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Henri-Irénée MARROU 1904 - 1977 Le 11 avril, au soir du lundi de Pagues de cette année 1977 qui eft dt lui permettre de féter saint Ivénée et les martyrs de Lyon auxguels il était si attaché, Henri-Irénée Marrou est entré dans son éternité, au terme d'une courte maladie qui l'a surpris en plein travail. Des « Murs blancs» de Chatenay-Malabry, oi il les avait si souvent accueillis, ses amis et ses éléves Pont, par la rue Sainte-Catherine, accompagné d son église paroissiale dédiée a saint Germain @ Auxerre... Par ces détails, auxquels il était lui-méme sensible, on se platt dvappeler celui qui, de passage a Rome, Naples, Le Caire, Lyon ou Paris, a toujours su, avec un sens aigu des circonstances et des faits concrets qu'il trouvait sur sa route, poser et embrasser de vastes problémes, réfléchir avec passion sur son métier d'historien, faire sentir la résonnance humaine et spirituelle de toute question, fiit-ce la plus technique. Plus que Vhistorien de P Alexandrie du I1¢ au V® sidcle, de la Rome chrétienne, de cette Gaule dont il avait entrepris de donner wn nouveau Corpus épigraphique, de la Prosopographie chrétienne du Bas-Empire @ laquelle il na cessé de travailler jusqu'au bout, il importe, en cette Revue, @évoquer celui qui, par son enseignement comme par ses écrits, a permis 4 toute une génération de redécowvrir saint Augushin en son temps, on ses grandes intuitions comme en ses cadres intellectuels. Le petit Saint Augustin et Taugustinisme de 1955 comme Vimposant Saint Augustin et la fin de la culture antique de 1938 et sa Retractatio de 1949, l’ Ambivalence du temps de histoire chez Saint Augustin de 1950, qui prépare sa'Théologie de histoire de 1968, resteront des owvrages représentatifs de Vapproche de saint Augustin dans le deuxiéme tiers du XXe sidcle. Il avait cessé d’en- courager tous ceux qui s’attachaient A préciser ou compléter cette vision et Cest un devoir de rappeler la perfection avec laquelle Jeanne Marrou, son épouse — qui Paura précédé dun an —, avait mis a la disposition des lecteurs francais plusieurs ouvrages étrangers de valeur sur saint Augustin, Des ses origines, notre Reoue a bénéficié dela part d’H.-I. Marrow d'une sympathie et dune collaboration qui ne se sont jamais démenties. Les articles qwil nous avait confiés n’en étaient quun faible signe. Crest donc avec beaucoup de tristesse, mais aussi avec le réconfort et la fierté @avoir eu tous, & quelque titre, un tel mattre, que nous annongons 4 nos lecteurs du monde entier co départ : c'est une grande perle pour nous, pour la patristique tout entitre, pour la France et, nous wen doutons pas, pour eux, Yves-Marie Duvat, De quelques répliques 4 Celse dans le Protreptique de Clément d’Alexandrie Jusqu’a ces dernigres années, il paraissait bien établi que le Contre Celse d’Origgne constituait la premitre et la seule réplique a Pargu- mentation antichrétienne contenue dans le Discours Véritable de Celsel. Or, voici que, depuis peu, on ne voit plus du tout les choses de cette fagon. Si l'on en croit I,. W. Barnard, I'apologiste Athénagore aurait, dés 176-177, tenu compte des accusations proférées par le penseur paien®, Pour ma part, j'ai tenté de montrer qu’en 180-181, Théophile d’Antioche prenait, lui aussi, ces mémes griefs en considération®, J. Schwartz mavait d’ailleurs précédé en cette voie, puisquil avait réussi 4 déchiffrer dans 1'A Diogndte — qui date de 190-200 — un ensemble de réponses A une sorte de questionnaire d'inspiration cel- sienne’, Enfin, si Hippolyte de Rome et l’auteur de la Cohortatio ad Graecos paraissent également avoir songé 4 Celse®, il semble aussi que les Péres latins eurent vent du contenu du Discours Véritable : Ter- tullien en 197, Minucius Felix sous Caracalla’ rédigérent l'un et f'autre quelques pages en rapport avec ce livre’. 1. Seul, B, Aubé n’était point de cet avis (cf. Histoire des perséoutions de I Lgvise, Paris 1878, pp. 189-193). 2. TL, W. BARNARD, Athenagoras. A study in second century chvistian apologetic, Paris, 1972, pp. 53-68. 3. JoM. VERMANDER, Théophile @'Antioche contre Celse : A Autolycos IIT dans Revue des Etudes Augustiniennes, t. 17, 1971, Pp. 203-225. 4. H.-L Marrov, A Diognéte, Paria’ 1965, pp. 263-266. 5. J. Scuwarzz, L’Eptire & Diognéte dans Revue d'Histoire et de Philosophie voligiouses, t. 48, 1968, pp. 46-53. 6. Sur Hippolyte de Rome, cf. C. Anpaxsen, Logos und Nomos. Die Polemih des Kelsos wider das Christentum, Berlin, 1955, p. 387-302 ; sur la Cohortatio, cf. J.-M, VERMANDER, La parution del'owvrage de Celse et la datation de quelques apologies dans Revue des Etudes Augustinionnes, t. 18, 1972, p. 36-40. : 7., Sur cette date, cf. J.-M. VERMANDER, L’Octavius de Minucius Felix, le rdgne de Caracalla et le pontificat du pape Calixte dans Revue des Etudes Augustiniennes, t. 20, 1974, p. 225-233. J-M. VERMANDER Seul de tous les auteurs chrétiens de cette période, Clément d’Alexan- drie donnait l’impression d’ignorer les vives attaques dont sa « secte » avait été objet sous le régne de Marc-Auréle... Certes, S. C, R. Lilla avait bien essayé, A partir de I’étude des Stvo- mates, d’établir un lien entre Clément et Celse, mais sa tentative fut sévérement jugée®, D’autre part, J. Daniélou affirmait que ce lien existait, mais sans rien prouver!®, En conséquence, il fallait attendre que, par un détour imprévu, 1a Recherche fournit une occasion d’aller plus loin. Or, cette occasion semble s’étre présentée. Car, avec la récente parution du tome V du Conire Celse aux Sources chrétiennestt, nous disposons maintenant d’un répertoire solide de tous les thémes celsiens!®, et ceux-ci peuvent done étre aisément rapprochés de tout ce qu’on lit chez Clément. Or une telle comparaison méne inévitablement a la conclusion suivante : une bonne part du Protreptique est ditigée contre des affirmations qui parsément le Discours V éritable. Deux ¢tapes sont nécessaires pour parvenir A cette conviction : la premiére consiste 4 découvrir que auteur chrétien suit, A peu de choses prés, le cheminement de la pensée celsienne au fur et 4 mesure que celle-ci se déroule ; la seconde étape passe par une étude détaillée de tous les passages qui auront été mentionnés dans la partie précédente : on pourra ainsi saisir jusqu’aux moindres indices révélant qu’il y eut, de la part de Clément, volonté de répondre 4 Pouvrage paien. * ae Le contenu précis de argumentation antichrétienne de Celse demeure, bien entendu, imparfaitement connu, mais il semble au moins que nous connaissions maintenant la structure de lceuvre. Dans son édition, M. Borret vient en effet de fournir 3 ce sujet une étude trés documentée!8, ‘M. Vurmanpur, De quelques répliques & Celse dans I’ Apologeticum de Ter- tullien dans Revue des Etudes Augustiniennes, t. 16, 1970, p. 205-225 ; Celse, source et adversaire de Minucius Felix, ibid., t. 17, 197%, p. 13-25. J. Schwartz mi'apporte ici son appui (cf. Revue d'Histoire et de Philosophie veligieuses, 1973, p. 401). 