You are on page 1of 5
14 | DOSSIER A quoi bon établir un impét, si, par la suite, son recouvrement n'est pas assuré ? La crédibilité et la force d’un systéme fiscal reposent beaucoup sur cette étape cruciale qu’est le recouvrement. Or le dispositif legal en jueur et le mode de gestion nécessitent des réformes radicales pour améliorer Vefficience du systéme fiscal. pnm. amine ev DRiss AL ANDALOUSSI LE RECOUVREMENT FISCAL LA BETE NOIRE DU FISC ces réformes scales sont connues surtout travers les ois de finances, rement travers Forganisation administrative qui applique ces lois. Cette organi- sation a pourrant connu une évolution nécessaire, limposée par la réalité nationale et Influence des expériences internationales. Dans les années 1980, administration fiscale, plus précisé- ‘mentla irection des impéts, était organisée par type 'impér. Ils‘agit certes d'une seule direction relevant du ministére des Finanees, avec, cependant, &'ntérieur, des services spécialisés dans la gestion par catégorie c'impots et taxes, services quasi-totalement cloisonnés les uns par rapport aux autres. Ainsi en était-ildes services de la taxe sur le chiffre d'affaires (TCA), devenue par la suite TVA, formant un «compartiment» part. était aussile eas du «petit empire chargé des Droits d'enregistrement et de timbre». Un autre bloc était plutde chargé des , qui étaient chargés surtout de la gestion de Fimpot agricole, lequel avait remplace le «Tertibe, en 1961. Les gestionnaires des «Imp6ts rurauxs étaient qualifiés de “ratbiae. Anjourd!au, laplupartdes «Iratbia»sont parts la retraite ou dans 'au-dela, presque sans laisser de traces. Une administration fiscale avec des trous de mémoire F: des années 1980, cest le début d'application dela grande réforme fiscale qu’a connue le Maroc et qui est Pune des principales composantes du plan dajus- tement structurel (PAS). Le nouveau systéme fiscal Ghallenge Du 22 au 28 mars 2019 | challenge.ma place se veut déclaratif. Le contribuable déclare et paie Vimpét spontanément, sans recevoir un avis dimposition, ‘Théoriquement, leréle principal de ladministration fscale réside dans lexercice du droit de controle a posteriori des déclarations souscrites. Sur le plan organisationnel, cette administration vainitialement adopter une nouvelle configu- ration basée sur ses principales fonctions: assiette;contréle ‘ouvrification; et contentieux. Or, le nouveau systéme fiscal ‘mis en place est basé sur une logique radicalement différente. Sagissant d'un systeme essentiellement déclaratif, assiette, la liquidation et le paiement spontané de limpét, sont des ‘opérations effectuées par le contribuable lui-méme. Ene, est entreprise-contribuable qui est censée elle-méme ddéterminer les bases dimposition (assiette, calculerFimp6t (liquidation) et le payer spontanément (recouvrement), selon les échéances fixées par la Io fiscale, Das le début de laréforme fiscale, estlecas de la TVA et de 1S, En matiére 4S, lerésultat fiscal est établia partir du résultat comptable, aprés réintégration des charges non déductibles fiscalement (phase assitte). Une fois labase dimposition arrétée le taux imposition yest appliqué (phase liquidation), Limpét, une foiscalculé, est versé spontanément, sous forme d'acomptes trimestriels, en absence de tout avis d'imposition (phase recouvrement). En matiére de TVA aussi, assiete, liquidation et paiement spontané sont des opérations effectuées par le redevable, ‘quijoue lerdle dintermédiaire (contribuable légal) entree ‘Trésor et le consommateur final (contribuable réel). Cestaussile cas de IR sures revenus salariaux et assimilés ‘versés par Fentreprise qui procéde au prélévement de Fimpdt Ala source etau versement spontané des montants prélevés, Je mois suivant. Cemode d imposition est actuellement généralisé la quasi- totalité des impées. Lémission et Tenvoid'un avis c'imposition au contribuable est devenue une exception appliquée en cas de defaillance du contribuable face a ses obligations fiscales (Taxation doffice). Face & ce nouveau systéme, le fis est censé étre capable dexercer le droit de contréle sur la base de procédures fiscales contradictoires,rigoureusement définies parla loi, et garantissant les droits du contribuable contre le risque darbitraire. Or, dés le début, les dispositions fiscales mises en place 4zaientbien en avance par rapport laréalité sociale, écono- ‘mique et administrative. Limpdt devait se transformer de contrainte en contribution, non pas uniquement dans la téte des contribuables mais dans la réalité pratique des rapports entre PEtat et les citoyens. Etait-ce possible dans un contexte politique caractérisé par _|||||||!