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delpiere 2S LEMYTHE DU HEROS Pee! tate seo Sri SOMMAIRE Préface Avant-propos CHAPITRE 1, LA. PERMANENCE DU « MODELE HEROIQUE >... . . © La geste du héros. structure du modele héroigue 2. solarité du héroe » 3, sowverainete du hésos 4. Te heros ot Panivers f&minin 5. Vherolsme feminin 6. Je compagnonnage hérotaue | © « Modéte hérotque » et ittrature épique 4. Vagrandissement epique = lemerveleurepigue "action et les personnages 4 Je « soumo'» pique’ 5. épique et tragigue © La reverie hérolque aujourd'hui 1 christianisme ot « modele héroigue » 2. marxisme et herolsmo = CHAPITRE 2, CINQ TEXTES ANTIQUES (© ‘Naissance, vie cachée et reconnaissance de Cyrus © David contre Goliath . (© Herakies et !Hydre de Leme © Heraklés et Omphale © Lapothéose d'Héraklés CHAPITRE 3, LHEROISME CHEVALE- RESQUE (XIt-XVI* SIECLES) ie © La Chanson de Roland [combats singulies] {la démesure du heros) Uepee merveileuse de Roiaadj ena : Scare erhote de Roland ss area ercngne) 3 © Napotton os ede was hota be Carer 5 "fue le Nanton 2 rane fo Tysts ot Yoeut Ai 3 Rain dio 3B Fi sts Kotall 5 =e a fe Acwais de Gale 8 am ‘a fejasteal iceman & = Peete Dol Ms @ Roland furieux 65 er 49 eran “6 © La Jerusalem detvnée fle compagnonnage heotauel ra fe oem et CHAPITRE. 4. LE, GRAND SIECLE fs connate ede Br TAIN MAGNIFICATION DU HEROS... 68 (Siena eet ce © adeno cmtin x te eigen as Ch lesen ag fe CHAPITRE, 7, DU_XIXe AU Xxx" SIECLE : eeepc i TA MAGNIFICATION DE JEANNE: D/ARC 169 ee a : eee cee eae eee Ey leanne Aree « moi hg m few modile berotque » dans Le Cid 86 Wintereetion de Vhérotsme et de la saint] 175 Pascal ou la démolition du héros 88 ee eeaceel) 176 ° [« la démolition du héros ») a8 asoibe a 18L Kewcanmual ne 7 3 ee ously pra ico pa rade 3 RODUCTION AU © pee in ears eer 3 XX® SIECLE’ : ‘sh ey asthe ae Con 3 Iocret : Vepiphanie de Conde] a © Jean-Christophe ou le héros musicien 186 f ter meaest : ie CHAPITRE 5. LES LUMIERES OU L'ECLIPSE Freee ii eat DE LA LITTERATURE HEROIQUE 98 fcompagnont ds cation} tai errata 'g {a guar, «boucereNereaue * etree rie {es tonations de sponse 101 iapotneeey 8 1a © La potsie rlqu de Sin-jon Fone bes CHAPITRE 6 LE_RENOUVEAU fed Saat Sinton Te Fa BU XIN SICLE 104 (iegaet th eaten colts asinnsy” 188 © Lrinasiaaion e 'séome chez Hugo 101 ies i ueines ets de riexion ee es Lam iho ae mm a Ce mariage de Roland hg Bibliographic : Pa sent Be smbiguié du héros: Dieu ov béie!] | Index des aspects essentiels du « modéle héroique » 207 © PREFACE. Leqawe orale de frre a baclartatepose njourd hui sur une approche mthodologique netment de TE eff, la lite présente d Pexaminateur par Télve comporte ‘maintenant, en meme temps que des eusres inégrale, des ‘woupomcats de textes cht et eu selon une cohtrence Indmaiique ou problamatique clairement formule» ‘Dans cate perspective, la présente collection se propose de par- fir dun theme aux resonances actuelle et anayser la maniere dont il fut perg tout au Tong de Thetore literate. Chague Volume apparatt C'abord comme an recuell des textes les plus representa dt sue rate qu'il vagise ddr par exemple Tethome du héas, cell de aventre ou cel du ove, pone ‘mentinver que ceurlanCes extras sont pour la piper chs dans ta literature francaise, mas cerns des pasages les plus Signa de tele ou ele auore erangtre peuvent également {gure en traduction ‘Lapproche tématique,outre quelle entrain souvent wn in 124 sponuant, se pre bien dune tude « sur mesure» arabe selon le niveau du groupe ou des élément ui le composent, permenant devercer Fespri erage de chacun. Cest done au Drofesseur que revien ls responsabilité fondamertle* cele {éhaborer pour chague type de clase, 2 pat de ces dacimens de aval que constiuent ls textes proposés, un programme de rélesion et exerices adapt un public dont i connalt meus {ue persone les forces et les faileses, ‘La renovation des mthodes pédagopiques et ayjourd hu plus ‘que jamais & ordre di jour dans tow les dormanesdensegne. ‘ment. Ele nous paat tout patcaltremertnecessaire en ce ui conceme la lséranre sion ne veut point que ce tre devienne Dour cerains synonyme de bovardage ou denna. Cee collec tion ne te propose pas autre ut que Wapporter une modese ontbution dete tice. ‘Le Directeur de a Collection 1, Bon Ofc de Econ Nan 7 les 98, AVANT-PROPOS L'imagination humaine, tout en les modulant parfois avec une irréductible originalité crée des groupes d'images ui se retrouvent dans toutes les civilisations. La compa raison entre les écits mythologiques, les euvres pottiques, les synthéses pré-scientifiques (cosmologies, alchimie..), bref entre les diferentes productions de T'imaginaire, permet de faire apparaltre ces constantes, soit dans enchainement linéaire des images /séquences), soit dans leur manifestation en gerbe (constellations) Le présent volume se propose de mettre en lumitre que I'une des réveries les plus courantes de "homme, le Assir d'excellence, le reve dire dieu, suscite une séquence et des constellations d'images particulitres, aisément reconnaissables & travers le temps comme & travers espace. Ainsi devient possible une nouvelle lecture des productions littéraites : cette critique mythologique Sfattache ‘non seulement & révéler dans les ceuvres les Images privilégies ou les réseaux de métaphores, & la fagon des maltres de la ertique dite thématique (G. Ba- chelard, G. Poulet, JP. Richard..), mais & utiliser toutes Tes ressources de la mythologie comparée pour établir plus rigoureusement ces réseaux, déceler les affaiblisse- ‘ments éventuels subis par le mythe : la connaissance préalable d'une séquence mythique permet ainsi de écouvrir dans une uvre le vrai sens d'images assez piles que le critique aurait, sans elle, été temté de négliger. Cette méthode conduit "a découvrir _progressivement les Jois, la lopique de Vimagination, si différentes des lois et dela logique de la raison : ainsi, dans les mythologies, fréquemment, quand un héros ou un monstre meurent, 3 Vendroit ou four sang a arrose la terre naft une plant Dans la logique de I'imaginaire, le sang et la végttation sont étroitement unis. Les lacs de sang y sont facilement ‘ombragés de bois de « sapins toujours verts » (Baudelaire «Les Phares », dans Les Fleurs de Mal). L'euvre du. rand Comeille est dominge par ees themes du sang et de la végétation, vision grandiose qui déconcertait les intel- Tectuels classiques. L'lnfante y voit Rodrigue «Du sang des Africains arroser ses lauriers » (vers $43). 10 Avant-propos Ces séquences, ces constellations d'images, nous les retrouvons dans fos réves ou nos réveries. En déchiffrant histoire de Samson, celle de Rodrigue ou celle de Tete °Or, nous lisons en nous-mémes et nous comprenons ‘mieux les formes contemporaines de I'éternelle reverie héroique. N. B. Dans ce volume on a préféré a léparpillement la réflexion sur quelques grandes ceuvres. Les titres entre ‘erochets sont de auteur. n nad a © CHAPITRE 1 LA PERMANENCE DU « MODELE HEROIQUE » Nos mots les plus beaux s'urent! Héros est de ceux Comme apdire, amour... est trang dans toutes les foires de la vie, avil, dépossédé de sa riche signification. Cette dé- perdition apparalt dans le Dictionnaire de la langue franglse, de Liteé « HEROS, 1. Nom donné dans Homére aux hommes d'un courage et d'un mérite supérieus, favoris particulier des-dieux, et dans Hésiode a ceux qu'on disait fils d'un dieu et d'une mortelle ou d'une déeste et d'un. mortel 2 Fig. Ceux guise dstinguent par une valeur extraordinaire ou des succts éclatants 4 la-guerre 3, Tout horime qui se dstingue par la force du caractee, Ja grandeur d'ime, une haute vertu 4. Terme de liuSrature. Personnage principal d'un potme, un roman, d'une piece de théitre. 5. Le héros d'une chose, celui qui y brile d'une manitre excelente en bien ou en mal. Le hérot di jour, ‘en un eeftain moment, aire sur soi toute I's public. » ‘Du héros grec ou indien, auquel est adressé un culte sieux, au héros du tered ou de la fete du village il existe un B Le mythe du héros abime, De méme le héros d’une comédie de Labiche n’entre- tient plus qu'un rapport des plus lointains avec Thésée, Cyrus le grand ou Roland. Pourtant, quand nous attribuons & quelgu'un le tire de héros, cst que nous apparalt en lui {Guelgue relet de la porte originele du terme : etre semi-ivin, Tumineux. (Litté. retrouve luieméme involontairement des termes dPascension solaire : élarants, haute vert, celui qui ¥ bile, puissant, dtaché dela foule des hommes ordinates, ‘Dans oe volume ne sera considéré que le hévos exaltant de ros r8ves, celui qui incarne notre désir d'échapper aux limites une vie terne pour accéder & la lumiére, nowe volonté de fuitter les basfonds pour les hauts espaces, notre passion fe sowersineté, Nous voudrions tous étre’dieux, comme vont cessé de le répéter la Bible les Stotcens, saint Augustin, Pascal, Nietzsche ou Sartre ‘Cette reverie fondamentale, commune aux hommes de touies les civilisations, a constamment suscté de textes litt Taltes, de histoire babylonienne de Gilgamesh * au roman policies aujourd'hui. L"tude de ces ceuvres permet de déter- Ininer les caracéristiques essentielles du vértable_ hiro. Une fofs cellesci defines, il ne sera pas dificile de mettre en Tumigre leur présence dans un nombre important d"cuvres dde notre littérature + des chansons de geste aux romans de Malraux ou aux formes populaires de 'hérowsme (Superman, fe detective invulnérable, L'Homme de "Ouest, ec). Mais si Te theme et aisément reconnaisable, de continuelles variations Tui donnent des appatences toujours nouvelles. LA GESTE DU HEROS. 