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Revue des Etudes Augustiniennes 33 (1987) 3-22 Les images de l’au-dela durant l’antiquité chrétienne* Rien de plus banal que I’expression « images de I’au-dela » dont le sens, de prime abord, parait obvie. En fait, dés qu’on prétend en faire l’analyse, on s’apercoit que le sens du mot « image » est singuliérement ambigu et doit faire Pobjet dune enquéte préalable permettant d’en cerner les contours. L’image, ce peut étre la représentation d’un objet ou d’une situation par les arts plastiques : image de l’au-dela se réduirait alors a ’iconographie de ’au- dela. Nous éliminerons d’emblée cette interprétation trop restrictive, ou plutét nous intégrerons dans une perspective plus large. L’image, ce peut étre aussi l’image du miroir, c’est-a-dire la reproduction exacte d’un étre ou d’un objet réels. L’image de P’au-dela serait alors la descrip- tion ou la représentation, qui se voudrait objective, d’un au-dela existant réelle- ment selon les modalités décrites, avec une géographie de l’espace, des habi- tants — anges ou démons, élus ou damnés —, des supplices et des délices, L'image, enfin, au lieu d’étre reproduction, peut désigner ce qui en est au fond la négation : la métaphore, la comparaison, le symbole, au sens oi! l’on dit que eau qui s’écoule est image du temps qui fuit. Dans ce cas, Pimage a partie liée avec l’imaginaire. Cette ambiguité de Pimage n’est pas seulement affaire de vocabulaire. Elle est signe d'une ambiguité véritable, tenant a sa nature méme, et dont il faut prendre conscience a défaut de pouvoir l’évacuer. L’image, quelle soit icono- graphique ou littéraire, est-elle pur symbole pour celui qui la orée ou Putilise, ou bien prétend-elle refléter la réalité ? Une image communément utilisée A une poque donnée n’est-elle pas symbole pour !’un, reflet d’une réalité pour l’autre, et parfois l’un e¢ l'autre pour le méme individu, 4 des niveaux de conscience différents ? C’est 14 une des difficultés majeures de cette enquéte, qui plonge dans les mentalités conscientes et inconscientes, * Le théme de cet article a fait objet d'un rapport présenté au 16* Congrés international des Sciences historiques (tenu a Stuttgart, RFA), le 9 aoiit 1985, dans le cadre de la CIHEC (Commission d'Histoire ecclésiastique comparée), 4 NANCY GAUTHIER Il faut aussi définir ce que l’on entend par « au-dela ». Le terme s’oppose a «ici-bas ». En ce sens, toute manifestation transnaturelle vient de ’au-dela, et il faudrait étudier l'image que |’on s’est faite de Dieu, des anges et des démons, les visions et réves de toute nature, les apparitions de revenants : problématique immense ou notre réflexion risquerait de se perdre dans les sables. Je me limiterai donc 4 Pau-dela congu comme le ou les séjours post-mortem. Je ne m’appesantirai pas sur la question pourtant importante pour notre propos: comment accéde-t-on 4 la connaissance de ce monde par définition inaccessible aux vivants ? On remarquera seulement chemin faisant que telle image de l’au- dela se fonde sur l’autorité d’un verset scripturaire, que telle autre se donne pour une vision révélée en réve, qu’une troisiéme est due a l’indiscrétion d’un revenant : les cheminements sont multiples et se combinent d’ailleurs entre eux pour se renforcer mutuellement. Aux origines chrétiennes, une image de |’au-deld résolument optimiste Il est temps d’aborder le domaine spécifique de I’Antiquité chrétienne. La caractéristique essentielle qui fait Voriginalité de cette période par rapport 4 celles qui ont suivie a été dégagée depuis longtemps et il suffira de la rappeler briévement avant de faire porter l’essentiel de notre attention sur la probléma- tique actuelle de la recherche. Le trait fondamental qui donne 4 toute I’Antiquité chrétienne sa coloration propre, c’est la certitude optimiste du salut, confiance d’autant plus tranquille qu’on est plus proche des origines, Jésus est venu apporter le salut, il suffit de croire en lui et d’étre baptisé pour étre sauvé. Toute la théologie baptismale du Nouveau Testament repose sur cette conviction, méme si l’éventualité d’une rechute dans la mort du péché n’est jamais écartée. Paul est l’interpréte de la pensée générale lorsqu’il s’écrie : « Oui, nous sommes pleins de confiance et nous préférons quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer auprés du Seigneur! ». Cette assurance éclate dans les actes des martyrs. Le vieil évéque de Smyrne Polycarpe, brilé vif entre 160 et 180, n’a pas une pensée pour le démon qui pourrait le tenter au dernier moment. Il est sir de lui parce qu’il est sir de Dieu. «Comme on allait le clouer sur le bicher, il dit : ‘ Laissez-moi ainsi. Celui qui me donne la force de supporter le feu me donnera aussi, méme sans la protection de vos clous, de rester immobile sur le bicher ’* ». Au cours de la persécution africaine de 203, les paiens raillent les cris de douleur de Félicité accouchant dans la prison et mettent en doute sa capacité a affronter le martyre si c’est 1 tout son courage. Mais la jeune femme répond sans s’émouvoir : « En ce moment, c’est moi qui souffre ; au moment du martyre, c’est un autre qui souffrira en moi? ». 1. Co 5, 8 2, Martyre de Polycarpe, 13, 3 (SC 10, p. 227). 3. Passio sanctarum Perpetuae et Felicitatis, 15, éd. CIMI Van Beek (Nimégue 1936), p. 36-38, LES IMAGES DE L’AU-DELA 5 En conséquence, la liturgie de la mort est une liturgie de la joie: priéres @actions de grace, cierges allumés, etc. Le natalis que on commémore est le jour de la naissance a la vraie vie qui est celle de l’au-dela. Les inscriptions funéraires reflétent massivement cette tranquille assurance : pausat in pace, dormit in pace ; « personne ne doute que son ame a gagné le ciel » ; « tu reposes désormais dans le sein d’Abraham, d’Isaac et de Jacob‘ ». On prie ses proches défunts, parce qu’on les croit déja auprés de Dieu, en position d’intercéder pour les leurs, plut6t qu’on ne prie pour eux, comme s’ils étaient en danger ou dans la souffrance’. D’ailleurs, dans les textes de l’époque apostolique comme dans les épitres pauliniennes, on emploie couramment l’expression « les saints » pour désigner la communauté des baptisés®. En somme, si les théologiens réservent une place au péché et a lenfer, ce n’est pas 1a ce qui retient [attention de la communauté chrétienne dans son ensemble. « Chacun de nous, note Origéne’, pense que, puisqu’il n’a pas commis d’idolatrie ni de fornication, ... il sera sauvé au sortir de cette vie. » Le baptéme, qui agrége au peuple des sauvés, éclipse la pénitence, réservée A quelques rares cas individuels. Ce n’est que progressivement que |’attention portée sur le salut collectif dont le Christ est l’auteur et le garant se déplacera vers les aléas qui subsistent pour chacun en fonction de ses mérites et de ses fautes personnelles. Cet optimisme a une conséquence majeure pour notre propos : dans l’art de l’Antiquité chrétienne, il y a une iconographie du paradis, il n’y a pas d’iconographie de !’enfer. Tout ceci est bien connu et je ne m’y attarderai pas. Est-ce a dire qu’on peut dresser un répertoire des images de l’au-dela, en mettant en face de chacune d’elles le sens qu’il convient de lui attribuer et la place qu’il faut lui assigner dans la représentation de l’au-dela ? On s’y est essayé pour quelques images dont l’importance était évidente, comme celles du berger, de l’orante® ou du banquet’. Force est de constater qu’aprés avoir fait appel a tous les documents, 4. E. Dien, Inscriptiones Latinae Christianae Veteres* (Berlin 1961), n° 3419 et 1729. 5. Ibid., n? 2315 ; « Tanuaria, bene reftigera et roga pro nos », Curieusement, l'une de ces con- ceptions n’exclut pas forcément l'autre, comme on peut le voir par l'inscription de Pektorios trouvée & Autun, qui se termine ainsi : « Je t’en conjure, que ma mére ... repose en paix, Aschan- dius, pére bien-aimé de mon cozur, avec ma tendre mére et mes fréres,... souviens-toi de Pekto- rios » (E, Le BLANt, Inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieures au VII siécle, Paris 1856, n° 4; cf, M. Guarpucct, Nuove osservazioni sull’iscrizione eucaristica di Pektorios, dans Atti della Pontificia Accademia Romana di Archeologia (serie III), Rendiconti 23-24, 1947-1949, p. 243-252), 6. Cette acception se trouve encore dans Vnscription de Pektorios citée ci-dessus. 7. Homélies sur Jérémie, 20, 3, GCS 6 (Origenes Werke, 3), p. 180. 8. Voir en particulier Th. KuauseR, Jahrbuch : Antike u. Christentum, 1, 1958, p. 20-50 ; 3, 1960, p. 112-133; 5, 1962, p. 113-124; 7, 1964, p. 67-76 ; 8-9, 1965-1966, p. 126-170; 10, 1967, p. 82-120; W.N. SCHUMACHER, Hirt und « Guter Hirt » (Rome-Vienne 1977). 9. Voir en particulier A.M. ScHNEIDER, Reftigerlum. I, Nach litterarischen Quellen und Inschriften (Fribourg 1928); A.STuIBER, Refrigerium interim, die Vorstellungen vom Zwischenzustand und die frithchristliche Grabeskunst (Bonn 1957), avec le compte rendu criti- que de L. de Bruyne dans la Rivista di Archeologia cristiana, 34, 1958, p. 87-118 ; A. PARROT, 6 NANCY GAUTHIER échangé tous les arguments possibles et imaginables, on n’est pas arrivé 4 se mettre d’accord, Le renouveau est venu d’un changement de méthode. Au lieu de s*hypnotiser sur tel ou tel théme particulier, on prend aujourd’hui du recul et Yon s’appuie sur les avancées générales acquises dans l'étude de |’Antiquité pour mettre la problématique des images chrétiennes de l’au-dela dans de nouvelles perspectives. De la spécificité du fait chrétien a la notion d’Antiquité tardive Vétude du christianisme a longtemps été le domaine réservé des théologiens qui en faisaient une étude intemporelle : le Dictionnaire de Théologie catho- lique reproche volontiers 4 Origéne ou 4 Augustin de n’avoir pas tenu compte des décrets du concile de Trente! L’idée qu’il pit y avoir une histoire de la pensée chrétienne était en elle-méme suspecte et n’acquerra véritablement droit de cité, au moins dans l’Eglise catholique, qu’avec le Concile de Vatican IT. De leur cté, les universitaires, eux aussi dotés de solides ceilléres, ne se hasar- daient guére hors de la civilisation « classique ». Au-dela des Antonins n’étaient plus que décadence, barbarisation rapide, et en outre, en-dega de la haute culture et des réalisations de prestige n’était que rusticité elle aussi barbare et indigne d’étre étudiée. Les premiers a s’aventurer, au cours de la deuxiéme moitié du xIx° siécle et au début du xx®, dans le domaine inexploré de |’ Antiquité chrétienne découvri- rent que les basiliques chrétiennes ne ressemblaient pas aux temples augustéens ni les peintures des catacombes aux fresques de Pompéi et que Jean Chrysos- tome n’écrivait pas comme Platon. De 1a @ conclure que les chrétiens avaient inventé de nouveaux modes de pensée, une nouvelle architecture, un nouveau style pictural, il n’y avait qu’un pas, que l’on franchit allégrement sans s’en rendre compte, et ainsi nacquirent « l’archéologie chrétienne » ou « la littérature chrétienne » congues comme disciplines autonomes. Ce tableau A peine caricatural est bien dépassé aujourd’hui. Depuis long- temps, des pionniers comme Franz Cumont dans le domaine religieux'®, André Grabar dans celui de ’art"!, Henri-Irénée Marrou dans celui de Ia culture’, ont fait découvrir tout ce que les chrétiens partageaient avec leurs contemporains paiens. La vieille Sorbonne elle-méme a fini par créer des chaires de grec et de latin post-classiques dans les années soixante. On s’est alors apergu que ce que Pon avait pris pour une opposition entre paiens et chrétiens n’était souvent Le Refrigerium dans Vau-deld (Paris 1937) ; E. JASTREBOWSKA, Les scénes de banquet dans les peintures et sculptures chréttennes des IIF et IV¥ siécles, dans Recherches augustiniennes, 14, 1979, p. 1-90. 10, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains (Paris 1942 ; réimpr. anast. 1966) ; Lux perpetua (Paris 1949) ; After-Life in Roman Paganism (New-York, 1959). 11, Martyrium (Paris 1946) ; Le premier art chrétien (Paris 1966) ; Les voies de la création en iconographie chrétienne (Paris 1979). 12, Saint Augustin et la fin de la culture antique (Paris 1938, rééd. avec Retractatio, 1958) et Mousikos aner (Grenoble 1938). LES IMAGES DE L'AU-DELA 7 qu’une opposition entre Haut et Bas-Empire, qu’il y avait une unité de |’ Anti- quité tardive a l’intérieur de laquelle il fallait redéfinir la spécificité chrétienne. La conception chrétienne de l’au-dela a regu un éclairage singuliérement suggestif lorsqu’elle fut replacée au sein de la « nouvelle religiosité » qui touche des cercles de plus en plus larges de la population au cours de l’Empire. Cette assurance que T’initiation est gage de salut pour l’au-dela, on la trouve dans tous les cultes orientaux. Celui qui a regu le baptéme de sang du taurobole phrygien se proclame, lui aussi, renatus in aeternum, né 4 nouveau pour |’éter- nité!3, Et dans le bel éloge funébre que Paulina adresse 4 son mari Agorius Praetextatus, elle exprime une confiance dans l’au-dela que ne renierait pas une chrétienne : « C’est toi, mon époux, qui, par le bienfait de la Connaissance, m’arraches, pure et sainte, 4 la mortelle destinée... Peusse été heureuse si les dieux m’avaient accordé que mon mari me survéciit ; je le suis pourtant, car je suis tienne comme je le fus et comme je le serai bientét aprés ma mort!* ». Les chrétiens de ce temps partagent avec un grand nombre de leurs contemporains le sentiment que le bonheur éternel est lié a une communauté de foi, 4 une Révélation suivie d’une conversion et d’une initiation, plutét qu’a un décompte tatillon des bonnes et des mauvaises actions de chacun. En ce qui concerne le domaine des images, le christianisme primitif a large- ment puisé dans le stock disponible 4 son époque, et ceci pour deux raisons toutes simples : d’abord parce qu’il est impossible de ne pas étre de son temps et de son pays, ensuite parce que l’Ecriture, fondement de la nouvelle foi, était restée discréte dans sa description de l’au-dela. Voyons d’abord ce dernier point. Les fondements évangéliques des images de l'au-dela On a vite fait le décompte des textes exploitables pour se faire une idée de VPau-dela. C’est d’abord la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Le 16, 19-31) qui sera utilisée 4 satiété par les Péres de I’Eglise. Ils en déduisent qu’aprés la mort, les méchants sont en proie aux tourments des flammes et de la soif et que les bons sont emportés par les anges dans le sein d’Abraham, que le lieu de la félicité se trouve au-dessus de celui de la souffrance —le riche « léve les yeux » pour voir Abraham et Lazare —, enfin que ’abime qui sépare le ciel de V’enfer est infranchissable. Pour compléter cette représentation, on pouvait s’aider de quelques autres textes, dont les images n’étaient pas forcément cohérentes avec celles que suggérait la parabole. C’étaient les suivants : 13. CIL VI, $10. Cf. Apulée, initié isiaque: «Les mortels qui, parvenus au terme de existence, foulent le seuil oii finit la lumiére, et & la condition qu'on puisse sans crainte leur confier les augustes secrets de la religion, la puissance de la déesse les attire a elle, les falt renaitre en quelque sorte par Peffet de sa providence, et leur ouvre, en leur rendant la vie, une carriére nouyelle » (Métamorphoses, XI, 21). 14. CIL VI, 1779 = Dessau 1259, v. 22-23 et 39-41. 8 NANCY GAUTHIER — la description du Jugement dernier (M4125, 31-46), avec le Fils de Vhomme, « escorté de tous les anges », venant prendre place sur son tréne de gloire devant les nations rassemblées ; — la Transfiguration (Mf 17, 1-8), o8 la lumiére éblouissante, !a présence de Moise et d’Elie disparus depuis longtemps indiquent clairement une vision de Pau-dela ; — la parabole de l'ivraie (Mr 13, 36-43), qui oppose les méchants jetés dans «la fournaise ardente oui seront les pleurs et les grincements de dents » et les justes qui « resplendiront comme le soleil dans le Royaume du Pére » ; — le signe de Jonas (Mt 12, 40): « de méme en effet que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de méme le Fils de Lhomme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits » ; — la réponse aux Sadducéens (Mf 22, 30) : « a la résurrection, on ne prend ni femme ni mari mais on est comme des anges dans le ciel ». L’image de V’au-dela que suggéraient ces allusions n’était pas toujours contradictoire avec celle que proposait la tradition classique. Cohérence avec la tradition gréco-romaine Certes, Homére ne connait comme au-dela qu’un lugubre séjour of des ombres anémiées errent tristement dans la pénombre. Mais trés tét, des sectes mystiques, comme les Orphiques, ont proposé une image de l’au-dela ot les bons étaient récompensés et participaient 4 un festin perpétuel « dans les prairies sacrées et les bosquets de Perséphone’ », tandis que les méchants étaient punis par des tortures correspondant 4 la nature des crimes commis. Il y avait toute une littérature de «catabases », de descentes dans I’Hadés, qui décrivaient le paysage et le peuplement de ’au-dela, avec les fleuves de I’enfer, des monstres, des figures mythologiques. Pour décider du destin dans l’au-dela, il fallait un jugement, qui fut confié A Minos, Baque et Rhadamante!®, A cété des condamnés a perpétuité, il y avait place pour des condamnés a temps : les moindres coupables ne faisaient aux enfers qu’un séjour temporaire, avant de revenir sur terre pour une nouvelle incarnation!”. Chez les Romains, le texte-phare est I’Enéide de Virgile, qui décrit au livre VI la descente d’Enée aux enfers. Pour Virgile aussi, il y a une survie dans Vau-dela, conditionnée par I’existence ici-bas. Un certain nombre, morts préma- turément ou de mort violente, ou encore laissés sans sépulture, n’arrivent pas a franchir l’Achéron. Pour les autres, il y a deux lieux de séjour antithétiques. Les méchants sont mis 4 la torture dans un enfer entouré de flammes : c’est le Tartare, « qui s’ouvre en profondeur et s’étend sous I’Empire des ombres deux fois autant que le regard mesure d’espace dans le ciel jusqu’a l’Olympe 15. Lamelle orphique de Thurium, citée par F.Cumont, Lux perpetua, p. 246. 16. PLATON, Gorgias 523. 17. F, Cumont, Lux perpetua, p. 67-68. LES IMAGES DE L'AU-DELA 9 éthéré'® », Les bons, quant a eux, séjournent dans les Champs-Elysées, prairies tiantes baignées de lumiére’?. On pouvait donner a ces images une interprétation conforme a la nouvelle foi, et les chrétiens, dans leurs épitaphes, n’hésitent pas 4 évoquer le Tartare ou les Champs-Elysées”, sans d’ailleurs voir dans ces mots, surtout réservés aux inscriptions métriques, autre chose que des agréments de style. Lorsqu’ils ont voulu représenter ce séjour bienheureux dont l’Ecriture affirmait l’existence plus qu’elle ne le décrivait, ils n’ont vu aucun inconvénient 4 reprendre l’image traditionnelle de !’amoenus locus*!, un jardin fleuri et ombragé d’arbres ot Peau coule en abondance, « le lieu du rafraichissement, de la lumiére et de la paix», comme disent les textes liturgiques”, C’est le cadre habituel que les fresques des catacombes offrent aux défunts. Perpétue, révant du paradis, l’ima- gine comme « un jardin immense ». Dans le songe de son compagnon Saturus, c'est «un grand espace, pareil a un parc, avec des rosiers et toutes sortes de fleurs. La hauteur des arbres était celle de cyprés, leurs feuilles chantaient sans cesse” », A cété de cette image du parc fleuri —c’est le sens original du mot « paradis » —, les paiens en avaient une autre, toute différente. Sous l’influence des thiases dionysiaques, toute une tradition, surtout dans les cultes a mystéres, se représentait la vie des bienheureux comme un festin éternel. C’est ce qu’on voit, par exemple, dans la scéne de ’hypogée sabaziaque de Vibia ot la défunte est introduite dans I’au-dela par son ange psychopompe. Cette représentation du banquet a été, elle aussi, largement reprise dans l'art des catacombes (notamment a Saints-Pierre-et-Marcellin), ainsi que Pintroduction dans l’au- dela par un ange ou un saint protecteur (cf., par exemple, sainte Pétronille introduisant la défunte Veneranda sur une fresque de la catacombe de Domitilla). Enfin, les Pythagoriciens avaient introduit dans la pensée commune Vidée qu’a sa mort, l’dme du défunt migrait A travers les astres jusqu’a l’éther de 18, Enéide, V1, 577-579. 19, Ibid., 637-suiv. 20. Par exemple, sur une inscription de Tréves, « quem nec Tartarus furens-nec poena saeva nocebit » (N. Gaututer, Recueil des Inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieures & la Renaissance carolingienne, 1, Paris 1975, n° 170) ; sur une inscription de Venasque, « XII kal. Tunias Tenarias intravit Petrus fauces Averni» (HI. MARROU, dans les Mélanges Marcel Durry, Paris 1970, p. 143-150), « Elysium nemus » sur une inscription de Vienne (F. DESCOM- Bes, Recueil des Inscriptions chrétiennes de la Gaule, XV, Paris 1985, n° 50). 21. L'expression est dans Tertullien pour désigner le paradis : Ad Nationes, 1, 19, CSEL 20, 1 p91. 22. Cf. J. NrepiKa, L’évocation de l'au-deld dans la priére pour les morts (Louvain-Paris 1971). 23. Passio sanctarum Perpetuae et Felicitatis, 4, 8 et 11, 6, p. 14 et 29. Voir le commentaire du deuxiéme passage dans J. AMAT, Visions de l'au-deld, 1** partie, chap. 4, qui retient a juste titre 1a legon canebant (au lieu de cadebant). 10 NANCY GAUTHIER PEmpyrée lumineux. Cette conception, qui convenait bien a la situation élevée suggérée par la parabole du riche et de Lazare, fut aussi adoptée par les chrétiens, au point que les expressions telles que migravit ad astra, transcendit ad aethera™ sont parmi les plus banales de !’épigraphie chrétienne. Et les monuments funéraires sont souvent décorés de votites étoilées. Cependant, Pemprunt des chrétiens aux pythagoriciens, comme d’ailleurs celui des juifs et de la plupart des paiens de l’Epoque impériale, se limite a l’idée que le siége de la béatitude éternelle se situe au ciel, et non plus sous terre. Les subtilités de la doctrine pythagoricienne sur la préexistence des ames et les caractéristiques qu’elles acquiérent ou perdent en traversant les astres ne seront guére reprises que par Origéne. Emprunts au judaisme hellénistique et romain Tl est une autre source a laquelle les chrétiens ont puisé pour alimenter leur imagerie de I’au-dela, c’est celle du judaisme contemporain. Comme pour T’Antiquité tardive, ce n’est que depuis quelques décennies que des travaux importants ont mis en lumiére cette période du judaisme demeurée longtemps fort mal connue. Dans le judaisme ancien, le shéol était un lieu de séjour aussi morne que Y'Hadés d’Homére. Mais les influences orientales ou égyptiennes qui ont contribué a faire évoluer la mentalité grecque ont aussi pénétré le judaisme. A Pépoque hellénistique, les idées de résurrection universelle, de rémunération dans l’au-dela commencent 4 s’y faire jour’, sans toutefois rencontrer une adhésion unanime”, L’imagerie de P’au-dela est surtout développée dans un genre littéraire qui a connu une étonnante faveur tant chez les juifs que chez les chrétiens entre le m® siécle avant Jésus-Christ et le 1° siécle aprés : le genre apocalyptique. Dans les Apocalypses, toutes tendues vers des perspectives eschatologiques, les descriptions sont d’une précision sans pareille. Voici, a titre d’exemple, un passage extrait du Livre d’Hénoch, qui recueille et amalgame diverses tradi- tions qui circulaient aux u® et 1* siécles avant Jésus-Christ sous le nom de ce patriarche et qui a joui d’une grande popularité : « De la je me rendis en un autre lieu et (Uriel) me montra a |’Occident une grande et haute montagne et de durs rochers. II y avait la quatre cavités trés profondes, trés larges et trés lisses ; trois d’entre elles étaient sombres et une lumineuse ; au milieu se trouvait une source d’eau ; et je dis : ‘Comme ces cavités sont lisses et profondes et @un aspect sombre !’, A ce moment, Raphaél, un des saints anges, qui était avec moi, répondit et me dit : ‘Ces cavités sont faites pour qu’y soient les esprits des ames des 24, Voir Vindex dE. Dian, Inscriptiones Latinae christianae veteres’, Berlin 1961, Tl, p. 321, s.v. astra : innombrables occurrences du mot dans des expressions comme « astra tenent animam », « astra petens », « mens uidet astra », « fecit ad astra uiam », « gaudet in astris », etc. 25. Daniel, 12, 1-3 ; Sagesse, 3, 1-10; Livre d’Hénoch ; IV® Livre d’Esdras. 26. Les Sadducéens, en particulier, nient Ia résurrection, LES IMAGES DE L'AU-DELA i morts ; c'est pour cela qu’elles ont été créées, pour qu’y soient réunies toutes les ames des enfants des hommes. Et ces lieux ont été faits pour les y faire demeurer jusqu’au jour de leur jugement et jusqu’au temps qui leur a été fixe ; et ce long temps durera jusqu’au grand jugement qui sera rendu sur eux’. Je vis les esprits des enfants des hommes qui étaient morts, leur voix arrivait jusqu’au ciel et se plaignait. Alors j'interrogeai Raphaél, ange qui était avec moi, et je lui dis : “De qui est-il, cet esprit dont la voix arrive ainsi jusqu’au ciel et sc plaint ?’ Il me répondit et me parla en ces termes : ‘ Cet esprit est celui qui est sorti d’Abel que son frére Cain a tué, et il l’accuse jusqu’a ce que sa race soit anéantie sur la face de la terre et que sa race disparaisse de la race des hommes’. A ce moment, j'interrogeai son sujet et au sujet de toutes les autres cavités : * Pour- quoi sont-elles séparées l’une de l'autre ?” Tl me répondit en disant : ‘ Ces trois ont été faites pour séparer les autres esprits des morts, Celle-ci est séparée pour les esprits des justes, celle ou est la source d’eau lumi- neuse. Celle-ci a été créée pour étre celle des pécheurs lorsqu’ils meurent et qu’ils sont ensevelis dans la terre, et qu’un jugement n’a pas eu lieu sur eux dans leur vie. La sont mises @ part leurs mes pour le grand chatiment, jusqu’au grand jour du jugement, des ch&timents et des tourments des maudits pour I’éternité, pour qu’ait lieu la rétribution des esprits, La il les enchainera pour toujours. Celle-ci a été s¢parée pour les ames de ceux qui sollicitent, qui font connaitre leur perte, lorsqu’ils ont été tués dans les jours des pécheurs. Et elle a été créée pour les ames des hommes, de tous ceux qui ne seront pas purs mais pécheurs, impies et qui auront part avec les sans-loi. Mais leurs esprits, parce que ceux qui ont été opprimés ici-bas seront moins chatiés, ne seront pas punis au jour du jugement et ne seront pas ressuscités d'ici?” », On voit la précision et la complexité de cette géographie de |’au-dela. A cdté de variantes diverses, ces apocalypses ont généralement en commun de situer dans le ciel le séjour des élus, dans une demeure de lumiére et de gloire oi ils verront Dieu et le loueront éternellement. Quant aux pécheurs, ils iront en enfer, dans la géhenne de feu, oi ils subiront des tortures appropri¢es aux fautes commises ici-bas. Par exemple, les blasphémateurs seront pendus par la langue, les faux témoins auront du feu plein la bouche, les riches sans pitié pour le pauvre se rouleront en haillons sur des cailloux aigus et brilants, et ainsi de suite : c’est le tableau dantesque que brosse l’Apocalypse de Pierre, un écrit composé 4 Ja fin du 1 siécle ou au début du n™ par un juif d’Alexandrie conyerti au christianisme et ot confluent les traditions du Livre des Morts égyptien, des apocalypses juives et de l’eschatologie populaire grecque. Curieusement, cette littérature, dont les innombrables versions et traductions en copte, syriaque, latin, éthiopien, etc., attestent l’immense popularité, ne fut vraiment adoptée ni par le judaisme rabbinique ni par les Péres de l’Eglise. Mais le Nouveau Testament s’inscrit dans le courant apocalyptique” et par ce biais, certaines de ses représentations — le feu de l’enfer, le royaume du ciel, la 27, Livre d'Hénoch, 22, éd. F, Martin (Paris 1906), p. 58-62. 28. Hénoch, I, 9, est explicitement cité dans l’épitre de Jude, 14-15, Voir dans F. MARTIN, Le Livre d’Hénoch traduit sur le texte éthiopien (Paris 1906), p. cxmi-cxxn, la liste des paralléles textuels entre le Nouveau Testament et le Livre d’Hénoch. 12 NANCY GAUTHIER résurrection des corps a la fin des temps, le jour du jugement dernier — seront assurées d’une audience définitive”. Vers une réelle spécificité du christianisme L’enracinement du christianisme primitif dans son environnement juif et gréco-romain étant désormais largement pris en compte, il reste cependant a parachever l’ceuvre engagée en mettant en relief, au sein d’un christianisme qui tendrait 4 se diluer dans la civilisation ambiante, les points sur lesquels les chrétiens se distinguaient, ou auraient di se distinguer, de leurs contemporains non-chrétiens, Voici quelques pistes encore insuffisamment explorées. Vraies ou fausses « survivances paiennes » La premiére conduit a distinguer plus soigneusement ce qu’il est convenu d’appeler « survivance paienne » au sein du christianisme et ce qui est expres- sion culturelle commune aux paiens et aux chrétiens. Dans la culture des pre- miers siécles de notre ére, il n’y a pas une image de l’au-dela ; il y a, comme nous l’avons vu, tout un stock d’images disponibles pour se représenter |’au- dela. Chacun y puise en fonction de ses préférences. Certaines conviennent tout 4 fait pour apporter une illustration concréte et colorée au message de I’Evan- gile : il est normal que les chrétiens les adoptent et s’en servent. Pour prendre un exemple souvent étudié, les visions de Perpétue, on a glosé sur les préten- dues survivances paiennes qu’on y décelait en les expliquant par le fait que Perpétue, nouvelle convertie, n’avait pas encore répudié toutes les représenta- tions de son enfance™, Ainsi, on a souligné que son jeune frére défunt lui appa- raissait sous les traits traditionnels des visions paiennes : elle le voit sortir «dun lieu ténébreux, ..., brillant et assoiffé, en vétements sales et l’aspect livide ». Il porte encore sur le visage le cancer dont il est mort34. Certes, tout ceci est conforme a l’image qu’on se faisait de la malédiction qui pesait sur les morts prématurés, les adroi, condamnés A errer longuement avant de pouvoir trouver le repos aux enfers. Mais ce qu'il y a de véritablement « paien » la-dedans, c’est-a-dire d’incompatible avec le christianisme, c’est ’idée qu’un sort douloureux soit réservé 4 quelqu’un simplement parce qu’il a eu Je malheur de mourir trop tét ; c’est ’idée que combat déja Tertullien*? et qui sera répudiée par l’ensemble de la communauté chrétienne: qui insiste au contraire dans les épitaphes sur « l’innocence » des jeunes défunts. Dans le cas de Perpétue, rien ne permet de savoir si le malheur de son frére Dinocrate provient de sa mort prématurée —conception paienne — ou plutét du fait qu’il serait mort sans baptéme — conception chrétienne — car i] a les vétements souillés, le visage déformé — comme par le péché — et, grace a l’intercession de Perpétue, il aura 29. CL. K. Hrusy, L'influence des Apocalypses sur l'eschatologie judéo-chrétienne, dans L’Orient syrien, 11, 1966, p. 291-320. 30. Cf. J. AMAT, op. cit., p.85. 31. Passio sanctarum Perpetuae et Felicitatis, 7, p. 20. 32. De anima, 56-57. LES IMAGES DE L’AU-DELA 13 accés a une eau qui pourrait bien étre baptismale. Dans ce cas, Vinconscient de Perpétue a fabriqué des images 4 partir d’un stock culturel neutre et leur a donné un sens chrétien : c’est l'eau du baptéme qui étanche la soif du mort. On pourrait faire la méme démonstration pour l’iconographie. Les scénes de banquet sont paiennes si le bonheur perpétuel se confond avec une ivresse perpétuelle. Elles peuvent étre facilement christianisées si des pains et des pois- sons, rappelant le miracle de la multiplication des pains, en font un banquet eucharistique, comme c’est le cas sur certaines peintures des catacombes, et méme si le nouveau symbolisme ne transparait pas dans Piconographie. I! en est de méme pour toutes sortes d’autres images funéraires : saisons, paons, ancre ou port ou méme Eros et Psyché. En revanche, il y a bien d’authentiques survivances paiennes durant les pre- miers siécles du christianisme. Les plus frappantes touchent aux soins qui entourent la sépulture. Fr. Cumont déja avait souligné tout ce qu’il y a darchaique dans limage de l’au-dela véhiculée par les rites paiens des funérailles**, Le soin accordé au tombeau, les objets que l’on y dépose, les repas que l’on y fait sous-entendent implicitement que les morts continuent 4 vivre de quelque maniére dans leur sépulcre, alors méme que tous les esprits éclairés le nient absolument. Or ces rites funéraires ont subsisté intacts chez les chrétiens, ou ils se heurtaient pourtant 4 une condamnation explicite et formelle de Jésus. A celui qui lui demandait ’autorisation d’enterrer son pére, Jésus répondit en effet : « Suis-moi, et laisse les morts enterrer leurs morts » (Mt 8, 22). Malgré cela, absence ou la violation de sépulture provoque la méme angoisse chez les chrétiens que chez les paiens™, Au v* siécle encore, Augustin doit dépenser son éloquence pour rassurer ceux qui ont di abandonner les leurs sans sépulture lors du sac de Rome par Alaric: « Mais, disent-ils, dans cet entassement énorme de cadavres, des fidéles n’ont méme pas pu étre ense- velis ! » La résurrection finale, assure Augustin, n’en est pas compromise pour autant : « Toutes ces formalités — soins des funérailles, choix de la sépulture, pompe des obséques — sont pour la consolation des vivants plutét que pour le soulagement des morts* », On laisse au. défunt quelques objets familiers, bijoux, amulettes, ou bien cette poupée fixée sur le loculus d’une enfant dans la catacombe de Novatien. On a retrouvé en Afrique et ailleurs les salles a manger aménagées pour les banquets funéraires**. On a méme parfois retrouvé 33. Lux perpetua, p. 13-108. 34. Par exemple, sur une inscription tardive de Céme : « adiuro uus omnes, Christiani, et te, custude beati Iuliani, per Deo et per tremenda die indicii, ut hune sepulcrum nunquam ullo tempore uioletur, sed coseruetur usque ad finem mundi, ut posim sine impedimento in uita redire, cum uenerit qui iudicaturus est uiuos et mortuos » (E. Diext, op. cit, n° 3863 = CIL V, $418). 35. Civ Dei, 1, 12. 36. P-.A, FévRier, Culte et soctabilité, In Christo Deo pax et concordia sit convivio nos- tro», dans Cahiers archéologiques, 26, 1977, p. 29-45 ; Ip., Natale Petri de cathedra, dans Comptes rendus de I’Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, 1977, p. 514-531 ; L. Lescm, Fouilles d 14 NANCY GAUTHIER sur des tombes chiétiennes le trou percé pour verser a boire au mort dans son sépulcre?”. Crest en vain que les Péres de I’Bglise ont lutté contre ces pratiques pour des raisons a la fois théologiques et morales. Tertullien ironise sur ceux qui prétendent assurer la tranquillité des morts en leur portant des vivres alors que ces offrandes sont plutét destinées 4 eux-mémes et qu’ils reviennent ivres*® | Augustin, parmi bien d’autres, condamne « ces beuveries et ces ripailles dans les cimetiéres, par lesquels une foule jouisseuse et ignorante croit non seulement honorer les martyrs mais encore réconforter ‘les morts®? », ces chrétiens qui « boivent avec grand excés au-dessus des morts et qui servent des repas a des cadavres* », Rien n’y fit. Une novelle de Valentinien III datée de 447 constate encore tout en s’en étonnant: « Les Ames aiment !’endroit ot séjournent les corps qu’elles ont abandonnés et, pour je ne sais quelle raison secréte, se réjouissent de ’honneur rendu 4 leur sépulcre*! », Le choix chrétien Si Pon met a part ces survivances paiennes d’ailleurs nettement condamnées par les Péres de l’Eglise, il reste un répertoire d’images, soit plus ou moins archétypales comme I’ascension de |’ame, l’eau d’immortalité, la soif du mort, soit juives, soit gréco-romaines. On a analysé les images chrétiennes de Pau-dela, on a essayé de pénétrer leur signification : les. banquets des catacom- bes sont-ils simple représentation des banquets funéraires ? sont-ils la représen- tation de la derniére Céne ? sont-ils ’évocation du banquet céleste et, dans ce dernier cas, s’agit-il d’un symbole ou de l’idée qu’on se faisait de ce qui se passait effectivement dans l’au-dela ? On a étudié tout cela. Mais peut-étre ne s’est-on pas suffisamment interrogé sur le choix que les chrétiens ont opéré entre les images de I’au-dela qui étaient a leur disposition. Le sinistre Charon Tipasa, dans Etudes d’épigraphie, d’archéologie et d'histoire afticaines (Paris 1957), p. 337-388 ; X. BaRRAL, Mensae et repas funéraires dans les nécropoles d'époque chrétienne de la péninsule ibérique, dans Atti del IX Congresso internazionale di archeologia cristiana (Citta del Vaticano 1978), I, p. 49-69, 37. P.-A. Féveier, Deux inscriptions chrétiennes de Tébessa et Henchir Touta, dans Rivista di Archeologia cristiana, 42, 1966, p. 177-184 ; HI. MARROU, Survivances paiennes dans les rites funéraires des donatistes, dans Hommages d J. Bidez et Fr. Cumont (Bruxelles, .d.), I, p. 193-203 = Christiana tempora (Rome 1978), p. 225-237. Cf. les cruches et les coupes déposées dans ou a proximité des tombes, sur lesquelles P.-A. Février a attiré attention (La tombe chrétienne et Vau-deld, dans Le Temps chrétien de Ia fin de I'Antiquité au Moyen-Age, Paris 1984, p. 171-174). 38. TERTULLIEN, De testimonio animae, 39. 39. Auaustin, Ep. 22, 6, éd. M. Pellegrino, T. Alimonti (Rome 1969), I, p. 111. 40. Auoustin, De moribus ecclesiae catholicae, 34, 75, PL 32, col. 1342. 41, Ed. MoMMSEN-MEvER, Theodosiani libri XVI et leges novellae ad Theodosianum pertinentes, II, n° 23, p. 114. Cf. Pépisode de la Vie de saint Germain d’Auxerre (V* siécle) of des brigands qui « gisaient sans sépulture » tourmentaient les vivants parce qu'ils « ne pouvaient étre eux-mémes en repos » (CONSTANCE DE LYON, Vita S. Germani, 11, 10, Sources chrétiennes, 112, p. 138-143). LES IMAGES DE L’AU-DELA 15 avec son horrible barque n’a pas de postérité chrétienne. La croyance en la résurrection des corps fait abandonner toute l’imagerie de l’ombre sans consis- tance. En revanche, les craintes que l’on nourrissait sur le sort des morts prématurés, quoiqu’explicitement combattues, nous l’avons vu, par Tertullien, ren furent pas moins bient6t récupérées pour dépeindre le sort des personnes mortes sans baptéme : « L’Ame non illuminée et que n’a pas embellie la grace de la deuxiéme naissance, je ne sais si les anges la regoivent aprés sa séparation du corps. Comment feraient-ils pour celle qui n’a pas regu le sceau et ne porte aucun signe de propriété ? Il est vraisemblable qu’elle est emportée dans l’air, errante et vagabonde, et sans que personne la recherche puisqu’elle n’appartient a personne, Elle désire le repos et la demeure et ne les trouve pas ; elle pleure en vain et se repent inutilement*? », Dans la tradition gréco-romaine, la vie dans !’au-dela est un simple prolonge- ment de celle d’ici-bas ot chacun garde ses occupations favorites: guerre, chasse, sports, passion amoureuse, doctes conversations, banquets, car, nous dit Virgile, « ceux qui aimérent dans la vie leurs chars et leurs armes, ceux qui prirent plaisir a faire paitre des chevaux luisants conservent les mémes goiits descendus sous la terre » (Enéide, VI, 653-655). Il n’est pas jusqu’a l’esclave qui, si l’on en croit son épitaphe, ne se réjouisse de continuer 4 servir dans Yau-dela“. En privilégiant un petit nombre d’images, celles de Ja lumiére, du jardin, du banquet, les chrétiens en ont fait des images standard, valables pour tous, gommant ainsi dans leurs représentations de |’au-dela les différences sociales qui caractérisent ce monde-ci. C’est l’équivalent, dans le domaine de Vimage, de la disparition de la profession dans l’épigraphie funéraire (avec le méme nombre d’exceptions pour confirmer la régle), Il faut donc analyser les raisons, conscientes ou inconscientes, qui ont présidé au tri effectué par les chrétiens dans le répertoire d’images qui était a leur disposition. L’au-dela chrétien : un espace-temps Enfin, il y a une originalité chrétienne qu’on n’a pas, jusqu’ici, mise suffisam- ment en relief : c’est que l’au-dela chrétien est, si j’ose dire, de type einsteinien, c’est un espace-temps. La conception paienne de |’au-del est ou bien statique (ie sort de l’Ame est fixé une fois pour toutes) ou bien cyclique (I‘ame se réincarne au bout d’un certain temps); la conception chrétienne de l’au-dela inclut une histoire qui se déroule dans la durée. Et 4 chaque moment de cette histoire est lié un lieu spécifique, qui, selon les cas, est éternel ou seulement transitoire. Il y a les justes de l’Ancien Testament qui ne peuvent étre con- damnés quoique le paradis soit fermé avant la venue du Sauveur : il faut done un endroit pour les entreposer avant I’Incarnation. Il y a les Ames des chretiens morts qui attendent la résurrection de leurs corps 4 la fin des temps : on les 42, GrEGoIRE DE Nysse, Sermon sur ceux qui retardent le baptéme, PG 46, col. 424 B-C. Cf. J. DantéLou, L’étre et le temps chez Grégoire de Nysse (Leiden 1970), p. 207-208. 43. F, BUECHELER, Carmina latina epigraphica (Leipzig 1895-1897), n° 1186 : « In secessum numinis tandem ministerio infernae domus officiosus laetatur suo ». 16 NANCY GAUTHIER entreposera dans les astres ou dans le sein d’Abraham ou encore on leur fera subir un feu purgatoire dans un endroit mal déterminé. Il y a la scéne grandiose du jugement dernier qu’il faut placer quelque part. Tous ces lieux de séjour temporaire sont appelés A disparaitre le jour ot le temps sera aboli avec Vespace terrestre. Alors ne subsisteront plus que |’enfer en bas et le paradis en haut (au «ciel »). Une différenciation plus fine De toutes ces considérations, on peut conclure que la dialectique compara- tive paganisme/christianisme a encore de beaux jours devant elle. Il existe d'autres courants de la recherche actuelle qui, eux, concentrent leur enquéte sur le christianisme seul, en cherchant a y introduire des distinctions nécessaires en fonction du temps, du lieu, du niveau culturel, du tempérament de chacun. En fonction du temps Il n’y a pas une Antiquité chrétienne de quatre, cing ou six siécles (car il Teste encore a s’entendre sur sa durée). Aujourd’hui, pour chaque théme, on essaie d’établir une périodisation, de repérer les points de rupture, les périodes de stabilité. C’est d’ailleurs plus facile 4 dire qu’a faire car les documents archéologiques, iconographiques, voire liturgiques sont mal datés. On a tendance a dater une peinture par comparaison avec une autre dont, au fond, on ne connait pas mieux la date. Le sacramentaire gélasien donne I’état a Vinstant ¢ d’une liturgie qui a accumulé les strates au cours d’une déja longue histoire. Pour les images de !’au-dela, on pourrait tenter la périodisation suivante. — Au départ, il y a le refus de Jésus de décrire I’au-dela : « Philippe, qui me voit voit le Pére ». Les images qui illustrent la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare n’en constituent pas la pointe, qui est l’appel 4 la conversion. — Devant cette carence, le vide est comblé par les visions libres des apoca- lypses et des martyrs, cependant que les Péres apostoliques et les premiers théologiens, comme Ignace d’Antioche ou Irénée, s’en tiennent a l’assurance abstraite de Ja résurrection et & des considérations vagues sur la lumiére, la paix qui régneront dans le séjour des bienheureux et sur les ténébres, le feu qui seront le lot des damnés. Ceci correspondrait en gros aux deux premiers siécles. — Ensuite vient la période des curiosités. Curiosité des esprits cultivés : comment tenir compte de l’anthropologie et de la cosmologie que m’enseigne ma culture profane dans l’image de l’au-dela révélée par I’Ecriture ? Le systeme aventuré et complexe d’Origéne est I’exemple méme de la méthode et de ses résultats. Curiosité aussi du gros bon sens en méme temps que besoin de répondre aux objections perfides des paiens : « Et si un homme est mangé par un poisson qui, lui-méme, est mangé par un autre homme, quelle chair ressuscitera, celle du premier homme ou celle du second ? ». En réponse a ces curiosités plus ou moins bien venues viennent les tentatives pour canaliser les visions, élaborer une théologie sophistiquée rendant compte de tout, donner une LES IMAGES DE L’AU-DELA 17 explication directive des symboles. C’est la période des grands évéques des 1 et Ive siécles. — Enfin, la perspective de la parousie aussi bien que celle du martyre s’éloi- gnent. Le chrétien prend conscience de l’importance de ce qui se joue entre le baptéme et la mort : son péché peut annihiler le salut que lui avait apporté le baptéme. Son angoisse devant le jugement le pousse a peupler le ciel d’anges et de saints qui lui serviront d’intercesseurs. Cette tendance, perceptible dés le 1v¢ siécle, notamment dans l’iconographie, ne cesse de se développer aux v¢ et vit siécles. En fait, durant toute la période, le contenu dogmatique n’évolue guére, C’est la sensibilité qui change, déplagant l’accent de la puissance salvifique du baptéme vers lincertitude du jugement. En fonction du lieu La aussi, les documents auraient vite fait de nous induire en erreur car ils sont hétérogénes d’une région a |’autre : les installations funéraires de surface qui abondent en Afrique ont disparu 4 Rome“ ; les peintures des catacombes n’ont guére d’équivalent ailleurs. Cela dit, on soupgonne des variantes locales, qu’il faut d’ailleurs distinguer soigneusement d’une « berbérisation » ou d’une « germanisation » du christia- nisme. Elles tiennent a des traditions culturelles différentes, a l’influence exercée par une forte personnalité (qu’on pense 4 l'Afrique, qui connut successi- vement Tertullien, Cyprien et Augustin !), aux échanges qu'une Eglise entre- tient avec les autres, a mille facteurs difficiles 4 peser. La nature des documents dont on dispose fait que l’on discerne mieux ces variations régionales pour les coutumes funéraires (dépéts dans la tombe, formulaire épigraphique, orienta- tion et groupement des tombes) que pour les images de l’au-dela. Cependant, la classique opposition entre l’Orient carrefour des grandes cultures égyptienne, perse, juive, grecque et l’Occident plus fruste, entre l’Orient débordant d’imagi- nation et l’Occident plus pauvre en la matiére semble valable aussi pour les images de Pau-dela : aucune apocalypse n’a vu le jour en Occident. Bien au contraire, Tertullien conclut son traité Sur l’€me, ov il a pris soin de ne rien avancer qui ne soit dans I’Ecriture, par ces paroles sévéres : « Nous croyons avoir satisfait seulement a une curiosité légitime et nécessaire. Quant ala curio- sité exorbitante et oiseuse, la connaissance Iui fera d’autant plus défaut qu’elle poussera plus loin ses investigations ». Les différentes Eglises n’ont certainement pas évolué au méme rythme ni peut-étre avec les mémes médiations. 44, Remarque de P.-A. Février, qui ajoute: «Je ne crois pas qu'on puisse expliquer un monument de Rome ou d’ailleurs, par un texte d’Alexandrie ou d'Afrique » (Auti del IX’ Congr. intern, di Arch, cris. I, p.315). 18 NANCY GAUTHIER En fonction du niveau culturel Aprés la grande vogue de « la religion populaire », certains aujourd’hui n’y croient plus’. Du moins la question est-elle posée. Pour moi, j’y croirais volon- tiers, 4 condition de ne pas la réduire a la caricature qu’en fait P. Brown*®. On pourrait tenter les distinctions suivantes. — Les intellectuels se satisfont d’affirmations abstraites, de symboles ineffa- bles : lumiére, paix, vision de Dieu. Les autres veulent du concret, de véritables descriptions du sort qui les attend. — Les intellectuels poursuivent inlassablement la cohérence de leur pensée ; le commun des mortels peut fort bien faire cohabiter pacifiquement des schémes de pensée parfaitement contradictoires (le mort est d Ja fois dans sa tombe et dans les étoiles). — Dans cet espace-temps de |’au-dela que j’évoquais tout 4 l’heure, le théolo- gien a surtout besoin du temps, qui lui permettra d’intégrer dans un systéme harmonieux les différentes étapes de l’histoire du salut, aussi bien collectif (sort de ’humanité dans l’au-dela avant et aprés la venue du Sauveur) qu’individuel (avant et aprés le jugement). Pour chacun de ces moments, la sensibilité popu- laire a besoin d’imaginer des espaces, concrétement situés par rapport a notre monde et dotés d’une coloration et de caractéristiques appropriées*”. — Ce « langage de l’image » que les anthropologues étudient actuellement, qui le parle et qui l’entend le mieux ? Le christianisme simple et mystique des débuts semble s’y étre senti tout 4 fait a l’aise : il a préféré les images symboli- ques du salut, comme Noé dans l’arche, Daniel dans la fosse aux’ lions, les Hébreux dans la fournaise, 4 la représentation directe de l’ame au paradis, qui est plus tardive, et la résurrection de Lazare — un des thémes iconographiques les plus fréquents dans les catacombes et sur les sarcophages — 4 la peinture directe de la résurrection des morts qu’affectionnera le Moyen-Age. Les visions de Perpétue et de Saturus peuvent étre psychanalysées sans peine. Au contraire, 45. Cf. A. Momicuiano, Popular Religious Beliefs and Late Roman Historians, dans Studies in Church History, VIII (Cambridge 1971), p. 1-16 ; ID., Quinto contributo alla storia degli studi classict e det mondo classico (Rome 1975), p. 73-92. B.-A. FEVRIER, op. cit. p. 429-431 et 487. 46. Le culte des saints, p. 25-35. 