\ I/II UI III I11I1[I [II un lourd déficit de démocratie? Rares étaient, & cette époque, les entre- prises adoptant une comptabilité réguligre. ‘Cestsurtout pendantles années 1990, eten tun grand obstacle au changement. Les nouvelles recrues, venues des universités et des grandes écoles, ayant intégré administration fiscale, étaient plut6t incitées a se recon- vertir & Yancien. La docilité, Yobéissance, la soumission G. étant souvent a la base de la aréussite professionnelle» et de la «promotion rapide» dans la carriére. Vinnovation technique devaits‘adapter, se plier etservirla reproduction ddustatu quo danssa dimension systémique. Les expériences internationales seront aussi ne source ’inspiration sure plan exclusivement technique/techniciste, sans remettre en cause la nature des rapports basés sur une conception administrative archaique. Debut des années 2000, commenca ainsi une nouvelle expérimentation organisationnelle, basée cette fois-ci sur la distinction des contribuables. Ainsi furent créées des > LE RECOUVREMENT EN VERTU DE LARTICLE 10 BIS DE LA LOI DE FINANCES 2018 taux de recouvrement trouve dans certaines dispositions visant «amnistier» particulier aprésla «campagne d'assainis- sement> que les entreprises vont entamer lune mise & niveau de leur organisation comptable et se doter de moyens humains ‘et matériels, pour pouvoir faire face au risque fiscal Au sein de l'administration fiscale, la prise de conscience de linadéquation de Vorganisation administrative face & son environnement, a été lente. Les anciennes habitudes administratives constituaient [censure procédant, entre autres, a fannulation des amendes, pénalités et majorations, un moyen de recouvrer des recettes fiscales qu'on pourrait considérer comme additionnelles au regard des dates de leur exigibilité. En 2018, le Législateur a adopté une disposition dans ce sens & travers article 10 ‘de ta (01 de finances. Les recettes collectées en vertu dudit article ont atteint 1,073, milliard de DH. Sites mesures de cette nature permettent de résoudre des problémes. dans le but 'assainir un passifréelet important, iLest difficile de ne pas considérer ‘que les risques liés aux amnisties restent dangereux pour la culture visant& ancrer le civisme fiscal. Les retardataires pourraient développer des virus résistant aux échéances fiscales. Du 22 au 28 mars 2019 Challenge 161 DOSSIER entités dédiées aux grandes entreprises, daures’ Mlaigré les importants progrés techniques aux personnes morales (PM), principalement les PME organisées sous forme de sociétés, T@alisés en termes de dématérialisation et d'autres aux personnes physiques (PP),ausein q’externalisation, en matiére de paiement desquelles furent distinguées d'une part les PP é recouvrement exergant une activité professionnelle, tenant. SPONtané des impéts et taxes, le une comptabilité (régime du résultat net réel_ fiscal demeure actuellement le parent pauvre ou du résultat net simplifié), ou au régime du forfait, d'autre part les PP particuliers (revenus fonciers,et autres...) Mais certains services demeuraient difficilement rattachables Aces nouvelles activités. Cest notammentle cas des sbureatce denregistrement et de timbre», anceétres de organisation actuelle de administration fiscale, ayant vu le jour depuis, plusd'un sidcle ou encore des secteurs chargés de la gestion de afiscalité immobitiére» dont Vorganisation est basée sur un découpage spatial de la matidre imposable. Les années 2000 vont connaitre un grand chamboulement surle plan organisationnel, aceéléré par 'adoption du Code Général des impéts, en tant que référentiel unique dans la gestion de limpot et surtout dans la pratique administra tive. Ge processus va cependant connaitre un ralentissement avec la décision de transférer le