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Roger Chartier

Les arts de mourir, 1450-1600


In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 31e année, N. 1, 1976. pp. 51-75.

Abstract
This article proposes first of all a quantitative reading of a corpus situated at the very heart of the work of E. Mâle, J. Huizinga and
A. Tenenti: the "arts de mourir", copied, published and engraved from the middle of the 1 5th century up to the Council of Trent
(1545-1563). The first stage is an analysis of the circulation and the survival of the Ars moriendi and of the iconographic series
which frequently accompanies them. Examining the output of books, we find that the reeditions of the Ars cease after 1530-1540
and the subsequent literature dealing with the preparation for death (préparation à la mort) seems at the same time more
scattered and of less consequence. The iconography of the battles between angels and demons over the soul of the moribund is
more resistant and coexists during the 16th century with the new images of the memento mori. An evaluation of this production
through its titles permits us to advance two observations: "préparations à la mort" constitute between 3 and 4% of the religious
incunabula; the genre fades out in the 16th century. This tendency is confirmed by the contents of private libraries. The second
stage consists of examination of several texts both for their normative contents, — they recommend to the Christian a system of
gestures and practices in which the priest occupied an increasingly prominent position — and for the collective fears surrounding
the last moments, fears which can be detected in these documents.

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Chartier Roger. Les arts de mourir, 1450-1600. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 31e année, N. 1, 1976. pp. 51-
75.

doi : 10.3406/ahess.1976.293700

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1976_num_31_1_293700
LES ARTS DE MOURIR, 1450-1600

L'un de vous est-il malade ? Qu'il fasse appeler les anciens de


l'Église et qu'ils prient après avoir fait sur lui une onction
d'hutte au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le
patient ; le Seigneur le relèvera et, s'il a des péchés à son actif, il
lui sera pardonné. Confessez -vous donc vos péchés les uns aux
autres et priez les uns pour les autres afin d'être guéris.
(Jacques, 5, 14-16).

Dans l'historiographie des attitudes devant la mort, l'automne du Moyen


Age a fourni jusqu'il y a peu le corpus de prédilection. Mâle, Huizinga, Tenenti
y ont placé l'image classique de l'émergence et de la prolifération des thèmes
macabres, présents dans les textes comme dans les représentations, signes d'une
mutation des pensées et des sentiments. E. Mâle a le premier dressé l'inventaire
de cette iconographie nouvelle qui invente ou répand les transis, les danses des
morts, les combats entre anges et démons autour du lit d'agonie *. L'obsession
atroce du « memento mori », cristallisée dans les prédications, les poésies, les
fresques, les gravures, est l'un des motifs essentiels de la sensibilité collective des
hommes du Moyen Age finissant. J. Huizinga y lisait, révélés avec force, les
traits majeurs d'une mentalité encline aux comportements extrêmes, sensibles
aux images plus qu'aux raisonnements, et par dessus tout inquiète de la mort
parce qu'angoissée du salut 2. Élargissant l'observation aux dimensions de deux
siècles, les travaux d'Alberto Tenenti ont mis en perspective, dans le cadre
d'une Renaissance largement taillée entre 1450 et 1650, cette «religion de la
mort » qui dominait esprits et volontés 3. Au xve siècle une sensibilité originale,
que traduit et façonne à la fois la nouvelle imagerie, place la mort au centre. A
la fin du siècle, cette manière de sentir la mort élabore le texte et les
représentations qui lui sont les plus adéquats : l'Ars moriendi, vraie « cristallisation
iconographique de la mort chrétienne ». Puis, comme par un mouvement de
compensation, se dissipe quelque peu la dramatisation de la fin dernière et
s'opère un retour sur la vie, qui est exaltation humaniste de la dignité de
l'homme et insistance chrétienne sur la nécessité de bien vivre pour bien mourir.
Érasme est aux commencements d'une telle évolution, Bellarmin à son

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AUTOUR DE LA MORT

achèvement. Tel est, grossièrement résumé, le chemin que nous a appris


A. Tenenti.
Il revenait à Philippe Ariès de situer dans la longue, la très longue durée des
attitudes occidentales face à la mort ce « moment » qu'est le déclin du Moyen
Age 4. Pour lui la thématique macabre qui a longtemps focalisé les attentions
n'est que le dernier temps d'un mouvement commencé au xie ou xne siècle et
qui constitue la première altération de la vulgate de la mort mise en place avec
la christianisation. Entre les xie et xvie siècles, à travers les Jugements derniers,
les artes moriendi, les représentations macabres et l'individualisation des
tombeaux, l'homme occidental découvre progressivement le « speculum mortis » et
fait l'apprentissage de « la mort de soi ». A l'attitude ancienne, toute de
familiarité et de résignation devant la destinée commune, s'ajoute ou se
substitue le sentiment nouveau de la conscience de soi et de la mort individuelle.
L'âge moderne et romantique déplacera l'accent sur la mort de l'autre, puis les
sociétés contemporaines évacueront ce qui est devenu l'obscène par excellence.
C'est dans la ligne de ces livres essentiels que nous voudrions situer cette
recherche sur les arts de mourir, bornée par YArs moriendi à l'amont et
l'élaboration de la littérature post-tridentine à l'aval. Cette étude, suggérée par
Pierre Chaunu et qui doit beaucoup aux travaux qu'il mène et anime depuis
trois ans, constitue le premier volet d'un inventaire des préparations à la mort de
l'âge moderne, continué par Daniel Roche pour les xvne et xvine siècles 5. Sur
ces trois siècles et demi une question : les modèles et les formes élaborés dans la
deuxième moitié du xve siècle ont-ils valeur pluriséculaire ou bien les réformes,
la catholique comme la protestante, forgent-elles de nouveaux archétypes qui
donnent aux temps classiques un profil original ? La réponse dépend
évidemment de l'analyse des 236 préparations retrouvées pour la période 1600-1789
mais il convenait au préalable de saisir le point de départ. Pour ce faire, trois
temps : un inventaire du corpus avec une halte prolongée sur son plus beau
fleuron, YArs moriendi, la collecte des données quantitatives disponibles pour
mesurer, autant que faire se peut, le poids des arts de mourir dans la production
et la consommation du livre entre 1450 et 1600, enfin l'interrogation de
quelques textes considérés comme des jalons sur la courbe d'évolution.
Nombreux sont ceux, qu'ils soient historiens des mentalités, du sentiment
religieux, de l'art ou du livre, qui ont porté intérêt au texte et aux images de
YArs moriendi. Avant d'essayer d'apporter quelques données neuves sur la
circulation du livre, il est bon peut-être de rappeler les éléments de notre savoir.
VArs est d'abord un texte, connu sous deux versions, une longue dite CP
d'après son incipit « Cum de presentiis », une courte dite QS puisque les
premiers mots en sont « Quamvis secundum ». La version longue, découpée en
six moments (les recommandations sur l'art de mourir, les tentations qui
assaillent le mourant, les questions à lui poser, les prières qu'il doit prononcer,
les conduites que doivent tenir ceux qui l'entourent et les prières qu'il leur
convient de dire) est celle de presque tous les manuscrits et d'une majorité d'éditions
typographiques ; la courte, qui reprend le second temps de la version CP en
l'encadrant d'une introduction et d'une conclusion, est celle des éditions
xylographiques et d'une forte minorité des éditions typographiques. Grâce à
H. Appel 6, Sœur O'Connor 7 et A. Tenenti 8 il est possible de repérer les
sources et les origines d'un tel traité. Les sources lointaines sont les chapitres sur la
mort rencontrés dans les sommes théologiques des хше et xive siècles, les sour-

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R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

ces plus
xve siècles,
proches
entrelesautres
arts dele mourir
Cordiale
qui quatuor
fleurissent
novissimorum,
à la fin du xive
le etDispositorium
au début du

moriendi de Nider, la troisième partie de YOpusculum tripartitum de Gerson.


Alors qu'une partie de la tradition et Tenenti attribuent le texte au cardinal
Capranica, Sœur O'Connor propose d'autres hypothèses : très sûrement
composé en Allemagne du Sud, puisque près du tiers des manuscrits conservés le
sont à Munich (84 sur 234), et vraisemblablement lors du Concile de Constance
à partir du traité de Gerson, le manuscrit est peut-être d'un dominicain du
prieuré de Constance. La circulation du texte aurait donc bénéficié à ses débuts
de deux supports, les Pères de retour du Concile et les maisons de l'ordre de
Saint Dominique.
A en juger d'après l'inventaire des manuscrits conservés, YArs a connu dès
cette première forme une large diffusion. Les catalogues des grandes
bibliothèques indiquent en effet 234 manuscrits, 126 en latin, 75 en allemand, 1 1 en
anglais, 10 en français, 9 en italien, 1 en provençal, 1 en catalan et 1 sans
indication de langue 9. Seule sans doute Ylmitatio Christi se trouve placée largement
au-delà, avec quelque 600 manuscrits latins 10, ce qui en fait « l'ouvrage le plus
lu dans le monde chrétien, la Bible exceptée ». " VArs moriendi, si l'on suit
cette indication du nombre de manuscrits conservés, se situe à peu près au
même niveau qu'un grand texte politique tel le De Regimine Principům de Gilles
de Rome (environ 300 manuscrits) 12, qu'un grand succès littéraire comme le
Roman de la Rose (environ 250) 13 ou qu'une chronique historique de large
audience comme l'est le Brute ou Chroniques d'Angleterre (167 manuscrits
connus) u. Par contraste on peut noter le très petit nombre de manuscrits
conservés des traductions d'Aristote par Nicolas Oresme : 18 pour la Politique 15, 10
pour YÉconomique 16, 6 pour le Livre du Ciel et du Monde 17.
Mais si YArs moriendi a connu un tel succès auprès des fidèles du xve siècle
et des historiens, il le doit sans doute à la force des onze gravures qui illustrent
la version courte et conduisent à la bonne mort après que les cinq tentations
diaboliques, d'infidélité, de désespérance, d'impatience, de vaine gloire et
d'avarice ont été repoussées grâce aux cinq inspirations angéliques. Cette série
iconographique, récemment réétudiée par H. Zerner !8, est portée au xve siècle par
trois supports, sans qu'il soit possible d'établir de filiation linéaire de l'un à
l'autre : les miniatures du manuscrit Wellcome, les trois ensembles de gravures
au burin attribuées au Maître E.S., au Maître des encadrements à fleurs et au
Maître du Jardin des Oliviers Dutuit, enfin les bois gravés, tant les treize séries
utilisées dans les vingt éditions xylographiques répertoriées par W.L. Schrei-
ber 19 que les figures des incunables décrits par A.M. Hind 20. Notre propos
n'est point de reprendre ici la description de cette suite qui trouve sa racine dans
le thème de lutte pour la possession de l'âme, illustré par de nombreuses
miniatures des livres d'heures 21. Nous voudrions plutôt insister sur la diffusion
et sur l'impact de telles images. On peut d'abord remarquer que YArs moriendi a
sans doute été le plus répandu des livrets xylographiques puisqu'il fournit 1 5 %
des exemplaires conservés des 33 textes édités sous cette forme du « block-
book » (sur environ 400 exemplaires, YArs en donne 61) 22. Par ailleurs sa
circulation ne se limite point à celle du livre. Les gravures et placards ont pris le
relais pour assurer une diffusion plus large et surtout pour donner à l'image, qui
pouvait être collée au mur, une présence plus forte. La Réserve des Imprimés de
la Bibliothèque Nationale conserve deux de ces gravures xylographiques, datées