47, Cf. la réticence significative de Grégoire de Nysse devant ces lieux de l’au-dela que certains voudraient lui imposer : « En parlant du passage de !'ame du visible a Pinvisible, je ne pensais pas faire allusion aux discussions sur I’Hadés. II n’est nullement nécessaire, en effet, que Pame incorporelle soit détenue dans des lieux matériels » (Sur I’ame et la résurrection, PG 46, col. 68 B-69 B), De méme, le gouffre qui sépare le riche de Lazare n’est pas spatial : « Il ne nait pas d'une béance de la terre mais il est créé par le jugement en cette vie... Celui qui a choisi une fois la volupté dans cette vie-ci, sans guérir par le repentir sa faute de volonté, rend inaccessible pour lui, aprés cela, le territoire des biens : cette contrainte infranchissable, il I’a créée lui-méme comme un abime béant et sans passage (ibid, col. 84 B. Trad. et commentaire de M, Alexandre, Liinterprétation de Lue 16, 19-31 — Lazare et le riche— chez Grégoire de Nysse, dans Epektasis, Paris 1972, p. 426-441). LES IMAGES DE L’AU-DELA 19 avec lintellectuel, le symbole se dégrade en comparaison, en figure : vouloir l’expliquer le tue. Ou encore — autre perversion — il se chosifie pour devenir une arme dans la polémique, pour fonctionner comme « preuve » : ce qui était vision onirique chez Perpétue —I’apparition de son frére mort— devient histoire de revenants chez Grégoire le Grand, ot la parole du témoin est garante d’authenticité. En fonction de la personnalité de chacun et de son style de vie Il est évident que Ja solitude, le manque de sommeil, la faim prédisposent les moines d’Egypte a avoir des visions venues de l’au-dela. Le prestige dont jouissait la culture auprés de la classe aristocratique qui commandait sarcopha- ges de marbre et décoration d’édifices explique que l’au-dela y soit souvent représenté sous forme de doctes entretiens entre le Christ et son troupeau ou symbolisé par le Christ enseignant ses disciples. Un anxieux comme Augustin est plus angoissé que beaucoup de ses contemporains par le jugement qui attend sa mére, pourtant bonne chrétienne, et les assauts éventuels du démon contre son ame (Confessions, IX, 13, 34-37). On pourrait multiplier les exemples 4 l’infini. On ne saurait donc trop insister sur une diversité des sources qu'il ne faut pas essayer de réduire a tout prix. Conclusions provisoires Ni les juifs ni les paiens n’avaient eu une vision homogéne de l’au-dela. Nul ne se préoccupait alors de définir une orthodoxie canonique qui s’imposerait 4 tous. Des images contradictoires coexistaient au sein d’une méme société et parfois d’une méme personne. De son cété, Jésus n’avait point imposé d’image pr de lau-dela. Ainsi s’explique la richesse foisonnante des premiers siécles, qui grapillent ga et la pour nourrir Pimaginaire chrétien: il y a un répertoire d’images disponibles et chacun, théologien, artiste, visionnaire, y puise librement les éléments nécessaires 4 sa vision personnelle de |’au-dela. A partir de ce foisonnement spontané, le christianisme opéra progressive- ment un choix de plus en plus directif d’ow s’est dégagée finalement une image normative. Cette image résulte en définitive de la rencontre et de la combinai- son de plusieurs types de contraintes hétérogénes. L’un résidait dans le contenu théologique impliqué par la prédication de Jésus : immortalité de lame, résur- rection des corps, responsabilité personnelle, jugement dernier, salut par le baptéme. Un autre résultait des idées qui prédominaient dans la culture générale de I’ Antiquité tardive : séjour des Ames dans les astres, lumiére, frai- cheur et verdure du paradis, tortures différenciées des damnés, banquet eschato- logique. Les chrétiens ont assimilé ces images, au besoin en faisant évoluer leur signification. Un dernier type de contraintes résidait dans l’évolution des besoins spirituels au fur et A mesure que les siécles passent. Lorsque le christia- nisme est devenu majoritaire, le baptéme a cessé d’étre un signe distinctif et la responsabilité personnelle dans la conduite de sa vie est devenue le critére majeur. Par ailleurs, avec la barbarisation consécutive aux grandes invasions 20 NANCY GAUTHIER germaniques, la société est devenue plus rude : pour maintenir les Ames dans le droit chemin, il fallait agiter fortement les menaces de l’enfer et du jour terrible du jugement. Pour la méme raison, ce qui était description symbolique au m1° siécle est pergu au vi’ ou au vil® comme description réaliste. C’est ainsi qu’on est arrivé 4 ce que sera l'image de l’au-dela au Moyen-Age. Nancy GAUTHIER Université de Roven BIBLIOGRAPHIE Il est évident qu'il ne saurait étre question, dans le cadre d’un simple article, d’envisager une bibliographic exhaustive sur un sujet aussi vaste. Indépendamment des études de détail dont cer- taines sont signalées dans les notes, on a rassemblé ci-dessous un certain nombre d’ouvrages et d’articles dont la lecture nous a paru susceptible de nourrir Ia réflexion, méme lorsqu’ils ne se sont pas proposés précisément l'examen d'un des aspects de notre sujet. M. ALEXANDRE, Le De mortuis de Grégoire de Nysse, Fifth Intern. Conference on Patristic Studies (Oxford 1967), dans Studia Patristica, X, Berlin 1970, p. 35-45. — Liinterprétation de Luc 16, 19-31 (Lazare et le riche) chez Grégoire de Nysse, dans Epektasis, Mél, offerts au Cardinal Daniélou, Paris 1972, p. 426-441. ~ Protologie et eschatologie chez Grégoire de Nysse, dans Arché e Telos. L'antropologia di Origene e di Gregorio di Nissa, Milan 1981, p. 122-159. ~ Les représentations du Jugement chez Grégoire de Nysse : ekphrasis, appel d la conver- sion, interprétation symbolique, & paraitre dans Vigiliae Christianae. J, AmaT-Le Coz, Réves et visions : Vimagination de l’au-deld dans la littérature latine (u-IV™ siécles), Paris 1985. ¥ pe AnptA, Homo vivens. Incorruptibilité et divinisation de 'homme selon Irénée de Lyon, aris 1986. Ph. Artis, Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen-Age a nos jours, Paris 1975. — L'homme devant la mort, Paris 1977. J. 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Toynaee, Death and Burial in the Roman World, Londres 1971. NJ. Trome, Primitive Conceptions of Death and the Other World in the Old Testament, Rome 1969. Résumé : Pour les premiers chrétiens, le baptéme est gage de salut. L’au-dela qu’ils imaginent et quiils représentent est donc le paradis, jamais I'enfer. Pour exprimer leur foi, ils ont puisé dans le répertoire d'images de Vau-dela que la culture contemporaine me leur disposition — jardin fleuri, eaux vives, banquet, localisation dans le ciel — car I’Ecriture sainte affirmait la survie dans lau-dela plus qu’elle ne la décrivait. La spécificité chrétienne se traduit par les choix qui privilégient certaines images au détriment dautres en fonction de leur aptitude a exprimer le message chrétien. Ce qui n’empéche pas la survie prolongée d'images paiennes de l’au-dela totalement incompatibles avec la prédication chrétienne. Les variantes de Pimagerie chrétienne en fonction de lépoque, de la région, du niveau culturel, des tempéraments individuels constituent un champ d’étude encore insuffisamment exploré. Revue des Etudes Augustiniennes 33 (1987) 23-48 Der ordo der Realien in Augustins Frithdialog De ordine An den Iden des Novembers 1986! jahrte sich zum 1600. Male jener Tag, an dem Augustins Schrift De beata vita beginnt: der 13. November 386, der Geburtstag, an dem der Autor 32 Jahre alt geworden ist, kein beliebiger Geburtstag, sondern derjenige, der zwischen seiner Bekehrung im August 386 und seiner Taufe in der Osternacht 387 liegt. Den biographischen Hintergrund schildert er selbst in den Confessiones, die, selbst wenn man ein gut Teil literarischer Stilisierung abzieht, einen wahren Kern haben miissen. In Mailand hatte der Rhetoriklehrer durch den Einflup des Ambrosius zum Christentum gefunden und nach der Lektiire der paulinischen Briefe eine Bekehrung erlebt. Aufgrund einer psychophysischen UnpaPlichkeit (pulmo, pectoris dolor oder stomachi: dolor werden genannt)?, hat er zunachst um Urlaub gebeten und ist dann im Herbst férmlich von seinem Rhetorenamt zuriickgetreten. Er findet Erholung auf dem Landgut eines Freundes, des gram- maticus Verecundus, in Cassiciacum nérdlich von Mailand. Doch nach der Erschiitterung im Sommer gelingt kein platter « relax », sondern die fieberhafte Tatigkeit seines Geistes setzt sich weiter fort. Nahrung bieten die (laute) Lektiire von Psalmen und — vor dem Abendessen — jeweils eines halben Buches seines Lieblingsdichters Vergil?. Dazu kommen philoso- 1. Nach einem Vortrag, gehalten am 13, November 1986 in Minster. 2. Aug. ord. 1,2, 5 cum stomachi dolor scholam me deserere coegisset, vgl. 1, 11, 33 ut meo ‘stomacho parcerem, jedoch c. acad. 1, 1, 3 pectoris dolor (ebenso beat. vit. 1, 4). conf: 9. 2. 4 pulmo meus cedere coeperat, folgt : doloribusque pectoris. Vgl. solilog. 1, 1, 1. Dazu kommen ‘auch Zahnschmerzen : conf. 9, 4, 12. Tiefere Ursache ist Augustins gesteigerte Sensibil J.Ruer, Der Ordobegriff des jungen Augustinus [Diss. Tubingen], Paderborn 1962, 37. — Die Zitate aus De ordine nach der Ausgabe von W.M. Green, Antwerpen 1956 (Stromata. 22). Eine neue Ausgabe bereitet J. Doignon vor. 3. Aug. ord. 1, 8, 26 ante cenam cum ipsis dimidium valumen Vergili audire cotidie solitus eram, vgl. c. acad. 1, 5, 15 und 2, 4, 10. Ob die Georgica oder die Aeneis oder beide Werke gelesen wurden, laBt sich kaum entscheiden. Die Aeneis meinen F. WOnrER, Die Geistes- entwicklung des helligen Aurelius Augustinus bis 2u seiner Taufe, Paderborn 1892, 68 und 24 WOLFGANG HUBNER phische Diskussionen mit seinen Freunden. Diese Gesprache sind von Steno- graphen* aufgezeichnet worden und bilden das Substrat der drei frihesten erhaltenen Schriften Augustins, die man in Anlehnung an die Platonphilologie seine « Friihdialoge » zu nennen pflegt : Contra academicos (3 Biicher)* De beata vita (1 Buch) De ordine (2 Biicher) Platons Dialoge waren den Rémern durch Ciceros philosophische Schriften vermittelt worden. Speziell an Platons Friihdialoge erinnert sowohl das vorlaufige Stadium des Denkens, das auf GréBeres vorausweist, als auch die aporetische Form der Dialoge, deren lebendig ausgestalteter Gespriichsrahmen R. REITZENSTEIN, Augustin als antiker und mittelalterlicher Mensch, Vortriige der Bibliothek Warburg 1922/3, I, Berlin-Leipzig 1923, hier : 42, die Georgica P. ALFARIC, L'évolution intel- lectuelle de Saint Augustin, 1: Du Manichéisme au Néoplatonisme, these Paris 1918, 397 und D. Basst, Sant’ Agostino e Virgilio, in Annali della Istruzione media 6 (1930), 420-431. — Lite- ratur iber Vergil bei Augustin: Verf, Die « praetoria memoriae» im zehnten Buch der « Confessiones » Vergilisches bei Augustin, in REAug. 21 (1981), 245-263, hier : 245 Anm. 1, dazu HLH. GUNERMANN, Literarische und philosophische Tradition im ersten Tagesgespriich von Augustinus « De ordine », in Recherches Augustiniennes 9 (1973), 183-226, hier : 190-192. J. DOIGNON, Les images virgiliennes d’Apollon et le vrai soleil d'Augustin 4 Cassiciacum, in Présence de Virgile (hrsg. R. Chevallier), Paris 1978, 175-183. 4, Die Stellen hat gesammelt D. OHLMANN, Die Stenographie im Leben des hl. Augustinus, in Archiv fiir Stenographie 56 (1905), 273-279 und 312-319, vgl. P.Keseling: Goves Weltregiment, Des Aurelius Augustinus zwei Biicher von der Ordnung, iibertragen und erliutert von P.K., Minster 0.J. [1940], 220, Anm, 6. Vgl. Anm. 52 und H. HAGENDANL, Die Bedeutung der Stenographie fiir die spdilateinische christliche Literatur, in JAC 14 (1971), 24-38. Die Frage nach der historischen, Authentizitat ist hier (wie bei allen autobiographisch geftirbten Werken) falsch gestellt. Gegen die Echtheit sprechen sich aus (z.T. auf Einzelstellen bezogen) : R, Hirzet, Der Dialog. Ein literarhistorischer Versuch, Leipzig 1895 (Ndr. Hildesheim 1963), II 376f. D. OHLMANN, De Augustin’ dialogis in Cassiciaco seriptis, StraBburg 1897, 79. A. GUDEMANN, Sind die Dialoge Augustins historisch ? in : Silvae Monacenses, Miinchen 1926, 16-27. A, Dynorr, Uber Form und Begriffsinhalt der augustinischen Schrift « De ordine » in Aurelius Augustinus, FS der Gértes-Gesellschaft zum 1500. Todestag des Heiligen Augustinus, Koln 1930, 15-62. J.J.O'MEARA, The Historicity of the Early Dialogues of Saint Augustine, in VChr, § (1951), 10-178, H. HAGENDAHL, Augustine and the latin Classics, Géteborg 1967 (Studia graeca et latina Gothoburgensia. 20), 525 (spiter widerrufen : JAC 14 [1971], 24-38 : s.o.). HH. Gunermann (wie Anm. 3), 225 f. Dafiir: D. Ohlmann (5.0.), 11-15. R. PHILIPPSON, Sind die Dialoge Augustins historisch ? in RhM 80 (1931), 144-150. E.B. Postma in seiner Ausgabe von De beata vita, Amsterdam 1946. B.L. MEULENBROEK, The historical character of Augustin’s [sic] Cassiciacum-Dialogues, in Mnemosyne Ill, 13 (1947), 203-229. A. MANDOUZE, Saint Augustin, 'aventure de la raison et de la grace, Paris 1968, 124-133. O. Perler (s.u. Anm. 28), 183. Jtingst wieder entschieden gegen O'Meara : G. MADEC, L’hisforicité des Dialogues de Cassiciacum, in REAug. 32 (1986), 207-231. Richtig der vermittelnde Standpunkt von H.-L. MaRrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris 1958*, 309 (deutsche Uber- setzung, Paderborn 1981, 263). B.R.VoB, Der Dialog in der fritkchrisilichen Literatur, Miinchen 1970 (Studia et Testimonia antiqua. 9), 198. 5. Der Titel ist nicht ganz sicher, vgl. Aug. retract, 1, 1, 1 contra Academicos vel de Acade- micis primum seripst. Im Gegensatz zum neuen Augustinus-Lexicon, ed. C. Mayer, I (Basel- Stuttgart 1986), 45 s.v. Academicis (De-) halte ich an dem eingebiirgerten Titel fest. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 25 kiinstlerisch auf den Gespriachsgegenstand bezogen ist. DaB dies besonders fiir den letzten der drei Dialoge zutrifft, gilt es hier zu zeigen®. Man hat dariiber gestritten, ob die drei Dialoge eine « Trilogie » zu nennen seien oder nicht’. Auf jeden Fall gehdren sie durch Ort, Zeit, Gesprichspartner und Stimmung eng zusammen sowie formal durch die Tatsache, daf alle drei mit einer Vorrede beginnen und ihre Dialogform am Ende durch eine oratio perpetua geschwicht wird. Sie sind, wenn auch nicht von Anfang an, so doch wohl im Laufe ihrer Entstehung schlieBlich eine Dreiheit geworden, ahnlich wie man sich das bei den beiden unvollendeten Triaden Platons vorzustellen hat, zum einen dem «Sophistes », dem « Politikos» und dem ungeschriebenen « Philosophos » und zum andern dem « Timaios », dem « Kritias » und dem ebenfalls nicht geschriebenen « Hermokrates »®, Eine Einzelheit mag diese Vermutung stiitzen: die Mittelstellung von De beata vita und ihre Verkniipfung mit dem Schlufdialog De ordine. Im Geburtstagdialog De beata vita fragt Augustin ‘egozentrisch’ nach der Gliickseligkeit der Einzelseele. Das groBangelegte Prodmium wird von der Hafenmetaphorik bestimmt’, die in De ordine in den Seefahrermetaphern nachklingt!®, Wohl in Erinnerung hieran hat Georg Pfligersdorffer das zehnte Buch der Confessiones, das memoria-Buch, treffend als « Hafenbuch » bezeich- net!, Auch das memoria-Buch nimmt eine Mittelstellung'? ein vor der 6. Vgl. B.R. VoB (wie Anm. 4) 224: «Da Augustin in den duferen Ereignissen einen Ausdruck der verborgenen Ordnung sieht, wird in diesem Dialog die Untersuchung wesentlich durch die szenischen Bemerkungen ergiinzt. Unter diesem Gesichtspunkt hat Augustin die Wahl des szenischen Dialogs nirgends so sehr genutzt wie hier.» Uber die hohe Bedeutung nebensiichlicher Dinge in De ordine auch E. DONT, Aufbau und Glaubwiirdigkeit der Konfessio- nen und die Cassiciacum-Gespriche Augustins, in WSt 82 (1969), 181-197, hier : 191 f., ferner J.Rief (wie Anm. 2), 33. — Daf Augustin Platons Dieloge «im hermeneutischen Horizont Ciceros » kennengelernt hat (so E. Feldmann [s.u. Anm. 13], 431), gilt auch fiir die szenische Einkleidung : s.u, Anm. 28 und 32. 1. Die Bezeichnung « Trilogie » zuerst bei A. Dyroff (wie Anm. 4), 15, dagegen B.R. VoB (wie Anm. 4), 199. 8 Vel. Plat. Soph. 2174 us, sowie Tim. 204, Als vollendete Triade Platons kann dagegen gelten: Theaitetos-Sophistes-Politikos, danach Ciceros urspriingliche Trilogie Hortensius- Catulus-Lucullus ; K. BRINGMANN, Untersuchungen zum spdten Cicero, Géttingen 1971 (Hypomnemata, 29), 112-114. Vgl. auch H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 183 : Augustins Trilo- gie nach Ciceros Triologie De natura deorum — De divinatione — De fato. Die Dreizahl der Delphi-Dialoge des Platonikers Plutarch diirfte dagegen cher auf Zufall beruhen. Uber deren relative Chronologie R. Flaceliére in der Binleitung zu seiner Ausgabe von De E apud Delphos, Paris 1941, 6f. 9. Aug. beat. vit. 1, 1-5. Hierzu J. ORoz, En torno a una metéfora agustiniana. « El puerto de la filosofia », in La Ciudad de Dios 181 (1968), 825-844. 10, Am Anfang und am Ende : Aug. ord. 1, 1, 1 scopulos vitae huius et procellas, vgl. 2, 20, 54 qui [...] scopulos evitaret et. ipse iis fluctibus quasi seopulus fieret, mit Vergilzitat (Aen. 7, $86): ille velut pelagi rupes immota resistit. 11. G. Pruicersporrrer, Der Schicksalsweg der Menschenseele nach Spnesios und nach dem jungen Augustinus, in Grazer Beitrige 5 (1976), 147-179, hier ; 179. 12. Zur Dreiteilung der Confessiones P.L. LANDSBERG, La conversion de saint Augustin, in 26 WOLFGANG HUBNER liberpersénlichen Ausweitung ins Universale, in der Augustin abschlieBend, ausgehend von Genesis 1,1, die Grundfragen nach Zeit und Raum stellt!?, Hinzu kommt, daB die Schrift De beata vita nur ein einziges Buch bildet —auch das in Ubereinstimmung mit dem memoria-Buch der Confessiones, das diesen seinen Namen — bzw. den Namen « Hafenbuch »— eben gerade der Tatsache verdankt, daB es thematisch einheitlich ist und somit dem Gedanken der ungeteilten Konzentration formal entspricht!*, In De beata vita beriihrt sich die Form auch mit der biographischen Situa- tion. Die Cassiciacum-Dialoge fallen insgesamt in eine Zeit der Sammlung zwischen der paganen Vergangenheit und der Zukunft als Christ und Kirchen- mann. In dieser Epoche bildet der 32. Geburtstag einen Kristallisationspunkt, an dem die Monobiblos De beata vita in einer Art « mise en abime » den ganzen Zeitraum konzentrisch spiegelt. Augustin verrat seine kompositorische Absicht durch eine winzige Ungenauigkeit. Obwohl das Gespriich De beata vita an drei Tagen stattgefun- den hat!*, besagen zwei Riickverweise in De ordine, das ganze Gespriich habe La vie spirituelle 48 (1936), 31-56, hier : 32. Vgl. U. Ducurow, Der Aufbau von Augustins Schriften « Confessiones » und « De trinitate », in ZTRK 62 (1965), 338-367. Literatur zu der vieltraktierten Frage der Einheit der Confessiones, die hier vorausgesetzt wird, ebd. 353 und 387 f. W.G. Scummbr-Denater, Die « aula memoriae » in den Konfessionen des hl. Augustin, in REAug. 14 (1968), 69-89, hier : 69. K. GRotz, Die Einheit der « Confessionen. » Warum bringt Augustin in den letzten Biichern seiner « Confessiones » eine Auslegung der Genesis ? Diss. Tubingen, Bamberg 1970. Dazu jetzt auch W. Steidle, Augustins Confessiones als Buch (Gesamtkomposition und Aufbau), in Romanitas-Christianitas (FS J. Straub), Berlin 1982, 436-527. 13. Da sich der Zugang 2u dem Werk Augustins meist tiber die Confessiones erschlieBt, wer- den immer wieder andere Werke Augustins auf dieses Hauptwerk hin gelesen, So hat man die spiiten Refractationes die « Konfessionen seines Alters » genannt ; G. PFLIGERSDORFFER, Augu- stins « Confessiones » und die Arten der « confessio », in Salzburger Jahrbuch fiir Philosophie 14 (1970), 15-28, hier : 15, vgl. schon G. MiscH, Geschichte der Autobiographie, I : Das Aitertum, Frankfurt 1949/50? (1907"), 694-697. Unter den friiheren Schriften waren es besonders die Soli loquien : G. Misch a.0. 640-642 « Vorstufe ». W. THiMME, Auguslins geistige Entwicklung in den ersten Jahren nach seiner « Bekehrung », 386-391, Berlin 1908 (Neue Studien zur Geschichte der Theologie und Kirche. 3), 19 : « Die Soliloquien sind selbst im eigentlichsten Sinne Konfes- sionen. » H. VON CAMPENHAUSEN, Lateinische Kirchenvaiter, Stuttgart 19602, 165 « Vorform », vgl, auch R. Lorenz, RGG? I (1957), 741 s.v. Augustin, Zwei Einzelstellen aus De beata vita (1, 4) und De utilitate credendi (8, 20) bezeichnet P. Courcelle als « Les premiéres ‘ Confessions’ de saint Augustin », in REL 21 (1943/4), 155-174, abgedruckt in: Recherches sur les « Confes- sions + de saint Augustin, Paris 19682, 269-290, besonders 270 « allure d’une confession avant la lettre, » dazu modifizierend E. FELDMANN, Der Ein/luB des Hortensius und des Manichdismus auf das Denken des jungen Augustinus von 373, Diss. Miinster 1975, 47-64. In Anlehnung an die Formulierung von P. Courcelle bezeichnet G. Madec (wie Anm. 4), 230 die Prodmien der Frith- dialoge als « les premiéres confessions ». SchlieBlich auch De ordine, worliber A. Dyroff (wie Anm. 4) sagt :« Mehr noch als der erste unserer drei Dialoge [gemeint ist Contra academicos} ist der De ordine bereits eine erste Confessio ». Vgl. die Ausfiihrungen von C.J. Perl, Aurelius Au- gustinus, Die Ordaung, Paderborn 1966* (1940), 102-104 und ausfiihrlicher E, Dént (wie Anm. 6), 191f, 14, Auch unter dem EinfluB von Vergils « Bienenbuch »: Verf, (wie Anm, 3), 254 f. 15, Erster Tag ; Aug. beat. vit. 1, 6, zweiter Tag : 3, 17, dritter Tag : 4, 23, vgl. retract. 1,2, 1 diet natalis met et tridut disputatione conpletus. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 27 an seinem Geburtstag stattgefunden. An der ersten Stelle kontrastiert Augustin deutlich die GroBe des Themas mit dem geringen Umfang des « Biichleins »'6 : in quadam disputatione non parvae rei, quam die natali meo cum convivis habui atque in libellum contuli. Es ist kiirzlich erwiesen worden, daB Vergil denselben Gegensatz von Buchform und Inhalt in der Monobiblos der « Phainomena » Arats gesehen hat", an einer Stelle, auf die Augustin wiederum in Contra acade- micos'® Bezug nimmt. In der dritten Ekloge wird gryphisch nach der Arat- Papyrusrolle der « Phainomena » gefragt (Verg. ecl. 3, 104f.): dic quibus in terris — et eris mihi magnus Apollo — tris pateat caeli spatium non amplius ulnas". Der zweite Riickverweis von De ordine auf De beata vita bezicht sich auf die Telosformel des frui deo, die nicht etwa am Geburtstag selbst, sondern erst am dritten und letzten Tag zur Sprache gekommen ist”’. Dennoch wird wieder der Geburtstag genannt”!; in sermone illo, quem die natali tuo iucundissimum habuimus. Die nachtragliche Zusammenziehung des dreitagigen Gesprachs auf den einen Geburtstag entspricht der kompositorischen MaBnahme, die Schrift nicht in einzelne Biicher einzuteilen. Das kardinale Thema der inneren Gliickseligkeit sollte in ungeteilter Konzentration dargestellt werden. Die Riickverweise von De ordine auf De beata vita sind sachlich darin begriindet, daB nach neuplatonischer Lehre Selbstreflexion und Welt-bzw. Got- teserkenntnis zusammengehéren™. Zu erinnern ist hier auch schon an die Schrift De die natali des Censorinus zum 49, Geburtstag des Caerellius im Jahre 278, die dem Zeitrechnungswesen gewidmet ist, besonders an das zentrale 15, Kapitel, das « zentripetal auf die personale Existenz einer Person bezogen » ist und nach dem Werden des Einzelnen und seiner Stellung im Kosmos fragt”, zu erinnern ist aber auch an die tibergeordnete Zweiteilung der 16. Aug. ord, 2, 1, 1 17, H. HOFMANN, Ein Aratpapyrus bei Vergil, in Hermes 113 (1985), 468-480. 18. Aug. ¢. acad. 3, 4, 9. 19. Vgl. spiiter Petrarca, epist. fam. 4, 1, 26 p. 158, 196 iiber die Confessiones : pugillare opusculum, perexigui voluminis, sed infinite dulcedinis. Uber den EinfluB yon Augustins Confessiones auf Petrarca : E. LUCIANI, Les « Confessions » de saint Augustin dans les Lettres de Pétrarque, Etudes Augustiniennes, Paris, 1982, zu diesem Brief, S. 65-81. 20. Aug. beat. vit. 4, 34 deo perfrui= ord. 2, 7, 20 (vgl. 2, 2, 6), hierzu umfassend R. Lonenz, « Fruitio Dei » bei Augustin, in ZKG 63 (1950/1), 75-132. Ders., Die Herkunft des augustinischen « Frul Deo», ebd. 64 (1952/3), 34-60, ferner G. PPLIGERSDORFFER, Zu den Grundlagen des augustinischen Begriffspaares ¢ uti-frui », in WS1 84 (1971), 195-224. 21. Aug. ord. 2, 7, 20. 22. Hierzu K. KREMER, Selbsterkenninis und Gotteserkenntnis nach Plotin (204-270), in International Studies in Philosophy 13 (1981), 41-68. Uber Aug. ord. 2, 18, 47 : S. 56 mit Anm. 14. Der in Anm. 10 zu Seite 41 zitierte Text aus der « Bibliothek » des Photios (ed. I. Bekker, Berlin 1834, p. 440 24): 16 yvdvan Eavtdy od8év GAAo dotiv A thy tod cbumavtos KdqHOD dow yvévar stammt tbrigens nicht von dem um 200 v.Chr. geborenen Historiker und Geogra- phen Agatharchides (= Nr. 250 bei Photios), sondern aus der in ihrer Datierung umstrittenen Pythagorasvita (= Nr. 249 bei Photios). 23, K.SALLMANN, Censorinus ‘De die natali’, Zwischen Rhetorik und Wissenschaft, in 28 WOLFGANG HUBNER Confessiones aus der Riickschau der Retractationes :* Buch 1-10 de me und Buch 11-13 de scripturis sanctis, die durch cum — tum? gegliedert, im allerersten Satz von De ordine bereits angelegt ist : ordinem rerum [...] ¢ um sequi ac tenere®® cuique proprium, t um vero universitatis, quo cohercetur hic mundus et regitur usw. Dieser schon durch Cicero angebahnte umfassende ordo-Begriff” weitet die individuell-ethische Thematik von De beata vita auf die kosmologische von De ordine aus. 1, Die Villa des Verecundus Die zahlreichen autobiographischen Daten und Realien, die die drei Friihdia- loge enthalten, sind mit schweizer Akribie gesammelt worden von Othmar Perler in seinem Buch « Les voyages de saint Augustin »*8, Die beiden Biicher Hermes 111 (1983), 233-248, hier 246. Die Kapiteleinteilung ist modernen Ursprungs, quantitativ bildet das 15. Kapitel ziemlich genau die Mitte. 24, Aug. retract. 2, 6 Mutzenbecher. Die Junktur ordo rerum, die im TALL s.v. ordo nicht gcklammert ist, findet sich schon bei Lucr. 1, 1021 f. (= 5,419 f). Cic. har. resp. 9, 19. Manil. 2, 970 (del. Housman, Goold). Plin. nat. 2, 9. 25, Aug. ord. 1, 1, 1. Uber ahnliche Disjunktionen mit sive-sive oder vel-vel in Proémien J. DoIGNon, Pivots et tensions de 'éthique cicéronienne dans la «Cité de Dieu» de saint Augustin, in Latomus 43 (1984), 813-826, hier : 814 f. 26, Das Verbum senere ist ambivalent : wihrend sich sequi wohl nur auf den moralischen ordo bezichen kann, bezieht sich tenere auf den moralischen ordo ebensowohl wie auf den intellektuell zu erfassenden, im Sinne etwa von memoria tenere (cory. 1, 13, 20). 27, Thn demonstrieren die vielen verschiedenen Genitivattribute wie: ordo causarum, elvitatis, naturae, divinae providentiae, dei (divinus), ferner im Sinne des * Curriculums' : ordo docendi, disciplinarum, eruditionis, studiorum sapientiae, Daher auch die verschiedenen Antonyme wie foeditas, casus, error oder Synonyme wie ordinatio et compositio, congruentia, concentus, coaptatio, dispositio, pulchritudo, aequalitas und schlieBlich auch providentia oder ineffabllis et sempiterna lex, Vel. W. HENSELLEK-P. SCHILLING, Vorarbeiten zu einem Augusti- nus-Lexikon. A3= De ordine. Werksindex, Wien 1973, 231. Daher auch die verschiedenen griechischen Entsprechungen : tats, ebtaBla, xdopog oder mpdvora. Vgl. Ciceros weiten ordo- Begriff : M. PUELMA, Die Rezeption der Fachsprache griechischer Philosophie im Lateinischen, in Fretburger Zeitschrift fir Philosophie und Theologie 33 (1986), 45-69, hier : 65 f. mit Anm. 39 (dort lies : Cic. off: 1, 142 ff,). Ferner H. KrINGs, Ordo. Philosophisch-historische Grundle. gung einer abendlindischen Idee, Halle 1941 (Philosophie und Geisteswissenschaften, 9), 16 Augustin hat versucht, «in einem Griff das Sein nicht nur als « Seinsbegriff », sondern in der ganzen Fiille seiner grenzenlosen Maglichkeiten zu fassen. » J. Rief (wie Anm. 2), besonders 14-27. 