9. 8. R.C. Latta, Clement of Alexandria, A Study-in christian Platonism and Gnosticism, Oxford, 1971. Dans son compte-rendu (Revue de I’ Histoire des Religions, t. 183, 1973, fase. 1, p. 71), A. Méhat est sévére pour Lilla : le théme du plagiat est dans I’air, dit-il ; le thame de l’antériorité de Moise également ; une seule reprise de terme est seulement signalée, alors que Clément aime reprendre les expressions @autrui, Pourquoi Lille ne fait-il pas plus de rapprochements avec le texte celsien ? To. J. Danréiou, Message évangélique et culture hellénistique aus IIe et ITI® siécles, ‘Tournai, 1961, p. 50. rx. M, Borer, Origine, Contre Celse, t. V, Paris, 1976 (n° 227 de la collection Sources chrétiennes). 12, Notamment grace 4 Vinder uerborum, p. 350 & 524. 13. Ibid., p. x18-r21, REPLIQUES A CELSE CHEZ CLEMENT D’ALEXANDRIE 5 Or il est clair que ce plan donné par Celse & son exposé a, bel et bien, été connu de Clément d’Alexandrie : sinon, comment expliquer que celui-ci reprenne ‘ou combatte au début, au milieu ou a Ja fin de son Protreptique, des idées et exemples figurant, de la méme fagon, au début, au milieu ou a la fin du Discours Véritable ? Ainsi au livre II du Contre Celse d’Origgne — oi se trouvent de nom- breuses citations celsiennes visant & démontrer qu’il y a rupture entre judaisme et christianisme — correspond le chapitre premier du Pro- treptique, dans lequel est adoptée une position diamétralement opposée. Au livre III du Contre Celse — ot les extraits celsiens font sans cesse Téloge des divinités et des mystéres paiens — correspond le chapitre second du Protreptique, tout entier tourné contre ces mémes divinités et mystéres. Maints thémes rapportés au livre IV du Contre Celse (infériorité de Yhomme par rapport aux animaux, caractére non anthropocentrique de univers, nouveauté radicale du christianisme) sont vivement com- battus aux chapitres 3 3 9 de l'ouvrage de Clément. Quant au chapitre ro, il dit le contraire de ce que dit Celse aux livres V et VI du Contre Celse (quand Origéne 1ui laisse la parole). En effet, y sont pris 4 partie les thémes suivants (qui sont on ne peut plus celsiens) : Ja tradition historique doit étre considérée comme un absolu ; la con- naissance de Dieu est réservée a une élite ; Ja nature de Jésus fut pure- ment humaine. Enfin, les passages du livre VII du Contre Celse ot lon nous montre un Celse: pressant ses adversaires de conseils (mariez-vous, ayez des enfants, vénérez les démons, croyez 4 la mantique, réalisez dans le paganisme la véritable union 4 la divinité) trouvent leur exact opposé dans les chapitres x1 et 12 du Protreptique. A lire telle ou telle reconstitution du Discours Véritable et 4 la com- parer, elle aussi, au Protreptique, on aboutit d’ailleurs 4 la méme conclusion. ‘Un tableau est ici le meilleur moyen de prendre conscience de Ja « dette » de Clément a I’égard de Celse. Car il ne peut pas ne pas mettre en lumitre combien Pauteur chrétien adapte son développement a celui du paien : opjxt DU pDépat Protrept. C. Celse Discours Véritable (reconstitution 0. Gléckner, Bonn, 1924) Comparaison entre Pee Orphée et Jésus | chap. x, 3 Lm 7 page 8 Ancien Testament| chap. 1, -5et8/U.I, 4 page 7 et christianisme Jean-Baptiste et le christianisme chap. ro-ro | I.I, 4 page 7 6 Les mystéres de Dionysos Les mystazes des Corybantes Les Dioscures, As- elépios et Héra- les sont-ils dieux ? Corruptibilité de la chair et nature mortelle de Zeus et de Jésus Cultes égyptiens et christianisme ‘L‘homme et les ani- maux La nouveauté du christianisme Dieu a-t-il fait le monde entier ? La création a-t-elle été faite pour V'Homme ? Le feu pour les mé- chants La colére de Dieu contre les hommes injustes Est-ce impie d’a- bandonner la cou- tame ? Comment monter ‘vers Dieu ? Quelle est la valeur de la sagesse hu- maine ? Les apparences mé- prisables de Jésus chap. 2, 12et 17-18 chap. 2, 23 et 29-30 chap. 2, 36-38 chap. 2, 39 chap. 3, 43 chap. 3, 43 et 48-49 chap. 4, 63 Ibid, chap. 9, 84 chap. 9, 85 chap. 10, 89 et ror chap. 10, too chap. 10, 107 chap. to, 110 1. 11, L. TI, L. Or, ‘L. OT, Lv, L.Iv, LIV, L.Iv, L.Iv, LIV, LV, L. vi, L. VI, X, Vi, 22 16 et22 azet4a 42-43 7 r9et2r 8r 69 75 99 22 99 35 66 12 75 J-M. VERMANDER page 16 ww page 16 pages 16 et 18 page 18 page 16 page 29 page 28 page 28 page 32 page 24 page 32 Page 35 page 53 page 42 Page 54 REPLIQUES A CELSE CHEZ CLEMENT D'ALEXANDRIE aE Un chrétien doit-il se marier, avoir des enfants ? chap. tx, 113 | L, VILL, 55 page 69 Attitude vis-a-vis delamantique | chap. 12, 119 | 1. VIIT, 45 page 67 union & Dieu chap. 12, 122 | L., VIIT,63 page 70 Qui est «juste et saint avec intelli- : gence »? Ibid. L. VIL, 55 page 69 Le chrétien ou le paien ? La teneur de argumentation (selon qu’elle est pro- ou anti-chrétienne) ne nous intéresse évidemment pas en ce lieu. Seule compte 1a constatation que chacun aura faite en lisant ces colonnes : les groupes d’arguments se succddent A peu prés dans le méme ordre chez le chrétien et chez le paien. Nous commengons done 1a a tenir une preuve que le chrétien a composé son oeuvre en se référant 4 la pensée celsienne selon son ordre d’exposition. Rt ce premier indice ne saurait étre tenu pour négligeable... * ae Il faut toutefois pousser plus loin 1a recherche. Car une telle approche ne peut suffire. En conséquence, examinons maintenant les textes de prés et cherchons a saisir le plus grand nombre possible de points de jonction entre les deux ceuvres. Commencons par le débat sur les rapports entre le judaisme et le christianisme. Celse parle ici par personne interposée : il met en scéne un Juif, auquel il fait dire : « Comment vous (les chrétiens), débutant par nos textes, pouvez-vous, en progressant, les mépriser, alors que yous niavez d’autre origine a alléguer pour votre doctrine que notre loi 274», Et a ce reproche s’en ajoute un autre : le Juif prétend que le message de Jean-Baptiste ne peut étre logiquement utilisé par les chré- tienst5, Il est clair que Clément prend carrément le contre-pied de ces deux affirmations : en premier lieu, il insiste, & plusieurs reprises, sur Pimpor- tance qu’attribue la pensée chrétienne 4 des personnalités comme Moise, 14. Contre Celse, IL, 4. C’est moi qui souligne. 