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Revue des Etudes Augustiniennes, 36 (1990), 3-41 Les commentaires patristiques sur Isaie d’Origéne a Jéréme Le commentaire de Jéréme sur Isaie est le premier commentaire patristique sur ce prophéte dont le texte ait été conservé dans son intégralité. C’est & sa lumiére que 1’Occident latin a lu Isaie pendant un millénaire. Personne n’a entrepris de rivaliser avec lui ; les exégétes médiévaux se bornent A recueillir des extraits de Jéréme, tels Joseph le Scot et Raban Maur, ou s’en inspirent étroitement, comme Haimon d’Auxerre, Bruno de Segni et Albert le Grand. Le Centre de recherches sur la Bible latine de Louvain-la-Neuve, parallélement a l’édition de la Vetus latina d’Isaie, prépare une édition critique du commentaire de Jéréme, qui n’est pas moins important pour l’histoire du texte d’Isaie que pour celle de l’exégése médiévale. Une telle édition doit comporter un apparat des sources et des passages paralléles. C’est ce qui nous a amenés & nous intéresser aux prédécesseurs de Jéréme et aux autres travaux que Iui-méme a consacrés A ce prophéte. Nous nous sommes apergus que beaucoup d’ oeuvres que nous avons prises en main posaient des problémes critiques imparfaitement résolus, et nous croyons avoir fait a leur sujet quelques observations neuves, En faisant le point sur les questions qu’elles soulévent, nous espérons rendre service & tous ceux qui s’intéressent 4 l’interprétation d’Isaie dans l’Eglise ancienne!. Dans le prologue de son commentaire, Jéréme reconnait implicitement sa dette 4 1’égard de ceux qui se sont essayés avant lui A expliquer Isaie. Il n’est pas inutile de citer ce passage, auquel nous aurons souvent a nous référer par la suite. «C’est une vaste et difficile entreprise que de vouloir commenter dans son entier le livre d’Isaie, qui a mis A rude épreuve la compétence de nos devanciers, - je veux parler des Grecs. Pour ce qui est des Latins, c’est le grand silence, mis 4 part le martyr Victorin, de sainte mémoire, qui pouvait dire avec l’Apétre : ‘Si je ne suis qu’un profane en fait d’éloquence, pour la science, c’est autre chose2’, Origéne a écrit sur ce prophéte un commentaire selon les quatre éditions, jusqu’a la vision des quadrupédes dans le désert, en trente volumes, parmi lesquels le vingt-sixiéme livre est introuvable. Sont transmis également sous son nom deux autres livres sur la vision des quadrupédes, dédiés 4 Grata, qui sont considérés 1, Cet article reprend Vessentiel d’une étude présentée comme mémoire de licence en sciences religicuses & l'Université catholique de Louvain par Mademoiselle D. Szmatula, sous Ja responsabilité du professeur R. Gryson, Les auteurs tiennent & remercier Madame E, Crousse, quia assuré la mise au point du manuscrit et la saisie informatique du texte, 2.2 Cor 11, 6. 4 R. GRYSON - D, SZMATULA comme apocryphes, vingt-cing homélies et des onpeidoeic, que nous pourtions appeler des recueils de notes. Eustbe, disciple de Pamphile, a également publié quinze volumes, oii il explique le sens historique. Didyme, avec qui nous avons été naguére en relations amicales, a publié dix-huit tomes, qui vont de l’endroit ou il est écrit : ‘Consolez, consolez mon peuple, prétres ; parlez au coeur de Jérusalem3*, jusqu’a Ja fin du volume. Apollinaire, A sa maniére habituelle, explique l'ensemble en parcourant tout aila hate ; il survole le texte, s’attachant 4 certains points et en sautant d’autres, si bien qu’on croirait lire moins un commentaire qu’une table des matiéres*». Conformément au plan que nous suggére Jéréme, nous traiterons successivement des commentateurs latins et des commentateurs grecs. Parmi ceux-ci, nous parlerons d’abord de ceux qu’il mentionne, puis de ceux dont les travaux lui sont demeurés inconnus. I. — LEs COMMENTATEURS LATINS 1.1. Victorin de Pettau Victorin, qui fut évéque de Pettau, au nord de la Yougoslavie actuelle, a vécu dans la seconde moitié du Il¢ s. ; il est mort martyr durant la persécution de Diociétien, probablement en 304. Le peu que nous sachions de lui, nous Je devons 4 Jéréme, qui lui a consacré une notice dans son De viris illustribus. Il lui attribue des commentaires sur la Genése, l’Exode, le Lévitique, Isaie, Ezéchiel, Habacuc, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, l’Apocalypse, ainsi qu’un traité contre toutes les hérésies et «beaucoup d’autres ouvrages encore5», Dans les préfaces de son propre commentaire sur Matthieu et de sa traduction des homélies d’Origéne sur Luc, Jéréme mentionne un commentaire de Victorin sur Matthieu®, Un seul de ces ouvrages est parvenu jusqu’a nous grace a un manuscrit unique du XVe s. (Ottobonianus lat. 3288) : il s’agit du commentaire sur 1’Apocalypse, dont il existe également une recension due A Jéréme, qui est mieux conservée ; cette recension estompe un des traits caractéristiques de l’exégése de Victorin, qui était millénariste?, 3.5 40, 1. 4, JeROME, Commentarii in Esaiam, prol. (CCL 73, 3, 80-100). 5. JEROME, De viris illustribus, 74 (d. Richardson, p. 40, 25 - 41, 3). 6. JEROME, Commentarit in Evangelium Matthael, prol. (CCL 77, 5, 96) ; Origenis in Lucam homiliae, prol. (GCS 49, 2, 7-9). 7.Le texte original de Victorin et In recension de Jéréme ont été édités de fagon synoptique par J. Haussleiter : Victorini episcopi Peravionensis opera (CSEL 49), Vienne-Leipzig, 1916. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 5 Jéréme avait eu en main le commentaire de Victorin sur Isate, dont il dit gotiter davantage le fond que la forme’. Il fait explicitement allusion dans son De seraphim a l’interprétation que l’évéque de Pettau donnait des séraphins aux six ailes?, D’autre part, dans son commentaire sur Isaie, Jéréme rapporte que certains parmi les Latins voyaient dans les deux séraphins qui voilent la face et les pieds de Dieu une figure des deux testaments, qui nous instruisent seulement sur le monde présent en nous cachant ses origines et sa fin ; ’hymne au Seigneur Sabaoth évoque déja les mystéres de Ja trinité et de V’incarnation!®, Deux manuscrits (Sankt-Gallen, Stiftsbibl., 113, et Paris, B. N., lat. 1809) portent en marge A cet endroit Victorinus, Ces témoins carolingiens, originaires respectivement de Saint-Gall et de Moissac, conservent tous deux un texte de grande qualité et appartiennent a des branches indépendantes de la tradition textuelle!!, Dans les deux cas, la glose parait étre sinon de premiére main, en tout cas contemporaine de la confection du manuscrit. Sa présence simultanée en ces deux endroits suggére qu’elle provient d'un archétype ancien dont l’annotateur avait encore cu accés au commentaire de Victorin, L’interprétation en question remonte & Origéne, dont nous savons que Victorin s’inspirait couramment. Elle différe de celle qui est attribuée 4 P’évéque de Pettau dans le De seraphim, mais les commentateurs anciens proposaient souvent plusieurs interprétations @ la suite, Peut-étre certains passages du commentaire de Jéréme sur Isaie qui combattent le millénarisme visent-ils également l’exégése de Victorin, mais il vite de critiquer ouvertement son prédécesseur, pour lequel il a toujours gardé de l’estime!2, 1.2, Ambroise de Milan Il est certain que saint Ambroise a composé un commentaire sur Isaie ; il y fait lui-méme allusion dans son commentaire sur Luc : «Quid sit autem in Hierusalem ‘sisti domino’ (cf, Le 2, 22) dicerem, nisi in Esaiae commentis ante dixissem!3», En quel endroit avait-il été amené a s’expliquer sur ce point ? Peut- &tre & propos d’/s 60, 11, ot 1a Septante porte of faoteic abtév napaotioovtat oo1; c’est la méme expression qu’en Lc 2, 22, napactijvar tH kup tg. S’il en était 8. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 3 : «,..praeter sanctae memoriae martyrem Victorinum qui cum apostolo dicere poterat : Etsi imperitus sermone, non tamen scientia» (CCL 73, 3, 83- 85). 9. JEROME, De seraphim (= Epist. 18A), 6, 8 (CSEL 54, 82, 10-11): «Victorinus noster duodecim apostolos interpretatus est», 10. JEROME, Commentarii in Esaiam, 3 (CCL 73, 87, 64-73). 11, Voir R, Gryson - P,-A, Deproost, La tradition manuscrite du commentaire de Jéréme sur Isaie (livres I et If), dans Scriptorium, 43, 1989, n° 2. 12. Voir M, DULAEY,Jéréme, Victorin et le millénarisme, dans Jéréme entre I' Occident et VOrient. Actes du colloque de Chantilly (septembre 1986), Paris, 1988, p. 83-98. 13. AMBROISE, Expositio Evangelii secundum Lucam, 2, 55 (CCL 14, 54, 746-747), 6 R. GRYSON - D, SZMATULA ainsi, cela signifierait qu’Ambroise avait commenté le livre d’Isaie dans son entier. Nous n’avons rien conservé de cet ouvrage, a part quelques fragments dans les écrits anti-pélagiens d’Augustin!4, Les annonces de citation suggérent qu’il s’agissait d’un commentaire suivi et complet, a l’instar du commentaire sur Luc!5, Dans un cas seulement, on peut reconnaitre le passage commenté, 4 savoir Ts 1, 2. Les citations les plus longues donnent l’impression d’un commentaire assez développé. Il est peu vraisemblable que Jéréme n’ait pas connu le commentaire d’Ambroise, dont il ne souffle mot dans le prologue de I’In Esaiam. Sa réticence est sans doute volontaire ; le «grand silence» dans lequel il inclut le commentaire de l’évéque de Milan!6 doit étre compté parmi les nombreux traits dont il accable celui-ci, généralement sans le nommer!7, Le commentaire d’ Ambroise ne parait pas avoir connu une grande diffusion et s’est perdu trés vite. Dans la seconde moitié du Vie s., Cassiodore l’avait déja cherché en vain!8, Sa disparition s’explique vraisemblablement par le fait que dés cette Epoque, la version hiéronymienne dIsaie et de Jérémie s’était imposée ; un commentaire du texte vieux latin apparaissait dés lors comme dépassé. I n’y a rien d’étonnant 4 ce que Paul de Ratisbonne, au milieu du XII s., n’ait pas eu plus de succés que Cassiodore, bien qu’il ait effectué des recherches dans presque 14, On les trouve réunis dans CCL 14, 405-408. 15. Contra duas epistulas Pelagianorum, 4, 29-31 (CSEL 60, 559-568) : «Ambrosius qui cum Esaiam prophetam exponeret ait... Ambrosius dicens in expositione Esaiae prophetae... Adtendant quid idem iste vir sanctus dicat in expositione Esaiae..., Exponens Esaiam propter id quod ibi scriptum est : ‘Filios genui et exaltavi, ipsi autem me spreverunt’...» ; De peccato originali, 47 (CSEL 42, 205) : «Idem ipse cum exponeret Esaiam prophetam... Item cum exponeret evangelium secundum Lucam...» ; De nuptiis et concupiscentia, 40 (CSEL 42, 251) : «Cum exponens Esaiam prophetam carnalem Christi nativitatem insinuaret....». 16, Voir le texte traduit ci-dessus, p. 3 : «Apud Latinos grande silentium est, praeter sanctae memoriae martyrem Victorinum» (CCL 73, 3, 82-83). 17, Sur les raisons et les diverses manifestations de l’hostilité persistante de Jéréme & l'égard d'Ambroise & partir de son départ pour l’Orient, voir en dernier lieu M. TESTARD, Jéréme et Ambroise. Sur un «aveu» du De officiis de l’évéque de Milan, dans Jéréme entre !’Occident et P Orient, p. 227-254, 18. CASSIODORE, Institutiones, 1, 3, 6 (éd. R. Mynors, p. 20, 7-12): «Dicitur etiam et sanctum Ambrosium prophetarum commenta eloquii soliti dulcedine confecisse, quae tamen adhue nullatenus potui reperire, quae vobis magno studio quaerenda derelinquo, ut expositio multiplicata peritorum copiosam vobis doctrinam et animae felicissimam conferat sospitater»». — Nous n’avons par ailleurs aucune trace de l'existence d'autres commentaires d'Ambroise sur les prophetes. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 7 toute l’Europe!9, Aucun catalogue de bibliothéque médiévale, a notre connaissance, ne mentionne cet ouvrage20, 1, 3. Les travaux de Jéréme sur Isaie 1.3.1. Le commentaire C’est en 407, aprés avoir achevé d’expliquer les douze prophétes et Daniel, que Jéréme a entrepris de commenter Isaie. Ce travail 1’a occupé durant trois ans, avec des interruptions dues notamment & des ennuis de santé2!, L’ ouvrage, dédié 4 Eustochium, une des filles spirituelles de l’auteur, et au beau-frére de celle-ci, Pammachius, comporte dix-huit livres?2, Le livre V est constitué par un opuscule antérieur de Jéréme, composé en 397 a la demande d’un évéque nommé Amabilis, et consacré a l’explication littérale des oracles contre les nations (Js 13- 23). Les livres VI et VII se bornent a expliquer, la méme section au sens spirituel23, Jéréme est tributaire de sources grecques, qu’il avoue implicitement dans le prologue de son ouvrage. L’usage qu’il fait de ces sources, dont plusieurs, notamment le commentaire d’Origéne, sont perdues, n’a pas encore été étudié de fagon systématique. Un article de M. Simonetti fournit néanmoins A ce sujet des indications utiles*4. Comparant le commentaire de Jéréme avec celui d’Eusébe, qui est en bonne partie conservé, il constate que Jéréme utilise deux clés de lecture venant d’Eusébe : celui-ci voyait annoncées dans la prphétie d’Isaie la victoire de I’Bglise sur les religions paiennes, inspirées par les démons et fondées sur l’idolatrie, et la substitution des chrétiens aux juifs comme destinataires des promesses divines. En revanche, deux autres fils conducteurs de l’exégése 19, Voir G. Mercatt, Le titulationes nelle opere dogmatiche di S, Ambrogio = Ambrosiana. Scritti varit pubblicati nel XV centenario dalla morte di S. Ambrogio, fasc. VIM, Milan, 1897, p. 39-41 ; repris dans Opere Minori, t. I (coll. Studi e testi, 76), Rome, 1937, p. 475-477. 20. Certains fragments contenus dans le commentaire inédit de Raban Maur sur Isaie, qu’étudie actuellement le Centre de recherches sur la Bible latine, pourraient provenir du commentaire d’Ambroise ; mais cette hypothése demande encore & étre confirmée. 21, Voir A. Lutz, Die Chronologie des Esaiaskommentats von Hieronymus, dans Wiener Studien, 26, 1904, p. 164-168. 22, En attendant la nouvelle édition critique que prépare le Centre de recherches sur la Bible latine, on utiisera celle de M. ADRIAEN dans le Corpus christianorum (\. 73-73A). 23, Voir le prologue au livre V, suivi de la lettre dédicatoire & Amubilis, dans CCL 73, 159- 160. Le ms. Brescia, Bibl. Queriniana, A. IT. 14 (VilIes.), et ses descendants substituent d cet ensemble un prologue factice, trés bref, masquant Yorigine du livre V. Ce prologue se retrouve a la suite du prologue authentique dans le ms. Monte Cassino, Badia, 94 EE, un important témoin italien du XI° s.— Sur la composition du commentaire de Jérdme et 1a méthode exégétique mise en ceuvre dans cet ouvrage, voir P. JAY, L’exégdse de saint Jérome daprés son «Commentaire sur Isaien, Paris, 1985. 24, M. SIMONETTI, Sulle fonti del Commento a Isaia di Girolamo, dans Augustinianum, 24, 1984, p. 451-469. 8 R. GRYSON - D. SZMATULA hiéronymienne n’apparaissent pas chez Eusébe : le conflit entre 1’Bglise et I’hérésie, d’une part, les relations entre le Christ et l’€me humaine balangant entre le bien et le mal, d’autre part. Ces deux thémes se retrouvent dans le commentaire de Basile, que Jéréme n’a pas connu. Ils doivent provenir d’une source commune, qui n’est autre que le commentaire perdu d’Origéne. On en a la preuve non seulement grace aux homélies d’Origéne sur Isaie, mais aussi par le fait que les deux thémes en question disparaissent dans l’exégése des chapitres 24 et 25 d’Isaie, pour lesquels Jéréme n’avait pu trouver le commentaire de 1’Alexandrin5, En utilisant Ja méme méthode, M. Simonetti met également en évidence ce que Jéréme doit A Didyme, qui lui a servi de modéle pour les chapitres 40-66. 1.3.2, Le «De seraphim» Une trentaine d’années avant la rédaction du commentaire sur Isaie, Jéréme avait composé un petit traité dans lequel il expliquait briévement la vision inaugurale (Js 6, 1-9), en s’inspirant principalement des homélies dans lesquelles Origéne avait commenté ce passage26, Au temps de sa maturité, il ne renie pas cette ceuvre de jeunesse, puisqu’il ne craint pas d’y renvoyer son lecteur : «Sur cette vision, il y a une trentaine d’années, alors que j’étais A Constantinople en train de me former a 1’étude des saintes écritures auprés de Grégoire de Nazianze, cet homme si éloquent, alors évéque de ladite ville, je sais que j'ai dicté un rapide traité improvisé pour faire l’épreuve de mon humble talent et obéir aux instances de mes amis, Je renvoie donc le lecteur a ce petit ouvrage et le prie de se satisfaire du rapide commentaire de cette époque?’». Jéréme mentionne Vopuscule en question immédiatement aprés sa traduction des homélies d’Origéne sur Jérémie et sur Ezéchiel, sous le titre De seraphim, dans le catalogue de ses ceuvres qu’il dresse a la fin du De viris illustribus?8. Il y fait allusion dans sa lettre apologétique 4 Pammachius”9, écrite au plus fort de la controverse origéniste en 399 ; cette allusion permet de dater avec précision le 25, Il indique dans le prologue de son propre commentaire que le vingt-sixigme livre d'Origdne, od se trouvaient commentés ces deux chapitres (voir ci-dessous, p. 18), était introuvable. 26. Voir ci-dessous, p. 23-29. 27, JEROME, Commentarii in Esaiam, 3 (CCL 73, 84, 14-21) ; trad. P. Jay, L’ exégése de saint Jéréme, p. 63. 28, JEROME, De viris illustribus, 135 (éd. Richardson, p. 55,24). 29, JEROME, Epistulae, 84, 3, 4 (CSEL 55, 123, 21 - 124, 2) : «Arguite potius ubi heresim defenderim, ubi pravum Origenis dogma laudaverim, In lectione Esaiae in qua duo seraphin clamantia describuntur, illo interpretante filium et spiritum sanctum, nonne ego detestandam expositionem in duo testamenta mutavi ? Habetur liber in manibus ante viginti anos editus». — CE. De seraphim (= Epist. 18A), 4, 1-4 ; 6, 6-7 ; 7, 3-5. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 9 De seraphim de l'année 380, alors que Jéréme se trouvait effectivement A Constantinople et fréquentait assiddment Grégoire de Nazianze30. Ce traité s’est transmis avec la correspondance de Jéréme ; il apparait dans Pédition de Vienne, due A J. Hilberg, sous le numéro 18A et le titre Ad Damasum. Hilberg est mort sans avoir publié l’introduction a cette édition, qu’il avait réservée pour la fin ; la tradition manuscrite de la correspondance de Jéréme n’a guére été étudiée jusqu’A présent ; on ignore A peu pres tout de la fagon dont les collections de lettres ont été rassemblées et transmises. De petites collections ont certainement été constituées par Jéréme lui-méme, comme on le voit dans la notice du De viris illustribus31, Quant a savoir ce qui s’est passé ensuite, c’est 14 un beau champ d’étude encore largement en friche. Le répertoire de Lambert recense pour le De seraphim quelque cent quinze manuscrits32, Hilberg en a retenu seulement sept ; un coup d’ceil sur l’apparat critique suffit A faire voir qu’ils appartiennent & trois familles différentes, comprenant respectivement les manuscrits FL, WB et DS. L’édition de Hilberg n’inspire qu'une confiance limitée. La fagon dont il manipule les citations scripturaires, corrigeant tantét le texte de la péricope reproduit en téte de Vouvrage en fonction du lemme découpé verset par verset au fil du commentaire, tantét l’inverse, sans plus de justification33, témoigne d’un défaut de sens critique inquiétant, ~ pour ne rien dire de l’échantillonnage restreint des manuscrits, dont nous ne sommes pas en mesure de vérifier s’ils ont été judicieusement choisis. Le nom de Damase apparait en téte de Ja lettre dans une seule des trois familles de manuscrits, 4 savoir dans FY et implicitement dans L. En 380, Jéréme n’était pas encore en relation avec l’évéque de Rome ; tout au plus pourrait-on imaginer qu'il lui a dédié cet ouvrage aprés coup ; il est plus probable que la mention de Damase est due aux compilateurs ou aux copistes qui ont fait entrer cet écrit dans la correspondance de Jéréme et qui ont suppléé Je nom du destinataire par analogie avec d’autres écrits de la méme époque. Rien dans le texte n’indique qu’il s’agisse d’une lettre, pas méme d’une correspondance fictive, comme c’est 30. Pour la date de I’épitre 84, voir F. CaVALLERA, Saint Jéréme. Sa vie et son auvre, t. TI, Louvain-Paris, 1922, p. 37-38. Le De seraphim a été publié «vingt ans plus tot». Rappelons que Jéréme, suivant Pusage de son époque, comprend habituellement dans le calcul d'un intervalle de temps & la fois l'année ou le jour a quo et l'année ou le jour ad quem ; voir P. Nauti, Etudes de chronologie augustinienne, dans Revue des études augustiniennes, 18, 1972, p. 215-217 ; La date des commentaires de Jéréme sur les épttres pauliniennes, dans Revue d'histoire ecclésiastique, 74, 1919, p. 7-9. 31. Référence ci-dessus, n. 28. La notice mentionne entre autres Epistularum ad diversos librum unum et Ad Marcellam epistularum librum unum, 32. B. LAMBERT, Bibliotheca hieronymiana manuscripta, Steenbrugge, 1969, t. I, p. 426- 430. 33, Voir l’apparat des témoins dans Vetus Latina, t. XII : Esaias, éd. R. GRYSON, Freiburg, 1987 et suiv., p. 185, 197, 207, 211, Dom Botte a remarqué que le texte vieux latin figurant en téte de louvrage n’est pas exactement celui que Jérome avait sous les yeux, et qu'il reproduit verset par verset dans le cours de son commentaire ; ce texte a di étre ajouté par un copiste ou un éditeur de l’antiquité ; voir B. Borrs - Chr. MOHRMANN, L' ordinaire de la messe, Paris, 1953, p. 111-113. 10 R. GRYSON - D. SZMATULA Je cas pour les lettres 35 et 36, et sans doute pour d’autres encore. On ferait bien de renoncer a parler de la «lettre 18A» et d’utiliser le titre de Jéréme lui- méme, De seraphim ; l’auteur caractérise cet écrit non comme une lettre (epistula), mais comme un «traité» ou, plus exactement, un «commentaire» (tractatus). A la suite de la soi-disant lettre 18A apparait dans l’édition de Vienne une lettre 18B, ainsi numérotée parce qu’elle se trouvait fondue avec la précédente, évidemment & tort, dans l’édition de Vallarsi. En réalité, ces deux textes sont indépendants et souvent éloignés l’un de I’autre dans les manuscrits. La lettre 18B, ott se trouvent expliqués d'une maniére assez particuliére trois versets de la vision d’Isaie (/s 6, 6-8), n’est pas davantage une lettre que la piéce qui précéde ; nous pensons qu’il s’agit d’un résumé partiel du commentaire d’Origéne sur Tsaie3s. 34, Voir P. NAUTIN, Le premier échange épistolaire entre Jérdme et Damase : lettres réelles ou fictives ?, dans Freiburger Zeitschrift fiir Philosophie und Theologie, 30, 1983, p. 331- 344, 35. Voir ci-dessous, p. 16-22. Alors que ces pages étaient déja prétes pour impression, nous avons pris connaissance d’un récent article de P, NAUTIN, Le «De seraphim» de Jéréme et son appendice «Ad Damasum», dans Roma renascens. Beitrdge zur Spdtantike und Rezeptionsgeschichte Ilona Opelt... gewidmet, Frankfurt, 1988, p. 257-293. Nous avons plaisir a constater que nous sommes largement d’accord avec lui pour ce qui regarde le De seraphim, Il n’en va pas de méme & propos de la lettre 18B, bien que la divergence ne soit pas aussi considérable qu'elle pourrait sembler de prime abord, M, Nautin considére cette deuxiéme lettre comme une paraphrase du commentaire d’Origtne, dans laquelle s*instrent des remarques personnelles de Jéréme et des considérations empruntées A d’autres sources. Nous dirions un résumé plutét qu’une paraphrase, car le commentaire devait 6tre beaucoup plus développé ; il comportait en moyenne un volume pour un chapitre de nos bibles actuelles. La lettre 18B, qui explique trois versets sur les treize que comporte le chapitre 6, tient en une page et demic dans Ja Patrologie de Migne ; nous sommes loin de l’ccuvre monumentale du maitre d’Alexandrie. Quant aux remarques personnelles de Jéréme, elles se raménent A peu de chose: trois mots pour dire que spiritus est du genre masculin, alors que nvedpa est neutre ; un bout de phrase pour relever que le commentaire du v. 8b ne s'accorde pas avec certaines versions latines. Pour le reste, il n’y a rien dans ces pages qui ne puisse venir d’Origéne, comme nous le montrerons plus loin. M, Nautin y voit un appendice au De seraphin, fictivement dédié & Damase et dirigé contre le De spiritu sancto d’ Ambroise, comme la lettre 36, Cette thése nous parait difficile & soutenir, Dans les manuscrits, il est rare que la lettre 18B suive immédiatement 18A. Les plus anciens reflétent une séquence qui devait étre originellement 18A 19 20 15 16 18B 21; le rapprochement de 18A et 18B, dans cet ordre ou dans l’ordre inverse, est intervenu & un stade ultérieur de l’organisation des collections de lettres ; il était évidemment suggéré par le contenu des deux pices. C’est seulement en se référant aux éditions qu’on peut parler de 18B comme d’un «appendice» de 18A. Il n’y a pas un mot dans la soi-disant lettre 18B qui s’adresse & Damase , le paralléle que fait M. Nautin avec la lettre 64 n’est pas pertinent. Rien n’indique, enfin, qu’ Ambroise soit visé dans ce texte ; dans le De spiritu sancto, il cite non seulement Js 6, 6.7, mais aussi /s 6, 1-3, de sorte que M. Nautin ne réussit pas A expliquer de cette fagon pourquoi le soi-disant «appendice» se borne & commenter Js 6, 6-8. Selon nous, il s’agit d'un texte 4 usage privé, comme la traduction en latin des homélies d’Origéne sur Isaie. Ce travail préparatoire & la rédaction du De seraphim n’a pas été publié du vivant de Jérome ; voir ci- dessous, p. 26-30. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE i 1.3, 3. L’ «In Esaiam parvula adbreviatio» Alors que I’In Esaiam et le De seraphim sont représentés par une tradition manuscrite abondante, trois manuscrits seulement transmettent un petit texte contenant, aprés un court prologue, !’explication de /s 1, 1-6, Ila été publié pour la premiére fois par Vallarsi dans son édition des euvres completes de Jéréme, @’aprés un manuscrit de Vérone (Bibl. capit., XV), du début du VUIe 5.36; ce témoin, qui n’est autre que le fameux palimpseste contenant primitivement les Institutes de Gaius, est aujourd'hui en mauvais état et d’une lecture difficile. Une nouvelle édition a été donnée par Morin au tome III de ses Anecdota Maredsolana ; celui-ci a collationné en outre un manuscrit de Bruxelles (Bibl. royale, II. 1636), du X¢ s.37. Le troisitme témoin, qui se trouve & Berlin (Deutsche Staatsbibl., 17), du IX¢ s., n’a pas encore été utilisé jusqu’a présent, si ce n’est pour le contréle des citations figurant dans l’apparat des témoins de la Vetus latina d’Isaie38. Ces trois manuscrits contiennent principalement des lettres de Jéréme, mais aussi quelques ouvrages d’autres auteurs (Augustin, Grégoire le Grand, etc.). Notre texte, intitulé In Esaiam parvula adbreviatio de capitulis paucis, est anonyme. Le premier éditeur le jugeait tout & fait indigne de Jéréme39. En revanche, Morin I’attribue sans hésitation a celui-ci42, L’un et l’autre jugeaient leur thése & ce point évidente qu’ ils n’ont pas cru utile d’argumenter. Morin se borne A affirmer que le texte en question ressemble aux autres commentaires de Jéréme «tamquam ovo ovum». En dépit de son assurance, et au risque de passer pour incompétents — «idemque peritissimis quibusque viris», écrivait-il, «visum iri confidimus» —, nous avouerons notre scepticisme. Les paralléles auxquels il renvoie en note ne sont guére concluants. Nous n’avons par ailleurs aucun indice de ce que Jér6me, en plus du De seraphim, de l’explication historique des oracles contre les nations et du grand commentaire, ait entrepris une quatriéme fois d’expliquer Isaie. Le lemme est ici rigoureusement conforme a la Vulgate, alors que dans 1’/n Esaiam, Jéréme s’écarte A plusieurs reprises de sa propre traduction dans les versets en cause. Aucune allusion au texte des Septante, ni aux autres versions hexaplaires, auxquelles Jéréme a l’habitude de se référer. Aucune allusion non plus & l’hébreu, si ce n’est une grosse bourde : d’aprés l’auteur, le nom d’Amos, pére d’Isaie, s’écrirait avec un sade, celui du prophéte Amos avec un sin (alors qu’il s’agit en réalité dans le second cas d’un samech)4!. La connaissance que Jéréme avait de l’hébreu préte a discussion ; elle était sans 36. Texte reproduit dans PL 24, 937-942. 37. Anecdota Maredsolana, t. III, 3, Maredsous, 1903, p. 97-103 ; texte reproduit dans CCL 73A, 803-809. 38. Le quatritme manuscrit mentionné par Lambert (Bibliotheca hieronymiana manuscripta, t. Il, p. 91), @ savoir Metz, Bibl. munic., 323, du XV¢ s., contient en fait un abrégé. de Pensemble du commentaire. 39. Voir PL 24, 17-18. 40. Ed. citée, p. XVIIL, 41, Voir CCL 73A, 803, 18-21, 12 R. GRYSON - D. SZMATULA doute moins approfondie qu’il ne le donne & croire. Mais s’il y a une chose que méme les plus sceptiques ne contestent pas, c’est qu'il était capable de reconnaitre les caractéres hébraiques42. Ailleurs, il fournit sur l’orthographe des deux noms en cause des indications correctes‘3, Dire qu’il avait perdu la mémoire dans le cas présent, comme le prétend Morin, est vraiment une explication facile. Ceux qui soutiennent |’attribution de ce texte a Jéréme devraient au moins tenter de le situer dans sa carriére littéraire et d’ ‘expliquer l’existence de ce qui serait, par hypothése, un doublet du grand commentaire, dont notre texte n’est en tout cas pas un abrégé ; il propose au contraire une exégése assez différente de celui-ci sur plusieurs points. TI, — Les COMMENTATEURS GRECS 2. 1. Les commentateurs mentionnés par Jéréme 2.1.1. Les travaux d’ Origéne sur Isaie D’aprés le prologue du commentaire de Jéréme, les travaux d’Origéne sur Isaie ressortissaient & trois genres différents : le commentaire suivi, les homélies et les notes. Jéréme les définit clairement dans la préface 4 sa traduction des homélies d’Origéne sur Ezéchiel : «Les ouvrages d’Origéne sur toute 1’Ecriture sont de trois sortes : tout d’abord des recueils de notes (excerpta), qu’on appelle en grec des scolies (oxéAta), dans lesquels il a ramassé sommairement et brigvement ce qui, A ses yeux, était obscur et comportait une difficulté ; ensuite le genre homilétique, auquel appartient la présente traduction ; en troisiéme lieu ce qu’il a intitulé tomes (tépot) et que nous pouvons appeler volumes (volumina), genre dans lequel il a livré aux souffles des vents toutes Jes voiles de son talent et, s’éloignant de la terre, a gagné la pleine mer‘5». 42. Voir E. BURSTEIN, La compéience de Jéréme en hébreu. Explication de certaines erreurs, dans Revue des études augustiniennes, 21, 1975, p. 3-12. 43, Voir JEROME, Commentarii in Amos, prol. (CCL 76, 211, 3-6); Commentarii in Esaiam, | (CCL 73, 5, 25-31). 44, Hid. citée, p. 98. 45, JERGME, Origenis in Ezechielem homiliae, prol. (GCS 33, 318, 12-19) ; trad. P. Jay, L’exégese de saint Jéréme, p. 54. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 13 2.1.1.1. Le commentaire d’ Origéne sur Isate Le prologue du commentaire de Jéréme fournit a propos de cet ouvrage quatre indications*6 : - il expliquait le texte selon les «quatre Editions», & savoir celles @’ Aquila, de Symmaque, des Septante et de Théodotion, constituant les quatre derniéres colonnes des Hexaples ; - i] allait jusqu’a la vision des quadrupédes dans le désert, c’est-a-dire jusqu’a Ts 30, 547; ~ il comportait trente volumes ; - le livre XXVI était devenu introuvable. Les trente volumes du commentaire origénien, tel que le connaissait Jéréme, couvraient done un peu moins de trente chapitres du livre d’Isate selon la division actuelle, Origéne s’était-il arrété 14 ? Ce n’est pas absolument certain ; quelques indices, & vrai dire fragiles, inviteraient méme a penser le contraire. Une lettre de Jéréme & Paula contenait une liste partielle des cuvres d'Origtne, que Jéréme avait tirée du troisiéme livre de la biographie de Pamphile par Eusébe de Césarée48, Cette liste mentionne trente-six livres sur Isaie4?, L’indication ne peut cependant pas étre tenue pour assurée ; seule cette partie de la lettre & Paula a été conservée, en téte de Ja version latine des homélies d’Origéne sur le Pentateuque, par quatre manuscrits des XI¢ et XIII° s. 5 ils dépendent d’un méme archétype dont le témoignage est réputé fragile, notamment pour ce qui conceme les chiffres. Eusébe de Césarée, dans 1a longue notice qu’il consacre & Origéne au tome VI de son Histoire ecclésiastique, s’exprime 4 propos du commentaire sur Isaie d’une fagon quelque peu équivoque : «Vers ce temps-l&, Origgne composa aussi Je commentaire sur Isaie, et en méme temps le commentaire sur Ezéchiel5°. Du 46. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 3; «Scripsit enim in hunc prophetam iuxta editiones quattuor usque ad visionem quadrupedum in deserto Origenes triginta volumina, ¢ quibus vicesimus sextus liber non invenitur» (CCL 73, 3, 85-88). 47. La vision des quadrupédes elle-méme (/s 30, 6. 7) n’était pas commentée dans le trentitme livre ; voir ci-dessous, p. 15. 48. Pamphile, prétre & Césarée de Palestine dans la seconde moitié du Il¢s., grand admirateur d’Origéne, est l’auteur avec Eustbe de Césarée, qui fut son éléve, d’une célébre. apologie d’Orig’ne. Aprés qu’il fut mort martyr au cours de la grande persécution (probablement sous Maximin Daia, en 309 ou 310), Eustbe lui a consacré une biographie, aujourd'hui perdue, dans laquelle il énumérait les nombreux ouvrages de sa riche bibliothéque. Celle-ci contenait la plupart des ceuvres d’Origéne. Jéréme a probablement retenu dans le catalogue de la bibliothtque de Pamphile sculement les ouvrages qu’il a eus lui-méme en main ; voir P, COURCELLE, Les lettres grecques en Occident de Macrobe a Cassiodore, Paris, 1943, p. 90-100. 49. JEROME, Epistulae, 33, 3, 2 (CSEL 54, 255, 17): «In Isaiam libros XXXVI». 50, D’aprés le contexte antécédent, la composition des deux commentaires se situe sous le régne de I’empereur Gordien III (238-244), A 1’€poque ot Origine s'est fixé A Césarée. Il est alors & I'apogée de son talent ; ce sont deux ceuvres de sa maturité. D’aprés la suite du texte cité 14 R. GRYSON - D. SZMATULA premier nous sont parvenus trente tomes couvrant le tiers d’Isaie, jusqu’a la vision des quadrupédes dans le désert5! ; du commentaire sur Ezéchiel, vingt- cing tomes, les seuls qu’il ait écrits sur l’ensemble du prophéte52», Eusébe connaissait les mémes trente livres que Jéréme, mais il ne précise pas, comme il le fait pour le commentaire sur Ezéchiel, qu’Origéne n’en avait pas composé davantage. Il dit seulement, en rigueur de termes, que trente tomes étaient «parvenus jusqu’a Jui». Immédiatement aprés les trente tomes d’Origéne sur Isaie, Jéréme mentionne dans le prologue de son propre commentaire deux livres sur la vision des quadrupédes, dédiés A une certaine Grata, qui étaient transmis également sous le nom du maitre d’Alexandrie, mais qui étaient, dit-il, «considérés comme apocryphes%3», Il est curieux que ces deux livres traitent précisément de la partie du texte faisant suite a celle sur laquelle s’achevait le trentitme tome. Ce pourrait étre, certes, une continuation apocryphe ; mais si, en réalité, les deux livres en question étaient authentiques, Jéréme ne les a-t-il pas rejetés comme apocryphes sans approfondir la question, sur la foi du témoignage d’Eusébe, qui ne connaissait pour sa part que trente tomes ? Les a-t-il] eus en main et rend-il compte exactement de leur contenu ? Il n’est guére croyable que deux livres entiers aient été consacrés aux deux seuls versets que comporte la vision des quadrupédes. Le témoignage d’Origéne ne permet pas de connaitre exactement l’étendue de son commentaire d’Isaie. Au livre VII du Contre Celse, il y renvoie d’une fagon générale, sans en préciser le contenu : «Il est sans doute des raisons bien au- dessus de mes capacités pour établir que Celse ment, et que les prophéties sont inspirées de Dieu. Je n’en ai pas moins tiché de le faire dans la mesure ot je le pouvais, en expliquant mot & mot les termes incohérents et totalement obscurs, comme Jes qualifie Celse, dans mes commentaires d’Isaie, d’Ezéchiel et de quelques-uns des Douze*4», Dans le livre I du méme ouvrage, qui est sa dernigre grande ceuvre, publiée a la veille de la persécution de Déce, il indique qu’il n’avait pas commenté ex professo la prophétie du serviteur souffrant (Is 53). Aprés avoir fait allusion a celle-ci, il écrit : «Mais développer chacun des points contenus dans la prophétie et n’en laisser aucun sans examen est pour une autre circonstance55», Cela ne se comprendrait pas s’il en avait traité auparavant dans un volumineux commentaire. ici, Origéne a encore travaillé aux tomes sur Ezéchiel lors de son second séjour & Athénes, en 245-246, 51. C’est-a-dire jusqu’a Is 30, 5. Cela représente en réalité un peu plus du tiers d’Isate, environ 40 %, 52, BUstRE DE CésarEe, Historia ecclesiastica, 6, 32, 1 (GCS 9/2, 586, 14-18). 53. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 3: «Feruntur et alii sub nomine eius de visione terpané8av duo ad Gratam libri, qui pseudographi putantur» (CCL 73, 3, 88-89). 54, ORIGENE, Contra Celsum, 7, 11 (GCS 3, 162, 22-27) ; trad. M. BORRET (SC 150, 39). 55. ORIGENE, Contra Celsum, 1, 55 (GCS 2, 106, 27-29) ; trad. M. Borrer (SC 132, 227). LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 15 Ajoutons encore que Didyme, au témoignage de Jéréme, avait écrit un commentaire en dix-huit livres débutant au chapitre 40 d’Isaie5, Cet ensemble d’indices donne & penser que le commentaire d’Origéne allait peut-étre au-dela du chapitre 30, soit jusqu’au chapitre 35, soit jusqu’au chapitre 39, qui marquent des divisions importantes dans le livre d’Isaie, Pourquoi donc se serait-il arrété avant la vision des quadrupédes dans le désert, qui ne correspond A aucune division de cette sorte? Si cette hypothése, malheureusement invérifiable, était exacte, le commentaire complet aurait comporté effectivement trente-six livres dans la bibliothtque de Pamphile, et les deux livres 4 Grata, expliquant la vision des quadrupédes et la suite, seraient authentiques. Didyme aurait pris le relais d’Origéne 1A of celui-ci s’était arrété. Quoi qu’il en soit, la tradition manuscrite du commentaire d’Origéne, & partir du Ve s., ne comporte plus que trente livres. Ce fut l’ouvrage de référence dans les milieux de tradition origénienne jusqu’au VIe s.57. Il est possible de délimiter dans la plupart des cas la portion du texte d’Isaie commentée dans chacun des trente livres, en combinant les indications fournies par trois sources : le commentaire d’Eusébe de Césarée, le manuscrit Rahlfs 393 de la Septante, les marges du Codex Marchalianus et de la version syrohexaplaire d’Isaie. Dans le commentaire d’Eusébe, juste avant la vision des quadrupédes (Js 30, 6. 7), on lit: «Il faut savoir que le trentitme tome des commentaires d’Origéne sur le prophéte allait jusqu’ici58». Des notes semblables se rencontrent plus haut & six reprises ; elles marquent l’endroit od se terminaient les tomes 11, 12, 15, 16, 17 et 19 du commentaire d’Origéne. Pas plus que l’Histoire ecclésiastique, la demiére note de cette sorte ne précise explicitement que le trentiéme tome était le dernier qu’ efit écrit Origéne, mais on n’en trouve plus aucune autre par la suite. Ces notes, qui se lisent dans le texte méme de l’unique copie conservée du commentaire d’Eusébe, figuraient probablement en marge a un stade antérieur de la transmission du texte. Ainsi s’explique qu’une partie seulement d’entre elles soient passées dans le texte, que trois ne soient pas exactement a leur place%9, et que Je manuscrit Rahlfs 393 de la Septante, qui emprunte ces indications au commentaire d’Eusébe, en fournisse deux autres, que notre copie n’a pas conservées, 7 56. Voir ci-dessous, p. 35-36. 57. L'influence du commentaire d’Origtne sur Isaie est cependant moindre qu'on ne pourrait le croire, méme parmi les admirateurs du maftre d’ Alexandrie. Elle est bien moins considérable que celle de son commentaire sur le Cantique des cantiques par exemple. Voir J.-N. GUINOT, L'héritage origénien des commentateurs grecs du prophete Isate, dans Origeniana quarta. Die Referate des 4. internationalen Origeneskongress (Innsbruck, 2.-6. September 1985), Innsbruck-Wien, 1987, p. 379-389. 58, Bustae De CESARE, Commentarii in Isaiam, 98 (GCS 51, 195, 20-21) : «loréov 8 oe néypt tobtov Npryéver npofasey 6 tpiaxootdc tv eic Tov npopitny éEnynTIxy Topoe. 59. Il s'agit des notes concernant les livres 16, 17 et 19. Il est peu probable qu’un tome s'achéve au beau milieu du commentaire d'une péricope, voire dun verset. Il en résulte également un déséquilibre flagrant dans la longueur respective des différents tomes, 16 R. GRYSON - D. SEMATULA Le manuscrit 393 de la Septante (Grottaferrata, olim C. 4, nunc A. 9. XV=E. b. VID est un palimpseste, dont l’écriture inférieure, du VIII s., livre de larges fragments des prophétes. En marge d’une partie d’Isaie - et 14 uniquement — figurent des scolies qui proviennent du commentaire d’Eusébe. Elles sont au nombre de seize ; la premiére porte sur Is 6, 2, la derniére sur Js 8, 6. Peut-&tre le scholiaste n’avait-il 4 sa disposition que cette partie-la du commentaire, qui correspond aux sections 41-49 dans l’unique copie conservée. C’est dans ces scolies qu’apparait 4 deux endroits la note «II faut savoir, etc.» pour signaler la fin des tomes 7 et 8 du commentaire d’Origéne, respectivement en Js 6, 5 et 7, 960, Les indications les plus complétes 4 ce propos se trouvent dans le Codex Marchalianus, un important manuscrit de la Septante qui contient le corpus des prophétes au complet (sigle Q dans 1’édition de Gottingen). Copié en Egypte au VIE s., il est conservé aujourd’hui a la Bibliothéque Vaticane (Vatic. gr. 2125) ; sa dénomination évoque un de ses anciens possesseurs, René Marchal, au XVI° s. Une main & peine postérieure a noté en marge de nombreuses variantes hexaplaires. Une autre campagne d’ annotation comporte diverses scolies qui font référence aux commentaires d’Origéne et d’Eusébe sur Isaie. Ainsi, & propos d’une addition provenant de la recension lucianique en Js 3, 24, l’annotateur reléve qu’elle ne se lit pas dans les Hexaples (plus exactement dans le nevtdoeiic), et qu’ Origéne n’en dit mot dans son commentaire®!. En revanche, a propos d’une addition hexaplaire sous astérisque en Js 23, 13, il indique qu’Origéne en fait mention dans son vingt-cinquiéme tome sur Isaie6?. Cet annotateur marque également le début des tomes du commentaire d’Origéne. On retrouve de semblables indications dans les marges de la version syrohexaplaire d’Isaie, quia été faite en milieu monophysite au début du vue s., et dont l’annotateur a puisé vraisemblablement 4 la méme source. Nous savons ainsi avec précision ot commengaient les tomes 6-16 et 21-30 du commentaire®3, D’autre part, le Codex Marchalianus, le ms, Rahlfs 88 et la syrohexaplaire, généralement en marge, parfois dans le texte méme, numérotent les «visions» successives qu’il est possible de distinguer & l’intérieur du livre d’Isaie. La méme numérotation se retrouve, mais moins réguliérement, dans les mss. Rahlfs 301, 449 et 770%. Elle provient sans doute, elle aussi, du commentaire d’Origéne, En effet, elle s'arréte & l’endroit od s’achéve le vingt-cinquigme tome du commentaire. Or, nous savons par un colophon adventice inséré dans Q entre les 60. Voir J. Cozza, Sacrorum bibliorum vetustissima fragmenta graeca et latina ex palimpsestis codicibus bibliothecae Cryptoferratensis, t. I, Rome, 1867, p. 298-302. 61. H. B. SWETE, The Old Testament in greek, vol. III, Cambridge, 1930, p. 107 : «Ot y’ oriyor of tnoxciievor otk éxcivro év tH nevraceni ob88 ’Qp. e€nyobuevoc toltwy Euviioin». 62. H, B. Swere, The Old Testament in greek, vol. II, Cambridge, 1930, p. 141: «Tottay tov hotepiopevav Np. d¢ vy o' uéuvntar év 7G xe Topp Tv eig Tov Hoatay. 63. Voir Septuaginta, Vetus Testamentum graecum auctoritate Academiae scientiarum Gouingensis editum, t. XIV : Isaias, éd. J. ZIEGLER, 3¢ éd,, Gdttingen, 1983, p. 46-49. 64. Voir l’éd. citée, p. 49. Les visions sont numérotées de 1 (/s 1, 1) 4 14 (/s 23, 1). LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 7 Douze prophétes et Isaie que le réviseur de l’archétype dont dépendent la plupart des notes marginales de Q disposait seulement des vingt-cinq premiers tomes @’Origtne®, De cette uvre monumentale que constituait le commentaire d’Origéne sur Isaie, nous n’avons, suite a la damnatio memoriae dont il fut l’objet au VI¢ s., pratiquement rien gardé. Trois extraits seulement s’en trouvent reproduits dans l’Apologie de Pamphile. Le premier illustre l’idée que le Christ, fils de Dieu, est unique, bien que d’autres participent par adoption A sa dignité propre ; il provient du tome premier, peut-étre du commentaire sur Js 1, 2. Les deux autres traitent de Ja résurrection ; ils proviennent du tome 26, plus précisément du commentaire sur /s 26, 196, Jéréme fait explicitement référence & un passage du commentaire d’Origéne, mais sans en donner le texte, dans son apologie contre Rufin, qui lui reprochait d’avoir fréquenté des maitres juifs ; pour sa défense, il rappelle qu’Origéne, Eusébe, Clément et bien d’autres auteurs chrétiens, lorsqu’ils expliquent I’Ecriture, font état de données puisées a des sources juives ; Origéne, en particulier, citait nommément son contemporain le patriarche Hiullus dans son trentitme tome sur Isaie, & propos d’/s 29, 167. Remarquons que le commentaire de Jéréme sur Isaie, au méme endroit, rapporte Vopinion d’un «hébreu trés savant» qu’il a probablement trouvée dans Origéne®. On reléve seulement deux références explicites A Origéne dans le commentaire de Jéréme. A propos d’/s 6, 9. 10, traitant des citations de 1’Ancien Testament dont le texte grec, dans le Nouveau, différe de I’hébreu, il renvoie le lecteur au huitigme tome d’Origéne, oi les versets en cause étaient expliqués, et cette difficulté rencontrée69. A propos d’/s 2, 22, il rapporte l’interprétation 65. Voir G. MERcAnT, Nuove note di letteratura biblica e cristiana antica (coll. Studi e testi, 95), Vatican, 1941, p. 7-13, Notons cependant que la syrohexaplaire numérote encore a vision des quadrupédes (26 = Is 30, 6). 66, PAMPHILE DE CESARE, Apologia pro Origene, 5 (PG 17, 588B) ; 7 (597A). 67, JéROME, Apologia contra Rufinum, 1,13 (CCL 79, 12, 21-31) : «Ipse Origenes et Eusebius et Clemens aliique conplures, quando de scripturis aliqua disputant et volunt approbare quod dicunt, sic solent scribere : ‘Referebat mihi Hebraeus’ et ‘Audivi ab Hebraco’ et ‘Hebraeorum ista sententia est’, Certe Origenes etiam patriarchen Hiullum, qui temporibus ius fuit, nominat, et tricesimum tomum in Esaiam, in cuius fine edisserit : ‘Vae tibi, civitas Ariel, quam expugnavit David’, illius expositione concludit, et cum aliter prius sensisse se icat, doctum ab illo id quod est verius confitetur», ~ En réalité, le verset cité était commenté au début, non A la fin du trentigme tome. 68, JéROME, Commentarii in Esaiam, 9 (CCL 73, 370, 60). On sait que les maftres hébreux dont Jéréme dit avoir recueill les enseignements étaient souvent en réalité ceux d’Origtne. Voir G. BARDY, Saint Jéréme et ses mattres hébreux, dans Revue bénédictine, 45, 1934, p. 145- 164, et en dernier lieu I. OPeLT, San Girolamo e i suoi maestri ebrei, dans Augustinianum, 28, 1988, p. 327-338, qui n’apporte pas grand-chose de neuf. 69. JEROME, Commentarii in Esaiam, 3 (CCL 73, 92, 49): «Quod si aliquis dixerit hebraeos libros postea a Tudacis esse falsatos, audiat Origenem quid in octavo volumine explanationum Esaiae huic respondeat quaestiunculae». - Ces versets étaient effectivement commentés dans le huitiéme tome. 18 R. GRYSON - D, SZMATULA d’Origéne, sans préciser, toutefois, si elle venait du commentaire?, On peut également reconnaitre a plusieurs reprises 1’ Alexandrin derritre les guidam dont Jéréme rapporte l’exégése pour la critiquer. Il n’est pas douteux qu’il le suive bien plus souvent sans le dire. La rareté des références explicites est inversement proportionnelle & l’immense influence exercée sur lui par un maitre qui continuait de le fasciner, méme s’il s’en défendait vis-a-vis de l’ opinion publique, depuis que sa mémoire était devenue suspecte lors de la querelle qui avait surgi a son propos a la fin du Ive s. Le commentaire de Jéréme sur Zacharie, confronté & celui de Didyme, révéle & quel point sa dépendance pouvait étre étroite a l’égard dune source privilégiée. A travers lui, nous percevons en beaucoup d’endroits V’écho du commentaire perdu d’Origéne sur Isaie7!, Pour fixer les idées, voici comment on peut reconstituer, en combinant et en recoupant nos diverses sources d’ information a ce sujet, la division en livres du commentaire d’Origéne. Nous indiquons pour chaque livre le verset d’Isaie sur lequel il débute, ainsi que la ou les sources qui fournissent ou qui confirment l'information. 1 1,1 (cf. PAMPHILE, Apologia pro Origene, 5) 2 ? 3 ? 4 ? 5 ? 6 41 Qns 7 5,20 Que Syhme 8 6,6 Qing 393 (cf. JéRomE, Commentarii in Esaiam, 3, ad Is 6,9. 10) 9 7,10 393 10 8,1 Qs Syhms MW 98 Qe Syhme 12 10,12 Qme Eus. 13 10,24 Qme Eus. 14 11,10 Qs Syhme 15 13,1 Qme Syhmg 16 13,17 Qe Syhms Eus. 17 14,4b(?) Bus. 18 14,20(?) Bus. 19 ? 20 16,8b(?) Bus. 21 19,1 Qms Syhms 70, JEROME, Commentarii in Esaiam, 1 (CCL 73, 40, 46). 71, Voir l'article de M. Simonetti cité ci-dessus, p. 7, n. 24, LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 19 22 19,18 Que (Syh™s 21,1) 23 21,1 Que (Syhme 21,13) 24 22,1 Qme Syhme 25 23,1 Q™s Syhms (cf. Qms ad Is 23, 13) 26 24,1 Qs Syhms 27 26,1 Qms Syhts 28 26,16 Que Syhme (cf. PaMpriLe, Apologia pro Origene, 7) 29 27,11b Qme i 29,1 Qms Syh™s (cf. Jérome, Apologia contra Rufinum, 1, Fin? 30,5 Eus. (cf. Jérome, Commentarii in Esaiam, prol.) 2, 1,1, 2. La soi-disant lettre 18B de Jéréme Ainsi que nous l’avons dit plus haut, nous pensons que la soi-disant lettre 18B de Jéréme nous livre l’essentiel du commentaire d’Origéne sur Js 6, 6-8. Ce texte singulier, qui fait double emploi parmi les écrits de Jéréme tant avec le De seraphim qu’avec l’In Esaiam, s’achéve aussi brusquement qu’il a commencé, sans introduction ni conclusion d’aucune sorte. On peut supposer que le jeune Jéréme, alors qu’il découvrait Origéne auprés de Grégoire de Nazianze et que, débutant dans la carriére d’exégéte, il voulait s’essayer 4 commenter la vision d’Isaie «pour faire l’épreuve de son humble talent», a résumé pour son compte le passage correspondant du commentaire de ]’ Alexandrin, comme nous le faisons tous en prenant des notes et en constituant une documentation, lorsque nous préparons un travail. C’est dans le méme esprit, nous le verrons, qu’il a traduit alors certaines des homélies d’Origéne sur Isaie, afin de bien assimiler Vinterprétation que le maitre avait donnée de Ja vision inaugurale du prophéte72. Quelques feuillets de ce résumé ont été retrouvés sans doute dans ses papiers aprés sa mort, et on les a joints aux minutes de ses lettres, a l’instar d’autres petits textes au statut littéraire mal défini, en particulier des opuscules sur des questions d’exégése rédigés au temps de sa jeunesse. Le texte en question correspond tout 4 fait 4 la description que Jér6me donne de l’ouvrage d’Origéne. Il s’agit bien d’un commentaire «sur les quatre Editions» (iuxta editiones quattuor )7, Chaque section est précédée d’un quadruple lemme, rendant compte successivement de la version des Septante, d’Aquila, de Théodotion et de Symmaque74. Nous ne connaissons aucun autre commentaire 72. Voir ci-dessous, p, 23-30. 73. Voir le texte cité ci-dessus, p. 12, n. 46. 