XV, was a codex of St. Vincent's Abbey, Metz, from which he derived none others of his forty new productions and about which he tells us nothing further. His Notae make no mention of a title in the manuscript, but they do give the title (De infirmo iacente ad piscinam) of the sermon (De Verbis Domini 42, now Sermo 124) to which he believes Augustine’s new sermon refers at the outset. He then concludes Sed nostri diserte meminit Pos- sidius5, The evidence speaks unambiguously. Sirmond found no title in the Metz manuscript (which must strengthen the probability that it was a manuscript of the Tractalus in Iohannem, or possibly a homiliary which had derived the sermon from a copy of the Tractatus). But the discovery in Possidius of a title that fitted his Sermo KV was all that he needed. (It fitted it up to a point. He either did not notice or failed to comment on the puzzling name Siloe.) He made the identification and gave the sermon a title it has retained ever since : De quingue porticibus ubi multitudo languentium iacebat, et de piscina Silod, subjoining the comment, Memintt Possidius Indiculi cap. VITI. Clinching confirmation of this account of things is provided by an earlier printing of the sermon. At the end of volume io of the 1614 Paris edition of Augustine’s Opera Omnia a number of new sermons appeared which had been pirated from Sirmond and published against his will. Here we find our sermon as the third item (pp. 390-393) under the title, Possidius de quinque porticibus ubi multitudo languentium iacebat, et de piscina Siloe’. I submit that the mention of Possidius at this point puts the issue beyond doubt. Tt was then Jacques Sirmond who forged the link between our Sermo 125 and Possidius, and we are left with Possidius as the sole authority for the title containing the allegedly erroneous reference to Siloam. 5. SIRMOND, Opera Varia..., Paris, 1696, vol. 1, cols. 329-344, ‘ Notae in XL. Sermones Novos §. Augustini ’, especially cols. 331-332 (Lectori) and 337. The original edition of 1631 is not available in Edinburgh. 6, Aurelii Augustini... Sermones Novi numero XL, p. 170. T amt grateful to G. Fol- liet for confirming the form of Sirmond’s title in this edition, The Louvain edi- tors’ text of the Indiculum read‘ Siloe’ at this point, which accords with Sirmond’s reading (cf. edition of Cologne, 1616, Opera Omnia, vol. 1, p. x7). The editio princops of the Indiculum by J. Vlimmerius was published in 1564 (D. Aurelii Augustini... Sermonum pars una hactenus partim mutila, partim desiderai cum Indiculo Possidii..., Louvain, 1564). ‘This edition is not to be found ‘burgh, but it was reprinted in the Froben edition of the Opera Omnia (Basel, 1569) of which Viinmterius was one of the editors, Here the reading was‘ Syloa’ (vol. 1, fol. D), 7. CE my study The Manuscripts..., supra cit., p. 93. For a xerox copy of the relevant pages of the 1614 edition I am again indebted to G, Folliet. 54 DAVID F. WRIGHT I am free once again to pursue my speculations about the relation of Sermo 125 to the Tractatus in Iohannem in Augustine's library, but we “are no nearer to resolving the anomaly of ‘Siloa’. ‘There remains also the question whether we should persist in identifying Sermo 125 with the sermon listed at X® 37 in Possidius’s inventory, in the full knowledge that we have no evidence from the manuscripts of Sermo 125 of any title of significance. We must now take our argument a step further and ask whether Augustine ever called the piscina of John 5 the pool of Siloam. What in fact did he call it ? As far as I can discover he never called it the pool of Bethsaida (Bethesda, Bethzatha) nor did he call it the pool of Siloam$, but on three occasions at least he called it the pool of Solomon. Indeed, on the only occasions when he gave it a name he called it the pool of Solomon : 1. In a phrase that must immediately remind us of Possidius’s two-part title : quinque porticus circumdabant piscinam Salomanis (Sermo 272B, 3 = Mai 158, 3, ed. Morin, Misc. A gost., vol. 1, p. 383 ; PLS 2, 524). 2. In Tract. in Ioh, 20, 2 Augustine speaks of the healing of one person only among those who lay in quinque porticibus piscinae illius Salomonis (CCL 36, 203) 3. In Enarr. in Ps. 83, 10 (CCL 39, 1157) Augustine refers to quingue illae porticus Salomonis, and proceeds to cite John 3, 3. 