15. Ibid. Origéne écrit notamment : « Et quelle charge constitue pour le chris- tianisme la qualité juive de Jean qui a baptisé Jésus ? Car il ne s'ensuit pas, du fait qu’ll était juif, que tout croyant, qu'il vienne des Gentils ou des Juifs, doive garder la loi juive au sens littéral ». On voit par 14 que le Juif de Celse prétendait garder Jean-Baptiste pour le seul judaisme. 8 J-M. VERMANDER David, Isaie et aux prophétes en général" ; en second lieu, il met l’accent sur le réle de Jean-Baptiste comme précurseur du Christ : « Est-ce que Jean aussi ne nous invite pas au salut, ne devient-il pas tout entier une voix qui exhorte ?... Jean est un précurseur, et sa voix est le pré- curseur du Logos, voix qui encourage et prédispose au salut, voix qui exhorte 4 chercher I’héritage céleste!” ». Et de relier encore plus pré- cisément ce prophéte au christianisme en affirmant avec force : « C’est A nous que Tange annongait la bonne nouvelle, c’est nous que Jean exhortait 4 penser au laboureur, 4 chercher le mari’® », On objectera peut-étre A cela que, pour refuser ainsi toute coupure entre l’Ancien et le Nouveau Testament, les chrétiens n’avaient pas besoin d’étre aiguillonnés par le paien Celse. Mais, avant de considérer cette objection comme irréfutable, il faut remarquer que le contexte entourant les passages ci-dessus mentionnés fait, Iui aussi, penser 4 Celse. En effet, encore & propos de l’Ancien Testament, le Discours Véritable accusait Jes chrétiens d’accorder une foi aveugle aux prophétes et a leurs menaces, notamment a celle d’envoyer sur les incrédules le feu dévastateur!®, Or, juste aprés avoir parlé des prophétes, Clément reproche 4 un paien, auquel il s’adresse, de «prendre pour une fable et ces hommes (= les prophétes) et ce feu’ », Bref, on dirait ici que Yauteur chrétien colle de trés prés a la pensée celsienne pour mieux la combattre : d'une part, il reprend la liaison établie par le polémiste paien ; @autre part, il se fait Pécho @objections paiennes dont per- sone ne peut nier qu’on les trouve chez Celse et, jusqu’a plus ample informé, uniquement chez ce penseur. A cette coincidence s'ajoute le fait que plusieurs arguments du Discours Véritable sont malmenés non loin de 1a. Si Celse a hautement prétendu que le christianisme ne posséde ni vopog. ni A6yog valables*, Clément écrit pour sa part avec béaucoup de fermeté : « De Sion sortira le vouoc, et de Jérusalem le A6yos du Seigneur® », Qui connait le livre d’Andresen 16, Protreptique, 1, 4,2; 3, 5,43 1, 8, 2 (6d. Mondésert) 17. Ibid., r, 9, 1-2, C’est moi qui souligne. . 38, Ibid., 1, 9, 4. 19. Contre Celse, VII, 3 : « Les prédictions des habitants de la Judée... voila ce qui leur (= aux chrétiens) parait merveilleux et irréfragable !>; en VII, 9, il est rapporté ce que Celse fait dire & ces prophétes : « Heureux qui aujourd'hui m’a rendu un culte | A tous les autres fenverrai le feu éternel dans les villes et Jes campagnes », Tout le passage est d’ailleurs constitué d’une virulente polémique contre les prophétes hébreux, 20. Protreptique, x, 8, 4: « Toi, cependant, tu ne crois pas les prophates, tu prends Pour une fable et ces hommes et ce feu» (trad. Mondésert, légérement. remani¢e Pour mettre en valeur la 2° personne du singulier employée dans le texte grec). Cest moi qui souligne, 21. Contre Calse, V, 65, et tout le livre VI (ot Celse tend & ruiner le Logos chrétien dans presque toutes les citations qui y figurent). 22, Protreptique, 1, 2, 3. REPLIQUES A CELSE CHEZ CLEMENT D'ALEXANDRIE 9 et Limportance qw’il convient dattacher @ ces deux termes grecs pour comprendre le sens profond du Discours Véritable®®, ne peut pas ne pas s’arréter, au contenu de la phrase qui vient d’étre citée. Et son attention sera d’autant plus en éveil que d’autres passages du Protyeptique semblent aussi, dans le contexte, viser Celse. Ainsi, comme pour répondre a l’affirmation selon laquelle « Dieu n’a pas besoin d’appliquer de nouvelles réformes », Clément insiste sur le chant « nou- veau » entonné par le Verbe™. De méme, la polémique contre Orphée — qui ne se trouve que dans le chapitre premier du Protreptique — peut étre mise en liaison avec Pintention manifestée par Celse d’opposer Orphée a Jésus®®, Voyons cela de plus prés : si le Juif de Celse traite le Christ de menteur juste aprés avoir parlé des prophétes®, Clément, lui, traite Orphée d’imposteur juste avant de parler de ces mémes pro- phétes®? ; en outre, alors que, pour discréditer Jésus, Celse avait qualifié Orphée « d’homme a lesprit pieux »*8, Clément, ayant polémigué contre Orphée, loue Jésus d’avoir placé ses disciples «sous le joug doux et humain de la piété »®, Un peu plus loin dans Iceuvre du Pére grec, on note d'autres points de jonction avec le Discours Véritable ; de part et d’autre, on procéde a la méme énumération : Phrygiens, Arcadiens, Egyptiens®?; et, si Celse demande comment l'on peut faire pour apprendre a connaitre Dieu et trouver prés de fui le salut, Clément paraft répondre en affir- mant que c’est le Logos qui montre la voie*. Une autre question de Celse semble d’ailleurs susciter également une réponse de Clément non loin de 1a. Le paien interroge : « Est-ce done maintenant, aprés tant de sitcles, que Dieu s’est souvenu de juger Ja vie des hommes, alors qu’auparavant il n’en avait cure ?#* », Le chrétien semble répliquer : « Nous étions, nous, dés avant la création du monde, nous qui, parce que nons devions exister en Lui, étions déja auparavant engendrés par Dieu, nous les créatures raisonnables: du Logos-Dieu, 23. Cf. louvrage cité a la note 6. Voir surtout les pages 38, 119, 299. 24. Protreptiqus, 1,.2, 4 semble aller & V'encontre de Contre Celse, IV, 69. 25. Ainsi qu'il résulte d’une observation d’Origtne en Contre Celso, VIL, 54 : «Je me demande si ce n’est pas pour nous chercher querelle et pour avilir Jésus qwil chante maintenant les louanges d'Orphée », On peut tras bien imaginer, & partir d’une telle réaction, quels furent les sentiments de Clément lisant Ia méme chose qu’Origéne : agacement, indignation, volonté de répliquer. 26. Contre Colse, II, 7 : 4 Jésus a dit de grands mensonges ». La polémique contre Jes prophétes était rapportée en IT, 4. 27. Protreptique, x, 3, 1. 28, Contre Celse, VII, 53. 29. Protreptique, x, 3, 2 30. Contre Celse, IV, 36 ; Protreptique, 1, 6, 4. 31. Contre Celse, VI, 68 ; Protreptique, t, 6, 1. 32 Contre Celse, IV, 7. 