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Revue des Etudes Augustiniennes, 34 (1988), 3-13 Vitruvius Secundus, ab epistulis : un lettré africain ? Dans un passage de la Vita Commodi consacré a l'élimination du préfet du prétoire Paternus, le biographe mentionne, parmi d'autres personages bien connus liés 4 ce haut fonctionnaire, un certain Vitruvius Secundus, dont nous avons 1a I'unique attestation! . Peu d’historiens se sont penchés sur ce cas, dont l'intérét parait de prime abord limité?. L'Histoire Auguste le mentionne en ces termes : « quare et Paternum et Tulianum et Vitrvium Secund, Paterni familiarissimum, qui epistulas imperatorias curarat, interfecit (Commodus) 3». Des trois personnages évoqués, les deux premiers sont bien connus. Il s'agit d'abord de Taruttienus Paternus, préfet du prétoire de Marc Auréle, démis de ses fonctions par Commode (sans doute 4 la suite des intrigues de son collégue Tigidius Perennis) et doté alors du laticlave+. En outre est 1, PLR. III (1898), p. 407, V 528. 2. J.M, HEER, «Der historische Wert der Vita Commodi in der Sammlung der Scriptores Historiae Augustae», Philologus, suppl., IX, 1901, p. 1-208 ; F. Grosso, La lotta politica al tempo di Commodo, Torino, 1964, p. 157-158 (n.3), p. 208 (n.4) ; H.- G. PFLAUM, «La valeur de l'information historique de la Vita Commodi la lumiére des personnages nommément cités par le biographe», Bonner Historia Augusta Colloquium, 1970, Bonn, 1972, p. 199-247 iB 205 : «... suit la liste des victimes, qui comprend outre Tarruntenius Paternus et Salvius Iulianus, Vitruvius Secundus, ami intime de Paternus et ab epistulis dont nous ne connaissons cependant pas la carriére antérieure A ce poste»... 3. H. A, Comm, 4, 8, ed. Hohl, I, p. 101. 4. Pour sa carritre, voir H.-G. PFLAUM, Les carriéres procuratoriennes équestres, Paris, 1960, n° 172, p. 420-422, et Supplément, Paris, 1980, p. 47-48. Il a ensuite été attesté par la Table de Banasa (TAM, IT, 94) qui foumnit son gentilice sous une forme plus exacte : cf. W. SESTON, «Un dossier de la chancellerie romaine : la Tabula Banasitanae, étude de diplomatique», CRAI, 1971, p. 486 = Scripta Varia, Rome, 1980, p. 103, et commentaire in JAM, II, 94, p. 90. Pour le laticlave, voir A. CHASTAGNOL, «Latus clavus et adlectio. L'accés des hommes nouveaux au Sénat romain sous le Haut-Empire», RHD, 53, 1975, p. 375-394 ; repris dans Des ordres 4 Rome, ed. C. NICOLET, Paris, 1984, p. 4 ANNE DAGUET mentionné P. Salvius Iulianus, consul ordinaire en 1755. Le troisitme personnage nommé, Vitruvius Secundus, était, aux dires de I'Histoire Auguste, «familiarissimus», donc trés intimement lié au préfet du prétoire Paternus. L’on pourrait en conclure que ce dernier, ancien ab epistulis latinis de Marc Auréle®, et préfet du prétoire 4 partir de la mort de C. Macrinius Vindex’, avait facilité son élévation dans le service impérial. Vitruvius Secundus fut victime des condamnations décidées en 182 par l'empereur a l'encontre de certains membres de la famille impériale et d'importants sénateurs, dont précisément Taruttienus Paternus et Salvius Tulianus, a Ja suite de la tentative d'assassinat perpétrée contre lui par J'un de ses parents, Claudius Pompeianus Quintianus®. Lors de ces événements, Vitruvius Secundus était ou avait été ab epistulis, c'est-a-dire chef du bureau de la correspondance 4 Rome?. Le biographe recourant au plus - que - parfait cura(ve)rat, l'on serait en droit de penser qu'au moment de sa condamnation, Vitruvius Secundus n'était plus en poste. I] est donc fort possible qu'il ait exercé cette fonction ducénaire sous Marc Auréle ou au plus tard au début du régne de Commode"”, Les étapes antérieures de sa carriére sont inconnues ; du moins avait-il atteint & sa mort ce poste élevé dans la hiérarchie équestre, dont la Notitia Dignitatum nous rappelle les attributions : « magister epistolaram. legationes civitatum, consultationes et preces tractat ''» Les fonctions exactes de l'ab epistulis sont cependant mal connues, et les historiens discutent encore pour savoir quelle part accorder au chef de ce bureau dans la responsabilité de la rédaction de la correspondance impériale!2. Quoiqu’il 199-216 ; «Latus clavus et adlectio dans I'Histoire Auguste », H. A. Coll. 1975-1976, Bonn, 1978, p. 107-131. 5. PLR. Il (1898), p. 166, § 104; G. ALFOLDI, Konsulat und Senatorenstand unter den Antoninen, Bonn, 1977, p. 188. 6, Dion Cassius, LXXI, 12,3. 7. Cf. H.-G. PFLAUM, Carriéres, n° 161, p. 388-389, 8. PLR 2. II (1936), p. 235, C 975. Sur les péripéties politiques du r8gne, voir F. Grosso, La lotta politica, p.125-163. 9..Sur ce point, voir G.B. TOWNEND, «The Post ab epistulis in the Second Century», Historia, 10, 1961, p. 375-381. 10. Cf. J. M. HEER, «Der historische Wert», Philologus, suppl, IX, 1901, p. 51-52 ; cette hypothése a été reprise par F. GRosso, La lotta politica, p. 158 (n.3) ; en revanche, H.-G. Pau, (Vita Commodi, p.205) considare quill aurait encore été en fonction lors de son assassinat, 11. Not, Dig. Or, 19. 12. Sur la fonction d'ab epistulis, voir O. HirscHFELD, Die kaiserliche Verwaltungsbeamien bis auf Diokletian, Berlin, 1905, 2, p. 319 ss ; H.-G, PFLAUM, Essai sur les procurateurs équestres, Paris, 1950, p. 180-181 et 257-258 ; G, BOULVERT, Esclaves et affranchis impériaux sous le Haut-Empire romain, Naples, 1970, p. 376 ss ; F. MILLAR dans JRS, 57, 1967, p. 15 et IDEM, The Emperor in the Roman World, Londres, 1977, Pp. 88 ss ; G. CAMODECA, «La carriera del prefetto del pretorio Sex. Cornelius Repentinus», ZPE, 43, 1981, p. 50 ss et IDEM, «La carriera del prefetto del VITRUVIUS SECUNDUS 5 en soit, il faut constater que ce poste fut, A plusieurs reprises, confié a des hommes connus avant tout pour leur culture et leurs dons oratoires étendus!3, Cette fonction supposait en outre, des liens assez étroits avec Tempereur. L'étude consacrée 4 ce personnage pourrait s'arréter Ia, tant sont modestes les renseignements dont nous disposons a son sujet. Pourtant, l'on peut apporter quelques détails supplémentaires concernant I'origine de ce chevalier. Pour ce faire, il convient de dresser la liste de tous les Vitruvii connus a ce jour!4, ITALIE M. Vitruvius Fundi duc 330-329 Cic, De domo sua, ‘Vaccus 101 ; Tite Live, VIM, 19,4, ‘VITRUVIUS Formiae architecte sous Auguste De Architectura, (POLLO) Pline, HN, I, 165 Frontin, De Aquis: Vrbis Romae, 25, 1, Vitruvius architecte ? M. CANTOR, Die 76- Rurus mischen Agrimen- Soren, p. 207-215, L. Vrrruvius L, 1, ‘Veronae architecte sous Auguste CIL, V 3464 (=ILS, 7730) L. Virrutus. Ferrara ? CIL, V 2380 EUTHETUS VETROVGUS) D..... Hispellum —-V/Ivir} Haut-Emp —CIL, X1 5261. VETROVI(US) zs si aH a P. VETROVIUS Hispellum IFIP s, CIL, X1 5300 pretorio Sex. Cornelius Repentinus in una nuova iscrizione puteolana», Puteoli Smai di Storia antica, II, 1979, p. 41-76. * 13. Cf. F, MILLAR, The Emperor, p. 224-225 ; G. CAMODECA, «La carriera...», ZPE, 43, 1981, p. 50; citons Cn. Octavius Titinius Capito ab epistulis sous Domitien, Nerva, Trajan (CIL, VI 798 = ILS, 1448 ; AE 1934, 154; H.-G. PFLAUM, Carriéres, n° 60, p. 143-145 ) ; C. Suetonius Tranquillus ab epistulis d'Hadrien (AE 1953, 73 ; H.A. Hadr . 11,3 ; H.-G. PrLAUM, Carriéres, n° 96, p.219-224) ; L. Tulius Vestinus sous Hadrien également (CIG, 5900 ; H.-G. PFLAUM, Carriares, n° 105, p. 245-247) ; sur les sophistes et rhéteurs qui monopolisent le poste d'ab epismulis graecis aux I? et III¢ s, voir G.W. BoweErsock, Greek Sophists in the Roman Empire, Oxford, 1969, p. 50 ss ; une liste des titulaires de ce poste est fournie par H.-G. PFLAUM, Carriéres, n° 252, p. 684 ss, et Supplément, p. 110 ; IDEM, Essai sur les procurateurs, p. 180-181 et 257-258, 14, En prenant également en compte les formes proches et assimilables de ce gentilice telles que Vetruvius, Vetruius, Vitruius, Vitrubius, Vitrovius, Vetrovius (cf. W. SCHULZE, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Berlin, 1966, p. 191). La liste peut étre dressée a parr de celle donnée dans RE, IX, A'I (1961), col 419-489, qui n'est cependant pas complete. ANNE DAGUET ‘PRIMUS IANUARIUS Virruvia CN, 1. Mevania wrsapJ.C. CIL, X15140 PARATA P, VirrulUs DAMA —s Romae. irsapJ.C. CIL, V1 29104 P, VITRUVIUS ARISTOBULUS: se = 7 P, Virruvius VARDANUS ae - = P. VITRIUVIUS Romae mesap J.C. CIL, V129105 FAUsTUS P. ViTRuviqus) Romae sap J.C. CIL, VE29106 ‘SIPYLUS ViTruvia PL. Romae rsapJ.C. CIL, V129107 LyYcHNIs [P. Vitruvius I... Romae 1sapJC. CL, V1 36565 (P. Virr]uviuis} a = za VETRUIA VENAERIA Romae Te-Ill® s CIL, V1 10074 (ILS, 5308) ‘ViITRUIA AMMIA Romae rtsapJ.C. CIL, VI4921 M. VirruviUsM.1 —_ Formiae isapJ.C. CIL,X 6190 APELLA M Virruvtus M. 1 Formiae rrsapJ.C. CIL,X 6143 DEMETRIUS VITRUVIA CHRESTE a i 7 M. Virruvius M1. (A)RTEMA i et aa Q. Virruvius Formiae uesapJ.C. CIL,X 6169 Sorrjer M. Virrusius Formiae isapJ.C. CIL,X 6191 ARSACES L. Vrrrovius Sf. Abella duovir wsavJ.C. CIL, 21227 LUCIL... VITRUVIUS ......I0 Baiae architecte isapJ.C. CIL,X 3393 naval ? VITRUVIUS APRILIS Napoli Ue-IIe s CIL, X 2659 C. VirrujBrus) Napoli Te-II® s CIL, X 3120 [Verruyptus AL... a et pe L. VITRUL.. Pompei isapJ.C. CIL,IV 4316 AFRIQUE VITRUIA QUETA ‘Thibaris TI-Iil® s CIL, VIM 26140 L, VirRUvIUs Curubis aedilis Wav.C. CIL, VIL978 ALEXANDER) SEX. VITRUIUSQ. f. — Sicca Veneria époque CIL, VIE 16209 Qumr. Mpcutus ? césarienne ? VITRUVIA Sicca Veneria Tie-I1¢ § CIL, VII 16210 MARCELLA VITRUVIA SPONDE Sicca Veneria CIL, VOT 16211 VITRUBIA Thagura e-Ive s IL ALG, 11086 FORTUNATA {Vimeuvrius Madauros vers 202 IL ALG, 12059 VICTOR T. ViITRUBIUS Madauros I-Ie s, IL ALG, 12721 VITRUVIUS SECUNDUS ‘SATURNINUS ‘VITRUVIA HONORATA [Vorrurvna SE{CJURA [vgrruvius GRACILIS ‘ViTruvia L. fil MAXIMA “VITRUVIA ‘TROPHIME M. Virruvius Luciscus Q. f. ‘VITRUVIA -ARBUSCLA ‘VirrUvIA L. f. LUCTLLA ‘Vrrruvita] POTTULA, M. VrrRufvius} M. Virruvius ‘MAMURRA, M. Virruvius VicToR 0 ‘Virruvius L. f. QUIR VICTOR L. Virruvtus Sex. F. Pou[.....] ‘VITRUVIA ‘VICTORIA AUGUSTA) P, VITRUVIUS Madauros Madauros Cinta Thibilis Thibilis Thibilis Thibilis ‘Thibilis offrit un arc Castellum Celtianum Sigus Lambaesis origo Verecunda GAULE mére de Pempereur M. Piavonius Victorinus Lyon mes ap J.C, Te-I11¢ s nes ap J.C. sous Septime Sévére. fin T1°-déb I® II s Me-INe s Tete s TIe-I? s Mts ap J.C. Is ap J.C. vers 270 date assez haute CIL, VIL 4757 = IL ALG, 12431 IL ALG, 1 2609 IL ALG, 1 490 CIL, VOI 19508 (+ CIL, VII 6993 = CIL, VIL 7843 IL ALG, 11 6020 IL ALG, M1 6021 IL ALG, 11 6022 CIL, VIII 19066 CIL, VIL 18913 GILS, 5566) CIL, VI7954 (= 19843 = IL ALG, 3366) CIL, VI 5867 (CILALG, 116798) CIL, VOI 4156 Victor Caes, Trig (= Tyr, 24,5: 64: inscription inédite Cette liste d'une cinquantaine de noms appelle un certain nombre de remarques. Il ressort clairement que les Vitruvii sont, 4 deux exceptions prés, concentrés en deux grandes régions du monde romain : I'Italie et l'Afrique. Il y a donc de fortes chances pour que Vitruvius Secundus soit lui-méme originaire de l'une ou l'autre de ces contrées ; il reste & déterminer laquelle. C'est en Italie que l'on trouve la plus ancienne mention du gentilice, puisqu'un certain M. Vitruvius Vaccus, originaire de Fundi apparait sous la 8 ANNE DAGUET plume de Tite Live comme le chef (dux ) de l'insurrection de Privernum contre Rome en 330/32915, Les Vitruvii d'Italie sont nettement concentrés 4 Formies et sa région, au sud du Latium, ainsi qu'a Rome'6, Sept Vitruvii sont connus 4 Formies, le plus célébre étant Vitruvius (Pollio), auteur d'un traité De Architectura 17. Les six autres individus (cinq hommes et une femme) sont tous des affranchis ; la plupart, attestés sur des pierres différentes, le sont trés certainement d'un méme personnage, les prénoms étant identiques (Marcus ) ; il s'agit de M. Vitruvius M. |. Demetrius, M. Vitruvius M.1. (A)rtema, Vitruvia Chreste!8, M. Vitruvius M. 1. Apella!9, M. Vitrubius Arsaces?0, Le formulaire des épitaphes (absence de consécration, emploi du nominatif...) nous incite 4 donner une date assez haute & ces différents documents qui semblent remonter 4 la premiére moitié du I s. ap. J.C. Un seul texte de Formies est 4 dater du It s., celui od, aprés une invocation aux Dieux Manes (D M + génitif), Q. Vitruvius So[tler fait une dédicace 4 son épouse Paccia Trophima 21. Les conjoints sont visiblement tous deux des affranchis. Des environs de Formies, nous possédons quelques inscriptions mentionnant d'autres Vitruvii22. Elles datent des premiers siécles avant ou aprés J.C., hommis celles de Naples que leur formulaire incite a placer aux Tr ou Ile siécle de notre ére. Cest dans I'Urbs que l'on rencontre également plusieurs Vitruvii. Dix personnages y sont attestés. Comme a Formies, nous avons avant tout affaire a des affranchis, d'un méme individus trés certainement vu la similitude des prénoms (Publius) ; il s'agit de P. Vitruius Dama, P. Vitruvius Aristobulus, P. Vitruvius Vardanus’, P. Vitriuvius Faustus™, P. Vitruvius... Sipylus?5, Vitruvia P.1, Lychnis?6 et de deux hommes enfin, mentionnés sur une pierre 15, Tite Live, VIII, 19.4. 16. Cf. J.-M. Lassie, Ubique Populus, Paris, 1977, p. 193 : «gentilice fréquent chez lles Volsques, moins fréquent en Campanie » ; W. SCHULZE (Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, p. 191) attribue pour sa part au gentilice une origine étrusque. 17 P. Gros ( Aurea Templa, Rome, 1976, p. 54 ss ) dissocie I'auteur du De Architectura et le Mamutra, praefectus fabrum de César ; C. NICOLET (L’ordre équestre a Vépoque républicaine (312-43 av J.C.), Paris , 1974, Tl, n° 219, p. 940-941 ) fait de méme et va jusqu’a considérer Mamurra comme un gentilice et non comme un surnom. 18. CIL, X 6143, 19. CIL, X 6190. 20. CIL, X 6191. 21. CIL, X 6169. 22. CIL, I 1227 d'Abella ; CIL, X 3393 de Baiae ; CIL, IV 4316 de Pompei ; CIL, X 2659 et 3120 de Naples. 23, CIL, V1 29104. 24, CIL, V1 29105. 25. CIL, V1 29106. 26, CIL, VI 29107. VITRUVIUS SECUNDUS 9 trés lacunaire27. Comme 4 Formies toujours, le formulaire tend a faire remonter ces inscriptions & la premiére moitié du Ie s. ap. J.C. Une seule pierre romaine est du Ile ou Ile s. : celle consacrée 4 Vetruia Venaeria décédée a 38 ans?8. Les autres pierres italiennes que nous possédons, provenant de Vérone”?, de Ferrare3°, de Bevagna*! ou d'Hispellum?2, mentionnent pour la plupart des affranchis (de Cn, Vitruvius et de L. Vitruvius) et sont également a dater du Haut-Empire. Il existe donc un noyau de Vitruvii, originaires de la région de Formies, dont manquent pour I'instant les notables ; étant donné le nombre des affranchis, l'on peut aisément supposer l'existence d'une famille d'un certain rang municipal, mais son importance est perceptible plutét au Ir qu'au I* siécle, Hormis I'Italie, c'est l'Afrique Proconsulaire qui doit retenir notre attention. Vingt-deux Vitruvii, en effet, sont attestés dans cette région. Ils tirent leur origine de l'émigration italique. On les trouve concentrés essentiellement 4 Thibilis, pagus de la confédération cirtéenne33, Sicca Veneria et Madauros, patrie d'Apulée. Nous avons affaire, semble-t-il, non plus 4 des affranchis*4, comme c'était le cas en Italie, mais 4 des notables municipaux : L. Vitruvius Alexan(der) est édile 4 Curubis en 19 av. J.C.35; deux autres Vitruvii, Q. et Sex. Vitruius, étant attestés 4 Sicca Veneria & l'époque de César sans doute, J.-M. Lassére a supposé qu'il s'agissait de colons césariens*6,Des familles originaires d'Italie auraient alors émigré en Afrique et y auraient fait souche. En effet, si quelques Vitruvii (de Thibilis et Madauros) remontent aux I* ou Iles, ap. J.C. (parmi eux, M. Vitruvius Mamurra, de Thibilis, offrit un arc a ses frais)37, la majorité des autres (une petite quinzaine environ) sont des II¢ ou III¢ s de notre ére. Une date précise ne pouvant que trés rarement étre connue, ce sont 1 encore les formules des 27. CIL, V1 36565. 28. CIL, V1 10074 (= ILS, 5308) ; formules D M + génitif, vixit annis... 29. CIL, V 3464 (= ILS, 7730). 30. CIL, V 2380. 31, CIL, X1 5140, 32. CIL, X1 5261 et 5300. 33. J. Gascou, «Pagus et castellum dans la confédération cirtéenne», Ant. Afr. 19, 1983, p. 183-185. 34. A deux exceptions prés : Vituvia Trophime de Cirta et Vitruvia Sponde de Sicca Veneria, affranchies des I ou 1° s ap J.C. 35. CIL, VII 978 ; Curubis est une colonie césarienne, cf. J.-M. Lassbre, Ubique Populus, p. 146. 36. J.-M. LassEre, Ubique Populus, p. 154, mais ils peuvent étre un peu plus tardifs. 37, CIL, VII 18913 (= ILS, 5566). 10 ANNE DAGUET épitaphes qui constituent notre source essentielle de renseignements?8. Dans Ja plupart des cas, c'est l'invocation aux Dieux Manes suivie du nom au nominatif du dédicant et les formules v(ixit) a(nnis) et h(ic) s(itus) e(st) que I'on trouve39, Il convient d'insister quelque peu sur le cas de Vitruvia L. f. Maxima, épouse de M. Coculnius Quintillianus, doté du laticlave par Septime Sévére, questeur désigné, ayant en outre rempli toutes les fonctions municipales dans sa cité natale de Cirta4, Sa femme, qu'il fit entrer par son adlectio dans l'ordre sénatorial, n'était peut-étre pas originaire de cette localité mais d'une cité de Ja région, l'inventaire des attestations orientant de préférence vers Thibilis, mais peut-étre aussi vers Madauros ou Sicca Veneria. Ainsi, nous atteignons le niveau supérieur de I'€lite municipale, dont les membres dépassaient I'horizon de leur cité pour entrer au service du prince et par 1A pénétrer dans les classes dirigeantes. Ces familles contractaient fréquemment des alliances au-dela de I'horizon de leur cité ; ce mouvement se manifeste durant le Ile siécle et se poursuit a l'époque sévérienne.La période qui correspond & I'entrée des Africains dans !'ordre équestre ou s€énatorial s'ouvre avec Hadrien. Le fait que ce soit Septime Sévére qui ait favorisé la carritre de Coculnius Quintillianus est donc précieux, c'est un exemple, certes un peu plus tardif, des faveurs accordées par ce souverain dorigine lepcitaine a l'un de ses compatriotes. Cette rapide analyse de la gens Vitruvia nous donne donc quelques arguments pour préciser l'origine de Vitruvius Secundus. I ressort clairement que I'ab epistulis de Marc Auréle ou de Commode n'a aucun point commun avec les Vitruvii d'Ttalie, attestés 4 une date bien antérieure ; en revanche, rien n'empéche de rapprocher Vitruvius Secundus de ceux d'Afrique, leur niveau social et l'époque a laquelle on les rencontre coincidant assez bien. Vitruvius Secundus pourrait étre l'un de ces notables de la région comprise dans le triangle Cirta - Sicca Veneria - Madauros qui, ayant choisi de sortir du cadre étroit de sa cité natale, aurait opté pour le service du prince et se serait ainsi élevé dans I'échelle sociale en gravissant Jes échelons de Ja carriére équestre jusqu’A obtenir le poste important d'ab epistulis . Cette hypothése nous parait d'autant plus probable que Vitruvius Secundus ne serait pas le seul a avoir bénéficié des faveurs impériales. 38. Cf. J.-M. LassBRe, «Recherches sur la chronologie des épitaphes paiennes de T Africa», Ant. Afr., 7, 1973, p. 7-152, 39. J.-M. LassERe, «Recherches», p. 119, 40. CIL, VIII 19508 ; CIL, VIII 6993 = 19417 ; 6955 = 19416 ; 7041 = JL ALG, 0 626 = ILS, 6857 ; 7042 = IL ALG, II 627 ; cf. H.-G. PFLAUM, «Onomastique de Cirta», Scripta Varia, I, Paris, 1978, p. 165, 177, et 194 ; M. Le GLAy, dans Epigrafia e ordine senatorio, I, (Tituli, 5), Rome, 1982, p. 764-765. VITRUVIUS SECUNDUS i TL conviendrait plutét de l'ajouter a la liste des Africains qui furent favorisés par les empereurs du second siécle, et au troisitme par les Sévéres. L'étude de M.G. Jarrett* a montré que le nombre des Africains au service du prince s'est sensiblement accru a partir du régne d'Hadrien. L'accession des Sévéres, en revanche, ne semble pas avoir suscité une augmentation considérable du nombre des fonctionnaires d'origine africaine. Plusieurs d'entre eux avaient alors exercé des fonctions de premier ordre, réservées aux chevaliers, ainsi M. Sempronius Liberalis, préfet d’'Egypte de 154 a 158/159#, Sex. Caecilius Crescens Volusianus, ab epistulis de 159 & 16243, Sex. Comelius Repentinus, ab epistulis puis préfet du prétoire clarissime de la fin du régne d'Antonin le Pieux jusqu'en 165/16644, P. Licinius Papirianus, a rationibus sous Marc Auréle et Lucius Verus*5 ; ces deux derniers sont issus respectivement de Simitthu et de Sicca Veneria Ce ne sont lA que quelques exemples permettant d’éclairer notre propos. S'y ajouterait-il un autre aspect de la personnalité de plusieurs de ces grands personnages : Ja culture ou 1'érudition, la formation littéraire ou juridique? De nombreux «intellectuels et plus précisément orateurs et juristes..., ds le milieu du Ile siécle s'élévent aux premiéres places de la société impériale4s», Les plus célébres sont bien évidemment Apulée de Madaure et le clarissime Cornelius Fronto de Cirta, maitre d'éloquence Jatine de Marc Auréle4?. L'on pourrait encore citer Eutychius Proculus, originaire de Sicca Veneria, grammaticus latinus de ce méme prince, que son éléve favorisa jusqu'au proconsulat*®, et Salvius Iulianus (le pére du consul ordinaire de 175), jurisconsulte, technicien renommé du droit et enseignant, natif d'Hadruméte et contemporain de Fronton4?, Dans 41, M, G, JarrETT, «The African Contribution to the Imperial Equestrian Service», Historia, 12, 1963, p. 209-226. . 42, AE 1949, 73 ; BGU I n° 26, 372 ; A. STEIN, Die Prdfekten von Agypten in der rémischen Kaiserzeit, Berne, 1950, p. 84. 43. CIL, VIII 1174 = ILT, 1159 ; H.-G. PFLAUM, Carriéres, n° 142, p, 337-339, 44, G. CAMODECA, «La carriera del prefetto del pretorio Sex. Cornelius Repentinus», ZPE, 43, 1981, p. 43-56 ; IDEM, dans Puteoli Studi di Storia Antica, Ul, 1979, p. 41-76. 45, Z. B, BEN ABDALLAH, Catalogue des inscriptions latines du musée du Bardo, Rome, 1986, p. 141-142, n° 367 ; PIR.2, L229. 46. G. CHARLES-PICARD, La civilisation de l'Afrique romaine, Paris, 1959, p. 126. 47. Cf. J. HEURGON, «Fronton de Cirta», RSAC, 70, 1957-1959, p. 141-153 ; H.- G. PFLAUM, «Les correspondants de l'orateur M. Comelius Fronto de Cirta», Hommages & Jean Bayet (Latomus, 70 ), Bruxelles, 1964, p. 544-560 ; A.R. BIRLEY, «Some teachers of M. Aurelius», H.A. Coll, 1966-1967, Bonn, 1968, p, 39-42 ; E. CHAMPLIN, Fronto and Antonine Rome, Cambridge ( Mass ), Londres, 1980 ; J. DESANGES, «La Cirta de Salluste et celle de Fronton», L’Africa Romana 4*, Atti del Convegno di Studio, Sassari, 12-14 déc 1986, Sassari, 1987, p. 133-135. 48. H. A. Marc. Aur .2; P.LR.2, E13; M. Corster, dans Epigrafia e ordine seantorio, I (Tituli, 5), p.'729 ; sur ses liens avec le procurateur M. Tuticius Proculus, cf. AR. Birney, H.A. Coll, 1966-1967, Bonn, 1968, p.39-42. 