métier de recouvrement fiscal de la TGR a la DGI. Déja la coordination entre les, deux Directions, en matiere de recouvrement fiscal, était trés faible, voire inexistante. Le transfert du recouvrement fiscal de la TGR la DGI, se fera dans la douleur, lalssant de nombreuses séquelles vvantle transfert de la gestion du recouvrement fiscal spontané de la TGR vers la DGI, cette derniére était déja chargée du recouvrement des droits denregis- du systéme fiscal. trementeet des droits de timbre. Mais es impéts, reconduits dans le systéme fiscal par la réforme entamée en 1984, étaient percus comme des sources secondaires de recettes, fiscales par rapport aux nouveaux impéts mis en place et quidevaientrapporter gros : la TVA, dés 1985, IS, en 1986 et IGR, en 1989. ‘Théoriquement, ce transfert d'attributions et detaches, devait contribuer une simplification dans la gestion admi- nistrative de limp6t, & une meilleure maitrise de Vinforma- tion et surtout & une baisse du contentieux et des restes & recouvrer. Or, cetransfert s'est faitdans la douleur. La DGIne disposait guére suffisamment de ressources qualifiées en matiére de recouvrement et de comptabilité publique. Lopération de transfert du recouvrement fiscal de la TGR a la DGI, n’a guére été accompagnée par une réaffectation des ressources nécessaires de la premiere direction (TGR) vers la seconde (DGD. Des caleuls tes étroits, contraires a intérét public, ont prévalu. Ce fut un échec. Chaque direction étant gérée de maniére totalement cloisonnée. Aucune coordination avec les directions partageant les mémes attributions. Au sein de la DGI, le peu de ressources qualifiées, en matire de recouvrement fiscal, était déja mobilisé au niveau des services d'enregistrement et du timbre, oi la fonction de recouvrement a toujours été assurée. UPELUPU AUP ETEALETLU TUTE PEELE; TEE UEC CEE ETUC PEEP EE ETE > LE PETIT LEXIQUE FISCAL Recouvrement:: ensemble des opérations, qui concourent & la perception de Cimpat une fois que celui-ciestliquidé. Le recou- vrement met en présence le redevable, débiteurdetimp6t, et le comptable public, ‘qui assume la responsabilité de Cen« sement. Néanmoins, avec Uexternalisation du mode ment spontané de 'impét, ce rap- portn‘est plus direct. Les banques notam- ‘ment jouent un réle d'intermédiation dans opération de paiement spontané. Palement spontané: mode de palement de ‘Yimp6t actuellement prévu pour ta plupart des impéts et taxes : TVA, 1S, IR/Revenus salariaux et assimilés IR/Revenus profes- sionnels (régime RNR ou RNS}, IR/Profits fonciers (.). Paiement de Uimpét : acte par tequel un redevable de impét se libére de sa dette auprés d'un comptable public, en espe- ‘ces, par cheque ou virement postal et, plus cexceptionnellement, & aide d'obligations cautionnées, Paiement ifféré : en matiére de droits d'enregistrement et de timbre, le pai ment de Uimpét est, en principe, préala- ble & Caccomplissement de la formalité et indissociable de celle-ci, Le crédit de paiement différé est une exception & ce principe. Applicable aux droits exigibles ‘en raison des mutations par décés dans des cas limitativement prévus par la loi, Challenge Oy 22 av 28 mats 2019 | challenge.ma itemporte en contrepartie la constitution de garantie. Recouvrement force : procédure excep- ‘tionnelle de recouvrement mise en ceuvre, encas de défeillance du contribuable dans ‘ses obligations fiscales. Le recouvrement forcé est actuellement régi par le Code de recouvrement des Créances publiques {Loi 15-97). Restes & recouvrer : montants dimpdts ‘émis et non recouvrés. Lorigine des restes rrecouvrer se situe souvent au niveau des affaires contentieuses n’ayant pas abouti {a des décisions ou 8 des jugements dé- finitifs. Mais les départs i la retraite, et Pabsence d'une véritable structure stable dédiée & la formation, vont aggraver la situation. Ce qui explique limportance des restes A recouvrer (RAR) qui n'ont pas cessé de ‘Saccurnler,jusqu’a atteindre des «monta- _gnese de milliards de dirhams qui dorment un sommeil tranquille t profond, apeine perturbé par 'amnistie prévue parla loi de finances de Tannée 2018, en matiére de recouvrement, et dont les résultats effec- tifs n’ont pas encore été officiellement