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R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

par Schreiber de la décennie 1465-1475 et sans doute d'origine bavaroise 23. Sur
une première feuille, à gauche, le graveur a rassemblé la scène de la bonne mort
au registre médian et la lutte entre les cinq anges victorieux, situés au registre
supérieur, et les cinq diables défaits, placés au bas de la planche ; à droite, un
Jugement dernier. La gravure réunit là, dans un raccourci significatif, l'image
traditionnelle du Jugement qui est sanction collective et l'idée nouvelle du
jugement de chaque vie individuelle joué sur le test de la résistance aux
tentations au moment du trépas 24 (Fig. I). La seconde feuille dégage une même
leçon : c'est de l'attitude face à la mort que dépend la vie éternelle. Celle qui
prend la mort à gré sera couronnée par le Christ en Paradis, celui qui meurt
alors qu'il n'a pas fait pénitence de tous ses péchés sera conduit en Purgatoire,
celle qui a mal vécu sans penser à la mort sera menée au diable. De telles
gravures, sans doute infiniment plus nombreuses que celles qui nous sont
parvenues, ont constitué une arme majeure pour une pédagogie de masse 25.
La série iconographique des cinq tentations diaboliques, des cinq inspirations
angéliques et de la bonne mort ne disparaît point avec la multiplication des
livres typographiques. Elle illustre encore une bonne part des incunables de
YArs moriendi en latin ou en langue vulgaire. Prenons l'exemple allemand : sur
23 éditions d'avant 1500, 9 comportent la série classique des onze gravures sur
bois (dans deux elle constitue la totalité de l'illustration, dans trois s'y ajoutent
une image d'un mourant recevant le saint viatique et une de Saint Michel pesant
les âmes, dans quatre enfin se rencontre une quatorzième gravure représentant
la confession) 26. Au xvie les éditions publiées par J. Weysseburger à
Nuremberg puis Landhut à partir de 1504 perpétueront le succès de cette iconographie.
Un autre fait a démultiplié l'audience de certaines représentations, le réemploi
des mêmes bois dans des livres différents. Considérons l'image de la bonne
mort, si importante puisqu'elle donne à lire à la fois le scénario mondain de
l'agonie et les pensées qui doivent être celles du mourant. Dans l'Allemagne du
xve siècle, la représentation, vulgarisée par les livrets xylographiques, est
maintes fois copiée ou démarquée, par exemple, pour s'en tenir aux imprimeurs
d'Augsbourg, dans le Buchlein des sterbenden Menschen de H. Mùnzinger deux
fois édités par A. Sorg, vers 1480 et vers 1484, dans le Mensch aufdem Toten-
bett publié par J. Blaubirer vers 1485, dans les éditions données par H. Schôn-
sperger en 1490 et 1494 du Versehung, Leib, Seel, Ehrt und Gut 27. La pratique
est la même dans l'Angleterre du début du xvie siècle : la scène de l'agonie est
reprise dans neuf de ses éditions par Wynkin de Worde, YArs moryendi en
1506, YArte to lyve well en 1505 et 1506, le Thordynary of Crysten men en
1506, le Boke named the Royall en 1507 et 1508, le Dyenge creature en 1507 et
1514 et la Complaint of the soûle en 1519 28.
Le succès de YArs, illustré ou pas, paraît bien établi jusque vers 1530. La
liste dressée par Sœur O'Connor à partir du Gesamtkatalog des Wiegendrucke
donne 77 éditions incunables, et c'est là un chiffre sans doute assez largement
inférieur à la réalité 29. La version longue en constitue le plus grand nombre,
51 éditions, soit les deux tiers, contre 26 à la version courte. La circulation du
texte se fait majoritairement en langue vulgaire (42 éditions contre 35) mais
avec un fort contraste entre, d'un côté, les éditions allemandes et françaises où le
latin l'emporte (respectivement 16 éditions latines sur 23 et 15 sur 23), et d'un
autre celles où triomphe la langue vernaculaire, aux Pays-Bas (5 éditions sur 6),
en Italie (13 sur 16), en Espagne (4 sur 4), en Angleterre (5 sur 5). La géographie

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AUTOUR DE LA MORT

des éditions marque la primauté parisienne (17 éditions soit 22 96) et pour le
reste dessine quatre foyers, l'Italie du Nord avec 14 éditions, l'Allemagne du
Sud et la vallée du Rhin de Bâle à Cologne avec également 14 éditions, la ville
de Leipzig où Kachelofen et Lotter donnent 9 éditions, les Pays-Bas enfin,
6 éditions. Cette géographie est celle de la diffusion de l'imprimerie, qui assure
l'avance des villes allemandes et de Paris et dote dès avant 1480 l'Italie du Nord
d'un réseau dense d'ateliers 30, en même temps que celle des grands foyers de
spiritualité, rhénan et flamand, de la fin du xve siècle.
Au xvie la production de VArs se maintient difficilement, passé le premier
tiers du siècle : en Angleterre 4 éditions, les deux dernières sont de 1506 3I ; à
Paris 9 éditions repérées, cinq sortent des presses entre 1501 et 1510 32, celle de
la Veuve Trepperel et de Jehan Jehanot dans la seconde décennie, celles de
F. Regnault et H. Pacquot avant la mi-siècle (Regnault exerce jusqu'en 1540 et
Pacquot n'imprime plus après 1546), seule l'édition de Nicolas Bonfons est
tardive, sans doute du dernier quart du siècle 33 ; à Lyon 2 éditions, l'une de Pierre
Mareschal 34, l'autre de Jacques Moderne 35, toutes deux sont d'avant 1 540 et il
en va de même pour celles où YExhortation de bien vivre et de bien mourir est
placée à la suite de la Grant danse macabre. La survie de VArs est au nord et à
l'est: au nord avec les éditions suédoises (Malmôe 1533) et danoises
(Copenhague 1570, 1575, 1577, 1580), à l'est avec les versions anti-protestantes
in 8° qu'Adam Walasser imprime à Dilingen (1569, 1570, 1579, 1583, 1603).
A. Tenenti a bien montré comment à travers ses adaptations et ses traductions
VArs moriendi s'infléchissait dès les années 1490 dans le sens d'un programme
du bien vivre qui atténuait quelque peu la crispation sur les derniers instants 36 ;
il n'en reste pas moins que du milieu du xve siècle au milieu du xvie siècle, un
texte et une série d'images se sont répandus sur tout l'Occident, constituant un
lot de représentations communes centré sur l'agonie d'une prégnance
exceptionnelle.
Les années 1530-1540 voient donc l'épuisement d'un «best seller». Un
premier relais est pris dans le second tiers du siècle par la circulation des deux
grandes préparations à la mort humanistes, celle de Clichtove et celle d'Érasme.
Le traité de Clichtove, De Doctrina moriendi opusculum necessaria ad mortem
fœliciter oppetendam preparamenta declarans et quomodo in ejus agone variis
antiqui hostis insultibus sit resistendum edocens, publié à Paris en 1520, a
11 éditions latines entre cette date et 1546 (7 parisiennes, 4 anversoises) 37,
puis une traduction française éditée à Rouen en 1553, Le doctrinal de la mort
extraict de ce que jadis en avoir escrit feu maistre Josse Clichtovus, traduict en
langue vulgaire. Mais le grand succès de librairie de ces années 1530-1560 est
fourni par le De prœparatione ad mortem d'Érasme, 59 éditions en latin ou en
langues vernaculaires, si l'on compte ensemble les publications du texte seul et
celles où il suit VEnchiridion. Le latin l'emporte avec 36 éditions échelonnées
entre 1534 et 1563, puis vient le flamand, 8 éditions entre 1534 et 1566, le
français, 8 également entre 1537 et 1541, à partir de deux traductions, La
préparation à la mort autrefois composée en latin par D. Érasme et maintenant
traduite en français, Lyon, 1537 et Le préparatif à la mort. Livre très utile et
nécessaire à chascun chrétien. Adjoutée une instruction chrétienne pour bien
vivre et soy préparer à la mort, publié à Paris en 1539 sous le nom de Guy
Morin, ensuite l'allemand, 3 éditions (1534-1546), l'espagnol, 3 éditions (1535-
1555), l'anglais, une édition en 1543 38. On le voit, la diffusion du livre est très