74, D’apres tout ce que nous savons de la disposition des Hexaples, les quatre colonnes grecques se succédaient de gauche A droite dans l’ordre Aquila, Symmaque, Septante, Théodotion, Il est normal qu’au lemme du commentaire, la Septante viene en premier lieu. autre part, dans les versets en cause, Aquila et Théodotion ont plusieurs fois le méme texte, 20 R. GRYSON - D, SZMATULA ancien qui se présente de cette maniére. L’auteur parait assimiler les deux séraphins respectivement au Verbe et 4 l’Esprit-Saint, ce qui était proprement l'interprétation d’Origéne?5, Une remarque concernant le texte latin d’une citation scripturaire est visiblement une addition tendant a pallier ce que le développement qui précéde a d’inadéquat par rapport a la Bible latine : «Vnde propheta purgatus a vitiis ausus est dicere : Ecce ego sum, — licet in latinis codicibus propter interpretum varietatem ‘sum’ non sit adpositum»”6 ; tout le contexte antécédent requiert que sum soit explicité. Dans le méme ordre d’idées, on ne voit pas bien en latin comment la citation de Cantique, 2, 10-1177, peut éclairer le sens d’/saie, 6, 8b. C’est plus clair en grec, oti le verbe en cause est exactement le méme dans les deux cas (nopeveodat), La pertinence du commentaire qui suit est également plus apparente si on le retraduit en grec ; iter était-il pergu par beaucoup de lecteurs en latin comme un dérivé de ire ? En revanche, le rapport entre népevoic ou ndépeupa et le verbe nopeveobai ne pouvait échapper A personne. Plus généralement, certaines lourdeurs ou gaucheries de style sentent le latin de traduction, méme si la chose n’est pas aussi évidente que dans les homélies d’Origéne sur Isaie, en raison de la relative liberté d’un abréviateur par rapport 4 son texte. Tl convient d’accorder une attention particuligre 4 un passage dans lequel l’auteur blame, tout en y mettant les formes, ceux qui s’adressent 4 Dieu dans leurs priéres et en particulier dans la célébration eucharistique en disant : «Toi qui siéges sur les chérubins et les séraphins78», La méme critique apparait dans le commentaire de Jéréme sur Isaie A propos d’/s 6, 2. Elle y est formulée plus briévement et de maniére péremptoire”9, Cette constatation ne prouve en aucune alors que Symmaque traduit différemment. Il était naturel de rapprocher les deux premiers plutét que d'avoir & répéter le méme texte. 75. JEROME, Epistulae, 18B, 1, 2 (CSEL 54, 97, 9) : «Quod autem ceteri interpretes pro missum esse volasse dixerunt, intellege velocem divini sermonis adventum super eos qui digni societate illius iudicantur.., nec putandum sexum esse in virtutibus dei, cum etiam ipse spiritus sanctus secundum proprietates linguae hebracae feminino genere proferatur ruach, etc.» Cf. ORIGENE, In Isaiam homiliae, 1,2 (GCS 33, 244, 27-28) : «Quae sunt ista duo seraphim ? dominus meus Iesus et spiritus sanctus». - Jéréme, pour sa part, a rejeté d’emblée cette interprétation ; voir les textes cités ci-dessus, p. 8, n. 29. 76. JEROME, Epistulae, 18B, 5, 2 (CSEL 54, 102, 15). 77. Ibid., 4,3 (p. 101, 20). 78, JEROME, Epistulae, 18B, 1, 4 (CSEL 54, 98, 7-14) : «llloram quoque, pius licet, attamen coarguendus error, qui in orationibus et oblationibus suis audent dicere : ‘Qui sedes super cherubim et seraphim’ ; nam et super cherubim scriptum est sedere deum, ut ibi : ‘Qui sedes super cherubim ostendere’ (cf. Ps 79, 2), super scraphim vero sedere deum nulla scriptura commemorat, et ne ipsa quidem seraphim circa deum stantia excepto praesenti loco in scripturis omnibus invenimus». 79. JEROME, Commentarii in Esaiam, 3 (CCL 73, 85, 16-23) : «In septuagesimo nono psalmo legimus : ‘Qui sedes super cherubim manifestare’, qui in nostra lingua interpretantur scientiae multitudo, unde et dominus in aurigae modum super cherubim aperte sedere ostenditur. Seraphim autem praeter hunc locum in scripturis canonicis alibi legisse me nescio, LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 21 fagon que Jéréme soit l’auteur du commentaire selon les quatre éditions. S’il s’agissait d’un résumé du commentaire d’Origéne, comme nous en faisons Vhypothése, Jér6me aurait pu s’inspirer de celui-ci dans son propre commentaire sans connaitre personnellement I’usage en question. Comment découvrir les milieux ot la formule incriminée était en usage ? La tache est facilitée par le fait qu’elle est d’origine biblique. A neuf reprises dans l’Ancien Testament, Dieu est dit «siéger sur les chérubins®» ; dans cinq cas sur neufs!, il est interpellé de cette maniére la deuxiéme personne comme dans les prigres en cause. L’addition dénoncée dans notre passage ne se rencontre pas dans les manuscrits bibliques. Nous ne l’avons pas trouvée non plus dans la tradition indirecte grecque, mais il est impossible aujourd’hui d’étudier les citations patristiques de maniére exhaustive au-dela du Iv¢ siécle, faute de répertoire suffisamment avancé ; les références fournies par la Biblia patristica et par les index de la Bigto8rym “EdAtvov Matépwv n’ont rien apporté d’intéressant. En revanche, la moisson s’est révélée plus fructueuse du cété latin, sans livrer cependant d’indication claire. En effet, les témoins latins renvoient chaque fois plus ou moins directement 4 des sources grecques perdues ou impossibles & repérer, de sorte qu’on n’est guére plus avancé : les Latins ont-ils ajouté eux- mémes la mention des séraphins, ou l’ont-ils trouvée déja dans les sources grecques dont ils se sont inspirés ? Le plus ancien document oi cette addition apparaisse est 1a relation du procés d’Acace, un confesseur qui eut & répondre de sa foi durant la persécution de Déce. L’original grec est perdu ; on en trouve seulement des résumés dans quelques ménologes et synaxaires byzantins ; le plus sobre, qui se lit dans un synaxaire du XV¢ s., apparait aussi le plus fidéle a l’original. Fort heureusement, une version latine du Ive s, a conservé le détail du dialogue entre le confesseur et son juge®2. Le document n’est pas au-dessus de tout soupgon, mais l’ensemble n’a certainement pas été inventé de toutes piéces®3, Aprés l’avoir interrogé sur ses sentiments 4 ]’égard de l’empereur, le gouverneur s’enquiert auprés d’Acace du nom de son Dieu. Le confesseur lui sert d’abord la réponse du Seigneur A Moise : «Le Dieu d’Abraham et le Dieu d’Tsaac et le Dieu de Jacob®4». Son interlocuteur ayant compris qu’il s’agissait la de trois dieux, Acace le détrompe qui stare dicuntur super templum vel in circuitu domini, Ergo errant qui solent in precibus dicere : ‘Qui sedes super cherubim et seraphim’, quod soriptura non docuit». 80. 1 Rg 4,4; 2 Rg 6,2; 22,11; 4 Rg 19, 15; 1 Par 13, 6; Ps 79, 2; 98, 1; Js 37, 16 ; Dn 3, 55. L’ expression se retrouve en ces neuf endroits tant dans la Bible hébraique que dans la Septante et la Bible latine. 81. A savoir 4 Rg 19, 15; Ps 79, 2; 98, 1; Js 37, 16 ; Dn 3, 55. 82. La version latine et les deux principaux abrégés grecs ont été édités en demier lieu par J. Wear, De actis S. Acacii, Bornensis-Lipsiae, 1913, 83, Voir H. DELEHAYE, Les passions des martyrs et les genres littéraires, 2° éd,, Bruxelles, 1966, p. 246-258. Une meilleure connaissance des circonstances de Ia persécution de Déce ménerait sans doute aujourd’hui a juger plus favorablement du document que ne I’a fait, il y a soixante-dix ans, le savant bollandiste. 84. Cf. Ex 3, 6, ete. 22 R. GRYSON - D, SZMATULA en soulignant que le Dieu véritable est unique. Et comme le juge lui demande a nouveau qui il est, il répond : «Altissimus Adonai sedens super cherubin et seraphin». Le juge interroge alors : «Quid est seraphin ?» Acace explique : «Altissimi dei minister et excelsae sedis antistes®5», Nous n’avons pas directement affaire ici A une formule de priére. Néanmoins, pour s’exprimer ainsi devant son juge, le confesseur devait étre accoutumé a parler de Dieu en ces termes et peut-étre & l’invoquer de cette maniére. Nous en trouverons une confirmation par la suite. Dans certains recueils des ceuvres de saint Cyprien figurent deux prigres pour 6tre délivré du péché, de l’influence du démon, de Ja maladie, du péril de la mort, bref, pour conserver ou recouvrer la santé de I’ame et du corps. A deux reprises, dans la seconde de ces priéres, nous retrouvons la formule incriminée ; «Deus verax, qui sedes super cherubim et seraphim, qui prospicis abyssos... qui sedes super cherubim et seraphim sedes honoris tui86». Ces prigres ne sont certainement pas l’ceuvre de Cyprien de Carthage. La question de leur origine est loin d’étre éclaircie ; les demiéres études 4 ce sujet remontent aux environs de 1900. K. Michel y voyait un texte 4 usage apotropaique inspiré de l’iconographie funéraire ; elles reflétent selon lui une situation propre au Ile s. : résurgence d'une mentalité «pneumatique» et renforcement de l’ organisation ecclésiale plus sensible en Occident qu’en Orient87, Cet auteur ne semble pas connaitre une étude de Hamack publiée quelques années auparavant. Partant du fait que la Cena Cypriani et la deuxiéme oraison sont associées dans Ja tradition manuscrite, celui-ci s’est appliqué 4 démontrer que ces textes avaient le méme auteur, a savoir Te poéte Cyprien, un gallo-romain du Vé s.88. Cette construction a été fortement ébranlée par la découverte ultérieure de versions arabes et éthiopiennes des oraisons pseudo-cyprianiques, dont il est difficile d’imaginer qu’elles aient été faites d’aprés un original latin, I] faut admettre au moins que le rédacteur latin des oraisons pseudo-cyprianiques s’est largement inspiré de modéles grecs. De nombreuses priéres de méme facture, en partie inédites, sont transmises sous les noms de Grégoire le Thaumaturge, Athanase d’Alexandrie, Ephrem le Syrien, Bsile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Jean Chrysostome%. Dans plusieurs d’entre elles, Dieu est interpellé comme «celui qui sitge sur les chérubins» 85. Ed. Weber, p. 47. L’éditeur revient plusieurs reprises dans son introduction sur cette partie du dialogue ; voir p. 9, 12, 24-25, 35-37, 42. Son authenticité substantielle est garantie par le fait que I’écho s’en trouve dans le meilleur des sommaires grecs, 86. Ed. G, Hartel, CSEL 3, 3, p. 146 et 150, Dans le premier cas, une partie des manuscrits omet et seraphim, ce qui nous parait étre une correction’d’ aprés le texte regu de Dn 3, 55 ; dans Ie second, la tradition manuscrite est ferme. 87. K. MicHEL, Gebet und Bild in frithchristlichen Zeit. Studien itber christlichen Dentaéiler, t. 1, Leipzig, 1902, p. 53-63. 88, A. HARNACK, Drei wenig beachtete cyprianische Schriften und die Acta Pauli (TU 19, 3), Leipzig, 1899. 89. Voir A. GROHMANN, Studien zu den Cyprianus-Gebeten, dans Wiener Zelischrift flr die Kunde des Morgenlandes, 30, 1917, p. 121-150. 90. Voir CPG, n° 1779-1780, 2931-2932, 3086, 3088, 4730. ~ Cf. Th. SCHERMANN, Die griechischen Kyprianosgebete, dans Oriens christianus, 3, 1903, p. 303-323. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 23 ou «sur le tréne des chérubins». On n'y trouve pas les séraphins associés aux chérubins comme supports du tréne divin. Mais nous n’avons conservé qu’une petite partie de cette ancienne littérature euchologique ; il est possible que le pseudo-Cyprien ait lu dans ses modéles grecs la formule qu’il a lui-méme adoptée. Dans certaines de ces prigres, Dieu est interpellé également comme «Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob®!», ainsi que sous le nom d'Adonai®. Ces rapprochements renforcent notre impression que le confesseur Acace avait peut- étre en téte une priére de cette sorte lorsqu’il répondait 4 son juge, d’autant plus que, d’aprés le plus fidéle des sommaires grecs, Acace aurait dit que Dieu était «invoqué dans les chérubins et les séraphins®3». Dans la deuxi&me oraison pseudo-cyprianique, comme dans plusieurs pritres grecques du méme type™, l’interpellation «toi qui siéges sur les chérubins (et les séraphins)» provient manifestement du cantique des trois jeunes gens au livre de Daniel, En effet, elle est immédiatement suivie de la phrase «toi qui sondes les abimes», comme en Dn 3, 55. Dans quelques psautiers milanais, le cantique de Daniel présente l’addition incriminée, «qui sedes super cherubim et seraphim». Il s’agit des psautiers VL 400, 401, 402, représentants d’une des trois recensions de la série milanaise des cantiques. La série en tant que telle n’est pas trés ancienne ; la constitution n’en est sans doute pas antérieure au milieu du VIF 5.95. Mais le texte vieux latin est certainement plus ancien, et l’addition en cause se rencontre dans Ia liturgie milanaise depuis la plus haute antiquité. L’antiphonaire ambrosien a conservé, en effet, un transitorium °% dans laquelle on la retrouve : «Te laudamus, domine omnipotens, qui sedes super cherubim et seraphim, quem. benedicunt angeli, archangeli, et laudant prophetae et apostoli». Dom Cagin, qui a minutieusement étudié cette piéce, y reconnait «tous les caractéres de larchaisme le plus prononcé». Il fait l’hypothése que le texte aussi bien que la mélodie sont d’origine grecque, mais, ne réussissant pas A en découvrir la source, il conclut par un non liquet®’, Ce transitorium milanais est le seul texte, 4 notre connaissance, oii la formule qui nous intéresse apparaisse dans la liturgie eucharistique. Cependant, les fidéles ont da l’entendre dans d’autres églises & travers tout le monde chrétien depuis le Ill¢ siécle. De tous les cantiques de V’Ancien Testament, le cantique des trois jeunes gens est celui qui a eu le plus de succés dans l’antiquité chrétienne et qui a été utilisé le plus t6t et le plus largement 91. C’est le cas dans les deux oraisons pseudo-cyprianiques et, en grec, dans une des prires attribuées a Grégoire le Thaumaturge ; voir A. STRITTMATTER, Ein griechisches Exorzismusbiichlein, dans Orientalia christiana, 26, 1932, p. 142. 92. Dans une pritre attribuée a Basile de Césarée (PG 31, 1680B). 93. Ed. Weber, p. 55. 94, Par exemple une pritre attribuée A Athanase d’ Alexandrie ; voir A. DELATTE, Anecdota Atheniensia, t. I, Litge-Paris, 1927, p. 232. 95. Voir H. SCHNEIDER, Die altlateinischen biblischen Cantica, Beuron, 1938, p. 99-102. 96. Le transitorium est 1’équivalent de l’antienne de communion dans la liturgie romaine. 97. Voir Paléographie musicale, t, V, Solesmes, 1896 (réimpr. Berne-Francfort, 1972), p. 17-22, 24 R. GRYSON - D. SZMATULA dans la liturgie%, I] était inévitable que la mention des chérubins y ait appelé celle des séraphins, tout comme on trouve souvent, a l’inverse, les chérubins associés aux séraphins, voire substitués 4 eux dans le contexte du chapitre 6 d’Isaie%. Pour documenter cette affirmation, une édition exhaustive du cantique de Daniel dans la tradition liturgique serait nécessaire ; elle sort é€videmment du cadre de la présente étude, Nous avons établi, en tout cas, que la formule attaquée dans le commentaire selon les quatre éditions se rencontrait en milieu grec comme en milieu latin dés le Me siécle, de sorte qu’elle ne fournit en fin de compte aucune indication précise sur la provenance du texte qui la condamne, et qu’elle n’exclut pas qu’Origéne soit l’auteur de ce texte. 2.1.1.3. Les homélies Aprés les trente tomes dont nous venons de parler et les deux livres 4 Grata, réputés apocryphes, dont nous avons dit un mot a cette occasion! et dont on n’a conservé aucune trace, Jéréme, dans le prologue de son commentaire, attribue & Origéne vingt-cing homélies sur Isaie!®!. Ici encore, on note une discordance entre le chiffre du prologue et celui de la lettre 4 Paula, qui compte trente-deux homélies sur ce prophéte!02 ; plutét que d’accuser l’incurie du scribe, nous préférons penser que Pamphile avait encore dans sa bibliothéque un plus grand nombre d’homélies que n’en connaissait Jéréme. De ces homélies, aucune ne nous est parvenue dans le texte original grec, et seulement neuf en traduction latine. Cette traduction se trouve, habituellement jointe a celle des homélies d’Origéne sur Jérémie et sur Ezéchiel, dans quelque septante manuscrits, dont aucun n’est trés ancien!03, Les plus anciens sont trois manuscrits carolingiens (Laon, B. M., 299 ; Salzburg, Sankt Peter, a. VIII. 16; Kassel, Landesbibl., Theol. Fol. 24. 49), qui ne comptent en réalité que pour un, car les deux derniers sont vraisemblablement des copies du premier ; les autres s’échelonnent entre le XI¢ et le XV° s, Ils se répartissent en deux classes, remontant 4 un méme archétype précarolingien oi le texte était déja en mauvais état, Les manuscrits les plus tardifs ne doivent pas étre négligés, car certains d’entre eux ont parfois conservé seuls la bonne legon. Le dernier éditeur en a retenu deux, du XV¢ s., dans son échantillonnage, qui en comporte six au total!4, 98. Voir H. SCHNEIDER, Die biblischen Oden im christlichen Altertum, dans Biblica, 30, 1949, p, 28-65 ; Die biblischen Oden in Jerusalem und Konstantinopel, ibid., p. 433-441. 99. Voir Vetus Latina, t. XU, p. 189. 100. Voir ci-dessus, p. 12-14. 101. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 4: «.,.et vigintiquinque homiliae » (CCL 73,3,89- 90). - C’est bien le chiffre XXV qu’il faut lire. Une partie des manuscrits écrit XXVI, une autre XX, mais il s'agit de deux branches secondaires de la tradition textuelle, dont le témoignage ne saurait prévaloir sur l'accord des autres. 102. JEROME, Bpistulae, 33, 4, 6 (CSEL 54, 257, 14). 103. Voir B. Lampert, Bibliotheca hieronymiana manuscripta, t. Il, p. 93-98. 104. Les homélies d’Origdne sur les prophtes se lisent dans Origenes Werke, t. VII: Homilien zu Samuel I, zum Hohelied und zu den Propheten..., herausgegeben von W. A. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 25 L’objet des neuf homélies sur Isaie ayant été souvent indiqué de manitre inexacte ou imprécise, il n’est pas inutile de rappeler ici quelles parties du texte biblique s’y trouvent expliquées. I 61-7 0 7,10-15 ml 41 Iv 6,1-7 v 6,1-7 ; 41,2105 VI 6,8-10 VII 8,18-20 Vil 10,10-14 x 6,8-9, Alors que les homélies sur Ezéchiel se suivent dans l’ordre du texte biblique, les homélies sur Isaie, tout comme les homélies sur Jérémie, se présentent dans le désordre. Le prologue a la traduction des homélies sur Ezéchiel nous apprend que c’était déja le cas pour les homélies sur Jérémie dans 1’édition originale de la version latine!96, Cing des neuf homélies sur Isaie portent sur la vision du chapitre 6 ; une pareille concentration ne se rencontre pas dans les homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel ; elle appelle une explication. Il y a méme des doublets : trois homélies traitent de la premiére partie de la vision (apparition du Seigneur en gloire, purification du voyant), deux autres de la seconde partie (vocation et envoi en mission). Le traducteur a puisé vraisemblablement a plusieurs sources grecques, C’est ce que suggére l’examen des titres. I Visio prima. Et factum est in anno quo mortuus est Ozias rex, vidi dominum sedentem super solium excelsum I Ecce virgo in utero accipiet Im De septem mulieribus BAEHRENS (GCS 33), Leipzig, 1925. Sur histoire du texte, yoir l’introduction, p. XXVI- XXXV ; pour plus de détails, W. A. BAEHRENS, Ueberlieferung und Textgeschichte der lateinisch erhaltenen Origeneshomilien zum Alten Testament (TU 42, 1), Leipzig, 1916, p. 207-231. 105. L'homélie indique clairement que la lecture liturgique s’achevait sur ce verset du chapitre 41, que le prédicateur explique briévement au début de son propos («...a capitulo in quo nunc lectio conquievit»). Il revient ensuite au début de la lecture, qui exige, dit-il, une explication plus approfondie («quia autem principium lectionis altiori indiget expositione...») ; il n'est plus question ensuite que du chapitre 6. On sait que la lecture liturgique & Césarée au temps d’Origéne était nettement plus longue qu’aujourd'hui ; il n’était pas rare qu'elle comportat trois ou quatre chapitres de I’Ancien Testament selon la division actuelle. Mais il est invraisemblable qu'on ait lu d’affilée plus de la moitié du livre d’Isaie, La seule explication que nous Voyons est que le verset en cause servait de refrain dans le chant du psaume faisant écho & la lecture. L’hypothése d’une lecture composite est exclue A une époque oi les lectures étaient prises directement dans la Bible. 106. JEROME, Origenis in Ezechielem homiliae, prol. (GCS 33, 318, 7-8): «,..quattuordecim homilias in Hieremiam, quas iam pridem confuso ordine interpretatus sum», 26 R. GRYSON - D. SEMATULA Iv A Rursum in visione aliter ¢ De visione dei et (+ de p) seraphin (+ et cetera p) 1b Visio de duobus seraphin aliter Vv De eo quod scriptum est : «Quis elevavit ab oriente iustitiam ?» et de visione iterum aliter VI De eo quod scriptum est : «Quem mitto et quis vadit ?» usque ad eum locum in quo ait : «Et convertantur et sanabo cos» VII De eo quod scriptum est : «Ecce ego et pueri mei quos mihi dedit Deus», et cetera Vil De eo quod scriptum est : «Vlulate sculptilia in Hierusalem et in Samaria», usque ad eum locum in quo ait : «Et commovebo civitates quae inhabitantur» Xx De eo quod scriptum est : «Et audivi vocem domini dicentis : Quem mittam et quis ibit ad populum istum ?», et transgrediens modica pervenit usque ad locum in quo scriptum est : «Pete tibi signum a domino deo tuo in profundum aut in excelsum» Les titres des homélies I-IV se présentent d’une maniére chaque fois différente. La premiére s’ouvre sur les mots visio prima, suivis du premier Jemme (Is 6, 1). L’indication visio prima rappelle la division du livre d’Isaie en pdce1¢ qu’on rencontre dans quelques manuscrits de la Septante, et qui provient du commentaire d’Origéne sur Isaie107. Mais elle est erronée ; au chapitre 6 débute la troisiéme vision, non la premi&re!08, Le texte original portait sans doute visio II. Comme cette homélie venait en premier lieu dans la compilation dont dépendent tous les manuscrits conservés de la version latine, un copiste ignorant I’origine de cette mention a dii corriger le chiffre III en I. La deuxigme homélie a pour titre les mots les plus importants du texte biblique commenté. La troisigme porte un titre de facture ordinaire, indiquant l’objet du texte commenté, La quatritme a perdu son titre originel, comme le révéle la divergence entre les manuscrits ; le texte débute ex abrupto ; il semble que le début manque, un ou plusieurs feuillets de l’archétype précarolingien ayant disparu. En revanche, les titres des homélies V-IX sont rédigés sur un modéle uniforme ; ils commencent tous par la formule de eo quod scriptum est, suivis des premiers mots du texte commenté. Ce modéle de titre se retrouve dans la série des homélies sur Jérémie et des homélies sur Luc ; P. Nautin pense qu’il remonte aux tachygraphes qui ont noté les homélies quand Origéne les pronongait, et qu’il a été conservé fidélement dans les copies successives faites & Césarée au IV¢ s., d’abord dans des volumes séparés, puis dans des recueils!®, Le traducteur latin a di puiser les homélies V-IX 4 une méme source, sans doute un recueil déja constitué provenant de Césarée. Mais il en a également trouvé 107. Voir ci-dessus, p. 15-16. 108. Voir le tableau de la division en dpdocig dans ZIEGLER, 63), p. 49. 109. Voir Origene, Homélies sur Jérémie. Traduction par P. HuSSON et P. NAUTIN ; édition, introduction et notes par P, NAUTIN, tI (SC 232), Paris, 1976, p. 49-58, citée (ci-dessus, p. 16, n. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 27 d’intéressantes dans d’autres sources et il n’a pas hésité a les traduire et a les joindre & celles du recueil, car elles complétaient sa documentation, en particulier sur la vision inaugurale. Deux questions de critique littéraire se posent 4 propos de la version latine des homélies d’Origéne sur Isaie telle que nous l’avons conservée : l’authenticité origénienne de Ja neuvigme homélie et l’identité du traducteur latin. La neuviéme homélie ne se distingue en rien des autres dans la tradition manuscrite, mis a part le fait que pour une raison accidentelle, une partie du texte a disparu1J0. Son authenticité a été mise en question par Baehrens, pour le motif qu’il y aurait contradiction entre la sixiéme et la neuvigme homélie ; dans la sixitme, Origtne oppose la réserve de Moise a l’empressement d’Isaie face & V’appel divin ; dans la neuviéme, l’auteur semble vouloir dire, au contraire, que c’est l’exemple de Moise qui a encouragé le prophéte 4 ne pas se dérober ; en outre, il donne comme venant de 1’Exode un texte de l’évangile de Matthieu, — une erreur difficile 4 imaginer sous la plume du maitre d’Alexandrie!!!, V, Peri, dans une étude trés fouillée, a mis en relief la faiblesse de cette argumentation. Il y a tant de points de contact, pour le fond comme pour la forme, entre la neuviéme homélie et les autres, qu’il faudrait un faussaire extraordinairement habile pour produire une imitation aussi parfaite ; un expert subtil a ce point ne pouvait se méprendre aussi grossigrement dans un renvoi 4 l’Ecriture ; on ne voit pas, du reste, quel aurait été le mobile de son entreprise. L’explication des incohérences et des erreurs observées par Baehrens doit étre cherchée selon Peri dans le mauvais état du texte, qui est un fait incontestable ; il est probablement corrompu ou lacuneux aux endroits litigieux!!2, A notre avis, la correction que Peri propose pour le second passage qui fait difficulté, A savoir l’annonce de citation erronée, est plausible : «Propter hoc sermo Moysi subtilis erat, ut in Exodo scriptum est de eo, quod ait : "3 ; quicumque fuerint propter tenuitatem eiusmodi mundo corde, isti deum videbunt!!4», 1] existe toutefois une fagon plus simple de lever la difficulté : il 110. Il est clair que Ja fin manque, La demitre ligne du texte conservé annonce |’explication d’un verset du psaume 8, qui vient d’étre cité. Tous les manuscrits de Ja version latine enchainent directement la fin de la sixitme homélie sur Jérémie, qui n'a rien A voir avec ce qui préctde ; un seul des copistes s’est apergu de l’incongruité qui en résulte et a intercalé une phrase tenant lieu de l’explication annoncée. Ceci donne a penser qu’un ancétre de nos manuscrits a pris la série des homélies sur Isafe dans un modéle qui contenait également les homélies sur Jérémie, et dans lequel plusieurs cahiers avaient disparu A cet endroit. Il est probable que la plus grande partie de la neuviéme homeélie est perdue, car la longueur moyenne des homélies précédentes est d’a peu prés six pages dans I’édition de Bachrens, alors que la neuvigme occupe moins de deux pages. En outre, le titre indique que le prédicateur, en sautant quelques phrases (transgrediens modica), arrivait jusqu’a Is 7, 11. 111. Voir W. A. BAEHRENS, Die neunte fragmentare Jesaiahomilie des Origenes eine Félschung, dans Theologische Literaturzeitung, 49, 1924, p. 263-264, 112. Voir V. Pert, Jntorno alla tradizione manoscritta delle omelie origeniane su Isaia nella traduzione latina di S, Girolamo, dans Aevum, 31, 1957, p. 205-229. 113. Cf. Ex 4, 10. 114. Cf. Mr 5, 8.-GCS 33, 289, 14-16. 