8. On the other hand Augustine showed no reticence in using the name’ Siloam’ when he preached on John 9. Cf. Sermo 135, 1, 2 ; 136, 2 (PL 38, 749, 751); 1364, 1 (= Mai 130, Mise. Agost., vol. 1, pp. 377-378 ; PLS 2, 520), 136 B(= Lamibot 10, PLS 2, 792), 136C (= Lamtbot 11, PLS 2, 796; ed, J. Lemarié, Rev. é, aug., 24, 1978, Pp. 90-91), Tract. in Joh. 44, 2 (CCL 36, 382) ; cf. also Sermo 7, 3 (CCL 4, 72), De doct. christ, 2, 16, 23 (CCL 32, 48). — Mle A-M. La Bonnarditre has kindly communicated to me the results of her researches on Augustine's use of John 5, 1-18 : 3) Augustine speaks of the pool of Siloam only on Jolin 9, never on John 5; 2) In his references to the pericope John 5, 1-18 Augustine never cites of alludes to that part of John 5,2 which describes the piscina as the piscine probatica called in the Hebrew ‘ Bethsaida/Bethzatha’. This is all the more surprising since he was fond of noticing the Hebrew proper nantes in the Bible and giving their meaning, probably with the aid of Jeromte’s De nominibus hebraicis, ‘ Tout se passe coninie sice fragment du chapitre 5 de Jean (Jo. 5, 2a) ne faisait pas partie du texte de Jean qu’il avait en mains.’ Mie La Bonnardiére notes that the word probatica never occurs in the Tractatus in Iohannem. Nor have I found it elsewhere—despite the Maurists’ heading at Sermo 124, 3 (PL 38, 687) and the entry in their Index, Piscina probatica Siloe, at PL 46, 534. «PISCINA SILOA » OR « PISCINA SALOMONIS »? 55 This last text suggests a plausible explanation of how the confusion arose. From the single porticus Salomonis of John t0, 23, Acts 3, 11 and 3, 12 Atgustine’s mind might have moved to the guingue porticus around the piscina of John 5, 2 which he proceeded to think of as the quinque portious Salomonis. The next stage was to call the piscina around which the five porticoes were situated the piscina Salomonis (cf. Morin’s note, Misc. Agost., vol. r, p. 383 n. I). But was the confusion merely Augustine's ? It is attested also in a group of manuscripts of the Vulgate whose Capitula on John’s Gospel entitle the pericope in question In porticu salamonis, Ad natatoriam piscinam hominem ab infirmitate annorwm XXXVIII. The manuscripts range from the seventh or eighth to the ninth centuries, and comprise some of the weightiest of Vulgate codices : the celebrated Book of Armagh and Book of Kells, both in Trinity College Library, Dublin, the Echternach Gospels (Paris, Bibl. Nat. lat. 9389), and the Gospels codex from St. Germain, now Bibl. Nat. lat. 11553. These manuscripts represent a range of Irish and continental — southern French and Italian — textual types. The same Capitula occur in Paris, Bibl. Nat. lat. 234, a rather later codex Colbertinus which preserves an Old Latin text of the Gospels but for the rest of the New Testament is Vulgate. They are contained also in the seventh-century codex aureus of the Gospels in Stockholm, Kungl. Biblioteket, which is another witness to the Old Latin version of the Gos- pels. Is there any connexion between these Capitula and Augustine’s confu- sion? The Cafitula appear to confirm our surmise that the confusion arose at first over the porticus, and only by transference embraced the piscina as well, But did Augustine’s mistake influence these particular Gospel Capitula ? His references to the porches and pool of Solomon hardly seem prominent enough to make this at all likely. After all, they have gone almost unnoticed until the present!?! On the other hand it is almost inconceivable that these Capitula should be responsible for Augustine's error. Although the origins and development of capitula in biblical manuscripts remain shrouded in obscurity, it is scarcely credi- ble that Augustine should have had access to capitula of John’s Gospel which at this point were so markedly divergent from the text of the Gospel itself. More research is called for on the emergence of capitula. In the meantime I am left with the feeling that behind the curious agree- 9. Nouum Testamentum Domini Nosiri Iesu Christi Latine secundum editionen Sancti Hieronymi..., edd. J. Wordsworth, H. J. White, pt. 1, fase. 4 (Oxford, 1895), p. 497. On the ntanuscripts see fasc. t (1889), pp. XI-XIV, XXVIII, and fasc. 5 (1898), pp. 706-708. 10, M, F, Berrouard was puzzled by the piscina Salomonis at Tract, in Ioh. 20, 2, but had not noticed the other occutrences of this anontaly ; cf. Homélies (supra cit.), p. 226m. 6,

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