28. O. PaRteR (zusammen mit J.-L. Maier), Les voyages de saint Augustin, Paris 1969, 179-196 nach den Vorarbeiten von D. Ohlmann (wie Anm, 4) und J.H. VAN HAERINGEN, De Augustini ante baptismum rusticantis operibus, Groningen 1917. Nach der Angabe des annihemden Vollmondes hat O. Perler (186 f. und 190) als Tage der Gespriiche den 20., 21. und dann den 25. Novembet oder spiter errechnet. Die gesamte Szenerie : das oftum in einer Villa mit Garten ist weniger platonisch als vielmehr ciceronisch, vel. E. BECKER, Technik und Szenerie des ciceronischen Dialogs, Diss. Minster 1938, 12-13 und 26. DER «ORDO » IN « DE ORDINE » 29 De ordine enthalten je zwei Gespriche, die insgesamt wieder — wie De beata vita — an drei Tagen stattfinden. Dabei wird der Ort stets verdndert : Das erste Gespriich entwickelt sich noch vor Tagesanbruch im Schlafgemach der Villa, das zweite spielt am Morgen des darauffolgenden Tages im Badesaal**, dem gewohnlichen Versammlungsplatz der Gemeinschaft, wo auch iiber die Gliickseligkeit gesprochen worden ist*!, das dritte Gesprich findet nach einer Pause von einigen Tagen an einem Vormittag im Freien auf einer Wiese statt, weil das Wetter inzwischen besser geworden ist3?, das vierte und letzte am spiten Nachmittag desselben Tages, und zwar wieder im Badesaal, weil sich der Himmel wieder zugezogen hat? Zweimal dienen Bauelemente der Villa als Demonstrationsobjekte : im Proémium, also noch vor dem eigentlichen Gesprich, ein FuBbodenmosaik als Beispiel fiir pulchritudo, also Asthetischen ordo, der erst aus einer gewissen Distanz des Betrachters heraus kenntlich wird‘, Dieses Beispiel kiinstlerischer 29, Aug. ord. 1, 3, 6 nocte quadam, cum evigilassem de more eqs. : vgl. unten Anm. $7. Dieses erste Gesprich kann noch nicht von Stenographen aufgenommen worden scin, vgl. ebd. : ut aliquid et praeter codices secum agerent. 30. Aug. ord. 1, 9, 27 deinde postridie bene mane alacres ad solitum locum convenimus in , eoque consedimus. 31, Aug, beat. vit. 1, 6 omnes, qui simul non modo illo die, sed cotidie convivabamur, in bal- neas ad consedendum vocavi ; nam is tempori aptus locus secretus occurrerat. Vgl. O. Perler (wie Anm. 28), 185. 32. Aug. ord. 2, 1, 1, interpositis deinde pauculis diebus venit Alypius et exorto sole claris- simo invitavit caell nitor et, quantum in illis locis hieme poterat, blanda temperies in pratum descendere, quo saepius et familiarius webamur. Zum letzten Teil des Satzes vergleicht W.HENSELLEK, Sprachliche Notabitien in Augustins « De ordine», in AAWW 120/5 (1983), 74-111, hier : 78 f. Cie. leg. 2, 1, 1 illo loco libentissime soleo uti. Wiese und Winterzeit erinnern an Cic. rep. 1, 12, 18 ul in aprico maxime pratuli loco, quod erat hibernum tempus annl, considerent, das Niedersetzen (ord. 2, 1, 2 cum igitur memorato in loco [...] consedissemus an Cic, Brut, 24 in pratulo propter Platonis staiuam consedimus) nach Plat. Phaidr. 228 xo®itone- vot eqs. Noch deutlicher die Phaidros-Imitation von Cic. de orat. 1, 7, 28 : cur non imitamur, Crasse, Socratem illum, qui est in Phaedro Platonis ? nam me haec tua platanus {Plat. Phaidr. 2294 xhétavov] admonuit eqs. DaB man sich auch in De ordine wie im Phaidros unter einem Baum niedergelassen hat, kann man schlieBen aus c. acad. 2, 11, 25 ad arborem solitant : vel. ©. Perler (wie Anm. 28), 188 mit Anm. 1. 33. Aug. ord. 2, 6, 19 at ubi refecimus corpora, quoniam caelum obduxerat nubes, solito loco in balneo consedimus. Es tiberlagern sich also Vierteilung und Dreiteilung wie in Contra academicos Dreiteilung und Zweiteilung : B.R. Vo (wie Anm. 4), 205 f. — Uber eine inhaltliche Dreistufung in De ordine E, KONIG, Augustinus Philosophus. Christlicher Glaube und philoso- phisches Denken in den Frithschriften Augustins [Diss. Erlangen 1969], Miinchen 1970 (Studia et Testimonia antiqua. 11), 42-51. 34, Aug. ord. 1, 1, 2 sed hoe pacto, si quis tam minutum cerneret, ut in vermiculato pavimento nikil ultra untus tessellae modulum acies eius valeret ambire, vituperaret artificem velut ordinationis et compositionis ignarum [...). nihil enim aliud minus eruditis hominibus accidit, qui universam rerum coaptationem atque concentum inbecilla mente conplecti et considerare non valentes [...) magnam rebus putant inhaerere foeditatem. Dazu H.H.Gunermann (wie Anm. 3), 190 mit Anm. 27: Riickfihrung auf Cicero, fener C.P. Maver, Die Zeichen in der geistigen Entwicklung und in der Theologie des jungen Augustinus, Wiirzburg 1969, 187f. (und Teil If 375f). — In Ciceros Hortensius, zu dem ‘Augustin in Cassiciacum wieder zuriickkebrt (c. acad. 1, 1, 4), muB die Pracht der Villa des 30 WOLFGANG HUBNER Proportion weist — besonders mit dem Wort coaptatio* — zuriick auf die noch mehr aus neuplatonischem Geiste verfaBte Erstlingsschrift De pulchro et apto*, Im letzten Gespriich dient dagegen die asymmetrisch durch Tiiren und Fenster geteilte Wand des Baderaumes umgekehrt als Beispiel fiir Dispropor- tion’’, auch dies — wie die Wetterverschlechterung — ein Zeichen dafiir, wie die anfangliche Hochstimmung des Gespraches allmahlich einer Resignation gewichen ist. Eine Stufe héher fiihrt die Deutung der lieblichen Voralpenlandschaft des rus Cassiciacum aus der Sicht der Confessiones**. Vehikel des Vergleichs ist die gottliche Belohnung : Der Génner Verecundus, der inzwischen gestorben ist, mége von Gott fiir seine gute Tat «die Lieblichkeit des ewig griinenden Paradieses » empfangen : amoenitatem sempiterne virentis paradisi tui. So wird der Ort von Augustins Ausruhen (ubi ab aestu saeculi requievimus in te) auf die Paradiesesruhe bezogen, und dieses Ruhen in Gott® miindet an jener Stelle in eine ausfiihrliche Interpretation des vierten Psalms*®, die in Vers 9 gipfelt, dessen Text Augustin nach den Ermittlungen G.N. Knauers*! so las (psalm. 4, 9): in pace in id ipsum obdormiam et somnum capiam. Lucullus von Hortensius auf die Rhetorik bezogen worden sein : J. STROUX, Augustinus und Ciceros Hortensius nach dem Zeugnis des Manicheers Secundinus, in FS R. Reitzenstein, Leipzig 1931, 106-118, hier : 112, Bine Strukturverwandtschaft zwischen Ciceros Hortensius und De ordine sieht auch E. Feldmann im Augustinus-Lexikon (wie Anm. 5) s.v. Alypius ©.251 Anm. 40. 35. Vel. Aug. ord. 1, 2, 4 sf te in ipsum ordinem [...] inserere atque coaptare volueris. 36. Vgl. Aug. conf: 4, 13, 20-4, 15, 27. Hierzu K, Svopopa, L’esthétique de Saint Augustin et ses sources, Brinn 1933, 20-48. P. Henry SJ, Plotin et occident, Louvain 1934, 100-119. W. BEIERWALTES ¢ Aequalitas numerosa ». Zu Augustins Begriff des Schénen, in Wissenschaft und Weisheit 38 (1975), 140-157, ferner H.J. HORN, Lilgt die Kunst ? Ein kunsttheoretischer Gedankengang des Augustinus, in JAC 22 (1979), 50-60. Den neuplatonischen Gehalt von De ordine betonen W. Theiler, Gnomon 19 (1943), 167. A.SouiGNac SJ, Réminiscences plotiniennes et porphyriennes dans le début du « de ordine » de saint Augustin, in Archives de Philosophie 20 (1957), 446-465. B.R. VoB (wie Anm. 4), 227 und 284. C.P. Mayer (wie Anm. 34), 188-193 u.6. I. HaDor, Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique, Paris 1984, 101-136. Gegen einen solchen Einflu wenig tiberzeugend A. Dyroff (wie Anm, 4), 47-49. Es hat wenig Sinn, Stoizismus und Neuplatonismus gegeneinander ausspielen zu wollen, zumal der Neuplatonismus stoische Elemente in sich aufgenommen hat, vgl. M. SICHERL, Platonismus und Stoizismus in den Friihschriften Augustins, in Acta philologica Aenipontana Il (1967), 63-65, dazu unten Anm. 124. 37. Aug. ord. 2, 11, 34 itaque in hac ipso aedificio singula bene considerantes non possumus non offendi, quod unum ostium videmus in latere, alterum prope in medio nec tamen in medio collocatum. Gegensatz : quod autem intus tres fenestrae, una in medio, duae a lateribus paribus intervallis solio lumen infundunt, eqs. Hier mag sich ein Mosaik befunden haben, das Augustin zu dem Beispiel im Proémium inspiriert hat, vgl. O. Perler (wie Anm. 28), 185. 38. Aug. conf. 9, 3, 5 fidelis promissor reddis Verecundo pro rure illo eius Cassiciaco, ubi ab aestu saeculi requievimus in te, amoenitatem sempiterne virentis paradisi tui, quoniam dimisisti ei peccata super terram in « monte incaseato, monte tuo, monte uberi » (psalm. 67, 16]. 39. Dieses Ziel verbindet Anfang und Ende der Confessiones : G.N, KNAUER, Psalmenzitate in Augustins Konfessionen, Gittingen 1955, 156-161. 40. Aug. conf: 9, 4, 8-11. 41. G.N. Knauer (wie Anm, 39), 158f, vgl. 108-110. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 31 Die Bedeutung des Schlafens und Wachens in De ordine wird sogleich noch deutlicher werden. Zunachst sollte jedoch ein anderes Psalmzitat erklart werden, auf das die Cassiciacum-Wiirdigung der Confessiones unmittelbar zulauft (psalm. 67, 16) : in monte incaseato, monte tuo, monte uberi. Die tiber- raschende Junktur mons incaseatus = « Berg reich an Kise » geht auf die grie- chische Version des Textes zuriick, Spoc tetupwpévov, was sonst mit mons coagulatus oder mons eximius iibersetzt wird‘, Der Sinn 1aBt sich nur verstehen, wenn man Augustins Kommentar zu dieser Stelle befragt**. Der Berg, gilt ihm als Christus selbst, der die « Milch seiner Gnade » schenkt. Der Schritt von der Milch zum Kase wird dann aber erst verstandlich, wenn man die antike Etymologie yon caseus mit hinzunimmt. Die Vermutung, da Augustin hier den Namen Cassiciacum mit caseatus in Verbindung bringt**, laBt sich durch eine andere Etymologie stiitzen, die Varro an zwei Stellen tiberliefert** : Kase sei konzentrierte Milch : caseus a coacto lacte ut coxeus dictus. An der anderen Stelle wird sie assoziativ an die verwandte Etymologie cogitare a cogendo angeschlossen“® ; also Denken als geistige Konzentration, eine Etymologie, auf die Augustin seinerseits im zehnten Buch der Confessiones zuriickgreift'’. Die Berge von Cassiciacum werden also gedeutet als Gnadenort der geisti- gen Konzentration und der religiésen Sammlung. Damit hat Augustin etwas, was in der Dramaturgie der platonischen Dialogform angelegt ist, fort- entwickelt. Auch bei Platon kann ein besonderer Ort das Gesprach bestimmen wie das athenische Gefaingnis im « Kriton » und « Phaidon », der Sportplatz (Palaistra oder Gymnasium) im « Charmides », « Euthydem » und « Lysis » oder die Wanderung von Knossos zur Berghhle des Minos in den « Nomoi », doch eine so subtile Deutung wie bei Augustin gibt es weder bei Platon noch bei Cicero. Nur als zaghafter Schritt in diese Richtung k6nnte gelten, daB das Bild vom Kérper als dem Gefangnis der Seele zuerst im ‘ Gefiingnis *-Dialog des « Phaidon » auftaucht**. 42, Septuaginta, psalm. 67, 16 Spos 708 Oeo8, Spog riov, Spog cervpanévov, Spas niov. 43, Aug. in psalm, 67, 22 [zu Vers 16], PL 36, 827. 44, G.N. Knauer (wie Anm. 39), 123. O. Perler (wie Anm, 28), 182, vielleicht unabhingig von Knauer, vgl. jedoch «ce verset curieux est rarement cité» mit Knauer 122: « Augustin zitiert diesen Vers nur sehr selten. » Zur Etymologie bei Augustin H.-I. Marrou (wie Anm. 4), 24 mit Anm. 4 (= 20 mit Anm. 92), 45. Varro ling. 5, 108. Der zitierte Text ist vorzuziehen : W. PFAFFEL, Quartus gradus ety- mologiae. Untersuchungen zur Etymologie Varros in « De lingua Latina », KSnigstein 1981 (Beitrige zur Klassischen Philologie. 131), 137-140. 46. Varro ling. 6, 43 cogitare a cogendo dictum ; mens plura in unum cogit, unde eligere possit, sic e lacie coacto caseus nominatus. Vgl, auch Paul. Fest. p.48M. caseus a coeundo dictus. 47. Aug. Conf: 10, 11, 18 cogenda rursus, ut seiri possint, id est velut ex quadam dispersione colligenda, unde dictum est cogitare eqs. 48. Plat. Phaid. 628 a Ev tii epovpg eapev ol GvOpwror. 67C rv wosiy ... &xAvopEvnY Gonsp Seopdv tx tod odat0s, Vel. Pol. 7 p. 5178. 32 WOLFGANG HUBNER 2. Nacht und Tag Damit die Augustinische Allegorisierung des Gesprachsrahmens auch fiir die Wahl der Zeit der vier Diskussionen deutlich wird, bietet sich unter den Plato- nischen Dialogen als Kontrastfolie am ehesten die besonders reich ausgestaltete Szenerie des « Phaidros » an: der Gang vor die Stadt ans Ufer des Ilissos, der Ort der Nymphen, die ehrwiirdige Platane, unter deren Schatten man cine Linderung der sommerlichen Mittagshitze erhofft, dazu das standige Zirpen der Zikaden. Ort und Zeit bestimmen die innere Erregung des Sokrates und inspi- rieren seine freimiitigen Reden*’. Der sommerlichen Mittagshitze im « Phaidros » steht am Anfang von De ordine eine Regennacht im November gegeniiber. Der Dialog beginnt einige Tage nach den drei De beata vita—Gesprachen*® mitten in der Nacht : nocte quadams', und endet spat in der Dunkelheit. Bezeichnend ist hier der Unterschied zu Contra academicos, dessen drittes Buch zwar auch in der Dunkelheit endet, aber dennoch nicht ganz von ihr begrenzt wird, denn es geht noch etwas weiter, Dagegen heift es im letzten der drei Dialoge wirklich ganz am SchluB* : cum iam nocturnum lumen fuisset inlatum. Hier verrat Augustin kiinstlerisches Formgeftihl™. Doch zu der Asthetischen Bedeutung kommt die kosmologische. Die vier Gesprache durchlaufen — an drei Tagen — den ordo der Tageszeiten : von der Nacht mit Tagesanbruch tiber zwei Gespriiche am Morgen bis zum Spiatnach- mittag mit beginnender Dunkelheit (der Mittag fallt als Zeit des prandium und der Siesta aus). Auch hier kann die Geburtstagsschrift des Censorinus De die natali zum Vergleich herangezogen werden, deren SchluB, wie Klaus Sallmann 49, E, HOFFMANN, Platon. Eine Einfithrung in sein Philosophieren, Ziirich 1950, 176 f. Val. auch O.F. BoLLNow, Der Mittag. Ein Beitrag zur Metaphysik der Tageszeiten, in Unruhe und Geborgeriheit im Weltbild neuerer Dichter, Stuttgart 1953, 143-177. 50. Uber die komplizierte, ineinander verschrinkte Chronologie der Dialoge O. Perler (wie Anm, 28), 189 f. 51, Aug. ord. 1, 3, 6, vgl. Anm, $7. 52. Aug. c.acad, 3, 20, 44 quamquam iam erat nox et aliquid etiam lucerna inlata seriptum erat [vgl. Anm. 4], iamen illi adulescentes intentissime expectabant eqs. Der mittlere Dialog De beata vita endet mit Versen aus dem ambrosianischen Abendhymnos Deus creator omnium, der von der Mutter angestimmt wird (Aug, beat. vit. 4, 35) und in den Confessiones (9, 12, 32) Trost nach dem Tod der Mutter spendet. 53. Aug. ord. 2, 50, $4, 54. Vgl. etwa den SchluBvers der ersten Ekloge Vergils (ecl. 1, 83) : maioresque cadunt altis de montibus umbrae. Nichts vergleichbares bei Cicero. Am nichsten kommt Cie. de orat. 3, 55, 209 sol me ille admonuit, ut brevior essem — das Gesprich reicht aber noch bis § 230, vgl. E, Becker (wie ‘Anm. 28), 29 f. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 33, gegen Otto Jahn und andere plausibel gemacht hat**, doch vollstindig erhalten sein diirfte. Der letzte Teil der varronischen Lehre betrifft die Tageszeiten. Censorinus sagt : ea omnia ordine suo exponam und durchliuft die Tageszeiten von der Mitternacht an iiber die Zeit des Lichtanziindens (luminibus accensis) bis zur intempesta nox’, Hier wird die Nacht zum Schluf nicht im Ge- sprachsrahmen, sondern in der iiberpersénlichen Lehrsystematik erreicht. Dennoch ist sie in beiden Geburtstagsschriften das Ziel. Sowohl der Beginn mitten in der Nacht als auch die Progression durch die Tageszeiten erhalt nun im Verlauf des Gesprachs auch eine inhaltliche Bedeu- tung. In Ciceros urbanen Villen-Gesprachen findet sich nichts Vergleichbares, doch laft Platon zwei seiner Dialoge ganz friih am Tage beginnen. Am Anfang des Platonischen « Kriton » kommen Sokrates’ Freunde ganz friih (434 dp8pog BaOtc) heimlich ins Gefangnis, um ihn zur Flucht zu tiberreden, weil das Schiff aus Delos herannaht, dessen Ankunft als Termin fiir die Exekution festgesetzt ist; am Anfang des «Protagoras» kommen sie in aller Herrgottsfriihe zu Sokrates ins Haus, weil eine Sensation perfekt ist: Der beriihmte Sophist Protagoras ist in Athen angekommen! Ganz anders ent- wickelt sich das nachtliche Gesprach in De ordine : Infolge seiner Uberreiztheit leidet Augustin an einer Insomnie. Er kann nicht schlafen und griibelt®’, Das Werk wird also psychopathologisch motiviert, vergleichbar hierin mit dem Roman eines anderen groBen «insomniaque» der Weltliteratur, mit dem Beginn der « Recherche » von Marcel Proust, deren Nahe zu Augustins Confes- siones eine genauere Untersuchung wert ware®*. 3. Monica und Licentius Die Progression der Tageszeiten wird aber erst richtig zu wiirdigen sein, wenn auch die Personen des Dialogs wenigstens kurz vorgestellt worden sind. Thre Charaktere treten hdchst lebendig in Erscheinung. Neben dem iiberreizten, innerlich iiberwachen Augustin steht der niichterne Trygetius und der durch langjahrige Freundschaft verbundene Alypius, mit dessen Ankunft am dritten Gespriichstag auch die Sonne wieder scheint® : exarto sole clarissimo ; und es $5. K, Sallmann (wie Anm. 23), 236 £. 56. Cens, 24, 1-6, Das Wort intempestus bezieht Ausonius (376, 11 p. 98 Peiper/104 Prete) jahreszeitlich auf den Monat von De ordine : intempeste November. Vgl. unten Anm. 79. 37. Aug. ord. 1, 3, 6 sed nocte quadam, cum evigilassem de more mecumque ipse tacitus agitarem, quae in mentem nescio unde veniebant — nam id mihi amore inveniendi veri iam in consuetudinem verterat, ut aut primam, si tales curae inerant, aut certe ultimam, dimidtam tamen fere noctis partem pervigil quodcumque cogitarem. 58, Vel. Verf. (wie Anm. 3), 263 mit Anm. 91. 59. Aug. ord, 2, 1, 1, vel. oben Anm. 32. H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 198 sieht einen gewollten Kontrast zwischen dem nur horbaren Wasserrauschen am Anfang und dem sichtbaren Hahnenkampf am Ende des ersten Gespriches, ohne jedoch zu beriicksichtigen, da das zweite Beispiel auch akustische Elemente enthalt (ord. 1, 8, 25): superbum cantum. 34 WOLFGANG HUBNER wird als géttliche Fiigung angesehen, daB durch ihn das Gespriich eine neue Frische erhalten kann® : non sine ordine propitio deo. Diese Angabe zu Beginn des zweiten Buches markiert die Mitte des Dialoges. Sie bildet so komposito- risch den ‘ Kulminationspunkt ’ der Sonne zwischen der Nacht am Anfang und der Dunkelheit am Ende. Fallt auch der Mittag als Tageszeit fiir Gespriche aus, so wird er durch die héchste Entfaltung der Sonnenkraft in der Mitte des Werkes auf anderer Ebene ersetzt. Wichtig fiir das Gesamtthema ist die Prasenz der Mutter Monica vom zwei- ten Gespréch an®'. Wihrend sie bei der Geburtstagsfeier zusammen mit Augustins Bruder Navigius und Augustins Sohn Adeodat selbstverstandlich dabei ist — Augustin nennt sie ausdriicklich an erster Stelle, weil er ihr doch sein ganzes Leben verdankt®? — wird ihre Teilnahme an dem philosophischen Gesprich De ordine zum Problem. Kann eine ungebildete Frau tiberhaupt mitreden ? Augustin rechtfertigt ihre Teilnahme: Kraft ihres Glaubens hat auch die schlichte Frau ihren berechtigten Platz im Gesprachs-ordo. So habe es ja auch Schuster-Philosophen gegeben®?, Der Mutter fallt zudem eine héchst lebendige Rolle zu, und zwar in der Auseinandersetzung mit einer anderen Person, dem Hauptgesprachspartner Augustins, dem jugendlichen Licentius®, dem Sohn des friiheren Génners Romanianus (dem die Schrift Contra academicos gewidmet ist). Dieser Jiingling ist zwischen einem philosophischen Skeptizismus und einer Lei- denschaft fiir die Dichtung hin- und hergerissen. Lauthals (u/ulando) dichtet er gerade an einem Gesang tiber Pyramus und Thisbe. Die Mauer, die die beiden Liebenden trennt, deutet Augustin tadelnd als eine Mauer, die den Licentius von der Philosophie trennt®, Man sieht schon hier, wie gern er scherz- und ernsthaft zugleich zur allegorischen Ubertragung bereit ist. 60. Aug. ord. 2, 1, 2. 61. Aug. ord, 1, 11, 31 dnterea mater ingressa est. Vgl. A. MANDOUZE, Monique G Cassicia- cum, in REL 47 (1970; Mélanges Durry), 131-141, 62, Aug. beat. vit. 1, 6 in primis nostra mater, cuius meriti credo esse omne quod vivo. 63. Aug. ord. L, 11, 31 doctissimorum autem hominum litterae etiam sutares philophatos et mutto viliora fortunarum genera continent, qui tamen |...] ingenii virtutisque luce fulserunt eqs. Vgl. auch 2, 1, 1 und 2, 17, 45. W. Thimme (wie Anm, 13), 12, A. Dyroff (wie Anm. 4), 17. K. Thraede, RAC 8 (1972), 197-269 s, v. Frau, hier : 200-204. Ders,. RAC 1] (1981), 122-164 s.v. Gleichheit, hier : 132-134, Ders., Augustin-Texte aus dem Themenkreis , und , I, in JAC 22 (1979), 70-97, Der Gedanke ist stoisch : Lact. inst. 3, 25, 7 Sioici, qui et servis et mulieribus philosophandum esse dixerunt. — Aufgrund dieser Zusammenhiinge ist die Ansicht von C.J, Perl (wie Anm. 13), 109, Monica bedeute symbolisch Kirche, abzulehnen, 64. Vel. G. BARDY, Un éléve de Saint Augustin : Licentius, in AThAug. 14 (1954), 55-79. Ein Gedicht von ihm ist zusammen mit Aug. epist. 26 (an Licentius) tiberliefert, vgl. M. Zeuz- neR, De carmine Licentii ad Augustinum, Diss. Breslau, Arnsberg 1915. 65. Aug, ord. 1, 3, 8 inritor, inquam, abs te versus istos tuos omni metrorum genere cantando et ulitlando insectari, qui inter te atque veritatem inmaniorem murum quam inter amantes (uos conantur erigere ; nam in se illi vel inolita rimula respirabant. Vg). 1, 4,10. 1, 5. 12. 1, 8, 24 und —wenig mehr als nacherzéhlend— S,BATTAGLIA, Piramo e Tisbe in una pagina dl Sant'Agostino, in Filologia e letteratura 9 (1963), 114-122, ferner die Verwendung der vergilischen Proteusgeschichte ¢. acad. 3, 5, 11 und ord. 2, 15, 43. DER «ORDO » IN « DE ORDINE » 35 Nicht nur mit seinem Lehrer Augustin, sondern auch mit Monica gerdt der junge Poetaster in Konflikt. Zweimal singt er einen Psalmvers (psalm. 79, 8): deus virtutum, converte nos et ostende faciem tuam, et salvi erimus®, das zweite Mal leise mit deutlichem Bezug auf die soeben eingeleitete Bekehrung (conversio) des Jiinglings zur Philosophie. Dabei erinnert sich Augustin : Am Vortage hatte derselbe Licentius nach dem Abendessen denselben Psalmvers laut und wiederholt an einem indezenten Ort gesungen, namlich auf der Toilette, und das hatte ein entriistetes Schimpfen der Mutter Monica, der reli- giosissima femina, zur Folge gehabt*’, In der Wiederholung der Psalmodie am nachsten Morgen nach der eingeleiteten Bekehrung des Jiinglings erkennt Augustin ein Zeichen des géttlichen ordo: Der Gesang bedeutete schon am Vorabend die nachtliche Bekehrung : Erklang der Psalm damals am unrechten Ort, so jetzt zur unpassenden Zeit, noch bevor es richtig Tag geworden ist®®. Damit ergibt sich fiir Augustin eine Konvergenz zweier Indezenzen®® ; « Denn ich sehe, daB mit jenem Gesang sowohl der Ort selbst, an dem jene [die Mutter Monica] AnstoB genommen hat, als auch die Nachtzeit iibereinstimmt », nam illi cantico et locum ipsum quo illa offensa est, et noctem congruere video. Und dann folgt die Begriindung : Die Bekehrung zu Gott hat ihren Ausgangspunkt in einem gewissen «Schmutz des Kérpers» (a quodam ceno corporis et sordibus) und in der « Finsternis des Irrtums » (et item tenebris, quibus nos error involvit). Diese beiden Metaphern hat schon Cicero nebeneinander gestellt”, Damit ist der nachtliche Beginn des Dialoges allegorisch gedeutet. 66. Aug. ord, 1, 8, 22 audio Licentium succinentem illud propheticum laete atque garrule [psalm. 79, 8] : « deus virtutum, converte nos et ostende faciem tuam, et salvi erimus ». Der Vers wird auch in den Confessiones (4, 10, 15) zitiert, vgl. G:N. Knauer (wie Anm. 39), 46-48, Schon in der Vorrede zu Contra academicos (1, 1, 4) wird von eitier Bekehrung des Licentius gesprochen : Licentius ad eam (sc. philosophiam) [...] conversus. 67. Aug. ord. 1, 8, 22 quod pridie post cenam cum ad requisita naturae foras exisset, paulo clarius cecinit, quam ut mater nostra ferre posset, quod illo loco talia continuo repetita caneren- tur, (.u] obiurgavit eum religiosissima, ut scis, femina ob hoc ipsum, quod inconveniens locus cantico eset. ~ Hier praktiziert Augustin auch in der Rahmenhandlung die schonungslose Offenheit und Realitatsnihe, die er bei der Aufzeichnung der Gespricche fordert, was bisweilen den Widerstand der Sprechenden findet : Aug, ord. 1, 10, 29-30 und schon beat. vit. 2, 15 atque ego semel praeceperam, ut nullum verbum praeter litteras funderet eqs.. vgl. D. Ohlmann (wie Anm. 4), 276 f. 68. Aug. ord. 1, 8, 22 post paululum dies sese aperuit, s. 69. Aug. ord. 1, 8, 23. Augustin erlebt hier also eine Art « mémoire involontaire » liber den Hérsina, wie es bei Proust iiber Geruch oder Geschmack der Fall ist, hierzu K. H6xz, Das Thema der Erinnerung bei Marcel Proust. Strukturelle Analyse der mémoire involontaire ine A la recherche du temps perdu», Minchen 1972, 49 mit Anm. 53. J. Doignon stelit alle diese Zeichen in den Zusammenhang der admonitio : La « praxis » de l'Admonitio dans les dialogues de Cassiciacum de saint Augustin, in Vet. Chr. 23 (1986), 21-37. 70, Cic. cons. 12M, (=15BeK.) bei Lact. inst, 3, 19, 6: deprimt in tenebras atque in caeno corporis eqs. Gegensatz : der Aufstieg zum Himmel. Vgl. Aug. c. acad. 3, 19, 42 animas multiformibus erroris tenebris caecatas et altissimis e corpore sordibus oblitas. Hierzu H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 204-220, und zum Text von De ordine J. DOIGNoN, Problémes textuels et modéles:littéraires dans le livre I du « De ordine » de saint Augustin, in REAug. 