10 J-M. VERMANDER pat qui nous sommes dés le commencement, puisque le Logos était au commencement? », Bref, on dirait que la méthode de travail de Clément s'apparente a celle d’Origéne rédigeant le Contre Celse: de méme qu’en son livre I, Origgne allait Pabord songer a réfuter quelques objections disséminées chez son adversaire, puis devait en venir A un exposé suivi™, de méme, en son chapitre premier, Clément d’Alexandrie s'occupe de points de détail trouvés ici et 18 chez Celse et songe & développer un théme précis (capports entre te judaisme et le christianisme). Cette volonté de suivre pas a pas le paien se retrouve d’ailleurs encore plus marquée dans le chapitre second du Protreptique aux patagraphes 16 A 43. Ainsi Celse a soutenu Phypothése que Vinitiation chrétienne est a rapprocher de Vinitiation que recoivent les initiés des mystéres des Corybantes*®, Or, Vauteur chrétien, comme s'il était profondément scandalisé de ces dires, entreprend, par deux fois, de révéler ses lecteurs Je scandale qui, & ses yeux, se cache derriére ces rites d’initiation®®, Non loin de 1a, dans les deux ceuvres, on trouve un développement relatif 4 Dionysos, qui sera, on s’en doute, élogieux chez le paien’?, agressif chez le chrétien®’, Clément en vient méme 4 affirmer, sans doute parce que Celse a égalenient rapproché linitiation chrétienne de Pini- tiation bacchique®*, que les corbeilles mystiques des bacchants ne contiennent rien d’autre que des étres purement matériels : « gteaux de sésame et de miel, de miel et de farine, giteaux en pelote, gateaux A bosses, grains de sel, et un serpent, symbole rituel de Dionysos Bassa- ros », En vérité, n’est-ce pas 14 contredire un autre propos du paien, selon qui Vinitié avait Pimpression que son initiation n’avait pas été vaine*! ? Aussi bien, pour Clément, la cause était-elle entendue : tout cela n’était, A ses yeux, que mensonge, monstruosité, vaine conjecture, duperie# | Passant ensuite aux Dioscures, 4 Asclépios et 4 Héraklés, Celse avait voulu montrer que c’était 14 des hommes devenus dieux aprés leur mort‘? 33. Protreptique, 1, 6, 4. 34 On sait que Je changement de méthode se sitne au chapitre 28 du livre T. 35. Contre Celse, IIL, x6, 36. Protreptique, 2, 15, « et 19, 1-4. Voir notamment 2, 19, 1: + Ayant mis & mort leur frére, les Corybantes couvrirent la téte du cadavre d'un lanibeau écarlate, Ja couronuérent et I'ensevelirent, la portant sur un bouclier d’airain au pied de VOlympe ». 37. Contre Celse, WII, 22 (Dionysos a rendu des services aux hommes). 38. Protreptique, 2, 12, 2 et 2, 17-18 (en entier). Dionysos est présenté soit comme un fou, soit comme un bambin. 39. Contre Calse, IV, 10. 40. Protreptique, 2, 22, 4. 4t. Contre Celse, IIT, 18. 42. Protreptique, 2, 12, 1; 2, 13,342, T4, 0 43. Contre Celse, III, 22. REPLIQUES A CELSE CHEZ CLEMENT D'ALEXANDRIE qr Et sans doute était-ce 14 les exemples qui venaient 4 l’esprit chaque fois que ce dernier tentait d’aborder le théme de la dis de certains mortels, Mais ce qu’il faut observer ici, c’est que Clément ne combat point cette théorie comme s'il s’agissait d’une affirmation qu’on trouve partout : il prend Vexact contre-pied des affirmations’de Celse, utilisant méme, pour parler des mystéres, le terme précis dont le paien se sert pour ridiculiser les mystéres chrétiens : yonvobv‘. La suite des deux ceuvres continue 4 offrir le méme parallélisme : Celse poursuit l’offensive en parlant de Zeus et d’Apollon*®, tandis que Ciément déverse sa bile sur ces deux divinités#? ; a I'éloge que fait Je paien de Dionysos et d’Héraklas" correspond la vive attaque de Clé- ment, qui insiste, en particulier, sur les amovurs contre nature de Dionysos et de Prosymnos*®, Vient ensuite dans le Discours V éritable un développe- ment sur Ja corruptibilité de 1a chair de Jésus® et le sens véritable du tombeau de Zeus en Créte®!. Or, dans le Protreptique, on trouve, de la méme facon et dans le méme prolongement, des allusions A la corrup- tibilité de la chair de Zeus — citation d’Homére 4 l’'appui — ainsi qu’une vive polémique contre le dieu". Enfin, si le raisonnement de Celse sur les mystéres paiens avait com- mencé par une critique des moqueries dont les chrétiens accablaient les Egyptiens®*, le développement consacré par Clément A ces mémes mystéres se termine, lui, par une méme critique, mais qui, cette fois, vise, on s’en doute, les paiens®4, Et notons encore, pour en. finir avec les objections rapportées au livre II du Conéve Celse, que Pun et Pautre écrivain rapprochent de ce qui se passe chez les Fgyptiens les rites qwils pourfendent®, Quant a la fin du chapitre second du Protreptique, elle est A mettre en rapport avec ce qui est rapporté au livre VIII du Conive Celse & propos des démons. En effet, Clément semble reprendre & Celse l’une de ses théories et en combattre une autre : 44. J. Gurvcxen I’a depuis longtemps signalé : ef. Zwei griechische A-pologeten, Leipzig-Berlin, 1907, p. 69 et p. 225-226. 45. Contre les Dioscures et Héraklés : Proty. 2, 30, 4 47; contre Asclépios, 2, 30, 1-2. ‘Sure parallélisme en ce qui concerne le verbe employé : compater Contre Celse, VI, 24 (yopvcavta) et Protr. 2, 12, 1 (anoyvnvasa). 46. Contre Celse, III, 37, 47. Protreptique, 2, 32 et 33. 48. Contre Celse, IIT, 42. 49. Contre Héraklas, cf. Protr, 2, 33, 4-5 3 contre Dionysos, 2, 34, 2-3. 50. Contre Celse, III, 42. 5x. Ibid, TIT, 43. 52. Protreptique, 2, 36-37. La citation d'Homére est une citation libre d’Tliade, XXI, 568-569. 53- Comive Celse, III, 19. 54. Protreptique, 2, 30, 6. 55. Comparer Contre Celse, III, 18 & Protreptique, 2, 39, 6-9. 12 J-M, VERMANDER Protr. 2, 40, x : les démons sont, C. Cels. VIII, 35 : les démons pour ainsi dire, en seconde ressemblent a de hauts ligne sur le plan du divin fonctionnaires de Dieu Proir. 2, 41, 3 : les démons sont mal- C. Cels. VIII, 33 : les démons veillants et inhumains sont bienveillants envers les hommes Admettons que ces coincidences soient l'effet du hasard. Mais pourra- t-on encore expliquer par le pur hasard le fait qu’aux chapitres 3 et 4 du Protreptique, il y a comme une réponse directe a trois thémes celsiens rapportés au livre IV du Contre Celse et particulitrement importants ? Ces thémes sont les suivants : ‘Homme ne domine pas par son intelli- gence tous les animaux, surtout les plus féroces®? ; Dieu n’a pas créé Je monde entier§? ; le monde n’a pas été créé pour 1’Homme'®, Bien entendu, Clément d’Alexandrie prend l’exact contre-pied de toutes ces théories®, D’ailleurs, Pauteur chrétien est loin d’en avoir terminé avec les objec- tions que continue & rapporter le livre IV d’Origtne. Au chapitre 9 du Protreptique (en fait, guére éloigné des chapitres 3 et 4), il continue a soutenir des vues absolument opposées a celles de Celse : si celui-ci affirme que les menaces du Dieu chrétien ne Pémeuvent guére, Clément constate, pour le déplorer, que certains paiens attendent patiemment Je chatiment qui ne saurait manquer de leur étre envoyé® ; d’autre part, si Celse affirme que Dieu ne se laisse pas aller & la colére et n'a pas ’habitude de proférer des menaces contre les hommes (od8’ évOpdmav Evexa dpyiferat... od8% tobtorg dmetdet), Pauteur chrétien, reprenant & peu prés les mémes termes que le paien (robto1g 5) npoowyOtoev... kai dmetAet), soutient Popinion contraire. Mais plus significatif encore, du point de vue qui nous intéresse, est le passage consacré par Clément & Platon au chapitre 6 du Protrep- tique : on ne peut manquer de songer ce que le livre VI du Contre Celse nous livre de la pensée de Celse sur Je méme philosophe. Tout d’abord, dans leur préambule, nos deux écrivains raisonnent de la méme maniére pour vilipender ici les Koritures chrétiennes, 14 les philosophies paiennes : tout cela est du bavardage de vieille femme 56. Contre Celse, IV, 81 et 86, 57. Ibid. IV, 52 et 75. 