publiés. Malgré les importants progrés techniques réalisés en termes de dématérialisation et externalisation, enmatiere de paiement spontané des impétset taxes, le recouvre- ment fiscal demeure actuellement le parent pauvre du systéme fiscal. Incompréhensible est Fomission de cette thématique parmi les quinze thémes ou axes arrétés dans le cadre de la prépara- tion des prochaines assises nationales sur la fiscalité. Pourtant, aps alo de finances de Fannée 2018, ayant prévu. tune disposition spéciale accordant une amnistie en matiére de recouvrement, la question durecouvrement fiscal devraitétre fondamentale pour éclairer le processus décisionnel quant ‘aux causes structurelles a Vorigine des restes & recouvrer, cet surtout pour éviter un retour cyclique des amnisties en matidre de recouvrement qui portent gravement atteinte & II LE RECOUVREMENT FISCAL ET LE SYSTEME FISCAL SUUUUUIAVULVIUUOUILULG EUV TUTTE Principales recommandations en matiére de recouvrement fiscal émanant de Transparency Maroc > En matiére de recouvrement spon- tané: le recouvrement spontané a connu ‘de grands progrés en termes d externa- lisation et de dématérialisation, Ces pro- grés ont notamment permis un meilleur classement du Maroc dans le climat des affaires [Doing Business). Néanmoins, un effort particulier devrait cibler et accom pagner les petits contribuables pour aller vers une généralisation réussie de la télé déciaration et du télépaiement. > En matiére de recouvrement forcé : Zone opaque oble risque de corruption est trés élevé en matiére de recouvrement, ‘Le processus de gestion du recouvrement force n’est pas actuellement totalement formalisé et dématérialisé pour garantir {atracabilité complate de tous los actos > Stock des restes a recouvrer [RAR] IS-IR-TVA et DET (par tranche) somo 59° 6952 ” (2 MOK > ou sseoo0oon 3386 opp tor > Stock des rest racouvrer par type pmo 2878 pont 's pHs 44% 3804S a7 B02 28h oer No No p57 7 nn0 228 re de gestion, leur sui autom contr - Les attributions et prérogatives des structures charages du recouvrement au sein de la DGI, ne sont pas définies ‘clairement dans un support régiemen- ‘aire pour pouvoir ensuite formaliser les vaegivin pelo) airereciace démater Ls Cade i Racttoment es Grkencae Publiques contient de nombreusesdispo- sitions ne répondant plus’ a réalité éco- rnomique et sociale actuelle. Son actuali- sation est une action urgente pour pouvoir lever les obstacles la modernisation des processus de gestion du recouvrement forcé, dans une optique d’adaptation aux nouvelles technologies de l'information ‘et de la communication. la fois AFéquité et ala crécibilité du systtme fiscal, voire & la légitimité de Vimpér. Sile recouvrement spontané doit étre larégle qui découle de lalogique méme dusystéme fiscal déclaratifen vigueuretle recouvrement foreé exception découlant dela défaillance du contribuable face & ses obligations fiscal, il nen reste pas moins que administration fiscale souffre actuellement s¢e > Stock des restes & recouvrer IS-IR-TVA par année de mise en recouvrement 27 306 2007 45 166 2009 88 saz 2018 88 595 208) 7259 2015, 13 017 2017 12918 Du 22 au 28 mars 2019 Challenge 181 DOSSIER LUV TAIUHGIUDOUULAUUE UOTE II LE RECOUVREMENT FISCAL ET LE SYSTEME FISCAL > LE RECOUVREMENT FORCE : LE CAS DES ATD. Uspendre provisoirerent le recours ‘aux avis & tiers détenteurs (ATD) pour recouvrer des créances de {tat en mati scale, n'est pas un acte anodin ou relevant d'un enforcement du civisme fiscal qui a foreé Cadmiration de administration fiscale au point de aé- carer «une paix» proviscire 8 égard de certains récalcitrants. LATD est cette arme de récupération «massive et forcée> des ceréancesfiscales de (Etat sures redevo- bies ayant mangué un rendez-vous avec le sdevoir fiscal La note circulaire de a G13 _ ses esponsables au niveau central, régio- nal etlocal amis en avant lanécessité de -erepenser facte de recouvrement par. ‘ATD «a la lumiére de (évaluation de cette procédure de recouvrement forcé». LaDGla raison de repenseret d’évaluer impact des ATD sur es contribuables ‘et notamment les personnes physiques ‘et morales les plus vuinérabies. Le fait que la banque annonce 8 ses clients ta -

You might also like