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R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

strictement enfermée dans le second tiers du xvie siècle, il disparaît ensuite et ne


se retrouve que dans une poignée d'éditions au xvne siècle, 7 au total. Un petit
fait, signalé par R. Doucet, permet de mesurer l'accueil fait au traité d'Érasme
ainsi que le trouble qu'il entraîne : le 30 juillet 1535 un inventaire est dressé des
livres de Marco de Erasso, un milanais sans doute étudiant à l'Université de
Paris, le libraire trouve le texte en latin, le note mais refuse de le priser « pour ce
qu'il est suspect en la foy » 39. On saisit là, sur le vif, l'empressement d'un
certain milieu (le livre, rappelons-le, n'est paru qu'un an auparavant) et la méfiance
face aux nouveautés humanistes.
Au-delà de ces deux classiques, l'inventaire des préparations à la mort dans
les domaines français et anglais au xvie siècle ne livre que peu d'ouvrages. Du
côté français, une dizaine de titres partagés entre les directoires et les
méditations 40, pour les premiers citons Jean Columbi 41 et Pierre Doré 42, pour
les secondes, un réformé, Jean de l'Espine 43, un jésuite le Père Richeome 44. En
Angleterre une dizaine de titres également 45 : dans le premier tiers du siècle des
préparations, généralement anonymes, tels le Doctrynalle of De the (édité par
Wynkin de Worde en 1498 et 1532) ou A treatise to teche a man to dye and not
to feare dethe (c. 1538), en 1534 le texte érasmien de Lupset 46, cinq fois réédité
en dix ans, en 1561 le traité calviniste de T. Becon 47, au succès beaucoup plus
grand avec 1 1 éditions au xvie et 7 dans les trente premières années du xvne,
enfin, au terme du parcours, l'adaptation calviniste par E. Bunny du traité du
jésuite Parsons 48.
VArs moriendi a donc cédé la place, après 1530, à un discours sur la mort
qui apparaît à la fois plus dispersé et d'un moindre poids sur la conscience
collective. Avant de vérifier cette hypothèse par la collecte de données
quantitatives sur la production du livre, il convient de s'arrêter un instant encore sur
les images. Le thème de la lutte entre anges et démons autour du mourant, qui
fonde la série de VArs, se maintient mieux en effet dans la gravure que dans les
textes 49. Il traverse le siècle, présent par exemple dans les Heures de la Veuve
Kerver ou dans une suite de onze pièces gravées par Leonard Gaultier. Dans
l'édition de 1542 des Heures de la Vierge à l'usage des Dominicains, le quatrain
Quand l'home a vescu aage entier
En ceste vallée misérable
En espérant sans destourbier
Dobtenir la vie pardurable
sert de légende à une image où le mourant, entouré par trois personnages dont
un prêtre qui lui donne le sacrement, est placé sous un Christ bénissant, à la
gauche d'un ange tenant un phylactère avec ces mots « Libéra me Domine,
Pone Me Juxta Te » et au-dessus de trois diables vaincus ; à gauche une fenêtre
s'ouvre sur un homme qui creuse une fosse auprès d'une croix 50 (Fig. II). A la
fin du siècle L. Gaultier retrouve l'inspiration et la structure même des scènes
de VArs moriendi dans certaines de ses vignettes. Dans une suite de
onze gravures illustrant une série de maximes religieuses et morales sur
l'humaine condition les cinq dernières sont consacrées à la mort51.
Après les maux et douleurs temporelles
L'âme jouit des faveurs éternelles
est la légende d'une bonne mort qui reprend les éléments de l'ultime image des

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AUTOUR DE LA MORT

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R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

livrets xylographiques : le mourant, assisté par un clerc qui lui tend un cierge et
tient la croix, entouré de parents, voit son âme, figurée sous la forme d'un petit
personnage, enlevée par un ange tandis que les démons, défaits, tombent en
désespoir (Fig. III). Le même thème se retrouve dans les deux gravures
suivantes :

Par oraison, par vœuz et par prière,


L'homme est aydé en son heure dernière,
le combat entre anges et démons se déroulant en présence de la Trinité et de la
Vierge placées au chevet de l'agonisant ;
Ceux qui vers Dieu vont aux vrayes receptes,
Sont consolez par ses Sacrez préceptes,
et la scène démarque la représentation de la bonne inspiration angélique contre
la tentation d'avarice. La série se clôt, après l'enterrement, sur un Jugement
dernier,
Au jugement du grand seigneur et maistre,
Tous les vivans et les morts doyvent estre,
ce qui fait écho, à un siècle d'écart, aux gravures xylographiques juxtaposant la
vision eschatologique du Jugement universel et l'inquiétude du salut individuel.
Toutefois à côté de ces représentations de la tradition, d'autres images
viennent au jour. Retenons deux corpus, et d'abord Les Simulachres et Historiées
Faces de la Mort, autant élégamment pourtraictes, que artificiellement
imaginées où une série de bois, gravés par H. Lutzelburger, reproduit les
compositions d'Holbein 52. Le programme iconographique est celui des danses
macabres mais la dernière image est un « memento mori » d'un nouveau type :
surmontée des paroles de l'Ecclésiaste « En toutes tes œuvres aye souvenance de
la fin et jamais n'offenseras », une symbolique neuve montre la Mort tenant à
bout de bras la pierre qui brisera le sablier tandis que la légende enseigne :
Si tu veulx vivre sans péché
Voy ceste image à tous propos
Et point ne seras empché
Quand tu t'en vas à repos. (Fig. IV)

La première édition, due aux frères Treschel à Lyon en 1538, est le fait, non
point de protestants, mais d'un groupe de catholiques réformateurs et tolérants,
liés parfois avec des réformés mais sans abandonner pour autant l'Église de
Rome. Deux hommes illustrent ce milieu, Gilles Corrozet, à la fois imprimeur,
libraire et littérateur, qui a composé les quatrains placés sous les gravures, et
Jean de Vauzelles clerc érasmien, l'un des principaux artisans de la réforme de
l'assistance de 1531, auteur d'une épître dédicatoire et de plusieurs essais mis
entre les images. Le livre traduit donc, dans sa première forme, la sensibilité
d'un milieu très semblable par son inspiration et sa foi à celui qui mène à bien
l'œuvre de réforme urbaine. Après 1539 et la grève des compagnons qui
désorganise l'imprimerie lyonnaise et oblige les frères Treschel à fermer
boutique, l'ouvrage va prendre une autre signification. Vendus aux Frellon,
dont l'un d'eux, Jean, est un réformé zélé, les bois servent à de nouvelles
éditions d'où sont écartés les textes de Vauzelles et où sont introduits d'autres

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AUTOUR DE LA MORT

essais, anonymes, La Médecine de l'Âme et La forme et manière de consoler les


malades, qui présentent une nette inspiration calviniste mal dissimulée derrière
quelques formules orthodoxes. Le livre connaît alors sur trente ans un franc
succès avec 7 éditions : 3 en français (1542, 1547, 1562, cette dernière imprimée
par S. Barbier alors que les réformés tiennent la ville), 3 en latin (1542, 1545,
1547), 1 en italien (1549) 53.

Si tu veux viurefins péché,


Voy с eHe image к tom'propos \
Et pott?f ne fir as empefcha
Quand tu t'en iras à repos.
Rom.

(Les ImagesFig.
de la
IV.Mort,
— « Lyon,
Memento
Jehan
moriFrellon,
» 1562).

Résolument calvinistes, les Emblèmes ou devises chrétiennes de Georgette de


Montenay fournissent de nouveaux motifs dans l'iconographie des préparations
à la mort. La première édition, faite à Lyon par P. de Castellas, date de 1566
(elle ne semble pas avoir été conservée), en 1571 Jean Marcorelle, imprimeur
protestant reprend le livre qui connaît ensuite quelques éditions en pays
réformés: Zurich 1584, Heidelberg 1584, La Rochelle 1620 54. Plusieurs des
cent vignettes, signées par Pierre Woeiriot, sont consacrées à la mort. Dans la
figure 83 la résistance par la foi a pris la place de la bonne inspiration
angélique :
R. ÇHARTIER LES ARTS DE MOURIR

On voit asses combien grandes alarmes


Satan, le monde, ont jusqu'ici livrez
A tous Chrestiens : mais comme bons gendarmes
Résistez forts par foy : car délivrez
Serez bien tost de ces fols enyvrez
Du sang des Saincts, qui crie à Dieu vengeance
Ainsi par foy Christ, vostre chef, suyvrez
Voyci il vient : courage en patience. (Fig. V)
La planche 89, elle aussi, a chassé anges et démons : un homme sort du monde
pour rejoindre la mort. La scène est surmontée des mots « Desiderans dissolvi »
et soulignée par les vers :
De grand désir d'aller bien tost à Dieu
Cestui se voit presque sorti du monde
Crainte de mort en son endroit n'a lieu
Ainsi qu'elle a au cœur sale et immonde
La mort n'est plus au Chrestien sainct et monde
Qu'un doux passage à conduire la vie
Et vray repos, où toute grace abonde
Mais charité modère tell'envie. (Fig. VI)
Présence massive de VArs moriendi puis invention de nouvelles formes mais
au sein d'un recul, telle est apparue, dans un premier regard, l'évolution du
genre des préparations à la mort entre 1450 et la fin du xvie siècle. Il nous faut
dès lors tenter de vérifier l'hypothèse par la mesure. Pour le temps des
incunables les données sont assez sûres et permettent d'évaluer le poids du
religieux dans la production totale du livre, et dans cette production religieuse la
part des « artes moriendi » 55. Pour les dix premiers centres de l'édition
européenne les résultats sont les suivants :

production religieuse artes moriendi (a)


total des éditions éditions % éditions % dans le religieux

Venise 3 754 974 25,9 4 (5) 0,4 (0,5)


Paris 2 254 1 063 47,1 17 (18) 1,5 (1,6)
Rome 1 613 465 28,8 1 (2) 0,2 (0,4)
Cologne 1 304 669 51,3 8 (16) 1,1 (2,3)
Strasbourg 980 561 57,2 2 0,2
Milan 962 226 23,4 1 (2) 0,4 (0,8)
Lyon 909 342 37,6 4 (6) 1,1 (1,7)
Augsbourg 893 444 49,7 2 (4) 0,4 (0,8)
Florence 839 422 50,2 6 1,4
Leipzig 745 193 25,8 9 (7) 4,6 (3,6)
(a) Nous donnons ici, lorsqu'ils diffèrent, le chiffre de Sœur O' Connor et, entre parenthèses,
celui de A. Tenenti.