58. Ibid. LV, 74 et 75. 59. Protreptique, 3, 43, tj 4, 63, 2; 4, 63, 4. Ces deux dernidres répliques sont gtoupées ainsi que Je sont les objections de Celse mentionnées aux notes 57 et 58. 60. Comparer Contre Celse, IV, 23 et 99 & Protreptique, 9, 83, 2. 61. Comparer Contre Calse, IV, 99 & Protreptique, 9, 85, 1. REPLIQUES A CELSE CHEZ CLEMENT D’ALEXANDRIE 13, qui ne réussirait pas & apaiser des enfants™, Ensuite, s'il est clair que Je paien continue en accusant Moise d’avoir écrit « les pires balivernes » sur la nature du monde®®, il est tout aussi évident que le chrétien pour- suit en louant Vintelligence du Juif : « Il concevait Dieu comme le poids, la mesure et le nombre de l’univers" », Vient alors le véritable « débat » sur Platon. Pour Celse, ce penseur est le guide par excellence pour aller vers Dieu®®, Or, nous constatons que, demandant 4 un interlocuteur paien un auxiliaire pour chercher Dieu, Clément s’entend répondre le nom de Platon®®. Lauteur chrétien recourt alors 4 deux textes platoniciens que la littérature du temps cite 4 maintes reprises mais que Celse est le seul a citer ensemble®”, Le premier de ces textes veut montrer que Dieu est ineffable, le second quil est explicable & quelques-uns seulement, Mais comme si une cer- taine correction se révélait ici nécessaire, Clément, aprés avoir reproduit Platon, cherche a le reprendre : « Avec moi, mets-toi a la recherche du Bien ; car dous les hommes, en général, ont regu quelques gouttes émanant de 1a source divine® », Mais ce n’est 1A que la premitre des objections qui semblent étre faites A Celse par l’intermédiaire de Platon : au Discours Véritable, qui affirmait que Moise et les prophates avaient copié le philosophe grec", Clément parait rétorquer (en feignant de s’adresser & Platon) : « Mais pour les lois, du moins celles qui sont conformes a la vérité, pour ta doctrine de Dieu, les Hébreux mémes t’ont aidé?° », Bref, on assiste 14 au retournement de l’argumentation. Il est vrai qu’on dira peut-étre ici que cette maniére de répondre traine dans toute Ja littérature patristique. Mais ce qu'il convient de voir, c'est que Clément expose en référence a un passage tiré des Lois”, que Celse citait d’ailleurs aussi et ce non Join du passage ott il attaquait Moise”, En d'autres termes, le contexte est semblable dans les deux ceuvres que je cherche a rapprocher. 62. Comparer Contre Celse, VI, 34 & Protreptique, 6, 67, 1. 63. Contre Celse, VI, 50, 64. Protreptique, 6, 69, 2. 65. A ce sujet, consulter les remarques de M. Borret, of. cit, p. 10r-103. 66. Protreptique, 6, 68, t. 67. Le premier texte est Timée 28 c (cité par Celse : cf. Contye Celse, VII, 4 mais résumé en VI, 8) ; le second texte est Lettre VII, 341 c-d (cité par Cels cf. Contre Ceise, VI, 3). On peut donc dive que les deux textes platoniciens voisi- naient dans le Discours Véritable. Pour le Protreptiquo, ils se trouvent dans le méme Passage : 6, 68, 1. Le premier texte est trés souvent cité (cf. J. GRFFCKEN, op. cit., P. 174-175). Mais on ne le voit guére voisiner avec le second que chez Celse et Clément, 68. Protreptique, 6, 68, 2. C'est moi qui souligne, 69. Contre Celse, VI, 7. 70. Protreptique, 6, 70, 73. 715 € + 716 a, Ce passage est cité par Clément en Protreptique, 6, 69, 4. 72. Cité par Celse : cf. Contre Celse, VI, 15 (cela n’est pas loin de VI, 7, of se trouve I’attaque contre Moise). : 14 J-M. VERMANDER Et quand on aura encore remarqué qu'un extrait des Letires figure tout prés de 1a dans les deux écrits? et que Pauteur du Protreptique suggére & ses lecteurs de ne pas s’arréter au seul Platon — alors que Pattitude de Celse était inverse?! — on reconnaitra combien tous ces rapprochements sont pour le moins troublants. D’autant plus que d’autres objections celsiennes rapportées par Origéne au livre VI de son Contre Celse sont aussi combattues au cha- pitre to du Protreptique. Certes, il faut d’abord observer que Clément commence par régler leur compte & deux idées rapportées au livre V : ptemiérement, il refuse de croire qu’enfreindre la coutume puisse étre un acte impie comme le voulait Celse’; deuxitmement, il ne veut point, contrairement au paien, accorder 4 la tradition historique une valeur absolue?®, Mais, bien vite, il relance la discussion avec Celse lui-méme, Ce dernier avait posé 4 un chrétien la question suivante : «Comment puis-je apprendre la voie (686c) qui méne la-haut ? Comment me la montres-tu 277», Or, Pauteur du Protreptique, faisant écho a cette interrogetion : « comment donc monter aux cieux, dit-on », donne aussitot sa téponse : «La voie (656s), c'est le Seigneur’ », Et, comme pour accentuer encore le caractére volontairement anticelsien de ses dires, il reprend, un peu plus loin, trois themes déja évoqués et od il s’opposait a Celse : I'Homme est supérieur aux animaux? ; il faut savoir renoncer a la coutume® ; tous les hommes, quelle que soit leur condition, peuvent arriver & connaitre Dieu®*. Arrive ensuite la réponse & l’une des attaques les plus virulentes du Discours Véritable : Les chrétiens soutiennent que « la sagesse humaine est folie devant Dieu... La raison qui fait tenir ce langage est la volonté dattirer les seuls gens incultes et stupides® ». En effet, Clément prend exactement le contre-pied de cette affirmation en essayant de montrer que la sagesse est précieuse aux yeux de Dieu et engendre méme une éthique tout a fait valable du seul point de vue humain:«Les hommes», écrit-il, « doivent considérer la sagesse comme un beat point de départ pour n’importe quelle étape sur les routes de la vie, voir en cette méme sagesse le port du salut, a Pabri des tempétes ; c'est elle qui fait de ceux qui sont accourus auprés du Pére de bons péres pour leurs enfants, 73. Il s’agit de II, 312 c. Texte cité en Contre Celse, VI, 18 et Proty. 6, 68, 5. 