49, PLR. TL (1898), p. 164, S 102, 12 ANNE DAGUET l'entourage de ce dernier, gravitait un personnage déja évoqué, Sex. Cornelius Repentinus, de Simitthu5°, Sa carriére fut exclusivement civile et romaine. I fut successivement avocat du fisc, procurateur du vingtiéme des héritages (?), ab epistulis puis, peu aprés la mort de C. Tattius Maximus'!, promu directement par une faveur impériale 4 la préfecture du prétoire. Le cas de Cornelius Repentinus n'est pas unique. Sex. Caecilius Crescens Volusianus eut une carritre similaire sur laquelle l'on s‘appuie d'ailleurs pour reconstituer en partie celle de Repentinus‘2. Ce personnage, sans doute aussi d'origine africaine, exerca d'abord la fonction de praefectus fabrum puis celle d'avocat du fisc, charge centenaire d'od il fut promu 8 celle, ducénaire cette fois, de procurateur du vingtitme des héritages ; cet avancement, qui le maintenait 4 Rome, traduit la confiance que lui accorda Antonin le Pieux. Il poursuivit sa carriére, toujours dans I'Urbs, en succédant comme ab epistulis , 4 Sex. Cornelius Repentinus; il continua d'exercer cette fonction un certain temps sous Marc Auréle et Lucius Verus ; «il fallait pour bien s'acquitter des obligations de cet emploi des facultés stylistiques qui exigeaient une forte culture. II fallait en outre la confiance entiére du prince, ce qui supposait une connaissance longue et intime, nous dirions presque des relations amicales entre I'empereur et son ministre»53, Tous les ab epistulis ne suivaient pas ce type de carriére, tel T. Varius Clemens® qui avait une solide expérience militaire, ou méme Taruttienus Paternus, auteur d'un traité De re militari 55 ; mais puisqu'il faut avant tout comparer Vitruvius Secundus a ses prédécesseurs africains, il est tentant de supposer que sa carriére aurait pu suivre les mémes développements5s, Il n'est pas inutile d'évoquer ces personnages de rang équestre ou sénatorial ni d'insister sur I'importance croissante des Africains dans 50, Sur ce personage, cf. infra note 12, oe 51, Sur ce personage mort en 160, cf. H.-G. PFLAUM, Carriéres, n° 138, p. 325- 26. 52. Cf. H.-G. PrLauM, Carriéres, n° 142, p. 337-339 ; M.G. JARRETT, «An Album of the Equestrians of North Africa in the Emperor's Service», Epigr Stud, 9, 1972, p. 164-165 ; J. Gascou, «Une inscription faussement attribuée & Thuburbo Minus», MEFRA, 97, 1985, 1, p. 459-476. 53. Cf, H.-G, PrLAuM, Carriéres, n° 142, p. 338. 54, P.LR. TH (1898), p. 385, V 185 ; H.-G, PFLAUM, Carriéres, n° 156, p. 368-373 et Supplément p. 44, 47 ; H. DEvuvER, Prosopographia militiarum equestrium quae fuerunt ab Augusto ad Gallienum, Louvain, 1977, II, p. 839, V 52. 55. Végece, Epitoma rei militaris, I, 8 : «... quae Paternus diligentissimus iuris maltaris adsertor in libros redegit », (ed Lang, p. 13) ; cf. H.-G, PFLAUM, Carriéres, n° 172, p. 422. 56. On pourra remarquer aussi que si, parmi les autres ab epistulis de l'époque de Mare Auréle, la carriére de C. Calvisius Statianus n'est pas suffisamment connue (H.-G. PFLAUM, Carrieres, n° 166, p. 406-408), celle de......ilius C. f, .... (CIL, VI 1564, cf. P. 3142 ; H.-G, PFLAUM, Carriéres, n° 178, p. 445-449) est essentiellement civile. VITRUVIUS SECUNDUS 13 L'administration et l'entourage impérial au IIe siécle*’. Rien n'empéche, en effet, Vitruvius Secundus d'avoir eu une carriére sinon identique, du moins proche de celles qui viennent d'étre évoquées. Tout porte 4 supposer, bien au contraire, que cet homme, qui se trouva lié pour le meilleur et pour le pire 4 Taruttienus Paternus, aurait pu faire partie de ce groupe des lettrés ou juristes africains, notables, membres de l'ordre Equestre ou sénatorial qui, par le jeu de la faveur impériale et par le patronage d'un homme politique influent, obtinrent des postes-clef dans le gouvernement de l'empire au milieu et dans la seconde moitié du Il siécle de notre ére58. Anne DAGUET 57. Elle est aussi illustrée par quelques grandes figures sénatoriales : M. LEGLAY, dans Epigrafia e ordine senatorio, Ml, p. 755-781. 58. Le procédé consistant & confier d'importantes fonctions & des hommes ayant regu ‘une solide formation littéraire ou juridique se poursuit tout au long du Bas-Empire ; sur ce point, cf. C. LEPELLEY, «Spes saeculi: Le milieu social d'Augustin et ses ambitions séculiéres avant sa conversion», Arti del congresso internazionale su S. Agostino nel XVI centenario della conversione, Roma, 15-20 sept 1986, Rome, 1987, I p. 99-117 : «L'art du discours et la culture littéraire, acquis & I’ récote du grammairien, puis & celle du rhéteur, pouvaient mener A des destins brillants.... C’était l'usage de recruter parmi les professeurs et les juristes les hauts fonctionnaires de l'administration impériale qui, 2 Ppoque, recevaient presque tous la dignité sénatoriale par laquelle, au moins en théorie, ils étaient assimilés a l'aristocratie clarissime de Rome» (p. 100). Revue des Etudes Augustiniennes, 34 (1988), 14-24 Tertullian on the Continued Existence of Things and Beings The continued existence of things and beings was a matter of the greatest importance to Tertullian, It was therefore incumbent on him to search for the origins of all things. This is not an isolated piece of philosophy, nor merely a matter of literary form. On the contrary, the inquiry into the origin of all things is tied up closely with the whole of Tertullian’s theology. Irenaeus had already taught, with reference to Eph. 1, 9, that Christ had united in himself the heavenly and earthly worlds in order to lead the human race to the paradise of life!. Tertullian continued along this line of thought, drawing on the compari- son made in the New Testament (Apoc. 1, 8 ; 21, 6 ; 22, 18): Christ is Alpha and Omega of history. All things begin and end with him (Monog. 5, 2). Thus Tertullian’s conviction of a peace worked by the Holy Spirit pro- gressing in the history of salvation leads to the certainty that in Christ all things will ultimately return to their origin, and man in his entirety will be brought to paradise? (Monog. 5, 33). These considerations place Tertullian at the beginning of the development of the doctrine of apocatastasis, which was to culminate with Origen‘. Some important statements in this connexion can be found in the following quotations from Tertullian : « Omne genus ad originem suam censeatur necesse est » (Praescr. 20, 7). « Mala... materia boni non erit matrix » (Adv. Hermog. 16, 2). «Omnis res anterior posteriori normam praeministravit » (Mare. I, 1, TRENAEUS, Adversus haereses V, 20, 2: « ut non... projiciamur de paradiso vitae, in quem Dominus inducit eos qui obaudiunt praeconio ejus, recapitulans in se omnia quae in caelis et quae in terra. » 2. Maria-Barbara von Srrirzkv, Aspekte geschichtlichen Denkens bei Tertullian, in Platonismus und Christentum. Fesischrift fiir Heinrich Dérrie, Jahrbuch fir Antike und Christentum. Ergiinzungsband 10, 1983, p. 266, Minster i. Westfalen, 3. « Bt adeo in Christo omnia revocantur ad initium, ut et fides reversa sit a circumcisione ad integritatem carnis illius sicut’ ab initio fuit... et repudii cohibitio, quod ab initio non fuit, et postremo totus homo in paradisum revocatur, ubi ab initio fuit » (Monog. 5, 3). 4. Maria-Barbara voN Stritzxy, Die Bedeutung der Phaedrosinterpretation fir die Apokatastasislehre des Origenes, in Vigiliae Christianae 31 (1977), pp. 282-297. TERTULLIAN ON THE CONTINUED EXISTENCE 15 9, 5). « Video.., agendpm ab originibus usque ad profectus et excessus rei » (Cor. 7, 2). « Nihil‘tamen a matrice alienatur a qua proprietates suas ducit » (Adv. Prax. 8,7). « Regula autem omni rei ab initio constituta in prioribus et in poste- tiora praescribit » (Adv. Prax. 20, 3). And it is in fact possible to discover the origin of things, for « Itaque sicut ea, quae de aliquo prolata sunt, ostendit, unde prolata sint » (Adv. Hermog. 22, 5). The truth does not abstain from using that word, and the matter and ori- gin represented by God (Adv. Prax. 8, 1). Typical for Tertullian’s style and thought are the words, « Quaeritur et unde sint conchae et qua dispositione decurrant et ubi spem suam collocent » (Cult. fem. I, 8,3). In order to judge about something — this is his view — one has to go back to the origin, and examine its principle (unde sint), the pre-arranged scheme of its evolution (qua dispositione decurrant), and the evolution that can be expected (spes)$, Moingt gives this definition of dispositio : « La disposition est en général ordination d’une chose, d’une action, d’une personne, d’une figure, d’une théo- rie, 2 un but en vue duquel elle est agencée : par exemple tout ce qui est caché vient a étre révélé ‘la vertu d’une disposition de la nature’, d’une tendance naturelle. Au sens technique, le mot s’applique 4 l’ordonnance des choses engendrées, par opposition aux choses divines? ». It is an undoubted fact that with Tertullian the original meaning of the word continues to linger in later nuances of the word. We understand that even ori- ginal things continue to linger in later things. It will become apparent that there are four ways in which something or someone can continue to exist in that which follows. These four ways are, I. derivatio totius substantiae et portio, II. evolution, III. procreation, IV. resur- rection. I. « Derivatio » Tertullian describes the category of portio ex summa with the aid of three metaphors : of the plant, of the river, and of the sun-ray. They illustrate how the Son can be understood as being derivatio totius substantiae et portio. They build on the Valentinian idea of consubstantiality, but augment it with the undividedness of the substance, by the added portio-summa'. The principle of the unfolding of the nature is directly present in Tertullian’s writing : « Nempe de olivae nucleo et nuce persici et grano piperis sub terra temperato arbor exsurgit in ramos, in comam, in speciem sui generis » (Ad. Nat. I, 12, 10). 5. «Non ideo non utitur et veritas vocabulo isto et re ac censu eius (Adv. Prax. 8, 1).» 6. TERTULLIEN, La toilette des dames, SC 173, éd. M. Turcan, Paris 1971, p. 80 sq. 7. J.Momar, Théologie trinitaire de Tertullien, Aubier 1966, t. IL, p. 871. 8. Mowat, op. cit., t. III, p. 976. 16 I. J. VAN DER LOF The simile of the fruit emerges : He is a man, who is to be a man ; the fruit is always present in the seed (Apol. 9, 8)*. The simile of the sun and the sun-rays emerges : When a ray is projected from the sun, it is a portion of the whole; but the sun will be in the ray, because it is the sun’s ray, nor is it a division of nature, but an extension. Spirit from Spirit, God from God — as light is lit from light. The source of the substance remains whole and undiminished even if you borrow many offshoots of its quality from it. Thus what was proceeded from God, is God and God’s Son, and both are one. Thus Spirit from Spirit, God from God — it makes in mode a double number, in order, not in condition (status), not departing from the source but proceeding from it This ray of God, as was ever foretold in time past, entered into a certain virgin, and in her womb fashioned into flesh, is born, man mingled with God (Apol. 21, 12-14)!*. The derivatio culminates in Adversus Praxean, where Tertullian writes in connection with Christ : « Protulit enim Deus Sermonem, quemadmodum etiam Paracletus docet, sicut radix fruticem et fons fluvium et sol radium. Nam et istae species npoBoAai sunt earum substantiarum ex quibus prodeunt » (Adv. Prax. 8, 5); « Nam et radix et frutex duae res sunt, sed coniunctae, et fons et flumen duae species sunt sed individuae ; et sol et radius duae formae sunt, sed cohaerentes. Omne quod prodit ex aliquo, secundum sit eius necesse est de quo prodit, non ideo tamen est sepa- ratum » (Adv. Prax. 8, 6-7); « Tertius enim est Spiritus a Deo et Filio, sicut tertius a radice fructus ex frutice et tertius a fonte rivus ex flumine et tertius a sole apex ex radio. Nihil tamen a matrice alienatur a qua proprietates suas ducit » (Adv. Prax. 8, 7); « Pater enim tota substantia est, Filius vero derivatio totius et portio » (Adv. Prax. 9, 2s « Duas res et duas species unius et indivisae substantiae numerabo, quam Deum et sermonem eius, quam Patrem et Filium (Adv. Prax. 13, 10); Visibilem vero Filium acognoscamus pro modulo derivationis, ... radium autem eius toleramus oculis pro temperatura portionis quae in terram inde porrigitur » (Adv. Prax. 14, 3) ; «Quasi non et radius in sole deputetur » (Adv. Prax. 18, 4); « Exivit (Filius) autem a Patre ut radius ex sole, ut rivus ex fonte, ut frutex ex semine » (Adv. Prax. 22, 6); «Tamen non directo Deum nominans, portionem totius intellegi voluit quae cessura erat in Filii nomen » (Adv. Prax. 26, 3); « Obducti distinctione Patris et Filii quam manente coniunctione disponimus ut solis et in et fontis et fluvii, per individuum tamen numerum duorum et trium » (Adv. Prax. 27, D5 9. «Homo est et qui est futurus ; etiam fructus omnis iam in semine est » (Apol. 9, 8). 10. « Et cum radius ex sole porrigitur, portio ex summa ; sed sol erit in radio, quia solis est radius nec separatur substantia sed extenditur. Ita de spiritu spiritus et de deo deus ut lumen de lumine accensum. Manet integra et indefecta materiae matrix, etsi plures inde traduces qualitatis mutueris : ita et quod de deo profectum est, deus est et dei filius et unus ambo. Ita et de spiritu spiritus et de deo deus modulo alternum numerum, gradu non statu fecit, et a matrice non reces- sit sed excessit. Iste igitur dei radius, ut retro semper praedicabatur, delapsus in virginem quan- dam et in utero eius caro figuratus nascitur homo deo mixtus » (Apol, 21, 12-14). TERTULLIAN ON THE CONTINUED EXISTENCE 17 « Videmus duplicem statum, non confusum sed coniunctum, in una persona, Deum et hominem Jesum » (Adv. Prax. 27, 11); On the passion he writes : « Quanquam una substantia de fonte decurrat ... tamen flu- vii injuria non pertinebit ad fontem » (Adv. Prax. 29, 6) ; Clearly in Adversus Praxean the Son and the Spirit proceed from God without affecting or diminishing God’s essence and being. Tertullian’s thoughts concentrate on the moment of the procession ; the Son is someone other than the Father, but he remains united with the Father in and by the same substance : alius forma non substantia. So the three similes using the imagery of sun, source and root are not applied to the eternal origin of the Word, but only to the historic origin of the Son, His coming on earth!!, « Liimagerie, il est vrai, montre une substance en devenir, en voie de s’accroi- tre et de s’étendre graduellement. Mais i] ne s’attarde nulle part au phénoméne lui-méme, au processus de cette expansion méme dans le cas du provignement, a plus forte raison dans celui de la germination, il a Phabitude de lire ces images en remontant, de telle sorte que, la durée mise de cdté, son regard se pose 4 l’instant méme, sur l’acte méme de la sortie, pour souligner le fait, le simple fait de la provenance dans la continuité: ceci sort de cela par le mouvement immanent de la substance qui se passe dans le terme sans sortir du principe’? », IL. Evolution There are some passages where the notion of derivatio with portio ex summa, does not suffice, and where too much weight is attached to the notion of fructus. Moingt elucidates: «La matrix est la substance de la chose considérée dans son état initial et dans sa puissance (vis) de germination, en tant qu’elle est le germe intégral (granum, semen) et le contenant total de tout ce qui doit apparaitre en elle dans le cours de sa croissance ; et on appelle surculi ou frutices ou encore fructus toutes les déterminations, qualités, propriétés, formes diverses et nombreuses, que prend cette chose successive- ment, qui paraissent s’ajouter 4 elle, et qui constituent cependant son équipe- ment (paratura, instructus, suggestus) originel, car elle tire tout cela de son propre fonds et par son dynamisme interne!? », We should also point out that erudiri gets too much weight attached to it. It sometimes has the sense of ‘evolve’. This is true also of the substan- tive noun eruditus (found only once, in Adv. Val. 29, 3) and eruditio (Paen. 6, 3). 1, J. Moar, op, cit, t. I, p. 994. 12. J. Mower, op. cit., t. II, p. 991 sq. 13. J. Moincr, op. cit. t, IIL, p. 984 sq. 18 L. J. VAN DER LOF Evolution is clearly at stake in these sayings : «Nos destinati a Deo ante mundum in extimationem temporum, tanquam casti- gando, et castrando, ut ita dixerim, saeculo erudimur a domino. Nos sumus circumcisio omnium, et spiritalis et carnalis » (Cult. fem. II, 9, 8). « Domino enim cognito, ultro spiritus a suo auctore respectus emergit ad notitiam veritatis, et admissus ad dominica praecepta ex ipsis statim eruditur id peccato de- putandum a quo Deus arceat » (Paen. 3, 2). And the following sayings are directly relevant to our subject : « Terram carnis matricem » (Marc. I, 14). «Nam et aurum terra quia de terra... longe alia materia » (Res. 6): For even gold in earth, because it is from the earth. In De resurrectione carnis 55 Tertullian comes close to Hegelianism : The same things return, but with a difference. The ‘ being different ’ that constitutes the limit by which every object is defined, is itself aspect of this subject. In the concept also a transition takes place from one thing to another, and from each other thing again to something else. And for a proof that a thing can be changed and none the less continue to be itself, man as a whole during this life remains in substance himself, yet changes in various ways, in outward appea- rance and in the very constitution of his body, in health and circumstances and honour and age, in occupation, business, craft, in means, abode, laws and morals, yet loses nothing of his identity as a man, nor is he thereby made into someone else, but into something else". In Adv. Iudaeos and De virginibus velandis Tertullian shows that he is aware of protracted processes : «In hac enim lege Adae data omnia praecepta condita recognoscimus, quae postea pullulaverunt data per Moysen » (Adv. Iud. 2); « Primordialis lex data est Adae et Evae quasi matrix omnium praeceptorum Dei » (bid). And the corpus sui generis of the Son is called « materia materiarum » (Adv. Her- mog. 18). « Fructus aliquamdiu rudis et infirmus paulatim eruditur ; ... sic et iustitia primo fuit in rudimentis » (Virg. vel. 1, 6); « Aspice ipsam creaturam paulatim ad fructum promoveri : granum est primo et de grano frutex oritur et de frutice arbuscula enititur, deinde rami et frondes invalescunt, ... et flos de germine solvitur, et de flore fructus aperitur, (qui) paula- tim... eruditur » (Virg. vel. 1, 5) ; « Sic et iustitia (nam idem Deus iustitiae et creaturae) primo fuit in rudimentis, natura Deum metuens ; dehine per legem et prophetas promovit in infantiam, dehine per evangelium efferbuit in iuventutem, nunc per Paracletum componitur in maturi- tatem » (Virg. vel. 1, 7). 14. « Atque adeo potest et demutari quid et ipsum esse nihilominus, ut et totus homo in hoc evo substantia quidem ipse sit, multifariam tamen demutetur, et habitu et ipsa corpulentia et valetudine et condicione et dignitate et aetate, studio negotio artificio, facultatibus sedibus legibus moribus, nec quicquam tamen amittat hominis, nec ita alius efficiatur ut cesset idem esse, immo nec alius efficiatur sed aliud » (Res. 55). TERTULLIAN ON THE CONTINUED EXISTENCE 19 This whole idea of evolution is with Tertullian more than an incidental overgrown aspect of procreation. If that were the case, then the quotations in this second section could equally well be placed in the third. But more is involved, namely Tertullian’s vision on world history. The metaphorical use of the phases of life for the periods of history was borrowed by Tertullian from the tradition (Florus, Seneca)"’, Tertullian however leaves out the final phase of the individual, the senectus, for God makes his plan of salvation end in maturi- tas’, We must place Tertullian’s thoughts on evolution in this vision on world history. II. Procreation The third way in which something or someone can continue to exist in that or in someone which follows is by procreation. We find this, for example, in : « Haereses in nostro frutice (A : fructicaverunt, alii cod.), non nostro genere (A : nostrae ‘degeneres, alii cod.), veritatis grano et (cod., sed Rig.) mendacio silvestres («de nostro fruticaverunt non degeneri veritatis grano » fort.) » (Praeser. 36) ; more examples of this kind in our Appendix A. In De carne Christi all this is applied extensively specifically to Christ. Braun observes : « I] y a continuité dans les conceptions de Tertullien sur la substantia divine dont l’Apétre lui révéle qu’elle est l’Esprit. Le réalisme biblique s’est conjugué avec le matérialisme stoicien pour l’amener a cette identification” ». We read in De carne Christi: «Ergo iam dei filius cx patris dei semine, id est spiritu» (Carn. 18, 1); «Caro sine semine ex homine, spiritus cum semine ex deo» (Carn. 18, 3); «Ita cum sit ipse de spiritu dei spiritus, ex deo natus, ipse est ex carne hominis homo in carne generatus » (Carn. 18, 7); « Ut quid utique fructus uteri Christus ? » (Carn. 21, 4) ; «An quia ipse est ‘ flos de virga’ prophetae ‘ ex radice Iesse’, radix autem Iesse genus David, virga ex radice Maria ex David, flos ex virga filius Mariae qui dicitur Tesus Christus, ipse erit et fructus ? » (Carn. 21, 5); «Flos enim fructus quia per florem et ex flore omnis fructus eruditur in fructum. Quid ergo ? Negant et fructui suum florem et flori suam virgam et virgae suam radi- cem, quominus suam radix sibi vindicet per virgam proprietatem eius quod ex virga est, floris et fructus ? (Carn. 21, 6). Mahé comments on erudiri in the above passage : « erudiri signifie ‘ étre dégrossi ’, ‘ atteindre son parfait développement!® ». This seems to be supported 15. M.B. von Stritzky, Platonismus und Christentum, p. 265. 16, M.B. VON StRITZKy, p. 266, 17. R. BRAUN, Deus Christianorum. Recherches sur le vocabulaire doctrinal de Tertullien, Paris 19772, p. 190. 18. TERTULLIEN, La chair du Christ, SC 217, éd. J.-P. Mané, Paris 1975, II, p. 425. 