Selon les villes, la part du livre de religion dans la production d'incunables


varie entre 25 et 50 % , mais si l'on met à part les villes italiennes et Leipzig, les
pourcentages sont plus resserrés vers le haut, entre 40 et 50 96 , ce qui retrouve
le chiffre moyen proposé par R. Steele et J.-M. Lenhart 5é. VArs moriendi fait
en général entre 0,5 et 2 % du livre religieux, avec l'exception de Leipzig grâce

61
AUTOUR DE LA MORT

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R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

aux éditions de Kachelofen. Cela peut paraître modeste mais représente tout de
même, si l'on admet le chiffre de Tenenti (97 éditions) et un tirage moyen de
500 exemplaires par édition (ce que fait Lenhart mais qui est très en deçà des
réalités pour les xylographes) environ 50 000 exemplaires. Ce sont là des
chiffres très comparables à ceux de Ylmitatio Christi au moins 85 fois éditée avant
1500 57. A YArs s'ajoutent les textes que nous n'avons pu comptabiliser, ceux de
Gerson, de Molinet, de Chastellain, de Castel 58, les anonymes allemands et
anglais, ce qui fait que l'on peut admettre que les préparations à la mort
constituent 3 à 4 % des incunables religieux. Ce chiffre, qui concerne une époque où
l'on a habitude de lire la toute puissance de la mort, permet de mieux mesurer,
par comparaison, l'impact de la réformation catholique. Rappelons en effet les
données apportées par D. Roche pour le xvne siècle : les préparations, qui sont
certes d'une nature différente, font pour la seule France entre 400 et
500 000 exemplaires et fournissent 7 à 10 % de la production théologique. La
statistique bibiographique autorise donc à remettre en perspective les données de
la tradition : les préparations au mourir connaissent deux apogées, au xve et au
xvne siècle, mais c'est aux temps post-tridentins que le genre envahit le plus la
littérature religieuse.
Pour le xvie siècle, les données sont plus incertaines. A suivre l'exemple
parisien 59, le début du siècle est marqué par le maintien de la part des arts
de mourir. Entre 1500 et 1510, les imprimeurs de la capitale donnent
1 656 éditions, le livre religieux en constituant environ 45 %. Au sein de la
théologie, trois paliers : le niveau des 300 éditions, c'est celui des livres
d'heures, le niveau des 30 à 40 éditions, Bibles, missels, bréviaires, le niveau de
la dizaine d'éditions, c'est celui des rituels et des arts de mourir, tant YArs que
Gerson. On retrouve là le 1 % de la préparation à la mort. Passées les premières
décennies, les arts de mourir se perdent dans le flot de la production. Trois
exemples : Caen, 411 éditions avant 1560, 31 missels, 22 bréviaires, une seule
préparation, YEsguillon de crainte divine pour bien mourir, partie des éditions
parisiennes de YArt de bien vivre et de bien mourir 60 ; Bordeaux, 71 1 éditions
au xvie, aucune préparation à la mort 61 ; Lyon, 15 000 éditions, une trentaine
sur la mort dont le texte d'Érasme (6 éditions), la traduction de Gerson, le
Directoire de Columbi, YExhortation de bien vivre et de bien mourir, placée à la
suite de la Grant danse macabre (4 éditions), les Simulachres et Historiées faces
de la mort (8 éditions) 62.
D'autres indices, indirects ceux-là, confirment cet effacement, d'une part le
décrochage qui s'opère entre les préparations à la mort peu nombreuses et
Ylmitatio Christi qui poursuit sa diffusion avec 200 éditions au xvie siècle 63,
ensuite la courbe de la production jésuite qui donne 20 titres sur la mort entre
1540 et 1620, 139 entre 1620 et 1700, 101 entre 1700 et 1800 64. Le livre de
J. Polanco constitue à la fois l'archétype et le plus grand succès de cette
littérature jésuite. Son Methodus ad eos adjuvandos qui moriuntur .- ex complu-
rium doctorum ac piorum scriptis, diu diuturnoque usu, et observatione collecta
est le modèle même du livret de petit format, in 12 ou in 16, guide pratique du
savoir mourir et du savoir aider à mourir. 18 éditions paraissent entre 1577 et
1650, et ce sont là seulement les éditions où le texte est seul et non placé à la
suite d'autres 65. Dans une même inspiration et pour un même usage on peut
signaler en latin les ouvrages de J. Anchieta, Syntagma monitorům adjuvandos
moribundos et de J. Fatio, Mortorium seu libellum de juvandis moribundis, en

63
AUTOUR DE LA MORT

langue vulgaire la Pratica de ayudar a morir de J.-B. Poza (Madrid, 1619) et le


Modo de aiudar a ben morir ais qui per malaltia, o per Justica mořen. Compost
per lo P. Pedro Gil Doctor Theolec de la Compania de Jésus. Es utilissim per a
tots los Parocos y Confessors, y Sacerdots ques emplean en profit de las Animas
(Barcelone, 1605) б6.
Le xvie siècle est donc un temps de basses eaux pour les préparations à la
mort et dessine un creux tant par rapport à l'amont dominé par VArs et les
traités qui s'en inspirent que par rapport à l'aval puisque la montée des titres est
forte et régulière jusqu'au climax des années 1675-1700. Cela ne veut pas dire
que le discours sur la mort soit absent de la Renaissance, mais il passe par
d'autres genres, l'un minoritaire, les méditations sur la Passion du Christ, l'autre
majoritaire, les oraisons, poèmes ou consolations faites à l'occasion d'une mort
illustre. Il apparaît clairement, au simple dépouillement du Cioranescu, que la
littérature religieuse de la seconde moitié du xvie siècle est presque tout entière
dévorée par la controverse anti-réformée. Or la préparation à la mort ne
constitue pas, au moins directement, l'un de ces lieux privilégiés d'affrontement
comme le sont la confession ou l'Eucharistie. L'hypothèse d'un relatif
effacement des arts de mourir peut donc être plaidée, à condition toutefois de ne pas
oublier deux données susceptibles d'atténuer les contrastes, d'abord le fait que
les comptages sur les titres ou les éditions minorent le poids des littératures de
large diffusion aux tirages forts, ensuite le constat que nombre de pièces, de
placards et de gravures ont pu disparaître et que c'est là un matériau qui nous
échappe dans de larges proportions pour le xvie siècle 67.
Pour estimer la place tenue par les arts de mourir dans les lectures, nous ne
possédons que peu de matériaux cohérents, quelques données apportées par
R. Doucet et, surtout, l'étude systématique menée par A. Labarre à Amiens.
Les quelques inventaires publiés par R. Doucet pour Paris indiquent une
présence ténue mais bien réelle des préparations à la mort. En 1499, parmi les
101 ouvrages possédés par Nicole Gille, contrôleur du Trésor et auteur des
Annales et chroniques de France, se rencontre YArt de bien mourir 68, en 1522
le libraire Jean Jehanot, époux de la veuve Trepperel, tient en fonds 500 Livres
qui parlent de bien vivre, prisés 35 s. 6 d., et qui sont sans doute des
exemplaires de son édition de YArt et science de bien vivre et de bien mourir 69 ;
ce même titre se retrouve, évalué 5 s, en 1548 chez Jean Le Féron, avocat au
Parlement, qui possède une bibliothèque de 783 titres 70, et, sans évaluation, en
1555 parmi les 280 ouvrages du marchand brodeur Pierre Valet dit Parent 7I.
Trois inventaires de bibliothèques privées et trois fois un art de mourir donc,
toutefois il ne faut pas conclure trop vite d'un si mince échantillon où le hasard
a pu jouer un rôle car l'étude plus large menée par A.H. Schutz sur
200 inventaires parisiens ne confirme pas cette omniprésence des préparations à
la mort 72.
Il en va d'ailleurs de même à Amiens au sein du corpus analysé par
A. Labarre 73. Entre 1503 et 1576, dans la ville, un inventaire après décès sur
cinq contient des livres mais seulement 20 % de ceux-ci sont décrits et
identifiables (2 700 sur 12 300). Malgré cette limite de la source, И est possible
de prendre mesure du poids et de la hiérarchie du religieux. Parmi les livres
identifiés 50 % sont de théologie. A l'intérieur de la catégorie, les livres
d'heures, avec 52 96 des exemplaires, constituent l'élément essentiel, suivis, loin
en arrière, par les ouvrages liturgiques, 15 96, les livres de piété, 10 96, les