74. Prolreptique, 6, 71, 1. Sur la présence « écrasante + de Platon dans l'ouvrage de Celse, ef. tes réflexions de M. Borret (op. cit., p. 102). 15. Protveptiquo, ro, 89, 1 contre Contre Celse, V, 25. 76. Protreptique, x0, 89, 3 contre Contre Celse, V, 34. 77. Contre Gelse, VI, 66. 78. Protreptique, 10, 100, 1. 79. Ibid., 10, 100, 3. 80. Ibid., 10, tor, 3. 8x. Ibid., 10, 105, 2. 82. Contre Celse, VI, 12. REPLIQUES A GELSE CHEZ CLEMENT D’'ALEXANDRIE 15 de ceux qui se rappellent I’poux de bons maris pour leurs femmes, de ceux qui ont été rachetés du’ pire des esclavages de bons maitres pour leurs domestiques®? », De la méme fagon, est contrecarrée, & la fin du chapitre 6, du Protrep- tique, Vattaque rapportée a la fin du livre VI du Contre Celse. Le paien insistait sur deux points : Jésus avait été petit, laid, vulgaire® ; sa venue en Palestine comme Fils de Dieu n’est, en fin de compte, qu’une fiction extrémement dérisoire, étant donné qu’élle n’a concerné qu’un seul peuple®®, Or, si Clément accorde volontiers que les apparences du Christ pouvaient le faire mépriser, il affirme aussitét : « La puissance divine a, en lui, illuminé la terre, tout rempli de la semence du salut et répandu le Logos sur toute la surface de la terre® », De plus, on dirait qwaux sarcasmes du paien (comparant ici le Diew des chrétiens au Zeus de la comédie qu’on voit se réveiller d’un ong sommeil) le Pére grec ait voulu répondre par une page trés vibrante et par‘une allusion «au drame du salut de ’humanité », Bref, c'est comme si Pon demandait un peu de sérieux & un adversaire qui ne prend pas au sérieux les choses sérieuses... Enfin, c'est la méme opposition 4 Celse qui transparaft aux deux der- niers chapitres du Protreptique, a pensée du paien est ici exposée au livre VIII d’Origéne. Premiére attaque : un vrai chrétien ne devrait ni se marier ni avoir des enfants®?, Réponse de Clément : il s’agit-la de problémes secondaires®, Deuxiéme offensive : un vif éloge de la man- tique®®, Réponse de Clément : « Viens a moi, vieillard, toi aussi quitte Thébes, rejette la divination et le culte de Bacchos, laisse-toi mener par la main vers la vérité®? », Troisitme assaut : Celse affirmé que passer par les démons est nécessaire pour aller 2 Dieu, Clément prétend, pour sa part, que le véritable intermédiaire est le Togos®, Puis, vient, dans Yun et l'autre ouvrage, une nette exhortation A étre uni A Diew93" Or, on trouve ici une nouvelle et curiense coincidence : allusion est faite —clairement dans le Protreptique, discrétement chez Celse — a « homme juste et saint avec intelligence » dont parle Platon dans le Théétdte™*, 83. Protreptique, 10, 107, 2-3. 84. Contve Celse, VI, 75. 85. Ibid., VI, 78. 86. Protveptique, 10, 110. 87. Contre Celse, VILL, 55. 88. Protroptique, 11, 113, 1 89. Contre Gelse, VII, 45. 90. Protreptique, 12, 119, 3. ot. Contve Celse, VILL, 55 et 58. 92. Protreptique, 12, 120, soe Contre Celse, VIII, 63 ; Protreptique, 12, 122, 4. Théétite 176 b. Cité par Clément en Proiveptique, 2, 122, 4. Pour Celse, 1a ‘those a été mse en lumigce par M. Borret dans le tome IV de son édition & la Page 299 [il s’agit d’un commentaire de Contre Celse, VIII, 55). 16 J-M. VERMANDER La seule différence entre les deux conceptions, c’est, bien entendu, que, pour le paien, cet idéal se réalise dans le paganisme, pour le chrétien, dans le christianisme ! * ae Jes nombreuses ressemblances qui ont été découvertes entre les deux ceuvres, l'opposition de levrs auteurs sur bien des points, Pair de parenté qui se dégage fréquemment du contexte entourant ces simili- tudes et ces oppositions, tout cela devrait, semble-t-il, emporter Padhésion de ceux que la premiére partie de cet article n’a pas convaincus. Le pur hasard ne saurait en effet expliquer, & lui tout seul, que tant de passages des deux publications aient un lien entre eux. Aussi bien voit-on s’éclairer, grace au rapport qui vient d’étre établi, plusieurs textes du Protreptique, jusqu'ici assez obscurs. Ainsi, Clément fait cette déclaration assez surprenante, au premier abord, pour un écrivain féru @hellénisme : « Puisque le Logos luiméme est venu du ciel 4 nous, il me semble que nous ne devons plus aller 4 aucune école humaine, mi nous soucier d'Athénes et du reste de la Gréce, non plus que PIonie® », Or, cette affirmation s’explique, pour peu qu’on la rap- proche de maints développements celsiens relatifs 4 1a supériorité des dires de Platon et d’Héraclite sur les Reritures chrétiennes®?. Il est clair en effet que ’auteur chrétien a voulu répliquer 4 un écrivain dont l’inten- tion était de magnifier le « miracle » grec pour abaisser d’autant mieux la pensée judéo-chrétienne. Au reste, l'amour de Clément pour fa Gréce demeure intact, puisqu’il déclare un peu plus loin ; « Par le Logos, le monde entier est devenu désormais une Athénes et une Gréce® », Si certains développements de Clément apparaissent pour ce qu’ils sont véritablement, c’est-d-dire pour des répliques a Celse, il est clair aussi que toute la polémique antipaienne du Protreptique perd ce carac- tére «un peu lassant » que lui ont accordé plusieurs commentateurs®?. En effet, chacun des arguments antipaiens prend un relief nouveau du fait qu'il apparatt comme une rétorsion a une attaque toujours trés mordante. 95. Protreptique, x2, 122, 2 et 4 (seul, le chrétien est pieux, affirme Clément) ; sur la pensée de Celse (développée notamment en Conire Celse, VIII, 63), voit les commentaires de M. Botret dans son tome V, p. 114. 96. Protr. xx, 122, 1, C’est moi qui souligne, 97. Le livre VI du Contre Ceise est rempli d’allusions & Platon et de citations platoniciennes. Héraclite est le seul philosophe A étre mentioané en plus (cf. VI, 13). Notons aussi le jugement sévére de Celse sur les Ecritures chrétiennes : « Tout cela- a été mieux dit chez les Grecs » (VI, 1). 98. Proiy. rx, 1x2, 1 (en fin de paragraphe). 