4, SrUCTURE DU « MoDELE HlROIQUE », Les résits dans lesquels s'est exprimé le désie d’héroisme, Sarrachement a Ia banalité de la vie, de supériorié sur le reste du. monde, de réalisation éclatante de sci, d'éévation & siategte’s 4s Gti" Resreange as Tie ag Teli, ‘igues cn Labad, Lohirn Gilsynete son am Enisdon toray teatro. {Site tate vou femur rie gm une condition quasi divin, forment un gearelittéraire recon- aisle entre tous : [popge she ‘Lianalyse des épopéd ou des fragments épiques que nous ppossédons conduit & discerner sous les variations wn theme fondamental : la manifestation de plus en plus élatante du Inéros par des_nassances.successves, jusau'A sa_naissance Jimmorelle. La séquence est rythmée par Palternance nals: [Le héros nait en ganéral de parents illustes : son pire ou sa mre est de nature divine (Herakls, Achille); ou du moins ses parents sont des relets dela dvinté: ros, princes, {irs proches de Dieu, Dans bien des cas le couple parental © ‘connu des dificult, sot politiques, sot failals (par exemple Une fongue strlité de la mere = Samson), La naissance de enfant a été précédée d'oracles ou de songes,accomipagnée de_merveilles (« présages »), Souvent ces prémonitions == rhvtlent menajantes pour le pire : le nouveau-né est alors ‘jet par sa famille, abandonné, « exposé », condamné i périr (Edie, Cyrus) ‘Cerné par la mort, menacé dis sa nalssanee pat un univers hostile, confié aun caprices des eaux (le rol assytien Sargon; les fondateurs de Rome : Romulus et Remus), l'enfant est sauné par des paires (CEdipe), par un bouvier (Cyrus), ov route par les bétes (Romulus et Remus). Il va mener alors lune vie obscure, bien diflérente de celle & laquelle sa naissance bt di le faire accéder, C'est la période dela vie eachée, d'une ‘mort apparente Divers événements mettent fin_& cette « occultation » du heros. Parfois i= gardé un «signe » de son origne, et on le screconnat » (Cyrus, Thésée) Ou il rencontre un jour ses vrais parens, s'attaque a son pbre, puis est recon, Mais le plus souvent il se revble au monde par des « travaux » élatanis, Crest. eoiphanie » hérolque. Les exemple les plus clebres de ces exploits sont ceux de Gilgamesh ct d'Heraklés. Le plus typique est le combat contre le monsire, gardien d'un wésor ou dune jeune fle, fu ‘erreur d'une région (pour le psychanalyste, il s‘agit 1A d'un arrachement a la more menagante. Quelquetois le dragon, sera remplacé par un horrible colosse (Goliath, dans la Bible; Je Morholt dans Tristan et Yseu!) ou par une multitude d'en mis, le grand nombre apparaissant_par lui-méme comme ‘monsireux (Samson contre les Philistins). Il existe en effet 1s Le mythe du héros ine relation & peu prés constante entre le monsirueus et le ‘multiple les monstes de la Fable. sont. sénéralement es Gres composites, & plusieurs t2tes, de plusieurs especes (le Sphinx, Cerbere), Hugo « voit » dans les deux colonnes qui chargent & Waterloo « deux immenses eouleuvtes d’acier » (es Misérables, II, 1) ou dans Pétendve marine aux innom- brables relets ‘ Lihydre cofan tordant son corps éallé astres » (Les Contemplation: ‘Pour Chat, Io poite « crde le prisme, hydre de effort, du mervelleur, de la rigueur et du déluge » (Parcage forme, XXXV) le verre & mile face s'ideniie au corps & mile tts, ‘Vaingueur de I « gpreuse », le béros apparat comme cel «qui dive, Ie « sauvewr», la providence de tout un peuple Mais bien souvent sa victoire a faite Tui un « ini» it triomphe en méme temps de la mort et aocbde & Timor. talité par une seconde nalssnce (« apothéase ») Cette séquence mythique ne s¢ rencontre pas toujours tout entire dans le réits, Si 'on veut bien prendre garde qu'elle tt dominge parla loi du contrast, sl importante en mythologie (Phedre incendide de passion en face d'Hippolyte vous 4 Diane... on s'&tonnera moins de trouver dans mains ‘euvres une scule des oppositions mises ici en lume. Un ‘enfant obscur devient héros (David, simple berger; Jeanne @Are, dont Mhistoire parait exempiaire et fascinante parce fu’elle reproduit maints aspects du modéle mythique). Ou le héros, inconnu de tous, est Feconau & un « signe » (Ulsse par Je chien, in nourrice, puis par les prétendants, & la fin de POdyssée). Comme on le volt, le réateur peut mettre en pleine Tumitre un seul des contrastes de la séquence (inconnu-te= Conn), miei arrive souvent que, pour le plus grand bonheur es auditeurs ou des lecteuts, il multiple les variations sur ‘et unique aspect : de Ik ces tris reconnaissances 4'Ulysse, les douse « travaux » Hercule, les innombrables combats singuliers dans I'Tiade aussi bien quo dans les formes conter- poraines de I'épopée (westerns, romans polices.) 2, SoLanité DU ifnos. 