64
R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

traités pour l'usage des clercs, 10 96, les Bibles, 8 %. Dans les ouvrages de piété,
assez peu nombreuses sont les préparations à la mort, 2 Cordiale de quatuor
novissimis en 1518 et 1520, 2 Art de bien vivre et de bien mourir en 1523 et
1541, 1 De Doctrina moriendi opusculum en 1531, 1 Doctrinale mortis de Raulin
également en 1531, 3 exemplaires du texte d'Érasme, en 1540 chez un avocat au
bailliage, en 1553 chez un avocat du roi au Présidial et en 1565 chez un curé,
docteur en théologie ; au total 0,6 % des livres religieux. La rubrique est
marquée surtout par la présence de l'hagiographie, en particulier la Légende
dorée, 45 exemplaires, soit presque autant que les Bibles entières,
53 exemplaires 74. Les lectures elles aussi, lorsque l'on peut les saisir dans un
sondage cohérent, renforcent l'idée d'un certain effacement des arts de mourir
dans la conscience collective au xvie siècle, temps faible entre une première
pédagogie de masse centrée sur la dramatisation des derniers instants et une
œuvre qui est, après Trente, christianisation de la vie toute entière en même
temps que socialisation des pratiques.
A partijř de quelques textes, et sans reprendre ce qui nous est maintenant
bien connu grâce à A. Tenenti et Ph. Ariès, nous voudrions marquer sur
quelques points ce que les préparations à la mort des xve et xvie siècles révèlent
des sentiments communs et des pratiques collectives. Un premier trait, qui
affleure souvent, est la conscience qu'ont les auteurs des clivages socio-culturels
qui divisent le public auquel ils s'adressent. Elle passe par un couple
d'oppositions, entre latin et langue vulgaire, entre texte et images. Dans YArt et science
de bien vivre et bien mourir de N. Bonfons, édition tardive mais conservatrice
des traits anciens, jusque dans la typographie gothique, le « traducteur » de VArs
moriendi s'exprime ainsi : Cestui livre (i.e. YArs)j'ay regardé et considérant que
à toutes gens de bien il est utile et convenable, pour ce que tous n'entendent pas
complètement le latin, l'ay voulu translater de latin en français au mieux que
j'ay pu, afin que tous bons Chrétiens y puissent recréer leur entendement 75. En
1513 paraît à Lyon, chez Arnoullet, une Manière de faire testament salutaire,
l'auteur, anonyme, clôt par ces mots son livret : Lequel j'ay faict en langue
maternel pour l'amour de ma seur Renée et aultres personnes dévotes qui
n 'entendent point latin, affin qu 'elles cognoissent comment elles doibvent faire
leurs testamens, et mesmes comment il leur fault faire testament spirituel : c'est
à savoir bien se préparer à la mort affin que par telle manière elles puissent
parvenir à la gloire éternelle, laquelle nous vueille donner nostre seigneur dieu
par sa bonté, clémence et miséricorde. Amen 76. Très tôt, l'art de mourir, qui a
pu être texte pour clercs en son départ, se donne donc pour mission d'enseigner
les laïcs chrétiens dans une visée d'universalité.
L'image, mieux encore que la langue vulgaire, se voit attribuer cette
fonction pédagogique. Dès les premières éditions xylographiques de YArs le
motif apparaît : Mais affin que ceste doctrine soit fourcloz ains y aprende atous
fructueuse et nulz nensoit fourcloz ains y aprendge salubrement morir tant clerz
par la lettre comme par les ymages layz et clerz en cest miroir poront protinter
(profiter) et les choses preterites et futures corne présentes spéculer. Qui dont
veulle bien morir ces choses et subséquentes considère diligentement 77 il est
repris avec plus de netteté encore dans les adaptations du xvie siècle : Mais afin
que ceste matière soit fructueuse et vallable à tous, et que nuls ne soient exclus
de la spéculation d'icelle mais en icelle apprennent toutes gens de quelque
-,

estât qu'ils soyent à bien mourir, j'ai traicté et déduict ce livre en deux façons

3 65
AUTOUR DE LA MORT

l'une a l'autre correspondantes. Premier en sermons, auctoritéz et parabolles


pour servir aux gens clercs et lettrés, secondement en figures et ymages mons-
trant figurativement et devant les yeux ce que spéculativement par la lettre est
dénoté. Et ay je faict pour servir aux laïques et gens non lettrés 78. Dans un
monde où Gutenberg n'a encore semé que les premières étoiles de sa galaxie et
où perdurent les équations anciennes, clerc = lettré, laïc = illettré, l'éducation du
peuple chrétien doit se faire paroles et images. De là sans doute l'accent mis par
la pastorale sur des thèmes simples, faciles à dire et à montrer, et quant à
la mort, cette dramatisation de la fin, grosse pourtant du risque d'oublier
l'existence chrétienne puisque tout semble se jouer aux heures de l'agonie.
C'est pourquoi au début du xvie siècle les textes insistent avec force sur la
nécessité de préparer sa mort bien avant l'heure de celle-ci. Toutefois, dans un
premier temps, l'injonction ne s'appuie point sur l'espérance que peut donner
une vie toute chrétienne mais sur les peurs cristallisées autour de Г « acte du
mourir ». La Manière de faire testament salutaire les rassemble : il faut disposer
de son âme et de son affaire tandis que l'on a entendement et santé, et ne
attendre jusques à l'article de la mort n parce que l'on peut mourir sans avoir
usage de sa raison, parce que l'on peut mourir subitement, parce que l'on peut
mourir seul. Trois grâces sont à demander dans les prières : qu'il plaise à dieu
secourir à la dernière nécessité en telle façon que l'on ayt mémoire de dieu et de
soy mesme en tel article et que l'entendement ne faille au besoing ; qu'il plaise à
dieu donner la grâce de bien et dévotement recepvoir à la dernière malladie et
nécessité les saincts sacrements de l'église ; qu'il plaise à dieu donner la grâce
de mourir en compaignie de gens de bien, affin qu'ils aydent à l'heure de la
mort tant par leurs oraisons que par bons advertissemens et exhortations 80.
Avoir conscience de sa fin prochaine, avoir du temps pour recevoir le saint
viatique, avoir autour de soi assemblés clercs et laïcs, parents et amis, telles sont les
conditions de la meilleure mort. On sait comment Ph. Ariès a repéré une totale
inversion de ces attitudes dans les sociétés occidentales contemporaines qui font
de la mort subite l'idéal et de la mort solitaire le quotidien 81. D'autres craintes,
plus superstitieuses, passent à travers les textes : préparer la mort est peut-être
en effet la hâter. On le voit dans le refus de faire testament, les aultres cuydent
qu'ils mourroyent de bref s'ils faisayent leur testamen 82, dans le refus aussi de
recevoir les sacrements, ce qui en 1595 oblige R. Benoist, nommé évêque de
Troyes deux ans auparavant, à publier des Considérations notables pour les
Chréstiens malades, contre les pernicieuses coustumes, et les diabolicques
persuasions, de ceux qui ne veulent en leurs maladies recevoir les Sacremens
qu'en l'extrémité %i.
Les préparations à la mort déroulent, dans un discours normatif qu'il ne
faudrait pas prendre pour une pure et simple traduction des réalités vécues,
l'ensemble des pratiques nécessaires au chrétien. La première d'entre elles, qui
fonde la fonction même des textes, est la « recordation et mémoire » de la mort.
Entendons YArs, A quoi est très expédient que chacun l'art de bien mourir
fréquente diligentement et pour pense sa mort et solution ; l'édition Bonfons,
Car c'est une des choses du monde qui plus incite la créature au salut de son
âme que la cogitation de la mort ,- P. Doré 84, La première préparation à la
mort qu'il (i. e. le Christ) nous a aprinse est de souvent avoir la méditation et
pensée de la mort. Cet exercice du fort intérieur peut prendre appui sur un
ensemble d'attitudes que recommande P. Doré : d'abord la lecture fréquente

66
R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

d'un art de mourir qui fournit l'occasion et donne la matière des pensées sur la
mort, je conseille aux Chrétiens souvent lire et relire (ce petit opuscule), car
c'est le pain quotidien dont fault user durant le pèlerinage de ce présent siècle,
affin de parvenir au terme prétendu, en la cité de Jérusalem supernelle, où Jésus
par sa miséricorde et conduite de sa grâce nous doint à tous à la fin aborder 85 ;
puis, si vient la maladie, l'écoute de la Passion du Christ, plusieurs bons
Chrétiens en leurs maladies, font lire le texte de la Passion de nostre seigneur Jésus
Christ, se reconfortant en la doulce mémoire de sa mort, s' appuyant sur les bras
de la Croix où sont soutenus pour ne tomber en impatience 8б, enfin, en santé
mais plus encore si l'on sait la fin proche, la vision des images qui peuvent
conforter l'âme, Pour ce met on au bout du lict du malade, la remembrance de
la Croix de nostre Seigneur, où comme en mirouer devant ses yeulx se mire le
pauvre malade 87.
Toute une gamme de gestes doit aussi préparer la mort. Les suffrages,
messes, oraisons, aumônes et jeûnes, que l'on demande par testament, sont
également, et peut-être surtout, pratiques de la vie chrétienne dans la pensée de
la mort. La Manière de faire testament salutaire marque bien à la fois l'efficace
reconnu aux messes et oraisons réclamées par le défunt et la nécessité d'en faire
un exercice de la préparation à la mort : le tiers poinct d'un testament concerne
les suffrages par lesquels on peut ayder aulx âmes des trespasses, et y en a
quatre manières, c'est à savoir, messes, oraysons, aulmosnes, et jeusnes, par
lesquels on entend toutes œuvres labourieuses et afflictives du corps faides pour
le remède et salut des trespasses mais, recommande le texte, C'est le plus seur
et le plus prouffitable de faire dire des suffrages sa vie durant que de les laisser
et ordonner par testament quand la personne a puissance et opportunité de ce
faire. Il est tout manifeste que c'est le plus seur de faire soy mesme que de
laisser à aultruy à faire après sa mort. 88
Toutefois le testament constitue un acte essentiel. Dans la Manière de faire
testament salutaire son ordonnancement habituel sert de structure au livre et lui
donne même sa signification religieuse puisqu'à chaque article du testament
commun fait écho une disposition du testament spirituel. Le texte se trouve donc
découpé en six moments : la recommandation de l'âme à Dieu, à Notre Dame et
aux saints de Paradis, la sépulture, les demandes de suffrages, les legs, donations
et fondations, les dettes et restitutions, enfin l'élection des exécuteurs. Chez
P. Doré, dans une tonalité christocentrique, le testament se doit faire selon
l'ordre et manière de celui qu'a faict nostre Seigneur, affin qu'en tout et par
tout sa mort soit instruction de la nostre 89. Après la confession et le repentir, le
malade rédige, ou fait rédiger, un texte dont P. Doré donne un modèle. Dans
un premier article prend place l'invocation : Au nom du Seigneur Jésus, Amen.
J'ai Chrystofle Doré recommandé mon âme à Dieu, et à la glorieuse Vierge
Marie, et aux saincts et sainctes de la cour celestielle de Paradis : Priant mon
Dieu par le mérite de son fils Jésus et de sa Passion, avec l'intercession de sa
mère, et touts les saincts, pardonner à mon âme, et la colloquer lassus en son
royaume éternel, Amen 90. On peut noter que par rapport aux testaments
dépouillés par les élèves de P. Chaunu dans le Minutier parisien de la seconde
moitié du xvie siècle, un tel texte se trouve « en avance » : à côté de traits
communs à la plupart des testaments de cette époque (rémunération du début
ou l'archaïsante formule finale par exemple), il introduit en effet les mérites du
Christ, formule que l'on peut considérer comme un test de la réformation

67
AUTOUR DE LA MORT

catholique et qui, peu présente avant 1600, envahit le discours testamentaire


parisien dans le second tiers du xvne siècle. L'élection de sépulture, le règlement
des obsèques, les fondations et legs (qu'on chantast messes annuelles ou
anniversaires ou distributions être faictes es pauvres, et es églises par chascun an,
ou autrement fonder obits) 9I, terminent ce premier article. Le second est
consacré aux legs mondains, au paiement des dettes et aux restitutions, le troisième,
plus original, à une admonestation faite aux enfants sur l'exemple que nous
laisse nostre Seigneur, qui fait un long sermon à ses disciples et Apostres un peu
devant sa mort 92.