28 R. GRYSON - D, SZMATULA suffit d’exclure les mots quod ait, qui pourraient étre une addition maladroite. Quant & la conjecture par laquelle Peri cherche a assainir la phrase rapprochant Vattitude d’Isaie de celle de Moise, elle n’est guére convaincante, en dépit de application qu’il met a la justifier paléographiquement. Cette phrase se lit comme suit dans les manuscrits : «Sed ut paratior esset ad hoc, meminerat vocis Moysi ; nam et ille eadem utens voce ‘mitte me’ princeps populi iudexque factus et famulus Dei nuncupatus est!!5», Méme en lisant non autem au lieu de nam et, comme le voudrait Peri, on a peine & comprendre le sens de cette remarque. Ici aussi, en rejetant la phrase en cause comme une glose inopportune, on léve la difficulté, et le contexte se tient parfaitement, en dépit de sa concision et de son caractére trés ramassé. Une telle correction est-elle plus arbitraire que celle proposée par Peri ? Ne peut-on imaginer que le traducteur, aprés avoir déja mis en latin plusieurs homélies traitant de la vocation d’Isaie, ait abrégé certains passages qui lui apparaissaient comme des redites et qui n’apportaient plus rien de neuf ? D’oit les compléments que certains annotateurs mal inspirés se seraient crus obligés d’apporter au texte, pour réparer ce qui leur apparaissait comme des courts-circuits. Pour étayer cette hypothése, il importe de savoir qui est le traducteur latin et dans quel esprit il a travaillé, L’édition de Baehrens n’indique pas quel était l’intitulé de la collection des neuf homélies sur Isaie dans les manuscrits ; nous ignorons donc si ceux-ci font mention du traducteur. Le fait qu’elles soient habituellement transmises avec les homélies d’Origéne sur Jérémie et sur Ezéchiel traduites par Jéréme, invite & penser qu’elles sont sorties de la méme plume!!6, Cependant, Jéréme, qui fait référence a une précédente traduction des homélies sur Jérémie dans sa préface aux homélies sur Ezéchiel, ne souffle mot 4 cet endroit des homélies sur Isaie!}7. Iin’en fait pas mention dans le catalogue de ses ccuvres qu’il dresse a la fin du De viris illustribus, alors qu'il y fait figurer la traduction des homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel!!8. Tl n’en parle pas davantage dans le prologue de son commentaire sur Isaie, od, signalant l’existence de vingt-cinq homélies d’Origéne sur ce prophéte, il aurait été normal de rappeler qu’il en avait traduit quelques-unes!!9, En dépit de ces silences, l’attribution de la version latine des homélies sur Isaie 4 Jéréme ne fait aucun doute. L’argument décisif est que Rufin, dans son apologie contre Jéréme, indique expressément que celui-ci avait traduit des homélies d’Origéne portant non seulement sur Jérémie et sur Ezéchiel, mais aussi sur Isaie ; il cite textuellement un passage de celle qui figure en premier lieu dans notre collection, en reprochant & son adversaire d’avoir ajouté de son cri quelques mots pour atténuer la portée d'une exégése contestable d’Origéne, qui reconnaissait dans les deux séraphins de la vision d’Isaie le Christ 115. GCS 33, 288, 16-18. 116. C’était déja opinion d’Erasme, suivie par Huet et Delarue, 117. Voir ci-dessus, p. 24, n. 106. 118. Référence ci-dessus, p. 8, n. 28, 119. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 4. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 29 et l’Esprit-Saint!20, Baehrens avance d’autres arguments qui sont moins convaincants et qui n’ont au mieux que valeur de confirmation; les rapprochements d’ordre linguistique, en particulier, nous semblent dépourvus de force probante!?!, En revanche, Israel Peri, dans un récent article, a mis en évidence des rapprochements significatifs entre la forme des citations scripturaires dans les homélies latines sur Isaie et le De seraphim!22, Comment expliquer le silence de Jéréme a propos de cette traduction ? Certains ont supposé qu’elle était postérieure non seulement & celle des homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel, qui figurent parmi ses premiéres publications, mais également au De viris illustribus!23, ce qui est invraisemblable. En effet, cet ouvrage date de 393. Sans parler de nombreuses maladresses de langage, qui seraient difficilement explicables de la part d’un traducteur entrainé, on ne voit pas pourquoi Jéréme, qui avait déja de multiples traités et commentaires 4 son actif 4 ce moment-la, se serait lancé dans cette entreprise de traduction, On le comprendrait d’autant moins que la controverse origéniste est en train de s’engager ; il serait paradoxal qu’il ait choisi de traduire ces textes, od apparaissent quelques-unes des conceptions les plus discutables d’Origéne, en essayant de les tourner en bonne part!24, alors méme qu’il prend résolument ses distances par rapport au maitre d’Alexandrie, Les imperfections de cette traduction invitent a y reconnaftre plut6t une ceuyre de jeunesse ; le silence du De viris illustribus doit s’expliquer autrement, P, Nautin, dans son Origéne, suppose une omission accidentelle par saut du méme au méme!25, C’est peu probable, car cela supposerait que les homélies sur Isaie, tout en venant dans la liste immédiatement avant ou aprés les homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel, soient mentionnées et comptées a part, tandis que celles-ci sont mentionnées et comptées ensemble, Quelle serait la raison de ce traitement différent ? Ailleurs, le méme auteur avance une autre explication: Jéréme aurait omis 120, RUFIN, Apologia contra Hieronymum, 2, 31 (CCL 20, 106, 15-17, 28-34) : «Haec et mille alia his similia in interpretationibus tuis, sive in his ipsis omeliis, sive in Ieremia vel Esaia, maxime autem in Ezechihele non subtraxisti... In omeliis Esaiae visio dei filium et spiritum sanctum retulit. Ita tu ista transtulisti, adiciens ex te quod sensum auctoris ad clementiorem traheret intellectum ; ais enim : ‘Quae sunt ista duo seraphin ? Dominus meus Iesus Christus et spiritus sanctus’, et ex tuo addidisti : ‘Nec putes trinitatis dissidere naturam, si nominum servantur officia’, Ce texte a été allégué pour la premiére fois par Vallarsi dans sa deuxiéme Edition des Opera omnia de Jéréme (Venise, 1766) ; dans la premiére édition (Vérone, 1734), il donnait l’attribution des homélies sur Isaie A Jérme comme douteuse. Voir également Apologia contra Hieronymum, 2, 50 (p. 122). 121, GCS 33, p, XLI-XLVI. 122, I, PERI, Zur Frage der Echtheit von Origenes' 9, Jesajahomilie und ihrer Uebersetzung durch Hieronymus, dans Revue bénédictine, 95, 1985, p. 7-10. 123, Ainsi Baehrens, GCS 33, p. XLVI. 124, Le passage cité par Rufin n’est sans doute pas le seul od Jérome a ajouté quelques mots tendant a atténuer ce que la théologie trinitaire d’Origéne pouvait avoir de choquant pour un nicéen de la fin du IV¢ s. ; voir V, PERI, / passi sulla Trinitd nelle omelie origeniane tradotte in latino da san Gerolamo, dans Studia patristica, t. VI (TU 81), Berlin, 1962, p. 155-180. 125, Voir P. NAUTIN, Origéne. Sa vie et son euvre, Paris, 1977, p. 257. 30 R.GRYSON - D, SZMATULA volontairement dans le De viris illustribus ces homélies od était soutenue une thése qu'il réprouvait maintenant!26, Cependant, les homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel contiennent des passages tout aussi contestables, et Jéréme ne renie pas pour autant ces traductions ; son systéme de défense est différent. A notre avis, omission est effectivement volontaire, et non accidentelle, mais le motif en est autre. Elle s’explique, comme pour son premier commentaire sur le livre d’Abdias, que Jéréme croyait oublié, mais qu’il avait vu réapparaitre 4 son grand dépit vingt ans plus tard!?’, par le souhait de ne pas voir passer a Ja postérité un travail peu soigné, dont nous doutons fort, d’ailleurs, qu’il ait jamais été publié. IL s’agit plutét, nous semble-t-il, d’un travail préparatoire a Ja rédaction du De seraphim, Avant de s’essayer A commenter la vision d’Isaie, l’exégéte débutant qu’ était Jéréme a fait ce que nous appellerions aujourd’hui «1’état de la question». Pour mieux s’approprier la pensée difficile du maitre d’Alexandrie, il s’est astreint non seulement a résumer la partie correspondante du commentaire d’Origéne, mais également a traduire les homélies ott celui-ci avait traité de ce passage!?8 ; les quatre autres ont di étre traduites également par le jeune Jéréme dans un but analogue, 4 titre d’exercice, pour son bénéfice personnel. Trés significatif du caractére privé de ces textes est le fait qu’on n’y reléve pratiquement pas de clausule métrique, alors qu’elles sont nombreuses dans les homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel!29, Ils ont ensuite échappé a leur auteur, comme cela était arrivé pour le premier commentaire sur Abdias, par suite de 126, Voir P, NAUTIN, La liste des auvres de Jéréme dans le «De viris illustribus», dans Orpheus, n. s. 5, 1984, p. 329 ; du méme auteur, La lettre Magnum est de Jérdme a Vincent et la traduction des homélies d’Origéne sur les prophdtes, dans Jéréme entre 'Occident et I’ Orient. XVIe centenaire du départ de saint Jérome de Rome et de son installation @ Bethléem, Actes dit colloque de Chantilly (septembre 1986), publiés par Y.-M. DUVAL, Paris, 1988, p. 27-39. Dans ce demier article, M. Nautin soutient que les homeélies sur Isaie auraient été traduites par JérGme lors de son premier séjour 4 Antioche, avant les homélies sur Jérémie. Cette datation, qui repose en fin de compte sur le seul adverbe saepe de I’épitre dédicatoire des homélies sur Ezéchiel, ne nous parait pas suffisamment établic, En outre, M. Nautin n’explique ni l'intérét particulier dont témoigne le traducteur pour le chapitre 6 d’Isaie, ni le niveau du style, inféricur A celui des homélies sur Jérémie et sur Ezéchiel. 127. Tl nous rapporte sa déconvenue dans le prologue du second commentaire (CCL 76, 349-351), 128. C’était déja a peu de chose prés le sentiment de F. Cavallera : «Ce travail de traduction lui servit ainsi comme de préparation immédiate A sa nouvelle tache» (Saint Jéréme, t. I, p. 71) ; ailleurs, le méme auteur remarque : «La comparaison avec les versions de Jérémie et a Ezéchiel laisse impression que celle d'Isaic est moins satisfaisante ; peut-étre est-ce la raison pour laquelle JérOme n'a jamais fait allusion & ce travail» (Op. cit,,t. I, p. 81). P. Jay (L'exégese de saint Jérme, p. 63) est également d'avis que Jéréme a interrompu ce travail de traduction sans y mettre la demiére main, On pourrait ajouter que, lorsqu’on a les homélies 'Origane sous les yeux, 1a part d'originalité du De seraphim apparait vraiment ts mince, et que l'auteur de cet opuscule avait avantage & ce que sa source demeurat inconnue des Latins, sous peine de passer pour un vil plagiaire ; voir un relevé des passages paralléles dans G. MENESTRINA, La visione di Isaia nell’ interpretazione di Girolamo, dans Bibbia e Oriente, 16, 1976, p. 179-196. 129, Voir Bachrens, GCS 33, p. XLVII-XLIX, LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 31 Vindiscrétion d’un ami, ou pour quelque autre raison que nous ignorons ; beaucoup d’écrivains de ]’antiquité, od Ja diffusion de l’écrit s’opérait autrement qu’aujourd’hui, ont connu de semblables mésaventures!30_ 2,1, 1. 4. Le «Tractatus contra Origenem de visione Isaiae» Un écho de la premiére homélie d’Origéne sur Isaie nous parvient par ailleurs dans un écrit qu’on est convenu d’appeler le Tractatus contra Origenem de visione Isaiae. Il s’agit d’un commentaire sur Is 6, 1-7, critiquant violemment V’interprétation d’ Origéne. Ce texte a été découvert et publié en 1901 par Dom Amelli, prieur et archiviste du Mont-Cassin, d’aprés deux manuscrits de la bibliothéque de cette abbaye (Casin. 342 et 345, respectivement du xIIe s, et du milieu du XI° s.) ; le premier contient seulement le commencement du texte, alors que le second est mutilé du début ; les deux copies ne peuvent donc étre comparées que pour quelques lignes. Dom Morin a réédité le texte au tome III de ses Anecdota Maredsolana '31 ; il propose diverses corrections et conjectures, qui ne sont pas toutes également heureuses, notamment pour ce qui regarde les citations scripturaires!32, Un troisitme manuscrit, contenant des fragments de la méme ceuvre, n’a pas encore été utilisé jusqu’a présent!33, Le texte apparait sans titre ni nom d’auteur dans le Casinensis 342. I commence ex abrupto avec la citation de Js 6, 1. Il n’est pas sir qu’il soit complet, car il s’achéve de maniére tout aussi abrupte sans aucune conclusion, Aprés que la critique eut quelque peu tatonné a ce sujet, il est aujourd’hui communément admis qu’il s’agit de la traduction latine, faite par Jéréme, d’un opuscule de Théophile d’Alexandrie datant du début des années 400 (on donne habituellement la date de 402)134. Théophile, aprés avoir d’abord joué un r6le de médiateur dans Ja controverse origéniste & la fin des années 390, a pris violemment parti contre Origéne ; c’est alors qu’il a rédigé cet écrit polémique. Le texte d’Origéne qu’il avait sous les yeux n’était autre que la premiére homélie sur Isaie. Cela ressort de la confrontation des passages suivants. TRACTATUS HOMILIAT (103, 18): At Origenes: Non poterat, (242, 6): Quamdiu Ozias rex vixit, videre inquit, Esaias propheta cernere visionem, non potuit visionem Isaias propheta nisi ei fuisset Ozias rex mortuus 130. Voir E. ARNS, La technique du livre selon S. Jéréme, p. 92-103. 131. Anecdota Maredsolana, t. III, 3, Maredsous, 1903, p. 103-122. 132. Voir Vetus Latina, t, XII, p. 212. 133. Il s‘agit de Paris, B. N., lat. 6237, signalé par B. LAMBERT, Bibliotheca hieronymiana manuscripta, t. II, p, 99, 134. Voir en dernier lieu L. CHavoutier, Querelle origéniste et controverses trinitaires. A propos du Tractatus contra Origenem de visione Isaiae, dans Vigiliae christianae, 14, 1960, p. 9-14, 32 (104, 10): In consequentibus idem Origenes... inter cetera etiam hoc intulit : ‘Talem regem et principem animae oportet mori, ut possimus dei cernere visionem, ‘Neque enim frustra scriptum est : Factum est in anno quo mortuus est Ozias rex, vidi dominum sabaoth. Vnicuique nostrum ut vivit Ozias, vivit Farao, sed quamdiu Aegyptia opera facimus et non ingemiscimus ; si autem mortuus nobis fucrit Farao, statim dolorem gemitu protestamur, sicut in Exodo scriptum est. In hunc modum quamdiu vivit Ozias, non possumus dei cernere visionem (107, 20) : Cessent ergo Origenis tendiculae et veritas superet, adversum quam rursus loquitur : Duo vidi seraphin, in utroque rant senae alae ; duabus tegebant faciem, non suam sed dei, et duabus tegebant pedes, non suos sed dei, et duabus volabant (114, 1): Dicit enim in consequentibus : ‘Sed haec de seraphin quae circa deum sunt et sola rationabiliter atque prudenter dicunt : Sanctus sanctus sanctus ; ideo prudenter Taudant atque sapienter, quia sancta sunt (116.19) : Porro Origenes,., de seraphin temeraria voce pronuntiat : His enim nihil sanctius novimus inter ea quae sunt (119, 16): In hune sacrilegii erumpit vomitum a principali sancto seraphin sanctitatis accipere consortium et alter clamat ad alterum ; Sanctus sanctus sanctus, Et iterum : Quae sunt, inquit, ista seraphin ? dominus meus et spiritus sanctus R. GRYSON - D, SZMATULA (242, 10): Talem ergo principem animae oportet mori, ut visionem dei videre possimus ; neque enim frustra scriptum est ; Et factum: est in anno quo mortuus est Ozias rex, vidi dominum. Vnicuique nostrum vivit Ozias sive Pharao, et non suspiramus Aegyptia opera facientes ; si autem moritur, tunc suspiramus, ut in Exodo scriptum est. Si Ozias vivit, non videmus gloriam dei (244, 14): Duo video seraphim, unumquodque eorum in semet ipso habens sex alas. Deinde dispositio alarum. Et duabus quidem alis velabant faciem — non propriam sed dei — duabus autem alis velabant pedes — non proprios sed dei — duabus autem alis volabant (244, 22):° ‘Verum haec seraphim quae circa deum sunt, quae sola cognitione dicunt : Sanctus sanctus sanctus, propter hoc servant mysterium trinitatis, quia et ipsa sunt sancta (244, 24): His enim in omnibus quae sunt sanctius nihil est (244, 25): Et non leviter dicunt alter ad alterum : Sanctus sanctus sanctus... Quae sunt ista duo seraphim ? dominus meus Iesus et spiritus sanctus Le rapprochement est indéniable, méme si les citations du Tractatus ne se retrouvent pas toujours mot & mot dans la version latine de la premire homélie. Le traducteur du Tractatus ne se référait pas a cette version, mais au texte grec LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 33 du Tractatus. Le seul passage attaqué qui soit absent de la version latine des homélies est l’affirmation que «les séraphins recoivent du Saint par excellence de participer 4 sa sainteté». Comme Rufin reproche 4 Jéréme d’avoir dans cette version tant6t ajouté, tant6t retranché!35, de maniére a dissimuler les erreurs d’Origéne, il est possible que Jéréme ait jugé convenable de passer sous silence ce que l’auteur du Tractatus qualifie de «vomissement sacrilége». 2.1.1.5. Les notes ou «scolies» Connues de Jéréme?36, les scolies d’Origéne sur Isaie se trouvaient également dans la bibliothtque de Pamphile ; le catalogue de celle-ci en fait mention immédiatement aprés les trente-six livres du commentaire!37. Elles ne sont point parvenues jusqu’a nous. La Clavis patrum graecorum!38 fait figurer sous ce titre les deux seuls fragments d’Origéne conservés dans les chaines sur Isaie ; le premier se rapporte a Js 39, 7, le second a /s 66, 1139, Ce dernier ne provient certainement pas du commentaire ; ’un et l’autre peuvent étre tirés de n’importe quelle ceuvre perdue d’Origéne ; les caténistes ne puisaient pas seulement dans les travaux exégétiques des Péres, 2.1.2, Eusébe de Césarée D’aprés le prologue au commentaire de Jéréme, Eusébe avait publié un commentaire d’Isaie en quinze livres, dans lequel il se proposait d’expliquer le texte au sens littéral!40, Ici encore, le chiffre ne concorde pas avec celui que donne ailleurs Jéréme : selon la notice consacrée 4 Eusébe dans le De viris illustribus, son commentaire sur Isaie comportait dix livres!41. Ou bien Jéréme n’avait yu qu’un exemplaire incomplet lorsqu’il rédigea le De viris illustribus, ou bien il y a une erreur de copie dans une des deux sources. Il est impossible de recouper I’information, Jusqu’il y a peu, le commentaire d’Eusébe était connu uniquement par des fragments insérés dans les chaines. Méme de ce point de vue, l’édition de Montfaucon, reproduite au tome XXIV de la: Patrologie grecque, est défectueuse ; elle ne recueille pas tout le matériel fourni par les chafnes et elle 135, Voir ci-dessus, p. 27. 136. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 4: «...et onndonc, quas nos excerpta possumus appellare» (CCL 73, 3, 90-91). 137. Texte cité ci-dessus, p. 13, n. 49 ; «...item in Isaiam excerpta » (CSEL 54, 255, 18). 138. CPG n° 1436, 139, Voir J. B. Prrra, Analecta sacra, t. III, Venise, 1883, p. 538. 140. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 4 : «Eusebius quoque Pamphili iuxta historicam explanationem quindecim edidit volumina » (CCL 73, 3, 91-92). 141. JéROME, De viris illustribus, 81 (éd. Richardson, p. 43, 11). 34 R.GRYSON - D. SEMATULA contient de nombreux fragments qui, en réalité, ne proviennent pas d’Eusébe!42, Au cours des recherches menées en vue de |’édition du livre d’Isaie par le Septuaginta-Unternehmen de Géttingen, A. Méhle a découvert que la glose marginale entourant le texte du prophéte dans le manuscrit Rahlfs 49 (Firenze, Laur. XI. 4, du XIe s.) nous livre le commentaire d’Eusébe sous une forme continue, beaucoup plus compléte que tout ce qu’on en connaissait jusqu’alors, méme s’il s’agit encore d’un abrégé tributaire de la méme tradition que les chaines!43, Ce texte a été édité par J. Ziegler en 1975 dans le Corpus de Berlin!4, On ne trouve aucune trace de la division originelle en dix ou quinze livres ni dans Jes chatnes ni dans le manuscrit de Florence, oi le texte est distribué en cent cinquante-huit sections, formant deux séries!45, Jéréme fait plusieurs fois mention d’Eusébe dans son commentaire. Il lui reproche d’oublier sa promesse initiale d’une explication «historique», c’est-a- dire d’un commentaire littéral, pour s’égarer dans l’allégorie 4 la fagon d’Origéne!46, Le manuscrit de Florence n’indique pas le titre du commentaire et ne reproduit pas le texte du prologue en entier, de sorte qu’il est impossible de savoir ce qu’Eusébe annongait exactement en présentant au lecteur son ouvrage. Le jugement de Jéréme est exagérément sévére. Bien qu’Eusébe dépende d’Origéne, il est injuste d’insinuer que son commentaire n’est qu’un tissu d’allégories. Tout en étant largement ouverte aux influences alexandrines, Vexégése d’Busébe se garde d’imiter les excés de subtilité de certains maitres alexandrins. Elle se tient dans une voie moyenne, 4 mi-chemin, comme il est naturel de la part d’un homme de Palestine, entre la tendance d’Antioche et celle d’Alexandrie. Du point de vue méthodologique, l’originalité d’Eusébe par rapport & Origéne est de poser en principe que l’Ecriture doit étre interprétée tantét littéralement, tantét de maniére allégorique, au lieu de juxtaposer dans tous les cas deux niveanx d’exégase. Il explique par exemple que dans 1’ oracle fameux d’Js 11, 1, «une tige sortira de la racine de Jessé», les mots «tige» et «racine» doivent s’entendre métaphoriquement, tandis que «Jessé» est 4 prendre au sens littéral. Cependant, Eusébe n’arrive pas toujours & se dégager de V’emprise d’Origéne et de la tradition alexandrine, qui est portée a allégoriser systématiquement, au moins dans un second temps, les moindres détails du texte sacrél47, 142. Voir R. DEVREESSE, L‘édition du commentaire d'Eusebe de Césarée sur Isaie : interpolations et omissions, dans Revue biblique, 42, 1933, p. 540-555. 143. Voir A. MOEHLE, Der Jesaiakommentar des Eusebios von Kaisareia fast vollstandig wieder aufgefunden, dans Zeitschrift flr die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde der dlteren Kirche, 33, 1934, p. 87-89. 144, Eusebius Werke, t. IX : Der Jesajakommentar, herausgegeben von J, ZIEGLER (GCS 57), Berlin, 1975. 145. Voir J. ZIEGLER, éd. citée, p. Ix. 146. JEROME, Commentarii in Esaiam, 5 (CCL 73, 160, 25) ; ibid. (190, 29). 147. Voir M. SIMONETTI, Esegesi e ideologia nel Commento a Isaia di Eusebio, dans Rivista di storia e letterawra religiosa, 19, 1983, p. 3-44. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 35 En dépit des fléches qu’il décoche en direction d’Eusébe, Jéréme est largement tributaire de son commentaire ; il le reproduit parfois mot 4 mot sans le citer. La comparaison, qui n’était guére possible avant la publication du texte contenu dans le manuscrit de Florence, n’a pas encore été faite de fagon systématique!48 ; il y aurait beaucoup d’enseignements a en tirer. M. Simonetti a montré que deux grilles de lecture utilisées par Jéréme tout au long de son propre commentaire lui viennent d’Eusébe!49. Méme s’il ne lui doit pas autant qu’a Origtne, il n’en est pas moins redevable l’évéque de Césarée d’une part importante de son inspiration. 2.1.3. Didyme d’ Alexandrie Désigné par Athanase comme directeur de la célébre école d’ Alexandrie alors qu'il était encore, semble-t-il, assez jeune, Didyme s’est acquis rapidement une grande réputation de savant. Jér6me se flatte d’avoir été en relation d’amitié avec lui. 11a effectivement rencontré lorsque, ayant quitté l’Occident dans l’intention de se fixer en Terre Sainte, il est passé par TEgypte en compagnie de Paula et de sa suite. Tandis que son amie visitait les monastéres du désert de Nitrie, Jéréme se rendit 4 Alexandrie pour entendre Didyme. Il n’est pas resté bien longtemps auprés de lui: moins d’un mois selon Rufin, qui n’a pas été contredit sur ce point!50, Jéréme en a profité pour demander au vieux maitre un commentaire d’Osée et de Zacharie, qu’Origéne n’avait pas expliqués en entier!5!, Il l’a pillé sans scrupule dans son propre commentaire sur Zacharie ; la découverte récente de l’ouvrage de Didyme dans un papyrus de Toura a fait apparaitre le larcin dans toute son ampleur ; la dépendance est & ce point étroite, voire littérale, que le commentaire de Jéréme permet plus d’une fois de corriger le texte ou de compléter les lacunes du papyrus!52, Jéréme attribue 4 Didyme un commentaire en dix-huit tomes couvrant ce que nous appelons aujourd’hui le deuxiéme et le troisitme Isaie, 4 partir du chapitre 40153, Dans son commentaire sur Zacharie, Didyme renvoie lui-méme, A propos d’/s 40, 9, 4 un traité «sur Ja vision finale d’Isaie», Mais il ne s’était pas limité & celle-ci ; dans son commentaire de la premiére épitre de Jean, il donne & entendre qu’il avait l’intention de commenter ce prophéte en entier, et il n’est pas douteux qu’il ait mis son projet 4 exécution. En effet, en dehors du texte déja cité, Didyme renvoie a six reprises dans le commentaire sur Zacharie & un 148, On trouve une liste de paralléles dans S. Gozzo, De sancti Hieronymi commentario in Isaiae librum, dans Antonianum, 35, 1960, p. 58-59. Dressée sur la base de la Patrologie grecque, elle est tres incompléte et doit étre prise seulement comme une série d'exemples. 149, Voir l'article cité ci-dessus, n. 24, 150, RUFIN, Apologia contra Hieronymum, 2, 15 (CCL 20, 94,9bis-13bis), 151, Jéréme, Commentarii in Osee prophetam, prol. (CCL 76, 5, 134-139). 152, Le papyrus de Toura a été édité par L. DOUTRELEAU : Didyme I’Aveugle. Sur Zacharie, 3 vol. (SC 83, 84, 85), Paris, 1962. 153. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 4: «...et Didymus, cuius amicitiis nuper usi sumus, ab eo loco ubi scriptum est ‘Consolamini, consolamini populum meum, sacerdotes, loquimini ad cor Hierusalem’ usque ad finem voluminis decem et octo edidit tomos» (CCL 73, 3, 92-96). 