1 importe de rappeler que le héros semble toujours imaging ‘avec des traits empruntés au sole", Le soleil, hui aust, fis La permanence du « modéle héroique » parcourt une carritre, dont les différentes apes sont aisément assimilables Beeles d'une vie Gelatante 7 aurore, zfnith, cexépuscule. Comme le chante le Praume 18 “Il se rfjouit, vaillant, de courit sa carrére, A [a limite des cieux i « son lever, (sa course atteint Pauice limite, fet ren ne se soustrait & sa chaleur. » Comme le héros, le soleil entre dans Vombre, et sort de ombre. Son lever est une naissance, mais son « coucher » n'est qu'une mort apparente. A la diférence de a lune, qui fst imaginde comme morte pendant les trois jours d'obacurté, Ie soleil paralt descendu aw royaume des téndbres, aux enfers, 4quil traverse sans Ee atteint parla mort (de certains aspects funéraires dans es réits de heros + desoentes aux enfes.), Comme le slel, le héros est ivinible Dans l'épopée, cette solarité se marque par certains traits physiques du héros, en particulier sa chevelure ou ses yeux La chevelure du’ dieu solaire Apollon représente. la beauré de Tas, Ia puissance de son rayonnement; Ie force de Samson est dans st chevelure. Claudel se rele donc extrar fordintrement accucilant aux suggestions du myth, quand fl donne & Simon Agnel le nom de Tite d'Or et ne cesie de sugaérer sa parenté avec le Soleil (A. Tissier, Tee d'Or, Pars, Sedes, 1968, p. 119-127), Mais dans la plupart des eas, cest le regard qui ialsse deviner la grandeur solaire du héros «les ‘yeux d'Heérakléslangaient des flammes », et dans le temple de Zeus, sur le mont Laphystios, se dressat une statue d'Hérakles- ‘aux-YeurBrillans (ete par R. Graves, Ler Mythes grees, Paris, 1968, p. 358 et 405) Ackille a «I'al incelant» (lade, XX, 168-180) et ses armes resplendssent, « pareills bla lueu ‘une flamne brilante ou du soleil levant » (XXI, 130 sq), Enfin le héros est souvent associé des animaux eux-mémes constamment mis en rapport avec le soleil, te que Taig et le lion, Quand le béros meurt et renait sur un bicher (Hera its, Jeanne d’Are), I rdalise ce qui arzive tous les cing cents fans A Voieau solaie de la mythologie, le phénis. 3. SouERAINETE DU HEROS. ‘Aces trails solaires s'ajoutent des « sléments qui relevent dela mystique du souverain ou du démiurge. Le és «sauve » Te monde, Te renowvelle, inaugure une nouvelle étape iv. TE « MODELE HEROTOUE » ee eae ® ‘SOLARTE DU WEROS Hare so] ee [Bane tnabrour] ae eat |}+-————— initiations - epreuves Gute vapat van F Oven reais oemne MORT RENAISSANCE] APOTHEOSE, Ss Essai de représontation (J.-C. Moylan ot Ph. St 1 Le mythe du héros (M. Blade, Trait d'Hist. des Religions, Paris, Payot, 2 64, 1964, p. 135). Sa grandeur et telle quelle tend a Vimposer comme chef politique, s'il ne Pest pas dés le début du récit ‘Crest pourguoi ou bien le héros ext originellement roi et reprend ‘un trdne qui lui est dd parce qu'l est le fs (inconnu) du rot (Gedipe, Thésée, Cyrus), ou bien sa coexistence avec le ‘powoir politique se réxéle difficile, pleine de rieques = dans PMiade, Agamemon a beau étre Ie « roi des ros, il fet pile figure aupeés Achille et no se risque pas & le taiter en subordonné. Dans Le Cid, Comeille,entrainé par les sugges- tions de son imagination de Mhérotsme, éprouve quelque pine & faire enirer Rodrigue dans le cadre politique qui Goit dite le sien. Dans Suréna, le roi Orode a bien compris ‘ue la vie avec les hécos est dangereuse pour les monarques aussi fait-il asassiner Suréna. Enfin, dans oeriains cas, le eréateur du résitépique s'aban- donne eaiérement& a logique du « models »: alos, le héros tue le roi, dont Ia faiblesse, comparde ha gloie, est déisoire. Crest ce qui se produit dans Tere d'Or (Claude). Ce confit entre le héros et le chet politique reprodult, dans Frordre de la guerre, celui qui oppose, dans l'ordre religieux, le prophtte au préire, Vinspiré de Dieu au fonctions ame incandescente a I'éize mesquin, Le héros, comme le prophtte, tend a etre asocal, a éhapper aux lois, 4. Le Enos ET L'UNIVERS MINI, Particllement jsolé des autres hommes par sa grandeur, ‘comment le héros estilimaginé dans son rapport aux jeunes et belles femmes qu'il rencontre? ‘Dans la plupart des cas, "univers féminin se présente comme _une menace pour la réalisation éeatante de 'euvre hérolgue smollesse du id, sortléges de la courbe et de opulence, tiédeur, ealisement... La femme, pourtant, atire, semble ensoresler auss! apparaitelle souvent comme une magiienne (Citeé dans VOdsside, Arinide dans La Jérusalem delivrée, 44a Tass), Longue serait la liste des amours éphéméres aux: fuelles Te éros échappe enfin dans up sursaut de volonté (Ubsse fuyant Gros, puis Calypso; Enée s'arrachant des bras de Didon pour aller fonder