20 L. J. VAN DER LOF by the Hebrew background of the notion. In Genesis we find the idea that God has created all things good, tob, that is to say, good for the purpose which they are to serve. This idea corresponds very well with our translation ‘ evolve’. « Siquidem omnis gradus generis ab ultimo ad principalem recensetur, ut iam nunc carnem Christi non tantum Mariae sed et David per Mariam et Iesse per David sciant adheerere, Adeo hunc fructum ex lumbis David, id est ex posteritate carnis ius, iurat illi deus consessurum in throno ipsius. Si ex lumbis David, quanto magis ex lumbis Mariae ob quam ex lumbis David? » (Carn. 21, 7); More quotations of this kind are to to be found in our Appendix B. IV. Resurrection Tertullian’s most extensive treatment of this subject is found in De resurrec- tione carnis. Evans summarises the beginning of chapter 12 of this work in these words : « Nature, which is God’s handiwork, presents on all sides exam- ples of life after death. These examples God has provided with the express intention that we, having seen resurrection in act, should the more readily believe when we are told of it in words. Moreover if all things rise again for man’s sake, and man’s flesh has the enjoyment of them, how can it be that flesh should utterly perish® ? ». We read : «Et tamen rursus cum suo cultu cum dote cum sole eadem et integra et tota universo orbi revivescit, interficiens mortem suam, noctem, rescindens sepulturam suam, tenebras, heres sibimet existens, donec et nox revivescat cum suo et illa suggestu, redaccenduntur enim et stellarum radii quos matutina succensio extinxerat, reducuntur et siderum absentiae quas temporalis distinctio exemerat, redornantur et specula lunae quae menstruus numerus adtriverat. Revolvuntur hiemes et aestates, verna et autumna » (Res. 12, 2-4), « Semel dixerim, universa conditio recidiva est » (Res, 12, 6). « Nihil non iterum est » (Res. 12, 6). Everything is directed towards Christ. On the one hand Tertullian asserts the identity of the risen man with the oné living here and now. This is motivated emphatically in view of the judgment : If it was not really altogether the same person who appeared before God’s judgment, how could this be just and fair ? After all, the soul has not lived the present life by herself ; on the contrary, she has always been closely tied to the body : « Nunquam anima sine carne est quamdiu in carne est » (Res. 15, 5). «Sed deum non licet aut iniustum iudicem credi aut inertem — iniustum jociam bonorum. Operum a praemiis arceat, inertem si sociam malorum a suppli secernat » (Res. 15, 8). 19. E. Evans, Tertullian’s Treatise on the Resurrection. The Text edited with an Introduction, Translation and Commentary. London 1960, p. 225. TERTULLIAN ON THE CONTINUED EXISTENCE 21 Tertullian therefore believes : « Plenitudinem perfectionemque iudicii nonnisi de totius hominis repraesentatione constare : totum porro hominem ex utrius- que substantiae congregatione parere » (Res. 14, 10-11). « Animatum spiritu omnium animarum animatore, signatum et ipsum humanae resurrectionis exemplum in testimonium vobis. Lux cotidie interfecta resplendet et tenebrae pari vice decedendo succedunt, sidera defuncta vivescunt, tempora ubi finiuntur incipiunt, fructus consummantur et redeunt, certe semina non nisi corrupta et dissoluta fecundius resurgunt, omnia percundo servantur, omnia de interitu refor- mantur » (Apol. 48, 7-8). « Quam indignum deo dimidium hominem redigere in salutem » (Res. 34, 3). «Plane accepit hic spiritum caro, sed arrabonem, animae autem non arrabonem sed plenitudinem, itaque etiam propterea, maioris substantiae nomine animale corpus nuncupata est in qua seminatur, futura proinde per plenitudinem spiritus insuper spiritale, in qua resuscitatur. Quid mirum si magis inde vocata est unde conferta est quam unde respersa est » (Res. 53, 18-19). On the other hand there is abundant evidence that Tertullian is well aware of the total change brought about by the resurrection. In close association with New Testament terminology?® he emphasises that we shall be changed into glory. «Apostolus, Et mortui, inquit, resurgent incorrupti : quomodo, nisi integri qui retro corrupti tam vitio valetudinis quam et senio sepulturae? Nam et supra utrumque proponens, oportere et corruptivum istud induere incorruptelam et mortale istud immortalitatem non iteravit sententiam sed differentiam demandavit : immorta- litatem enim ad rescissionem mortis, incorruptelam ad oblitterationem corruptelae dividendo, alteram ad resurrectionem alteram ad redintegrationem temperavit. Puto autem et Thessalonicensibus omnis substantiae integritatem repromisit. Itaque nec in posterum timebuntur corporum labes » (Res. 57, 8-10). When quibbling vulgar unbelief (vulgaris incredulitatis argutia) argues that the bodies of blind, crippled and lame people are to return with their defects, Tertullian replies : «Si demutamur in gloriam, quanto magis in incolumita- tem ?» (Res. 57, 3). It will be a totally different existence. For according to Matt. 22, 30 we shall be like angels (Res. 62). Admittedly, even here Tertullian’s argument stresses above all the preservation of’ the identity. But it is made clear as a matter of course, how radical he thinks the change will be. So radical, that he can understand that some are inclined no longer to speak of mere change but rather of the destruction of the preceding earthly body (Res. 55). However, by various analogies Tertullian shows that there is no question of perditio, but of change. « Discernenda est autem demutatio ab omni argumento perditionis : aliud enim demutatio aliud perditio » (Res. 55, 3). It is clear that the author does not think that there will be a continuation of 20. G. Sevenster, De‘ Opstanding des viesses? bij Tertullianus en het Nieuwe Testament, in Nederlands Theologisch Tijdschrift 9 (1954-1955), p. 367. 22 L. J. VAN DER LOF this life in merely restored earthly bodies ; and in this respect he thinks more biblically than is generally assumed?!. Regarding the resurrection-body Tertullian also connects the resurrection of the faithful closely with the resurrection of Christ, and refers to Phil. 3, 21 (Res. 48, 55). And I Cor. 15, 12-18; I Cor. 15, 21 and Rom. 6, 5 are quoted in Res. 47 and 487, As we have already seen, beside all this the periodic renewal of the universe in the revelation in nature also plays a part in Tertullian’s theology, as predic- tion : « La résurrection n’apparait plus ainsi que comme une modalité de cette restauration générale de la création que Tertullien voit annoncée, dans la révélation naturelle chére A sa théologie par le renouvellement périodique de P'Univers?? », Regarding this natural revelation, Bender has shown** how Tertullian posits that God can and must be recognised by all people ir his works, owing to a not yet corrupted soul. This is what Tertullian means by natural revelation, whilst he distances himself from the pagan writings which only too frequently present stolen and counterfeit truths. Indirectly De Res. was written against the Gnostics. « Since moreover, the Corinthian problem. had certain evident parallels with the later gnostic problem, a refutation by the double appeal to Corinthians (Res. 48, 1) acquired a peculiar cogency”’ », ‘We saw that the derivatio culminated in Adversus Praxean in Tertullian’s Montanistic period. Evolution is without culmination present in each period of Tertullian’s writing. Procreation culminated in De carne Christi when it was applied to Christ in Tertullian’s semi-Montanistic period. Resurrection culmi- nated also in that period with its extensive treatment in De resurrectione carnis. LJ. VAN DER LOF Olijkeweg 14 3764 CZ Soest Pays-Bas summary : According to Tertullian there are four ways in which something or someone can continue to exist in that which follows. Those four ways are: I derivatio tottus substantiae et portio ; Il evolution ; III procreation and IV resurrection. — Derivatio is applied to the historic origin of the Son. — Evolution brings Tertullian close to Hegelianism. — Procreation culminates in De carne Christi when it is applied to Christ. — Resurrection culminates in De resurrectione carnis. 21, G. SEVENSTER, op. cit., p. 368. 22. Ibid. 23. R. BRAUN, op. cil, p. $44, 24. ‘A. BENDER, Die natiirliche Gotteserkenninis bei Laktanz und seinen apologetischen Vorgdngern, Europaische Hochschulschriften : Reihe XV, Band 26, Frankfurt a. Main 1983. 25. R. SIDER, Structure and Design in the ‘ De resurrectione mortuorum ' of Tertullian, in Vigiliae Christianae 23 (1969), p. 189. TERTULLIAN ON THE CONTINUED EXISTENCE 23 Appendix A. «(Impatientia) sola sit matrix in omne delictum, defundens de suo fonte varias criminum venas » (Pat. 5, 18) ; «Id ergo granum seminis spiritalis modicum et parvulum iacitur, sed eruditu huius fides augetur atque provehitur » (Adv. Val. 29, 3); «Illam virtutem non yult ab aliquo deducere aeonum, sed a fructibus de substantia veniat » (Adv. Val. 38) ; « Patientiam misericordiam ipsamque matricem earum bonitatem » (Marc. II, 16, 6) ; « Et tamen, si concedimus separationem istam, per reformationem, per amplitudi- nem, per profectum. Sicut fructus separatur a semine, cum sit fructus ex semine, sic et evangelium separatur a lege, dum provehitur ex lege, aliud ab illa sed non alienum, diversum, sed non contrarium » (Mare. IV, 11, 11); «Illis necdum arbusculis, sed stipitibus adhuc et surculis etiamnunc, simul de scrobibus oriuntur, inest propria vis animae... Aut unde mox illis et frutices inoculantur et folia formantur, et germina inflantur et flosculi inornantur et succi condiuntur, si non in ipsis omnis paratura generis quiescit et partibus promota grandescit ? » (Anim. 19, 3)3 «Cuius anima velut surculus quidam ex matrice Adam in propaginem ducta » (Anim. 19, 6); « Naturae et substantiae unius, illius scilicet, quam Deus in Adam contulit et matri- cem omnium fecit ; ... in ipso principe generis Adam... ut in fonte naturae » (Anim. 20, 6)5 «Scintillulam vitae consecutum... post decessum vitae ad matricem relatura sit » (Anim. 23, 1); «Et nunc duo ... pariter hominem de utraque substantia effruticent, in quo rursus semen suum insit secundum genus » (Anim. 27, 8) ; « Quicumque est origini fons ? » (Anim. 29, 2); «Fons generis, Adam » (Anim. 43, 9). Appendix B. «His originis fontibus genere manante cum gradatim ordo deducitur ad Christi nativitatem, quid aliud quam caro ipsa Abrahae et David, per singulos traducem sui faciens in virginem usque describitur inferens Christum, immo ipse Christus prodit de virgine 2» (Carn. 22, 2); «Sed et Paulus... confirmat Christum ex semine David secundum carnem, utique ipsius. Ergo ex semine David caro Christi. ‘Sed secundum Mariac carnem ex semine David’. Ergo ex Mariae carne est » (Carn. 22, 3); ~ « Quocumque detorseris dictum : aut ex carne est Mariae quod ex semine est David, aut ex David semine est quod ex carne est Mariae. Totam hanc controversiam dirimit idem apostolus ipsum definiens esse Abrahae semen. Cum Abrahae, utique multo magis David quia recentioris » (Carn. 22, 4); « Retexens enim promissionem benedictionis nationum in semine Abrahae : Et in semine tuo benedicentur omnes nationes: non, inquit, dixit ‘ seminibus’ tamquam de pluribus, sed ‘semine’ de uno, quod est Christus » (Carn. 22, 5); 24 L. J. VAN DER LOF « Qui haec nihilominus legimus et credimus, quam debemus et possumus agnoscere in Christo carnis qualitatem? Utique non aliam quam Abrahae siquidem semen Abrahae Christus » ; nec aliam quam lesse siquidem ex radice Iesse flos Christus ; nec aliam- quam David siquidem fructus ex lumbis David Christus; nec aliam quam Mariae siquidem ex Mariae utero Christus ; et adhuc superius nec aliam quam Adae siquidem secundus Adam Christus » (Carn. 22, 6). The theme of Christ from the tree of Jesse can also be found in Mare. III, 17, 4; Mare. IV, 1, 8; 36, 113; Mare. V, 8,4; Cor. 15, 2; Adv. Ind. 9, 26. « Tot locuples substantia criminis quae tot ramos porrigit, tot venas diffundit » (Idol. « (Caro) non lasciviae frondibus sed sanctimoniae,floribus praecingeretur » (Pudic. 6, 16); « Cessatio delicti radix est veniae, ut venia sit paenitentiae fructus » (Pudic. 10, 14). Revue des Etudes Augustiniennes, 34 (1988), 25-38 La date de la mort de Basile de Césarée La date de la mort de Basile de Césarée est une de ces données qui semblent établies avec une parfaite certitude : depuis Tillemont et Dom Maran, les historiens répétent presque unanimement que l’evéque de la métropole cappadocienne est mort le 1* janvier 379. Cette datation ferme a évidemment servi de point de départ pour établir la chronologie de la carriére épiscopale de Basile, d’un certain nombre d’événements de l'histoire ecclésiastique et de la vie des autres Péres Cappado- ciens, de Grégoire de Nysse en particulier. Recemment pourtant, elle a été remise en cause par Alan D. Booth, mais dans un article consacré a la jeunesse de Jerome! qui ne semble pas, a ce jour, avoir suscité !"émoi, voire l’intérét des spécialistes de Basile. Je voudrais reprendre ici cette question pour elle-méme, avec une approche un peu différente de celle de Booth, puisque je centrerai la perspective sur le probléme méme de la mort de Basile, tout en vérifiant les incidences d’une nouvelle datation sur la chronologie généralement regue de sa vie et de ses oeuvres. Pour quelle raison, tout d’abord, avoir placé la mort de Basile un premier janvier ? Tillemont” invoque deux textes, le discours de Grégoire de Nysse sur son frére’ et, surtout, un texte qu’il croit d’'Amphiloque d’Iconium. Ce texte, une Homélie In Circumcisionem et in Basilium (BHG 261) éditée par Combefis parmi Jes ceuvres d’Amphiloque, précisait qu’on célébrait la féte de Basile le jour de sa mort, qui était aussi celui de la féte de la Circoncision‘, mais on le tient aujourd’hui pour inauthentique’. Ce temoignage tardif, qui atteste simplement que la fete de 1, Alan D. Boot, The Chronology of Jerome's Early Years, Phoenix 35, 1981, p. 237-259. 2, TueMont, Mémoires pour servir d l'histoire ecclésiastique des six premiers siécles, IX, Paris? 1714, p. 680 (cf. aussi 278). 3, Grecortus nvssenus, In Basilium fratrem, PG 46, 788 C-817 D ; une meilleure édition, avec traduction et commentaire, en a été donnée par Sr James Aloysius STEIN, Encomium of Saint Gregory Bishop of Nyssa on his Brother Saint Basil, Washington 1928. 4. F. Comperis, Sanctorum Patrum Amphilochit Icontensis, Methodit Patarensis et Andreae Cretensis opera omnia, Parisiis, 1644, p. 10-22. 5. Cf. M, Geerar, Clavis Patrum Graecorum, II, Turnhout 1974, n. 3254. On peut noter aussi qu'une féte de la Circoncision le premier janvier n’existe sirement pas a l’époque d’Amphiloque. 26 PIERRE MARAVAL Basile se célébrait ce jour-la, n’est donc plus a prendre en considération. En revanche, le texte de Grégoire de Nysse, qui date de quelques années aprés la mort de son frére®, témoigne bien d’une célebration de la fete de Basile quelques jours aprés Noél, sans qu’on puisse d’ailleurs affirmer qu’elle ait lieu le premier janvier. Nulle part non plus il n’affirme que Basile soit mort le premier janvier et la justification qu’il donne de sa féte n’oriente nullement dans ce sens. Je cite en traduction le début de ce texte : « Dieu a imposé un bel ordre (téEIc) a ces fétes annuelles que, dans une succession (&xohov Bia.) ordonnée, nous avons déjd célébrées ces jours-ci et que nous célébrons encore. Cet ordre pour nous est celui des panégyries spirituelles que le grand Paul, ayant d’en-haut la connaissance de telles réalliés, nous a enseigné, Celui-ci dit en effet que les apétres et les Prophétes ont été établis en premier, et aprés ceux-ci les pasteurs et les docteurs (BiS&aKa- dot). L'ordre des panégyries annuelles s'accorde donc avec cette succession qu’établit l'apétre. La grice qui vient de la théophanie du Fils unique, proclamée au monde par sa naissance de la Vierge, est non seulement une sainte panégyrie, mais elle est la sainte des saintes et Ja panégyrie des panégyries. Comptons donc.celles qui la suivent. En premier, les apétres et Jes prophétes inaugurent pour nous le cheur spirituel, car les deux charismes que sont l’esprit apostolique et l'esprit de prophétie concernent les mémes personnes. Celles-ci sont Etienne, Pierre, Jacques, Jean, Paul. Ensuite, ayant gardé son propre rang aprés ceux-ci, le pasteur et docteur est celui qui conduit pour nous la présente panégyrie. Quel est celui-ci ? Dirai-je Son nom, ou sa grace sans son nom suffira-telle & désigner 'homme ? En entendant parler Yun docteur et d'un pasteur qui suit les apétres, tu as certainement reconnu le pasteur et le docteur qui suit les apétres. C'est de lui que je parle, le vase d‘élection, sublime par sa vie et par son auvre, Basile’... ». Grégoire, dans ce texte, souligne l’ordre dans lequel se succédent les fetes aprés Noél et le voit annoncé dans le texte de Paul (1 Cor 12,28) qui établit une succession entre apétres, prophétes et docteurs (on retrouve une méme succession dans son deuxiéme discours sur S$. Etienne*). Mais il est clair que ni la féte d’Etienne (le 26 décembre) ni celles des apdtres (le 27 et le 28 décembre) n’entendent célébrer !’ anniversaire de leur mort. Pourquoi en irait-il differemment de celle de Basile ? Ceci d’autant moins que la féte d’un évéque est alors une innovation : on ne célébrait jusque-a que les anniversaires des martyrs. En fait, Grégoire a dd justifier l'introduction, non seulement de Ia féte de son frére, mais de toutes ces fétes, Noél y compris’. Il I’a fait en invoquant des raisons de 6. J. DanitLou, La chronologie des sermons de Grégoire de Nysse, Reyue des Sciences Religieuses 29, 1955, p. 352-353, date le discours sur Basile du 1* janvier 381 « de fagon siire » et le localise a Césarée. Mais ce dernier point est rien moins qu’assuré ; Grégoire évoque la famine qui sévissait « dans Ia ville od il résidait » (PG 46, 805 D), ce qui implique qu'il ne s'agit pas de Césarée. Or comme c’est a partir de la localisation que Daniélou fixe la date (une lettre de Grégoire montre en effet qu'il était a Césarée le 1* janvier 381), on peut douter également de celle-ci, 7. Gres. nyss., In fratrem Basilium (PG 46, 788 C-789 A = p. 2-4 Stein), 8. Cf Grea. nyss., In Stephanum or prima (PG 46, 701 C) et surtout Laudatio altera in ‘Stephanum (T24B, 72SC, 729, 732-733). 9. Cf. J. Mossay, Les fétes de Noél et d'Epiphanie d'aprés les sources littéraires cappadocien- DATE DE LA MORT DE BASILE DE CESAREE 27 convenance théologique, un ordre des préséances établi par Dieu méme. Si ce jour de féte était bien le jour anniversaire de la mort de son frére, aurait-il éte nécessaire d’en justifier longuement la place ? Ou n’aurait-ce pas été un argument supplemen- taire A mettre en avant, comme si Basile était mort 4 cette date pour que sa féte soit célébrée aprés celle des prophétes et des martyrs ? Je crois donc qu’on ne peut absolument pas faire fond sur ce texte de Grégoire pour affirmer que Basile est mort le premier janvier" ; il est sir en revanche que c’est a cause de ce texte que sa féte, par la suite, a été célébrée ce jour-la'’. Les raisons pour lesquelles Tillemont a placé la mort en 379 sont assez diverses : Dom Maran les a commodément rassemblees au ch. XIII de sa Vita Basili”, auquel il sera fait plusieurs fois référence. Plutét que de les discuter une par une, il me semble préferable de reprendre la question ab ovo, et de tenter de fixer cette date a partir des diverses sources dont nous disposons. Partons d’un des textes les plus proches de |’événement, et d’un témoin des mieux informes puisqu’il s’agit de Grégoire de Nysse. Dans sa Vie de Macrine, celui-ci nous informe, avec une relative précision, sur plusieurs évenements qui ont fait suite 4 la mort de son frére. Je cite la traduction de ce texte: « Neuf mois, ou guére plus, aprés ce deull, se tint d Antioche un synode d'évéques auquel nous-méme primes part. Et lorsque nous fiimes libres de retourner chacun chez soi, avant que l'année se soit écoulée (npiv tov émavtdy mapedOetv), i! me vint le désir, a moi Grégoire, de me rendre auprés d'elle (Macrine)" », Premiére donnée : un concile se tint 4 Antioche neuf ou dix mois aprés la mort de Basile, concile qui est donc traditionnellement daté de septembre-octobre 379. Mais peut-on essayer de le dater par d’autres moyens ? Les renseignements que mous avons sur lui, malheureusement, sont rares et dépourvus de précision chronologique. Un canon du concile de Constantinople de 381 déclare recevoir «ceux qui, 4 Antioche, ont confessé l’unique divinité du Pére, du Fils et de l'Esprit' ». D’autre part, la lettre synodale du concile de Constantinople de 382 nes du IV siécle, Louvain 1965, p. 63: « L’insistance que l'on met 4 souligner ‘I’harmonie ’ entre les diverses solennités peut trouver son origine dans une nouveauté liturgique qu'il s'agit d’ancrer dans les coutumes ». Grégoire n'est pas alors le seul 4 introduire ces nouveautés : Grégoire de Nazianze célébre aussi la fete de Noél (cf. Or. 38, 3, PG 36, 313 C), et peu aprés Astérius d’Amasée célébre Noél, S. Etienne et la fete des apdtres (cf. Hom. 4, 3 et 12, 1-3 p. 40, 16-17 et 165-166 Datema). 10. E, SCHWARTZ, Gesammelte Schrifien, III, p. 37, note 2 (aprés H. Usener, Das Weitinachtsfest, Bonn? 1911, p. 257) doutait déja que Basile fat mort le 1* janvier, 11. C'est la date retenue par tous les Synaxaires grees (of. Synaxarium Ecclesiae Constantt- nopolitanae, ed. H. DELEHAYE, Bruxelles 1902, col. 364-366). 12. Dom Maran, V. Basilil, XII, 4, PG 29, LVI-LIX. 13. Gaea. nvss., V. Macrinae, 15, 1-6 (SC 178, p. 190-191 Maraval : je reproduis ma traduction avec une Iégére modification — /année, et non une année, méme si ma traduction ancienne peut se justifier par le sens réel de expression). 14, Canon 5 (Conciliorum Oecumenicorum Decreta, Bologna 1972, p. 32). 28 PIERRE MARAVAL adressée a Damase et aux Occidentaux déciare qu’un exposé complet de la foi avait été rédigé lors de ce concile'’. Enfin la collection du diacre Théodose conserve un dossier de textes d'origine occidentale (Ia lettre Confidimus, connue aussi grace 4 Théodoret et Sozoméne, les fragments Ea gratia, Illud sane, Non nobis) suivis des noms de sept des 152 participants 4 ce concile : Méléce d’Antioche, Eusébe de Samosate, Pélage de Laodicée, Zénon de Tyr, Eulogius d’Edesse, Bématius de Malle, Diodore de Tarse'’ ; on peut leur ajouter celui de Grégoire de Nysse. Les noms de ces participants au concile montrent qu’il réunit des évéques qui avaient été exilés sous Valens : il s’agit de néo-nicéens, presque tous des amis ou des correspondants de Basile’’. Il est clair que dans ce groupe Méléce d’Antioche fait figure de leader : c'est sans aucun doute 4 lui qu’il faut attribuer I’initiative de leur réunion, a laquelle n’ont participé, semble-t-il, que des évéques de Syrie et d’Asie Mineure'®, On peut raisonnablement estimer que l’évéque d’Antioche n’a pas attendu trés longtemps, aprés son retour d’exil, pour Ja convoquer. II était nécessaire que les orthodoxes d’Orient refissent bloc, aprés tant d’années ou ils avaient été éloignés de leurs églises, non seulement en face de la hiérarchie homéenne, soutenue par la politique impériale depuis 360, mais aussi en face des Occidentaux et de leurs amis (au nombre desquels Pierre d’Alexandrie, lui aussi rentré dans son église) : ceux-ci soutenaient en effet Paulin d’Antioche, n’hési- taient pas 4 accuser Méléce et Eusébe de Samosate d’arianisme et ne semblaient pas comprendre l’opposition manifestée par Basile et les gens de son parti aux disciples de Marcel d’Ancyre”. Il était urgent, pour ce groupe, de prendre une position commune. Mais quand a eu lieu le retour d’exil des évéques ? La date communément regue depuis Tillemont était l'année 378. Celui-ci estimait qu’il ne pouvait avoir eu lieu que « vers le mois de mai de I’an 378”° », car il ne youlait tenir compte que de la 15, Cf. THtoporer, Hist. eccl, V,9,13 (p. 293 Parmentier). 