Vient l'heure de l'agonie. Les modifications dans son ordonnance peuvent


être déchiffrées comme autant de glissements dans les sensibilités. Dans un
premier temps YArs donne un modèle, celui de la mort publique qui est
spectacle d'édification pour les vivants et certitude d'un secours pour le
mourant. Les présents tiennent en effet un rôle capital dans la scène des derniers
instants parce qu'ils aident, ou même supléent l'agonisant dans la correcte
récitation des invocations adressées à Dieu, à la glorieuse Vierge Marie, aux
saints et anges, aux apôtres, martyrs, confesseurs et vierges. Dans la gravure de
l'expiration, YArs met au centre le moine qui donne le cierge mais dans le texte,
qui ne fait pas d'allusion aux sacrements, la figure qui prend consistance est
celle de l'ami fidèle : Et corne ainsi soit que le salut de la personne est et consiste
en son definement de ce monde chacun se doit soingneusement pourveoir d'un
bon dévot sochon féal et ydoine ami qui lui assiste en ceste nécessité et conforte
à constance de vraie foy pacience devotion et perseverance lesmouvant et
incitant à bon dévot corage et adrechement de ceur a dieu la sus sa doulce mere et
cetera. Et pour priant lui feablement en son agonie et trespas et après par
bonnes orisons et commendacions pour lequel lui peut moult valoir à sa
saulvacion et est pour tel assistant au moritur chose de tresgrand mérite corne
aussi voulroit qu'on feist pour lui 93. Cette image d'une large assemblée, où la
présence cléricale ne se détache guère et où le mourant préside sa mort,
constitue la trame commune à toutes les préparations et est vécue comme un
idéal : On list d'ung bon hermite lequel cognoissant qu'il devoit mourir en bref,
supplia estre receu en ung convent, et pource qu'on luy faisait refus à cause
qu'il était vieulx, il leur dist .- ne craignez point que je vous face charge à cause
de ma vielleisse, car je mourray de bref, et ainsi ne vous chargeray longtemps.
On luy dist si sa mort était ainsi prochaine pourquoy il vouloit donc estre receu
au convent, A, dist -il, le passaige de la mort est si très dangereux que je ne le
veulx point passer tout seul 94. Allant sans dire dans la version QS de YArs, la
réception des sacrements est minutieusement décrite dans les adaptations en
langue vulgaire : Après que le patient a esté adverty et interrogué, comme dit
est, on lui doit présenter et l'admonester de recevoir les Sacremens de notre
mère Saincte Eglise. Premièrement qu'il ayt en luy vraye contrition de cueur
d'avoir tant offencé Dieu. Secondement qu'il face entière confession de bouche
en tant qu'il luy sera possible, avec volunté de faire pénitence s'il revient à
santé, ou de prendre la mort en gré s'il plaist à Dieu de luy envoyer, en espérant
d'avoir le Royaume de Paradis : non pas par les mérites de luy mais les mérites
de la Passion de notre sauveur Jésus Christ. Des autres sacremens pareillement
comme du Saint Sacrement de l'autel, qui est le viaticque des Chrestiens :
lequel tout bon chrestien qui faire le peut doit recevoir en la fin de ses jours.
R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

Combien que aucuns de telles maladies soient malades qu'on ne leur ose donner
de poeur qu'ils ne le vomissent .- mais, à tout le moins on doit leur monstre r 95.
Sur ce canevas les arts de mourir du xvie siècle nuancent certains motifs.
Tout d'abord se manifeste une volonté de mise en ordre du moment de la mort
qui passe par la diminution du nombre des assistants. L'aide des chrétiens est
toujours nécessaire mais elle peut et doit se manifester ailleurs qu'à l'entour du
lit du mourant. P. Doré, par exemple, plaide pour une mort plus discrète en
distinguant les lieux, d'un côté le peuple chrétien rassemblé dans les églises, de
l'autre les quelques personnes présentes dans la chambre du malade: La
congrégation et assemblée des Chrestiens, assemblés en la foy et oraison est une
arme espouventable à nos ennemis, qui sont les diables d'enfer. Pour ce on
envoyé es convents, églises et assemblées, des Chrestiens pour prier pour le
languissant estant au traictz de la mort 96 mais En telle sorte doibt faire
l'homme qui s'en va mourir, deffendant que nul viene à luy (ainsi que faisait
S. Augustin lisant les pseaulmes de David si ce n'est quand on luy baillait la
viande ou la médecine), seulement à l'entour de son lit doibt avoir deux ou trois
qui prient pour lui, ainsi qu'estaient les trois apostres nommés, quand nostre
Seigneur sua sang et eau, priant au jardin d'Olivet 97. A la fin du siècle, la
promotion des clercs sera chose faite, et dans un nouvel équilibre la présence du
curé fera passer au second plan l'aide des chrétiens. Deux des Considérations
publiées par R. Benoist en 1595 manifestent l'évolution : Considération 14, il
(i.e. le Chrétien tombé en maladie) s'addressera à celuy qui a la puissance de
guérir son âme, luy remettant ses péchés et en luy ministrant les Sacremens, et
en priant pour luy selon le devoir de sa vacation, qui est son Curé Pasteur
hiérarchique immédiat ; Considération 1 6, que le premier recours soyt à son
propre Pasteur, et à sa propre Eglise parochiale, pour plusieurs valables raisons,
toutesfois il n'est mauvais mais souvent bien utile y adjouster les prières des
personnes Religieuses et dévotes, tant régulières que séculières, qui doyvent
compatir aux maladies, charitablement estant redevables à leurs bien-faicteurs n.
Il est donc bien clair que les xve et xvie siècles sont attachés à la mort-
spectacle qui ne cédera du terrain qu'avec la promotion de la mort au for
familial. Toutefois ils connaissent, au moins au niveau des textes normatifs que
sont les préparations, certains glissements. Le vœu d'une diminution du nombre
des présents est un fait que traduit aussi l'iconographie : la scène de l'agonie
gravée par L. Gaultier donne à voir cette réduction, en même temps qu'une
féminisation de l'assistance " ; on peut la comparer, pour prendre mesure de
l'évolution, avec la même scène telle que la traite le miniaturiste du Bréviaire
Grimani, dans une œuvre datée d'entre 1480 et 1520 10°. L'autre infléchissement
est l'émergence du prêtre, ambiguë dans sa signification puisqu'elle cristallise les
peurs superstitieuses qui laissent croire que c'est lui qui, signifiant l'imminence
de la mort, la précipite et fait en même temps ressentir comme un manque
effroyable l'absence de curé lors des derniers moments.
L'étude des attitudes devant la mort à la fin du Moyen Age et pendant la
Renaissance a d'abord été, grâce à des ouvrages devenus justement de grands
classiques, description d'un sentiment scruté à travers les motifs
iconographiques, les représentations littéraires ou les sensibilités religieuses. Par cette
voie ont pu être retrouvés les contours essentiels du discours sur la mort tenu
par les «majores» ainsi que les images proposées pour l'enseignement du
peuple chrétien. A partir de ces certitudes, les gains de notre connaissance sont à

69
AUTOUR DE LA MORT

attendre de trois manières de faire aujourd'hui l'histoire de la mort. En des sites


contrastés, Paris ou Grenade par exemple 101, a pu être tentée l'annexion du
xvie siècle, ou du moins de sa seconde moitié, à l'histoire sérielle du discours
testamentaire. On sait depuis le travail de M. Vovelle la pertinence de la source,
massive, homogène, largement représentative, et on doit espérer de ces analyses
régressives la mise en place de la phase de construction et d'apogée d'un
discours dont il a saisi en Provence la déstructuration. La mort, d'un autre côté,
est objet plein d'une histoire qui se donne pour objectif la quantification des faits
de civilisation. Nous avons ici essayé d'apporter, en prenant appui sur la
statistique bibliographique, des ordres de grandeur quant à l'importance des arts
de mourir dans la circulation de l'imprimé pendant les cent cinquante premières
années de son existence 102. Sous réserve d'autres mesures, il semble possible
d'admettre, au moins comme hypothèse de travail, qu'après le temps fort des
années 1450-1530, qui sont celles du succès massif de YArs moriendi, les
préparations à la mort tout à la fois diversifient leur discours et connaissent un
recul au sein de la librairie. L'autre conclusion provisoire, importante si on peut
la confirmer, est le constat que les guides pour la bonne mort pèsent moins
dans la littérature religieuse du temps des incunables que dans celle du triomphe
de la réforme catholique. Une dernière piste nous est donnée par
l'interrogation anthropologique des textes, la quête des gestes et des pratiques qu'ils
recommandent ou stigmatisent. Dans cette voie, l'histoire de la mort peut aller
au-delà d'une histoire des représentations et vérifier l'écart ou la similitude qui
existe entre les injonctions proposant une norme religieuse et les conduites
vécues, souvent superstitieuses, connues à travers leurs condamnations. La
longue durée est d'évidence le temps qui convient à de telles études, mais sur un
corpus plus ramassé peuvent se déceler des évolutions significatives à l'intérieur
d'un modèle général, ici, par exemple, l'infléchissement vers la mise en ordre
puis vers la prise en charge par les clercs des derniers moments. C'est dans le
discours touffu des temps classiques qu'il faut dès lors repérer le terme de
l'évolution.