Rome; M'agent secret échap- pant aux charmes de la fascinante espionne et réusisant mission), “Ts souvent Ja femme n'est que le repos du guerter 2 La permanence du «moddle héroiaue » CCelu-ci, aprés avoir passé auprés d’elle un temps de delies plus ou moins long, 'abandonne, Certans de ces © abandons » font bien connus : Médée, Ariane “Ariane, ma seur, de quel amour blessée Vous mourOtes au bord ol) vous fates laissée!» (Phedre, Racine). De mime dans Jean-Christophe, Anna représente pour Paccomplssement 0. héos une. menace, ‘Bien que cette solution imaginaize dela rencontre du héros ‘et de ia Terme semble de loin fa plus fréquente, il en existe autres. La plus marquante est celle dont s'enchania la France du xu? au xvi sitele: les régles de la « courtoise » avaient-mis la femme en honaeur. Il fallait done coneiier cette suzeraineté de la « dame » et V'appel du large propre Avherofsme. Sonsibc aux exploits gueiers, cesta « dame » ‘lleméme qui enverrait son « chevalier » au loin pour vérifior ‘2 « valance », Par d’Golatants hauts fais, celui-i « mérite- Tait ss faveurs, Ia recevrait comme « prix » de son courage [Le désir amoureux attcerait "héroisme a leu de le menacer. ‘Mais dans un cas comme dans ‘autre, la femme est dblouie par le rayonnement du surhomme; les interdits soclaux ou oraux sont balayes. Médée trait ls siens par amour pour Jason; Périgouné, qui venat d'assister & Vassassinat de’ son pete, «sept surle-ckamp de Thésée et lui pardonna avec jle Te meurie de son odieux pére en se donnant i lui»: ce texte de Plutarque (Théeée) indique de fason exemplaire ov nous fntralnent nos réveries. Quand on vit dans un univers terne et qu'on rencontre le Solel, on ne pense plus qu'as'y braler Ta femme se préeipito dans les bras lumineux du heros. La ‘Ximena du Romencero espagnol demande & épouser. le meur- trier de son pire, Rodrigue, parce qu'ils'est couvert de ploie La femme du roi Arthur, Guenitvre, se donne & Lancelot lerhéros fend & se stuerat-dela du bien et du mal. Comme ta aadmirablement compris Antonin Artaud, les héros ou les dieu antiques «allaent droit leur chemin hors de aos petites Gistinctions humaines of tout se partage entre le mal et le bien, comme si le mal n'éait pas de trahir sa nature et le bien de lui demourer attaché, quliesqu’en soient les consequences ‘morals », Ils possédaiont « cette sorte d'amoralité fabuleuse qui apperient & la foudre qui frappe, comme aux boullon= a Le mythe du heros ements d'un mascaret déchainé » (uvres complies, . V, P. 48-49) Une troisite issue est possible, qui met en évidence le plus préioux de la féminité: Le heros vit dans un univers de Dbrutalté et de paroxysme + cette exaspération de In force virile ese en dfinitive si comblante? La femme peut alors pparalize comme Ia Sagesse ou, dans wn univers chétien, la Grice, qui apporte la douceur, la réconeliation du héros avec Tuisméme, Ia sérénité, une avite sorte de joie que celle des ‘Giomphes-guerriers. Tele apparait en particulier la Princesse de Tere Or. La femme est ei une intimement & Papothéose a heros. 5. Litnolane rénanun, Bien que la réverie héroique erée presque toujours des figures masculines, puisque l'homme a la force physique et n'est pas entra par eeriains aspects de la condition féminine (imaterités..) i arrive que la geste hérolque soit accomplie par une femme. Evidemment I'imagination doit alors modeler un certain type féminin : souvent il s'agit d'une vierge isa Sable, d'une lle svelte, algué — tout le contraie de Populence, fe la lourdeur ou dev merveileoses courbes qui enivrent le hos, Cette nécessié apparait clairement dans la potsie de Saint-Joha Pere, of les conguéranis, qui se sont arrachés aux rmollesses maternelles, ont pour compagnes de minces guer- Fibres qui savent« s'aiguser sous le casque » (Vent). ‘Ainsi Atalante, ¢ exposée des sa nalstance sur le mont Parthénion, fut nourrie par une ours, puis recusilie par des chasseurs. Vierge, elle riba de ss eches les centaures Rhoeeos ft Filacos, qui tvaient tenté de la violer. Elle participa & la mise @ mort du monstrueux sanglier de Calydon, vainguit élde la lutte, Tres rapide la course (comme tant de héros : Achille « aux pieds légers >, Héraklés poursuivant pendant tun an la Biche de Cérynie..), elle épousa Mélanion, qui VFavait devaneée sur le stade, Mais alors, tour natuellement, sa vie heéroique s'acheva, Les récits qui concernent les Amazones projettent quelque lumigre sur les dificultés de hérolsme féminin. Elles devaient couper un sein & leurs filles, pour que clls-ci ne fusent pas fgénées dans ia pratique de Vare. D'autre part, leur condition Teut joua plus d'un tour : le bon Hérodote raconte comment les Seythes en lute avec elles réussirent & excite leurs désirs 2 wanence du « modéle