24 (1978), 71-86, hier : 76 f. Ders, (wie Anm, 69), 29. Zum Wortspiel mit renebrae : ¢. acad. 2, 13, 29 und B.R. VoB (wie Anm. 4), 228 mit Anm. 118, 36 WOLFGANG HUBNER Zum einen bejaht Augustin auch die Kérperlichkeit, die der neuplatonische Dualismus streng von der Geisteswelt trennte und verurteilte. Zum andern ist auch die Nacht sinnvoller Teil der ganzen Ordnung im Sinne von Psalm 73, 16 : tuus est dies et tua est nox", und dies um so mehr, als nach einer gangigen Tageseinteilung der Antike, die teilweise noch heute nachwirkt, die Tagesgrenze am Abend lag, die Nacht also ihrem zugehdrigen Tag vorausgeht”?, so daB sich eine Progression vom Dunklen zur Helligkeit ergibt wie in De ordine. Und dieses Tagwerden wird dann wieder allegorisch mit der Anbahnung der Bekehrung des Licentius parallelisiert. Schon vorher hat Augustin diesen Bezug hergestellt, wenn er das erste Philosophieren des Jiinglings vorlaufig mit einem Terenzvers quittiert”? : nova nunc religio istaec in te incessit, cedo. Die volle Antwort verschiebt er auf den Tag, der soeben erst anzubrechen scheint — ja er weiB noch nicht einmal, ob der Schimmer vielleicht noch vom Mond stammt™: sed quod videbitur, per diem respondebo, qui mihi iam videtur redire — nisi lunae est ille qui fenestris fulgor induitur. Es bestehen also noch Zweifel, ob der Tag wirklich schon anbricht. Das bedeutet auf allego- tischer Ebene; Es ist noch nicht sicher, ob Licentius wirklich schon philosophiert. Doch kurz darauf folgt die GewiBheit. Nachdem der Jiingling direkt zugegeben hat, daB die Philosophie schéner sei als die Dichtung’ : pulchrior est philosophia, fateor, quam Thisbe, quam Pyramus usw., wird es wirklich Tag’: interea post paululum dies sese aperuit. Der allmihliche Anbruch des Tages wird also deutlich zu der zégerlichen, stufenweisen Bekehrung des Licentius in Beziehung gesetzt. Mit des Licentius indezenter Psalmodie hat man zu recht Augustins Birnen- diebstahl in den Confessiones verglichen’’. DaB beides gleichermaBen im Herbst stattfand, mag Zufall sein, die nachtliche Tageszeit ist es dagegen kaum. 71. Zitiert im Proémium zu Buch 11 der Confessiones (11, 2, 3), dazu G.N. Knauer (wie Anm. 39), 108. — Uber das sprachliche Begriffspaar Tag und Nacht J.Grim, Deutsche Grammatik HY (1831), 351 £. 72. W.und H.G. GuNpeL, Astrologumena. Die astrologische Literatur in der Antike und thre Geschichte, Wiesbaden 1966 (Sudhoffs Archiv. Beiheft 6), 273 mit Anm. 36. Es gab aber auch andere Teilungen : Gell. 3, 2. Vgl. die Similien zu Censorinus, De die natali 23, 3p. 57, 14 Sall- mann, 73. Aug. ord. 1, 7, 20: Ter. Andr. 730 mit leichter Wortumstellung. Andere Terenzzitate : Aug. ord. 1, 3, 9 : Bun. 1024 (s.u.). Aug, ord. 2,7, 21 : Phorm. 419, Aug. beat. vit. 4, 25 : Eun. 76\ und Andr. 305 f, Aug. beat. vit. 4, 32: Andr. 61, Vel. c. acad. 2, 6, 17 und 3, 16, 35 app. und H. JORGENS, Pompa diaboli. Die lateinischen Kirchenvater und das antike Theater, Stutt- gart al. 1972 (Tibi e zur Altertumswissenschaft. 46), 107-145, Der * Realismus * der Komidie verbindet sich hier mit dem * Realismus * der platonischen Dialogform. 74. Aug. ard. |, 7, 20. Vel. auf metaphorischer Ebene Aug. solilog. 2, 20, 35 totam faciem veritatis, cuius quidam in ills artibus splendor iam subrutilat, vgl. hierzu die eingehende Interpre- tation von J, DOIGNON, Les « nobles disciplines » et lee visage de la vérité » dans les premiers dla- logues d’Augustin, in JAC 27/28 (1984/5), 116-123. 75. Aug. ord. 1, 8, 21. 76. Aug. ord. 1, 8, 22 (vgl. Anm. 68). Es folgt die zweite Psalmodie. 77. Aug. conf. 2, 4, 9-2, 10, 18, wozu E, Dént (wie Anm, 6), 192. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 37 AbschlieBend heiBt es in den Confessiones noch einmal™: o facinus illud meum nocturnum. Die anfangliche Formulierung nocte intempesta geht, wie Pierre Courcelle nachgewiesen hat, auf Sallusts Catilina zuriick”. Binen Diebstahl bei Nacht bewertete das Zwélftafelgesetz schlimmer als einen Diebstahl am Tag®, Doch diese Tiefe der Nacht ist nur ein Anfang. Sie gilt in De ordine wie in den Confessiones gleichermafen als Zeit einer Gottesferne, die eine Ausgangsstufe fiir die Annaherung an Gott bildet und somit Teil des ordo ist. Ebenso gehért auch die Kérperlichkeit mit zum Menschsein. Es ergibt sich eine erste Verhaltnisgleichung : So wie die Frau unter den Mannern eine ebenbiirtige Gesprichspartnerin ist, so haben auch der Kérper neben dem Geist und die Nacht als Tageszeit fiir das Gesprich ihre Berechtigung. 4, Héren und Sehen Doch nicht nur Menschen spielen in De ordine eine Rolle, sondern auch Tiere, ja sogar Pflanzen und das schlichte Element des Wassers. Dabei steigt Augustin vom Niedrigeren zum Héheren auf : vom Regen zu herabgefallenen Blattern tiber ein Stiick Holz zu frechen Mausen. Bevor dies naher ausgefiihrt werden kann, muB zunachst auf die Wertigkeit der Sinneswahrnehmungen des HG6rens und Sehens eingegangen werden. Nach antiker Lehre sind nur das HGren und Sehen der ratio zuginglich, dabei ist das Sehen, der geistigste aller Sinne, dem Héren iiberlegen*!. Bei der Behandlung der sieben artes liberales am Ende des Dialoges® konstruiert Augustin einen Fortschritt vom Héren, dem 78. Aug, conf: 2, 6, 12 79. Aug. conf. 2, 4, 9 nocte intempesta = Sall. Cat. 32, 1: P. CouRcELLE, Le jeune Augustin, second Catilina, in REA 73 (1971), 141-150, abgedruckt in: Opuscula selecia (hrsg. Etudes Augustiniennes, Paris 1984), 319-328, Ders., Intempesta nocte, in : Mélanges W. Seston, Paris 1974, 127-134. Zum Birnendiebstahl tiberhaupt L.C. FERRARI, The Pear-Theft in Augustine's ‘Confessions’, in REAug. 16 (1970), 233-242. 80. Lex XII tab. 8, 12 si nox furtum faxit eqs., danach vielleicht Aug. conf. 2, 4, 9 furtum facere in Verbindung mit dex anstelle des sonst verwendeten furari. 81. Hierzu U. DucHRow, Sprachverstindnis und biblisches Héren bet Augustin, Tibingen 1967 (Hermeneutische Untersuchungen zur Theologie. 5), 31. H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 198 und 211 f, Primat des Sehens seit Heraklit frg. B 101a D.-K. Vel. Augustins Behandlung der . Sinne in den Confessiones (10, 33, 49-10, 35, 57), wo er auch sagt, wie sehr er vom Héren bewegt werden kann (conf: 10, 33, 49) : voluptates aurium tenacius me implicaverant et subjuga- verant. Im Lateinischen und den romanischen Sprachen ist hier auch mit zu beriicksichtigen, daB oculus und auris (auricula) ein sprachliches Geschlechts-Paar bilden wie Tag und Nacht, vgl. ferner L. SCHRADER, Sinne und Sinnesverkniipfungen, Studien und Materialien zur Vorgeschichte der Syndsthesie und zur Bewertung der Sinne in der italienischen, spanischen und franzésischen Literatur, Heidelberg 1969 (Beitrége zur Neueren Literaturgeschichte. III 9), besonders 205-213 iiber den Primat der Kiinste, ferner die Einleitung von D. de Chapeaurouge, «Das Auge ist ein Herr, das Ohr ein Knecht » [Jacob Grimm] : in Der Weg von der mittelalter- lichen zur abstrakten Malerei, Wiesbaden 1983, 1-14. 82. Aug. ord, 2, 12, 35 - 2, 15, 43, hierzu I, Hadot (wie Anm. 36), 101-136. Frihere Literatur : P. Alfaric (wie Anm. 3), 406 und 442-448. A. Dyroff (wie Anm. 4), 37 und 49. K. Svoboda (wie 38 WOLFGANG HUBNER Bereich von Rhetorik und Musik, zum Sehen, dem Bereich von Geometrie und Astrologie. Von der ratio heift es :*3 primo ab auribus coepit, und dann® hine profecta est in oculorum opes et terram caelumque conlustrans usw. — also eine deutliche gradatio vom Héren zum Sehen, Der dramaturgische Kunstgriff, den Dialog De ordine in der Dunkelheit beginnen zu lassen*’, erlaubt es Augustin, auch im ordo der Gespriiche vom Héren zum Sehen voranzuschreiten, Zundchst sind die Sinneswahrnehmungen noch ganz auf das Héren beschrankt, Erst spater kénnen die Teilnehmer sichtbare Beispiele diskutieren : die Wand des Baderaumes, durch deren Fenster das Licht hereinflutet®’, oder einen Hahnenkampf*’, Der Hahnenkampf, den die Urlauber auf dem Weg ins Bad beobachten, ist das erste Beispiel der Natur, das mit Augen und Ohren wahrgenommen wird. Vielleicht hat Augustin den Hahn gerade deswegen gewihlt, weil dieses Tier nach antiker Lehre dem Tag gehért**. Deutlich ausgesprochen wird die Tatsache, daB auch der Kampf der beiden Hahne dazu geeignet ist, den ordo Anm. 36), 29-32 und $8.68. H.-I. Marrou (wie Anm, 4), 187-275 (= 163-236). R. Lorenz, Die Wissenschaftslehre Augustins, in ZKG 67 (1955/6), 29-60 und 213-251, hier : 35-39. H. FUCHS, in RAC 5 (1962), 391-393 s. v, Enkyklios Paideia. U. Duchrow (wie vorige Anm.), 30-35 und 94. U. Pr2zant, 1 filone enciclopedico nella patristica da sant’ Agostino a sant’ Isidoro di Stvi- glia, in Augustinianum 14 (1974), 667-696 (Augustin: 667-677). A.TRAPE, Varro et Augustinus praecipui humanitatis cultores, in Latinitas 23 (1975), 13-24 (De ordine : 17). Zur schwierigen Frage der Varronischen Disciplinae B. CARDAUNS, Stand und Aufeaben der Varro- Jorschung (mit einer Bibliographie der Jahre 1935-1980), Wiesbaden 1982 (Abh. d. Akad. d. ‘Wiss. u.d. Lit. Mainz 1982, Nr. 4), 10. Vgl. fener J. Koprerscumibr, Rhetorik und Theodizee. Studien zur hermeneutischen Funktionalitit der Rhetorik bei Augustin, in Kerygma und Dogma 17 (1971), 273-291, 83. Aug. ord. 2, 14, 39. 84. Aug. ord. 2, 15, 42. Den Gedanken des Fortschreitens von einer ars zur anderen fiihrt 1. Hadot (wie Anm, 36), 67 auf Nikomachos von Gerasa (2. Jh.) zuriick, ebenso wie die Einheit der vier mathematischen Wissenschaften, 85. Aug. ord. 1, 3, 6 erant enim tenebrae. — Andersherum der Ubergang bei Plat. Pol. 7 p. 530° von der Astronomie zur Harmonie (= Musik) : dg mpg dotpovoutav Suyata némnyev, &g mpdg Evapudviov gopav Sta nayfjvan. 86. Aug. ord, 2, 11, 34: 8.0, Anm. 37, 87. Aug. ord. 1, 8, 25f, vgl. E.Dént (wie Anm, 6), 192 mit Anm, 12. C.P. Mayer (wie Anm. 34), 204. H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 188-226, 88. O. Becker, Pindars Olympische Ode vom Gliick, in Die Antike 16 (1940), 38-50, hier : 47 iiber den Hahn von Himera/fyépe, Vgl. den ambrosianischen Morgenhymnos Aeterne rerum conditor, vs. 5 praeco diei iam sonat eqs., ferner den eindrucksvollen Schlup des fiinften Buches des Hexameron iiber dic Tiere, ausgehend von einem schlichten Gegensatz bei Basil. hex. 8, 7 p. 1814 av th oxdter cd vortepsBia yévn tHV dpviday, év r gurl za Tuspogotta: Auf die Nachtvégel (§ 84) folgt der Hahn (ab § 88), der als Christus (gallus iste mysticus) gedeutet wird und den neuen Tag einleitet (§ 90) : et fiat mane dies sextus. Zu Prud. cath. 1 : Ch. GNILKA, Die Natursymboltk in den Tagestiedern des Prudentius, in JAC, Erg. Bd. 8 (1980), 411-446, hier : 429-445. Bei Ambrosius und Prudentius kommt es mehr auf das Krihen an der Grenze von Nacht und Tag an, bei Augustin dagegen auf den Kampf, daher ist das Chrysippzitat (SVF Ill 705 bei Plut. Stoic. repugn. 32 p. 10494), das H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 188 (val. 198 {Anm. 65]. 211. 219 f. 226 [Anm. 199d]) beibringt, wenig am Platze. Auch die These, da der Hahnenkampf bei Augustin funktionell das von Cicero und Seneca verwendete Beispiel des gestirnten Himmets auf niedrigerem Niveau ersetzen soll, iiberzeugt nicht. DER «ORDO » IN « DE ORDINE » 39 der Natur zu demonstrieren : Selbst die HaBlichkeit des unterlegenen Hahnes gehért mit zu der Gesamtschénheit des Kampfes, ja sie laBt die Schénheit des Siegers nur um so deutlicher hervortreten*®. Wir treffen hier ein letztes Beispiel fiir die Rechtfertigung der scheinbar negativen Seite einer Polaritét. Neu ist, daB die beiden Partner miteinander kimpfen, wihrend Kérper und Geist, Frau und Mann, Héren und Sehen, Nacht und Tag nur als schlichte Polaritaten eine Rolle spielen — wenn man nicht in der langsamen Morgendémmerung mit der UngewiBheit (Mondlicht oder Morgengrauen) schon einen Ansatz zu einer Auseinandersetzung sehen will. Ein spateres Beispiel fiir die anfingliche Bedeutung des Hérsinnes haben wir schon kennengelernt : die doppelte Psalmodie des Licentius, deren zweite in Augustin eine Art «mémoire involontaire » auslést und ihn schlagartig die Kongruenz der Inkongruenzen von Ort und Tageszeit erkennen laBt. Ganz am Anfang des sich im finsteren Schlafgemach entwickelnden Gespriches finden wir nun zwei Gerdusche, die nicht von der menschlichen Stimme, sondern aus niedrigeren Bereichen der Natur stammen. Das erste der beiden Gerdusche, ein unterbrochenes, bald helleres, bald gedimpfteres Wasserrauschen, wird durch den Novemberregen verursacht : Herabgefallene Blatter verstopfen zeitweilig die Regenrinne und werden dann durch das aufgestaute Wasser weggespiilt”. Wir sind auf der niedrigsten Stufe der organischen Natur : Die Blatter sind verwelkt, ein Zersetzungsprodukt wie jener « Kot des Leibes », und das Wasser galt in der Hierarchie der stoischen und tiberhaupt der gangigen Kosmologie als das niedrigste der vier Elemente. Es hatte nun durchaus dieses eine Gerdusch gentigt, um das philosophische Gesprach zwischen Augustin und Licentius in Gang zu setzen. Doch die schép- ferische Phantasie Augustins fiigt noch ein zweites Gerausch hinzu. Durch das Zerknacken eines trockenen Holzes versucht Licentius, zudringliche Mause zu verjagen, und verrat dadurch dem wachen Augustin, daB auch er nicht schlaft” ; Licentius lecto suo inportunos percusso iuxta ligno sorices terruit seseque vigilantem hoc modo indicavit. 89. Aug. ord. 2, 4, 12 quid nobis suavius, quod agro villaeque spectaculum congruentius fuit pugna illa conflictuque gallinaciorum gallorum, cuius superiore Iibro (1, 8, 25] fecimus mentio- nem ? quid abiectius tamen deformitate subiecti vidimus ? et per ipsam tamen eiusdem certami- nis perfectior pulchritudo provenerat. 90. Aug. ord. 1, 3, 6 cum ecce aquae sonus pone balneas, quae praeterfluebat, eduxit me in aures et animadversus est solito adtentius. mirum admodum mihi videbatur , quod nunc clartus mune pressius eadem aqua strepebat silicibus inruens. Eine mégliche Erklarung folgt § 7 : folia cuiuscemodi, quae auturno perpetuo copioseque decidunt, angustiis canalis intertrusa vinci aliquando atque cedere, ubi autem unda, quae urgebat, pertransierit, rursum colligi atque stipari eqs. Die literarischen Parallelen, die H.H. Gunermann (wie Anm. 3), 194 f. fir das Fallen der Blatter (Verg. Aen. 3, 441-452) und fiir das Wasserrauschen (Ps. Longin, De sublim. 35) bei- bringt, diberzeugen kaum, 91. Vert, Manilius als Astrologe und Dichter, in ANRW IL 32.1 (1984), 126-320, hier : 154. Ders., Der Mensch in Aelians Tiergeschichten, in Antike und Abendland 30 (1984), 154-176, hier : 167 £. — Ein Zersetzungsprodukt ist auch jener caseus (s. 0. S. 31), der aber nicht als sol- cher gedeutet wird, 92. Aug. ord. 1, 3, 6. Das Wort importunus hat einen unheimlichen Klang (val. 2, 14, 39 und 40 WOLFGANG HUBNER Die beiden Vorgange, sowohl das intermittierende Regenrauschen drauBen in der Natur als auch das Vertreiben der Mause im Inneren des Hauses, bilden nun wieder eine gradatio vom Niedrigeren zum Héheren. Das Element des Wassers schwemmt die Blatter weg, das zerknackte Holz vertreibt die Mause. Licentius parallelisiert diese beiden Vorginge spater selbst anaphorisch vom jeweils zweiten Glied her: guicquid volitatio foliorum in agro, quidquid vilissima bestiola in domo facit. Hier geht es nicht mehr — wie bisher — um einfache Polarititen, sondern um parallele Interaktionen je zweier Partner. In einer Verhiltnisgleichung ausgedriickt heiBt dies: Der Regen verhilt sich zu den Blattern wie das Holz zu den Mausen. 5. Floh oder Maus ? Mit den lastigen Mausen setzt Augustin also auch die Tierwelt ein, um den ordo der Natur zu demonstrieren. Ist unsere Annahme, daB der Hahn am Ende der Beschreibung des ersten Gespriichstages als Tag-Tier zu gelten hat, richtig, dann steht zu vermuten, daB die Maus am Anfang des ersten Gespri- ches komplementir dazu als Nacht-Tier gemeint sein kénnte. Um dieser Frage nachzugehen, sollten wir kurz auf die anderen Tiere des Dialoges eingehen. Gegen Ende erwahnt Augustin zwei Beispiele der traditio- nellen popularphilosophischen Diskussion um den Adyog und die sollertia kleiner Tiere: den Nestbau der Schwalbe und den Wabenbau der Biene™, Beispiele, wie sie auch im zehnten Buch der Confessiones vorkommen’’, Programmatischen Charakter hat ein anderes kleines Tier in der Vorrede. Augustin bestaunt die wundervoll angeordneten Glieder eines Flohs®* : quod Anm. 79 tiber intempestus) : Verf., Dirae im rémischen Epos. Uber den Zusammenhang von Vo- geldiimonen und Prodigien, Hildesheim 1970 (Spudasmata. 21), 31 mit Anm. 127; dort auch S. 92 tiber obstrepo, das Aug. conf. 4, 15, 27 in ahnlichem Zusammenhang verwendet : corpora- lia figmenta obstrepentia cordis mei auribus : S. 32 mit Anm. 132 iiber die prodigiése Bedeutung der Vorsilbe ob—, vgl. in De ordine 1, 5, 14 mus oberrans (s. die nachste Anm.) und Verf. (wie un- ten Anm. 113), 269 f. mit Anm, 12. 93. Aug. ord. 1, 5, 14, vgl. vorher : eur folium ex arbore ceciderit aut utrum mus oberrans facenti homini molestus fuerit. 94. Aug. ord. 2, 19, 49. 95. Aug. conf: 10, 17, 26. 10, 35, 57. Interesse fiir kleine Tiere verrit auch-die kurz darauf (388) in Rom entstandene Schrift De quantitate animae (31, 62): in agro Liguriae fragen duo adulescentes nach der Ausdehnung der Seele und machen dazu mit einem stilus Versuche an einem Wurm. 96. Aug, ord. 1, 1, 2: Es folgt das Mosaik-Bei: spiel. Der Fioh kommt auch in einer seiner Predigten vor: Aug. serm. 9 c.11, 17 (PL 38, 88), Andere voikstiimliche Beispiele in den Predigten sammelt P. CHaRLEs SJ, L ‘élément Populaire dans les sermons de saint Augustin, in NRTh 69 (1947), 619-650, hier : 630-634. Vgl. auch H.-I. Marrou (wie Anm. 4), 139-141 22-124), ferner M. BAMBECK, « Die groBen Fische fressen die kleinen », in Neuphilologische Mitteilungen 92. (1981), 262-268. Ders., Zur Polemik des Cecco d'Ascoli gegen Dante oder von der Allegorese, in Romanistisches Jahrbuch 31 (1980), 73-78. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 41 membra pulicis disposita mire atque distincte sunt. Er walt bewuft ein kleines Tier mit negativer Wertung, um die Vollkommenheit des scheinbar Verachtli- chen zu demonstrieren. Der Floh des Proémiums befindet sich noch auBerhalb des Gespriichsrah- mens. Er ist noch nicht Akteur der Handlung. Daf er es sehr wohl hitte sein kénnen, belegt eine Stelle bei Gustave Flaubert. Auf seiner Reise nach Korsika lassen ihn nachts die Fléhe nicht schlafen. Er léscht das Licht, der Mond erhellt das Zimmer. Der Schlaflose tritt ans Fenster und erlebt so eine wunderbare poetische Inspiration®’. Genau diese auslésende Wirkung hatten Fiche auch im nichtlichen Gemach der Villa des Verecundus haben kénnen. Der Floh des Proémiums wirkt beinahe wie der Rest eines verworfenen alterna- tiven Expositionsplanes. AuBerdem kehrt in der Doppelung von Floh und Maus als Expositionstieren formal die Doppelung der beiden Geriiusche am Anfang wieder. In der Abundanz der Assoziationen spiegelt sich die anfangli- che fieberhafte Unrast des Geistes.Es gibt hierfiir letztlich eine stoische Quelle, die den Wert von Wanzen darin sieht, daB sie — ahnlich wie die Hahne — die Schlafer aufwecken ; danach folgen sogleich die Mause. Im fiinften Buch tiber die Natur schreibt Chrysipp® : of Képerg ebyphota eunvifovar hudc Kat of, des emotpégovor Has ut Gwerd Exaota tHévar eqs. Der Vorzug der Mause vor den Flohen liegt zunachst einmal darin, dap die Vollkommenheit der Fldhe ja nur mit den Augen wahrgenommen werden kann, wahrend sich der Anfang des ndchtlichen Gespriaches ganz aus dem Akustischen heraus entwickelt. Die Mause werden denn auch gerade als pfei- fende Tiere eingesetzt, und zwar in der Deutung des Vorfalles, in der Licentius das Vertreiben der Mause auf seine eigene Bekehrung bezieht. Dabei spielt er mit den Verben prodire = « hervorkommen » und prodere = « verraten »®. Er sagt: « Eine Maus kommt sogar hervor, damit ich als Wachender angezeigt werde »!% ; sorex etiam prodit, ut ego vigilans prodar. Zur Paronomasie der 97. G. FLAUBERT, Voyages aux Pyrénées et en Corse, in : uvres completes 10 (Paris 1973). 334, dazu die geniale Deutung von M. Butor, Jmprovisations sur Flaubert, Paris 1984, 47 : «Menues messagéres de Vinspiration, les puces lui ont donné Poccasion d'une expérience postique, dans laquelle nous reconnaissons le theme traditionnel de la coincidence des opposés, la réunion du jour et de la nuit, » Vel. vorher 46 : « Les puces de Orient, c'est ce qui va réussir traverser Ia carapace masculine pour éveiller la sensibilité féminine. » 98. Chrysipp SVF II 1163 bei Plut. Stoic. repugn. 21 p. 10449, vgl. H.H. Gunermann (wie ‘Anm, 3), 187, Miuse und Fléhe bilden Anfang und Ende einer Aufzihlung Kleiner Tiere Aug. civ. 15,27 p. 118, 19 D. de minutissimis bestiolis, non solum quales sunt mures et stelliones [...), ‘muscae denique et pulices. Kompilatorisch und fehlerhaft das Buch von B. BECKMAN, Die Maus im Altertum. Vorbereitende Untersuchungen zu einer Herausgabe der hochmittelalterlichen Méusesagen, Ziitich 1972, 63-125. 99. Uber die Bedeutung von Wortspielen bei Augustin B.R. VoB (wie Anm. 4), 228. 100. Aug, ord. 1, 5, 14. Zum Verstindnis vgl. Donats Erklérung des Terenzverses (Don. Ter. Eun, 1024): proprium soricum est vel stridere clarius quam mures vel strepere magis, cum obrodunt frivola. ad quam vocem multi se intendentes quamvis per tenebras noctis transfigunt 205. [w] Sorex non facile caperetur, nisi emitteret vocem noctu, — Zum iibertragenen Gebrauch von evigilare vgl. die Vorrede von c. acad. 1, 1, 3 an Romanianus : evigila evigila, oro te, Vel. auch J. Doignon (wie Anm. 69), 22-26. 42 WOLFGANG HUBNER beiden Verben kommt der Doppelsinn von vigilans, « wach» und zugleich «wachsam ». In seiner pers6nlichen Auslegung geht Licentius stillschweigend vom anfanglichen Plural sorices (ord. 1, 3, 6) zum Singular sorex tiber. Spater sagt er hierfiir, wie gesehen, bestiola!, was durch den Zusatz vilissima noch weiter abgewertet wird. Wir finden hier eine Parallele zu den nachtraglich auf einen Tag zusammengezogenen drei Tagen der Gesprache De beata vita, wobei sogar das Diminutivum wiederkehrt : libellum/bestiola. Wieder geht es um ein Paradox : Trotz seiner scheinbar wertlosen Winzigkeit ist das Tier Teil des gatt- lichen Heilsplanes, weil es die Bekehrung des Licentius durch Augustin erst erméglicht. Doch es geht noch weiter. Licentius gewinnt nicht nur dem Hervorkriechen der Maus einen providentiellen Sinn ab, sondern er bezieht auch ihr zurtickschliipfen auf seine eigene Situation, und zwar in Umkehrung eines sprichwértlichen Terenzverses, welcher im Original so lautet!? ; egomet meo indicio miser quasi sorex hodie perii, «Ich Armer bin heute durch meine eigene Anzeige gleichwie eine Maus verloren », d.h. der Sklave ist verloren, weil er wie eine Maus gepfiffen und damit sich selbst verpfiffen hat. Die Deutung kniipft also an ein akustisches Zeichen an, und diese Besonderheit empfahl gerade die Maus fiir die Exposition des Dialoges. Licentius verindert nun aber den Terenzvers ; Er unterdriickt das Wort miser und kehrt entsprechend der Wendung ins Positive den SchluB um, indem er statt hodie perii sagt!®? : ego forte hodie inveniar. Er meint : Vielleicht werde ich heute fiir die Philosophie entdeckt. Zur Begriindung zieht er einen Vergleich : So wie er selbst mit dem Geriusch seines Holzes das kleine Tier in sein Mauseloch gescheucht habe, damit es, statt ominds zu pfeifen, « bei sich selbst ruhe », genau so treibe Augustin mit dem Gerdusch seiner Stimme ihn, Licentius, in die wahre Heimat, damit er, statt gerauschvoll zu dichten, nun in Ruhe meditiere’4 : si ego illum murem vel soricem, qui me tibi vigilantem detulit, strepitu meo commonui, si quid sapit, redire in cubile suum secumque conquiescere, cur non ego ipse isto strepitu vocis tuae commonear philosophari potius quam cantare ? nam illa est[...] vera et inconcussa nostra habitatio. Schon hier ist also der stillschweigende Ubergang von der Vielzahl der andringenden Mause zur Einzahl vollzogen, damit Licentius den Vorfall auf sich selbst iibertragen kann. Die oben erschlossene Proportionsgleichung (namlich daB der Regen die Blatter wegspiilt wie das zerknackte Holz die Méause vertreibt) wird nun um ein Glied bis auf die menschliche Ebene 101, Aug. ord. 1, 5, 14: s.0. $. 40, 102. Ter. Eun, 1024, vgl. oben Anm. 73. 103. Aug. ord. i, 3, 9. 104, Aug. ibid. Die grizisierende Partizipialkonstruktion me tibi vigilantem detulit vergleicht W. Hensellek (wie Anm. 32), 88 mit ord. 1, 5, 14 ut ego vigilans prodar. Das Wort cubile (vgl. auch Verg. georg. 4, 243) iibertrigt Augustin im memoria-Buch der Confessiones (10, 25, 36) auf sein Inneres (an Gott gewandt) : ubi illic manes, quale cubile fabricasti tibi ? Vg). ferner J. Doignon (wie Anm. 69), 26 mit Anm. 25. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 43 fortgesetzt : Wie Licentius mit dem Zerknacken des Holzes die Maus in ihr Loch zuriicktreibt, so treibt Augustin den Licentius mit dem strepitus seiner Stimme ins Reich der Philosophie : 1. rauschender Regen —_______» Blatter 2. Zerknacken des Holzes-=--""""_, Miuse durch Licentius ~~. So wie die verwelkten Blatter auf der passiven Seite des ersten Beispiels und das trockene Holz auf der aktiven Seite des zweiten Beispiels eng zusammenge- héren, weil sie auf derselben niedrigen Stufe der organischen Natur stehen, so ist der Zerknackende auf der aktiven Seite des zweiten Beispiels mit dem Licen- tius auf der passiven Seite des dritten Beispiels sogar identisch. Oder anders gewendet : In seiner eigenen Deutung wird Licentius selbst zu einer jener Mause, die er in ihren Schlupfwinkel getrieben hat. Der Ausdruck secum conquiescere fiir die zuriickschliipfende Maus entspricht in der Widmungsvorrede der Definition des Philosophierens”® : animum in se ipsum colligendi atque in se ipso retinendi. Das Wort colligere kommt in ahnlichem Zusammenhang im zehnten Buch der Confessiones vor, wo es auch mit dem Wort cogitare in Verbindung gebracht wird’ : cogitando quasi colligere mit folgender Verdeutlichung der Etymologie cogere - cogitare. Diese Etymologie iiberliefert, so zeigte sich, bereits Varro, und dort folgt eben jene andere Etymologie e lacte coacto caseus - ein zusatzliches Argument dafiir, daB hinter dem Psalmzitat des mons incaseatus der Gedanke der Sammlung steckt, Hier kommt es besonders auf die Bedeutung der Tiere an, und da gibt es schon friihe Beispiele fiir das Wort colligere, die wohl auf die exakte Tierbeobachtung der rémischen Mantik zuriickgehen, Am Ende der Aeneis verwandelt sich eine der Diren in einen kleinen, kauzihnlichen Nachtvogel'™” : alitis in parvae subitam conlecta figuram, was seine Parallele bei dem dlteren Plinius findet, der iiber Kauze, die sich zu wehren haben, sagt! : collectae [...] in artum. Ebenso Ambrosius vorn Igel!