16. Ces documents se peuvent lire commodément parmi les ceuvres de Damase éditées dans PL 13, 347-354. Edition critique de E. Scuwartz, Ueber die Sammlung des Cod. Veronensis LX, Zelisch. f. ntl. Wiss, 33, 1936, p. 19-23, Sur le concile lui-méme, on peut encore consulter G. Barpy, Le concile d'Antioche (379), Rev. Bénédictine 29, 1955, p. 196-213. 17, Méléce : of Basie, Epist. 57, 68, 89, 120, 129, 216 ; Eusébe de Samosate ; Epist. 27, 30, 34, 48, 95, 100, 127, 128, 136, 138, 141, 145, 162, 166, 167, 198, 237, 239, 241, 268 ; Pélage de Laodicée : Epist. 254 (signataire sans doute de la 92) ; Diodore : Epist. 135 (cf. aussi 244, 3), Basile a écrit d’autre part 4 Barsés d’Edesse (Epist, 264, 267), qui est le prédécesseur d’Bulogios. On sait de tous qu’ils ont été exilés, sauf de Bématius, inconnu par ailleurs, et de Zénon, ordonné par Méléce (RUFIN, Hist, eccl. 2, 21). 18. Sur les sept signataires, deux sont de la province de Coelésyrie (Méléce et Pélage), un 4’ Augustaeuphratensis (Eusébe), un d’Osthoéne (Eulogios), un de Phénicie (Zénon), deux de Cilicie (Diodore et Bématius). 19. Tout ceci nous est connu par les lettres de Basile, en particulier I'Epist. 263 (aux Occidentaux), I' Epist, 265 (a des évéques égyptiens), I’ Epist. 266 (a Pierre d’Alexandric). Cf. M. SiMoneTTI, La crisi ariana nel quarto secolo, Roma 1975, p. 427 ss. 20, THLLEMONT, Mémoires, IX, p. 655. C’est son argument majeur pour dater le concile d’Antioche (cf. aussi Dom Maran, op. cit. p. LVII). DATE DE LA MORT DE BASILE DE CESAREE 29 confirmation de leur rappel par l’empereur Gratien, au printemps de 378, une mesure que nous font connaitre Socrate, Sozoméne et Théodoret”’. Mais Rufin et Jérome (sans parler de Socrate lui-méme) attribuent le rappel des confesseurs — entendons des évéques exilés — 4 l'empereur Valens, qui prit cette décision avant de quitter Antioche pour entrer en campagne contre les Goths, a l’automne de 377°. Leur témoignage est plus fiable que celui des historiens du 5* siécle, puisqu’ils ont été contemporains de |’événement, Jérome ayant méme pu en étre témoin™, Il est d’ailleurs confirme par un passage de la Chronique d'Edesse, qui mentionne que les orthodoxes récupérérent leurs églises, 4 Edesse, le 27 décembre 377". Ce texte est bien connu depuis son édition par I. Guidi en 1907 (il ne l’était pas de Tillemont), mais on le lisait a travers l'interprétation forcée qu’en avait donné L. Hallier, selon laquelle il s’agissait en réalité du 27 décembre 378”. A. Booth a montré, 4 mon avis de maniére tout a fait probante, que la lecture obvie du texte ne permet pas une telle interprétation”, et tout recemment Rochelle Snee, dans un article consacré au seul probléme du rappel des évéques, a confirmé cette lecture, encore appuyée par un extrait de la Chronique de 724. Le rappel des orthodoxes est donc a dater de septembre-octobre 377, leur retour effectif ayant eu lieu vers la fin de cette année-la, Tl est raisonnable de penser, dans ces conditions, que le concile qui réunissait ces évéques a eu lieu dés 378°. On doit certes marquer des limites : le concile ne 21, Socrates, Hist. ecel, V, 2 (PG 67, 568B); Sozoméne, Hist. eccl. Vil, 1, 3 (p, 302 Bidez-Hansen) ; THEoDoRET, Hist. ecci. V, 2, | (p. 278 Parmentier). 22. RuFIN, Hist. eccl. 2, 13 (p. 1019-1020 Mommsen) ; Jenome, Chron, a, 378 (p. 249 Helm : Jéréme place l’évenement en 378, mais il l’attribue a Valens quittant Antioche, ce qui eut lieu en 377) ; Socrate, Hist. eccl. 4, 35 et 38 (PG 67, 556 B, 557 C). Cf. aussi Paul Orose, Hist, VIL, 33, 12 (qui dépend de Jéréme). 23, JérOme est revenu a Antioche, du désert de Chalcis, en 377. 24. Chron. Edessenum (CSCO 1, p. 5-6 Guidi) : «Anno 689, mense adar(martio), migravit ex hoc saeculo Mar Barse Edessae episcopus, Eodem anno, die 27 kanun qedem (decembris), postliminio reversi orthodoxi ingressi sunt et occupaverunt edessenam ecclesiam recuperatam ». La mort de Barsés précéde dans le texte le retour des orthodoxes, mais la date en est en fait antérieure (I’an d’Edesse 689 est l’an 377-378 p. C.). 25. L. HALLIER, Untersuchungen iiber die edessenische Chronik (TU 9), Leipzig 1892, p. 39. 26. A.D. Boots, art, cit, p. 253-254. 27. Rochelle Snze, Valens’ Recall of the Nicene Exiles and Anti-Arian Propaganda, Greek, Roman and Byzantine Studies, 26, 1986, p. 395-459. L’A, ne semble pas connaitre l'article de Booth. Cf. aussi Chronicon miscellaneum ad annum Domini 724 pertinens (CSCO 4, p. 105, 18-19 Chabot). 28. Une seule objection pourrait étre faite a la présence d’Bulogius d’Edesse au concile : la Chronique d’Edesse déclare qu'il devint évéque a la méme époque (per idem tempus) que Théodose devint empereur, donc au début de 379. Mais son prédécesseur Barsés est mort en mars 378. Pourquoi aurait-on attendu un an avant de lui donner un successeur ? D’autant qu’Eulogios, prétre d’Edesse dont les textes soulignent ’orthodoxie et la sainteté, avait lui aussi &té exilé sous Valens et était donc tout désigné pour succéder a un autre confesseur. Théodoret 30 PIERRE MARAVAL peut avoir eu lieu avant Paques (le 1" avril cette année-la), d’abord parce que le temps nécessaire pour !’envoi des convocations aurait été bien court, ensuite parce que !"hiver est une saison peu propice aux voyages, enfin et surtout parce que les évéques ne s’éloignent pas de leur église pendant le Caréme, qui est la période d’instruction des catéchuménes et des fidéles, couronnée par les cérémonies de ia nuit pascale qu’ils président et ot eux seuls baptisent””. On peut méme considérer, en comptant assez large, que le concile n’a pu avoir lieu avant le mois de mai. Or nous avons un texte qui nous montre qu'il s’est bien tenu vers cette date. Revenons en effet au texte de la Vie de Macrine cité plus haut. Grégoire y déclare que c’est au retour de ce concile qu'il lui vint |’envie d’aller voir sa sceur dans sa solitude pontique. Dans une de ses Lertres, il nous précise que c’est parce qu'il apprit, dés son retour en Cappadoce, qu’elle était trés malade”. La suite de la Vie de Macrine rapporte que, de fait, il se rendit dans le Pont et arriva a temps pour assister aux derniers jours de sa soeur. Or le décés de celle-ci eut lieu un 19 juillet, date attestée par tous les ménologes et confirmée par un détail du texte : Grégoire y raconte que, le jour de son arrivée, on lui avait aménagé un lieu de repos « 4 1’ombre des treilles », ce qui exclut qu’on puisse dater la mort de Macrine du mois de décembre, comme on I’a souvent fait”. Si l’on reprend la suite des éyénements, on aboutit donc a ceci: Grégoire s’est rendu au concile d’Antioche au mois de mai ; de la il est reparti pour la Cappadoce en juin, puis s’est rendu dans le Pont en juillet. Mais le texte de la Vie de Macrine nous donne un renseignement que je n’ai pas encore exploite et qui va nous ramener 4 la date de la mort de Basile : Grégoire dit qu’il a pris la décision d’aller voir sa sceur aprés le concile, « avant que l'année (tov Eviavtév) se soit écoulée ». De quelle année s’agit-il ? J'ai montré dans mon introduction a la Vie de Macrine qu’il ne pouvait s’agir d'une année civile commengant le 1" janvier et se terminant le 31 décembre, wu la diversité des calendriers alors en usage”. Grégoire lui-méme, parlant dans une de ses lettres du en tout cas ne mentionne aucun hiatus entre eux (Hist. eccl. IV, 18, 14, p. 242 Parmentier). Boots (art, cit, p. 254) suggére que la Chronique a retenu la date a laquelle il avait entrepris Véglise de S. Daniel. Notons que la Chronique de 846 date la construction de l'église en question, qu'elle attribue elle aussi a Eulogios, de I'an 688 d’Edesse (376-377), ce qui la conduit logiquement a situer en exil la mort de Barsés (CSCO 4, p. 156 Chabot). 29. Cf. par exemple Ecerr, Itin, 45-47, passim. 30. GREG. Nyss., Epist. 19, 10 (p. 65 Pasquali) 31. Grea. nyss., V. Macr, 19, 8-9 (p. 202) et lintrod. p. 58-60, Je renvoie sur ce point a la discussion de ce probléme dans introduction 4 mon édition, p, 58-60 ; l’essentiel m’en semble toujours valable, méme si la nouvelle datation de la mort de Basile requiert que l'on remonte de deux ans le décés de Macrine. 32. Ibid, p. 62. Si Grégoire se réferait un calendrier, c'est au calendrier byzantin qu'il faudrait donner la préference: on voit des traces de son usage chez Basile et d'autres contemporains de Grégoire (cf. V. Grumet, La chronologie (Tralté d'Etudes byzantines, 1), Paris 1958, p. 176), Or ce calendrier, qui fait commencer l'année au 1* septembre, s'accorderait avec notre hypothése. Je ne crois pas toutefois que Grégoire se référe a un calendrier officiel. DATE DE LA MORT DE BASILE DE CESAREE 31 1* janvier, dit seulement que c’est un « jour de féte » chez les Romains”, I! s’agit donc de l'année inaugurée par un des événements que Grégoire vient de mention- ner. J’avais supposé précédemment qu'il s’agissait du concile d’Antioche (du fait de la date alors regue pour la mort de Basile)*, mais on doit remarquer que le premier événement évoqué dans ce paragraphe est la mort de Basile, a partir de laquelle Grégoire date le concile (neuf mois aprés, ou guére plus). Si donc on place le concile d’Antioche en mai 378 et la mort de Macrine le 19 juillet, on placera la mort de Basile vers le mois d’aodt 377, neuf mois avant le concile, un peu moins d’un an avant la visite de Grégoire a sa sceur. La nouvelle datation a laquelle j’aboutis est assez proche de celle de Booth, qui proposait de son cété le 14 juin 377, en empruntant le jour au Martyrologe d’Usuard, ot la féte de Basile est placée a cette date™*. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut faire fond sur cette donnée tardive et occidentale ; il n'est certes pas impossible qu'elle reproduise une donnée ancienne, mais cela reste une hypothése. On peut lui objecter, d’autre part, qu'elle oblige a serrer un peu trop la chronologie en plagant le début du concile au plus tard le 15 avril : il faut une quinzaine de jours 4 un évéque comme Grégoire pour se rendre a Antioche, et il ne peut partir avant Paques ; d’autre part, si le concile commence le 15 avril, nous sommes dix mois pleins aprés la mort de Basile. Il me semble donc préférable de renoncer a une telle précision et de ne la situer qu’autour du mois d’aoiit. Il convient maintenant de mettre cette nouvelle date a l’épreuve en en mesurant les retombées sur quelques points-clés de la chronologie basilienne — ce qui nous permettra du reste d’ajouter quelques arguments en sa faveur. Nous savons par deux sources indépendantes que I’épiscopat de Basile a duré huit années pleines*®, Cela signifie donc que Basile a été élu évéque en 369, et non pas en 370 comme le voulait Tillemont””. La date de 369 s’accorde mieux, elle aussi, avec des données de la Vie de Macrine. Ce document place en effet son élection épiscopale 4 lépoque de la mort de la mére (év todtw), et celle-ci a eu lieu quelque temps apres une cruelle famine”. Or nous savons que la famine sévit en Cappadoce en 33. Geo. nyss,, Epist. 14, 1 (p. 46 Pasquali). 34, Ceci m’avait amené a faire I'hypothése, qu'il n'est plus nécessaire de faire aujourd'hui (et qui d’ailleurs se heurte a d’autres objections), selon laquelle c’était le concile d’Antioche qui avait envoyé Grégoire en mission en Arabie (cf. mon édition, p. 65-66). C'est bien au concile de Constantinople de 381 qu'il faut attribuer cette’ mission (cf. P, Maravat, La lettre 3 de Grégoire de Nysse dans le débat christologique, Revue des Sciences Religieuses 61, 1987, p. 87). 35. BOOTH, art. cit, p. 254, Cf. J. Dunois, Le Martyrologe d’Usuard, Bruxelles 1965, p. 246. Méme chose dans le Martyrologe d’Adon (PL 123, 159-160 et 286 CD). 36. GREG. vss. V. Macr. 14, 7-9 (p. 188) ; GREG. NAZ., Epigr. 10 (Anth. Pal. VIII, p. 37 Waltz). 37, TiLemont, Mémoires, IX, p. 655. Il place l’élection de Basile vers le mois de septembre, date généralement regue. E. SCHWARTZ semble avoir varié sur ce point, tout en n’en tirant pas les conséquences requises pour la date de la mort: en 1904, il placait cette election fin 370 au plus tot (Gesammelte Schrifien, IIT, p. 41), en 1935 fin 369 (Ibid, IV, p. 53). 38, Grea. wyss, V. Macr. 14, 1 et 12, 30-13, 1-2 (p. 188 et 184-186). 32 PIERRE MARAVAL 368 et 369, comme Vattestent une homélie et des lettres de Basile”. L’éloge funébre de Basile par Grégoire de Nazianze, de son cété, parle de la mort du prédécesseur de Basile pendant cette famine, ce qui confirme les données de Grégoire de Nysse". La date de 369 pour I’élection de Basile est également proposée par Booth dans le cadre de son étude sur les premiéres années de Jéréme. Remontant l’arrivée de celui-ci_en Orient de 372 (voire 374) a 368, il remonte également ambassade du prétre Evagre auprés de Basile en 369, 4 une époque ol! celui-ci est déja évéque ou tout prés de l’étre’. Je me contente su’ ce point de renvoyer a son article, dont les données confirment les renseignements fournis par les deux Grégoire. Si placer l’élection de Basile en 369 ne souléve pas de problémes particuliers”, on pourrait craindre que placer sa mort en 377 n’en pose davantage. Quelques objections de Tillemont* peuvent étre rapidement résolues. Celui-ci notait que Grégoire de Nysse était visiblement présent aux funérailles de son frére, ce qui impliquait 4 ses yeux qu'il était rentré d’exil. En fait, si l’on ne sait pas avec précision oui se trouvait Grégoire de Nysse pendant son exil, on peut penser qu’il n’était pas trés loin de Césarée, car Basile se proposait de l’envoyer en mission a Rome en 376 ou au début de 377“. Il ne lui était donc pas impossible d’étre sur place pour la mort de son frére. Tillemont assure ensuite que Grégoire de Nazianze s’est rendu a Constantinople au début de 379 a l’instigation de Basile, mais c'est beaucoup tirer d’une affirmation assez vague du premier‘. Il remarquait enfin que, selon Jéréme, Basile était mort « sous Gratien », mais cette donnée 39. Basie, Epist. 27, 30, 31; la lettre 30 est bien a dater de 369, bien qu’elle soit généralement placée en 371, du fait de la datation traditionnelle de 1a mort de Basile. Celle-ci obligeait également a dire que la Vie de Macrine suivait ici un ordre plus logique que chronologique dans son exposé des événements (cf. mon édition, p. 56). L’Hom. VIII (in Divites) de Basile a été prononcée lors de cette famine (qui fait suite A la récolte de 368 et dure jusqu’a celle de 369). 40. GREG. NAZ., Orat. 43, 34-38 (PG 36, 541 C-548 A). 41, Cf. Boorn, art. cit, p. 254-255, 42. La lettre 46 de Basile (a Eusébe de Samosate), qu’on date du début de 371 et qui signale que Démophile est évéque a Constantinople, n'implique pas, comme le dit Dom MARAN (op. cit, p. LVI), que leur ordination épiscopale date de la méme année. Pour Tillemont lui-méme, la lettre montre simplement que « Démophile n’a été fait évéque de Constantinople qu’aprés ordination de Basile » (Mémoires, IX, p. 657-658), ce qui ne fait pas difficulté si Basile est évéque depuis 369. 43, TILLEMONT, Mémoires, IX, p. 655 ; Dom MARAN, op. cit., p. LVI. 44, Cf. Basie, Epist. 215 (a Dorothée) (p. 207 Courtonne II). 45, GREG. NAZ., Or. 43, 497 A: ExOnyot yeyovorec... 088" dd yvdoung éxeivy. Cela signifie seulement qu’il a agi comme le lui aurait conseillé Basile. Notons que, dans son poéme De vita sua 596 (p. 82 Jungck et son commentaire p. 178), Grégoire déclare avoir été appelé Constantinople par des pasteurs et des fidéles. Ces pasteurs ne pourraient-ils étre les Péres du concile d’Antioche ? DATE DE LA MORT DE BASILE DE CESAREE 33 assurément imprécise n’est pas fausse en soi puisque Gratien partage l’empire avec Valens depuis 375‘. Cette nouvelle datation, en revanche, requiert que l’on reconsidére celles d’un certain nombre d’écrits de Basile — essentiellement des lettres — qui ont été datés de la fin 377 ou de 378. Une premiére constatation encourageante, c’est qu'il y €n a peu, comme si, méme dans lhypothése de la mort de Basile en 379, son activité s’était considérablement réduite 4 partir du milieu de 377. Tillemont lui-méme n’attribuait que six lettres a cette période’. Si I’on se référe a la derniére chronologie basilienne, celle établie par Paul Fedwick, on constate qu’il assigne 4 la fin de 377 ou au début de 378 deux lettres, la 266 (4 Pierre d’Alexandrie) et la 267 (a Barsés d’Rdesse), et a l'année 378 les lettres 268 (a Eusébe de Samosate), 196 (4 Abourgios) et 269 (a la femme d’Arinthéos), sans parler des Homiélies sur l'Hexaéméron. Il faut donc reprendre ces textes un par un. Rappelons tout d’abord que les premiers mois de 377 temoignent d'une grande activité de la part de Basile, malgré la maladie déja présente. Au printemps, il envoie a Rome les prétres Dorothée et Sanctissimus, porteurs d’on ne sait quel message. La délégation est mal regue, et par Damase, et par Pierre d’Alexandrie, qui se trouve auprés de lui: celui-ci accuse Méléce et Eusébe d’arianisme, ce qui provoque une vive réponse de Dorothée. Damase répond par un document officiel dont nous avons un fragment, Ea gratia, dans lequel on trouve non seulement une profession de foi trinitaire et un développement christologique contre Apollinaire, mais aussi une critique de ceux qui transgressent l’ordo canonicus dans les ordinations épiscopales et sacerdotales, ce qui vise Méléce, transféré de Sébastée a Antioche, et ceux qui le soutiennent, Basile et ses partisans®’. Les porteurs de cette lettre ont di revenir aussit6t et étre 4 Césarée vers le milieu de 377. Basile répond alors par une nouvelle lettre aux Occidentaux (la lettre 263), en précisant la position de son groupe sur Eustathe de Sébastée, sur Apollinaire et sur Paulin d’Antioche. A la méme époque, et probablement par les mémes porteurs, il écrit a Pierre d’Alexandrie, qui est toujours 4 Rome (lettre 266) : je ne vois pas qu’il 46. JéROme, De viris inlusir,, 116 (p. 51, 25 Richardson). 47. Cf. THLLeMonr, Mémoires, IX, p. 689. 48. Cf. P. Fepwick, A Chronology of Basil, in Basil of Caesarea, Christian, Humanist, Ascetic, Toronto 1981, p. 18. 49. Je suis ici Mexposé des événements retenu par M. Simonern, La crisi ariana nel IV secolo, Roma 1975, p. 428-429, qui différe un peu de la présentation traditionnelle (celle que Ton trouve par exemple dans G. BaRDY, in FLIcHE et MarTIN, Histoire de l'Eglise, III, Paris 1936, p. 272-273), Celle-ci différait d’ailleurs déja de celle de Tillemont, qui place au début de 378 le voyage de Dorothée et Sanctissimus. 50. Cf, Damase, Ea gratia, ed. Schwartz, p. 20-21. L’allusion, en finale, au prétre Dorothée, qui (nec) explicare omnia vivaciter praetermisit, montre bien que ce document est la réponse 4 I’entrevue entre Damase et Dorothée du début de 377, entrevue & laquelle Pierre d’Alexandrie était présent (c'est lui qui provoqua la riposte de Dorothée : cf. BasiLe, Epist. 266, 2, p. 135 Courtonne IID). 34 PIERRE MARAVAL soit nécessaire de dissocier cette lettre de celle des Occidentaux et de la placer a la fin de l’année, voire au début de 378. On peut situer a la méme époque, ou peu aprés, la lettre 267 a Barsés d’Edesse : Basile y déclare que son corps est afiligé d’une grave maladie ; ce pourrait étre une de ses demniéres lettres. La lettre 268 a Eusébe de Samosate ne peut, en tout état de cause, étre datee de 378 : l’adresse déclare qu’Eusébe était alors en exil. Or nous avons vu plus haut que les sentences d’exil ont été rapportées en septembre-octobre 377. Il est difficile de la dater avec précision : la mention de la guerre qui sévit dans la région ol se trouve Eusébe (en Thrace) correspond bien, toutefois, a la situation des premiers mois de 377, puisque c'est au début de cette année-la, aprés que les Romains eurent tenté d’égorger Fritigern et Alaviv au cours d’un banquet a Marcianopolis, que commenga la guerre avec les Goths. L’allusion a « I’armée qui va passer » (a Césarée) s’applique peut-étre 4 la garnison d’Arménie, dont Valens envoya alors une partie contre les Goths sous le commandement de Profuturus et Trajan’, La lettre 196 (4 Abourgios), bref billet dont on doit faire remarquer au passage qu'il se trouve aussi dans la correspondance de Grégoire de Nazianze et quil semble davantage dans son style”, pose 4 premiére vue un probléme plus deélicat. Il semble que le destinataire soit alors préfet du prétoire, puisqu’il distribue la solde aux armées. On ne sait pourtant pas avec précision si Abourgios a exercé cette charge en 378 ou en 379 ; il ne peut l’avoir fait, en tout cas, avant novembre 377, puisque le titulaire de cette fonction est alors le préfet Modeste. On peut remarquer cependant que l’auteur de la lettre souhaite a son correspondant « d’avancer jusqu’d une haute dignité », Ne serait-ce pas qu’il n’a pas encore celle de préfet du prétoire, mais qu’on parle de Ini comme successeur de Modeste, ou méme qu'il le seconde deja dans ses fonctions ? Ceci pourrait nous ramener aux derniers mois de la vie de Basile, d’autant plus qu’en concluant cette breve lettre il assure qu'il ne lui reste plus de la vie que le souffle. Quant a la lettre 269 (a la femme d’Arinthéos, maitre de la milice, lettre de consolation pour la mort de son mari), on I’'a datée d’aprés le 9 aoiit 378, jour de la mort de Valens, parce que Théodoret Tapporte que ce personnage aurait, avant la bataille d’Andrinople, reproché a Valens sa politique antireligieuse, ce qui suppose qu’il ait été encore vivant 4 ce moment-la. Mais ce chapitre de Théodoret, comme celui qui Je suit et qui rapporte des remontrances semblables de la part du moine Isaac et d’un évéque scythe, est plus que suspect d’intentions apologéti- ques : on fait reproche a Valens d’une politique qu'il vient d’abandonner (le moine Isaac l’engage a rappeler ies évéques orthodoxes, ce quill a déja fait)”. 51. Cfi.le texte de la lettre dans Courtonne III, p. 137-138. Sur les événements du début 377, cf. AMMIEN MARCELLIN, Hist. 31, 6-7 et A. PIGANIOL, L ‘empire chrétien, Paris? 1972, PD. 185-186. 52. Cf. GREG. NAZ,, Epist. 