hérolgue » lamoureux et & obtenir Jeurs faveurs, La guerre était fini. ‘Amenées-& combate des hommes, les hérolnes sont. parti= ullerement wingrables a leur attrait + elles fnissent par Succomber et s'ffacent, sans_apothéose. Tl est un cas, cependaat, olla réalté a dépascé la fiction, c'est histoire de Jeanne d°Are. Avec. une déconcertante ‘exactitude, les fails ont réalisé ce que imagination ravait pu concevoir: la geste hérolque la plus pure qu'une femme bit vee, Née d'une famille obscure, gardeuse de betes (comme David), Jeanne est choise par Dicu. Apris la vie cachée commence la vie publique; elle est « reconnve » par le rol fun « signe » demeuré secret, Ses Vctoires constituent son épiphanie hérotgue. Elle est vierge. Elle est rayonnante. Un Jour, elle est trahie (ainsi pesissent bien des héros : Hérakits, Roland). Mais son bicher, comme celui 'Héraklts, est le lieu 4e son apothéose. 11 n'est pas étonnant qu'une foule d'cuvres fait orchestré cette « histoie », oe « mythe veal 6. LE comPaawonnace utnolout, ‘Quand imagination erde des fgures hérotques, elle ne se borne pas néeessarement présenter des étres solitaire. Souvent le héros_est_accompagné d'un autre. Iuieméme, un ami a toute épreuve, C'est le fameux théme du « double»: Gilgamesh et Enkidou, Achille ct Patrocle, Roland ex Olivier, Tie d’Or et Cébis, Jean-Christophe et Olivier, ete. De méme, dans le roman policier ou le wester, le héros est fréquemment fisisté d'un ami fiele : Sherlock Holmes n'est pas seul Pourquoi ce « double »? Cette amitié virile eonfere un nouvel attra au eros, ui permet de parler deluisméme ou d'accomplir {de-nouveaus exploits : om ne pouvait tout de méme pas iui reconnatre le don d'ubiguté! Grice & lami, des havts {alts fnterdits & un. seul deviennent possibles. Mais. surtout, ce couple errant de par le monde est bien plus attchant qu'un hhéros solitaire, méme s'il s'agit d'une parodie de I'héroisme (Don Quichotie et Sancho Pan). Le erateur peut aussi constituer des groupes hérolques : les quatre fils Aymon, les trois mousguetaires de Dumas, equipe sportive ou militaire (le commando de parachutist), réquipage (Le Culrassé Poremkine, dEisenstin), Varmée, le prolétariat messianique de ant’ euvresépiques du socialise. roisme collect Le mythe du héros « MODELE HEROIQUE » ET LITTERAIRE EPIQUE. La reverie hérolque s'exprime dans des ceuvzes littéraices aui constituent soit des épopées (au sens précis du terme), soit des fragments épiques. Les épopéesfurent d’abord des potmes, mals rien n’exigealt vraiment la forme versie. Chateaubriand le comprit, qui rédigea en proso Les Martyrs (1809), dont certaines pages sont demeurées oflebres (le combat des Francs..). 1. Lascnaniseement frravr. Ligpopée met en scéne un heros, au sens défini précédem- ment, un Gife plus puissant que nature. D'od une premitre caractristique i: Vagrandisement épigue. Le_protagoniste sera plus grand (mais pas trop grand, sinon il prend les traits 4u colosse, du monsire), ou plus fort (mais non javulnérable, comme paraissent Tete tant de monsires 8 carapace Tancelot et Tristan sont fréquemment blessés, Achille Siegfried ont un point du corps vulngrable), ou plus endurant, ‘ou plus noble, ou plus confiant en Dieu... Le créateur dot ei fare preuve d'un instinct trés stir = Fagrandissement épique ‘st une ndcessitéimposée parle modele , mais les suggestions fe cluivct conduisent & maintenir la” rélité simplement humaine du héres. « Loin de nous les héros sans humanit! Série Bossuet dans POralsonfundbre de Conde, dont impor- tans passages développent ce thtme. Ainsi toutes les vctoires "Achille n’Gloignent pas celul-ci de Punivers humain, car tout le monde seit — et luisméme se live 4 de pathetiques médi- tations (Made, XX) — que Villustre guerrier sera tue avant Ja prise de Troi, lest non pas un homme-dieu, mais un homme divin le divin Achille», répite Hombre); il appartient dé fe quelque monire & univers supra-humain. 2. Le seenventteux fr0vE, Cet homme divin semble tout naturellement un protégé es dieux, et de Tait il Test souvent, Les diewx (ow Diew) interviennent pour assister celui qui est le fis ou le provéae de Pun dente eux. L'lliade offre de nombreux exemples de ces interventions surnaturelles qui, families aux hommes de Pepogue et ressentes comme bienwillanes, constituent Ja substance du merveilleux épique. On pourrait parler du -™ La permanence du «modile héroique » merveilleux antique (intervention des dieux : dans I'ade), Ga, merveillux celtique (les fees, les enchanteurs : dans Jes romans. courtois), du merveilleux cheétien (Dieu, ses ‘anges, ses stints : dans La Chanson de Roland, Vhistoire de Jeanne d’Are..). L"lge classique a condamné comme contraire Sie grandeur dela fos 'empioi du mervelleux