®® : in sua se arma colligit, und so schlieBlich auch Augustin selbst in De ordine vom siegreichen der beiden Hihne!? : superbum cantum et membra in unum 105. Aug. ord. 1, 1, 3, Kurz darauf der Gegensatz (1, 2, 3): animus a se ipse [ipso var. 1.) ‘fusus. Vgl. beat. vit. 1,'4 (Hafen-Bild) : ibique conquiescerem. Zu redire vgl. c. acad. 2, 2, S pror- ‘sug totus in me cursim redibam. 3, 19, 42 tiber die Seelen : redire in semet ipsas et resipiscere patriam und conf. 7, 10, 16 redire ad memet ipsum. 106. Aug, conf. 10, 11, 18: s.0, Anm. 47. Moralisch und neuplatonisch gewendet conf. 10, 29, 40 per continentiam quippe colligimur et redigimur in unum, a quo in multa defluximus, vel. conf. 2, 1, 1 tu {..] colligens me a dispersione {..], dumm ab uno te aversus in mulia evanui und 2, 10, 18 defluxi abs te ego et erravi. Anders Cic. de orat. 1, 7, 24 L. Crassum quasi conligendt sui causa se in Tusculanum contulisse. 107, Verg. Aen. 12, 862, wozu Verf. (wie Anm. 92), 23-29. 108, Plin, nat. 10, 39. 109. Ambr, hex, 6, 4, 20. 110. Aug. ord. 1, 8, 25. Anders von den Blattern ord. 1, 3, 7 colligi: s.o. Anm. 90, 44 WOLFGANG HUBNER quasi orbem collecta, méglicherweise auch dies ein Bild fiir die philosophische Sammlung nach dem heiBen Gefecht der Dialektik. Auf das Gebiet der rémischen Mantik fiihrt auch eine Parallelstelle aus dem dritten Buch von Contra academicos. Dort wird der Singer Licentius nicht mit einer Maus verglichen, sondern mit einem Vogel, der unverstindliches Zeug von sich gibt!! : malim auribus nostris inculces tuos versus quam ut in illis Graecis tragoediis more avicularum, quas in caveis inclusas videmus, verba quae non intellegis cantes. Hinter dieser Qualifizierung steckt ein weit verbreitetes Dreierschema, das die tnenden Dinge in gmvievta, tuiga@va und Ggove einteilte'!?. Die Vogel gehorten zur Mittelgruppe der quigava, die zwar Laute von sich geben, aber nur solche, die nicht artikuliert sind und daher keinen Logos beinhalten. Nun gibt es ein wertvolles Zeugnis bei Ausonius, das uns zeigt, daB die rémischen Auguren auch die Mause zu jenen Tieren zihlten, deren Laute prodigids sind, d.h. zu den oscines, zu denen sonst nur Végel gehéren. Es handelt sich um eines jener Hexameterriitsel, deren Aufldsung am Ende durch ein Monosyllabon erfolgt, wobei Ausonius in diesem Fall bereits an Verse des Vergil und Horaz anschlieBen konnte!!3 ; quadrupes oscinibus quis iungitur auspiciis ? mus. Es ist bereits genauer gezeigt worden, daB Marius Victorinus aufgrund dieser Zusammenfassung von Maus und Végeln falschlicherweise unter dem augura- len Tiernamen sorex geradezu einen Vogel versteht'!*, und zwar ein Tier, das zur Nacht gehdrt und die « kleine Behausung » anzeigt. Marius Victorinus bestitigt also die obige Vermutung, daB die Maus zur Nacht gehdrt und daB Maus und Hahn im Hinblick auf Nacht und Tag ein komplementires Paar bilden"’. Die Formulierung index est parvi laris beweist zudem, daB sowohl 111, Aug, ¢. acad. 3, 4, 7. 112, Verf., Varros « instrumentum vocale » im Kontext der antiken Fachwissenschaften, Wies- baden 1984 (Abb. d. Akad, d. Wiss, u.d, Lit. Mainz 1984/8), 13. 113. Auson. 347, 12 p. 165 Peiper/p. 135 Prote. Vgl. hierzu und zum Folgenden Verf., Saurix — ein Vogel? Zwei saturnische « oscines », in Glotta 47 (1969), 266-279, Kernstelle zur prodigiésen Bedeutung der Maus bei den Rémern ist Plin. mat. 8, 221-224, vgl. unten Anm. 118 f. Nur sehr avenig bei A. BOUCHE-LcLERCQ, Histoire de la divination dans Vantiquité 1, Paris 1879 (Nar. 1963), 148. Augustin erwihnt die prodigiése Maus (sorex) auch doct. christ. 2, 20, 31, 114, Mar. Viet. gramm. 4, 110 (ed. I, Mariotti) : ‘sorix' aut ‘saurix' avis tributa Saturno ab auguribus, quia tarditati et vetustati et senectutl convenit: nam et in veteranis maxime versatur locis et noctium est et noctis maxime primae, et quia tempestatis nuntius atque index est barvi laris. Vgl. dazu H. DAHLMANN, Zur Ars grammatica des Marius Victorinus, Wiesbaden 1970 (Abh. d. Akad. d. Wiss. u.d, Lit, Mainz 1970/2), 155-159. 115. Vgl. tiber die Mituse : Verf, Sorex und bubo, in Glotta 49 (1971), 147-149, iiber das komplementire Paar von Spitzmaus und Ichneumon in Agypten E. BRUNNER-TRAUT, Spitzmaus und Ichneumon als Tiere des Sonnengottes, Géttingen 1965 (Nachrichten d. Géttinger Akad. 4d. Wiss., phil. hist. K1. 1965/7), 123-163. Uber die Beziehungen der Maus zum Haus J. HUNGER, Babylonische Tieromina nebst griechisch-rémischen Parallelen, Berlin 1909 (Mitteilungen der Vorderasiatischen Gesellschaft 14, 3), 106-109. Zum Begriff Jar gehért hiufig das Kleine, Bescheidene : Verf. (wie Anm. 113), 274-276 mit Anm, 22 ; lar als Tierbehausung : TRLL VII 2, 2 (1973), 967, 26-45. DER « ORDO » IN « DE ORDINE » 45 die « Anzeige » als auch die « kleine Behausung » mit dem auguralen Tier in Verbindung gebracht wurde. SchlieBlich sagt Marius Victorinus auch, daB die Maus dem Saturn untersteht, dem Gott der tarditas, vetustas und senectus, und, wie wir aus Servius!’ hinzufiigen kénnten, dem Gott des forpor, der Starre. Diese Starre scheint Augustin auf einen schlafahnlichen Zustand bezogen zu haben, denn auch in den Confessiones heit es ja: ubi ab aestu saeculi requievimus in te, mit folgendem Zitat von Psalm 9, 4: obdormiam et somnum capiam. Diese auf den ersten Blick vielleicht etwas ktihne Vermutung wird durch eine Parallele bestens bestdtigt. Es gibt namlich eine andere Mauseart, deren Winzigkeit wiederum durch ein Monosyllabon ausgedriickt wird, das daher wieder die Antwort eines jener Hexameterriitsel des Ausoninus bilden kann : glis, die Haselmaus"” ; dic, cessante cibo somno quis opimior est ? glis. Die Haselmaus, so sagte man, wird wahrend ihres Winterschlafs dicker, obgleich sie keine Nahrung zu sich nimmt'’®. Auch bei diesem Tierlein war in der antiken Naturwissenschaft die Starre wichtig, denn Plinius der ltere empfiehlt nebeneinander glires und sorices ‘ homoeopathisch ’ als Rezept gegen Lahmung", Dieses gedeihliche Ruhen der Haselmause hat nun Hieronymus an zwei Stellen (etwas spiiter als Augustin in De ordine) auf das kérperlose, ewige Sein der Seele bezogen!” : animam incorporalem et aeternam et in modum glirium immobilem torpentemque, und noch einmal, gegen Rufin gerichtet'? ; an in morem glirium torpentes consopitaeque dormierint [sc. animae]. Aus dieser Parallele kénnen wir schlieBen, daB Tierbeispiele aus der stoisch gefaérbten rémischen Mantik in der zeitgendssischen Seelendiskussion eine Rolle spielten und daB dabei Schlupfwinkel und Winterschlaf verschiede- ner Mausearten (glis und sorex) nicht nur das nachtliche Wachen, sondern auch die Ruhe der Kontemplation illustrierten. Hierauf geht auch die Exposition von De ordine zuriick. 116. Serv. Aen. 6, 714 torporem Saturni, val. auch Hephaistion 1, 20, 27 Pingree iiber Saturn und die Méuse. Hinzuzunehmen ware ferner die antike Etymologie p6c-yetv : Anecdota Athe- niensia I: Textes grecs inédits relatifs d V'histoire des religions, ed. A. Delatte, Liittich-Paris 1927, p. 511, 18 wis yap Méyetat 6 novaxds dnd t06 bo. Vgl. im Roman des Jamblichos bei Photios c. 10 2 of xahefofat kal tT wvotipia dnd tHv podv. mpdmy yap efvar Thy tOv wosv hayiKav. 117, Auson. 347, 9 p. 165 Peiper/p. 134 Prete. 118, Stellen im TALL VI c. 2046, 27-38 s. v. glis. Uber den Winterschlaf von sorex und glis Plin. nat, 8, 223 saurices et ipsos hieme condi auctor est Nigidius (frg. 117 Swoboda] sicué glires — wenn hieme nicht bedeutet : « bei Unwetter » (gr. xewdv) wie bei Theophr. sign. 41 und 49 yeiéptov oder Aelian, NA 7, 8 xenGva. 119. Plin, nat, 30, 86 paralysin caventibus pinguia glirlum decoctorum et soricum utilissima tradunt esse, . e.Toh. 20. adv. Rufin, 3, 30. 46 WOLFGANG HUBNER 6. Licentius und Augustin Ihre Wurzeln hat dieser spatantike Rekurs auf die Tierwelt aber letztlich schon bei Platon selbst, wo zwar weniger der zu Bekehrende, woh! aber der bekehrende Sokrates unter anderem mit Tieren verglichen wird, wie in der « Apologie »'” mit einer Bremse (ubwy), die ein groBes, edles Pferd aufstachelt, oder im «Menon»" mit einem Zitterrochen (vépxn), der umgekehrt * narkotisiert’, dort freilich noch ohne den Hintersinn eines philosophischen Ruhezustandes. Spater brachte dann die Stoa mit ihrer lebendigen Diskussion um den Logos der Tiere neue Denkanstée'™. In dem stoisch inspirierten Lehrgedicht der «Phainomena» Arats, dessen Wirkung auf die Rémer nicht hoch genug veranschlagt werden kann, steigt der Dichter von den fernsten und riesigen Himmelsréumen herab auf die Erde!5. Das letzte seiner Wetterzeichen liefern die piepsenden Miause!?6, die nach dem Ruhelager verlangen!”” : kai nweg qpéptot nocai onPé5a otpagavtes Koitng ipeipovta, dt’ SuBpov ohyata gaivor Schon hier also gehéren die Mause zur Ruhe und zugleich zum Mikrokosmos : Auch und gerade in diesen kleinen Tierlein zeigt sich die gottgewollte Ordnung. Es ist nun schon festgestellt worden, daB Vergil am Ende seiner Georgica Arats Mause durch den Mikrokosmos seines Bienenstaates ersetzt hat und wie sehr Augustin im zehnten Buch, dem memoria-Buch der Confessiones, seiner- seits vom Bienenbuch Vergils abhingt'**, Im Hinblick auf De ordine seien drei Gemeinsamkeiten hervorgehoben, die die Exposition des Frithdialoges mit der Tiermetaphorik der Confessiones verbinden : 1. Zu Beginn dringen die Gedanken dessen, der sich erinnern méchte, 122, Plat. apol. 308, a ase Meno 804. Ygl. auch Alkibiades’ Vergleich mit einer Schlange im Symposion 124, Literatur hierzu beim Verf., Der Mensch (wie Anm. 91), 155 mit Anm. 5, Ders., Varros instrumenturn (wie Anm. 112), 20 mit Anm. 51, Fuir stoischen EinfluB in De ordine trotz J. Rief (wie Anm. 2), 22: A. Dyroff (wie Anm. 4), 27. K. Svoboda (wie Anm. 36), 32-35. A. Solignac (wie Anm. 36), 447, H.H.Gunermann (wie Anm. 3), passim. Vgl. Anm. 63 und sonst G. VeR- BEKE, Augustin et le stoicisme, in Recherches augustiniennes 1, Paris 1959, 67-89. Ch. BA- Guerre, Une période stoicienne dans I’évolution de saint Augustin, in REAug. 16 (1970), 47-77. M. Sicherl (wie Anm. 36), 63-6. Vgl. auch die oben in Anm. 20 genannte Literatur zur Fruitio Dei. 125. W. Lupwi, Die Phainomena Arats als hellenistische Dichtung, in Hermes 91 (1963), 425-448, hier : 438, 126. Arat. 1132 ec texpryotec, nach Theophrast sign. 41 ues cpitovres Kal Spxovduevor. 127, Arat. 1140f., vgl. Theophrast sign /49 16 navrayoS 8¢ Aeyduevov anpelov Squstov xsuéprov, Stay neg nepi gopvtod udyoveat Kai gépwary. 128. Verf. (wie Anm. 3), 249-258. DER «ORDO» IN « DE ORDINE » 47 scharenweise und belastigend heran wie Insekten, die hierin mit den Mausen des Licentius vergleichbar sind ; dabei tritt wieder das Verbum prodire auf” : quaedam statim prodeunt, [...] quaedam catervatim se proruunt et [...] prosiliunt in medium usw. 2. Dann aber verscheucht Augustin den ungeordneten Schwarm — wie Licen- tius jene Mause!°: abigo ea manu cordis a facie recordationis meae, donec enubiletur quod volo, Dieses im ‘ synchronen’ zehnten Buch gebrauchte Bild kommt schon einmal in der Bekehrungsgeschichte vor, und zwar im Probmium des siebten, des mittleren Buches. Augustin ringt mit dem Problem der Gottesvorstellung und vertreibt die phantasmata, die wie fliegende Insekten auf ihn eindringen'?!: hoc uno ictu conabar abigere circumvolantem turbam immunditiae ab acie mentis meae : et vix dimota « in ictu oculi » ecce conglo- bata rursus aderat et inruebat in aspectum meum et obnubilabat eum. Selbst die Verben obnubilare und enubilare gehéren mit zum Gesamtbild, weil nubes (griechisch végo¢) der Terminus fiir den Insektenschwarm ist!?2. In ihm liegt zugleich der Gedanke, daB das Sonnenlicht des Geistes verdunkelt wird. Das Buch 7 schildert die neuplatonische Phase, und das Bild des Insektenschwarms mag Augustin gerade im Hinblick auf die zeitgendssische Seelendiskussion gewahlt haben, in der nach obiger Vermutung kleine Tiere eine Rolle gespielt haben. 3. Doch die bemerkenswerteste Parallele zur Bekehrung des Licentius besteht in dem bereits beschriebenen, typisch augustinischen Perspektivenwechsel!™, der das Aufere nach innen kehrt : Wie Licentius die anfingliche Vielzahl der Zudringlinge auf die Einzahl reduziert, um sich dann selbst mit einem jener von ihm vertriebenen Tierlein zu vergleichen, so wird auch Augustin im Verlaufe des zehnten Buches der Confessiones selbst zu einem jener Insckten, die er vorher vertrieben hat. Wie eine Biene durchforscht er, sich allmahlich vom heimischen Bienenstock entfernend, die unwirtlichen Weiten seiner Innenwelt!* : per haec omnia discurro™S et volito hac illac. Der Verscheu- chende ist selbst zum suchenden Insekt geworden. Die Art, wie sich in dem Friihdialog der von Augustin zur Philosophie bekehrte Licentius mit einem Tier vergleicht, weist also schon voraus auf die Art, wie Augustin spiter seine eigene Bekehrungsgeschichte darstellt. Auf diese Weise wird der Licentius von De ordine zum Stellvertreter des kurz zuvor in Mailand bekehrten Augusti- nus?36, 129. Aug. conf: 10, 8, 12. 130. Aug. ibid., vgl. hiermit Aug. ord. 1, 3, 6 sorices terruit. 131, Aug. conf. 7, 1, 1. 132. Verf. (wie Anm. 3), 251 mit Anm. 29. 133. Vgl. G.N. KNAUER, « Peregrinatio animae » (Zur Frage der Einheit der augustinischen Konfessionen), in Hermes 85 (1957), 216-248, hier : 220. 134. Aug, conf: 10, 17, 26. 135, Selbst in dem Verbum discurro wirkt ein Bienengleichnis nach : Verg. Aen. 12, 589 f. illae intus trepidae rerum per cerea castra/discurrunt. 136. Vgl. W. Thimme (wie Anm. 13), 18 : « Was in De ord. I Licentius erlebt, welchem zum 48 WOLFGANG HUBNER Ich fasse zusammen : Durch die extensive Ausschépfung der Méglichkeiten, die die platonische Dialogform bot, hat Augustin nach Art des platonischen onovdaioyédotov einen ebenso quicklebendigen wie gedankenschweren Dialog geschaffen, in dem gerade die kleinsten Nebendinge den universalen ordo erfiillen. Kein anderes Thema bot sich fiir dieses Verfahren eher an als die Frage nach dem ordo der Welt. Das Gesprich selbst scheitert mehrfach apore- tisch an dem Problem der Theodizee. In der Theorie kann der ordo letztlich nicht logisch deduziert werden. Nur mithsam sucht Augustin am Schluf einen Ausweg in dem, was er bisher in Mailand betrieben hat : im ordo studendi bzw. ordo docendi der artes liberales'*’. In den Retractationes hat er dies spiiter kri- tisiert"**. Doch dadurch, daB auf der fiktionalen Ebene des reich ausgestalteten und mehrfach allegorisch gedeuteten Gesprachsrahmens gerade die scheinbar geringsten Dinge ihren providentiellen Sinn erhalten, tritt dieser Rahmen in ein komplementires Verhaltnis zum rationalen Diskurs, das mit jener im Dialog selbst besprochenen Dialektik von auctoritas und ratio' vergleichbar ist : Er leistet, was dem eigentlichen Gesprich zu erreichen verwehrt war. Dr Wolfgang HUBNER Institut fiir Altertumskunde Domplatz 20-22 D-4400 Miinster Résumé : L'ordre du monde, rebelle a toute déduction philosophique, a été introduit par Augustin 4 travers les circonstances réelles de Ventretien, qu'il interpréte — a la différence de Platon qui inventa cette forme du dialogue — de maniére allégorique. Par une sorte de complémentarité, les données de la nature, chargées d’un sens providentiel, belancent échee du discours de la raison, ersten Male die Geisteswelt aufdiimmert, ist nur das Priludium zu dem, was die Soliloquien uns schildern », Auf der nichsten Seite werden dann die Soliloquien als Vorstufe der Confessiones geschen. Ciceros Hortensius hat auf Trygetius und Licentius dieselbe protreptische Wirkung wie auf Augustin : c.acad. 1, 1, 4 und conf. 3, 4, 7-8, vgl, J. Stroux (wie Anm, 34), 118, ferner E, Feldmann (wie Anm, 13), 381-517. 137, Aug, ord. 2, 12, 35-2, 15, 43: s.0, Anm. 82. 138. Aug. retract. 1, 3, 2 Mutzenbecher : displicet mihi {...] quod multum tribui liberalibus diselplinis, quas multi sancti multum nesciunt, quidam etiam qui sciunt eas sancti non sunt. Ausfiihrlich zur Abkehr von den paganen Disziplinen R. Houte, Béatitude et sagesse. Saint Augustin et le probléme de la fin de homme dans la philosophie ancienne, Paris 1962 (cuerst Stockholm 1958), 363-380. 139. Aug. ord. 2, 9, 26-2, 11, 34, dazu K.-H. LotKe, « Auctoritas » bei Augustin, Stuttgart 1968 (Tiibinger Beitrige zur Altertumswissenschaft. 44). Vergleichen lieBe sich auch die komplementiire Funktion von Platons Mythen, der nicht beriicksichtigt wird von H.H. Guner- mann (wie Anm. 3), 212-224. Das von Augustin erzielte Spannungsverhiltnis zwischen Gesprichsrahmen und Inhalt ibertrifft somit bei weitem den Gegensatz, den man etwa in den ciceronischen Academici libri erkannt hat: den Gegensatz zwischen erkenntnistheoretischer Anspannung des Geistes und den Ausblicken in die Natur und die Zeitgeschichte, hierzu R. Hirzel (wie Anm.4), I 511 sowie J. STROUX, Das Schlufwort zu Ciceros Lucullus, in Philologus 92 (1937), 109-111 mit weiterer Literatur in Anm. 12. Revue des Etudes Augustiniennes 33 (1987) 49-69 L’Ars Memoriae dans les Confessions Parler de soi-méme ou écrire sur soi-méme est un art délicat et difficile qui demande une finesse psychologique certaine pour ne pas tomber dans lexhibi- tionnisme. Mais parler de soi-méme pour diriger son lecteur vers un Autre devient une tache redoutable dans laquelle l’auteur ne veut étre que le témoin et le miroir d’une présence qui lui donne sens et vie. Ainsi dans les Confessions, Augustin est a la fois le miroir et ’acteur de cette recherche de Dieu. Miroir qui réfléchit I’ceeuvre du créateur sur sa vie et qui invite son lecteur 4 découvrir en sa propre existence la trace de l’action divine dont il confesse la grandeur ainsi que les résistances de son étre en son accomplissement. Dans tn article paru en 1968 Wendelin Schmidt-Dengler avait eu le mérite de montrer Vinfluence de la rhétorique sur I’élaboration des Confessions‘, en particulier la présence de cette technique mémorielle que la tradition attribue a Simonide de Céos et que nous relatent auteur de Ad Herennium, Cicéron, dans son De Oratore et Quintilien dans !'Institutio Oratoria?. Depuis les recher- ches sur l'art de la mémoire se sont développées et I’ceuvre de F. A. Yates? a apporté de nouveaux éléments permettant d’apprécier l’importance de cette technique rhétorique. De la sorte il est possible de s’interroger sur la place et Vinfluence de cette ars memoriae dans les Confessions d’Augustin qui fut un brillant éléve et un « maitre » en rhétorique. N’a-t-il pas suivi, dans la recherche de son passé et dans sa réflexion sur la mémoire, un enseignement qu'il avait rencontré, et qui avait fagonné sa pensée et son étre ? Cette recherche de traces permettrait alors de découvrir derriére le foisonnement des images augusti- niennes l’ceuvre d’une ars memoriae. devenue une seconde nature. T. W.SCHMIDT-DENGLER «Dic «aula memoriae» in den Konfessionen des heiligen Augustin » in Rev. Et. Aug., 14, 1968, p. 69-89. 2. Ad Herennium Wl, xv-xxiv ; De Oratore Ul, LXXXVI-LXxGUX ; Institutio Oratoria, XI, 2. 3. F. Yates, L’Art de la Mémoire, trad. D. ARASSE, Gallimard, 1975. 50 DOMINIQUE DOUCET I—« ARS MEMORIAE » L’ars memoriae, que l’apprenti rhéteur rencontrait lors de sa formation, présente un certain nombre de lois fondamentales que l’auteur de l’Ad Heren- nium, Cicéron et Quintilien décrivent de maniére quasi identique. Afin d’accroi- tre la capacité de sa mémoire, P’éléve devait se fabriquer un ensemble de Joci, soit en suivant le plan du forum, soit en utilisant celui de la domus romaine’. Ces lieux mémoriels étant acquis, ils devaient étre peuplés d’imagines permet- tant de fixer et les « choses » (res) 4 mémoriser et l’ordre de ces choses. Voici les lois fondamentales de tout art de la mémoire’. Cependant la nature de ces imagines semble retenir I’attention d’une maniére plus particuliére. L’auteur de TAd Herennium et 4 sa suite Cicéron et Quintilien reprenant Cicéron® les qualifient d’agentes et précisent qu’elles doivent présenter un caractére drama- tique manifesté par une déformation positive ou négative de l'image premiére. Ces deux caractéres liés l'un a l’autre, conférent une certaine spécificité 4 Vimage mémorielle. Celle-ci n'est pas seulement emmagasinée dans la mémoire, mais par sa déformation positive ou négative, elle acquiert une activité, un caractére saillant qui lui donnera un réle de « leader ». L’image mémorielle n’est pas seulement un « signe », mais elle « fait signe », elle « accroche », elle est active et entraine a sa suite l’ensemble des réalités qui lui sont associées. Pour justifier cette spécificité de ’image mémorielle, ’auteur de 'Ad Herennium fait appel a la nature ; « La nature montre (...) qu'elle n’est pas troublée par un fait commun, ordinaire, mais quelle est secouée par un événement nouveau ou frappant. Que l’art, dans ces condi- tions, imite la nature, trouve ce qu’elle demande et suive ces directives. Car, en ce qui concerne Pinvention, la nature ne vient jamais aprés et l’éducation avant; au contraire, le début des choses vient du talent nature! et les fins sont atteintes par Péducation’, » De la sorte, la nature est, A la fois, la source des talents naturels de homme, mais aussi son éducatrice. Ces deux thémes seront repris et christianisés par 4. Dans son Institutio Oratoria, Quintilien note a ce sujet : « Loca discunt quam ‘maxime Spatiosa, multa varietate signata, domum forte magnam, et in multos diductam recessus : in ea quidquid notabile est, animo diligenter affigitur, ut sine cunctatione ac mora partes ejus omnes Cogitatio possit percurrere : et primus hic labor est, non haerere in occursu plus enim quam firma debet esse memoria, quae aliam memoriam adjuvet : tum quae scripserunt vel cogitatione complectuntur, et aliquo signo, quo moneantur, notant », XI, 2. 5. A cet égard, on peut se reporter & F. YATES, 0.c. ; W. SCHMIDT-DENOLER, art. cit. ; et aussi W. HOpner « Die praetoria memoriae im zehnten Buch der Confessiones. Vergilisches bei Augustin » in Rev. Et. Aug., 27, 1981, p. 245-263. 6. Voir: Ad Herennium Il, XXIL; De Oratore I, Lxxxvil, 358 ; Il, Exxxvut, 359 ; Instt- iutio Oratoria XI, 2. 1. Ad Herennium Ul, xu, «ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 51 Augustin qui dans ses Confessions loue Dieu pour les talents naturels qu’il lui a donnés® et pour son action éducatrice sur ’homme®. Seconder la nature et conférer a l’individu une certaine puissance sociale par la maitrise de la parole exigent de l’ars memoriae une autre caractéristique : Vitinéraire mémoriel. Celui-ci permet a l’orateur en parcourant ses Joci de « cueillir » (Zegere) en leur ordre les imagines qu’il y a déposées. Cet itinéraire qui assure la stabilité de la structure mémorielle par son caractére répétitif posséde aussi une certaine spécific il est réversible. L’orateur maitre de sa technique mémorielle peut parcourir ses loci originaux dans les deux sens. Il posséde en fait un double itinéraire intérieur, l'un allant du commencement a la fin, l’autre de la fin au commencement", Il se livre en quelque sorte a une circu- lation dans laquelle chaque lieu particulier ne trouve son sens que par I’ensem- ble de Vitinéraire. Tout lieu est réversible, tout lieu est ambivalent pouvant permettre un passage d’avant en arriére ou d’arri¢re en avant. La réversibilité de Vitinéraire lui confére, ainsi qu’aux imagines et aux loci, un réle de passage et de médiation qui ne trouve pas seulement une justification pratique mais aussi théorique : « Simonide (ou linventeur, quel qu'il fut, de la mémoire artificielle) vit fort bien que de toutes nos impressions celles qui se fixent le plus profondément dans I’esprit sont celles qui nous ont été transmises ou communiquées par les sens ; or de tous nos sens le plus subtil est la vue. Il en conclut que Ie souvenir de ce que pergoit Voreille ou congoit la pensée se conserverait de la facon la plus sire si les yeux concouraient a le transmettre au cerveau, qu’alors Vinvisible, l'insaisissable, prenant une forme, une ap- parence coneréte, une figure, deviendrait perceptible, et que ce qui échappe plus ou moins a la pensée tomberait sous la prise de la vuel?. » Par dela association de la vue et de l’audition c’est, en quelque sorte, le rapprochement entre invisible, I’« insaisissable » (Res caecas et ab aspectus iudicio remotas) et le concret qui est recherché, Ce qui échappe aux sens peut receyoir une forme grace a la pratique de l’ars memoriae ; ce qui est fluide, instable, ce qui risque de se perdre dans la multiplicité peut ainsi recevoir son unité et sa stabilité. Des lieux réels ou fictifs, des images déformées de maniére positive ou néga- tive, un itinéraire réversible, une médiation, autant de caractéres qui définissent cette technique mémorielle comme étant une imitation active. Il ne s’agit pas dune simple reproduction du réel, mais d’une imitation qui en fasse jaillir Lessentiel, d’une action qui puisse, a travers le multiple, recueillir des images particuliéres qui liées entre elles prendront un sens et « feront signe » 4 celui qui veut se souvenir. Ce caractére actif de l’imitation est particuliérement manifeste dans le fait que, pour art de la mémoire, Vessentiel est d’en acquérir la méthode. Chaque impétrant doit choisir ses propres lieux mémoriels et se 8. Conf. I, xx, 31. 