Roger Сн artier
École des Hautes Études en Sciences Sociales

NOTES

1. E. Mâle, L'Art religieux de la fin du Moyen Age en France. Étude sur l'iconographie du
Moyen Age et sur ses sources d'inspiration, Paris, Colin, 1908, 5e édition 1949, pp. 347-389.
chap,
2. xi,
J. Huizinga,
«La visionLe deDéclin
la mort»,
du Moyen
pp. 141-155.
Age (traduction française 1948), Paris, Payot, 1967,

xve 3.siècle
A. Tenenti,
», Annales«Ars
E.S.C.,
moriendi.
octobre-décembre
Quelques notes
1951, sur
pp. le
433-446
problème
; La deVielaet mort
la Mort
à laà travers
fin du
l'art du XVe siècle, Paris, A. Colin, Cahier des Annales, 1952 ; // Senso délia morte e l'amore
délia vita nel Rinascimento (Francia e Italia), Torino, Einaudi, 1957.

70
R. CHARTIER LES ARTS DE mourir

prononcées
Baltimore
4. Ph. -Ariès,
London,
en avrilWestern
1973)
The ;John
voir
attitudes
aussi
Hopkins
towards
« Contribution
University
Death à.-Press,
l'étude
From 1974
du
the culte
Middle
(textes
desdeAges
morts
quatre
toà l'époque
the
conférences
Present,
contemporaine », Revue des Travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques, vol. CIX,
1966, pp. 25-34 et «La mort inversée. Le changement des attitudes devant la mort dans les
sociétés occidentales», Archives européennes de sociologie, vol. VIII, 1967, pp. 169-195.
5. D. Roche, « La Mémoire de la Mort. Recherche sur la place des arts de mourir dans la
librairie et la lecture en France aux xvne et xvine siècles », article ci-après et M. Vovelle, Mourir
autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Galli-
mard/Julliard, «Archives», 1974.
6. H. Appel, Die Anfechtung und ihre Uberwindung in der Trostbuchern und Sterbebûchlein
des spàten Mittelalters nach lateinischen und oberdeutschen Quellen des 14 und 15 Jahrhunderts
untersucht und mit der Anfechtungslehre Luthers verglichen, Leipzig, 1938, sur YArs pp. 63-104.
7. Sister Mary Catharine O'Connor, The Art of dying well. The Development of the Ars
Moriendi, New York, Columbia University Press, 1942.
8. A. Tenenti, // Senso..., op. cit., chap, in, pp. 80-107.
9. M.C. O'Connor, op. cit., pp. 61-112.
10. Mgr P. E. Puyol, Descriptions bibliographiques des manuscrits et des principales éditions
du livre De Imitatione Christi', Paris, 1898, recense 349 manuscrits latins, mais J. Van Gin-,
ne ken, Op Zoek naar der oudsten tekst en den waren schrijve van het eerste boek der Navolging
van Christus, Tekstvergelijkende Spoor-naspeuringen, 1929, avance le chiffre de 600, p. 2.
1 1 . F. Rapp, L 'Église et la vie religieuse en Occident à la fin du Moyen Age, Paris, PUF,
«Nouvelle Clio», 1971, p. 248.
12. Renseignement communiqué par J.-Ph. Genet.
13. E. Langlois, Les Manuscrits du Roman de la Rose. Description et Classement, Lille-Paris,
1910, donne une liste de 214 manuscrits et en ajoute 30 « dont le domicile actuel est inconnu ».
14. F. W. D. Brie, Geschichte und Quellen der mittelenglischen Prosachronik. The Brute of
England oder The Chronicles of England, Marburg, 1905, pp. 1-5, 120 manuscrits en anglais, 43
en français, 4 en latin.
15. Maistre Nicolas Oresme, Le Livre de Politique d'Aristote. Published from the Text of
Avranches Manuscript 223 with a Critical Introduction and Notes by A. D. Menut, Transactions
of the American Philosophical Society, New Series, vol. LX, Part 6, 1970, pp. 33-39.
16. Maistre Nicolas Oresme, Le livre de l'Économique d'Aristote. Critical Edition of the
French Text from the Avranches Manuscript with the Original Latin Version. Introduction and
English Translation by A. D. Menut, Transactions of the American Philosophical Society, New
Series, vol. XXXXVII, Part 5, 1957, pp. 801-803.
17. Nicolas Oresme, Le Livre du Ciel et du Monde, edited by A. D. Menut and
A. J. Denomy. Translated with an introduction by A. D. Menut, The University of Wisconsin
Press, 1968, pp. 32-36.
18. H. Zerner, «L'art au morier », Revue de l'Art, n° 11, 1971, pp. 7-30, donne la
bibliographie récente du sujet et reproduit les onze miniatures du manuscrit du Wellcome
Institute of the History of Medicine ainsi que la traduction française de YArs moriendi dans sa
première édition xylographique.
19. W. L. Schreiber, Manuel de l'amateur de la gravure sur bois et sur métal au XVe siècle,
t. IV, Leipzig, 1902, pp. 253-313 ; également A. Blum, Les origines de la gravure en France.
Les estampes sur bois et sur métal. Les incunables xylographiques, Paris-Bruxelles, 1927, pp. 58-
61 et planches XLIX-LVII et A. Hyatt Mayor, Prints and People. A social history of printed
books pictures, The Metropolitan Museum of Arts, 1971, T édition 1972, illustrations 23-25.
20. A. M. Hind, An Introduction to a history of woodcut, t. I, London, 1935, pp. 224-230, à
compléter pour l'Italie par Prince d'EssLiNG, Les livres à figures vénitiens de la fin du XVe siècle
et du commencement du XVIe siècle, t. I, Florence-Paris, 1907, pp. 253-267 et M. Sander, Le
livre à figures italien depuis 1467 jusqu'à 1530, Milan, 1942, pp. 109-111.
21 E Mâle op cit., pp. 380-389 et T. S. R. Boase, Death in the Middle Ages. Mortality,
Judgment and Remembrance, Library of Medieval Civilization, London, 1972, pp. 119-126.

71
AUTOUR DE LA MORT

22. M. С O'Connor, op. cit., pp. 114-115. Sur les livrets xylographiques, dont la date
d'apparition a fait l'objet de controverses nouvelles, voir les mises au point (avec bibliographie des
travaux de L. Donati et A. Stevenson) dans les catalogues de deux récentes expositions : Le
Livre, Bibliothèque Nationale, Paris, 1972, p. 37 et Les Incunables de la Collection Edmond de
Rothschild. La gravure en relief sur bois et métal, Musée du Louvre, 1974, p. 32.
23. B.N., Rés. Xyl. 37, décrit par W. L. Schreiber, op. cit., t. II, Berlin, 1892, pp. 249-250
et t. IV, Leipzig, 1902, pp. 313-314.
24. Sur cette dualité voir les pages éclairantes de Ph. Ariès, Western attitudes towards
Death..., op. cit., pp. 29-39.
25. Les placards ont pu jouer un même rôle, avec le relais des alphabétisés, cf. Einblattdrucke
des XV Jahrhunderts. Ein bibliographisches Verzeichnis, Halle, 1914, n°761 «Instrumentum
continens modum disponendi se ad mortem », Ulm, J. Zainer, с 1500 et n° 509 « Death bed
prayers : О glorious Jesu », Westminster, W. Caxton, с. 1484.
26. Chiffre des incunables d'après M. С O'Connor, nombre des éditions à figures d'après
W. L. Schreiber, op. cit., t. V, Leipzig, 1910, pp. 72-74.
27. W. L. Schreiber, op. cit., t. V, n°4815, n°4816, n° 4642, n° 5424 et n° 5425.
28. E. Hodnett, English woodcuts 1480-1535, Printed for the Bibliographical Society, At the
Oxford University Press, p. 188, n°510 «L'Agonie».
29. M. С. O'Connor, op. cit., pp. 133-171 ; A. Tenenti, La vie et la Mort..., op. cit., indique
dans un tableau pp. 92-95, 97 éditions incunables mais ne les décrit pas.
30. L. Febvre et H.-J. Martin, L'Apparition du livre, Paris, Albin Michel, « L'Évolution de
l'Humanité», 1958, 2e édition 1971, carte pp. 260-261.
31. A. W. Pollard et G. R. Redgrave, A short-title catalogue of books printed in England,
Scotland and Ireland and of English book printed abroad, 1475-1640, London, The
Bibliographical Society, 1926, p. 19.
32. B. Moreau, Inventaire chronologique des éditions parisiennes du XVIe siècle, d'après les
manuscrits de P. Renouard, Paris, Imprimerie Municipale, 1972, t. I, 1501-1510, 1501 n° 9, 1503
n°7, 1504 n°8, 1505 n° 10, 1510 n° 14.
33. B.N., Rés. Impr., Papiers Renouard ; P. Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens,
libraires, fondeurs de caractères et correcteurs d'imprimerie depuis l'introduction de l'Imprimerie
à Paris jusqu'à la fin du XVIe siècle, Minard, 1965.
34. H. Baudrier, Bibliographie lyonnaise. Recherches sur les imprimeurs, librairies, relieurs
et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle, publiées et continuées par J. Baudrier, Lyon, Brun,
1895-1921, t. XI, p. 516.
35. S. F. Pogue, Jacques Moderne, Lyons Music Printer of Sixteenth Century, Genève, Droz,
1969, avec une bibliographie des éditions de Moderne, pp. 107-296, n° 67 Le livre nommé l'art et
science de bien vivre et de bien mourir.
36. A. Tenenti, La Vie et la Mort..., op. cit., pp. 63-68.
37. Bibliotheca Belgica. Bibliographie Générale des Pays-Bas. Fondée par F. Van der
Haegen. Rééditée sous la direction de M. T. Lenger, 1964, t. I, pp. 604-607 ; sur le texte de
Clichtove et ses accents humanistes, A. Tenenti, La Vie et la Mort..., op. cit., pp. 68-70.
38. Bibliotheca Belgica, op. cit., t. II, pp. 943-971 ; sur ce texte, A. Tenenti, // Senso..., op.
cit., pp. 122-127, et plus généralement sur le problème de la mort chez Érasme, pp. 229-261.
39. R. Doucet, Les Bibliothèques parisiennes au XVIe siècle, Paris, Picard, 1946, pp. 36-37.
40. J. Dagens, Bibliographie chronologique de la littérature de spiritualité et de ses sources
(1501-1610), Paris, 1952 ; A. Cioranescu, Bibliographie de la littérature française du XVIe siècle,
Paris, Klincksieck, 1959.
41. Directoire pour ceuls qui sont à l'article de la mort, extraict de la doctrine de Gerson, avec
aucunes petites oraisons en rimes ajoutées par le R.P. Jean Columbi, s.l.n.d.
42. P. Doré, La déploration de la vie humaine avec la disposition à dignement recevoir le
S. Sacrement et mourir en bon catholique, Paris, 1554.
43. Jean de I'Espine, Traicté pour oster la crainte de la mort et la faire désirer à l'homme
fidèle, Lyon, 1558.