cheéten, malgre Ta réussite du Taste et les tentativesTrangases des années 1680- 1670, C'est Chateaubriand qui osa le premier y revenir, dans Les Martyrs (1809) : mal iui en prt. Ses combats d'anges et de démons ne furent pas pour rien dans "échee dune épopée fen prose quin’ iat pas sans beautés I fallut peu a peu accepter evidence que, pour un leceur d'aujourd’ ui, le merveileux ccrétien ne saurait plus ete quvintérieur, constitul par les Imunifestations de la grice telles qu'elles se lassent deviner chez un Bernanos ov un Bresson, Aux yeux d"Hugo et de ‘certains modernes, pour qu les dieux sont mort, le mervelleux ‘st partout 1 une ve immense et inconnve nous entoure ou se ‘cache au fond de nos, elle peut tout instant nous découvrir es trésors et nous dover de connaissances et de moyens sur- Inumains. Ce type de merveilleux regne dans un grand nombre Taruvres surréalises, mais ay est gubre lié a une vision éique 3. L'ACTION EF Las PERSONNAGES. Toure Mauvre épique est éerite pour exalter le_héros, ‘qui domine de trés haut les autres personages. Affronté & ses rvaur, chet d'armée, attrant les femmes, contestant par st valeur Tet pouvoirs politiques et la soit le héros cto des iriades detrs, C'est pourquol le réit épique tend & évoquer innombrables personages = des centaines de millers de ‘Sarrasins dans La Chanson de Roland. Mais parfois, comme en Peinture, un artiste peut sn tenir& un « détail » : le combat ‘Olivier et de Roland, les médaillons épiques de Heredia, ‘dans Les Trophées (1893), Au théAtre, le grand nombre des facteurs inerdit de représenter les scenes de foule : force est ‘done de les raconter (Le Ci, Mitridate, Aialle, Téte d'Or.) ‘04, aujourd'hui, d'interaler dans la’ piece des. séquences ‘lmées, comme Ta fait A plusieurs reprises le dramaturge tllemand Bertolt Brecht Lunité de [eeuvre est réaisée par le héros. Corneille I'a bien senti dans son Horace, qui ne rSpond pas aux cxiteres classiques de unité d'action. Aussi ail propose de parler 2s | ‘Le mytho du héros unite d'intéeét. Le héros afronte des dangers multiples, 2 'épopée se présente comme un chapelet dactions iil est clair que ses formes modernes se prétent admirablement au Aécoupage earactéristique du roman feuilleton ou des feulle- tons telévisés (Les Aventures de Thieryla-Fronde, Les Incor- raptibls) “Trop exaltée pour s'attarder & de minuticuses descriptions du cadre ou aux analyses psychologiques, la reverie hérotque ‘besoin du mouvement, de la rapidté ou de 'adoration = tlle s'exprime done généralement en un réit rapide ou en des pauses lyrique. Te départ doit sefectuer « sur les chapeaux de roues » les bons auteurs de romans polciors lo savent bien. Nous sommes & Yopposé du roman balzacien, 4. Le « sourmts > erie. ‘Une histoire de héros doit étre entramane, Elle Vest d’autant plus que son créateur a plus de pulssance eréatrice. Les qualits Fequises ici sont non plus la subtiité ou le gout classique, ‘mais la foree impétueuse de l'imagiation, le génie. Il faut accuser, metre en valeur les contrases, si importants dans le ‘mythe héroigue ‘rien étonnant donc sides dorivains naturel- lement gpiques comme Bossuet ou Hugo « pensent » par contrastes massifs, em noir et blanc, et s'atirent le reproche ‘de manichsme *. Tout réit Mrotgue tend a ce manicheisme ‘en face du justices, le western campe des tales, des laches, des voyous; le héros a un physique de héros, ses ennemis un ‘spect souvent repoussant, Lrevaltation de I'erivain explique le allssement Images souvent tis fortes, comme en témoigne’& lui seul le Besaire dela réverie Révolque (rapaces, grands fauves, reptiles, monstes, et), et la-rapidité du style (Sout dans ies pauses de celébration du heros), 5. Brique er raxciave. Les vies de héros, domindes par des alternances de mots appareates et de renaissances, ont fourn la maitre de nom breuses tragédies, Qu'on songe & Gidipe ou a Héraklés! Est-ce dire qu’épique et tragique puissent tire confondus? dou monde hort tse Fan om ae Bas Poet che ree, tte Ron ema La permanence du «modile héroique » Nollement. C'est seulement au prix d'un découpage ans Te osu Gu mythe et une dstorsion que des heros ont pu Spparalie comme reiques,c'ertdnde rads par fs forces Wie faire. V'auteur de tages ropésente Ta ort @HS- fakes comme une fin : le geant se revelefnalement vaineu, preuve que "homme n’est ren, que toute vie est condarnée Mais il ‘agi a d'un abandon de la revere erotgue, ar dans atte revert a mort d'éraibs nest en réalitéqu'apparent, tile y consitie un tiomphe. Certs 'Epopée de Gilgamesh Sachove en tragic! mail ne sagit plus alors, 8 propremeat parler, Sune épopé. Le tél, comme il arrive souvent dans PAAntiguté orientale, se fit sioogigue,cesta-cite souieux ‘Fenpliquer Vorisine de Ie condition mistrable