36 R. GRYSON - D. SZMATULA «Commentaire d’Isaie» qui s’étendait a l’ensemble du livre. L’un des renvois porte sur un verset du chapitre 63, mais trois autres visent des passages des chapitres 10 et 11 en des termes tels qu’ils devaient étre expliqués & leur place dans un commentaire suivi!54, Faut-il admettre qu’il a commenté a deux reprises la vision finale ? Cela ne nous parait pas assuré. Comme 1’a observé le P. Doutreleau, Didyme pouvait fort bien tantét réunir et tantét dissocier dans son esprit une ceuvre qui aurait été éditée en deux parties 4 des époques différentes ; on pourrait également imaginer qu’il cite comme une ceuvre & part une partie importante et nettement distincte d’un ouvrage unique, d’autant plus qu’A cette époque, un écrit d’une certaine ampleur était matériellement divisé en plusieurs volumes. Quant a savoir pourquoi Jéréme ne connait que les dix-huit tomes consacrés 4 l’explication des deuxiéme et troisiéme parties du livre, ne serait-ce point parce que, comblant une lacune de l’ceuvre d’Origéne, ils auraient connu un plus grand succés et une plus large diffusion ? De ce vaste commentaire, nous avons conservé seulement trois courts fragments dans les Sacra parallela de Jean Damascéne!55, Leur briéveté ne permet pas de déterminer avec certitude 4 quels versets ils s’appliquaient ; Dabsence d’édition critique dissuade de s’interroger sur les divisions auxquelles renvoient les références qui les précédent. 2. 1.4. Apollinaire de Laodicée Mentionné en dernier lieu par Jéréme, Apollinaire a été son premier professeur d’exégese. Il reconnait 4 maintes reprises sa dette A son égard, tout en se défendant d’avoir jamais partagé ses opinions erronées en matiére de christologie ; il n’a pas cessé au long de sa carritre littéraire d’invoquer son autorité, en signalant fréquemment, comme dans le prologue au commentaire sur Isaie, cette concision extréme qui parait avoir été un trait caractéristique de Venseignement comme de la production écrite du maitre156, Le rejet de la doctrine christologique d’Apollinaire a eu pour conséquence Ja disparition quasi totale d’une ceuvre qui devait étre considérable, & en juger notamment par le témoignage de Jéréme!57. Ceci nous empéche encore une fois d’apprécier exactement la dette de ce demier a 1’égard de son devancier. La chaine de Jean Drungarius!58 a conservé septante-quatre fragments d’Apollinaire sur Isaie. Aucun d’entre eux n’a pu étre retrouvé dans ce qui reste 154, Voir l'introduction a I'édition précitée (ci-dessus, n. 152), p. 122-123. 155. PG 95, 1093B et 1169BC ; 96, 525A. 156. Voir le texte traduit ci-dessus, p. 4 : «Apollinaris autem more suo sic exponit omnia, ut universa transcurrat et punctis quibusdam atque intervallis, immo compendiis grandis viae spatia praetervolet, ut non tam commentarios quam indices capitulorum nos legere credamus » (CCL 73,4,96-100). 157. JérOme, De viris illustribus, 104 (éd. Richardson, p. 49, 2-6). 158, Il s'agit d'une chaine byzantine aux grands prophétes, du VIIC/VIII¢ s., dont le compilateur est inconnu par ailleurs ; voir CPG, n° C 60. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 37 des ceuvres dogmatiques du Laodicéen ; ils proviennent donc selon toute vraisemblance de son commentaire sur le premier des grands prophétes. Ces fragments ont été édités en partie seulement par A. Mai au tome VII de sa Nova Patrum Bibliotheca d’aprés le Vaticanus graecus 755159 ; une liste de 20 fragments inédits est fournie par Faulhaber!60, La plupart sont trés brefs, confirmant ce que Jéréme nous dit de la manitre de son professeur. Aucun extrait d’Apollinaire n’apparait dans la chaine pour les vingt-neuf premiers chapitres d’Isaie ; ceci donne 4 penser que le caténiste ne disposait pas d’un exemplaire complet. Les chaines de Procope et de Nicolas Muzalon!6! n’ont fait aucune place 4 Apollinaire, 2. 2. Les commentateurs non mentionnés par Jéréme 2. 2. 1. Théodore d’ Héraclée Evéque d’Héraclée en Thrace, Théodore compte parmi les chefs du front anti- nicéen qui se rassembla autour d’Eusébe de Nicomédie a la fin des années 320. Au concile de Tyr (335), il fit partie de la commission d’enquéte envoyée en Maréote pour s’informer sur les crimes reprochés 4 Athanase. Il appartint également la délégation de 1’épiscopat oriental envoyée 4 l’empereur Constant en 342, Il figure dans la liste des Orientaux nominativement excommuniés A Sardique l’année suivante. Nous savons qu’il combattait encore Athanase en 355 ; sa mort doit se situer peu de temps apres. Le commentaire de Théodore d’Héraclée sur Isaie était inconnu de Jér6me, qui lui attribue dans le De viris illustribus des commentaires sur Matthieu, Jean, les épitres pauliniennes et le psautier. I] loue son style et signale que son exégése était plutét de type «historique» 162, La chaine de Jean Drungarius fournit 253 fragments du commentaire de Théodore sur Isaie, auquel s’ajoute un fragment contenu dans la chaine de Nicolas Muzalon ; quelques-uns doivent étre tenus cependant pour inauthentiques ou douteux. L’édition de A. Mai repose sur le méme manuscrit (Vatic. gr. 755) que pour Apollinaire ; elle est reproduite au tome XVIII de la Patrologie grecque de Migne'®3, Neuf fragments manquent dans cette édition!6. Les fragments sont trés inégalement répartis a l’intérieur du livre d’Isaie ; on 159. A. Mal, Nova patrum bibliotheca, t. VU, 2, Rome, 1854, p. 128-130. 160. M. FAULHABER, Die Propheten-Catenen nach rémischen Handschriften, Freiburg, 1899, p. 66-67. 161. CPG, n° C 61 et 62. 162. JEROME, De viris illustribus, 90 (6d. Richardson, p. 45, 20-23). 163. A. MAI, Nova Patrum bibliotheca, t. V1, 2, Rome, 1853, p. 213-239 ; PG 18,1307- 1378. 164, Voir M. FAULHABER, op. cit., p. 61-63. 38 R. GRYSON - D, SZMATULA n’en trouve aucun, par exemple, pour Js 5, 1 - 23, 4; ailleurs, ils apparaissent par paquets, trés nombreux pour certains chapitres, trés rares pour d’autres. 2.2. 2, Basile de Césarée Quelque septante manuscrits byzantins échelonnés entre le Ix¢ et le XVII s. conservent un commentaire sur Isaie 1-16 qu’ils sont pratiquement unanimes a attribuer 4 Basile de Césarée, Ce texte a été publié pour la premiére fois dans Lédition gréco-latine des Opera omnia de Basile parue en 1618. Une nouvelle édition a été donnée un siécle plus tard, exactement en 1721, par le mauriste Julien Gamier ; la base manuscrite n’en est guére plus large que celle de la précédente — six manuscrits sur un total de prés de septante —, mais Garnier fait un usage plus modéré de la conjecture, tout en restant peu sensible au fait de l’évolution de la langue. Le texte de Garnier a été reproduit & plusieurs reprises, notamment au t. XXX de la Patrologie grecque de Migne, od les erreurs abondent, surtout dans la réimpression de 1886. Un manuscrit du Mont-Cassin conserve une version latine médiévale trés littérale, qui va seulement jusqu’au début du chapitre 3 d’Isaie. Une autre version Jatine, due au jurisconsulte Burgundio de Pise (vers 1110-1193), n’a pas été retrouvée ; elle présentait Vintérét de conserver au lemme un texte vieux latin d’Isaiel65, Les chaines exégétiques grecques font une large place A ce commentaire ; elles le mettent sur le méme pied que ceux des plus grands exégétes ; on peut méme dire que les chaines de Procope et de Jean sont axées sur lui dans les seize premiers chapitres du prophéte, ce qui ne se concevrait pas si quelque doute avait alors plané sur son authenticité. Les citations nominatives sont également nombreuses dans Ja littérature patristique et byzantine, méme s’il ne s’en trouve pas de trés anciennes. L’authenticité du commentaire a cependant été contestée a ]’€poque modeme. Erasme, qui avait entrepris de le traduire en latin, n’était guére allé plus loin que Je prologue, car il n’y avait pas retrouvé, dit-il, le «style divin» de Basile. Cette opinion, exprimée de fagon aussi péremptoire que sommaire, n’eut guére de retentissement. Il en fut autrement de la critique fouillée de Garnier, qui concluait résolument au caractére apocryphe de l’ouvrage!66, En dépit d’une tentative de réfutation par Maran, qui acheva |’édition des cuvres complétes de Basile aprés la mort de son confrére!67, 1a condamnation portée par Gamier contre le commentaire pesa lourdement pendant deux siécles. Bardenhewer exprime !’opinion commune de son temps en le rangeant parmi les spuria!68, I] fallut attendre une étude de Wittig, parue en 1922, pour assister A un revirement 165. Voir R. GRYSON - Th. P. OsBorne, Un faux témoin de la «vetus latina» ; la version latine du commentaire pseudo-basilien sur Isaie, dans Revue bénédictine, 95, 1985, p. 280- 291, 166. Voir PG 29, p. CCXVI-CCXXX. 167. Voir PG 29, p. CLXVI-CLXX. 168. O. BARDENHEWRR, Geschichte der altkirchlichen Literatur, t. III, 2° éd., Freiburg, 1923, p. 148. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 39 de V’opinion!9. Celle-ci demeure néanmoins hésitante ; les ouvrages de référence donnent généralement aujourd’hui le commentaire comme «douteux»!70, Cependant, un mémoire de licence en philosophie et lettres présenté a l’Université catholique de Louvain en 1955 par M. l’abbé R. Loonbeek, sous la direction du professeur G. Garitte, a montré Ja faiblesse des arguments avancés contre ]’authenticité et présenté en faveur de celle-ci des arguments trés forts. On remarque entre le commentaire et les ceuvres certainement authentiques de Basile tant de rapprochements, au plan des mots comme A celui des idées et, en particulier, de ]’argumentation scripturaire, que la seule explication raisonnable apparait l’identité d’auteur!7!, Ce remarquable travail est resté malheureusement inédit. S’il avait été plus largement diffusé, nous pensons qu’il aurait déterminé définitivement la critique a restituer le commentaire A saint Basile. Demeuré inachevé & la mort de son auteur, le commentaire sur Isaie n’a pas été publié par Basile. Ainsi s’explique sans doute qu’il n’ait connu au départ qu’une diffusion restreinte et qu’il soit resté ignoré de Jér6me. Les nombreux rapprochements qu’on peut observer avec le commentaire de Jéréme s’expliquent par utilisation d’une source commune, qui n’est autre que le commentaire perdu d’Origéne!72, 2. 2.3. Jean Chrysostome Le commentaire de Jean Chrysostome sur Isaie est, comme celui de Basile, un ouvrage inachevé, qui n’a pas été publié du vivant de l’auteur, et que Jéréme ne pouvait donc pas connaitre. Il s’interrompt dans tous les manuscrits grecs & Js 8, 10 ; une note figurant dans deux d’entre eux nous en apprend la raison : a partir de cet endroit, le copiste de l’archétype s’était trouvé devant des signes tachygraphiques qu’ il était incapable de déchiffrer. Comme la plupart des autres commentaires de Jean Chrysostome, celui-ci repose sur un exposé noté au vol par des tachygraphes. Jean n’a pas eu le loisir de rédiger son commentaire sur Isaie au-dela du chapitre 8, mais oralement, il était allé plus loin. Nous le savons grace A une version arménienne du V¢ s., due a un traducteur qui savait interpréter les signes ou qui a pu disposer, pour la suite, d’un texte mis au net, Le plus complet des manuscrits arméniens va jusqu’au chapitre 54 ; une lacune nous prive du commentaire des chapitres 21-30 ; elle est partiellement comblée par un autre manuscrit arménien, qui contient le texte des chapitres 1-26. Une note analogue & celle qui figure & la fin de certaines copies grecques indique bien, apres /s 8, 10, 169. J. Wrrria, Des Al. Basilius d. Gr. geistliche Uebungen auf der Bischofskonferenz von Dazimon im Anschluss an Isaias 1-16 (Breslauer Studien zur historischen Theologie, 1), Breslau, 1922. 170. Voir CPG, n° 2911. 171, R. Loonpeek, Euude sur le commentaire d'Isaie atiribué a s, Basile, Louvain, 1955 (polycopié). 172. Voir l'article de M. Simonetti cité ci-dessus, n. 24. 40 R. GRYSON - D. SZMATULA que les deux parties du texte n’avaient pas le méme statut aux yeux du traducteur arménien!73, Apreés avoir expliqué le livre d’Isaie de fagon scolaire au début de sa carriére, Jean Chrysostome est revenu sur le chapitre 6 dans une série de six homélies conservées par une cinquantaine de manuscrits. Quatre d’entre elles, 4 savoir les homélies II, III, V et VI des éditions imprimées, sont de peu postérieures 2 son ordination sacerdotale et doivent étre situées par conséquent a la fin de 386 ou au début de 387 ; elles ont été traduites en arménien au V¢ s. Les compilateurs byzantins ont ajouté cette série primitive deux autres piéces qui sont d’une époque plus tardive, Celle qui vient en téte dans les éditions a essentiellement pour objet la discipline 4 observer 4 l’église et ne peut étre antérieure a 395. Quant a l’homélie IV, l’authenticité en est plus que douteuse. Les six homélies ont fait l’objet récemment d’une édition critique dans la collection Sources chrétiennes'4, ConcLusION Au terme de cette revue des commentaires patristiques sur Isaie depuis Origéne jusqu’a Jéréme, deux observations s’imposent. La premiére est l’ampleur du naufrage. Il ne reste rien ou peu de chose des commentaires de Victorin de Pettau, de saint Ambroise, d’Origéne, de Théodore d’Héraclée, d’Apollinaire de Laodicée, de Didyme d’Alexandrie. Nous avons conservé seulement une version abrégée du commentaire d’Eusébe dans un manuscrit unique, et le début de celui de Jean Chrysostome dans le texte original grec ; la version arménienne elle-méme en est incompléte. En second lieu, on constate que plusieurs des commentateurs anciens ne sont pas venus a bout du livre d’Isaie, qui est un des plus longs de la Bible. Origéne est allé jusqu’au chapitre 30 ou, peut- tre, au chapitre 39 ; Basile s’est arrété au chapitre 16 ; Jean Chrysostome n’a pas eu le loisir de mettre en forme ses notes au-dela du chapitre 8. Le travail de Jéréme, qui n’avait pas, certes, les soucis pastoraux d’un évéque en charge d’une grande métropole, mais qui était alors déja avancé en Age et qui ne jouissait pas d’une trés bonne santé, apparait d’autant plus méritoire. L’intérét de son ceuvre tient pour une part au fait qu’il s’est largement inspiré de ses devanciers. A travers lui, nous recueillons, comme |’avaient déja fait sans le savoir ses lecteurs du moyen Age, le meilleur de la tradition exégétique grecque des IlI¢ et IV¢ s. ; 173. Une édition critique du texte grec a été donnée récemment par J. DUMORTIER, Jean Chrysostome. Commentaire sur Isaie (SC 304), Paris, 1983.; pour les questions évoquées ci- dessus, voir l'introduction, p. 11-14. L'unique édition de la version arménienne, publiée par les méchitharistes 4 Venise en 1880, est incomplete ; ils n'ont pas utilisé trois manuscrits de Jérusalem dont il y aurait avantage tenir compte. Une traduction latine de cette version arménienne par A. Tirovan, parue également & Venise en 1887, n'est pas plus satisfaisante, 174. Jean Chrysostome. Homélies sur Ozias. Introduction, texte critique, traduction et notes par J, DUMORTIER (SC 277), Paris, 1981. Nous avons extrait de l'introduction (p. 9-40) les indications qui précédent. LES COMMENTAIRES PATRISTIQUES SUR ISAIE 41 nous percevons en particulier l’écho du monumental commentaire d’Origéne, dont les quelques homélies conservées laissent entrevoir la richesse et dont on ne saurait trop déplorer la perte. Thomas d’ Aquin aurait donné tout Paris, parait-il, pour avoir au complet l’Opus imperfectum in Matthaeum. Que n’offrirait-on pas pour entendre le prince des exégétes expliquer le plus grand des prophétes ! Roger Gryson Dominique Szmatuta Université catholique de Louvain Louvain-la-Neuve R&SUME : Les commentaires sur Isaie antérieurs & Jéréme sont pour la plupart perdus ou mal conservés, On posséde seulement de courts fragments de ceux d’Origtne, Ambroise, ‘Théodore d’Héraclée, Apollinaire de Laodicée, Didyme d’ Alexandrie, un texte abrégé de celui d’Eusébe de Césarée, une version arménienne, elle-méme incompléte, pour la plus grande partie de celui de Jean Chrysostome. Le seul qui soit attesté par une abondante tradition manuscrite est celui de Basile de Césarée, dont l’authenticité a été considérée A tort comme douteuse ; mais il va seulement jusqu’au chapitre 16 d’Isaie, Les principales sources d’inspiration de Jérdme sont les commentaires d’Origéne et d’Eustbe ; il est difficile d’aprrécier sa dette a l’égard de ceux d’Apollinaire et de Didyme, qu'il connaissait également, En revanche, il ignorait ceux de ‘Théodore d’Héraclée, Basile et Chrysostome. Les paralléles nombreux et frappants, mais qui ne révélent jamais une dépendance littérale, avec le commentaire de Basile s’expliquent par Putilisation dune source commune, qui n’est autre que le commentaire perdu d’Origtne, Revue des Etudes Augustiniennes 36 (1990), 42-66 Elemosina e propaganda Un’analisi della ‘ Macariana persecutio’ nel III libro di Ottato di Milevi Poco noto in molti suoi aspetti, i] governo di Costante si caratterizzd sicura- mente per I’energia della politica religiosa. In parallelo con ’impegno antiariano, che vide la riabilitazione di Atanasio, imposta al fratello maggiore Costanzo II e sancita dal rientro del vescovo in Alessandria’, in Africa vennero combattuti i donatisti, il cui movimento era in crescita dopo la « conciliazione » del 321. Probabilmente nei primi mesi del 347, Macario e Paolo, due funzionari dalle incerte attribuzioni inviati dall’imperatore, in una prima fase della loro missione cercarono — in via non ufficiale — di reintegrare nell’unita le comunita e i singoli donatisti, mediante larghe distribuzioni elemosinarie che ricordano un oscuro precedente costantiniano*, La gerarchia donatista, ispirata dal capo eponimo * Desidero ringraziare il R.P. Georges Folliet e tutto il comitato di direzione della rivista per aver voluto cortesemente accogliere il presente lavoro. 1, In data 21 ottobre 346, A. PianioL, L’Empire chrétien, Paris 1972", p. 93. 2. Sono discordi le opinioni relative alla datazione dell’intervento di Macario e Paolo. Esso posto da alcuni studiosi, in stretto legame col concilio di Serdica del 343, difficilmente dopo il 344, vd. R. Crespin, Ministére et sainteté: pastorale du clergé et solution de la crise donatiste dans la vie et la doctrine de saint Augustin, Paris 1965, p. 32, n. 5; G. Foutet, Lépiscopat africain et la crise arienne au 1¥ siécle, in REByz (Mél. Gramel), 24 (1966), pp. 196-223, p. 202 s, La maggior parte della critica é tuttavia orientata a datare 347, p. es. E.L. GRASMOCK, Coercitio. Staat und Kirche im Donatistenstreit, Bonn 1964, con una diffusa analisi del nostro episodio (pp. 112-132) 0, da ultimo, J.-L. Mater, Le dossier du donatisme, Berlin 1987, I, p. 256 e n. 4, con discussione, In conseguenza delle diverse datazioni proposte cambia anche la collocazione cronologica del concilio cattolico di Cartagine, subito successivo alla crisi e presieduto da Gratus, oscillante fra il 345 e il 348/9. Su Macario e Paolo vd. A. MANDOUZE, Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, I: Afrique (284-602), Paris 1982, s.v. Macarius 1 Paulus 2. L’indispensabile consultazione di quest’opera per i personaggi che seguiranno non sard pit segnalata in modo sistematico, Sul precedente d’epoca costantiniana, tra la fine del 316 ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 43 Donato di Cartagine, rifiutd le sovvenzioni dello stato. Seguirono episodi di mobilitazione e di resistenza organizzata da parte degli scismatici, spalleggiati da gruppi di circumcelliones ; la repressione ad opera di reparti dell’esercito romano, in un quadro sociale gid negli anni precedenti destabilizzato, fu allora inevitabile, ed ebbe come centro principale la Numidia del sud. Finalmente, un concilio cattolico tenutosi a Cartagine testimonia con soddisfazione il ristabilimento apparente della caima’, Ottato di Milevi, da cui si desume buona parte di queste notizie, scrive dopo una ventina d’anni, ponendosi comunque in un dibattito ancora ai suoi tempi — ben oltre — intenso, tanto traumatiche furono awertite quelle vicende, per certi versi addirittura « epocali », dalla cristianita africana tardoimperiale. E’ il valore paradigmatico che esse assunsero come terreno sopra il quale misurare i contrap- posti atteggiamenti verso la coercitio e le sue implicazioni a spiegare il pit lontano perdurare della polemica, anche quando forse gli echi e le memorie dei fatti si erano affievoliti. La polemica stessa, del resto, si era aperta subito. Agli anni tra il 347 e il 350 risale quasi certamente il De eo quod odio sint mundo Dei servi, trattato perduto del donatista Vitellius Afer‘. Cronologicamente non distanti, rappresentative anch’esse, in ogni caso, di tradizioni e punti di vista formatisi « a caldo », sono le passiones donatiste di Isaac e Maximianus ¢ quella di Marculus*. Di prese di posizione cattoliche, se si eccettua la parte iniziale degli atti del concilio di Cartagine, non rimangono tracce sino ad Ottato. Il corpo del presente articolo é dedicato all’approfondimento di alcuni passaggi del III libro di Ottato, fonte essenziale di tutta questa temperie, icasticamente ¢ il 321 —i due estremi di quel primo momento di legislazione antidonatista — vd. Sermo de passione Donati, 2-3, PL 8, 753 s., cf. ora in J.-L. MAIER, op. cit. p. 203 s. Vd. qui oltre n, 28. Cf, anche Euseb, Vita Const, m, 22 (PG 20, 1084). 3. Nell’esordio de! concilio cartaginese cosi Gratus introduce i lavori : « Gratias deo omnipo- tenti et Christo Jesu qui dedit malis schismatibus finem... qui imperavit religiosissimo Constanti imperatori ut votum gereret unitatis et mitteret ministros operis sancti, famulos dei Paulum et Macarium », ed, MAIER, op. cit, p. 293, E’ nota l’esistenza di un decreto di Costante che rimise in vigore i prowedimenti repressivi del padre. Per le fonti e la bibliografia vd. ancora Mater, op. cit, p. 257, n.7, La questione se la decisione giuridica di Costante abbia preceduto la fase “informale ’ della missione o se piuttosto sia stata una conseguenza della dura reazione donatista va risolta in quest’ultimo senso, Aug. contra ep. Parm. I, 11, 18 (CSEL 51, p. 21), cf. Y. Conaar, BA 28, p. 733 ; GRASMUCK, op. cit, p. 117, 4, Gennadius De viris inlustribus, ed. E.C. RICHARDSON, Texte und Untersuchungen 14, Leipzig 1896, 1v p. 62. Su Vitellius Afer cf. anche P, Monceaux, Histoire littéraire de Afrique chrétienne, 5, Paris 1920, pp. 144-148. 5. Ora raccolte, con note e brevi introd., nella ed. di Mater, pp. 256-291, Sicuramente autentiche, esse differiscono per ambientazione, valore letterario e prob. per data di composi- zione, seppure uniformi nei contenuti. Per l'aspetto letterario yd. MONCEAUX, op. cit, 5, pp, 69-98. 44 GIOVANNI A, CECCONI definita dai donatisti Macariana tempora (0 Macariana persecutio)’. In generale, la discussione storiografica ha visto in Ottato in primo luogo un testimone del grave malessere sociale e religioso del periodo da lui descritto e si é specialmente interessata, ancora molto di recente, del problema dei circoncellioni’ ; rilievo insufficiente, a nostro giudizio, é stato invece dato ai riflessi che gli eventi politici di quegli anni ebbero sulla polemica e ad Ottato come controversista*. Dal testo che ci interessa pud cogliersi con particolare chiarezza la elaborazione ottaziana di una linea propagandistica, in strettissimo legame con la dinamica dei fatti, che pare riemergere solo frammentariamente nella successiva evoluzione della contro- versia. Attraverso l’appellarsi consapevole all’ideologia elemosinaria, essa doveva tuttavia essere dotata di una sua intrinseca efficacia, proponendosi come risposta quantomeno d’occasione all’atteggiamento degli scismatici. Il suo significato, nell’economia del libro e della vicenda macariana, in rapporto alla questione del martirio —fondamentale fra i problemi posti dalla morfologia del conflitto cattolico/donatista, non solo sotto i! profilo concettuale — sara al centro della nostra indagine. I, — LA VERSIONE CATTOLICA : UNA MISSIONE BENEFICA Pur avendo concepito una divisione della materia, Ottato non offre al lettore un’opera nel suo complesso organicamente strutturata né rispondente allo schema, che sara tipico poi di Agostino, di confutazioni sistematiche di trattati donatisti. L’impressione che si ricava é piuttosto, per i resoconti ¢ le digressioni che si incalzano (talvolta persino ostacolando la comprensione del concatenamento delle idee), quella di un imponente afiresco di storia religiosa’. 6. O ancora, Macarii saevitia ; tempus/tempora Macarii, vd. per i tiferimenti A. MANDOUZE, Prosopographie cit., s.v. Macarius 1, p. 658. 7. Per ultimo, A. Gorton, Circumcelliones : The Ideology behind their Activities, in : Forms of Control and Subordination in Antiquity (Proceedings of the Int. Symposium for Studies on Ancient World, January 1986, Tokyo), Leiden-New-York-Kgbenhaven-Kéin 1988, pp. 303-311. 8. Complessivo su Ottato é MONCEAUX, op. cit. 5, pp. 241-306, Sul polemista manca uno studio esaustivo che vada oltre tematiche meramente teologiche. Utile soprattutto sotto quest’ultimo profilo ¢ il lavoro di O.R. VASSALL-PHILLips, The Work of S. Optatus Bishop of Milevis against the Donatists (trad. e note), London 1917, pp. 120-179 per il IIT libro, alla fine del quale é unito VII, 6-7 dell’ed. Ziwsa (vd. sotto n. 9). Importanti sono anche i riferimenti sparsi in quella miniera di notizie costituita dalla collezione della Bibliothéque Augustinienne (BA) ¢ in part. dai voll, 28-32 dedicati ai Traités Anti-Donatistes. L’opera di Ottato é stata di recente tradotta per la prima volta in italiano, da L. DaTTRINO, sotto il titolo La vera Chiesa, Roma 1988, 9. Sulla divisione della materia, Optat. I, 7, CSEL 26 p.9, ed. C. Ziwsa, Pragae- Vindobonae-Lipsiae 1893, di cui seguiremo il testo (per il terzo libro pp. 67-101). Incongruenze della esposizione gid notate da MONCEAUX cit., p. 259 ; 281. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 45 Tendente a fornire una risposta alla /aceratio verbale degli operarii unitatis fatta da Parmeniano”, anche il III libro procede essenzialmente mediante associazioni e passaggi logici ed é privo di lineare composizione interna. La chiave di lettura che qui ne proponiamo é costituita dalla contrapposizione (certo non meccanica, come vedremo) dell’ideale caritatevole, avocato a sé da parte cattolica, all’esaltazione donatista del martirio. Cerchiamo ora di seguire lo sviluppo dei ragionamento ottaziano, con un indispensabile procedimento di tipo espositivo, onde giustificare il nostro assunto. Presentata inizialmente la traccia che dichiara di voler seguire’’, Ottato affronta il tema che copre i §§ 1-2: la severita dei commissari imperiali ¢ stata forzata da{l’intemperante oltranzismo donatista'! La giustificazione dell’impiego della forza da parte delle autorita statali é introdotta con alcuni particolari significativi per la nostra prospettiva e che troveranno piti oltre coerente ripresa. Macario fu costretto alla repressione ad se, et ad ea, quae ferebat, tutanda. Egli dovette quindi proteggere oltre che se stesso i beni destinati alle distribuzioni. Subito dopo é 10. «A te unitatis lacerati sunt operarii» (I, 6, p.9, 4-5). Su Parmeniano, destinatario dell’opera e successore di Donato al seggio cartaginese, cf. Y. Concar, Bd 28, p. 718 s., oltre naturalmente alla Prosopographie chrétienne cit. L’epiteto di 0. (u.) dato a Macario e Paolo — cf. anche p.es. II, 19 — & semanticamente connesso con le opere di caritd, In Cipriano operarius (da solo) @ sinonimo di misericors, © sono presenti analoghi significati in Ambrogio e Gerolamo. H. Petré, Caritas, Etude sur le vocabulaire latin de la charité chrétienne, Louvain 1948, ritiene addirittura che il termine finisse con I’assumere il valore di ‘ aum@nier ’ (p. 264, n. 6), vd. pp. 264-266 con i diversi riferimenti letterari. Il fatto che Ottato (non considerato dalla Petré) scelga proprio il termine o., alla luce di cié che noteremo in seguito, pud non essere casuale ; egli voleva designare i fattori o ministri di unita, ma forse con un ben preciso richiamo ai mezzi caritativi da essi impiegati. Tale elemento é sfuggito a VassaLt-PHILuPs, op. cit,, p. 13 n.2. : 11, Optat, Il, 1 (p. 67, 3-5), 12. Per liniziale accusa mossa ai donatisti in quanto « basilicas fecerunt non necessarias » (IL, 1 of. 1, 10; TV, 6) vd. VASSALL-PHILLIPs, op. cit., p. 121 n. 3, che ne sottovaluta la natura polemica ; cf. anche B.H. WARMINGTON, The North African Provinces from Diocletian to the Vandal Conquest, Cambridge 1954, p. 82. Ottato pensa al significato simbolico del Tempio di Dio unico (cf. § 2 con citazioni bibliche) ; non necessariae, anzitutto, perché nate dallo scisma € perché i luoghi di culto devono essere comuni a tutti i membri della Chiesa universale. Ma se si assume che la valenza e la scelta lessicale siano pregnanti, in base al contesto ¢ a quanto O. dira, allora l’espressione potrebbe valutarsi — in virta della distinzione fra superfluo e necessario per il buon uso della ricchezza (p.es. IT Cor, 8-9 ; Aug, sermo 61, 12; in ep. Io. tract. vi, 1) — come una pitt sottile e anticipata allusione contro i vescovi donatisti, cf. avanti n. 18. I fedeli (lettori) dovevano ormai saper cogliere che cid che non rispondesse ad un superiore concetto di utilias era criticabile, vd. ad es., per il rapporto superfluo/necessario in relazione all’edilizia ecclesiastica ¢ alle sue spesso pericolose connotazioni temporalistiche, Ambr. de off: min. II, 21, 110; Possidius Vita Aug. xxv, 13 ¢ il bell’aneddoto in Palladius Dialogue sur la vie de Jean Chrysostome Vi, 62 (SC 341, ed. A.-M. Mauinorey, Paris 1988, p. 132). Il rimando, esplicito © sotteso, alla critica cristiana verso la tradizione evergetica ¢, in questi e altri analoghi passi, evidente, 46 GIOVANNI A. CECCONI messa sul tappeto la fondamentale distinzione fra persecuzione pagana e pseudo- persecuzione degli imperatori cristiani (ripresa specialmente al § 8, questione rilevante per capire il profondo divario che separava dalle posizioni cattoliche la corrente pili estremista dei donatisti). Per il Milevitano vi furono solo esortazioni all’unita, nessuna imposizione equiparabile nelle forme alle « vere » persecuzioni pagane. Niente, insomma, di cié che suole generare martirio”’. Per quanto non sia intendimento di questo lavoro approfondire lo sfaccettato problema del rapporto fra i due partiti cristiani d’Africa e il potere centrale, bisogna tuttavia tenere presente che proprio esso costitui lo sfondo della polemica che ci interessa e al tempo stesso evidenziare che siamo di fronte ad un punto di controversia di notevole spessore’*, Della rigorosa avversione donatista verso Vinterferenza statale negli affari ecclesiastici — che emerge peraltro senza ambi- guita solo dall’immagine che danno le fonti scismatiche — sono state individuate le profonde radici nella tradizione culturale di derivazione giudaico-apocalittica’*. Coerentemente con fa loro vocazione eroica — risvegliata dai frequenti soprassalti di intolleranza —, presso i donatisti (o almeno settori del movimento) la conver- sione costantiniana rappresenta un fatto trascurabile, l’atteggiamento verso i tempi contemporanei é, nella sostanza, quello delle comunita cristiane del IIT secolo'’. Che il potere politico ¢ le sue emanazioni siano dipinti come forze demoniache é ben rinvenibile, ad esempio, nelle passioni dei martiri donatisti vittime della Macariana persecutio. Nella relazione sul martirio di Marculus, prima della 13, « Nulli dictum est : nega deum, nulli dictum est : incende testamentum, nulli dictum est : aut tus pone aut basilicas dirue ; istae enim res solent martyria generare, Renuntiata est unitas ; sola fuerant hortamenta... sola, ut supra diximus, fuerant hortamenta. Timuistis omnes, fugistis, trepidastis... » (IIT, 1 p. 68, 8-15). 14, Sulla visione contrapposta — peraltro da non estremizzare — del ruolo delle autorita civili e sulla peculiarita della posizione legittimista di Ottato, W.H.C. Frenp, The Roman Empire in the Eyes of Western Schismatics during the Fourth Century A.D., Misc. Hist. Eccl. 1, Louvain 1961 ora in: Religion Popular and Unpopular in the Early Christian Centuries, London 1976, X pp. 9-22 (12 s,), Non ho potuto consultare L. ViscHER, Basilius der Grosse, Basel 1953, che dedica il cap. 4 al ‘ Kirchenbegriff’ di Ottato. 15, Accomuna i donatisti al destino di problematica integrazione di altre correnti religiose occidentali entro una societa —¢ di fronte ad uno Stato — non pil, o in maniera diversa, nemici il FREND, art, cit., p. 20 s., che insiste sulle difficolta di rivedere il modello apocalittico ; cf. anche Timportante messa a punto di R.A. Markus, Christianity and Dissent in Roman North Africa : Changing Perspectives in Recent Work, Studies in Church History 9, Cambridge 1972, ora in From Augustine to Gregory the Great, London 1983, pp. 21-36 (25-33). Il significato della posizione donatista deve anche, pit) semplicemente, essere individuato tenendo conto delle esigenze e del contesto di una lotta politica che vide la Chiesa ortodossa appoggiata nel IV sec, —con l’eccezione di Giuliano — dal Centro. 16, Y. CONGAR, BA 28 pp. 37 88. ; FREND, art. cit., part. p. 16 € ID., The Rise of Christianity, London 1984, p. 492; 514 n, 100. Anche la lettura delle relazioni di Isaac et Maximianus e di Marculus é eloquente in questo senso. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 47 narrazione pit propriamente agiografica, si toccano in breve le vicende storiche della repressione antidonatista sotto Costante. L’invio dei commissari é stato ordinato da un sovrano empio e illegittimo (ed é degno di considerazione lo stretto rapporto che scorgiamo nella propaganda scismatica fra sacrilegium e unitas ecclesiae, intesa come pacificazione imposta con i traditori da un imperatore tirannico e persecutore)'’; esso ha una finalita ben chiara, ad unitatem cum traditoribus faciendam (Passio Marculi, 3). Le ragioni di fondo appena richiamate aiutano a motivare l’interpretazione pit circostanziata — antitetica rispetto alla cattolica — degli obbiettivi della missione. Meno paradossale appare quindi, seppur curiosa e significativa della vivacita di una polemica a distanza strutturantesi per precise antinomie, la locuzione in senso contrario di Ottato : dopo aver parlato di « sole esortazioni » e delle ingiustificate reazioni di panico dei donatisti, egli dice che Macario e Paolo erano stati inviati primitus non ad unitatem faciendam, e poi insiste sul peculiare carattere dell’inter- vento, sed cum eleemosynis (§ 1 et § 3). Limitiamoci per ora a constatare la contrapposizione assoluta delle due ricostruzioni (né l’avverbio primitus cambia alcunché, ma casomai scandisce l’innegabile, provocata degenerazione dei com- portamenti cattolici successivi, cf. il nullus erat primitus terror della fine del 1° paragrafo), non senza rilevare come la precisazione ottaziana sed cum etc. funga in certo modo da elemento discriminante e condizione di non scadimento in forme meno « positive » di coercizione, da argumentum — nel seguito ampia- mente sviluppato — di buona volonta. Se il § 2 costituisce una sorta di parentesi parenetica dentro la quale — mediante un largo impiego di parabole e luoghi biblici — é contenuta l’esortazione rivolta ai donatisti di recedere dal loro errore, ricondotto in particolare alla colpa insita nella rebaptizatio quasi emblema dello scisma"®, esso permette al tempo stesso a Ottato di richiamare il vizio originario, « cromosomico », degli ayversari avvian- dosi a trattarne le disfunzioni nel loro manifestarsi storico. La descrizione degli eventi, che culminera nel celebre § 4, é in quello precedente appena introdotta, per essere subito deviata, stavolta davvero in una direzione precisamente propa- gandistica”. 17. Attraverso una serie di significative iuneturae, gli autori delle passioni in questione (vd. n. precedente) attuano un chiaro capovolgimento della valenza giuridica corrente di sacrile- gium| sacrilegus: sono qui sacrilegi i cattolici ¢ i loro alleati che applicano la legge (terrena, trasgredendo quella divina), in ultima analisi 'imperatore stesso vd. P. Isaac et Max. 3; 6; P. Marc. 4; 11. Bisogna altresi ricordare che le accuse di traditio ¢ persecutio non erano appannaggio esclusivo dei donatisti, vd. A, MANDOUZE, Saint Augustin. L’aventure de la raison et de la grace, Paris 1968, pp. 339-341, 387. La stessa cosa vale per il termine sacrilegium & simili (cf. in Ottato II, 17). 18, Ottato dedica alla questione battesimale il V libro (CSEL 26, pp. 118-141). Nello stesso THI, 2, inserito nella cornice teologica che caratterizza il paragrafo, V’é ancora un cenno al problema delle ‘ basiliche non necessarie *: « in qua sola (sc. Africa) cur sufficerent templa dei, quae fuerant, alia facere voluerunt principes vestri » (p. 72, 2-3), of. sopra n, 12. 19, Sulla legittimita del ricorso al concetto di propaganda in materia religiosa si veda 48 GIOVANNI A. CECCONT Ottato ricorda gli scopi fraternizzanti della missione e riferisce la celebre apostrofe (‘ Quid est imperatori cum Ecclesia?') con cui Donato reagi, inviando parimenti una lettera circolare alle comunita periferiche affinché non ci si lasciasse attrarre dalle profferte. Attacca poi il comportamento e [a leadership di Donato”. Da un punto di vista propagandistico, ¢ Ja sezione pit importante dell’intero libro. Non solo perché di gran lunga Ja pit estesa, ma anche in ragione dell’energia dell’offensiva contro il donatismo, attraverso originali argomentazioni ad hominem tese a minare il prestigio (intatto ancorché postumo) del capo eponimo del movimento. Centrale e assolutamente dominante appare a questo scopo il ruolo svolto dall’ ideologia elemosinaria, che Ottato evidenzia attraverso una sapiente operazione stilistica, generosa di schemi retorici”". 11 suo ragionamento si snoda a partire dall'imputazione delle colpe : «(...) ostendam operarios ejus (sc. unitatis) non pro voluntate nostra nec sua malitia aliquid fecisse, sed provocantibus atque impellentibus causis et personis, quas Donatus Carthaginis de levitate sua constituit, dum magnum se videri contendit. (...) quis negare potest rem, cui tota Carthago principaliter testis est, imperatorem Constantem Paulum et Macarium primitus non ad faciendam unitatem misisse, sed cum eleemosynis, quibus sublevata per ecclesias singulas posset respirare, vestiri, pasci, gaudere paupertas? Qui cum ad Donatum, patrem tuum, venirent ef, quare venerant, indicarent, ille solito furore succensus, in haec verba prorupit : ‘ quid est imperatori cum Ecclesia 2” » Prima della frase con Ja quale Donato asserisce la propria metodica intransi- genza ad ogni contatto con le potesta laiche, due elementi interessano : da un lato il cenno alla superbia terrena di D. (« magnum se videri contendit »), tema che presto sara ripreso per un pit: ampio e organico svolgimento, laddove !’attacco alla cupidigia di onori del primate non é in nessun modo avulsa dalla prospettiva « elemosinaria » ; dall’altro il riftuto dei doni cattolici, all’esaltazione delle cui finalita misericordiose contribuisce I’impiego di figure retoriche”. Non trascura- bile é ugualmente il fatto che Ottato si cura di rilevare quale unica causa determinante la reazione di D. il « cum... quare yenerant indicarent ». soprattutto AA. VV., Aspects de la propagande religieuse, Genéve 1957, con una definizione efficace nel saggio di D. Canmimors, ibid, p. 342 ; vd. anche AA. VV., Propagande et contre- propagande religieuse, J. Marx ed., Bruxelles 1987. 20. Per l’apostrofe di Donato (e per il passo che attesta I'invio di missive da parte del vescovo di Cartagine) cf. avanti nel testo ; ad essa segue l'altrettanto celebre replica di Ottato : « Non enim respublica est in Ecclesia, sed Ecclesia in epublica est, id est, in imperio Romano » (p. 74, 3-5). 21, Sull’educazione liberale di Ottato, cf. Aug. de doci. chr. Il, 146 (CSEL 80, p. 76 = Il, 40, 61 CCL 32, p. 74), per un accenno. 22. Optat. III, 3 (p. 73, 8-20). 23. Asindeto, climax, interrogazione retorica, che risaltano con la rapida reazione di Donato. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO III 49 Poco oltre, nel vivo della discussione sul rapporto fra Stato e Chiesa, mentre viene sviluppato il concetto della collaborazione con la respublica, & detto : « Merito Paulus docet orandum esse pro regibus et potestatibus, etiamsi talis imperator esset, qui gentiliter viveret ; quanto magis quod christianus, quanto quod deum timens, quanto quod religiosus, quanto quod misericors, ut ipsa res probat! Miserat enim orna- menta domibus det, miserat pauperibus eleemosynam, nihil Donato, Cut ergo insanivit ? Cur iratus est ? Cur, quod missum fuerat, repudiavit ? Et cum illi, qui missi fuerant, dicerent se ire per provincias singulas et volentibus accipere se daturos, ille dixit ubique se litteras praemisisse, ne fd, quod adlatum Juerat, pauperibus alicubi dispensaretur, O eonsulere iiseris | O providere pauperibus | O peccatoribus subvenire! (...) Si iam dicat deus Donato : ‘episcope, quid vis fuisse Constantem? Si innocentem, quare ab innocente accipere noluisti ? Si peccatorem, quare non permisisti dare, propter quem feci pauperem ? Sub hac interrogatione qualis futurus est? Quid de levitate et furore laboravit tantls paupertbus Impedire? Carthaginis principatum se tenuisse crediderat (...)". » In base a questo brano le modalita delle elargizioni possono essere cosi ricomposte : gli operarif unitatis, latori di tesori destinati ad alleviare i bisognosi indipendentemente dalla appartenenza all’una o all’altra chiesa (prescindendo dal problema del significato reale di tale « appartenenza » in un quadro partitico quale quello afticano), avevano il compito di percorrere a questo scopo le varie province. Si tratta di intuire come avvennero le distribuzioni, in primo luogo per quanto riguarda la presunta intrusione in ambiti comunitari donatisti. Ipotesi verosimili ci pare siano due. La prima, attraverso il coinvolgimento dei vertici e di gruppi preposti all’interno della organizzazione ecclesiastica donatista ; su di essi — che con il sussidio probabile di poco leciti incentivi o prospettive di utili contropartite si sara tentato in qualche modo di lusingare per ottenere una reintegrazione nella ortodossia — bene avrebbe potuto intervenire il veto di Donato « il Grande », ne... pauperibus alicubi dispensaretur ¢ altre espressioni simili (vd. testo citato)* ; ¢ evidente che in tal caso l’appello di Donato avrebbe avuto maggiori possibilita tecniche di impedire le distribuzioni senza uscire dalla legalita, Pit probabile — anche, appunto, come fattore scatenante delle tensioni sociali ¢ delle modalita dei disordini che sopravvennero sanguinosi (si ricordi le difese approntate dentro la basilica di Bagai) — appare tuttayia che Macario e Paolo, nel corso del loro tragitto, in modo appariscente bandissero le distribuzioni eseguendole, se non realmente nelle strade ¢ nelle piazze cittadine, nelle chiese quale lnogo di elezione per elemosine. Tale dinamica sembra coerente con l’inizio del § 4 ( Veniebant 24, Optat. III, 3 (p. 74 s.). per la punteggiatura in alcuni punti si conserva la versione di PL 11, col. 1000 s., ed. Du Pin, 25, B’ lampante qui operazione distorsiva compiuta da O. : egli certamente, a suo modo, va al nocciolo delle disposizioni date dal vescovo donatista di Cartagine, le quali pero saranno state owiamente motivate in maniera piii complessa né avranno mai potuto esprimersi nei termini semplificati riportati da Ottato. 50 GIOVANNI A. CECCONI Paulus et Macarius, qui pauperes ubique dispungerent, et ad unitatem singulos hortarentur) e in genere con l'insistenza sul carattere itinerante della missione™*. Ma quali furono le ragioni, non riconducibili a mera chiusura settaria, che spinsero all’atteggiamento donatista? Quali immoralita erano colte nelle elargi- zioni? Certo, come gia osservé il Baronius, non si dovevano accettare regali da parte di peccatori, comportamento che del resto, sul piano della prassi, avrebbe permesso di riaffermare i principi ideali di non attaccamento alle ricchezze”’. Inoltre, dall’analoga dinamica storica cui allude il Sermo de passione Donati (fonte di primo piano sulla repressione d’eta costantiniana), si ricava che il ‘ no * donatista voleva costituire una barricata contro il metodico e indiscriminato far leva del potere cattolico su bassi sentimenti di avarizia e vanagloria della gente, con il palese strumento della corruzione*. Opporsi alla corruzione volle dire, a quel tempo, come spiega orgogliosamente !’autore del sermone, provocare la coercizione. Con occhio sostanzialmente non diyerso dovette essere guardato anche il significato della missione caritativa che qui interessa, tanto vantata dai cattolici”’, Occorre ribattere, ritornando all’aspetto libellistico, sullo sforzo, che ci pare importante, di restituire la massima efficacia alle argomentazioni, nel passaggio citato particolarmente eclatante. Difficilmente avrebbe potuto esprimersi con maggiore enfasi retorica e abilita l'irriducibile settarismo donatista: Donato ha anteposto al santo dovere dell’esercizio della carita la difesa di un errore, la divisione della Chiesa unita (miserat — si intende Costante — pauperibus eleemosy- nam, nihil Donato ; e pitt avanti allo stesso modo, verso la fine del paragrafo, quod Constans christianus imperator tunc miserat, pauperibus transmiserat, non Donato, ma cf. un po’ tutta questa parte)”. E’ avvenuto un fatto gravissimo, lo schieramento donatista ha, col suo capo e simbolo, finito per negare ai poveri(anche propri)—e si noti l'uso ripetuto del termine pauper, l’oggetto trasgredito di carita — i soccorsi 26. Dal confronto fra II], 12 ¢ VII, 6 — che contiene una ulteriore difesa di Macario, qui dall’accusa di esservi arrogato funzioni vescovili — il GrasMUcK, op. cit, p. 115, n. 581, ricava che i funzionari utilizzassero le messe per assolvere al loro incarico. 27. Barontus, Annales Ecclesiastici, Lucae 1739, vol. 4, pp. 464 ss, (466). Sul dibattuto problema della Chiesa donatista come Ecclesia pauperum cf. alcune considerazioni in conclu- sione. 28. Sermo de passione sancti ep Donati Abiocalensis, 2-3 (ed, Maier p. 203 s.) :«... non solum oblectans (sc. Diabolus = imperatore) inani gloria miseros, sed et regali amicitia muneribusque terrenis circumscribens avaros... mittit pecunias quibus vel fidem caperet vel professione legis occasionem faceret avaritiae. Sed cum his omnibus illecebrantibus tentamentis rigidus atque inflexibilis tenor iustitiae devotius obsisteret, iubentur intervenire iudices ; cogun- tur ut cogant saeculi potestates. » 29, Probabilmente allude a siffatto tipo di inganno P, Marculi 3: «Sed Macarius, qui ex duabus bestiis taetrior fuit, cum hoc negotio sanguinis in reliquis provinciis per subtilitatem diu attentasset... » 30. Immotivato dubbio interpretativo in VAssaLL-PHILLirs, op. cit, p. 133 n. 6. _ ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 51 inviati a loro espressamente da un imperatore cristiano*!. Ottato non manca di rilevare come doppiamente riprovevole sia il comportamento del leader dissidente : nonostante l’apostolo insegni che bisogna sostenere e pregare anche per gli imperatori pagani, e pertanto a maggior ragione appoggiare monarchi religiosi e misericordiosi, Donato si sottrae all’una e all’altra cosa. L’immagine di un dialogo fra Dio ¢ il primate di Cartagine amplia ancora le prospettive, sulla base di un luogo biblico, giacché interporsi all’esecuzione del disegno assistenziale (non permisisti dare, propter quem feci pauperem) ha ostacolato la possibilita della remissione dei peccati attraverso la beneficenza. Tutto cid costituisce una forma di mancanza di carita”, La successiva digressione é fondata sulla similitudine fra Donato e il Principe di Tiro (vd. Ezech., XXVIII, 2), citta che simboleggia Cartagine™. Egli é il prototipo della superbia e dell’arroganza, al punto da mettersi in competizione con Dio, ma naturalmente non il simbolo di tutti i re. Il legame concettuale con cid che precede é evidente. Se da un lato infatti Ottato, attraverso il presente fatto storico, individua in Donato non solo indifferenza, ma addirittura ostilita verso i poveri (p. es. quid de levitate et furore laboravit tantis pauperibus impedire?) dall’altro ne spiega le ragioni con la brama di (vana)gloria del vescovo donatista, caratterizzato con tutti i deteriori attributi del capoparte. La critica al desiderio di ottenere riconoscimenti terreni, quale nel nostro caso il c.d. principatus di Cartagine, viene condotta con gli stessi strumenti intellettuali utilizzati dalla patristica per attaccare l’evergetismo —e per riproporre la vera alternativa ad esso, la carita cristiana. In Agostino le assonanze lessicali sono sensibili*. I] potere tanto cercato non é scindibile dalle 31. Tsoccorsi non hanno niente a che vedere con la divisione dei fedeli, intende Ottato, non sono esclusivamente per la chiesa di Donato —ma anche per i suoi poveri—: la finalita alleviare cristianamente ed ecumenicamente tutti i necessitosi.. 32. Cf. Eccli. 3, 30, Ottato sfrutta al meglio lo spettro di possibilita polemiche che il contesto ali offre. Al rapporto fra la caritd quale virtd e le opere buone che ne constituiscono un aspetto, é dedicata la parte 3 (‘Les ceuvres de charité ") dell'importante studio storico-linguistico di H. Pett, Caritas cit, pp. 175 ss. ; of. anche Aug. in I ep. Io. tract, vi, 1 (SC 75, p. 276). 33, «Et cum super imperatorem non sit nisi solus deus, qui fecit imperatorem, dum se Donatus super imperatorem extollit, iam quasi hominum excesserat metas, ut prope se deum, non hominem aestimaret non reverendo eum, qui post deum ab hominibus timebatur. Denique per Ezechiclem increpat spiritus sanctus principem Tyri, id est principem Carthaginis... Hoc modo exaltatum est cor ejus, ut sibi iam non homo sed deus fuisse videretur. Denique et in ore populi raro est appellatus episcopus sed Donatus Carthaginis dicebatur. Et merito princeps Tyri, id est Cathaginis appellari et increpari meruit, etc. » (III, 3, p. 75s., 10ss). Cf, Aug. ep. ad cath. de secta donat, xvi, 42 (CSEL 52, p. 287 ; BA 28, p. 624 s., ove si rileva la dipendenza da Ottato). 34, E? interessante il confronto con alcuni versi del Psalmus contra partem Donati (operetta composta appositamente da Agostino per i canti dei piii umili, affinché essi fossero istruiti contro li scismatici, dunque di grande rilevanza in relazione alla propaganda e a determinati suoi meccanismi di azione) : « Honores vanos qui quaerit non, vult cum Christo regnare/sicut princeps 52 GIOVANNI A. CECCONI strutture partitiche che lo possono concedere. Questo é il motivo per cui Donato le vuole difendere e rinsaldare, con qualsiasi mezzo**. Della circolarita conseguente nel procedimento polemico del Milevitano rius- ciamo per il momento a scorgere i primi tratteggiamenti : assenza di misericordia = volonta di successo temporale = spirito di fazione. II disegno sara compiuto alla fine della sezione. L’articolarsi del § 3, che abbiamo fin qui seguito, fornisce gia bastevole materia a favore del peso attribuito da Ottato a tutta una serie di argomentazioni complesse, che confluiscono variamente, quando non esplicite, nell’esaltazione della carita cristiana e degli stimoli spirituali che la muovono, in polemica — tanto pit interessante in quanto relativamente immune da una tipologia prestabilita®* — con il vescovo scismatico di Cartagine e i suoi seguaci. Comunque, prima del termine della sezione, laddove si fa riferimento all’autorita di Daniele e alla sua figura quale personaggio biblico, v’é un significativo paragone fra Donato e Daniele, nell’analisi sottile dei due « rifiuti » dei doni inviati dalle autorita politiche, al quale segue il tichiamo — anch’esso dotato di valenza particolare — al rapporto fra il re Nabu- chodonosor e lo stesso Daniel : «(..) putavit (sc. Donato) se Daniele esse sapientiorem in repudiandis muneribus regis, dum accipere noluit quod ab imperatore christiano missum esse videbatur | Et visus est sibi aut Daniel novus aut sapientia Danieli praelatus, quia et ipse Daniel aliquando a Baltassarre rege cum cogeretur accipere munera, id est anulum, torquem et cetera, dixisse legitur : “dona tua tecum sint, rex’. Et sapienter respondit, et convicia regi non fecit et quod offerebatur, non damnavit sed distulit, non quo modo Donatus, qui et convicia Constanti quanta potuit dixit et, quod ab eo pauperibus missum fuerat, repudiavit. (...) Metito increpat deus principem Tyri, Donatum, cum dicit : ‘ numquid tu sapientior quam Daniel ?'