241, L’éditeur de Grégoire, considére cependant, pour des raisons de critique textuelle, qu'elle est de Basile (cf. P. GALLAY, Saint Grégoire de Nazianze, Lettres, Il, p. 131), 53. THtoporer, Hist. eccl. 4, 33-34 (p, 271-272 Parmentier) : ef, sur ce point les remarques de R. SNEE, art. cit,, 3* partie. DATE DE LA MORT DE BASILE DE CESAREE 35 Tillemont lui-méme n’osait assurer « que Théodoret ne se trompe point en cet endroit™ ». On ne peut donc guére se fier a ce temoignage, comme le remarque déjé Booth, qui ajoute qu’Ammien ne parle pas d’Arinthéos dans son récit, pourtant assez conséquent, sur la bataille d’Andrinople*®. Ajoutons que si Arinthéos avait tenu d’aussi édifiants propos auprés de l’empereur, Basile n’aurait pas manque d’en étre informé par sa veuve et en aurait tiré les plus beaux effets dans sa lettre de consolation. Mais, dans cette lettre, on ne voit méme pas que Basile sache que Valens soit mort. On peut tout au plus dater cette lettre des derniéres années de Basile, puisqu’il y remarque que |’état de sa santé ne lui permet plus des déplacements importants®. Dans la méme perspective, il faut faire remarquer qu’aucun texte de Basile, aucune lettre en particulier, ne mentionne le retour des évéques exiles, qui était pourtant un de ses yoeux les plus instants‘”. C’est bien le signe qu’il était déja mort lorsque cette mesure fut prise. Peut-on penser par ailleurs que, dans le cas contraire, Grégoire de Nazianze n’aurait pas signalé cette premiére victoire de lorthodoxie (et des efforts de Basile) dans son éloge funébre de celui-ci ? Je crois aussi que si la mort de Valens, dans les circonstances que !’on sait, avait eu lieu avant celle de Basile (comme le dit la datation reque), ce méme Grégoire n’aurait pas manqué d’y faire largement allusion dans ce discours. Il suffit de lire ses Invectives contre Julien pour deviner ce qu’il aurait pu tirer de cette mort sans gloire de l’empereur arien, brilé dans une cabane par les barbares! Autre argument e silentio qui. peut conforter la nouvelle datation que je propose: Vabsence totale, dans la correspondance de Basile, de toute information sur la demiére mission de Dorothée et Sanctissimus, de toute réaction 4 la probable réponse de Rome. C’est que Basile, 4 ce moment-la, est mort. La réponse viendra du concile d’Antioche, qui aura a prendre position sur des documents d'origine romaine. Jen viens pour terminer a une ceuvre de Basile qu’on a youlu assigner a l’année 378, les Homélies sur |’Hexaéméron. J, Bernardi a rassemblé en faveur de cette hypothése un faisceau d’arguments, allant méme jusqu’a préciser que ces prédica- tions avaient sans doute eu lieu du lundi 12 au vendredi 16 mars 378°. Il me semble pourtant que les arguments qu’il avance ne sont pas déterminants. Le plus 54, TILLeMont, Mémoires, IX, p. 656. 55. Cf. BootH, art, cit, p. 253, note 53 et AMMIEN MARCELLIN, Hist. 31, 7, 13. 56. Basie, Epist. 269 (Courtonne II, p. 139). 57. Cf. Ip, Epist. 195 et toutes les lettres adressées a des évéques exiles. 58, Cf, Gre. Naz., Discours 4-5 (contre Julien), ed. J. Bernardi (SC 309), Paris 1983. 59, Cf. J. BERNARDI, La date de I’'Hexaéméron de Basile, Studia Patristica I (TU 78), Berlin 1961, p. 165-169 et La prédication des Péres Cappadociens, Paris 1968, p. 42-48. Notons qu’avant lui, S. Grier est I'un des premiers a dater ces homélies du temps de |’épiscopat : cf. Basie DE Césarée, Homélies sur 'Hexaéméron, ed. 8. Giet (SC 26), p. 6-7, 21, n. 1, 187, ni. 36 PIERRE MARAVAL important, pour lui, est que Grégoire de Nazianze, dans son deuxiéme Discours Théologique (= Discours 26), qui constitue une sorte d’ Hexaéméron abrégé, n'a pas utilisé le traité de Basile, alors qu'il a utilisé la Caréchése 16 de Cyrille de Jérusalem. Cela implique, 4 ses yeux, qu’il ne l’ait pas connu. Or comme il pense que ce discours, 4 l’origine ceuvre indépendante dans la série des Discours Théologiques, mais qui lui a été intégrée par Ja suite, date peut-étre du début de 379, il trouve cette ignorance normale si les homélies de Basile ont été préchées a Césarée moins d'un an auparavant. En fait, il me semble qu’il n'y aurait pas lieu de s’étonner si Grégoire, 4 Constantinople, n’avait pas disposé de toutes les ceuyres de son ami. D’autre part, le dernier éditeur du Discours 26 y a relevé plusieurs passages qui font penser aux homélies de Basile, ce qui laisse supposer que Grégoire les avait lues et en avait gardé un certain souvenir®. L’argument de Bernardi ne me semble donc plus trés probant. Un autre argument pourtant semble plaider en faveur de son hypothése: Pextréme précision qu’il obtient dans la datation de ces homélies, en particulier en supposant que le vendredi 16 mars 378 était un jour férié, comme invite 4 le penser l’homélie préchée ce jour-la'. Mais on peut obtenir une précision sembla- ble en la plagant en une autre année. Ainsi, en 374, le vendredi 28 mars est 4 coup sir un jour férié, puisque c’est le dies natalis de Valens, et Ia semaine du 24 au 28 mars peut parfaitement convenir pour la prédication de ces homélies (Paques se célébre cette année-la le 13 avril). L’année 374 convient d’ailleurs assez bien, comme le remarque Bernardi lui-méme™, car elle est un moment assez paisible de la vie de Basile et de sa communauté, aprés les difficultés du début et celles qui vont reprendre en 375. Quelques autres arguments, d’importance diverse, dissuadent de placer cette ceuvre durant la derniére année de Basile. Tout d’abord leur longueur méme. Basile a été trés malade en 377, il va mourir a la fin de l'année, et le voila qui préche matin et soir de trés longues homélies, qui supposent un travail d’élaboration considérable, sans parler du temps de prédication ? Cela est peu vraisemblable. D’autre part, alors que les derniéres années de Basile, aprés 375, vont étre trés 60. Cf. P. GALLAY, Grégoire de Nazianze, Discours 7-31 (SC 250), Paris 1978, p. 162, note 1, Sur I'admiration que Grégoire temoigne envers ces homélies, cf. Or. 43, 67 (PG 36, 586A). 61. Basie, Hom. in Hex. 8, 8 (p. 474-477 Giet). 62. J. BERNARDI, La date, p. 166. L'hypothése n'est plus retenue dans La prédication, p. 44, parce que Basile, repondant en 376 4 une question d'Amphiloque sur le destin, lui répond que ce probléme exige « trop de temps pour ma faiblesse présente » (Zpist. 236, 5). Cela ne signifie pas nécessairement, 4 mon sens, que Basile n’en ait pas encore traité dans ses homélies. Cette lettre donne a Amphiloque des réponses bréves, sans jamais se référer des ouvrages de auteur sur les questions posées ; sur le probléme du destin, Basile donne une réponse pratique (attaquer ses contradicteurs avec les pointes de la rhétorique !), mais il ne veut pas traiter longuement de cette importante question et invoque pour s’excuser son état de santé. D'autre part on ne peut s'étonner qu’Amphiloque ne connaisse pas tous les traités qu’a pu écrire Basile : les copies des ceuvres antiques étaient rares... et chéres. DATE DE LA MORT DE BASILE DE CESAREE 37 occupées par le conflit avec les Pneumatomaques, le probléme que pose ces derniers n’est évoqué ici que trés briévement, et en des termes fort timides, qui semblent antérieurs au Traité sur le Saint-Esprif*. Autre argument, peut-étre plus discutable ; I'absence de toute référence explicite a Eunome, 4 une époque ot Ppourtant, si l’on en croit Philostorge, celui-ci avait peut-étre déja fait paraitre les deux premiers livres de sa réponse au traité déja ancien de Basile contre lui. On ne trouve que dans la derniére homélie un trés bref passage qui s'en prend, aprés le Juif, a « celui qui dit que le Fils n’est pas semblable 4 Dieu » ; c’est bien peu si la polémique s’est rallumée. On peut toutefois objecter que ce ne serait qu’aprés avoir préché ces homélies que Basile a pris connaissance de la riposte d’Eunome, ou méme qu’il ne |’a pas connue du tout : Grégoire de Nysse, dans le titre de son propre Contre Eunome, mentionne la mort de Basile comme si elle précédait Védition des livres d’Eunome®, Je n’insisterai donc pas sur ce point. Notons enfin que toute hypothése qui remonte la date des Homélies sur 'Hexaéméron s'accorde avec le début de la premiére Homélie sur lorigine de Uhomme (si !’on en accepte !’authenticité basilienne, ou du moins qu'elle ait un fond basilien) : le prédicateur déclare s'y acquitter complétement d’une dette ancienne, la promesse qu'il avait faite dans |’Homélie 9 sur I'Hexaéméron de revenir sur ce sujet. Ces deux homélies, en tout cas, dateraient de la derniére année de Basile, ce qui expliquerait qu’elles aient di étre reprises par un de ses disciples avant publication. Avant de conclure, soulignons d’un mot que cette nouvelle datation de Ja mort de Basile a des conséquences sur la chronologie de Grégoire de Nysse (c’est ailleurs |’étude de celle-ci qui m’a poussé a revoir de prés celle-la). La période située entre la mort de son frére et le concile de Constantinople de 381 est en effet, pour le Nysséen, une période de grande activité : participation au concile d’Antio- che, voyage dans le Pont pour la mort de sa sceur, nouveau voyage dans le Pont avec séjour a Ibora, voyage en Arménie Premiére avec séjour a Sébastée. Mais on attribue aussi a cette époque la composition de nombreux ouvrages : de petits traités trinitaires comme le De differentia ousiae et hypostaseos, \'Ad Graecos ex communibus notionibus, \'Ad Eustathium de Sancta Trinitate, Ad Ablabium quod 63. Basie, Hom. in Hex. 2,6: commentant Gen. 1, 2 (I’Esprit de Dieu était porté sur les eaux), il propose deux interprétations : ou bien il s’agit du soufile de air, « ou bien, ce qui est plus vrai et mieux admis des anciens, c'est l'Esprit-Saint qui est ait l'esprit de Dieu ; car on a remarqué que l'Ecriture lui donne particuliérement et de préférence cette appellation alors qu'elle ne mentionne nul autre esprit que ce saint (Esprit), qui compléte la divine et bienheureuse Trinité. ‘Si tu adoptes cette opinion, tu y trouveras un grand profit » (p. 167-169 Giet). Un peu plus loin, il note qu’« il suffirait de ce passage pour monter, ce que d'aucuns mettent en question, que TEsprit n'est pas étranger & activité créatrice» (p.171 Giet). Ce discours reste encore extrémement timide sur la divinité de I'Esprit. 64. Cf. Priostorok, Hist. eccl. VIII, 12 (p. 114 Bidez). 65. BasiLe, Hom. in Hex. 2 (p. $20 Giet) ; Hom. de orig. hom. 1, | (p. 166 Van Esbroeck). 66. GreG. Nyss., Contra Eunomium, tit. (p. 22 Jaeger 1). 38 PIERRE MARAVAL non sint tres Dif", sans parler des livres 1 et 2 du Contre Eunome. On était obligé jusqu’a présent de serrer 4 |’extréme la chronologie de ces années et de ces textes : cette nouvelle datation permet un peu plus de latitude. Cette question mérite cependant d’étre étudiée pour elle-méme : je ne m’y attarde donc pas. Modifier une date recue est une entreprise risqueée, car de proche en proche c’est toute une chronologie qu'il faut renouveler. Je n’ai pas eu l’intention, dans le cadre de ce bref article, de refaire toute la chronologie de Basile, ni méme celle des événements qui ont accompagné ses huit ans d’épiscopat, méme si un certain nombre des hypothéses que j’ai proposées ou reprises 4 mon compte doivent y conduire. Toute l'histoire, en particulier, des négociations de Basile et de Damase est peut-étre a revoir®*. Mais il m’a semblé important de mettre 4 mon tour en lumiére les faiblesses d’une datation regue, celle qu’on assigne a la mort de Basile, car sa précision et son apparente certitude en font un point de référence obligé pour quantité d’autres, et de proposer en faveur d’une autre date un faisceau d’indices suffisamment probant. Il reste a souhaiter que d’autres historiens de cette période en testent la recevabilité. Pierre MARAVAL Université de Strasbourg II RésuME : La datation traditionnelle de la mort de Basile l'assigne au 1* janvier 379. Elle est ici contestée pour plusieurs raisons, Le jour a éé choisi par convenance théologique, l'année parce que l’on datait le rappel des évéques exilés par Valens du printemps 378 et donc le concile d’Antioche qui les réunit et qui se tint neuf mois aprés la mort de Basile de l'automne 379. En fait le rappel des évéques est a dater de l'automne 377 et le concile du printemps 378, ce qui améne 4 remonter la date de la mort de Basile autour de septembre 377. Les objections qu'on peut faire cette datation et ses incidences sur quelques points de chronologie basilienne sont examinées en détail. 67. Une thése de 3° cycle vient d’étre soutenue 4 la Faculté de Théologie Protestante de l'Université de Strasbourg sur ces textes: Thierry ZIEGLER, Les petits traités trinitaires de Grégoire de Nysse, témoins d'un itinéraire théologique (379-383), 1987. L’A., qui s’en tient a la chronologie regue de Grégoire, date les traités que jai cités, et dans cet ordre (car un des intéréts de sa thése est d’en donner une chronologie relative), de la période 379-381. 68. Cf. déja Boorn, art. cit, p. 256, n. 61. Revue des Etudes Augustiniennes, 34 (1988), 39-46 Observations sur le latin de saint Victrice de Rouen Dans le tome LXIV du Corpus Christianorum (Turnhout, 1985), Monsieur R. Demeulenaere a récemment publié quelques textes du IV’ et du v siécle, écrits en Gaule : un Liber contra Arrianos de Phébade, évéque d’Agen, un traité De laude sanctorum de Victrice, évéque de Rouen, un Libellus emendationis ov le moine Leporius abjure les pensées hérétiques qu’il avait exprimées, et en outre les écrits de Vincent de Lérins et d’un certain Evagre ainsi que la correspondance de Rurice, évéque de Limoges. L’intérét que présentent ces textes est varié. Le texte le plus ancien est la défense de l’orthodoxie écrite par Phébade en 357 ou en 358, pendant Iépoque de l’offensive arienne en Occident. Le plus récent est la correspondance de Rurice, mort vers 507, dont le contenu est insignifiant mais la forme d’un certain intérét : elle temoigne que, méme 4 cette époque, les membres des familles aristocratiques en Gaule ont cultivé la forme élégante et rhétorique. L’éditeur a muni tous les textes de préfaces importantes of le lecteur trouve les renseignements biographiques et bibliographiques dont il a besoin. A la fin du volume, il a ajouté trois index a chaque auteur : index locorum Sacrae Scripturae, index scriptorum et index nominum et uerborum notabilium. Quelques-uns de ces textes ont déja été étudiés d’une maniére détaillée : Rurice par exemple par Hagendahl dans La correspondance de Ruricius, Goteborg, 1952 ; d'autres n’ont pas encore attiré l’attention qu’ils méritent. Un texte de ce genre est, semble-t-il, le traité de saint Victrice de Rouen. Notre connaissance de la vie de Victrice est trés fragmentaire. De quelques lettres de Paulin de Nole nous pouvons tirer la conclusion qu’il avait été soldat, que sa famille était paienne, mais qu’il s’était converti au christianisme. Vers 1a fin du 1v* siécle, il fut élu évéque de Rouen. Paulin nous apprend aussi que Victrice avait eu occasion de rencontrer saint Martin de Tours et qu’il avait voyagé a Rome. A Milan, saint Ambroise semble lui avoir donné des reliques pour l’église de Rouen. A Varrivée de ces reliques 4 Rouen, il composa un discours, généralement intitulé De laude sanctorum. C’est un texte assez bref, élaboré avec beaucoup de 40 DAG NORBERG soin, que Victrice lui-méme appelle deux fois /iber. La forme est celle d’un sermon, adressé aux fidéles de Rouen qu’il exhorte 4 se confesser et 4 demander aux martyrs de les aider comme avocats. Victrice s’adresse aussi aux martyrs auprés desquels il s’excuse de les avoir salués si tard : il avait été retarde par un voyage en Grande-Bretagne qu'il avait entrepris sur leur ordre comme interpres pacis Domini. Maintenant, il célébre leur arrivée salutaire. Depuis longtemps, ils se trouvaient dans les coeurs des habitants de Rouen, dorénavant ils étaient personnellement présents. Ensuite Victrice essaye de montrer qu’avec les reliques les martyrs eux-mémes étaient pleinement présents. Clamamus in reliquiis nihil esse non plenum, dit-il en ix, 30, et en x, 18, il exprime la méme idée par les mots : Vbi est aliquid, ibi totum est. L’argumentation est assez épineuse, et Victrice se sert de la méthode et de la terminologie de la dialectique. C’est avec les yeux de la raison (rationis ocull, vit, 13) qu’il faut regarder les vérités chrétiennes, les yeux corporels se trompent : Oculorum est ista deceptio. Clariora sunt lumina rationum (x, 36-37). Il imite parfois les déductions des dialecticiens. Si igitur communis pater, communes et filii ; si communes filii, communis hereditas ; si communis hereditas, communis aeternitas, dit-il en vu, 44 s, La maniére de raisonner est la méme en x1, 48 s.: Qui curat, et uinit ; qui uiuit, in reliquiis est, ou x1, 55 s.: Qui amat, credit; qui credit, fidem in disputatore et sacerdote, non uerba rimatur. Les conclusions sont souvent introduites par sequitur ut, relinguitur ut, superest ut, concluditur ut, etc, Toutefois, Victrice repousse avec horreur la dialectique des paiens. On aimerait ainsi connaitre qui étaient les dialectici dont il parle en x, 13 : illud omnibus liquet ex nihilo Deum fecisse quod non erat, unde saepe dialecticorum uirus eliditur. I y avait ceux qui doutaient des miracles faits par les reliques des saints. Victrice les réfute en disant (x1, 23): non me hypothetici et categorici syllogismorum nodus intricat, non inania philosophorum sophismata decipiunt. Ce sont des phrases que Yon trouve souvent chez d’autres qui opposent la foi simple des chrétiens aux artifices des philosophes. Saint Athanase écrit par exemple dans la vie de saint Antoine, 78: uos quidem sophisticis syllogismis uestris a christianismo ad paga- nismum non persuadetis alicui uenire. Saint Ambroise reproche aussi le style thétorique aux philosophes, Jn Luc. 7,66 : paruulum... qui se exaltare non nouerit et ae sermonibus artem suae iactare prudentiae, quod philosophi plerique faciunt . 1. Cf mx, 17; Nos in tanta gratulatione librum tumultu refersimus quaestionum ; x1, 57: nos uidebit librum simplici fide exarasse, non uerbis. 2, Dans l’index p. 447, on lit I’explication curieuse virus = uirtus. Cf. les phrases elidere argumenta, sententiam haereticorum, etc. 3. C'est le début d'un changement de sens du mot philosophus qui, plus tard, peut caractéri- ser un homme qui connait bien le latin. On se souvient de la phrase dont Grégoire de Tours se sert dans la préface de son Histoire des Francs : philosophantem rhetorem intellegunt pauci, loquentem rusticum mult. Un exemple amusant de cet usage se trouve dans Vita Pardulft 20 (MGH Script. rer. Merov. VII, p. 38,2) : berciolum quod onestiori sermone filosophi cunabulum uocant, LE LATIN DE SAINT VICTRICE DE ROUEN 41 Le texte de Victrice est conservé dans trois manuscrits dont deux du v¢ siecle, Autissiodorensis 27 (= A) et Sangallensis 98 (= S). Le troisiéme est Sangallensis 102 (= s) du x* siécle, qui est une copie de S sans valeur indépendante. Malheureusement c’est le seul manuscrit sur lequel se base I’ editio princeps de 1739, réimprimée plusieurs fois, en dernier dans la patrologie de Migne. Les Premiers éditeurs qui se soient servis de S sont Sauvage et Tougard en 1895, mais «ils n’en firent pas un usage trés judicieux » selon le jugement de M. Demeule- naere. Plus heureux fut dom André Wilmart qui en 1919 publia un article dans la Revue Bénédictine xxx, pp. 333-342 sur le manuscrit A, jusque-la oublié par les savants. Aprés la découverte de Wilmart, le texte de Victrice a été traité a fond en 1953 par J. Mulders dans une thése pour le doctorat. Il est regrettable que cette dissertation n’ait jamais été imprimée, mais l’auteur a eu l’obligeance de la mettre a la disposition de M. Demeulenaere qui nous assure qu’il en a tiré beaucoup de profit ; dans le titre il a méme associé le nom de Mulders au sien (cura et studio I. Mulders S.J. et R. Demeulenaere). Mentionnons aussi que le texte fut publié en 1966 par R. Herval dans Origines chrétiennes. De la IF Lyonnaise gallo-romaine @ la Normandie ducale. De cet apergu rapide il s’ensuit qu'une édition critique de Victrice doit partir du texte des manuscrits 4 et S. Les variantes qui se trouvent dans s et chez les éditeurs sont des erreurs ou des conjectures savantes qui n’ont pas de valeur originale pour la constitution du texte. M. Demeulenaere me semble donc inutilement charger l’apparat critique de renseignements sans intérét, par exemple quand a Jacrimis (1, 10) il ajoute ‘lacrymis Migne’, a exsecutio (1, 26) ‘exsequitio Hervaf et ainsi de suite. M. Demeulenaere a établi le texte avec une circonspection en général louable. Il ne s’écarte que rarement du texte des manuscrits ou de ses prédécesseurs. Malheureusement les copistes médiévaux n’ont pas travaillé sans commettre des erreurs, et c’est la tiche d’un éditeur de les découvrir et de les corriger. Nous pensons qu'il est parfois possible de trouver une autre solution des problémes que celle des éditions. Ainsi, quel est le sens de la proposition (1, 49): Nec sane mihi iam circa eos laborandum est qui absolute disciplinae copula exciderunt ? Victrice vient de raconter son voyage en Grande-Bretagne. Les chrétiens britanniques ne s’entendaient pas — Victrice ne dit pas quelle était la question dont on disputait — et certains évéques lui avaient demandé d’essayer de réconcilier les dissidents. Il décrit ainsi son activité : sapientibus amorem pacis infudi, docilibus legi, nescienti- bus inculcaui, ingessi nolentibus. Il semble donc en général avoir réussi dans sa mission. Mais tous n’avaient pas renoncé 4 leurs erreurs. Il y en avait certains qui avaient déserté la discipline ecclésiastique et rompu les liens avec |’Eglise. Pour ceux-ci, Victrice dit qu’il ne pouvait rien faire‘. Nous ne comprenons pas le mot 4. En effet, I’hérésie a bientdt pris de nouvelles forces. En 429, les évéques Germain d’Auxerre et Loup de Troyes, et plus tard Germain et Sévére de Tréves, se sont rendus en Angleterre pour extirper les opinions divergentes une fois pour toutes. A l’aide de soldats, semble-t-il, ils ont envoyé les dissidents dans les pays méditerranéens : prauzitatis auctores expulsi 42 DAG NORBERG absolute (ainsi S, obsolutae A, absolutae Herval) et proposons de lire: qui a solutae disciplinae copula exciderunt. Pour l’expression excidere a cf. Galat. 5,4 a gratia excidistis. En xu, 64, M. Demeulenaere présente avec les manuscrits le texte suivant : Si cui forte dura et ineluctabilis uidetur ista militia, non abiciat hastam, antequam classicum crepet, nec eum ante pugnam frigus mortis inuadat. Il nous semble évident que nec doit étre corrigé en ne. Au chapitre vil, 34, Victrice dit que les justes nous montrent la route de la vérité et que les sentences d’un bon juge sont toujours impartiales. Il resume ses idées ainsi : [bi mera ueritas inuenitur, ubi nulla est in unam partem declinatio cognitoris. Nos autem ab ipsis, quibus nunc utimur, beneficiis audiemur. Ce texte devient comprehensible si nous le corrigeons de cette fagon : ab ipsis, quorum nunc utimur beneficiis, audiemur. Cela dit, il continue son discours (vm, 40) : (/ux solis) omnia terrarum spatia, omnia domiciliorum, oculos replet et luminat. Evidemment ce texte n’est pas en ordre. Dans un compte rendu, Nolte a proposé la correction omnium domicilio- rum angulos. Il suffit peut-étre d’écrire omnes domiciliorum loculos. Parfois le texte des manuscrits est correct, les changements des éditeurs inutiles. En vu, 12, nous lisons dans A et S': Diuersitas enim unitatis extranea est. Les éditeurs écrivent unitati extranea est et introduisent ainsi un hiatus dans la clausule finale, bien que Victrice en général ait évité celui-ci. Extraneus construit avec un génitif se trouve chez Tertullien, saint Jéréme et d’autres (extraneus ueritatis, humanitatis, mali, etc.) et s’accorde complétement avec l’usage latin’. La structure de l'exemple suivant est plus intéressante. Nous lisons au chapitre xl, 100 daris le seul manuscrit original qui ait conservé cette partie: Nullus sit, carissimi fratres, dies quod non his fabulis inmoremur. L’éditeur a accepté la correction dies quo. C’est une correction trés facile mais tout de méme superflue. Dans leur célébre syntaxe, p. 580, Hofmann et Szantyr nous apprennent que Vemploi tempore! de guod existe dés le latin archaique. Quintilien n’hesite pas a écrire tertium iam esse diem quod..., saint Jéréme his diebus quod..., etc. Nous n’ayons pas de raison de refuser a Victrice l’expression nullus sit dies quod. Tl arrive que la ponctuation des éditions antérieures ait désorienté M. Demeule- naere. En x1, 43 nous lisons chez tous : Jnteriora non iudicat nisi qui sanat. Non imperat elementis nisi qui calcat sceptrum. Non tenet Trinitatem nisi qui est in partibus integer et totus in toto. Ici la legon originale de A et de S n’est pas Trinitatem mais Trinitatis. Cette legon doit étre conservée et la ponctuation changée de cette maniére: Interiora non iudicat nisi qui sanat (sc. ea). Non insula sacerdotibus addicuntur ad mediterranea deferendi ( Vita Germani 25 ss. Voir aussi ibidem 12 s, et Vita Lupi 4, MGH, Script, rer. Merov. VI, pp. 259,5 ss., 269,14 ss., 297,1 ss.). 