9. Conf. IX, x, 23. 10. F.A. YATES 0.¢., p. 28. 11, De Oratore I, cxxxvn, 357 trad. E, COURBAUD. 52 DOMINIQUE DOUCET construire ses images personnelles'?. Il ne s’agit pas de reproduire, mais d@imiter en personnalisant, en intégrant la réalité & sa propre personne: de réaliser sa nature a la suite de la nature. Cette imitation posséde un caractére éducatif non seulement au sens « scolaire » du terme, mais en ce qu’elle permet au rhéteur d’imprimer son sceau personnel sur I’argile des réalités qui l’entoure. Il — L’ART DE LA MEMOIRE ET LES CONFESSIONS 1 — Quelques traces Les principales caractéristiques de l’ars memoriae imprégnent non seulement ensemble des Confessions, mais sont encore évoquées de maniére précise par Augustin qui parlera du «parcours sinueux (circuitus) de ses erreurs passées'? », qui dira de la créature spirituelle quelle n’a pas de « trajet (raiciens) a faire vers un passé 4 se rappeler’’», Non seulement Augustin évoque le trajet mémoriel, mais encore il utilisera les imagines agentes au plan de la sensibilité, lors de l’épisode du jardin de Milan, et au plan intellectuel, a propos de ses difficultés lors de sa sortie du manichéisme'®. Mais surtout il présentera son expérience comme modéle pour aider ceux qui pourraient désespérer de la miséricorde de Dieu'’. Tous ces éléments sont présentés de maniére synthétique dans un texte qui ouvre le livre II des Confessions : «Je veux rappeler 4 mon coeur les hideurs de mon passé et les charnelles corruptions de mon Ame, non pas que je les aime, mais afin que je t'aime toi mon Dieu. C’est par amour de ton amour que je le fais (amore amoris tul facio istud) ; je repasse mes voies diniquité (recolens uias meas) dans V'amertume de mon ressouvenir (amari- tudine recogitationis meae) afin que tu me deviennes doux, 6 douceur qui ne trompe pas (dulcedo non fallax), 6 douceur de bonheur et de sécurité, toi qui me rassembles de la dispersion, ou sans fruit je me suis éparpillé, quand je me suis détourné de toi, Punique, pour me perdre dans le multiple!®, » Ce texte met en relief le trajet (recolens uias meas) qui est tout intérieur Vesprit lui-méme, l’image agissante et déformée de maniére négative (amaritu- dine recogitationis meae), 4 laquelle répond l'image positive du souvenir véritable de Dieu (dulcedo non fallax), et enfin imitation qui détourne Augus- tin de lui-méme pour lui faire «imiter » son créateur (amore amoris tui facio 12. BA. YATES, 0.¢., p. 22. 13. Conf. IV, 1, 1. 14, Conf. XI, x1, 12. 15. Conf. VIII, xu, 28, 16, Conf. VII, 1, 1. 17. Conf. 1, m, 5 & Conf: X, m, 4. 18. Conf. Hi 1. « ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 53 istud). Ce passage inaugure le récit des souvenirs marquants d’Augustin et utilise certains éléments de |’ars memoriae de maniére inconsciente, comme une habitude contractée durant l’éducation rhétorique et qui jaillit spontanément sous la plume. 2—Le livre X Par dela ces quelques traces de la présence d’une ars memoriae dans les Confessions, le livre X est certainement le plus riche en rappels de cette technique mémorielle, en particulier X, vim, 12. Ce texte célébre, dans lequel W. Schmidt-Dengler, W. Hiibner, F.A. Yates ont déja remarqué la présence des loci? ainsi que celle des imagines, manifeste en outre la dramatisation des images de maniére positive ou négative : « Ibi reconditum est, quidquid etiam cogitamus, uel augendo uel minuendo uel utrumque Variando ea quae sensus attigerit », ainsi que la mise en ordre des images: « alia faciliter atque imperturbata serie sicut poscuntur suggeruntur™ », De plus, le mouvement de analyse d’Augustin décrit par A. Solignac?! : de la mémoire sensible et affec- tive par la mémoire des connaissances libérales jusqu’a la recherche de la présence de Dieu guidée par la volonté d’une vie heureuse, peut se retrouver en ce texte quand Augustin mentionne les connaissances sensibles, celles qui sont construites par notre esprit et l’acte volontaire de I’appel des souvenirs. Enfin, quand Augustin écrit : « quod totum fit, cum aliquid narro memoriter », il décrit sans doute le fonctionnement de la mémoire avec ses lieux, ses images et son itinéraire, mais encore ce qu’il fait pour tout acte de mémoire, qu’il soit présent ou passé, que ce passé soit individuel, collectif ou méme Biblique : ‘« De méme pour ceci, que la vérité me dit a Poreille intérieure : Pattente des choses a venir devient contemplation quand elles sont venues, et cette contemplation devient souvenir quand elles sont passées”. » Cette activité de la mémoire se présente donc en trois plans. Premiérement, un rassemblement du passé avec l’ambivalence des actions qui sont mauvaises en provenant de la volonté propre, mais qui, inscrites dans le plan divin, devien- nent éducatives. Deuxiémement; une situation présente, de nouveau ambiva- lente, qui manifeste la présence divine dans la mémoire et I’éloignement humain par le péché. Enfin troisiémement et répondant au passé de l’individu, le rappel des principales étapes de la formation du monde a travers les versets initiaux du livre de la Genése. Ainsi le rassemblement du passé est englobé dans 19. Voir aussi Conf: X, vit, 13 ; X, vut, 145 X, x, 175 X, xv, 26. (On peut comparer ce passage avec ce que note Quintilien en son Institutlo Oratoria, XI, 2: cita quamlibet multa sint, quorum meminisse oporteat, fiunt singula connexa quodam choro, ne errent coniungentes prioribus sequentia ». 21. B.A. 14, p, 557-567. 22. Conf. XII, xv, 18, 54 DOMINIQUE DOUCET Panalyse présente de la mémoire qui est elle-méme intégrée 4 l’action divine : la mémoire de Dieu qui fit tout et qui se souvient de homme”, Introduit par ce texte l’ensemble du livre X se présente comme une suite de cycles ou trajets mémoriels. Aprés une courte introduction™ justifiant l’utilité de ces confessions du présent, Augustin entreprend une double analyse: la recherche de Dieu a travers l’activité mémorielle, puis l’inventaire de ses dispo- sitions actuelles. Dans le premier temps de sa réflexion Augustin enchaine trois cycles mémoriels. Une analyse de l’univers sensible* ot, aprés avoir défini ce qu’est aimer Dieu?®, il montre que la créature est insuffisante pour amener vers Dieu, si elle n’est interrogée, c’est-a-dire que sans la mémoire et le jugement le monde sensible n’est qu’un signe muet. II ne devient une image agissante que dans le travail de la mémoire qui est esprit. Dans un second cycle”, Augustin analyse la mémoire et y découvre la présence de Dieu ainsi que la transcen- dance divine. Enfin en un troisiéme cycle, a travers la volonté d’une vie heureuse, il découvre dans la présence de 1a Vérité et du Maitre intérieur celle de Dieu. Ce cycle se termine sur l’évocation de la beauté nouvelle et ancienne qui permet d’intégrer la beauté extérieure 4 la beauté intérieure et qui répond au quid autem amo, cum te amo??? Aprés un premier trajet relatif au monde sensible, Augustin présente le monde de T’intelligence dans l’analyse de la mémoire identifiée 4 l’esprit®*,- pour terminer sur la volonté qui recherche son Dieu, volonté dont la priére ultime sera : da quod iubes et iube quod uis*', Dans le second temps de son analyse : la lutte de l’homme avec lui-méme, Augustin introduit trois autres trajets. Dans le premier i] évoque la concupis- cence de la chair?? passant en revue les tentations relatives a la sexualité, au goiit, a ’odorat, a l’ouie et a la vue, c’est-a-dire tout ce qui concerne les créa- tures sensibles et la sensibilité. Puis en un second trajet, il analyse la concupis- cence des yeux? qu’il assimile a l’avidité du savoir : tout ce qui peut se rappor- ter au domaine de I’intelligence. Enfin en un troisiéme trajet*, il décrit l’orgueil, 23. Conf: 1X, ut, 6 ; XIII, 1, 1, En ce qui concerne Vintégration réalisée par la mémoire, on peut voir aussi M. Moreau « Mémoire et durée » in Rev. Et. Aug. 1, 1955, p. 239-250, en parti- culier p. 248-249 ; et surtout J. Gurrron Le temps et l'éternité chez Plotin et Saint Augustin, Vrin, 1971, 4° édition, p.315: «Saint Augustin nous fait sentir de plusieurs maniéres cette présence figurative de notre vie dans notre vie méme, » 24, Conf: X, 1, 1-V, 7. 25. Conf. X, vi, 9-10. 26. Conf. X, vi, 8. 21. Conf. X, vIEXIX. 28. Conf. X, XX-xxIx, 29. Comparer Conf. X, vi, 8 et X, xxvut, 38. Voir aussi B.A. 14, p. 569-372. 30. Conf. X, xiv, 21: «cum animus sit etiam ipsa memoria ». 31. Conf. X, xxix, 40. 32. Conf. X, xxx-xxx1y. En ce qui concerne ces trois passions, on se reportera 4 O. Du ROY Liinelligence de la foi en la trinité selon Saint Augustin, Et. Aug., Paris, 1966, p. 343 et ss. 33. Conf: X, xxxv-xxxvl, 58, 34. Conf. X, xxxvi, $9-XXxIx. « ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 55 la faute relative 4 la volonté qui entraine le coeur humain a croire qu'il est lui- méme la source de son propre agir alors que tout vient de Dieu qui refait en Vhomme ce que l’orgueil défait. Et de nouveau retentit ce cri du cceur: da quod iubes et iube quod uis®®, Schématisés, ces trajets se présentent ainsi : Le sensible — L’intelligence — La volonté. A travers ces trois trajets de la double analyse d’Augustin il faut remarquer que, non seulement le sensible et l’intelligence, mais aussi la volonté sont dramatisés d’abord de maniére positive puis de maniére négative. Le sensible peut étre signe de Dieu a condition qu’il soit « jugé » par esprit et la mémoire, c’est-a-dire intégré a la création et non pas isolé en une « gourmandise indé- finie*’ », L’intelligence peut-étre présence de Dieu A travers la mémoire, mais aussi avidité qui renferme ’homme sur lui-méme. Enfin la volonté recherche la vie heureuse, mais isole homme et défait image voulue par le Créateur. Enfin en miroir et écho de Conf: X, vt, 12, Conf. X, x, 65, reprend par trois fois le méme théme du trajet (/ustraui, peragraui, percurro) par la visite successive de certains lieux : le monde, la vie du corps, les sens, la mémoire, la puissance réflexive, la puissance « par laquelle je les faisais ». Augustin ajoute qu’il trouve 1a « son plaisir » et un « refuge ». C’est donc non seulement linten- tion qui dirige la rédaction du livre X que donne ici Pévéque d’Hippone, mais cest surtout la méthode suivie par lui qui est ici présentée et qui n’est pas sans rapport avec l’ars memoriae. 3—Le renversement des gestes mémoriels Si le livre X est le lieu central de l’ambivalence des images et des activités humaines, les neuf premiers livres montrent, quant a eux, le renversement des habitudes mémorielles. Conf: VII, 1, 1 et 2, déroule non seulement les réminis- cences virgiliennes remarquées par W. Hiibner mais surtout les images agis- santes a travers lesquelles l’esprit se proméne et qui sont chassées comme par la «main du coeur », Ces images sont remarquables en ce qu’elles accompagnent la crise intellectuelle d'Augustin et son passage du manichéisme au néo-platonisme A travers un moment de scepticisme. Dés lors ce n’est pas seulement dans la mémoire présente d’Augustin que joue l’ars memoriae, mais aussi dans la mémoire du passé: il n’analyse pas seulement ce qu’est la 35. Conf. X, xxxvin, 63. 36. Conf. X, xxxvtt, 60. Cette insistance et ce retour périodique de la méme sentence n’est pas sans rappeler une autre pratique de Part de la mémoire que F.A. YATES, reprenant Pauteur de PAd Herennium, décrit ainsi: « Pour étre srs que nous ne nous trompons pas en nous rappelant Pordre des loci, il est utile de mettre tous les cing lieux un signe distinctif. Nous pouvons par exemple distinguer le cinguiéme lieu avec une main d’or, et placer au dixiéme Pimage d'une de nos connaissances qui s’appelle Decimus. Nous pouvons continuer & placer d'autres signes distinctifs tous les cing lieux. » (p. 19). En outre, la «main d’or » peut rappeler la «main du coeur» en Conf. X, vil, 12. 37. A propos de cette hymne et du passage de la « gourmandise indéfinie » au « désir de Pinfini », on pourra se rapporter a P. CAMBRONNE, Recherche sur la structure de imaginaire dans les Confessions, Et. Aug., Paris, 1982, p. 79-81. 56 DOMINIQUE DOUCET mémoire, mais le souvenir lui-méme. En Conf. VII, vu, 11, les mémes tonalités peuvent se rencontrer : l’essaim représenté par le « peloton serré » rappelle les mémes images virgiliennes. En fait, cet appel 4 un théme littéraire riche pour lutter contre les images sensibles est l’indice du renversement des images mémorielles et des habitudes intellectuelles d’Augustin. S’il a pris ’habitude de construire ses propres lieux de mémoire en fonction de sa sensibilité, si les images sensibles ont nourri ses méditations manichéennes, il doit changer ses lieux et images, sa structure ou plutdt son « geste » mémoriel au profit d’autres images plotiniennes ou bibliques. Il passera ainsi des inferiora aux superiora, passage qui n’est pas seulement allégorique mais rend compte d’une topologie mémorielle et intellectuelle, et qui aboutit 4 une mise en ordre des réalités en leurs lieux voulus par le créateur**. De la sorte, 4 travers ce renversement du « geste » mémoriel, Augustin peut accéder a la véritable connaissance par la reconnaissance de Dieu. Place centrale mais aussi initiale de la mémoire qui selon Quintilien « omnis disciplina constat™ ». Apreés cette crise intellectuelle, Augustin vivra un retournement de l’acte méme de vouloir ; et il commence a le relater en Conf. VIII, vm, 16. Cette évocation présente non seulement un parcours des lieux importants de sa jeunesse en Conf. VIII, vu, 17, mais la présence d’imagines agentes déformées négativement*. Ce parcours mémoriel sert d’introduction a la crise finale qui présente, non seulement un lieu, mais des images dramatisé¢es de maniére antithétique : les vieilles amies et la Continence*!. Cette dramatisation repré- sente le combat de la mémoire affective et fait suite au renversement de la mémoire intellectuelle du livre VII. De la sorte nous avons deux plans d’appa- rition de la mémoire en cet épisode de la crise finale. Le récit de Ponticianus provoque la mémoire affective d’Augustin. Celle-ci est renversée et ainsi réa- lisée par le dialogue entre les « vieilles amies » et Continence qui, 4 la maniére de l’action divine : «nous rassemble et nous raméne a l’unité que nous avions perdue en glissant dans le multiple? », Augustin qui semblait fuir en allant dans le jardin (lieu originel) y retrouve ses vieilles images qui le raménent a lui-méme 38. Voir Conf. VII, 1x-x en particulier VII, x, 16; Conf: X, vt, 10; Conf: VII, x1v, 20-xv, 21: «Bt/'ai vu que chaque chose est en convenance non seulement avec son lieu, mais aussi avec son temps, et que toi, qui seul es éternel, tu ne t'es pas mis 4 lauvre aprés d’incalculables espaces de temps. » 39. QuiNTILIEN, Institutio Oratoria, XI, 2. Et aussi, Conf. VIL, x, 16; X, xxvm. 40. Conf: VII, vi, 16: «Narrabat haec Ponticianus. tu autem, domine, inter uerba eius retorquebas me ad me ipsum, auferens me a dorso meo, ubi me posueram, dum nollem me adtendere, et constituebas me ante.faciem meam, ut uiderem, quam turpis essem, quar distortus et sordidus, maculosus et ulcerosus. et uidebam et horrebam, et quo a me fugerem non erat >. L’auteur de Ad Herennium en III, xxnt, note : «si nous créons des images qui ne soient ni nombreuses, ni vagues, mais actives... si nous les enlaidissons d'une fagon ou d'une autre, en introduisant par exemple une personne tachée de sang, souillée de boue ou couverte de peinture rouge de fagon & ce que aspect en soit plus frappant. » 41. Conf. VIM, x1, 26-27. 42. Conf. X, xxix, 40: « per continentiam quippe colligimur et redigimur in unum, a quo in multa defluximus. » « ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 57 afin de le faire accéder au Verbe et « revétir le Christ*? », D’un désir de fuite issu de l’audition du récit de Ponticianus, Augustin par la mémoire affective est ramené a lui-méme et juge ses anciennes habitudes affectives qui converties sont remises 4 leur place dans l’ordre de la création, permettant lirruption d@une /ux securitatis. Voici donc deux passages célébres des Confessions rep sentant des moments cruciaux de l’itinéraire d’Augustin vers Dieu et qui ut sent des éléments de la technique mémorielle enseignée par la rhétorique. 4 —Le livre et la Parole Le livre et la Parole, qui tiennent un réle important dans la pensée d’Augus- tin’, sont sans doute les éléments qui présentent le mieux le renversement des images ainsi que leur intégration réciproque. Aprés un court silence de Dieu, qui n’est da qu’a la surdité spirituelle d’Augustin“’, celui-ci rencontre, dans le courant de ses études, l’Hortensius de Cicéron*, Ce livre, qui l’incite 4 revenir vers Dieu*’, représente l’ouvrage et surtout la parole d’un rhéteur, du Rhéteur Cicéron. C’est une parole humaine exhortant 4 un idéal de sagesse. Avec PHortensius, Augustin quite les images extérieures de !’éloquence pour accéder au discours lui-méme“®. Brilant ainsi de découvrir la sagesse il se dirige vers PEcriture qui le rebute par son style*®. Ainsi la découverte du discours comme contenu reste encore un obstacle pour l’Ecriture, c’est-d-dire que l’intérieur de la sagesse humaine voile l’extérieur de la sagesse divine. Cet épisode manifeste donc l’apparition d’images positives et négatives associées 4 un méme lieu de cette histoire de la parole. Aprés un long passage chez les manichéens, durant lequel ’enfouissement de la parole ne sera que germination, Augustin vivra une seconde rencontre illus- trée par le méme bouillonnement® : celle d’Ambroise. Cependant l’image de celui qui porte la parole a changé, le rhéteur se transforme en prédicateur, en commentateur de la parole divine qui exhorte 4 revenir vers Dieu. De maniére identique le livre — lettre morte — devient une parole préchée et la sagesse recherchée n’est plus humaine mais divine. Augustin veut dés lors des certi- tudes ; son intelligence désire se trouver elle-méme. Cette certitude tant recherchée, Augustin la rencontrera dans les écrits néo-platoniciens*', Ainsi 43. Conf. VIII, xt, 29. 44. Voir V. WARNACH « Erleuchtung und Einsprechung bei Augustinus » Aug. Mag. I, Et. Aug., Paris, 1954, p. 429-450. 45, Conf. Il, u, 23 1, 1, 2; 1, xX, 315 1, m, 7. 46. Conf. III, 1v, 7; voir aussi J. GUITTON o..c. p. 316; G. MapEc « Verus philosophus est amator Dei. Saint Ambroise, saint Augustin et la philosophic », in R.S.Ph., 61, 1977, p. 560. 41. Conf. Ill, 1, 8 48. Conf. III, 1v, 7: «neque mihi locutionem, sed quod loquebatur persuaserat. » 49. Conf. II, v, 9: «sed uisa est mihi indigna, quam Tullianae dignitati conpararem. » 50. Comparer Conf. Ill, 1v, 7-8 et VI, mr, 4. 51. Conf. VII, x, 16 : «et inde admonitus redire ad memet ipsum intraui in intima mea duce te et potui, quoniam factus es adiutor meus. » 58 DOMINIQUE DOUCET aprés I’Hortensius qui se heurte au livre de l’Ecriture, Augustin passe aux livres néo-platoniciens qui l’introduisent dans l’intériorité de I’Etre. Aprés l’intériorité du discours humain c’est l’intériorité de celui qui parle qui est enfin découverte, décrivant ainsi une intégration d’images opposées. S‘étant heurté a la simplicité des Ecritures, par sa propre complexité, puis revenu 4 lui-méme, Augustin peut désormais aborder l’Ecriture grace a un homme : l’Apétre Paul”. Cette lecture de I’Apétre n’est pas encore l’habitation sereine des Ecritures, car la conversion intellectuelle d’Augustin devra se terminer en une conversion de la volonté. Si la voie de ’Ecriture lui apparait unifiée et unique, cette unification est encore trop intellectuelle et ne saisit pas son étre entier. Cet ultime passage se fera au Jardin de Milan*?, of Augustin découvrira le Christ lui-méme comme Parole. Ainsi la transformation progres- sive de l'image de celui qui donne la parole va du professeur profane au Maitre intérieur en passant par le prédicateur. C’est le passage du monde de l’extério- rité a celui de l’intériorité dont le point crucial est la rencontre du prédicateur Ambroise. Cicéron représente |’éveil, le premier moment historique du retour vers Dieu —origine temporelle — 4 laquelle répond la véritable origine : le Christ. Le livre, quant 4 lui, suit un itinéraire identique. Jusqu’a la lecture de Saint Paul —et encore avec elle — c’est Augustin qui se fait le juge de I’Ecri- ture, juge qui reconnait de plus en plus la vérité de leur contenu mais qui veut en décider par lui-méme. Aprés le Jardin de Milan, c’est I’Ecriture qui juge Augustin et devient la norme selon laquelle il organisera sa vie. Ce rdle désor- mais normatif de l’Ecriture se retrouve dans l’attitude d’Alypius qui en fera lui aussi sa régle de vie. Ainsi, le livre qui éveille a une sagesse humaine qui, si elle n’est qu’humaine, devient mensonge dans le manichéisme, fait accéder a Vintimité par les écrits néo-platoniciens qui introduisent 4 la vérité de la parole divine. Ces deux cycles peuvent étre regroupés dans le schéma suivant : Extériorité __ Intériorité 1) Cicéron/L’Hortensius 5) Christ/Ecriture 2) Manichéisme 4) Saint Paul 3) Néo-platonisme/Ambroise Ces deux cycles qui peuvent prendre une allure parabolique ou en spirale, présentent des lieux et des images qui se répondent en miroir et s’intégrent réciproquement. 5 —Le double itinéraire mémoriel « L’Abime répond a l’Abime* » chante le psalmiste ; il en est de méme pour 52. Conf. VIL, xx, 27. $3. Conf. VILL, xu, 20. 54. Conf: VIN, x1, 30 : « Sequebatur uero : infirmum autem in fide recipite, quod ille ad se rettulit mihique aperuit. » 55. Ps. 41, 8. « ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 59 Augustin : a l’abime de ses fautes correspond l’abime de la miséricorde divine, a la mémoire d’Augustin correspond la mémoire de Dieu. Les Confessions qui dénoncent les erreurs passées, chantent aussi les bontés et la gloire de Dieu en qui tout trouve sa cause et sa stabilité**, qui est la source de tout don’? et qui porte homme jusqu’aux cheveux blancs**. En fait la mémoire d’Augustin, ce regard sur son passé et son présent, n’est que le miroir ou le reflet de la mémoire de Celui qui se souvient de homme, parce qu’il est un perpétuel aujourd’hui® rassemblant celui qui se disperse dans le sensible®!, de la méme maniére que dans le livre X Augustin rassemble ses souvenirs, leur confére un ordre en se promenant dans le palais intérieur de la mémoire. Dieu rassemble Vhomme dispersé et non seulement le conforme 4 sa véritable vocation, mais encore le confirme en celle-ci comme la mémoire confirme le souvenir quand il se présente™, De la sorte, a l'image de l’itinéraire réversible de l’ars memoriae, un double circuit mémoriel se rencontre dans les Confessions : un itinéraire chronologique et existentiel qui est celui d’Augustin, mais aussi un itinéraire « compréhen- sif® » qui est celui de Dieu. D’une part Augustin va a la recherche de son passé pour y découvrir la raison d’étre de sa vocation, mais d’autre part il y lit — comme en une hymne de louange — le souvenir que Dieu, depuis la création, a de homme. Ce souvenir de Dieu sur l’homme rend compréhensible 4 Augus- tin ordre de ses propres souvenirs. La mémoire d’ Augustin rencontre aussi la mémoire de Dieu pour I’homme. Cet entrelacement de deux trajets mémoriels est aussi le théme de sa réflexion du présent qu’il décrit au livre X. Au perpé- tuel aujourd’hui que Dieu est en se souvenant de l’homme, répond ce présent que l’acte mémoriel permet, et qui ravive le passé en le faisant étre. De méme qu’a la fin du livre VIII, Augustin est invité a revétir le Christ, de méme Yultime chant du livre X* est une hymne au vrai médiateur : Jésus-Christ. 56. Conf. 1, vi, 9 57. Conf. I, xx, 31. $8. Conf: IV, xvi, 31. 59. Conf. XII, xxx1v, 49 : «haec omnia uidemus et bona sunt ualde quoniam tu ea uides in nobis, qui spiritum, quo ea uideremus et in eis te amaremus, dedisti nobis. » Conf. IX, 1, 6 ; Conf. XIII, 1, 1: « Inuoco te, deus meus, misericordia mea, qui fecisti me et oblitum tui non oblitus es. » 60. Conf. I, vi, 10. 61. Conf. I, 1, 3: «et cum effunderis super nos, non tu iaces, sed erigis nos, nec tu dissiparis, sed colligis nos. » Conf. XII, xvi, 23 : «colligas totum quod sum a dispersione et deformitate hac et conformes atque confirmes in aeternum, deus meus, misericordia mea. » Voir aussi Conf. Mt, 1; Un, 2; X, xxxvm, 63; X, xt, 655 XI, 20x, 39; XII, m, 2. 62. Conf: IX, vu, 16 : « gratias tibi, deus meus ! unde et quo duxisti recordationem meam, ut haec etiam confiterer tibi,» Voir aussi Conf. I1,’vn, 13; VI, vi, 9; IX, xn, 32; VII, x, 16. 63. « Compréhensif » en ce sens que la démarche d’ Augustin ne peut étre comprise que grace 4 la emémoire » divine sur Phomme. Ceci rejoint totalement Paffirmation de la primauté divine au point de vue de Wétre et du salut. 64. Conf: VII, xn, 29. 65. Conf. X, xum, 68. 60 DOMINIQUE DOUCET Dans la personne du Christ s’achéve en sa plénitude le circuit mémoriel et existentiel d’Augustin ainsi que la rencontre du souvenir de Dieu sur "homme. 