99. Ainsi Cl, Mondésert dans son édition (Clément d’ Alexandrie. Le Protreptique, Paris, 1949, p. 17). Généralement d’ailleurs, la critique ne voit pas d’un bon ceil la polémique chrétienne contre les dieux et les cultes paiens. J’essaierai de dire Pourquoi dans ma these. REPLIQUES A CELSE CHEZ CLEMENT D’ALEXANDRIE 17 Et, du coup, les fameuses « révélations » sur les mystéres paiens sont destinées 4 intéresser non plus seulement les historiens des religions, mais aussi les historiens des idées. Quant 4 histoire littéraire, elle s’enrichit désormais d’un nouvel apercu sur la controverse pagano-chrétienne des années 170-250 : aucun auteur chrétien de cette période ne peut plus étre considéré comme ayant été indifférent au plus grand adversaire de sa foi, Celse, c’est-d-dire comme ayant vécu en marge des débats les plus importants de son époque. On peut méme remarquer qu’a Alexandrie,. le combat semble s’étre, du cété chrétien, déroulé en trois étapes : l'auteur de 1A Diognéte a ouvert les hostilités en se livrant 4 quelques escarmouches ; puis Clément d@Alexandrie a lancé un certain nombre d’offensives limitées ; enfin Origéne a livré bataille sur tous les fronts. Pourquoi ne pas penser que cette progression est lide A la diffusion de plus en plus importante du Discours Véritable dans les milieux ot Yon hésitait entre paganisme et christianisme ? Jean-Marie VERMANDIR La composition et l’exégése dans les deux lettres Ad uxorem, le De exhortatione castitatis et le De monogamia ou La construction de la pensée dans les traités de Tertullien sur le remariage™ IV — DE MONOGAMIA Alors que Paul, l’auteur sacré le moins favorable au mariage, avait expressément autorisé et méme, en certains cas, ordonné le temariage aux veufs, Tertullien, dés sa premiére lettre Ad uxorem, le leur a décon- seillé. Et, si, dans sa deuxiéme lettre, il le leur permettait quand méme, 4 condition qu'il se fit « dans le Seigneur », dans le De exhortatione casti- latis il soutenait que cette permission était révoquée ou, en tout cas, qu’elle ne devait plus étre utilisée. Voici que, dans le De monogamia, @une fagon encore plus absolue, il prétend qu’elle est totalement révo- quée depuis longtemps, et que, pour les chrétiens, elle n’a jamais été qu'une exception temporaire a l’'usage de ceux qui étaient déja vents lors de leur conversion. Or, bien que cette évolution le conduise, en réalité, 4 s’opposer ici a 1'Eicriture encore plus profondément que dans les traités antérieurs, il croit toujours lui étre fidale, c'est toujours sur 253. Voir le début de cet article dans REAug. 22, 1976, p. 1-28, 201-217. TERTULLIEN ET LE REMARIAG. 19 elle quil s’emploie 4 construire sa démonstration. La contradiction entre intention et réalisation s’est donc aggravée une nouvelle fois, Nous devons tenter d’élucider ce paradoxe, Mais nous ne le pouvons pas demblée. Nous lentreprendrons dans notre conclusion générale. Auparavant, il nous faut analyser cette nouvelle démonstration : mettre en lumiére son organisation et reconnaitre en quoi elle peut sé révéler supérieure aux précédentes, puis examiner son exégése et rechercher si sa construction ne répond pas A des nécessités plus secrates qu'il n’y parait & premiére vue. A. La composition apparente ct les perfectionnements de la démonstration On a déja repéré les grandes lignes de ce traité : il ne s’agit pas seule- ment, pour T’essentiel, d’un examen des Feritures, considérées dans Jeur ordre chronologique, mais d’un plaidoyer de forme trés classique. J.-C. Fredouille a décelé qu'il s’organise en une narratio, une diuisio, une argumentatio et une peroratio® ; et R. D. Sider a montré que Pargumentatio se divise en: une prasmunitio (2-3 : la défense du Paraclet), — une confirmatio (4-9 : Ancien Testament et les Evangiles), — une reprehensio (10-14 : les Epttres de Paul), — une amplificatio, que nous préférerions appeler retorsio (15-17, 4)*°4, Mais ces observations ne sauraient suffire 8 rendre compte du mouve- ment de la pensée. C’est Iui que nous allons tenter de dégager en précisant d@abord comment il se présente 4 un lecteur qui n’est pas sur ses gardes®65, a53b. J.-C. Frepounin, Tertullien, p. 128-131. Pour les réserves que nous ayous a formuler sur la délimitetion de ces parties, et sur la composition de l'argumen- tatio, of, ci-dessous, n, 261 et 3r1. 254. R. D. Stour, Ancient Rhetoric, p. 34, 32, 37 (cet auteur ne précise pas quelle étendue il donne a l'amplificatio). Pour les différents points de ce schéma rhéto- rique, cf. les textes cités par T. D. Barnus, Tortullian, p. 254, en particulier : (xe, de ovat. I, 143 et Rhet. Her. I, 4. 255. Voici le schéma de 1a composition du De monogamia : NARRATIO (r, 1-2) : ‘Trois points de vue sur le mariage = la position des « spirituels » représente un équilibre entre deux excés inverses : Deux exeds : ~ ¢haeretici nuptias auferunt » == ¢ continentia haeretica » « psychiel inferunt » = ¢licentia psychica » L'équilibre = ¢spiritales » = ¢ continentia... religiosa » « licentia nerecunda ». Divisio (t, 3 - 2, 1): Un,enchainement faneste = la position fausse des’ « psychiques » : a)ils préférent la chair A esprit, b) si bien qu’ils traitent d’hérésie la « monogamiae disciplina », c)si bien qu’ils nient le ¢Paracletns » comme «nonae disciplinae institutor et ... durissimae illis ». 20 CLAUDE RAMBAUX ‘Tertullien commence par présenter deux attitudes opposées : celle des hérétiques — il pense vraisemblablement aux marcionites —, et celle des « psychiques » — il vise les catholiques. Les uns suppriment Je mariage, les autres le multiplient. Ii attaque ces deux attitudes comme ARGUMENTAMIO (2 - 17, 4) : ¢’) Défense du Paraclet (¢ Mentio Paracleti ut nostri alicuius auctoris », 4, 1) (Praemunitio). « Generalis retractatus » (2, 1) Le Paraclet peut enseigner quelque chose de nouveau et de pesant, en accord avec la ¢ fides» et la «disciplina » (2) Mais quand il impose la monogamile, il ne faut pas voit en lui Vinstigateur d’une discipline nouvelle et pesante, il fautreconnattre Vavocat de la faiblesse humaine, puisqu'il pouvait exiger la conti- nence absolue (3). b’) Défense de la ¢ monogamiae disciplina » (Conjirmatio). + Communia instrumenta sctipturarum pristinarum » (4. 7.) : - @ Originales personae » La monogamie des origines a valeur de loi, puisque le Christ nous raméne anx origines (4-5)- La suite de l'histoire sainte n’infirme pas ce principe, an contraire (6). - « Legates scripturae » Les preseriptions légales ne I'infirment pas non plus, au contraire : Ce qui justifiait 1a reproduction n’est plus valable. Ce qui justifiait la monogamie est devenu valable pour tous (7). «Lex proprie nostra, id est euangelium > : la monogamie et la continence sont enseignées par les Evangiles : ~ implicitement Exemples de monogamie et de continence « Cetera argumenta » (8). — explicitement (+ sententiae ») Jésus interdit le divorce et il condamne le mariage avec une divoreée en le qualifiant d’adultére, Or, selon Dieu I'adultéte est I'union avec une nouvelle per- sonne, de quelque fagon qu’ait été interrompue la premiére union. Done, peu importe que le. premier conjoint soit mort ou vivant : Dieu condamme tout remariage (9). (Reprehensio} « Apostolus » ~ Voir d’abord que la mort sépare encore moins les conjoints que Ie divorce (r0, 1-4). et que Ja résurrection non plus ne les séparera pas (réfutation de Matth. 