. Sed o quam longe est praesumptio Donati a persona Danielis! Quod enim Baltassar dabat, Danieli dabat, non pauperibus; quod Constans christianus imperator tunc miserat, pauperibus transmiserat, non Donato. (...) Quia etiam illud ab ipso Daniele discere noluit, quod dedit Nabuchodonosor consilium, quomodo satisfaceret qui offenderat deum. ‘ Et tu, inquit, rex, audi consilium meum et placeat tibi ; peccata tua eleemosynis redime, et iniustitias tuas in miserationibus pauperum’. Daniel regi peccatori et sacrilego faciendas eleemosynas suadet ; Donatus, qui increpari meruit, Constanti imperatori christiano, ne misericors esset, obstitit. Ideo increpatur, quod eum sapientes non docuerunt sapientiam suam, qui, quod a rege huius mali, de cuius vocantur parte.) Nam Donatus tune yolebat Africam totam obtinere » (CSELS1, p. 7 w. 92-94 ; BA 28, p. 164, w. 99-101). Per l’impiego di una terminologia affine nella critica alla munificenza classica cf. p.es. Aug. serm. 32, 20 (CCL 41, p. 407). Sui rapporti fra avidita dei vescovi, importanza delle basiliche, attaccamento ai vantaggi secolari vd. Aug. ep. 208, 2; contra ep. Parm. III, 2, 8 ; cf. anche i duri cenni a Ottato di Thamugadi : anche quando trattati separatamente questi punti rientrano in una stessa categoria tematica. 35. Per Donato ‘ capoparte ' vd. il suggestivo brano in Optat. III, 3 (p. 77, 15 8s.). 36. Come ad es. i celebri topoi spesso esprimentisi con locuzioni quali fur rerum pauperum ; oppressor pupillarum, viduarum ¢ analoghe. Vd. anche Optat. VI, 2. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO III 53 missum fuerat, per se dari passus non est, Unde constat, Donatum malarum fontem fuisse causarum”, » Riprendiamo per un attimo le fila di quest’ultima parte, che ci é sembrato opportuno citare quasi integralmente. Senza entrare nel merito, del resto marginale in questa sede, di possibili approcci mediati al Libro di Daniele, é indubbiamente notevole !’utilizzazione ottaziana di tv, 24 e v, 17. Laddove il profeta allontand — senza arroganza — i doni offertigli da Baltassar, Donato non volle accettare — con opposto atteggiamento — cid che fu elargito da Costante. Non solo, ma cid che il re babilonese porse a Daniel era dato a lui personalmente, mentre ai poveri delle comunita, non al loro patriarca, erani indirizzate le elemosine di Costante. Spostandosi poi al rapporto fra Daniel e Nabuchodonosor — il re della « conver- sione », simbolo tradizionale e quasi personificazione del destino cristiano dell’im- pero romano™, Ottato ha modo di concludere con la massima efficacia questo basilare terzo paragrafo : al biblico Daniel, che riesce a spingere all’elemosina un re sacrilego e colpevole, corrisponde in negativo I’alterigia e la durezza di Donato, nemico della misericordia cristiana, colui che si interpone in modo quasi fisico fra l’elemosina e i poveri cui essa é destinata. La martellante, ossessiva, ripetitivita, pur variamente modulata, degli argomenti facenti leva sulla concezione caritatevole copre da cima a fondo la sezione che immediatamente precede la ripresa della narrazione degli eventi, costituendo di questa, che potremmo considerare la prima parte del III libro (in tal senso ha un carattere riepilogativo pit forte che altrove la chiusa Unde constat etc. e la ripresa successiva), il nodo centrale. Quegli argomenti hanno una tale incisivita cumulativa che non ci sembra il caso di fare ulteriori commenti”. - Il «messaggio » lanciato da Ottato era di quelli che meglio si potevano inserire in un sistema di valori nel quale la morale della beneficenza sara stata uno dei canali di pit semplice comunicazione, e di maggiore ricettivita, fra i vescovi e i fedeli, Anche per questo, oltre che in virti dello stile scelto per esprimerlo, pud a pieno titolo definirsi propagandistico. Il successo del motivo ottaziano é testimoniato da Agostino, e fu certamente piuttosto diffuso nel milieu cattolico africano della seconda meta del tv sec., cosi facile da usare anche nei pitt amichevoli !azzi quotidiani all’interno delle famiglie a composizione mista‘ o a livello locale. 37. Optat. III, 3 (pp. 79-81). 38, Aug. contra Cresc. Il, 51, 56 (CSEL 52, p. 462) ; contra lit, Pet, II, 92, 204 (CSEL 52, p. 128). Esempi iconografici, of. J. MarrHEws, Western Aristocracies and Imperial Court, Oxford 1975, p. 198 ss. 39. Si dovra piuttosto — ¢ lo faremo in sede di conclusioni — cercare di capime fino in fondo il significato, dopo aver dato un quadro pi completo di tutto il libro. 40, Per le dissensioni religiose in ambiti familiari e pressioni di vario tipo verso riunificazioni, vd. Optat, Il, 15 ; ITT, 10 ; Aug. in ep. fo. tract. II, 7; Brev. Hipp. can, 14 (CCL 149, p. 37). 54 GIOVANNI A. CECCONI Nel Psalmus contra partem Donati — ed é un dato interessante, come abbiamo gia notato"', per il genere letterario a scopo divulgativo — l’allora sacerdote Agostino dimostra di essere fortemente influenzato da Ottato, con il riferimento a Paolo e alla cristianita degli imperatori, cui succedono i versi (282ss.): Quando enim dona miserunt noluistis acceptare/ et obliti estis prophetas, qui illud praedixe- runt ante,| quod gentium reges magni missuri essent dona ecclesiae. | Quae dona cum respuistis, ostendistis vos non esse/ et Macharium coegistis suum dolorem vindicaré”. Sebbene in precedenza abbia ammesso gli eccessi repressivi, Agostino sottolinea che Macario fu costretto a procedere duramente. Il rifiuto della generosita cattolica, che poi ¢ il rifiuto della pax ecclesiae, giustifica l’intervento militare, e questo si colloca cronologicamente in un’epoca in cui la riflessione agostiniana non ra ancora giunta a teorizzare compiutamente la bonta della coercizione statale nel campo religioso. Egli, insomma, ripropone, ossificando il contenuto essenziale ai suoi fini, cid che con maggior respiro aveva detto Ottato. E’ come se si cogliesse sul nascere uno schema polemico. Ma la problematica non resta isolata nell’opera di Agostino ; a nostra conoscenza, almeno in un altro passo (del Contra epistulam Parmeniani) si ricordano le opposizioni contro i latori di doni, con le susseguenti opportune leggi imperiali contro i donatisti, basate in particolare sulla confisca — non sempre portata a termine — delle basiliche*’. IL — Pseupomarmi Se la polemica tra ortodossi e dissidenti afticani si pud ridurre a due principali categorie tematiche, di norma in stretta relazione reciproca, quella a carattere ecclesiologico-sacramentale (p.es. problema del secondo battesimo, atteggiamento riguardo alla successione apostolica, concetto di E. catholica etc.) e quella che prendeva spunto dalla storia contemporanea (genesi dello scisma e diatribe sulla traditio, attacchi di ogni genere sul terreno concreto e personale talvolta basati su episodi noti di natura locale, reciproche accuse di paganesimo etc.), certamente molte di siffatte querelles confluivano — attraverso molteplici e talora contorti percorsi dialettici — nella spinosa problematica sulla rivendicazione di una retta concezione del martirio, fenomeno di cui é risaputa la centralita, particolarmente nel mondo dell’Aftica tardoromana. 41. Vedi sopra n. 34. 42. BA 28, p. 188; in CSEL 51, p. 14 = w. 273 ss. 43. Aug. contra ep. Parm.1, 11, 18 (CSEL 51, p. 40, 20 ss.) : « ... ut vis illa circumcellionum notissima praevaleret, addendo etiam insuper, ut cum donis ecclesiae quos miserat imperator per Africam euntes turbulentissimis et saevissimis seditionibus agitarent, tales in eos leges Proferebantur, ut ne ipsas quidem basilicas quae non erant unitatis... retinere sinerentur ». Sui conflitti ¢ gli strascichi giudiziari provocati dell'intervento di Macario e Paolo, F, MARTROYE, DACLIV, 2, col. 1479 en, 5; A. MANDoUuzE, Saint Augustin cit, p. 342, n. 2. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 55 Tralasciando i singoli momenti, basti qui appena accennare alle linee fondamen- tali della disputa, d’altronde ben note e recentemente riconsiderate nei lavori di V. Saxer e Y. Duval’. La chiesa degli integri, che faceva dell’appello al martirio uno dei suoi punti di forza, lascid ampio spazio a forme di devozione popolare verso martiri locali ; tendendo ad allargarne il novero, essa affiancava al culto di coloro che erano morti a seguito delle persecuzioni pagane, comune coi cattolici, quello verso individui periti in conseguenza della lotta cattolico/donatista*. Dall’altro lato la chiesa cattolica si veniva a trovare in una situazione non facile : senza scontentare le propensioni delle masse“, v’era la necesita di diversificare nella teoria come nella prassi il proprio atteggiamento rispetto agli scismatici. Le posizioni ufficiali mettevano in risalto che il martirio non era una necessita, che c’erano altri mezzi per ottenere le medesime ricompense dei martiri, tenendo un comportamento di vita veramente cristiano. Soprattutto, ’idea di fondo era che la consumazione di un martirio aveva senso e validita dentro e per l’unita della chiesa“’. L’impegno di contenimento, ai fini di evitare ogni facile volgarizzazione, si pud rilevare — nelle sue applicazioni pratiche — in primo luogo da alcuni canoni conciliari. Si tentava di rinsaldare i! controllo sul culto, ad esempio, sorvegliando certi eccessi nelle modalita celebrative (ove si fece sentire l’influsso di Ambrogio) 44, V, Saxer, Moris, martyrs, reliques en Afrique chrétienne avec premiers siécles, Paris 1980. Y. Duvat, Loca sanciorum Africae. Le culte des martyrs en Afrique du 1 au vit siécle, 2 voll., Rome 1982. CE. anche W.H.C. FREND, The Norih African Cult of Martyrs in : Jenseitsvorstellun- gen in Ant. und Christ. (Gedenkschrift fir A. Stulber), Miinster 1982, pp. 154-167 (pp. 159 ss.). 45, Sugli integrl, Y. CoNGAR, BA 28, p. 62 s, ; H.A.M, HoppEnsnouwers, Recherches sur la terminologle du martyre de Tertulllen & Lactance, Nijmegen 1961, p. 1375s. ; 161. Perun martire cattolico, contrapposto al falso martirio del donatisti, vd. l'acrostico epigrafico agostiniano in Y. Duval, op. cit, n°89, I, p. 182 s., of I, pp. 481 ss. 46. In risposta ad una certa unilateralita di Brisson (op. cif. alla n. 77), A. MaNDouze, Encore le donatisme : problémes de méthode posés par la thése de J.-P. Brisson, in AC, 29 (1960), pp. 61-107 (part, p, 78 n. 5), osservava l’errore di considerare la ammirazione esagerata verso i martirio e i martiri come una peculiarita delle folle donatiste. Sulla popolarita in Africa del culto verso i SS, Apostoli c la propaganda epigrafica si é sviluppata una discussione frail FREND, vd. spec. The Memoria Apostolorum in Roman North Africa, in JRS, 30 (1940), pp. 32-49 € P.-A. Ferrer, Martyrs, polémique et politique en Afrique (17-1 s.), in Rev. Hist. Civil. Maghreb, 1 (1966), pp.8-18, spec. 15 s.; ef. anche l'intervento di D. RaYNAL, Culte des martyrs et propagande donatiste @ Uppenna, in CT, 21 (1973), pp. 33-72, spec. p. 43. 47. Interessante Vinterpretazione di MoNcEAUX, L Spigraphie donatiste, in RPh, 33 (1909), pp. 112-161, che vede connotati tipicamente cattolici in CIL VIII, 20906 : « clausula iustitiae est/martyrium votis optare. /Habes et aliam similem : ae/lemosinam viribus facere » (p. 142). Cf. Duval, op. cit, n° 173, I, p. 365 s. Fra gli innumerevoli passi che definiscono Ia corretta visione cattolica, Aug. contra Crese. IMI, 47, 51 ; de bapt. I, 5, 6 etc. Sulla fuga come alternativa di fronte alla persecuzione, Math. X, 23. 56 GIOVANNI A. CECCONI oppure regolamentando I'inflazione di memoriae, per tamponare un’evoluzione anarchica del fenomeno e probabilmente anche per impedire che cattolici meno smaliziati venissero « catturati » dal culto di martiri dalla dubbia identita, spesso donatisti o da questi manipolabili. Oltre alle salde motivazioni di principio e alla componente politica, non doveva essere irrilevante l’aspetto economico, come una delle basi dell’uniforme irrigidimento appena delineato*. I due elementi dell’organizzazione concreta e della polemica sono naturalmente entrambi presenti nel nostro episodio. Le attestazioni archeologiche di Ksar el Kelb (Vegesela, in Numidia) confermano la vitalita straordinaria del culto di Marculus, apparentemente tanto potente anche nella localita di Nova Petra da impedirvi ogni espansione dei cattolici. I resti della basilica rivelano !a compre- senza di nove sepolture, che si é ipotizzato appartenessero ai nove vescovi, compagni di Marculus durante una missione diplomatica presso Macario, basto- nati proprio a Vegesela dai repressori (P. Marc. 3-4). Forme di venerazione erano certo diffuse parimenti per uomini (e donne) comuni, anche se le fonti ci parlano in modo specifico dei banditi circoncellioni ; si trattava in ogni caso di protagonisti di quella « épidémie suicidaire » che segno i torbidi degli anni 340, sulle cui proporzioni peraltro ¢ difficile verificare, in considerazione del fatto che le testimonianze, dirette 0 mediate, ci provengono dalle unilaterali fonti africane cattoliche®, Per quanto riguarda la compilazione di testi agiografici, si aggiunge l’esistenza di una passione perduta di Donatus di Bagai alle gia citate di Isaac et Maximianus e di Marculus*'. Di quest’ultima si ebbe una piuttosto vasta tradizione manoscritta 48, Conc. Carth. 401 d. C., can. 83 in Concilia Africae ed. Munier, Turnhout 1974, CCL 149, p. 204, B” soprattutto dall’epoca agostiniana che si hanno le pid abbondanti informazioni, tuttavia of Conc. Carth. 348/9 (345/8 Munier), can. 2 ove si allude chiaramente alla morte di Marculus come dovuta a suicidio —a testimonianza della precocita della tradizione in metito — (CCL 149, p. 4), Per anni ancora precedenti vd. part, Optat, I, 16, Per l’aspetto economico, elemento che si venne progressivamente e universalmente sviluppando con Paumen- tare dell'importanza del culto dei martii, la documentazione afficana rende note ~ per Tinizio V sec. — attivita commerciali basate sulla vendita delle reliquie ¢ opere di edilizia, queste ultime spec. notevoli in connessione alla promozione del culto di S, Stefano, p. es. Aug. de op. mon. 28 (PL 40, col. 575); serm. 356. 49. P, CourceLLe, Une seconde campagne de fouilles @ Ksar el Kelb, in MEFR, $3 (1936), pp. 166-197. Marculus @ ancora ricordato nelle Gesta Conl. Carth, del 411 (I, 187, SC 195, p. 834) ; «idem (sc. Dativus di Nova Petra) dixit ; ... Et adversarium non habeo, quia illic est domnus Marculus, cuius sanguinem Deus exiget in die iudicii, » 50. Le celebri accuse di suicidio ¢ le accuse al culto reso a martiri non canonizzati sono due facce di uno stesso problema, Sulle donne circoncellioni vd. BA 28, p. 278. C, LEPELLEY, Tuyenes et circoncellions : les derniers sacrifices humains de Afrique antique, in Ant. Afr., 15 (1980), pp. 261-271, ha analizzato il fenomeno dei suicidi collettivi, al suo culmine negli anni che ci interessano. 51. Esistenza dedotta, sulla base di clementi indiziari, da MonceAUx, Histoire cit. 5, p.81 8. Cf BA 30, p. 772. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 57 medievale. Vi sono alcuni martirologi ( Hieronymianum, Romanum) che ricordano il martirio di Marculus, non tuttavia concordi nelle date né scevri da errori ¢ interpolazioni. Il documento pit interessante é contenuto nel martirologio storico del benedettino Hrabanus Maurus che nel ix secolo lesse e compendid 1a Passio Marculi. Con un riassunto piuttosto lungo Hrabanus ci tramanda la relazione senza intendere lo scisma del celebrato : come per ironia, Costante risulta rex tyrannicus (cf. P. Marc. 5, ecce subito de Constantis regis tyrannica domo...), Macharianus (sic) e Paulus persecutores maximi! A prese di visione evidente- mente superficiali, questa passione donatista si configurava in maniera analoga a uno dei tanti Acta Martyrum precostantiniani®. La frequenza dei richiami e degli accenni pil o meno espliciti nella letteratura cristiana®, negli atti conciliari e in altri tipi di testimonianze sono la prova — se ce ne fosse bisogno — del significato riassuntivo ed esemplare che i Macariana tempora ebbero nella controversia, in primo logo trattandosi del martirio. E’ dunque nel contesto di una discussione di lunga durata, ma tanto pid vivace nel periodo relativamente vicino ai fatti quando Ottato scriveva, che va visto il contributo del vescovo milevitano. I suoi argomenti sul martirio trovano, nella sezione del III libro che andiamo a esaminare, un angolo di osservazione privilegiato™. Ricollegandosi a cid che precede®, col § 4 Ottato espone gli eventi bellici di Numidia, provocati dalla insana turba di fanatici coordinati dal yescovo di Bagai. ‘Ad essi contrappone la pacata opera conciliativa di Macario e Paolo, costretti per 52. Per la tradizione manoscritta della passione di Marculus cf, alcune osservazioni di H. DELEHAYE, Domaus Marculus, in AB, 53 (1935), pp. 81-90, Note sui martirologi Roma- num e Hieronymianum, DELEHAYE, Commentarius perpetuus in Mart. Hieronymianum, Brussels 1931 (AASS, Nov. Il, 2) p. 623; IDEM ET ALII, Martirologium Romanum... scholiis historicis instructum, Brussels 1940 (AASS, Prop. ad Acta SS, Dec), spec. p. 547. Per Vinteressante brano di Hrabanus Maurus, vd. la recente ed. di J. Mc Cuttow, CC Cont, Med., 44, Turhout 1979, p. 121. 53, Per Agostino vd. p. es. tract. in Io, ev. x1, 15 (CCL 36, p. 120) ; contra litt. Petil. 1, 14, 32; Il, 20, 46; contra Cresc. III, 49, 54, riguardanti Marculus ¢ Donatus di Bagai. Altri Tiferimenti in MANDoUzE, Prosopographie cit, pp. 655-658 (martirio -come riflesso della persecuzione). 54. E’ naturale, ma al tempo stesso significativo, che O. scelga il nostro libro per unica compiuta disamina della questione che si trovi nella sua opera. Per altri sporadici cenni vd. I, 13; 1, 16; IV, 5. 55, Optat, IIT, 4, inizio (p. 81, 9-13): « Quicguid itaque in unitate facienda aspere potuit geri, vides, frater Parmeniane, cui debeat imputari. A nobis catholicis petitum militem esse dicitis ; si ita est, quare in provincia proconsulari tunc nullus armatum militem vidit ? Veniebant Paulus et Macarius, qui pauperes ubique dispungerent... » Ottato ammette qui che in una seconda fase della missione la ricerca dell'unita fu deliberatamente condotta, anche con asprezza ; la distinzione fra questi due moment é, sotto il profilo propagandistico, fondamen- tale. 58 GIOVANNI A. CECCONI « legittima difesa » a chiedere l’intervento delle truppe del comes Silvestro®. Quasi amo’ di esempio dal quale pit’ macroscopiche risultino le responsabilita donatiste, la descrizione dell’esaltata follia degli uomini reclutati dall’ a/ter Donatus é il punto di partenza per Ja dimostrazione, in un groviglio di implicazioni polemiche su cui € impossibile soffermarsi, di alcune riflessioni principali : — anche se talora con eccessi (ma la chiesa cattolica ne é ad ogni buon conto irresponsabile) gli operarii unitatis sono apportatori di un messaggio di pace © amore verso il prossimo (§§ 4 ss. passim) ; — € falso il martirio dei dissidenti, vittime di se stessi pil che di Macario, poiché occorre distinguere attentamente fra le persecuzioni pagane fino a Diocleziano e i «sani» interventi imperiali da Costantino in poi, solo le prime essendo causa di martirio (§§ 5-8) ; — le violenze fatte ai donatisti sono state in certi casi necessarie e comandate dalla volonta divina al fine di recuperare la pax ecclesiae (§§ 9-10) ; — i donatisti sono seduttori d’anime, falsi profeti, calunniatori (§§ 11-12). All'interno di tale successione i punti che non toccano espressamente la questione del martirio ne sono cornice o corollario. Questo vale ad es. per III, 7 — in cui Macario é accostato a una serie di « spade di Dio » veterotestamenta- tie —*”, come pure per l’illuminante conclusivo § 12. Qui Ottato smonta i rumores diffusi ad arte dai donatisti, secondo i quali Macario e Paolo avrebbero imposto che si celebrasse in forma paganeggiante il culto dell’immagine di Costante nel corso della liturgia eucaristica (Dicebatur enim illo tempore venturos esse Paulum et Macarium, qui interessent sacrificio, ut, cum altaria solemniter aptarentur, proferrent ill! imaginem, quam primo in altare ponerent, et sic sacrificium offerre- tur, Hoc cum acciperent aures, percussi sunt et animi, et uniuscuiusque lingua in haec verba commota est, ut omnis, qui haec verba audierat, diceret: ‘qui inde gustat, de sacro gustat’: et recte dictum erat, si talem famam similis veritas sequeretur...)**. La perfidia donatista ancora una volta equipara l’intervento statale alla persecuzione. Ottato deve smentire questa propaganda : é evidente infatti che negarsi a simile rito, fino all’estremo sacrificio, sarebbe stato pienamente giustifi- cato. Invece, il martirio donatista ¢ falso ed é un topos, cui nemmeno Ottato si sottrae, l'identitd martirio-suicidio (III, 4: sibi percussores sub cupiditate falsi martyril in suam pernicien conducebant... se praecipites dabant)®. 56. L’intervento di Silvestro ¢ non a caso ricollegato alla difesa dei tesori in favore dei bisognosi : « Hoc metu deterriti illi, qui thesauros ferebant, quos pauperibus erogarent, invene- runt in tanta necessitate consilium, ut a Silvestro comite armatum militem postularent » (III, 4, p. 83, 11-14). 57. Cf. CSEL 26, pp. 87-89, Sul rapporto fra coercizione religiosa e atteggiamento verso il Vecchio Testamento in Ottato ¢ soprattutto Agostino, P. Brown, L atteggiamento di S. Agostino verso la coercizione religiosa in Religione e societa nell'eta di S. Agostino, trad. it. Torino 1975, pp. 254 ss. 58. UI, 12 (p. 100, 5-12). Cf. VassALL-PHILLIPs, op. cit, p. 173, n, 3. Sul riferimento a questo particolare episodio nell’ ep. 93 di Agostino cf. MaNpouze, Saint Augustin cit, p. 372. 59. Esso é applicato ai circoncellioni : i donatisti sono colpevoli per le loro connivenze con ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 59 Una simulata recalcitranza introduce il breve § 6, dove é fatto riferimento ai giuramenti scismatici in nome di pseudomartiri e ai modelli Marculus e Donatus di Bagai. Ottato sembra porre delle riserve sulla veridicita delle loro uccisioni, sottolineando che comunque anche l’omicidio puo essere giustificato quando é vindicta, cioé punizione divina®. Il maggiore rilievo lo hanno le puntuali considerazioni sull’invalidazione del martirio, espresse in II, 8 (e da integrarsi, per una migliore comprensione, con notazioni gid fatte da O. o che si presenteranno subito oltre). Perché dunque i seguaci di Donato che hanno patito la morte ad opera delle forze imperiali non. sono in nessun caso martiri? La risposta del vescovo milevitano si struttura articolatamente su basi teologiche, ma sempre nel raffronto con I’esperienza recente, Anzitutto non vi puo essere martirio se non per confessionem, con l’eroica testimonianza di coloro che si rifiutano di negare il nome di Dio. Cid non é avvenuto perché Dio stesso ha incaricato gli inviati imperiali. La giusta punizione ha vendicato i precetti divini ; i cattolici non hanno partecipato agli scontri. C’é una serie di sottili distinguo : ¢ si legittima la repressione — di cui si evidenzia perd spesso l’ipoteticitd — e se ne scinde la esecuzione materiale, un fatto che riguarda il potere civile, dal sostanziale sostegno morale‘. In ogni modo, mancano le condizioni indispensabili ad un martirio valido : provino i donatisti a dimostrare che i loro santi hanno amato la pax, l’unitas, e che hanno avuto cum fratribus caritatem. Da qui, Ottato assegna all'ideale della caritas la funzione di basilare corrispettivo inseparabile del martirio (Quos dicitis debere appellari martyres noluerunt fratres agnoscere, nullam habuerunt caritatem ; nulla igitur est excusatio, quia caritatem illos non habuisse manifestissime constat, sine qua nullum nec nominari potest vel esse martyrium etc,). La chiusa incisiva é come sintesi del ragionare ottaziano : videte, an non dicantur martyres sed aliquid [aliud] appellari mereantur, qui caritatis desertores pro eadem desertione pati aliquid potuerunt. questi banditi, vd. il passaggio della tradizione in « Praedestinatus », 1, 69 (PL 53, col, 61 1b). 60, Optat. III, 6 (p. 86, 15 ss.). 61. «... quis eorum negare coactus est et confessus est Christum ? Si igitur nec martyrium sine Christi nominis confessione esse potest et nemo confessus est et in vindicta praeceptorum dei factum est, quod factum esse dicitis, et a nobis factum esse aliquid non probatis etc, » all, 8, p.91s.). Cf. in TI, 9 (p.93, 1 ss.); « Ab operariis unitatis querimini nescio quae esse commissa.., quae in vos ab o.v, dicitis esse commissa... Nos autem inde alieni sumus » (p. 94, 9-11) e la metafora del sarto. 62. II, 8 pp. 91-2, 25 ss. € 92, 21-23. L'unitas in questo libro di Ottato sembra vista in due diverse prospettive : per parte cattolica é innanzitutto una unita spirituale, istituzionale in qualche modi di riflesso — ¢ in tal senso gli aiuti economici sono in primo luogo Ia prova di una cristiana fraternita, indirizzata a tutti; Donato, rappresentato come contrario ad una reintegrazione della sua schiera nell’altra, ad una unita istituzionale, spinge i suoi fedeli ad una divisione anche nella caritd (in senso lato), Sul termine desertor ¢ simili, HOPPENBROUWERS, op. cit, p. 66, 73, 203, 60 GIOVANNI A. CECCONI La mancanza di carita come insormontabile impedimento ad un vero martirio rappresenta ovviamente da un punto di vista teologico qualcosa qui molto pit yasto della mancanza di manifestazioni concrete di generosita. Sarebbe oltremodo ingenuo credere che Ottato intendesse riferirsi prevalentemente a cid che noi traduciamo con « carita » nella sua accezione materiale. Il problema ¢ intuire se questa stessa accezione materiale, come uno dei tanti livelli d’azione della carita cristiana —neflo stesso tempo uno dei pil importanti ed attuabili —, fosse in qualche modo implicito nell’analisi da lui condotta sul martirio, La chiesa associava di norma l’elemosina alla virti fondamentale della carita ed espressioni quali opera caritatis, officia caritatis, opus caritatis erano usuali per designare la fattiva misericordia. I] medesimo termine caritas, usato assolutamente, assumera nell’alto medioevo quel valore che noi oggi gli diamo correntemente. Nel considerare il contesto complessivo del libro, i cui fuochi sono la magnificazione dell’elemosina (cattolica) nei termini visti in precedenza e la confutazione del martirio mal concepito dai donatisti, se non vi sono elementi per dire che Ottato abbia formulato una consapevole giustapposizione, preme qui specialmente rilevare, nell’accostamento a distanza fra ideale elemosinario e martirio, il meccanismo « impressionistico » prodotto da una lettura globale del nostro libro, agente sull’attenzione dei destinatari a un livello pit superficiale, che oseremmo definire (usando un termine certo pit consono alle odierne teorie delle comunica- zioni di massa) « subliminale ». Non tanto un Parmeniano, capace di riflettere ¢ assimilare gli argomenti teorici delle tesi ottaziane, ma almeno la fascia di lettori meno esperta di questioni dottrinarie avra potuto riguardare sinteticamente alla prima parte (tale, ¢ naturale, nella nostra soggettiva interpretazione) del III libro come ad una conferma degli argomenti svolti successivamente e cogliere della caritas del § 8 anche la valenza concreta. Una duplicita funzionale della polemica — anche in un medesimo testo — appare di rilievo ; del resto le critiche al degrado della propaganda donatista non significano affatto che i cattolici fossero dimentichi della necessita di farsi capire dal volgo e che si dedicassero esclusivamente ad una trattatistica di livello elitario®. I continui richiami alla subdola efficacia della propaganda scismatica, in 63. Per un approfondimento e i passi contenenti le locuzioni vd. spec. H. PeTR&, op. cit, p.255 s. ove si nota che: «ce qui est demandé au chrétien, c'est que la pratique de ta bienfaisance soit vraiment pour lui opus caritatis, la manifestation de cette charité qui finira par attacher son nom aux ceuvres mémes par lesquelles elle se traduit », Sull'elemosina come forma centrale della carita vd. p. 256 n. 6, ove I’A. si chiede quando I'uso assoluto di caritas prende senso concreto. Sull’espressione caritatem facere — in uso nel M.E. ¢ coniata verosimilmente sull'esempio di misericordiam facere—, ibid. e DU CANGE, Glossarium mediae et infimae Jatinitatis, Graz 1954 (rist. ed. 1883-7), II, sv. Caritas | e 3 (p. 171 s.). 