6 — L’imitation « C'est toi qui seras changé en moi® » tel est |’élément essentiel qui synthétise a la fois les caractéristiques de l’ars memoriae et l’essentiel des Confessions. Le theme de l’imitation traverse et pour ainsi dire ordonne I’ensemble de ces treize livres. I] est présent en Conf: I, x1, 18 avec le théme de I’argile et de l’effigie, qui sera repris en Conj: IX, x1, 14, au terme de l’itinéraire existentiel d’Augustin. I] scande le livre X®’.comme une sorte de rappel séparant et achevant les cycles de ce livre. Il culmine dans le livre XIII® qui énonce que tout étre créé doit étre formé par Dieu et doit adhérer a lui en une vie qui n’est plus un simple vivre, mais un vivre heureux, une béatitude. Cet itinéraire, en des moments distincts du temps pour la créature sensible, doit réaliser la parfaite imitation de Dieu pour "homme 4 travers l’opposition et lintégration d’images opposées. Ainsi, la source du péché qui se trouve dans une fausse imitation, méme si elle éloigne de Dieu, est encore le signe du Créateur et doit étre « jugée », c’est-a-dire reconnue comme fausse. De la sorte imitation positive ou négative reste toujours image du Créateur et signe en plein ou en creux de sa toute puissance, et mémoire de Dieu®. Dés lors du coeur méme de ’itinéraire d’Augustin une image réversible se présente. Cette image pergue positivement est mémoire du Créateur, mais défigurée, elle reste encore le signe de celui dont elle n’est que la caricature. Ill — LES TROIS CIRCUITS DES CONFESSIONS 1 —Les neuf premiers livres Ces quelques remarques relatives aux traces d’une ars memoriae dans le récit d’Augustin étant posées, il est temps d’en venir au rythme méme des treize livres des Confessions. Chaque livre ne serait-il pas construit autour d’un lieu mémoriel accompagné d’images dramatisées positivement ou négativement formant ainsi un itinéraire englobant l’existence d’Augustin ainsi que la compréhension intellectuelle et spirituelle qu’il peut en avoir ? Aprés une invocation 4 Dieu qui est mystére, dans le livre I, Augustin relate sa premiére enfance a partir des conjectures qu’il peut en faire selon le récit des 66. Conf. VII, x, 16. 67. Conf. X, 1, 5; X, xxx, 42; X, xum, 69. 68. Conf: XII, mt, 4; XIIL, x, 11. 69. A. SouIoNAC, B.A. 13, p. 180-181. « ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 61 adultes, puis sa seconde enfance jusqu’a sa seiziéme année, Le théme central de ce livre est le baptéme différé” qu’Augustin évoquera de nouveau au livre IV. Cet événement, qui pourrait sembler anodin, se révéle en fait crucial parce qu Pil engendrera une suite d’effets négatifs en laissant libre cours a la corruption issue de Véducation®, du beau langage” et du désir de paraitre™. Cependant il n’est pas sans recéler une certaine positivité cachée en Dieu, qui sait l’utilité de cet itinéraire a venir, afin que la grace regue au Baptéme le soit a la mesure du don qu’elle représente. Ainsi que ’écrit Augustin, il faut que |’Ame se creuse ou soit creusée par Dieu afin de recevoir dignement celui qui est tout: « Bien étroite est la maison de mon ame pour que tu viennes y loger, quelle se dilate grace a toi »™*. Ce theme du baptéme différé est d’autre part remarquable en ce qu’il représente le « temps différé » : une distortion du temps qui n'est pas sans faire écho aux développements du livre XI. Si le temps est pergu comme une distortion de l’Ame”S, a celle-ci peut répondre une « distortion » du temps vécu”, permettant a l’Ame de se découvrir comme intériorité, comme le lieu ob Dieu est a la fois présent en tant que mémoire et éternellement transcendant. Enfin cette distortion du temps et de l’Ame se manifeste 4 travers ’inquietudo, qui est un appel au repos du 7° jour, atteint a travers Vitinéraire d’une vie humaine réalisant la grace de son baptéme. Pour le second livre, la uiua recordatio animae meae™ est sans hésitation Pépisode du vol des poires”. Ce récit permet 4 Augustin d’introduire le theme de Vimitation et du péché compris comme fausse imitation. Cette image centrale (au sens mémoriel) représente en outre le plan de la volonté. Aprés Yajournement de la réception de la grace, la faculté apparaissant en premier viciée est la volonté qui en croyant s’affirmer elle-méme — s’auto-déterminer — ne fait que s’enfermer en ses propres désirs, en son propre avoir. De la sorte, ce second livre est une dramatisation négative de la volonté caricaturant l’agir divin. Aprés la perversion de la volonté, le livre III relatera celle de l’intelligence. Si ’Hortensius*® est une premiére ébauche d’un retour vers Dieu, l’intelligence qui commence a pénétrer au sein du discours humain, par dela le chatoiement exté- rieur de Véloquence, se heurte cependant 4 lhumilité de l’Ecriture®. Cette 70. Conf. 1, xt, 17. 71. Conf. IV, tv, 7-9. 72. Conf: I, xvi, 25. 73. Conf. I, xvi, 26, 74. Conf. I, xix, 30, 15. Conf. I, v, 6 c'est nous qui soulignons. 76. Conf: XI, xxvi, 33. 71. Conf: XI, xxix, 39; XII, x1, 12; A. SoLIGNac, B.A. 14, note 18, p. 589. 78. Conf. I, 1x, 17. 79. Conf. I, 1, 9 et ss. 80. Conf. III, rv, 7. 81. Conf. IIH, v, 9. 62 DOMINIQUE DOUCET méme intelligence, qui veut juger de tout, ne peut entrer dans la voie des humbles. Jugée négativement par I’Ecriture®?, elle se lance dans les « fables » manichéennes et n’ayant pas trouvé sa propre unité, projette sa multiplicité sur le sens interne du Livre Sacré croyant le trouver en contradiction avec Lui-méme®. Ce jeu de miroirs du jugement de l’intelligence par |’Ecriture se trouve en quelque sorte illustré par les « songes » de Monique qui répondent aux « songes » des manichéens, relativement au salut futur du « fils de ses larmes* », La mosaique des récits qui composent le livre IV : Vindicianus*’, la mort de Vami® et le De pulchro et apto®’, dessine en fait une réflexion sur l’amitié, la vie sensible et affective. Vindicianus essaie de détourner Augustin de son intérét pour l’astrologie, l’épisode de la mort de ami, en rappelant le théme du Baptéme, donne l’occasion 4 Augustin de réfléchir sur la douleur et I’inconsis- tance de l’amitié. Enfin le De pulchro et apto développe la question de la beauté. C’est donc bien |’état de sa sensibilité et de son affectivité qu’Augustin présente a son lecteur : une affectivité ébranlée qui, dans l’astrologie, recherche une vaine sécurité, une affecti qui ne peut supporter la perte d’un ami, enfin une réflexion sur la sensibilité qui ne peut accéder a la vérité. Avec cette dramatisation négative de la sensibilité qui fait suite a celle de l’intelligence et de la volonté Augustin arrive au point le plus bas de son itinéraire, il erre dans la nuit sans savoir d’ou lui viendra Paurore, Cette lisiére entre la nuit et le jour, Augustin la décrira grace a deux rencon- tres qui font du livre V le point central et crucial des neuf premiers livres. Dune part la rencontre de Faustus, espérée positive afin de découvrir la vérité, le sens interne du manichéisme, se révéle négative: Augustin décrit une aimable éloquence®™ qui met en lumiére la fausse intériorité du manichéisme et le relégue au rang d’un simple bavardage. D’autre part, venu pour juger et apprécier l’orateur qu’est Ambroise, Augustin découvrira un prédicateur de la vérité®, Venu pour le « bavardage » de l’éloquence, il est introduit dans le sens interne de ce qui deviendra sa régle de vie. De la caricature il passera a l’imita- tion yéritable. Jusqu’en leur présentation générale, ces deux hommes s’oppo- sent, ils sont évéques tous deux, mais l’un marque la fin d’une période, alors que l’autre ouvre l’avenir. Autant Faustus est médiocrement cultivé™ et se fera Péléve d’Augustin®', autant Ambroise apparait éloquent, instruit® et conseillera 82. Conf. Il, vi, 10. 83. Conf. Ul, vt, 1; vn, 12. 84. Conf. UIT, x1, 19-xu1, 21. 85. Conf. IV, m, 5. 86. Conf. LV, 1v, 7-8. 87. Conf. IV, xm, 20-xv1, 31. 88. Conf. V, v1, 10. 89. Conf. V, xin, 23 et ss. 90. Conf: V, v1, 10-11. 91. Conf. V, vi, 13. 92. Conf. V, xm, 23 et V, xiv, 24. « ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 63 le fils de Monique. Ainsi apparait le livre V qui, au seuil de la trentiéme année, vient inverser litinéraire d’Augustii Dés lors le livre VI, comme en miroir, amorcera la lente remontée d’Augus- tin vers la lumiére. Comme pour tout commencement, Monique est 1493, mais surtout l’aurore pointe dans la découverte de ce qui est le fondement de la véri- table imitation : homme est a l’image de Diew™. Ainsi le livre VI se construit autour du théme de l’amitié et de la régénération affective : présence de Monique assurée du salut de son fils, présence d’Ambroise qui rassure en dénouant « les nceuds d’astucieuses calomnies®S », Mais il y a aussi ambivalence des sentiments, illustrée par le récit du mendiant joyeux® et les épisodes relatifs a Alypius®’ et Nebridius®. Si le livre IV décrivait la perversion de la sensibilité et de l’affectivité 4 travers la douleur de la perte d’un ami, le livre VI comme en écho montre les projets — encore irrésolus — que fait Augustin, dans et grace a Pamitié qui n’est plus orientée négativement mais positivement dramatisée. En décrivant ses difficultés métaphysiques’? et sa découverte du Néo- platonisme', Augustin relate dans le livre VII sa conversion intellectuelle qui n’est pas encore Pachévement de son retour vers Dieu mais une purification de Tintelligence qui accéde 4 sa propre intimité!. De méme que le livre II présentait la perversion de intelligence, le livre VII est une dramatisation Positive de ce méme théme’ qui reste encore ambivalente en ce sens que le Christ n’est pas encore présent. Si intelligence comprend, un pas reste encore a faire afin que l’argile devienne effigie. A la fin du livre VII, Augustin «se saisit de ’apdtre Paul! » et cet acte décisif le ménera de la « stupéfaction infinie » a la révélation totale du Christ, a travers deux récits de conversion, non plus de [’intelligence seule, mais de la volonté, Grace aux épisodes relatifs 4 Victorinus™ et aux deux fonctionnaires impériaux qui embrassérent la chasteté aprés avoir entendu le récit de Ponti- cianus sur Antoine’, Augustin lévera les deux derniers obstacles de son itiné- 93. Conf. VI, t, 1, La comparaison avec Le VII, 12 et le fait qu’Augustin note : « j'étais comme un mort, mais un mort a réssusciter », viennent confirmer la lecture du livre VI comme lente remontée. 94. Conf. VI, m, 4. 95. Conf. VI, m, 4. 96. Conf: V1, vt, 9-10. 97. Conf. VI, vm, 11 et ss. 98. Conf: VI, x, 17. 99. Conf. VI, 1-vitl. Augustin reprend en les regroupant les difficultés qu’il a déja rencon- trées : lutte contre le manichéisme et Pastrologie, question du libre arbitre et du mal, difficultés sur lidée de Dieu. 100. Conf: VIL. 1x-xx. 101, Conf: VII, x, 16. 102. Cony: VII, xv et ss. 103, Conf: VII, x00, 27. 104. Conf. VIII, u, 3 et ss. 108. Conf: VIEL, vi, 13-vi, 18. 64 DOMINIQUE DOUCET raire : orgueil et la sensualité. Ces « vieilles amies » que le discours de Conti- nence viendra renverser sont un écho aux préoccupations décrites par Augustin en son livre II}, De la sorte, le coeur du livre VIII semble bien étre la réali- sation de Veffigie quittant sa gangue d’argile afin de pouvoir « revétir le Christ!’ », redressant ainsi de maniére positive ce que le livre II décrivait en une dramatisation négative. Dés lors la lente remontée d’Augustin s’achéve en retrouvant, aprés celui de la sensibilité, puis de l’intelligence, le sens réel de la volonté. Tout pourrait s’arréter 4 cette fin heureuse, mais le livre IX viendra mettre un point d’orgue a cette remontée vers la lumiére. Grice a une maladie de poitrine, Augustin ne différe plus son baptéme, mais quitte un enseignement qui désormais lui pése!°*, En une méditation du psaume 4, il reprend ensuite, comme en résumé, l’ensemble de sa démarche qui culmine dans le baptéme regu a Milan! et s’achéve en un récit de la vie et des vertus de Monique!"', Ainsi répondant a celui du livre I, le théme central du livre LX se dessine : le baptéme accepté. Cependant d’autres points permettent un rapprochement entre ces deux livres ; non seulement le théme de la maladie s’y retrouve mais encore celui de l'éducation. Autant l'éducation d’Augustin Vorientait vers une fausse autonomie et une exaspération de la volonté, autant celle qu’il décrit 4 propos de Monique présente une véritable soumission 4 la volonté divine a travers les remarques de ses proches", Enfin, si le livre IV présentait le stade ultime de la fuite d’Augustin hors de Iui-méme, fuite marquée par son départ de Cartha- ge!'3, par la mort de son ami d’enfance et son incapacité 4 retenir ses larmes, le livre IX nous présente les mémes thémes mais de maniére inversée. Devant la mort de sa mére qui est pour lui non seulement celle qui l’engendra a la lumiére du jour, mais surtout a la lumiére de la foi, Augustin retient ses Jarmes. II est enfin entré en possession de lui-méme, il peut désormais diriger son intelligence, sa volonté et sa sensibilité de maniére ordonnée. Il a été « jugé» et sa foi est devenue Justice. Tel semble bien étre le rythme de ces neuf premiers livres. Dans les quatre premiers, Augustin relate a partir de l’ajournement de son baptéme une lente désagrégation de sa volonté, de son intelligence et de sa sensibilité, que le livre V viendra renverser grace aux rencontres de Faustus et d’Ambroise. Puis les quatre derniers livres sont la description d’une lente remontée culminant dans le baptéme grace a l’intégration de la sensibilité dans l’intelligence, et 4 ’harmo- nisation de celle-ci avec la volonté qui accepte de « revétir le Christ » Ce 106. Conf. Il, 1v, 9-x, 18, 107. Conf. VIII, xu, 29. 108. Conf. IX, 1, 4. 109, Conf. IX, 1v, 8-9. 110. Conf. IX, vi, 14, 111. Conf. 1X, vin, 17-x1, 28; voir aussi J. Gurrron, 0.¢., p. 317. 112, Par exemple Conf: IX, vin, 18. 113. Conf 1V, vu, 12. «ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 65 double itinéraire en miroir peut se schématiser aussi en un mouvement parabo- lique : LivreI : Enfance Livre IX: Nouvelle naissance Baptéme différé Baptéme accepté Livre II : La volonté pervertie et Livre VIII : La volonté unifiée la fausse imitation Livre II : L’intelligence pervertie Livre VIL: L'intelligence unifiée Live IV: La sensibilité pervertie Livre VI: L'amitié L’amitié inconstante La sensibilité indécise Livre V: Faustus — Ambroise 2—Le livre X et les livres XI ad XII Le livre X que nous avons déja étudié présente deux circuits mémoriels, l’un centré sur l’étude de la mémoire, |’autre sur les éléments de la lutte de ’homme avec lui-méme. Ces deux itinéraires positivement et négativement dramatisés, manifestent les mémes caractéristiques en ce qu’ils passent du sensible 4 l’intel- ligence puis a la volonté. De la sorte le livre X se présente comme |’élement central et crucial des Confessions et par son dynamisme i] donne le mouvement général des neuf premiers livres et annonce celui des livres XI a XIII. A la maniére du verbe confiteri, il est un chant de louange dans la découverte de Dieu par la mémoire et en elle, mais aussi un aveu des fautes présentes, repre- nant et intellectualisant en un acte réflexif le récit de la désagrégation et de Ja reconstruction de "homme présenté par les neufs premiers livres. En un mot, il montre le dynamisme de la dramatisation positive et négative des images mémorielles inscrites dans les principaux lieux de |’existence. Avec le livre XI Augustin commence le commentaire de la Genése en s’arré- tant particuliérement sur le début du verset 1: Jn principio. Ainsi, de méme qu'il entreprit de visiter les lieux importants de son enfance et de sa jeunesse, de méme il vient visiter les lieux importants de la « mémoire » de Dieu pour Vhomme. Cette visite lui donnera l’occasion d’un: long développement sur les rapports de la temporalité et de |’éternité qui n’est pas sans analogie avec celui sur la mémoire : «C’est en toi mon esprit que je mesure les temps. Pas de bruyante obstruction contre moi, c’est-a-dire pas de bruyante obstruction contre toi-méme dans la cohue de tes impressions. C'est en toi, dis-je que je mesure les temps. L’impression que les choses en passant font en toi y demeure aprés leur passage, et c’est elle que je mesure quand elle est présente, non pas ces choses qui ont passé pour la produire!", » Au cceur du livre X, Augustin affirme que la mémoire c’est l’esprit'’. En outre, dans le De musica il écrit qu’elle est «la lumiére (lumen) des intervalles de durée™® », Enfin, en rapprochant la cohue des souvenirs décrite dans le livre 114, Conf: XI, xxv, 36. 118. Conf: X, xiv, 21. 116. De musica VI, vin, 21. 66 DOMINIQUE DOUCET X"7 de la «cohue des impressions » décrite dans ce texte, il est loisible de remarquer que, de méme que la mémoire rassemble les souvenirs et les unifie, de méme l’esprit est le lieu de la compréhension du temps. Ainsi a travers le récit des Confessions, Augustin va de la mémoire des faits passés 4 la mémoire du présent qui permet une analyse de ce qu’est le souvenir pour accéder a l’ana- lyse de la mémoire dans le temps, qui l’englobe et la fait étre. Enfin le dernier point remarquable du livre XI est qu’il présente la justification spirituelle de cette « distortion » du temps, vécue par Augustin et symbolisée par |’ajour- nement de son baptéme!!*, Ainsi a la « distortion » de la vie et de ses souvenirs répondent, d’une part, le rassemblement effectué par la mémoire (livre X) et, d’autre part, celui que Dieu effectue, Lui qui, en tant que mémoire de homme, raméne celui-ci de la dispersion en lui montrant l’origine, le principe et la fin de toutes choses, Alors que la visite du premier lieu mémoriel avait été l’occasion d’une réflexion sur le temps, celle du second : caelum et terram, permettra 4 Augustin de décrire non seulement le déploiement de la création hors du temps”, mais encore de réfléchir sur la diversité des interprétations de l’Ecriture. Par dela les diverses interprétations qu’il propose, et les développements qu’il établit sur la « ressemblance!”® » reprenant en écho le théme de l’argile et de leffigie!”!, c’est le fait méme de la diversité des sens de 1’Ecriture que semble retenir Augustin. Au «faire mémoire » existentiel des neufs premiers livres répondait le « faire mémoire » de Dieu, 4 la distortion du temps répondait l’unification de la mémoire divine qui rassemble cette multiplicité d’instants en son éternité ; de la méme maniére, a la multiplicité des interprétations du récit biblique répond Punification opérée par I’Unique Esprit. Ainsi ce que Dieu est par rapport aux événements vécus par Augustin, par rapport au temps, Esprit lest aussi vis-a-vis de l’Ecriture et de son interprétation : « Enfin Seigneur, toi qui es Dieu et non chair et sang, si ’homme y a vu moins de choses, est-il possible que, méme a ton Esprit qui est bon et qui me conduira dans la terre de la droiture, quelque chose ait pu échapper de tout ce que tu devais révéler toi-méme dans ces paroles aux lecteurs de lavenir, et cela méme si celui par qui elles furent dites n’a pensé peut-étre qu’A un seul des multiples sens vrais... ? S'il en est ainsi, que ce sens auquel il a pensé soit donc plus élevé que tous les autres ; mais 4 nous, Seigneur, tu nous montres ou celui-la, ou a ton gré, un autre qui est vrai, afin que, découvrant pour nous le méme sens qu’a ton serviteur lui-méme, ou un autre a Poccasion des mémes paroles, dans les deux cas, ce soit toi pourtant qui rassasies, non lerreur qui fasse illusion, » 117, Conf: X, vit, 12, 118. Conf. XI, xxx1x, 39 ; et aussi I, x1, 17. 119. Conf, XH, m-xt, 12. 120. Conf. XU, xvi, 38, 121, Conf. 1, x1, 18, 122. Conf. XU, xxxn, 43, «ARS MEMORIAE » DANS LES « CONFESSIONS » 67 Aprés avoir visité les deux premiers lieux mémoriels du livre de la Genése, Augustin poursuit son investigation mais « plus briévement!? » allant jusqu’au verset 31. Cet itinéraire lui permettra de reprendre certains themes déja évoqués : d’une part celui de l’imitation qui trouvera sa justification dans les développements sur la Trinité et son image dans l’homme!™, d’autre part le théme de [itinéraire qui n’est nécessaire que pour "homme plongé dans la temporalité alors que la créature spirituelle adhére «sans intervalle de temps'% » 4 Celui qui la créa. Cependant l’attrait principal du livre XII est qu’il reprend en l’expliquant spirituellement l’ensemble de l’itinéraire personnel d’Augustin. De la sorte, les Confessions se présentent comme un itinéraire existentiel, intellectuel et spirituel, comme ’exemplaire de l’action divine sur Vhomme. De méme que Dieu en se souvenant d’Augustin te conduisit vers le Christ dans Pattente du Sabbat du 7° jour, de méme Augustin cherche A guider son lecteur vers Dieu en reconsidérant ses propres lieux mémoriels : « Voici que, en effet, O Seigneur notre Dieu, quand nous aurons écarté de l'amour du siécle les affections dont nous mourrions en vivant mal, et commencé a étre une ame vivante en vivant bien, et que sera accomplie ta parole qui t’a fait dire par ton apo- tre : ne yous conformez pas 4 ce siécle, alors suivra ce que tu as aussitét ajouté en disant : mais réformez-vous dans le renouvellement de votre esprit ; et ce n’est plus selon lespéce, comme si nous imitions le prochain qui nous précéde ou vivions d’aprés exemple autorisé d’un homme plus parfait. Oui tu n’as pas dit que "homme soit fait selon l’espéce mais : faisons l’homme a notre image et resemblance, afin que nous puissions éprouver par nous-mémes qu'elle est ta volonté}®, » Ce texte non seulement résume l’évolution d’Augustin : sa fuite hors de lui- méme comme en une mort, son retour 4 la vie par le baptéme, reprenant en écho le texte paulinien lu au jardin de Milan : «ne vous conformez pas a ce siécle!?’ » ; mais surtout il peut servir de trajet et de méthode pour tout homme réfléchissant sur sa propre existence. Le génie d’Augustin est de se montrer lui- méme tout en s’effagant pour trouver dans l’Ecriture la voie qui rendra compte, englobera et universalisera son expérience ; il veut étre transparent devant la lumiére divine. Le rhéteur qui enseignait !’ars memoriae ne fournissait 4 son éléve qu’une méthode, en lui laissant la liberté de choisir ses propres lieux et images!?8, Augustin, aprés avoir montré comment le souvenir de lui-méme et de ses actes le conduisait vers Dieu qui se souvient de I’homme, invite son lecteur a faire de méme 4 travers le trajet sinueux de ses erreurs et de ses joies. Les mémes caractéristiques se retrouveront quand Augustin fera le résumé de son exégése allégorique!, i] reprendra l’ensemble des lieux importants du premier 123. Conf. XI, xt, 43. 124, Conf. XIII, v, 6 et ss. 125, Conf. XIU, x, 11. 126. Conf, XII, xxmt, 32. 127, Conf. VIII, x1t, 29. 128. F. YATES, 0.¢., p.22-23. 129. Voir Conf: XII, xxv, 49. 68 DOMINIQUE DOUCET chapitre de la Genése et les conjuguera non seulement avec les lieux principaux dune vie d’homme, mais encore avec I’Histoire. Ainsi a travers l’ensemble des Confessions, il est remarquable qu’Augustin retrouve de maniére presque instinctive les grandes intuitions de l’ars memo- riae. 1 nous décrit un parcours qui dans les neufs premiers livres prend un caractére existentiel, puis dans le livre X s’intellectualise pour accéder au plan du spirituel dans les livres XI 4 XIII grace a l’exégése de la Genése. Ces trois itinéraires se présentent comme une spirale qui intégre chaque étape antérieure dans la suivante. De la sorte, les souvenirs des neufs premiers livres sont compris et accomplis dans V’itinéraire de la mémoire qui va du sensible au volitif par intelligence, unification et compréhension qui regoivent leur raison @étre dans l’action méme de Dieu qui crée, mais aussi forme et fait adhérer a Lui sa créature. De Punité de chaque souvenir dans la mémoire, Augustin passe a la mémoire qui unifie, pour accéder en Dieu 4 I’unification ultime dont la Genése nous trace le plan. Dés lors, de |’étroite maison de son ame’, il passe au « palais de la mémoire!* », pour accéder a la « maison belle et lumineuse!*? » que sera la Jérusalem céleste ; chaque maison a son itinéraire, chacune posséde ses images qui se présentent de maniére ambivalente, pouvant étre dramatisées positivement ou négativement. Enfin, une remarque de Jean Guitton: « il faudrait un vrai miracle pour qu’un maitre de rhétorique renongat d’emblée a sa seconde nature!’ » semble indiquer V’intérét des différents caractéres de l’ars memoriae qui conférent un dynamisme certain aux précédentes analyses des Confessions. D°une part le triptyque: memoria — contuitus — expectatio, mis en évidence par P.-L. Landsberg! et repris par J.-M. Leblond', d’autre part les analyses de G.N. Knauer", le théme de ’homo vetus et de homo spiritualis'*’, enfin celui relatif 4 initiation baptismale’®* se présentent toutes comme des itinéraires chargés d’images dramatisées de maniére positive ou négative. Enfin le terme 130. Conf. I, v, vi. 131. Conf. X, vm, 12. 132, Conf. XI, xv, 19 et XH, xv, 21. 133. J, Gurrron, 0.c., p. 290; en outre HI. MARROU note dans son Histoire de l'éducation dans Vantiquité, 7° éd., Seuil, 1981, T. I, p. 73 : « (car Pécole qu’Ausone, Saint Jéréme ou Saint Augustin nous font com a fin du 1v* siécle reste en somme, & quelques nuances prés, celle du temps de Quintilien ou méme d’Horace,) Et cette évolution, n’en déplaise aux moralistes réactionnaires, représentait souvent un progrés. » 134. P.L. LANDSBERG «La conversion de Saint Augustin », in Vie Spirituelle, 48 (supple- ment, p.31-56; «Les Confessions de Saint Augustin », in Vie Spirituetle, 60 (supplement), p. 1-22. 135. JM, Le Bonn, Les conversions de Saint Augustin, Aubier, Paris, 1950, 136. G.N. KNaver, «Peregrinatio animae (zut Frage der Einheit der augustinischen Konfessionen) », in Hermes 85, 1957, p. 216-248. ae Kuscu, Studien iiber Augustinus, in Festschrift Franz Dornseiff, Leipzig, 1953, p. 124-200. 138. M. Wunpr, Augustins Konfessionen, in ZNTW, 29, 1923, p. 161-206,

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