5. Pour l'aphérése de e en est, cf. les clausules vi, 45 nulla subiectio est et x1, 2 in soliditate curatio est. 6. Voir ERNout-THomas, Syntaxe latine § 54. LE LATIN DE SAINT VICTRICE DE ROUEN 43 imperat elementis nisi qui calcat (sc. ea). Sceptrum non tenet Trinitatis nisi qui est in partibus integer et totus in toto. La phrase sceptrum alicuius tenere se rencontre aussi en vill, 37 : in unum aceruum omnis quae nunc diffusa est sanctorum bonitas colligetur, ut sine gratia, sine appellationis iniuria sceptrum teneant iudicantis’. Pour l’expression in toto cf. chez Victrice (vin, 18), non potest non esse perfectus in apostolis qui est perfectus in toto ; (x, 18) non posse minui quod diuinum est, quia totum in toto est ; (35) ab re est totum in toto perquirere. Pour ce qui est de l’orthographe et de la phonétique de Victrice, il n'y a pas grand-chose 4 noter. Nous ne voyons pas pourquoi l’éditeur a changé afi (1, 36) en abfui, medella (x1, 15) en medela ou milia (xu, 108) en millia. Il est aussi inutile d’écrire reperitur au lieu de repperitur (ix, 9). A l’époque impériale, le parfait a influé sur la forme du présent de ce verbe. Ici la clausule confirme aussi que repperitur est la bonne forme : nec quantitas nec qualitas repperitur (crétique + ditrochée), C'est aussi pour obtenir une clausule normale que Victrice a choisi (x1, 36) la forme confitentum, préservée dans le manuscrit A (confitentium S): tanta sunt crimina confitentum (dactyle + ditrochée). Chez Victrice, l’usage des génitifs, en -ntum et en -ntium n’est pas consequent. En général, il écrit -ntium mais cf. vi, 17 : ascendentum uestigia ; Xi, 76: ambulantum uestigiis les manuscrits (ascenden- tium, ambulantium le dernier éditeur). Victrice n’hésite pas 4 insérer des mots insolites dans son petit discours, Dans les manuscrits nous trouvons ainsi deux fois le mot anquirere : (1, 21) ut peccata nostra pia miseratione aduocationis excusent, non animo iudicantis anquirant (ainsi S, adguirant.A) ;(vu,7) si animum nauiter quispiam iniendat et uelut generis genus anquirat (ainsi A! S', adquirat A’), repperiat Adam ex specie genus effectum: Le verbeanguirere qui chez Cicéron est assez fréquent devient de plus en plus rare a l’époque impériale. C’est pourquoi les éditeurs de Victrice, a l’exception de Herval semble-t-il, ont remplacé anquirere par inquirere. Mais c’est la une méthode arbitraire. Autres cas: exantlare (iil, 5) n’est pas fréquent dans le latin tardif ; coodibilis (xu, 84) n’est atteste que chez Tertullien ; les substantifs locutus 1, 44) et circumfluum (1, 32) et l'adjectif masculatus (vi, 36) ne sont connus que dans des exemples isolés ; Victrice a peut-étre lui-méme créé concorporeus (vil, 41) et corporulentia (vu, 1). Pourquoi lui contester I’emploi d’anquirere ? Il est invraisemblable qu’un copiste medieval ait inséré ce mot dans le texte. Le style de Victrice est fort marqué par la rhétorique. Il aime construire les phrases en membres paralléles. Fides est quae sanctos euexit ad caelum ; fides est quae reserauit tumulos mortuorum ; fides est quae flammas uertit in rorem, etc... écrit-il au chapitre xm, 73 ss. en répétant 10 fois fides est. Les antithéses du type operari libet, non libet loqui (u, 12) sont fréquentes. Il souligne souvent ce qu’il veut dire en répétant un mot, miseremini igitur, miseremini (1v, 1) ; uos quoque 7. Cf. aussi vi, 4: Quid est aliud martyr nisi Christi imitator... calcator ambitions... Cul numquam sceptrum prudentiae aut ira praeripuit aut cupiditas uindicauit. 44 DAG NORBERG uirgines psallite, psallite (v, 8). Parfois il se sert de rimes : stipendiorum additamen- tum timoris est incrementum (11, 2). Les images sont hardies. Il dit des femmes qui attendent Parrivée des reliques (1, 33): incedunt nitidae flagrantes (pour Sragrantes si la tradition est correcte) crapulam castitatis ; il exhorte les fidéles (Iv, 17): oremus carissimi, oremus ut si ascendere nos cumulus prohibet peccatorum, uel ascendentum uestigia osculis arctioribus uaporemus. On est surtout frappé par l’ambition de Victrice de terminer les phrases et les membres des phrases par des clausules qui sont métriques et en méme temps rythmiques. Un apergu de la technique de Victrice est d'un certain intérét pour juger ou on en est venu, au Nord de la Gaule, vers la fin du IV siécle. Pour faciliter une comparaison, nous nous servons a peu prés de la méthode employée par Hagendahl dans son livre sur Rurice’, Notre recherche ne comprend que les fins de phrases marquées par un point, excepté les citations qui en général sont marquées par un style cursif?, Nous suivons la ponctuation de la derniére édition, bien que celle-ci soit parfois discutable. Nous ne nous éloignons du texte établi par M. Demeulenaere que dans les cas suivants : vil, 36 et 37, nous mettons une virgule apres Israhel et habebi- tur ; x, 24, nous écrivons Ergo si in corpore cruor est, cruor autem ipse superno miscetur ardori, nihil superest quaestionis... ; X1, 9 s., nous préférons une virgule aprés Antonius, Macedonia et Mediolano ; x1, 15, un point au lieu d’un point dinterrogation ; x1, 17, voici le texte que j’ai suivi: si, quicquid ubique sanctorum est, parili pietate cultores suos defendunt, purgant, tuentur, adiciendus cultus est, non discutienda maiestas ; x1, 43 nous avons montré ci-dessus qu’il faut mettre un point aprés calcat ; x1, 55 gui amat credit, qui credit fidem non uerba rimatur (pas de point aprés le premier credit). Les clausules avant point qui restent sont au nombre de 343, elles se répartis- sent de la fagon suivante au point de vue métrique : 8. Trés utile est aussi {etude de Cavallin sur les clausules des hagiographes arlésiens du v* et du vi‘ siécle, Eranos, XLVI (1948) p. 135-157. On ne peut assez souligner que seul un apergu statistique montre si un auteur a cherché a terminer les phrases par certaines clausules, Des exemples isolés ne prouvent tien. Personne ne peut écrire latin sans admettre quelquefois par hasard une clausule recommandée par les rhéteurs. Trop souvent les savants se trompent a ce sujet. Par les recherches de K. BRAZZEL, The Clausulae in the Works of St. Gregory the Great, Washington, 1939, nous savons par exemple que saint Grégoire le Grand ne s’occupe pas d'omer sa prose de quelque clausule que ce soit, Cependant, on trouve encore des savants qui prétendent que Grégoire connaissait l'emploi de clausules ; il le connaissait sans doute mais il dédaignait de s'en servir. Un chercheur francais, revenu d'] talie, a méme eu le courage de dire « que I'Italien, méme de peu de culture, a comme instinct le sens du rythme oratoire et, par conséquent, de la clausule spontanée » (voir Grégoire le Grand, Paris, 1986, p. 497). Evidernment il n’a rien compris, 9. Mais pas toujours ; cf. IV, 22: iudicare uiuos et mortuos. 10. La proposition principale commence ainsi par ergo comme souvent dans le latin tardif, LE LATIN DE SAINT VICTRICE DE ROUEN 45 I. Nombre d’exemples de la clausula prima (—u— tea B non perorandum addimus potestatum etc. y et vB passione ditamur ou pensare non nouit 8 seruiunt rebus Il, Clausula secunda ( a... 0 B. BH: y et y5 potestatis auctoritas ou habere quo mitiges . 39 8 nonnihil sanguinis..... 6. cece cece evens : 2 41 IL. Clausula tertia (wus ‘A. proparoxyton + ditrochée . Nn B. proparoxyton + dispondée 21 93 Total 255 Dans ce tableau nous avons laissé de cété les formes secondaires, auxquelles nous reviendrons ci-dessous, ol deux bréves remplacent une longue. Il ressort du tableau que Victrice se sert de 255 clausules sur 343, qui sans aucun doute sont métriques, c’est-a-dire 74,3 %. Chez Rurice, Hagendahl en a trouvé 69,3 %. Comme les auteurs qui négligent l'emploi de clausules en présentent environ 25 %, il est clair que Victrice a tenu beaucoup a ce que les fins de phrases soient harmonieuses, selon les régles des anciens rheteurs. Cela devient aussi évident si nous examinons celles-ci d’un point de vue rythmique. Les nombres de clausules qui correspondent aux cursus planus, tardus et uelox sont le 126, 78 et 177 respectivement, pris ensemble ces nombres s’élévent a 93,6 % de toutes les fins de phrase (88,7 % chez Rurice selon Hagendahl, environ 50 % dans la prose arythmi- que). La différence du pourcentage des clausules métriques et de celui des clausules rythmiques que nous avons notée s’explique de cette fagon. D’abord il semble que Victrice se soit trompé quelquefois sur la prosodie. Ainsi il a probablement pensé que calet iuuentus, calor incendit, nisi qui sanat, nisi qui calcat et d'autres cadences de cette forme représentent la clausule I. De méme on peut supposer qu’il a regardé les types redimitae muneribus et gaudia resoluenda comme des exemples des clausules II et III. Nous avons calculé 17, 7 et 9 exemples respectivement de ce genre. Ensuite un type de clausules, recherché par Victrice, que nous n’ayons pas encore traité, est -U,-UJwu: usque perdiderim, detinebar officio, praetermisit officium, templa porrigito, etc. Nous en avons trouvé 30 exemples, Il s’agit ici 46 DAG NORBERG d'une variante de la clausule I (crétique + trochée) ou 1a longue syllabe du dernier pied a été remplacée par deux bréves. Il est vraisemblable que Victrice et les autres auteurs tardifs qui aiment cette variante I’ont regardée comme une forme du cursus tardus et que c’est a la raison de sa popularité"'. De méme il est probable que les 12 exemples du type addimus potestatum, gaudio triumphorum, apostoli frequenta- runt, ueritas adoranda, etc,, que nous avons enregistré dans le tableau ci-dessus sous la clausule métrique I, aux oreilles de Vittrice appartenaient plut6t au cursus velox. Car il est caractéristique de tous ces exemples que I’avant-dernier mot est toujours un proparoxyton'?, Enfin nous avons trouvé 22 cas oui Victrice, pour des raisons diverses, a sacrifié Temploi de clausules. Parfois le contenu a exigé certaines formules : cf. (1v, 10) in uno permanens ; (tv, 14) unitas in tribus ; (x, 15) ostendimus in parte totum esse posse. Il arrive aussi qu’il ait trouvé d’autres figures rhétoriques plus appropriées ; cf. (u, 11 ss.) Da igitur da. Quid moraris ? Sanctorum mihi templa porrigito. Operari libet, non libet loqui ; (tv, 1) Miseremini igitur, miseremini ; (x1, 32) sed uidenda, non quaerenda. Ajoutons que de ces 22 cas, il n’y en a que 9 qui appartiennent au type qu’on peut appeler cursus trispondiacus. C’est donc un type que Victrice n’a pas cherché. Il ressort de ce que nous avons dit que Victrice s'est servi d’un systeme mixte de clausules. La plupart sont encore nettement métriques, mais de la richesse de formes que I’on trouve chez Cicéron ne restent que les clausules qui correspondent en méme temps au systéme accentuel. Dag NorBERG Stockholms Universitet Résumé: Notes sur la langue et les clausules de Victrice de Rouen. Certaines de ces Temarques permettent d’améliorer le texte et la ponctuation du De laude sanctorum, recemment publié dans le tome LXIV du Corpus Christianorum. 11, Cf. HAGENDAHL, La correspondance de Ruricius, p. 44, 12. Voir HaGENDAHL, op. cit. p. 42. Revue des Etudes Augustiniennes, 34 (1988), 47-69 The Conversion of Vergil : The Aeneid in Augustine’s Confessions Few readers of the Confessions forget how, in his first encounters with Vergil, the young Augustine wept for Dido, «extinctam ferroque extrema secutam »—testimony, it could seem, to the sensitivity of a boy whom we cannot ~ believe to have been quite as bad as his grown-up self says he was (Conf. I, 13.21). Augustine the bishop, however, is severe in his judgment: such ~ sensibility was a mark neither of goodness nor of wisdom. He was wrong to mourn Dido. He should have been weeping not for Dido, but for himself. The moment fixes our attention, and is meant to. The relationship of early Christian writers to the pagan literature on which they were raised, and by which educated, was always a vexed one, and Augustine criticizes his entire education in Confessions I. Vergil in particular, however, emerges as the representative of a misguided literature of half-truth, dangerous less because of what was wrong in it than because of what was right. The answer to our inevitable question, « Why was it wrong for Augustine to grieve for Dido ? » is the entryway to the entire world of Augustine’s reflections on the nature and proper uses of literature. Augustine’s relationship to Vergil, as a paradigmatic example of a father of the Church dealing with his pagan literary past, has been examined many times?. The Vergilian references in the Confessions have been thoroughly 1. The following editions were used : for the Confessiones, the Skutella edition, corrected by H.Juergens and W. Schaub (Stuttgart, 1969) ; for De ordine, the CSEL edition (vol. 63), ed. P. Knall (Vienna and Leipzig, 1922) ; for the Soliloquia, the Benedictine edition (Sancti Aurelii Augustini Opera, vol. 3; 3rd ed. [1807]) ; for the Aeneld, the Oxford text, ed. F. Hirtzel, All translations are mine, I owe special thanks to Richard Strier and James J. ODonnel, for help in the preparation of this essay. 2. A basic bibliography on Augustine and Vergil is given by Wolfgang Hiibner, « Die praeto- ria memoriae im zehnten Buch der Confessiones : Vergilisches bei Augustin », Revue des études augustiniennes 27 (1981), 245, n. 1. Of the works listed by Hiibner, Harald Hagendahl, ‘Augustine and the Latin Classies (Studia Graeca et Latina Gothoburgensia 20, 1-2 [1967), is probably the most accessible and generally useful ; it reaps the harvest of much earlier work on Citations of Vergil by Augustine and adds much as well. Of special interest among interpreta- 48 CAMILLE BENNETT catalogued, and the question of the extent to which the Aeneid was a model for Augustine’s autobiography addressed more than once*. This is itself a com- plicated issue. On the one hand, there are enough Vergilian allusions in the Confessions —not to mention one close parallel— to invite such specula- tion. On the other hand, it seems inherently unlikely that Augustine would have used a pagan work as a model, especially one which he singles out for special castigation*. The problem can only be resolved if we understand that references to the Aeneid in the Confessions are part of a critique, in part of the poem itself, but equally of the way it was read in Late Antique society. Au- gustine was too shrewd a rhetorician to have included the kinds of references to Vergil which would make us suspect modelling without a specific intent ; he means, we discover, to re-educate his readers in the use of Vergil. Pagan litera- ture was dangerous — just as Augustine thought that he had been weeping for the wrong person, so he believed that he had been educated by the wrong books. The Bible should have replaced Vergil (Conf: I, 17.27). This position is not surprising ; what is, is that there was also a safe way to read Vergil — a way the Confessions itself illustrates. As I have already implied, the issue of the place of the Aeneid in the Confes- sions can only be satisfactorily dealt with in the larger context of Augustine’s attitudes towards literature. One reason for the failure fully to appreciate the tole of the Aeneid in the Confessions has been the failure to apply to the question what the Cassiciacum dialogues have to say about literature. These works flow out of the period immediately after Augustine’s retirement from his position as a teacher of rhetoric; not surprisingly, they reveal the convert working through his past, reflecting upon the nature of literature and represen- tative art in general. Much of what they have to say is not only philosophically interesting, but also clearly relevant to the later autobiogra- phy ; positions that they articulate explicitly reveal themselves again, now deeply embedded in Augustine’s thought, in the Confessions. The two most important of the Cassiciacum works for this discussion are the Soliloquies and De ordine. In the Soliloquies, a dialogue between « ratio » and «anima » on the subjects of God and the soul, a number of comments about the work’s central question, the nature and identification of t ith, center on obser- vations about representation and imitation. Under ratio’s guidance, anima attempts to arrive at a satisfactory definition of truth. Things which imitate tive analysis of the relationship are John O'Meara, « Augustine the Artist and the Aencid », in Mélanges offerts @ Mademoiselle Christine Mohrmann, ed. L.J. Engels et al, (Utrecht, Anvers, 1963), 253-61, and « Vergil and Augustine : The Roman Background to Christian Sexuality », Augustinus 13 (1968), 307-26, as well as Andrew Fichter, Poets Historical : Dynastic Epic in the Renaissance (New Haven and London, 1982), especially Ch. 2. 3. Hiner, for instance, speaks confidently of the « odysseische Halfte » of the Confessions (by analogy with the Aeneid), and looks hopefully for traces of the « iliadische Hilfe » (« Die prae- toria memoriae », 261-2). . O'Meara lists the clearest parallels in « Augustine the Artist », 258IT. 4, Although this rather obvious objection does not in fact seem to trouble most of those who have analysed the relationship. THE CONVERSION OF VERGIL 49 other things, such as works of art, are particularly interesting as cases for exa- mination, because, although they are not unreal (or untrue) in the sense that they lack existence, they are nonetheless recognized to be in some way false. The process of defining truth and falsehood moves through several steps, finally fixing upon resemblance as the locus of what can be perceived as false. A first formulation, « Verum est quod ita se habet cognitori videtur, si velit possitque cognoscere »— (« The true is that which is as it seems to a perceiving subject, if he wishes and is able to perceive it »), is rejected because it makes truth dependent upon the existence of someone able to perceive (a pos- sibility that anima finds simply unacceptable). This is then compensated for by, « Verum mihi videtur esse id quod est » — (« The true seems to me to be that which is »)— but then nothing can be false (Sol. I, 5.8). Anima then hits upon what seems to be a satisfactory definition not of the true, but of the false: the false is « quod non ita est ut videtur » — (« that which is not as it seems ») (Sol. II, 6.10)’. Truth cannot be dependent upon a perceiving subject, but falsehood is ; to exist, falsehood requires an audience. Between that which in fact exists and that which does not, stands a region in which a perceiving subject, which knows a true thing when it sees one, can either willingly or through deception, take something that exists for what it is not. Ratio then discusses the types of resemblances: some are equal, some inferior ; of the latter, some are produced by nature (by reflection, for instance), others by living beings, namely, pictures and other figmenta (Sol. Il, 6.11). The false does not have to deceive to be false — it simply has to be seen to resemble the true: «Ergo apparet nos...res falsas nominare quas verisimiles deprehendi- mus » — (« Therefore it seems that...we call those things false which we perceive to be similar to the true ») (Sol. II, 6.12). Consent to the deception may be withheld. Figmenta, moreover, are not lies: lies involve the intent to deceive, they are fallax, while comediae and poemata are generated by a different motive — the desire to please or entertain — and thus are merely men- dax (Sol. II, 9.16). What links the fallax and the mendax is that each « se fingit esse quod non est » — (« feigns to be what it is not ») (Sol. II, 9.16). The fact that figmenta seem to be motivated by a more genial intention does not exculpate them, moreover: all works of art are, finally, censured because their very nature forces them to be false — an actor is a false Priam in being a true actor, a true picture has to contain a false horse, and so on (Sol. II, 10.18). Thus truth and falsehood are necessarily mingled in works of art. This conclusion then provokes anima to an outburst about how such things are not worthy of imitation : «...1In exemplis istis imitatione dignum video. Non enim tamquam histriones, aut de speculis quaeque relucentia, aut tamquam Myronis buculae ex aere, ita etiam nos ut in nostro quodam habitu veri simus, ad alienum habitum adumbrati atque assimilati, et ob hoc falsi esse debemus, sed illud verum quaerere, quod non quasi bifronte ratione sibique adversanti, ut ex aliqua parte verum sit, ex aliqua falsum 5. This formulation is reiterated in Conf. VII, 15, 21. 