72
R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

mort
(6 éditions
44.parP.laRiCHEOME,
mort,
au xvieet siècle,
l'appareil
L'adieu
7 au
pour
à l'âme
xvne).
heureusement
dévote laissant
se partir
le corps
de ceste
avec vie
les mortelle,
moyens de Tournon,
combattre
1590,
la

45. N. L. Beatty, The Craft of dying. A study in the literary tradition of the Ars moriendi in
England, Yale University Press, 1970.
édité46.enT. 1534,
Lupset,
1535,
A compendious
1538, 1541,and1544.
a very fruteful treatyse teachynge the waye ofDyenge well,

47. T. Becon, The Sicke mannes salve, wherein the faithfull Christians may learne both how
to behave themselves paciently and thanke fully in the tyme of sickness and also vertuously to
dispose the temporall goods and finally to prepare themselves gladly and goodly to dye, édité en
1561, 1563, 1568, 1570, 1572, 1574, 1577, 1584, 1585, 1594, 1596, 1601, 1604, 1607, 1611,
1613, 1631, 1632.
48. E. Bunny, A Booke of Christian Exercise Appertaining to Resolution, 1584, adaptation de
R. Parsons, The First Booke of the Christian Exercice appertayning to resolution, 1582 ; sur ce
texte J. Driscoll, Robert Parsons' Book of Resolution. A bibliographical and literary Study, Yale
University Press, 1957.
49. A. Linzeler, Inventaire du Fonds Français. Graveurs du XVIe siècle, Paris, Bibliothèque
Nationale, 1932-1935.
50. Heures de la Vierges à l'usage des Dominicains, Paris, Veuve Kerver, 1542,'p. i, VI, v°.
Le bois se trouve également dans les éditions de 1522 et 1569.
51. L.Gaultier, Suite de onze pièces, B.N., Est. Res. Ed 12 Fol., nos 140-144.
52. H. Baudrier, op. cit., t. V, Jehan II et François Frellon ; R. Brun, Le livre français
illustré de la Renaissance, Paris, Picard, 1969, pp. 73-76 et p. 222 ; et surtout N. Z. Davis,
« Holbein's Pictures of Death and the Reformation at Lyons », Studies in the Renaissance, III,
1956, pp. 97-130 dont nous suivons ici la démonstration.
53. H. Baudrier mentionne l'édition de 1562 comme étant « la neuvième et dernière », op.
cit., t. V, p. 259 mais ne recense en fait que 8 éditions dont la description est reprise par
R. Brun, op. cit., p. 222.
54. H. Baudrier, op. cit., t. X, pp. 381-382; R. Brun, op. cit., p. 265; A. Tenenti, //
Senso..., op. cit., pp. 278-281.
55. J. M. Lenhart, « Pre-Reformation Printed Books. A study in statistical and applied
bibliography», Franciscan Studies, n* 14, October 1935, tableau p. 76.
56. J. M. Lenhart, art. cit., p. 68 reprend le chiffre avancé par R. Steele dans une série
d'articles parus dans Library .- A Quaterly Review of Bibliography and Library Lore entre 1903 et
1907.
57. A. de Backer, Essai bibliographique sur le livre De Imitatione Christi, Liège, 1864, pour
les incunables, 54 éditions en latin, 14 en italien, 8 en allemand, 4 en français, 4 en espagnol, 1
en polonais.
58. A. Tenenti, La Vie et la Mort..., op. cit., p. 60.
59. B. Moreau, op. cit.
60. L. Delisle,
Caen,' Catalogue des livres imprimés ou publiés à Caen avant le milieu du
XVIe siècle, 1903-1904.
61 L Desgraves, Bibliographie bordelaise. Bibliographie des ouvrages imprimés à Bordeaux
au XVIe siècle et par Simon Millanges (1572-1623), Baden-Baden, 1971.
62. H. Baudrier, op. cit.
63 A de Backer, en' op. cit., au xvie siècle, 68 éditions en latin, 56 en italien, 18 en français,
17 en anglais, 16 flamand, 15 en allemand, 6 en espagnol, 4 en polonais.
64. С Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. X, Tables de la Première
Partie par P. Bliar, Paris, Picard, 1909, pp. 510-519.
65 С Sommervogel op cit., t. VI, p. 944, 12 éditions en latin, 1 en allemand en 1584, 5
en français la première 'étant de 1599 publiée sous le titre Consolations très utiles, brièves et
méthodiques pour bien et fructueusement consoler et ayder les Malades à l'article de la mort.

73
AUTOUR DE LA MORT

66. С Sommervogel, op. cit., J. Anchieta, t. I, p. 312 ; J. Fatio, t. III, p. 552 ; P. Gil, t. III,
p. 1413; J.-B. Poza, t. VI, p. 1135.
67. Les almanachs et prédictions du xvie siècle restent silencieux sur la mort et ne disent rien
de sa préparation, d'après F. Ponthieux, Prédictions et almanachs au XVIe siècle, mémoire de
maîtrise de l'Université Paris-I fait sous *ia direction de P. Goubert, ex. dact., 1973.
68. R. Doucet, op. cit., p. 87, n° 45.
69. R. Doucet, op. cit., p. 100, n° 117. Les différents titres concernant directement la mort
font un total de 900 exemplaires dans un fonds qui comprend 53 475 volumes, soit 1,6 96.
70. R. Doucet, op. cit., p. 127, n° 246.
71. R. Doucet, op. cit., p. 167, n° 26.
72. A. H. Schutz, Vernacular Books in Parisian Private Libraries of the Sixteenth Century
according to the notarial inventories, Chapell Hill, The University of North Carolina Press, 1955,
l'auteur étudie 220 inventaires (liste pp. 74-86) et décrit 650 titres en langue vulgaire (liste
pp. 31-73).
73. A. Labarre, Le Livre dans la vie amiénoise du seizième siècle. L'enseignement des
inventaires après décès 1503-1576, Paris, Louvain, Nauwelaerts, 1971.
74. A. Labarre, op. cit., pp. 189-195.
75. VArt et science de bien vivre et bien mourir, Paris, Bonfons, s.d., p. К I v° - К II r#.
76. La Manière de faire testament salutaire, Lyon, Arnoullet, 1513, p. D VII v*.
77. VArt au morier, introduction. Nous suivons ici la transcription donnée par H. Zerner,
art. cit., pp. 19-30.
78. VArt et science..., op. cit., p. К III r°.
79. La Manière..., op. cit., p. a III гф.
80. La Manière..., op. cit., p. b VIII v° - с I r°.
81. Ph. Ariès, «La mort inversée», art. cit., pp. 171-179.
82. La Manière..., op. cit., p. a VI r°.
83. R. Benoist, Considérations notables pour les Chréstiens malades, contre les pernicieuses
coustumes, et les diabolicques persuasions, de ceux qui ne veulent en leurs maladies recevoir les
Sacremens qu'en l'extrémité. D'où vient la mort, de l'âme et du corps, en plusieurs, Troyes, 1595.
René Benoist, né en 1521, prêtre en 1553, fut curé de Saint-Eustache en 1568. Favorable à la
Ligue en son début, il reste néanmoins fidèle à Henri III et Henri IV qui le nomme évêque de
Troyes en 1593, mais le Pape lui refuse l'investiture canonique pour une traduction française de la
Bible condamnée en 1567. Il résigne son évêché, retrouve le bénéfice de Saint-Eustache et meurt
en 1608 ; sur lui, E. Pasquier, Un curé de Paris pendant les guerres de religion : René Benoist, le
pape des Halles, 1521-1608, Paris, 1913.
84. P. Doré, La déploration de la vie humaine avec la disposition à dignement recevoir le
S. Sacrement et mourir en bon catholique, Paris, 1554. Doré, né vers 1500, frère prêcheur,
docteur en théologie, fut prédicateur à la cour de Henri II et confesseur de Claude de Lorraine,
premier duc de Guise; il meurt à Paris en 1559.
85. P. Doré, op. cit., p. a III v°.
86. P. Doré, op. cit., p. 144 r°.
87. P. Doré, op. cit., pp. 176 v° - 177 r° et v°.
88. La Manière..., op. cit., p. b V r°.
89. P. Doré, op. cit., p. 149 v°.
90. P. Doré, op. cit., p. 150 r°.
91. P. Doré, op. cit., p. 152 r°.
92. P. Doré, op. cit., pp. 154 v° - 155 r°.
93. VArt au morier, « Bien utile conclusion de ceste salutaire doctrine ».
94. La Manière..., op. cit., p. с I r°.
95. VArt et science..., op. cit., p. К III v°.

74
R. CHARTIER LES ARTS DE MOURIR

96. P. Doré, op. cit. p. 170 v°.


97. P. Doré, op. cit., p. 171 r°.
98. R. Benoist, op. cit., p. 11 et p. 13.
99. L. Gaultier, Suite de onze pièces, op. cit., n° 140.
100. Biblioteca Marciana, Venise, Bréviaire Grimani, f° 449 v°, reproduit dans T. S. R. Boase,
op. cit., p. 121.
101. Nous pensons à l'enquête menée dans la capitale par P. Chaunu et ses étudiants et à celle
conduite dans les archives grenadines par B. Vincent.
102. Nous voudrions ici remercier pour leur aide constante les Conservateurs du Service de
la Réserve des Imprimés de la Bibliothèque Nationale, en particulier Mme Veyrin-Forrer,
M1Ie Baumeister, MM. Labarre et Toulet.

75

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