64. Del tipo di quella —intesa dal Monceaux come forte indizio di presa di posizione politica — su una epigrafe di Tipasa, cf. n. 47. 65. Sull’opera politico-pastorale di Agostino rimangono importanti molte pagine di R. CresPIN, op. cit. L’attenzione dei polemisti cattolici verso i pit semplici rimaneva sempre vigile, anche scrivendo trattati indirizzati a intetlettuali (ma che circolavano pitt largamente, talora ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO III 61 quanto facente leva sui pit semplici e sprovveduti, nell’opera di Ottato riguardano manifestazioni suggestive e plateali quali il lavaggio delle chiese che erano state dei traditores oppure pit genericamente I'uso sistematico della menzogna®. E’ pit spesso in Agostino che il sedicente martirio donatista viene colto nei suoi aspetti di illusoria lusinga: era la gerarchia che colpevolmente mirava ad ottenere sostegno politico sia incentivando eccessi festosi in onore dei martiri sia con Linvito strumentale a morti volontarie tanto in apparenza coraggiose quanto in realta autoglorificatorie e vuote”. Spettatore e protagonista di una controversia in cui il martirio era uno dei temi ‘che di pit sollecitavano I’interesse degli schieramenti, Ottato offre, nella seconda parte del libro, il suo contributo contro uno dei motivi di maggior linguaggio fra plebi e vescovi donatisti. Nessuna cornice storica era pil adatta della nostra, per i gia visti strascichi polemici in fitta rete, per la discussione su di esso. Traendo materia dagli eventi, egli vide nel « gran rifiuto » di Donato la prova pitt limpida di un grave fraintendimento di fondo, cecita cristiana dei donatisti che non seppero riconoscere i loro fratelli. Gli atti di violenza che ne derivarono, i morti donatisti che venivano onorati come santi, furono la triste testimonianza di quel fraintendi- mento. CONCLUSIONE Le riflessioni che circa quindici anni or sono André Mandouze faceva riguardo la letteratura cristiana d’Africa del 1v inizio v secolo, dubitose sull’attendibilita di analisi che da essa prendessero spunto per generalizzazioni (per forza di cose semplicistiche) sulla natura del fenomeno donatista —e fors'anche, si potrebbe evincere, per altri tipi di ricostruzione storica sul conflitto religioso nella re- gione —, a meno che tali analisi non si awvalessero di tecniche strutturaliste che tenessero conto del carattere accentuatamente polemico di quelle fonti « decodifi- candole », mantengono senza dubbio la loro validita®. Hanno altresi, esse, Concepiti come sostitutivi di dibattiti pubblici, cui pare che i donatisti tendessero a sottrarsi, vd. p. es. Optat. I, 4): Aug, ep. ad cath. de secta don, v, 9 ; de unico bapt. 1, 1; contra lt. Pet I, 1, 1; retract. II, 65 etc. 66, P.es.1,25Il, 21 ; If, 25; IV, 5; VI, 6-8. Breve ma fine analisifilologico-storica di come il Milevitano vedeva il rapporto fra vescovi e moltitudine & quella di HJ. Dieswer, Volk und Volksaufstiinde bel Opiatus von Mileve, in Wissensch. Zeitschrift der Martin-Luther Univ. Halle-Wiitenberg, X/1 (1961), pp. 63-66, part. 64 sulla strumentalizzazione ‘a spese’ delle plebi scismatiche, 67. P. es. contra ep. Parm, II, 6, 29 (CSEL 51, pp. 136 ss.) ; ad donat, post coll. xvi, 21 (CSEL 53, p. 119 8.) e cf. in generale gli attacchi ai circoncellioni a al vittimismo donatista. 68. A. Manvouze, Le donatisme représente-ril la résistance & Rome de Afrique tardive, in Assimilation et résistance a fa culture gréco-romaine dans le monde ancien. Actes vf Congr. Int Et, Class. (Madrid, sept. 1974), Paris 1976, pp. 357-366, part. pp. 361-364. 62 GIOVANNI A. CECCONI contribuito alla ormai abbastanza consolidata tendenza della ricerca che cura di eyitare unilaterali approcci allo scisma di Donato, del quale emerge vieppiti la complessita, per ogni lato lo si guardi®. Quel medesimo materiale letterario, tuttavia, almeno sotto un’angolatura, la propagandistica, parrebbe poter offrire argomento per osservazioni « dirette », per cosi dire, non mediate da rigorosi orientamenti metodologici — pensiamo ancora a sistemi di analisi del linguaggio — : buona parte dell’opera di Agostino, ad es., oppure il lavoro di Ottato di Milevi sono in fondo campioni di una polemica teligiosa e sarebbero quindi esaminati come tali, non essendo che secondario Tintento di discernere dal testo gli elementi « 4 base de realia », In concreto non sono concesse pili agevoli prospettive di indagine nemmeno in questa direzione. Riconoscere cid che risponde alla tipologia di propaganda, nella misura in cui essa é deformazione strumentale di episodi o situazioni storiche, significa, di quest’ultime, sapere i « fatti » e essere in grado di delineare gli ambienti sociali (owvie necessita per un’adeguata collocazione anche di temati- che strettamente da controversia) ; ma per l’appunto circa molte vicende politiche ¢ religiose africane nel basso impero le fonti cristiane sono le uniche disponibili e/o potenzialmente le pit ricche. A simili difficolta si uniscono quelle in generale connaturate allo studio dei meccanismi di propaganda (non statale) nel mondo antico. Osservando il caso che qui interessa, con confronto « partitico » e fondamentale aspetto religioso”, risulta che ad alcune questioni essenziali, per esempio su quale efficacia ebbe di fatto Lopera di persuasione dei due schieramenti, non é possibile dare risposte probanti. Nella determinazione delle alterne (almeno per lunghe fasi) fortune di cattolici e donatisti il fattore che pili incise appare dalle fonti piuttosto essere stato la posizione delle autorita centrali, veramente decisivo, peraltro, solo dall’inizio del v sec. Esso ebbe profonde ripercussioni sull’organizzazione socio-economica delle chiese e sui vertici donatisti (esili), non restando senza conseguenze nell’atteggiarsi della polemica”'. Si tratterebbe casomai, allora, di vedere i riflessi 69, Anche in un lavoro quanto mai sintetico, per es. quale F, DEcRET/M. FANTaR, LAfrique du Nord dans 'Antiquité, des origines au v* siécle, Paris 1981, che dedica al donatismo le pp. 294-305 si rilevano subito (p. 295) i rischi di interpretazioni parziali, Cf. perd, per alcune ‘incomprensioni ' storiografiche tuttora non chiarite, A. MaNDoUzE, Les donatistes entre ville et campagne, in 110* Congrés national des sociétés savantes. Actes du 11" Colloque sur hist. et Varch. d'Afrique du Nord (Montpellier 1-5 avr. 1985), Paris 1986, pp. 193-217. Per i concetti gia espressi nella comunicazione cit. alla n. precedente vedi qui le pp. 201-203. 70. Sulla cautela necessaria, in contesti religiosi, per sceverare cid che @ dialettica o ragionamento sofisticato a scopi propagandistici da cid che invece é convinta predicazione di matrice simbolica e scritturale, of. J. ELLUL, Histoire de la propagande, Paris 1967, p, 35. 71. Rimangono le abituali inegualitd dei modi di applicazione dei prowedimenti coercitivi, giocassero o meno un ruolo nel favorirle le eventuali rinunce — che i cattolici talora sapevano ascrivere alla loro propria mansuetudine — a esercitare pressioni verso gli amministratori per una tempestiva applicazione delle leggi. ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 63 e i rapporti della propaganda con la coercizione, le resistenze che la frenavano e le forze che la favorivano : ma precise indicazioni in tal senso non si possono ticavare dalle nostre fonti. Correlativamente, non si hanno sufficienti elementi per yalutare in modo soddisfacente il peso della diffusione dei messaggi polemico- propagandistici sui meccanismi di conversione, la dipendenza di questi dalle forme di suggestione, l’articolarsi degli obbiettivi (in che misura si mirava a produrre conversioni ? quanto, viceversa, a rinsaldare le convinzioni ¢ la fedelta dei propri seguaci ? con quali varianti, a livello di genere letterario, di modo di porgere i temi etc, si strutturava la propaganda ~ se lo faceva — per raggiungere tali diversi effetti, magari in differenti contesti e presso interlocutori di provenienza sociale e cultura diversi etc. ?). Se riuscire a cogliere il funzionamento della propaganda, o dell’istruzione delle folle, entro la dinamica storica di una cristianita bipolare quale la africana sarebbe un fatto del massimo interesse, che urta peraltro con seri ostacoli documentari, si pud dire con sicurezza che l’opera di persuasione, attuata con una diffusione degli scritti il pit possibile capillare, utilizzante quadri partitici preposti o l’azione di volontari, ebbe in generale notevole rilievo. Informazioni pit piane consentono di avere un orizzonte chiaro almeno dei motivi impiegati. Nel contesto di una controversia in cui tutto é motivo polemico, spesso si usufruiva dei medesimi slogan, tanto che si é giustamente potuto parlare di un « dialogue de sourds” », In realta, specialmente i cattolici avevano sufficienti ragioni teologi- che di principio per criticare ogni comportamento e affermazione awersaria per il solo fatto che i donatisti fossero foris, cioé nello scisma’. Ma la nascita di tematiche pit puntuali e articolate rispondeva, oltre che alla necessita di instaurare un dialogo costruttivo con i vescovi e gli intellettuali donatisti pia disponibili, al bisogno di realizzare un’azione pastorale tesa a farsi intendere da un auditorio largo ed a fornire, perlomeno, al pubblico donatista dei veritieri elementi di giudizio, come afferma Agostino a pit riprese. Con il presente lavoro non abbiamo inteso contribuire al chiarimento di problematiche di storia sociale e politica, pur cosi connesse alle vicende narrate da Ottato. Abbiamo piuttosto evidenziato l’importanza (finora sottovalutata) del tema polemico basato sull’elemosina, contenuto nel terzo libro del vescovo di Milevi, e ci siamo interrogati sul significato di esso. Per quanto lo concerne in relazione al libro nel suo complesso e alla « vicenda macariana », ecco alcune considerazioni riepilogative : 72. MANDOUZE, Saint Augustin cit, pp. 348-350, 73. Se non si é nella comunione della Chiesa non hanno valore né il martirio né le opere buone : fra i molti esempi vd. Aug. de bapt. Il, 5, 6 (CSEL 51, p. 181); 1, 8, 10 (CSEL 51, p. 155). Per il concetto della comunanza dei beni — dopo il 411 — condizionata alla comunione dei fedeli delle due chiese vd. una rigida presa di posizione di Agostino, ep. 185, 36 (CSEL 57, pp. 32 8.). 74. Serm, 359, 8 (PL 39, col. 1596) ; ep. 93, 17 (CSEL 34, p. 462) ; 66, 2 (CSEL 34, p. 236) etc, 64 GIOVANNI A. CECCONI 1°) i Macariana tempora, evento centrale nella storia del cristianesimo africano del tv sec., ebbero implicazioni assai importanti su tutto il problema del martirio, sia da un punto di vista pratico (organizzazione del culto donatista) che polemico ; if III Libro di Ottato, fonte principale degli eventi, si propone essenzialmente —anche in schermaglia con le posizioni di Parmeniano — di reagire allo slancio che il culto dei martiri donatisti prese verosimilmente a seguito della crisi degli anni 340: in primo luogo vuole dimostrare che l’operato di Macario e Paolo non costitui persecutio ; 3°) a tal fine, quale esempio pit significativo e intellegibile, Ottato elabora con dovizia e originalita di argomenti lo schema dialettico basato sull’ideale della carita cristiana, rinnegata dal donatismo, capziosamente valorizzando all’es- tremo il senso « pacifista » della missione dei commissari imperiali, nelle sue modalita iniziali attuatasi con indistinte distribuzioni elemosinarie. A merito di Ottato va dunque riportato l’aver messo in evidenza questo tema polemico, decisivo nell’interpretazione della vicenda: alcuni passaggi di Agostino ne lasciano percepire la cristallizzazione in testi significativi e sono una conferma del debito suo verso il collega milevitano”’. Ma — oltre ad offtire un rilevante contributo a quel filone caratterizzato da scambi di accuse di latrocinii, spossessamenti di basiliche, attaccamento alle cose terrene”, Ottato III, 3 é anche, in analoga direzione, documento da ascrivere al dossier sulle differenti attitudini delle due chiese africane verso la ricchezza e sul quale riflettere nell’ambito della discussione circa la chiesa donatista come Ecclesia pauperum. La chiesa donatista sottolineava il proprio atteggiamento di totale distacco dai beni mondani, visti in certo modo come un’inevitabile derivante da connivenze con gli organismi di potere : veniva estremizzata, in uno slancio di tifiuto del mondo che fa conseguire risultati simili, nelle comuni motivazioni, alla gid richiamata posizione sul martirio, una morale di per sé assolutamente non originale. Il problema se la autorappresentazione dei donatisti come pauperes significasse che essi si facevano portavoce dei derelitti e dei malcontenti”’, puo, in 2° 75, Per il debito di A. verso Ottato, non solo per i documenti d’archivio da costui raccolti ¢ divulgati, cf. p. es. MONCEAUX, op. cit, p. 280 ; G.G. WiLLis, Saint Augustine and the Donatist Controversy, London 1950, p. 24 s.; MANDOUZE, Saint Augustin cit, spec. p. 354 € 357. 76. Importante, per questo tipo di indirizzo assunto dalla polemica, é la vicenda di Lucilla, proprio al momento della genesi dello scisma ; essa é collegata a dinamiche di simonia, corruzione, drenaggio di risorse destinate ai poveri, vd. spec. Optat. I, 16 ss.; Gesta apud Zenophilum, passim (appendice di Ottato, CSEL 26, pp. 185-197) ¢ le riprese in Agostino, contra ep. Parm. 1, 3, 5; ep. ad cath. de secta donat. xvm, 46 ; xxv, 73. Fra gli obbiettivi di tali attacchi doveva essere non ultimo il convincere ad elemosinare centri di raccolta cattolici. 77, Sulla presenza di condizioni socio-politiche adatte per un’alleanza fra chiesa donatista ¢ circoncellioni, poi realizzatasi di fatto — in modo progressivo e con iniziativa ‘ dal basso * — vd. J.-P. Brisson, Autonomisme et christianisme en Afrique romaine de Septime Sévére a Tinvasion vandale, Paris 1958, pp. 325-410, opera che ha suscitato discussioni. Nell’ambito ELEMOSINA E PROPAGANDA IN OTTATO IIT 65 questa sede, rimanere insoluto, per quanto ci appaia meccanico vedere necessa- riamente, in un’attitudine in cui I’aspetto ascetico e trascendente é fondamentale, forti connotazioni e propensioni sociali®, Al tempo stesso, la documentazione a favore di asserzioni consapevoli e programmiatiche di rifiuto delle opes mundanae é non abbondante ma univoca e convincente, molto ben illustrata da un noto, capitale passo del Contra litteras Petiliani di Agostino”. Cosi, nell’episodio di Macario e Paolo, Donato si oppone alla duplice contaminazione di un arricchi- mento che non deve interessare in sé né tantomeno per la sua provenienza. Di fronte ad una paupertas donatista che ben potrebbe rappresentare una prevalente yisuale «ascetica, carismatica, escatologica », dall’altra parte la concezione del cattolicesimo africano sembra, provandosi a generalizzare, animata da uno spirito pik comunitario, di fattiva altruistica misericordia®. Almeno, tale é l’impressione che i polemisti cattolici hanno con maggiore frequenza voluto dare di sé. In questo quadro la formulazione ottaziana, ¢ le « tonalita » sulle quali essa si modula, va intesa come mirata a denunciare 1a Chiesa dei sedicenti poveri (quasi a volercene fare cogliere l’evangelismo deteriore ed egoistico) : del resto i donatisti non li amano — come dicono — né disdegnano i beni temporali — come vantano —, essi mentono su cio come su tutto il resto. Uno degli schemi canonici della propa- ganda, basato sulla discrepanza fra parole ¢ comportamenti ¢ sulle profonde contraddizioni dei dissidenti guidava le parole di Ottato : O consulere miseris! O providere pauperibus | O peccatoribus subvenire della polemica esaminata in questa sede, la connessione fra il tema elemosinario e la sezione successiva (spec. § 4), ove é narrato il torbido patto fra donatisti e circoncellioni, va rintracciata in una logica assistenziale favorevole all’ordine costituito, ef, H.J. DIESNER, art. cit, p. 64 8. 78. Vedi le centrate osservazioni di Y. ConcaR, BA 28, p. 35 n. 2. Nelle trattazioni di questi problemi rimane spesso, mi pare, una sostanziale ambiguité, generata anche da oggettive difficolta documentarie, che si traduce in una confusione di ruoli fra movimento circoncellio- nico, donatismo in senso lato ¢ gerarchie ecclesiastiche scismatiche, nonché in schematiche associazioni fra ideali pauperistici ¢ interessi di giustizia sociale, cf. p, es. FREND, recensione Brisson, in JRS, 1959, p. 173. 79. Il, 92 ss. Il discorso di Petiliano prende I'avvio dalle accuse alla complicita fra cattolici, e forze persecutrici apportatrici di rovina per i donatisti che perd troveranno nell’aldila fa loro ricompensa : « ita nos quoque iustos et pauperes — circa opem dixerim mundanam ; nam gratia dei in nobis non est pauper —non desinitis iugulare » (II, 92, 202). Vd. comunque tutto Vinteressante sviluppo del brano (p. es. il richiamo all’ esempio di Daniel, II, 92, 204, nella replica di A.). Per altre analoghe testimonianze della posizione donatista, Gesta Conl. Carth.. IM, 258 (SC 224, p. 1216); P. Mare. 8, cf. 11. 80. Si ha qui una possibile proiezione delle due linee di tendenza individuate negli scritti patristici da L. Cracco Rucatni, Povertd e ricchezza nel cristianesimo antico (a proposito di un libro recente), in Athenaeum, 65 (1987), pp. 547-552 (p. 548). 66 GIOVANNI A. CECCONI Non usera lo stesso procedimento Agostino quando, dopo aver emblematica- mente messo in dubbio la ripugnanza delle ricchezze che Petiliano attribuiva a sé e ai suoi compagni di partito, denuncera le sordide operazioni finanziarie di Crispinus, vescovo donatista di Calama ?*" Giovanni Alberto Cecconi Via Maggio 38 50125 Firenze Ruassunto : I soccorsi materiali inviati in Africa da Costante alle comunita sia cattoliche che donatiste, con I’intento di creare le condizioni di una pacificazione religiosa, furono respinti dagli scismatici. Ottato costruisce |’ossatura principale del II libro su questa piega degli eventi, utilizzando con evidenti fini polemici e vasti mezzi stilistici l’ideale elemosinario. Esso assume nel contesto generale del libro, attraverso una serie di sottili passaggi, anche una funzione contro-propagan- distica rispetto alla logica donatista del martirio, esaltatasi a seguito degli scontri armati fra esercito ¢ gruppi dissidenti, nel corso della stessa vicenda. Testimo- nianza, fra le altre, dell'influsso ottaziano su Agostino, che Ia riprese, la polemica basata sull’accusa di assenza di carita e di attenzione verso i poveri in Donato e i suoi seguaci pud anche essere vista come parte di un conflitto, su tematiche analoghe, che andava oltre l’episodio storico circoscritto. 81. Contra litt. Petil. Il, 98, 225. Revue des Etudes Augustiniennes 36 (1990), 67-79 Le grec, une « clé pour l’intelligence des psaumes »' Etude sur les citations grecques du Psautier? contenues dans les Tractatus super psalmos d’Hilaire de Poitiers. Si l’instructio psalmorum, qui précéde les Tractatus super psalmos, traite avant tout des psaumes, elle permet aussi d’approcher la methode d’ « exposition »? qu’emploiera ensuite l'exégéte. Ainsi, dés le début, a propos des auteurs des psaumes, Hilaire écrit : « Certains ont cru bon de mettre en téte des suscriptions de certains psaumes les noms de Jérémie, d’Aggée et de Zacharie, alors qu’aucune indication semblable ne se trouve dans les livres authentiques des Soixante-dix traducteurs, au point que méme dans un trés grand nombre de manuscrits latins et grecs, ne sont placés en téte que les titres des psaumes, seuls, sans aucun de ces noms », Entre autres régles, l’exégése des psaumes supposera donc la confronta- tion du texte commenté avec d’autres versions latines ou grecques et le recours 4 1. Hilaire de Poitiers, instructio psalmorum 24, p. 18 : « Est autem diligens perpensumque judicium expositioni psalmi uniuscuiusque praestandum, ut cognoscatur, qua unusquisque corum clave intellegentiae aperiendus sit », Les citations des Tractatus super psalmos sont faites d'aprés S. Hilarii episcop! Pictauiensis Tractatus super psalmos, recensuit et commentario critico instrucit A. ZinceRLe, CSEL 22 (Vindobonae, 1891). Pour le commentaire du psaume 118, voir aussi notre édition, Commentaire sur le psaume 118, t. 1: Introduction, Texte critique, Traduction et Notes (SC 344) ; t. 2: Texte critique, Traduction, Index et Notes (SC 347), Paris, 1988. 2. Hormis en in psalm. 118, 4, 12 ott sont commentés deux mots de la traduction grecque de Prov. 1, 20, le seul texte biblique cité en grec dans les Tractatus super psalmos est celui des psaumes, 3. Psalm. instr, 24, p. 18: «... expositioni psalmi uniuscuiusque... » 4. Psalm, instr, 2, p. 4+ «Visum autem aliquibus est Hieremiae et Aggaei et Zachariae quorundam psalmorum superscriptionibus nomina praenotare, cum horum nihil in authenticis septuaginta translatorum libris ita editum reperiatur, adeo ut etiam in plurimis latinis codicibus sine horum nominibus simplices tantum psalmorum tituli praeferantur. » 68 MARC MILHAU arbitrage des Septante. De fait, au cours des cinquante-huit tractatus que nous pouvons lire aujourd"hui, Hilaire fait plusieurs fois état de divergences entre les manuscrits latins’, de sa lecture du texte grec d’un verset’, dont il peut méme donner une citation intégrale ou partielle’, ou de sa recherche d’informations sur le texte commenté auprés des Septante’. Les citations grecques, présentes dans les Tractatus super psalmos, ont surtout retenu l’attention par les observations qu’Hilaire est amené 4 faire lorsqu’il compare le sens de tel mot latin et celui de son équivalent grec. Les recherches entreprises sur ce sujet par A. Zingerle’ et E. Goffinet'® ont été poussées plus loin par J. Doignon, qui a pu établir qu’Hilaire avait utilisé des « lexiques gréco-latins, qui lui ont permis de juger, parfois sans ménagement, de la valeur des traductions latines du Psautier" ». J. Doignon a aussi apprécié la connaissance qu’Hilaire avait du grec ; il a estimé qu’Hilaire « ne semble pas avoir dépassé... le niveau élémen- taire d’Ausone” », Notre propos est de rappeler les raisons pour lesquelles Hilaire aeu recours au grec et de montrer combien utiles pour l’exégése de certains versets furent les remarques sur leur formulation en grec. Citations grecques ou réferences au grec proviennent le plus souvent, sans autre precision, des « Grecs" » ou du « grec’ », Rarement on lit : « il est écrit dans des 5. In psalm. 64, 3 118, 5, 13; 118, 10,3; 131, 24; 133, 4; 138, 37; 146, 10. 6. In psalm. 59, 2; 67, 12; 67, 21; 118, 8, 1; 131, 9; 134, 11. 7, In psalm, 2, 35 ; 2, 38; 51, 12; 65, 3; 65, 12; 65, 18; 65, 25-26 ; 66, 4; 118, 4,6; 118, 5, 1; 118, 5,75; 118, 5, 10; 118, 12, 3; 118, 12, 14; 130, 2; 136, 10; 138, 43. Autres citations grecques, celles d'une partie du titre ou d'une suscription d’un psaume ; in psalm, 56, 1; 143, 2 (cf, 144, 1), mais surtout celles de mots isolés, appartenant Ie plus souvent 4 un verset. d'un psaume : psalm, instr. 7; 54, 1; 54, 11; $5, 15 67, 13; 118, 4, 125 118, 15, 4; 118, 15, 13; 118, 18, 5 ; 138, 7; 138, 9; 138, 32; 138, 38; 140, 5. 8. Psalm, instr. 8 ; 2, 2-3 52,9; 2, 38; $9, 1; 64, 3; 118, 4,6; 118, 5, 13; 131, 24; 133, 4; 142, 1; 143, 1; 145, 1; 146, 1; 147, 1; 150, 1. 9. A. ZINGERLE, Kleine Beitrdge zu griechisch-lateinischen Wérterkldrungen aus dem hilaria- nischen Psalmenkommentar, dans Commentationes W6lfflinianae, Lipsiae, 1891, p. 213-218. 10. E. Gorriner, Kritisch-filologisch element in de Psalmencommentaar van de h. Hilarius van Poitiers, dans RBPh, t. 38, 1960, p. 30-44. 11, J. Doianon, Hilaire de Poitiers avant l'exil, Paris, 1971, p. 543, en conclusion d'une étude constituant Excursus 1: Remarques 4 propos des observations de sémasiologie gréco-latines consignées dans les Tractatus super psalmos, p. 531-543. 12, J, DoiGnon, 0.¢., p. $43. On se reportera également aux p. 173-178, Pour une présenta- tion d’ensemble sur « Hilaire helléniste », voir G. Barby, La culture grecque dans I'Occident chrétien au IV siécle, RecSR, t. 29, 1939, p. 4-58, particuliérement les p. 38-41. 13. In psalm. 51, 12; 65, 18; 118, 5,1; 118, 12, 14; 138, 7; 138, 9; 138, 38; 138, 43; 140, 5. Les « Grecs » sont parfois seulement désignés par le pronom démonstratf ill’: in psalm. 2, 35; 54, 11; 65, 255 118, 12, 3 ou méme l'adverbe illic: in psalm. 118, 15, 13, qui s‘opposent a nos, 14, Graecus sermo: in psalm, 56, 1 ; $9, 2; 67, 13 ou graecitas: in psalm. 118, 4, 12; 118, 5,75 118, 15, 4; 130, 25 134, 11; 136, 10; 143, 2; 144, 1.

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