50 CAMILLE BENNETT sit »— (I see nothing worthy of imitation in these models. For, in order to be true to our own nature, we should not be like actors, or reflections from mirrors, or the bronze heifers of Myron, conformed and made Jike to another nature, and because of this be false ; rather, we should seek that truth which is not two-fold and at odds with itself, so that it is half-true and half-false) (Sol. II, 10.18). The metaphysically dubious status of works of art is bad enough in itself, but the injury is worsened because they invite imitation. This sudden attack on imitation seems surprising and unmotivated, but Augustine had two reasons for associating the verisimilar with action. First, in antiquity, much of education consisted of imitation of literary models. It was for the same reasons that Plato had cast the poets out of his republic’, Augustine would emphasize the role of imitation in his own education in the Confessions. Also important to him, however, was the Academic acceptance of the verisimilar or probable as a starting-point for action: although, according to the Academics, truth itself could never be known, the Academic was not consigned to a life of inactivity because of this uncertainty, but could proceed on the basis of the proba- ble. Augustine learned this position from Cicero’s Academica, and attacked it in Contra Academicos, another of the Cassiciacum dialogues — even sugges- ting, though somewhat jestingly, that acting from the probable could lead to immorality’, The Soliloquies also anticipate the Confessions in the solution offered to the problem of the search for truth (which is, again, the goal of education). To- ward the end of the dialogue, ratio affirms that this search will eventually draw one back within one’s own self. Truth dwells in the soul, and it is to that which one must return: « Avertere ab umbra tua », exhorts ratio, « revertere in te» — («Turn away from your shadow; return to yourself») (Sol. Il, 19.33), Education, the formation of self, cannot be conceived of except through use of a model ; the proper model, however, proves to be one’s own soul, which possesses the capacity to distinguish the true (and thus in some sense contains « truth »). To imitate something not oneself, on the other hand, is to become « adumbratus », to be a shadow, a resemblance of some other thing. If that thing itself is already a resemblance, one is far indeed from Truth. This philosophical, essentially Platonic critique of imitative art was one form taken by Augustine’s reevaluation of literature ; another can be found in De ordine, which revisits the problem of the imitation and status of literary works. After the Soliloquies, we might be surprised to find that in De ordine there is at least one kind of poetry which Augustine finds acceptable — and potentially more than that. There are other differences as well between the two dialogues. Set in the villa at Cassiciacum to which Augustine retreated after his conversion with a few friends and students, De ordine is primarily a discussion of providence in the created world, Although its position on art 6. Republic 396dff., 605dff. 7. Cont. Acad. M1, 5, 12; Il, 16, 35. THE CONVERSION OF VERGIL 51 generally echoes that of the Soliloquies, it does not so much analyze the flaws of representational art as illustrate them ; Augustine’s handling of poetic texts in this dialogue foreshadows his use of them in the Confessions. Literature enters the dialogue through the figure of Licentius, one of Augustine’s students at the villa. He is obsessed with poetry, while Augustine is distressed by his charge’s lack of interest in the more soul-beneficial study of philo- sophy. Hearing Licentius rapping on his bed one night to scare away mice, Augustine tries to engage him in a conversation about order, which Licentius says be believes governs all things (De ordine I, 3.6, 8). Licentius unwisely states that he wants to think about a poem instead. This arouses Augustine to rebuke : — « Hie ego nonnihil metuens ne studio poeticae penitus provolutus a philosophia longe raperetur : Inritor, inquam, abs te versus istos tuos omni metrorum genere cantando et ululando insectari, qui inter te atque veritatem immaniorem murum quam inter amantes tuos conantur erigere ; nam in se illi vel inolita rimula respirabant. Pyra- mum enim ille tum canere instituerat. »— (Here I, fearing somewhat that his deep involvement in poetry might carry him far away from philosophy, said, « I am annoyed with you for insisting on chanting and crooning these verses of yours, in every kind of meter, which work to build a more impenetrable wall between you and truth than that which stood between your lovers » (for he had begun to sing about Pyramus). « They at least whispered to each other through a little crack ») (De ordine I, 3, 8). To this, a chastened Licentius eventually responds : « Quod cum severiore quam putabat voce dixissem, subticuit aliquantum.., Tum ille : Egomet meo indicio quasi sorex, inquit, non dictum est commodius apud Terentium quam nunc dici a me de me potest ; sed sane illud ultimum fortasse in contrarium vertetur ; quod enim ait ille, Hodie perii, ego forte hodie inveniar. » — (Since I had spoken in a more severe tone than he expec- ted, he was silent for a little while... Then he said, «‘ Like the mouse, I’ve betrayed myself’, was not said more appropriately in Terence than it may be by me right now about myself. But the conclusion may perhaps be turned around, for he says, ‘ Today Iam destroyed’; I, today, may perhaps be found ») (De ordine I, 3, 9%). This little exchange is considerably more complicated than it seems, and is making serious points about the relationship of literature and life. Licentius’ response is not only penitent but extremely clever — and clever in the best way: it reveals that he has learned an important lesson. The line from Terence seems to have been first thought of simply as a witty come-back to Augustine’s severity (« You’ve found me out ; I’m lost »). Augustine’s critical handling of the story of Pyramus and Thisbe, however, has suggested another possibility for meaning in literary references. Both Pyramus and Thisbe and the line from Terence, if measured against real life, demonstrate Augustine’s point in the Soliloquies about the nature of figmenta: they prove half-true 8. The line is from Terence’s Eunuchus, 1024, Augustine has left out a word ; the original is « Egomet meo indicio miser quasi sorex. » 52 CAMILLE BENNETT and half-false. It is both to this failure of complete representation and the consequent dangers that Augustine’s comments about the fable of Pyramus point: the lover’s wall had some outlet ; Licentius’ may have none. Liken- ing the lovers and Licentius is not as arbitrary as it might seem, either, since Licentius’ «wall», his obsessive preoccupation, is love-poetry. Licentius acknowledges the correctness of Augustine’s handling of figmenta in observing that the line of poetry he had wanted to apply to his life was also half-true and half-false. But this is only part of the lesson. There was useful truth as well as falsehood in the fable: as long as Licentius was immured, like Pyramus and Thisbe, in love, he was, like the lovers, doomed to perish (as was, for that matter, the speaker of the line from the Eunuchus, who had ruined himself by pandering to a lover’s needs). The danger in poetry’s mixture of truth and falsehood was only alive while poetry was in the hands of an ignorant Licen- tius ; in the hands of the enlightened Augustine, poetry itself becomes the outlet —the fable is redeemed, but only by ‘being destroyed, by having its falseness exposed. This is the other half of the lesson, the proper Christian use of poetry. Augustine later suggests to Licentius that, if he still wants to write poetry, he could use the fable of Pyramus as an opportunity to castigate lust and praise the love of philosophy (De ordine I, 8, 24). Licentius’ illumination is more nuanced than a simple recognition that Augustine has been right and he wrong. For one thing, he discovers that he can imitate the real-life Augustine more successfully than he could his fictional models ; as the Soliloquies would have suggested, the fully existent is a better model than the half-so. As he imitates him, moreover, he perceives an order governing the whole series of events leading up to the exchange ; his new, correct reading of his experience, and the new love for philosophy that goes with it, is predicated upon seeing that it is part of a larger «text.» After having offered his analysis of « Egomet meo indicio quasi sorex... », Licentius goes on to say: «Nam si non contemnitis quod superstitiosi solent etiam de muribus augurari, si ego illum murem vel soricem, qui me tibi vigilantem detulit, strepitu meo commonui, si quid sapit redire in cubile suum secumque conquiescere, cur non ego ipse isto strepitu vocis tuae commonear philosophari potius quam cantare ? » — (For, if you do not scorn the portents that the superstitious find even in mice, if I warned that mouse (which announced my wakefulness to you) with my noise to return to its bed and be quiet, if it had any sense, why should I not be warned by the noise of your voice to Philosophize rather than make poetry 2) (De ordine I, 3, 9). Perceiving his experience as part of a larger text precludes any merely arbitrary interpretation of it; his reading has to be subject to the already established meaning of the super-text. (This in fact has to be true for there to be « right » and « wrong » readings at all.). As he explains it to Augustine, nothing that has happened was fortuitous : even the original mouse that he was scaring off was part of the plan — one could « augur » from it. If he had not frightened it off, Augustine never would have frightened him so effectively off poetry ; thus THE CONVERSION OF VERGIL 53 the disappearance of the murem (mouse) was the prelude to the destruction of the murum (wall). The pun is more than a little joke: it expresses his feeling of the inexorable order governing the sequence of events, events whose parallels are yet another sign of their order. And having seen this order, he naturally loves it— and therefore philosophy. Finally, a joyful Augustine concludes the discussion with a final demonstra- tion of how pagan literature can be reappropriated for the service of truth — a prayer to truth. Conflating three passages from the Aeneid which contain prayers to Apollo, he weaves together quotation and criticism : « Sic Pater ille deus faciat, sic altus Apollo perducet enim ipse, si sequimur, quo nos ire iubet atque ubi ponere sedem, qui dat modo augurium nostrisque inlabitur animis. Nec enim altus Apollo est, qui in spelun- cis in montibus in nemoribus, nidore thuris pecudumque calamitate concitatus implet insanos, sed alius profecto est, alius ille altus veridicus atque ipsa — quid enim verbis ambiam ? — Veritas, cuius vates sunt quicumque possunt sapientes. Ergo adgredie- mur, Licenti, freti pietate cultores vestigiis nostris ignem perniciosum fumosarum cupiditatum opprimanus. » —(Thus may God the father bring it to pass, thus high Apollo — for he will lead, if we follow, to where he orders us to go and to make our home, he who now gives the signs and penetrates our minds. For he is not « lofty Apollo », who in caves, mountains, groves, roused by the odor of incense and the sacrifice of cattle, inspires the crazed, but this is another indeed, this lofty truth-speaker and (why this circumlocution ?) Truth itself, whose prophets are all who can be wise. So let us advance, Licentius, as worshippers trusting to piety, and press out with ‘our steps the pernicious smoky fire of lust.) (De ordine I, 4, 10)! Again, truth and falsehood are intertwined in the poet. There is no father of the gods, but there is a God the father, and wrong though Vergil was to think that Apollo was altus, there is one to whom the word can be rightly applied!!, Even the primitive ritual of fire-walking in the god’s honor (Aen. XI, 787-8) is reinterpreted as the symbolic action of repressing lustful desires! Augustine is willing to go to considerable lengths to recover poetry for truth’. 9. The need to make this pun accounts for Licentius’ introduction of an extra word for mouse here — mus in addition to sorex, already in use. 10, The lines from the Aeneid alluded to are, in order, X, 875; III, 88-9; XI, 787-8. I follow the suggestion of Jean Doignon in reinstating the second half of Aen. X, 875 («sic altus Apollo »), which the CSEL edition omits (Doignon, « Problémes textuels et modéles littéraires dans le livre I du De ordine de saint Augustin », Revue des études augustiniennes 24 (1978), 79-82). 11, Editions of De ordine sometimes represent Augustine as quoting X, 875 unchanged from Vergil (« Sic Pater ille deum faciat... ») ; it is important to note that Augustine altered it in order to make it theologically correct (Hagendahl, I, 361). 12, Hagendahl’s comments on this passage are badly off the mark. He describes Augus- tine’s use of quotations from the Aeneid here as « [giving] expression to his own religious feeling in terms derived from them », and concludes, « At the date of De ordine, i.e. on the eve of his baptism, [Augustine] was evidently still a long way off from Christian exclusiveness... 1 must express my agreement with those who assert the opinion that there was a transitional period 54 CAMILLE BENNETT As is later true in the Confessions, such corrective criticism is not always so deliberately marked, however. Even when Augustine appears to quote the Aeneid « straight » — as in his use of Aeneid VII, 586, « Ille velut pelagi rupes immota resistit » — (« He stands unmoved, like a rock against the sea ») — he is deliberately and pointedly applying the line to another kind of subject than its author did. For Vergil, the subject was King Latinus ; for Augustine, it is the sapiens : « De solo enim sapiente verissime dici potest » — (« This can be truly said only of the wise ») (De ordine II, 20, 54 ; emphasis mine). Augustine, the Christian, is better able to find the truth of this line than its creator ; the text has a truth-content free of Vergil’s intention. In fact, Latinus was not immo- vable like a rock —he was obliged to give way in the end; the sapiens, we presume, never does!*, De ordine contributes yet one more point to Augustine’s discussion of art, and it is another point that will link it to the Confessions. Literature does not by its nature have to be partly untrue ; Licentius even manages to find one kind of pre-existing poetry of which Augustine can approve — psalms. After having discovered that his love of (pagan) poetry has mysteriously disappeared, Licen- tius finds something else to satisfy his desire to sing: he spends a day rather tiresomely if enthusiastically intoning, «Deus virtutum, converte nos, et ostende faciem tuam, et salvi erimus » — (« God of virtues, convert us, and show us your face, and we will be saved ») (De ordine I 8, 21-2; Ps. 80 (79), 3). This is indeed, as Augustine finally points out to him, one verse which is not undercut, but rather completely validated by his experience (De ordine I, 8, 23). By comparison with poetry written by pagan authors, poetry written by truth itself, by the author of the « super-text », obviously does not have to be revised by interpreters who know truth — in fact, it can even serve as a guide to the meaning of experience. True poetry conforms to one’s experience. It is also, therefore, that which can be uttered in the first-person, and is thus a very literal means of taking oneself as a model, an acting-out of ratio’s urging in the Soliloquies to «turn away from your shadow, return to yourself». The Confessions, of course, does the same. * ** after the baptism... and I think that the broad-minded attitude towards pagan piety shown in the passage discussed favours the belief in a certain eclecticism » (Il, 438). Hagendahl backs off from his first insight, here, that these lines constitute an example of « Vergil Christianized » (II, 437), for a less satisfactory analysis. Whatever the truth about the « cleanness » of Augustine's conversion, this passage from De ordine cannot support Hagendahl’s conclusion. First, it is quite clearly a continuation of the earlier discussion of literature and its mixture of truth and falsehood, and concludes that the only fully truthful reading of the lines from the Aeneid is the one that attributes them to God, not to Jupiter or Apollo. Whether or not this is an expression of a fully doctrinally-realized, Trinitarian theology, it is nevertheless exclusive ; this is not eclec- ticism (on the theological implications, see again Doignon, « Problémes », 81-2). 13. Cf. also Cont. Acad. II, 6, 13, where Augustine appropriates the figure of Proteus for a philosophical purpose. 14, Again, Hagendahl’s observations about this quotation of Vergil (in particular, that it is a «mark of reverence to the poet » [432]) seem to me misguided. THE CONVERSION OF VERGIL 35 Augustine’s first reference to the Aeneid in the Confessions is a complex account of a relation to a literary text. The young Augustine loved the poem ; with the perversity natural to fallen beings, he preferred its sad and violent fictions to the true but dull grammar of which it was constructed (Conf: I, 13, 22). To be sure, the entire educational system and its perpetuators privileged falsehood over truth in placing such a value on the story of this Aeneas whom they themselves would admit never existed (Conf. I, 13, 22). The little boy, however, did not care whether Aeneas ever lived or not ; once invited to do so by his teachers, he came to care more for the lives of Aeneas and Dido than for his own, confused his emotional life with theirs «...Tenere cogebar Aeneae nescio cuius errores oblitus errorum meorum et plorare Didonem mortuam, quia se occidit ab amore, cum interea me ipsum in his a te morien- tem, deus, vita mea, siccis oculis ferrem miserrimus. ... Si prohiberer ea legere, dolerem quia non legerem quod dolerem. » — (,.. 1 was forced to memorize the wanderings of a certain Aeneas, indifferent to my own, and to mourn the death of Dido, because she Killed herself on account of love, while I myself, dying in these things, was carried away from you with dry eyes, though most wretched. ... If I had been forbidden to read these things, I would have grieved, because I might not read what grieved me) (Conf. 1, 13, 20-1). His responses to the poem were both strange and self-estranged: it was strange not just that he should love something that caused so much pain, but also that he should find something to provoke emotion in these characters at all. Augustine makes a special point of the lack of natural relationship between Vergil’s characters and his childish reader self. The adventures of the Roman hero were « errores nescio cuius Aeneae » ; if he does not feel the need to emphasize his unlikeness to Dido in this way, it is because this needs no emphasis to be seen: his more passionate identification with Dido is the more inherently surprising. There is something curious indeed in the spectacle of the school-boy weeping over the death of a mature woman abandoned by her lover. If wrong in many ways, however, the boy’s reaction was nonetheless grounded in truth, an unconscious acknowledgement of his own desolate condition ; « Quid enim miserius misero non miserante se ipsum et flente Didonis mortem, quae fiebat amando Aenean, non flente autem mortem suam, quae fiebat non amando te, deus, lumen cordis mei et panis oris intus animae meae et virtus maritans mentem meam et sinum cogitationis meae ?_Non te amabam et fornicabar abs te et fornicanti sonabat undique : « euge, euge » ... Et haec non flebam et flebam Didonem extinctam ferroque extrema secutam, sequens ipse extrema condita tua relicto te et terra iens in terram...» —(What could be more wretched than a wretch not pitying himself and weeping the death of Dido, which came of loving Aeneas, yet not weeping his own death, which came of not loving you, God, light of my heart and bread of the inner mouth of my soul and virtue wedding my mind and bosom of my thought? I did not love you, and I fornicated away from you, and as I fornicated cheers rang out all around me... And I did not weep for these things, yet I wept for perished Dido, who was « dead, having sought death by the sword », myself following a deadly path, dust returning to dust, having abandoned you...) (Conf. I, 13, 21). 56 CAMILLE BENNETT There is something in the human condition itself which links the fictional queen and the real little boy ; Augustine’s response to the’ story of Dido required that his own condition be like hers. In weeping for Dido, he wept, unknowing, for himself. He, too, was deprived of the object of his love. Aeneas and Dido appealed because Augustine had his own errores and his own lovesickness'’, As the Soliloquies had observed, there is something true in all figmenta ; Augustine’s responses were to the truth of Vergil’s por- trayals of lovesickness and wanderings. If what a reader responded to in figmenta was the truth that they contained, how did they come to be so harmful? For Augustine is unequivocal about the bad effects: the result of reading Vergil was alienation from God ; he «fornicated away» from Him. The problem was again that fictions came compounded of falsehood as well as of truth, and the unenlightened reader ~ like Licentius in De ordine — had no way of distinguishing the two. From the perspective offered by the older, converted Augustine, we are made to see how inadequate the young Augustine was to discern the truth in what he read. It was not just that, in weeping for Dido, he was really weeping for himself parted from God, « virtus maritans mentem meam » (emphasis mine), but also that, in weeping, like Aeneas, for Dido, he unwittingly acknowledged himself to be not the abandoned but the abandoner, whose errores took him from his love. Aeneas wept for the dead Dido ; Augustine had no notion that he was dying'’. Having projected his emotions onto fictional others, their significance was lost to him. Moreover, if he was incapable of grasping the truth in what he read, he was equally incapable of perceiving the falsehood. The problem with Dido’s love was not simply that she lost its object, but that loss and death were the inevitable results of such love — her death came about indeed «amando Aenean» This phrase reflects 15. Fichter makes a similar point in saying of this passage: «The youthful Augustine engages the Aeneid mindlessly, ironically unaware of its relevance to his own condition... The inference we are to draw from the passage is not that Virgil should not be read but that he should not be read falsely » (Poets Historical, 42). This proves to be a similar point — and not the same one — as Fichter goes on to clarify what he believes that it would have been, according to Augustine, not to read the Aeneid falsely : it would have been to read it as « an account of a quest in which not just Aeneas but pre-Christian man could be thought to be engaged... The Aeneid represents a stage in the continuing unfolding of the .providential scheme » (46-7). Fichter’s central point is that the inadequacy and conflict in values of the Vergilian world indicate, for Augustine, the need for the Christian one (47ff). This is an important insight ; where I differ, as will become apparent, is with the implication that the correct reading of the Aeneid provides only a temporary, historically-conditioned truth (if there is such a thing). 