22, 30) (10, 5-8). Voir aussi les inconvénients qu'il y a & demander le remariage aux prétres auxquels il n'est pas permis — & étre remarié dans V¥glise qui est vierge et épouse unique du Christ — a étre prise entre deux maris (11, 1-2). - 1 Cor. 7, 39 ne peut contredire & lui seul tout ce qui précéde (rappel des objections des chapitres 3-7) ; Ce verset ne permet le remariage qu’aux gens s¢parés par la mort avant leur conversion, permission d’ailleurs aussitot révoquée (11, 3-13). ~ I Tim, 3, 12 : si ce verset ordonne la monogamie aux clercs, il Yordonne & tous (12). TERTULLIEN ET LE REMARIAGE 2n des exces opposés®®5, et présente alors celle des « spirituels » — 1a sienne — comme une sage uia media entre ces deux extrémes : « Nous connaissons un seul mariage comme un seul Dieu®? ». Il arrive ainsi a la fois & se démarquer des marcionites, dont il pouvait sembler se rapprocher par trop dans ses traités précédents, et & apparaitre comme un modéré en face des catholiques, qui lui reprochaient son extrémisme?**, Aprés avoir ainsi exposé et situé sa thése — la nécessité de se limiter a un seul mariage —, il se tourne contre ses principaux adversaires, les « psychiques ». Il fait en quelque sorte leur portrait, en montrant Yenchainement de leurs erreurs : ils préférent la chair a Pesprit, si bien quils traitent d’hérésie la « discipline de la monogamie », et nient le Paraclet auquel ils reprochent d’étre «!'instigateur d’une discipline nouvelle et trés dure pour eux». Cet enchainement est fortement souligné : la premiére des conséquences est introduite par « c'est pour- quoi», la seconde par « pour atcine raison davantage*™ », De cette - I Tim, 5, 14 ne concerne que les femmes devenues veuves avant leur conversion (13, 1). ~ Rom. 7, 2-3 ne concerue que ceux qui sont encore sous Ia loi (13, 2-3)+ Si Ia permission a été effectivement donnée, c’était comme excep- tion temporaire. Mais maintenant, avec le Paraclet, le but et les moyens sont nouveaux (14). a’) Attaque des « psychiques » (Retorsio) Chez nous : il n'y a ni « duritiay ni ¢haeresis » (r5, x). Chez vous : il y a une mollesse abusive (15, 2) : - ie ae @tre plus exigeants dans des cas plus difficiles 16, 2-4). = Vous savez faire prenve de «fortitudo », «in opera carnis » (x6, 1-28), ~ Vos arguments extra-scripturaires ne tiennent pas (« inopia, solitudo, posteritas 1) (16, 2b-5). — Non seulement les «sancti », mais fes paiens eux-mémes font mieux que yous (cexempla » de « monogamia » et de ¢ conti- nentia ¥). Ils vous jugeront (r7, 1-4). PERORAMIO (17, 5) ? ‘Honte A vous, « Sufficiat semel nubere ». Revenez, sinon au second Adam, du moins au premier, & moins d’en inventer un troisiéme, 256. Monog. 1, x. Tertullien nomme ainsi les responsables des deux excés qu’il signalait déja au début de YAd usorem I (cf., REAug, 22, 1976, p. 12, 0. 48), et il donne plus de netteté et de fermeté A sa critique. 257. Monog. t, 2, texte cité, REAug, 22, 1976, p. 5, 0. 10, 258. Ci. J. Srmmmann, Tertullien, p. 266: « Tertullien veut découvrir 1’équilibre entre Vorthodoxie et I’ascse par la loi de la monogamie : une seule femme, non seulement & la fois, mais pour toujours ». 259. Monog. 1, 3 - 2, 1. C’est en 2, 1 qu’on lit les expressions « monogamiae disciplina » et « nouae disciplinae institutor et... durissimae illis », 260. Monog. 2, 1 : «Itaque monogamiae disciplinam in haeresin exprobrant, nec ulla magis ex causa Paracletum negare coguntur... » Cf. isium, 1, 3 : « propter hoc nouae prophetiae recusantur»; pudic. 1, 20 : ¢durissime nos infamantes Paracletum ‘disciplinae enormitate digemos foris sistimus ¢, 22 CLAUDE RAMBAUX fagon, les objections des catholiques passent pour I'effet de leur péché. Mais cette présentation n’est pas seulement habile par ses suggestions et son apparente logique, elle l’est aussi parce qu’elle donne, en ordre inverse, le plan du traité : Tertullien va remonter la filiére en défendant le Paraclet (chapitres 2-3), en défendant la discipline de la monogamie (4-14), et en passant @ l'attaque contre les « psychiques » (15-17)°*4 I commence son argumentatio pat un «examen général? » dans lequel il s’efforce de prouver que, loin d’étre « linstigateur d’une disci- pline nouvelle et trés dure», le Paraclet est notre « avocat®® », C'est une praemunitio contre la praescriptio des catholiques. La démonstration s'effectue en deux temps. Vient @abord le point de vue général. Le Paraclet peut, selon Joh. 16, 12-13, introduire quelque chose de nouveau et, en tant que tel, de pesant a porter. II n’y a pas de risque qu'il ne soit pas l’Esprit-Saint, puisqu’il se reconnait A son accord avec la foi et avec la discipline du Christ®4, Suit le point de vue particulier : le probléme précis de la monogamie®*5, En fait, la monogamie n'est pas pesante, puisqu’elle ne peut paraitre telle qu’A Pimpudente faiblesse de la chair ; et elle n’est pas nouvelle, puisque le Paraclet aurait pu demander davantage sans innover : il aurait pu demander la virginité ow la continence absolue, en accord avec le Seigneur et avec Paul?®®, En effet, cet apétre préférait déja la continence, et il avait raison de le faire, en accord avec l’Esprit-Saint®” ; Jean aussi préférait la conti- nence, et a juste titre, a exemple du Seigneur®®, Pourquoi done I’Esprit ne pourrait-il poursuivre jusqu’au bout ce mouvement, en interdisant tout mariage, conformément a la vie et a la volonté du Seigneur et de Paul ? S'il ne Ua pas fait, c’est que, loind’étre un innovateur, il s'est fait l'« avocat » de Ja faiblesse®®, ‘Tertullien arrive ainsi a donner a son Paraclet le réle que Jésus attribuait effectivement au Saint-Esprit?”, 261. En excluant de la s diuisio + monog. 1, 3 pour la limiter & monog. 2, 1, J.C. Frepounre, Tertullien, p. 128 et n, 217, en élimine l’annonce de la derniére Pattie, la ¢ retorsio » des chapitres 15-17, 4. Il préfére voir dans les chapitres 15-16 d'examen de Ia « facilites monogamiae », et dans le chapitre 17 la « peroratio ». Mais, cf., ci-dessous, n. 311. 262. Monog. 2, 1: 0... in generali retractatu... » 263. Monog. 3, 10 : « aduocatus ». Ie mot apparait dans la phrase de conclusion de ce premier point, 264, Monog. 2, 2-4. 265. On pourrait parler ici d'hypothase (monog. 3) succédant A la thase (monog. 2), au sens rhétorique de ces termes. 266, Monog. 3, x. 267. Monog. 3, 2-6. 268, Monog. 3,7. 269. Monog. 3, 8-10 270. En fait, ¢Paracletus» est le décalque du grec «napdxAntog» qui, dans les écrits johanniques, les seuls de la Bible ot om le rencontre, signifie aide, défenseur, protecteur. Mais, si Tertullien en a fait un nom propre, Jean l’emploie uniquement comme un nom commun désignant yne fonction. Cf. oh. 4, 16: ¢ Bt je prierai

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