16, Aen. VI, 455. Augustine also attributed the tears of Aen. IV, 449 (usually understood to be Dido's) to Aeneas (De civitate Def IX, 4). Such a teading was not unprecedented : Servius said of the line, «*Lacrimae inanes*, quia ‘mens immota manet’: et utrum ‘/inanes? quae Didoni nihil prosint? quidam tamen ‘ lacrimas inanes’ vel Aeneae, vel Didonis, vel Annae, vel omnium accipiunt » (Servius grammaticus, Jn Vergilii Carmina Commentarii, ed. Georg Thilo and Hermann Hagen (Hildesheim : Georg Olms, 1961 ; rpt. of 1881 Leipzig edi- tion), 1, 544). THE CONVERSION OF VERGIL 37 Augustine’s perception at the time of what the story was ; yet from our perspec- tive — that of the later Augustine — the irony in it is clear. The reader’s incapacity to tell truth and falsehood apart were disastrous too because fictions gave form to experience. Augustine’s discussion of his reac- tion to Vergil in Confessions I, 13 is part of a series of observations about the relation of language and experience which help illuminate this episode. Augus- tine describes the process of learning language itself as a process of learning to convey his already-existing desires to others through the ordered system of conventional signs’, Not just words themselves but also their order in sen- tences had to be learned before they could be used: thus language gave expression to desire, but desire in turn was reshaped by the conventions of language. These were pure conventions, inventions of society, but they were the medium of experience, for memory (as Augustine would show later, in Book X) depends on them"*, It is not fortuitous that a psalm, a literary text, is chosen as an example not only of the operation of memory, but also of the experience of time itself (Conf. XI, 28, 38). Ordered language, narrative, is essential to the creation of the sense of continuous existence, and therefore to the sense of self: Augustine can only infer what his babyhood was like from observing other babies, for he has no memory of the time before he learned to use language (Conf. I, 7, 12). What happens when inchoate desires are given form by immoral art is shown later in Book I through a scene from Terence’s Eunuchus. In the play, a young man disguised as a eunuch gains access to a brothel to be near the girl he desires. Later he tells a friend of his adventures : left alone with the girl, he had raped her, moved to it, he says, by gazing at a fresco depicting Jupiter’s rape of Danae. Augustine repeats his speech: «At quem deum !... Qui templa caeli summo sonitu concutit./Ego homuncio id non facerem? Ego vero illud feci ac libens » —(« But what a god! ... he who shakes the heavens with thunder. Might I, though just a man, not do that? Indeed I did, and willingly ») (Conf: I, 16, 26)'9. The simple moral of the story is that bad artistic examples move human beings to imitate them, with bad results: « Et vide, quemadmodum se concitat ad libidinem quasi caelesti magisterio » — (« And see how he incites himself to lust as if by heavenly authority »), Augus- tine remarks (Cony. I, 16, 26). When fables are the basic educational texts, the wholesome science of language is polluted by examples of moral perversity which corrupt young readers: «Ita vero non cognosceremus verba haec, imbrem aureum et gremium et fucum et templa caeli et alia verba, quae in co loco scripta sunt, nisi Terentius induceret nequam adulescentem proponentem sibi Iovem ad exemplum stupri » —(And would we never learn these words — golden mist and lap and deceit and heavens and the other words — 17. « Ita verba in variis sententiis locis suis posita et crebro audita quarum rerum signa essent paulatim colligebam measque iam voluntates edomito in eis signis ore per haec enuntiabam » (Conf. 1, 8, 13). 18. On language as convention, see De doctrina christiana I, 1, 2-1, 2, 3. 19. Augustine would use this example again in De civ. Il, 7; see Hagendahl I, 260-1. 58 CAMILLE BENNETT unless Terence had shown a wicked young man proposing Jupiter to himself as a model of wickedness ? ») (Conf. I, 16, 26). The scene from the Eunuchus is particularly suited to Augustine’s point because it shows that what the reader of Terence learns from Terence — just as the young man learned from the fresco — is not what imber or gremium (or their painted representations) signify ; these must be known already for the model to have its effect”, Rather, the reader or viewer learns a sequence in which these things may be arranged. The young man lusted after the girl, but had not thought of raping her until he saw the fresco ; inarticulated desire here found itself a form of expression‘. Augustine’s analysis of literature’s bad effects has two central points, then. Figmenta, first, can only have meaning if one identifies oneself with them. One will only do so, however, if what they represent — in particular, the emotions they depict — are already known ; these constitute the truth that art contains and which makes it effective. What begins as self-recognition and self-knowledge, however, inevitably ends as self-alienation, when the reader (or listener or viewer) identifies him- or herself with non-existent others, and more generally with the falsehoods of figmenta as well as their truths. If, Augustine said, he had been a student of the Psalms, he might have been able to recognize the « euge, euge » that he heard all around him, and which he took for desirable praise, for what it really was: the joy of the wicked in swallowing up another victim, the false praise the society of the unregenerate offers to its members instead of praising God (Conf. I, 13, 21). He needed an interpretative standard to separate truth and falsehood. Instead, he was obliged to imitate Vergil in school-exercices, which simply exacerbated the problem. What Augustine did naturally and unconsciously in his childish reading of Vergil was institutionalized in education. Little Augustine had to pretend to be Juno, and declaim a prose version of her tirade against Aeneas in Aeneid I: « Sed figmentorum poeticorum vestigia errantes sequi cogebamur.., et ille dicebat laudabilius, in quo pro dignitate adumbratae personae irae ac doloris similior affectus eminebat... » —(« But we were forced, straying, to follow the tracks of the fictions of poets...and that speech was most praised which excelled in its representation of the passions of anger and grief in conformity with the dignity of the person portrayed... ») (Conf. 1, 17, 27). Juno was an adumbrata persona — the phrase echoes the Soliloquies and its attack on the ontological deficiency of figmenta. At the same time, the passage both appropriates and corrects Vergil: Augustine and his school- 20. Cf. De magistro 10, 33-11, 37, where Augustine discussed this issue at length, and which contains an analysis of the signifying power of words in a Biblical story which resembles his treatment of the scene from Terence here. 21. Donatus had remarked on this in his commentary on the Eunuchus : IIT, 5, 36, 1 (584) (Aeli Donati quod fertur Commentum Terenti, ed. P. Wessner (Leipzig, 1902), 1, 395). 22. Cf. Ps. 70 (69), 1-3, and Augustine's Enarrationes in Psalmos 34, 2, 15 339, 26 ; 69, 5-6. THE CONVERSION OF VERGIL 59 mates were like the errant Trojans, sent on a false path by evil authority — yet not physically but spiritually, not sent by god but by schoolmasters. This strategy of appropriation and correction of Vergil is central to Augustine’s use of the Aeneid in the Confessions, as it was to the use of all poetry in De ordine ; here, however, the imitated Vergil is also used to drama- tize the distance between the old, false view of life and the new, accurate one. Moreover, the Confessions traces Augustine’s progress in becoming a correct reader — the reader who, as Augustine the bishop, can reinterpret Vergil. When Augustine moved to Carthage to pursue his studies, a new way of life became available to him. The educationally inculcated habit of imitation had made its impression: like Dido and Aeneas — and presumably more or less consciously so — Augustine had his Carthaginian excesses ; he longed for love, and, when wounded by it, was probably not surprised (Conf. III, 3, 5). The painful pleasures of love and the pleasure in plays about love that made him grieve are woven together in the account of his early days in Carthage: each nourished the other (Conf. III, 1, 1-3, 5). If Augustine had in part agreed with Terence’s defense of his art (for that is really what the little scene in the Eunu- chus is), this is his response to the playwright’s claim of harmlessness: plays about lovers might not corrupt in any simple way — no real innocent would be seduced by them — but they made the bad worse. Even more serious, condi- tioned by figmenta, Augustine could not understand the real meaning of what was happening to him. Wrapped up in the theatre and the enjoyment of loves like those in plays, he was really a sick and straying animal : «Quid autem mirum, cum infelix pecus aberrans a grege tuo et impatiens custodiae tuae turpi scabie foedarer? Et inde erant dolorum amores, non quibus altius penetrarer — non enim amabam talia perpeti, qualia spectare — sed quibus auditis et fictis tamquam in superficie raderer : quos tamen quasi ungues scalpentium fervidus tumor et tabes et sanies horrida consequebatur. » — (It was no wonder that I, an unhappy sheep straying from your flock and unwilling to suffer your care, became ill and foul with mange. And thence came the love of sad things — not that I was deeply wounded by them, for I did not wish to endure things like those I watched — but, when Theard and saw them, I was grazed, and then, from scratching, a rash and swelling and ugly pus followed) (Conf: UI, 2, 4). In this passage, a Vergilian phrase — « infelix pecus » — is immediately juxta- posed to a Biblical one — « aberrans a grege tuo”. » The Vergilian words are from the Eclogues, but the theme of sorrow and self-alienation through literature connects this to the discussion of Aeneid-reading in Book I. Embroiled in Carthaginian love, this is in fact Augustine-as-Dido once again, for Dido, in her love, was above all infelix, and, in one of the most famous similes of the poem, as infelix as a wounded and wandering animal* : 23. Bclogue Wl, 3; Ps. 119 (118), 176. 24, 1 take the phrase «Carthaginian love » from John V. Fleming, Reason and the Lover (Princeton, 1984), 92. 60 CAMILLE BENNETT « Uritur infelix Dido totaque vagatur / urbe furens, qualis coniecta cerva sagitta, / quam procul incautam nemora inter Cresia fixit / pastor agens telis liquitque volatile ferrum / nescius: ila fuga silvas saltusque peragrat / Dictaeos ; haeret lateri letalis harundo. » — (Unhappy Dido burns, and in her madness wanders the whole city, like a deer struck by an arrow which a shepherd, hunting with his weapons, has fixed from afar in her, in- cautious among the Cretan groves. She strays among the forests and woodlands of Dicte ; the lethal shaft clings to her side) (den. IV, 67-73%). Augustine summons the memory of this simile to juxtapose it to the Biblical image which tells the truth of the matter: in his wandering, he was not a deer but in fact a sheep strayed from the flock. It was a story, the tale of Aeneas’ sufferings, that had struck Dido to the heart (Aen. IV, 1-6) — her wound was fatal, but Augustine was only « grazed » by the sad stories he sought out ; he was sick and ill-at-ease, but not mortally hurt. Augustine works to correct Vergil’s portrayal of story-induced love-sickness at every turn. Infelix Dido is portrayed as a helpless victim, guilty chiefly of heedlessness ; Augustine’s wound was mild until he himself exacerbated it. Vergil’s image, moreover, has a certain morbid sensual elegance — « haeret lateri letalis harundo » ; the arrow clinging to Dido’s side is the liquid clinging kiss of death. Augustine, for his part, forces upon us the vileness of his love-life, choosing the ugliest words for the ugliest image, that of « tumor et tabes et sanies horrida », The itch and swelling of lust replace the clean arrow — and Vergil is even used against himself, for tabes is the form that fatal love takes in the part of Hades where Dido’s shade strays infelix even after death?®. Yet Dido’s fate would not be Augustine’s. The pastor who was indeed the source of his sufferings, as of Dido’s, was anything but nescius: he acted deliberately and out of love : «Et circumvolabat super me fidelis a longe misericordia tua. In quantas iniquitates distabui et sacrilega curiositate secutus sum... unde me yerberasti gravibus poenis, sed nihil ad culpam meam, o tu praegrandis misericordia mea, deus meus, refugium meum a terribilibus nocentibus, in quibus vagatus sum...» —(And your constant mercy encircled me from afar. I dissipated myself in many iniquities and followed an unholy curiosity... whence you lashed me with punishments that were harsh, but nothing compared to my fault, 0 you most powerful mercy of mine, my God, my refuge from the terrible dangers in which I wandered...) (Conf. Ill, 3, 5). The special horror of Vergil’s image lies in the pointlessness it suggests : Dido’s wanderings are aimless, her pain a product of forces which care nothing for her; she is trapped in another’s destiny. A sick and wandering sheep, however, has a flock to return to and a shepherd who cares for it ; this was infelicity with a purpose ; infelicity as a means towards felicity. The conver- ted Augustine, immersed in the text that spoke nothing but truth, could see that the Vergilian world was false — not only in its loves but also in its hopeless- 25, Dido is described as infelix in Aen. 1, 712, 749 ; IV, 450, 529, 596 ; V, 3, and VI, 456. 26, « Hic quos durus amor crudeli tabe peredit / secreti celant calles... / inter quas Phoenissa recens a vulnere Dido / errabat silva in magna » (den. VI, 442-3, 450-1). THE CONVERSION OF VERGIL 61 ness. Providence, not fate, directed both his life and those of others”. The wounding was not wounding at all, but healing. The very meaning of the word infelix is changed, reversed. If Carthaginian love proved unsatisfactory, sordid rather than grand, Vergi- lian heroism was equally disappointing. Augustine’s efforts to imitate litera- ture — according to his reading of it— could be absurd as well as bitter, though. Carthage could not satisfy the ambitions of the young rhetorician forever ; like a proper hero, he decided to leave Carthage for Rome. The gesture could hardly have lacked self-consciousness, and the older Augustine lets us taste the consciously epic flavor which the event had for his younger self in his description of it. Not only was he a latter-day Aeneas, escaping Carthage to seek his destiny in Rome, but he, too, had his Dido — his mother Monica, left weeping on the shore at dawn after he had deceived her: « Flavit ventus et implevit vela nostra et litus subtraxit aspectibus nostris, in quo mane illa insaniebat dolore et querellis et gemitu implebat aures tuas... » —(« The wind blew and filled our sails, and drew from our sight the shore on which she, early that morning, went wild with grief and filled your ears with reproaches and lamentations... » (Conf. V, 8, 15). Any reflections on this scene should be tempered be recognizing how deliberate a literary reference this is — and how deliberate a literary reenactment it was at the time. Augustine is making a point, and part of the point is to demonstrate the falseness of his self- conception as Vergilian hero through the absurdity of this juxtaposition. Aeneas had fled his mistress, the enraged queen of Carthage, on a divine mission to build an empire; Augustine sneaked away by night from his mother, in search of more docile students. The melodrama of the scene collapses abruptly at the end ; the pretended heroics die of their own silliness, and the incident becomes merely ordinary: «Et tamen post accusationem fallaciarum et crudelitatis meae conversa rursus ad deprecandum te pro me abiit ad solita, et ego Romam » —(« And nonetheless, after she had complained of my deception and cruelty, she returned to supplicating you on my behalf and went back home, while I went on to Rome ») (Conf. V, 8, 15). No suicide, no flaming pyre ; Monica, playing from a different script, goes home to pray. But merely to say that Augustine, lost in his love of fictive models, miscon- strued the meaning of his experience, is to fail to appreciate all the fine nuances of his error. Once again, he simultaneously thought that he was like a fictional person in a way that he was not, and failed to recognize the way in which he was. He thought that he was going from misery to felicitas, but in fact he was 21. Fichter explores this issue of the Confesstons’ critique of Vergilian values more thoroughly and very effectively (see espec. Poets Historical, 51-2). 28. I say this not just to urge putting any psychological speculation in its proper context, but also to reiterate the fact that Augustine’s allusions to the Aeneid, here as elsewhere, reflect not just literary modelling, but also a life shaped by imitation of the epic; discussions of this passage in particular tend to focus exclusively on its literary dimension (for instance, O'Meara, « Augustine the Artist », 259-60). 62 CAMILLE BENNETT going from vera miseria to falsa felicitas (Conf. V, 8, 14). Unlike Aeneas in this respect (at least unlike Aeneas according to Vergil), he was like him in another respect of which he had no notion: he was divinely-directed : « Verum autem tu, spes mea et portio mea in terra viventium, ad mutandum ter- rarum locum pro salute animae meae et Carthagini stimulos, quibus inde avel- lerer, admovebas et Romae inlecebras, quibus adtraherer, proponebas mihi... » —(«Truly you, my hope and my portion in the land of the living, arranged goads for me by which I might be driven from Carthage, and attractions by which I might be drawn to Rome, so that I would change my land for the sake of my soul... ») (Conf. V, 8, 14). He was not mistaken in thinking that he was going towards felicitas — though he had a false idea of what that was — and, whether he knew it or not, he was going towards a patria. His journey to Rome was an image of the real journey from misery to happiness, and part of that journey. As the Soliloquies had said, the false was only so by strength of its resemblance to the true ; Augustine could not, again, have been mistaken about the meaning of his experience had there not been an accurate paradigm which fiction had both used and perverted in use. Even for the unconverted Augustine, moreover, this moment of very self- conscious identification with Aeneas was a moment of progress. It was progress because deliberate attempts to read one’s life in the terms of figmenta could only, as Licentius had discovered, reveal their inadequacies. Augustine arrived in Rome and promptly fell unheroically ill (Conf. V, 9, 16). It was also progress because looking for a patria was better than lolling around in Carthaginian beds — Vergil was simply right about that. What both Vergil and the younger Augustine erred in was their understanding of patria. Their mistake was, indeed, the Old Testament mistake: they took it for a physical, rather than a spiritual, place®. But to understand things physically was always wrong: « Non enim pedibus aut spatiis locorum itur abs te aut reditur ad te, aut vero filius ille tuus minor equos vel currus vel naves quaesivit aut avolavit pinna visibili aut moto poplite iter egit...: in affectu ergo libidinoso, id... est longe a vultu tuo » — (« We do not go from you or return to you by foot or in any physical space, nor did that younger son of yours obtain horses or chariots or ships, nor did he fly away on visible wings or make his journey by moving his knees at all...: to be in lustful passion, this... is to be far from your face ») (Conf. I, 18, 28). All of the vehicles of epic and myth — chariots, ships, horses, wings — in fact take one nowhere. Yet even had Augustine known that he was more the prodigal son than any version of Aeneas, he still would not have profited from the knowledge, for he would not have known how to read the text. Only when Ambrose finally showed him how to interpret the 29, Although there were of course important differences in pagan and Old Testament use of physical objects: De doct. III, 5, 9-6, 11. 30. On the significance of metaphors of place and space in the Confessions, see Georg Nicolaus Knauer, « Peregrinatio Animae : Zur Frage der Einheit der augustinischen Konfessio. nen », Hermes 85 (1957), 216-48. THE CONVERSION OF VERGIL 63 Scriptures figuratively did he begin to become a proper reader (Conf. V, 14, 24), One still could not learn to read correctly (and that meant morally) from Vergil, however. Compared to that of the Bible, however, the world of the Aeneid was more essentially carnal — many things in the Bible could be taken literally ; nothing in Vergil was literally true*?. This is a crucial difference, and Augustine dramatized it in the Confessions by showing the transformation of his mother Monica from a woman of carnal to a woman of spiritual love through juxtaposition, again, of the Aeneid and the Scriptures. This part of the story culminates in their mutual vision at Ostia, which is in fact a Christian rewriting of the meeting of Aeneas and Anchises in the underworld. But it could not occur until both were ready. There was a serious as well as an absurd point in the comparison of Monica to Dido in Confessions V. Like Augustine himself, like all whose love was in any degree « carnal », Monica is a Dido-figure, and her pain in her loss shows it. There was a truer model, though: Monica-as-Dido is supplanted by Monica-as-Eve: « Flebat et eiulabat atque illis cruciatibus arguebatur in ea reliquiarium Evae, cum gemitu quaerens quod cum gemitu pepererat » —(« She wept and cried out and by these signs of torment betrayed the remnants of Eve in her, seeking with groaning what she had brought forth with groans ») (Conf. V, 8, 15). Monica’s failure to conform to the Aeneid — accurate enough in its account of the fatal effects of love — shows that she is already closer to salva- tion than Dido. Dido curses Aeneas and his race in her dying prayers ; Monica prays for her son. However wrong Monica’s love, it is not destruc- tive. It will, moreover, be the instrument of her own transformation at the hands of Providence, for Monica’s care for her son turns her ever more to God (Conf. V, 8, 15). What in fact dies on the shore of Africa is Monica’s Dido-self. When next we see her, she is a different character, a woman of pietas: «Iam venerat ad me mater pietate fortis, terra marique me sequens et in periculis omnibus de te secura» —(« By now my mother, strong in her piety, had come to me, following me over land and sea and trusting in you in every danger ») (Con: VI, 1, 1). Even here — so an echo of the Aeneid alerts us — she has her Vergi- lian counterpart. The mother of Euryalus had followed her son to Italy ; yet he dies, and she reproaches him and begs for death, invoking pietas: « hoc mihi de te, / nate, refers? hoc sum terraque marique secuta ? / figite me, si qua est pietas, in me omnia tela/conicite, o Rutuli, me primam absumite ferro ; /aut tu, magne pater divum, miserere, tuoque /invisum hoc detrude caput sub Tartara telo... » —(« Is this all you bring back to me, son? _Is it for this that I followed you over land and sea? Pierce me, transfix me with all your weapons, Rutulians, if there be any mercy ; let me be the first you 31. This issue is discussed at length in De doct. Ill, 5, 9ff. 32. De doct. Ul, 6, 8; Conf: 1, 13, 22.

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