des Rommes {ny a pas de tragique dans les vies de éros, Cela ne veut a dire qu'ilsnesourent pases sets pathetiqusabonden, Fas jamais le esteur ou fe spectateur ne resentet.ce sent tent ater la pitt a terreur >) que ease le vel tagique- ‘On present que tout n'est pas pordu, due le his va redress: Ia'stuation. Bila redrese Si Phere ofte un exemple de pur tragique, les grandes «rages» de Cornele sont en fit etrangbes 8 univers trapgue, Le supplice de Polyeute est une apothtosehérotaue ‘Aisi se manifest un fait capital les grandes modalités de la ‘verte humaine. (hérotaue, traique.) ne iearnen pas hécescirement dans les gnreslitraires organises par notre tradition pour chacune elles. Le mythe Neolgue pest Sureie fon sevlement-dans|'épepée, mais. dans le dramey ia «tra ‘ete le roman, te poeme, le conte. C'est tins qu’ anime Maine dram? dela plriode.revlutonnalre en France (149-1000, te Mitridate de Racine (agéie), Le Chevalier {kes Toucher de Barbey d'Asreily (roman), piseurs Oratons ‘inabres de Bossuet- Tl paral néanmoi que deux genres Titéaires surtout sont approprits a cette revere, quis fall hatorellement rit et évogue autour un eras ax fom brables ventures onbrables personages : 'épopée et Ie oman, qu ales demeurtrent pendant Tongtemps extme- iment proshes (du Moyen Age au Xv sil). LA REVERIE HEROIQUE AUJOURD'HUL. Stiles vrai, comme Va dit G. Bachelard, que «'imagination ‘est toujours jeune », le mythe héroique doit oceuper, aujour- n Le mythe du héros hui comme hier, une place considérable dans les espris, sufi de jeter un coup dal su les tirages de romans policies, ie penser au succés persistant du western, d'inventorer les trouvalles de la public (Je chevalier Ajax fongant lance au Poing contre Ia saleté, le lumineux contre le sombre et le Fepoussant) ou de la propagande politique (Ie héros révolu- tionnaire affrontant Vhydre bourgeoise aux tees sans cesse renaissantes : téte de Gaulle, tee Pompidou, tete Poher..), de songer au modele américain du selfmade man, de Phomine ‘obscur, parti de rien, qui se révele au monde, pour constater {qu'effectivement nous continuons & nous enchanter d’hérolsme, 1 va de soi que chacun de nous siden au héros = quand nous applaudissons aux exploits du cow-boy hérolque, nous oublions ‘un moment nos limites pour célébrer secrstement une force dont nous révone quelle ext la nie. ‘A ce premier const, i faut en ajouter un autre : es deux _sandes visions du monde qui dominent aujourd'hui la plantte, le chrstianisme et le socialise marxiste, pratiquent un appel cconsfant au-myhe héroique. 1, Crnisranasus rr «Monies Enclave». {a religion chrétienne propose & l'homme ce que 'Ealise corthodoxe appelle le defcation. Cet Eire fragile est appele a devenir un dieu par adoption. La voie de cette métamorphose fest_assurément toute dilférente de exaltation béroique, Puisqu’ele sappelle humilité et identification au eaur de Dieu. Mais le Dieu ehrétien a payé de luleméme # le Christ stant fait homme, a porte & son achévement Ia Révélation de la ‘Transcendance et offert un modele au comportement de ses fidtles. Or la vie que le Christ a cholsle est une vie hérofaue, ‘Annoneé par des prophéties et der songes, né de Dieu et une mortele, la Vierge Mari, il mene pendant trente ans lune « vie cachée'», Néanmoins des « signes » laissent oi lransparatce sa grandeur plus qurhumaine : & douze ans, it confond tes docteurs du temple par sa sagesie. Une sSpreuve » (les tentations au désert, la lute conte fe démon) marque le début de sa vie publique. Aprte d’innombrables ‘fails » épiphaniques (miracles..), il ext vctime de ses enne= ‘mis, part abandonné sur son gitet, mais la mort va céder (aprés la « descente aux enfers ») devant le retour luminetn A une vie dternelle et Vascension-spothéose par lesquels il sauve ses disciples. Pour le chrétiea, une telle conformité a 8 La permanence du « modéle hérofque » modele héroique constitue une occasion supplémentaire de ‘blebrer la Sagesse d'un Dieu qui, connaisant les secrets de TFesprit'de ses creatures, s'incame de fagon & réaliserhistori- ‘quement les plus profonds réves humains et & fasciner. 1 faut par alleuss souligner Toriginalté iréducible de cet Aomme- Dieu, Je Chi ‘Avee sa dialectique de I'abaissoment et de It vietoire, de Ja mort et dela vie, ses célebrations du Crist et des chrétens comme des solells ou des éoiles., toute la Bible fat app la Feerle bérotaue, 2, Maxis £7 Hxot ‘Lune des afirmationscapitales de Marx la lutte des classes, fa grandement béndficié des sorties de imagination. La reverie hérolque est en far au ceeur du marxisme : le monde a 416 divisé en deux camps (C'est le manichéisme &pigue), Ios bons et les méchanis, la bourgeoisie et le prolcarat. Le proldarat est invest par Marx d'un rdle quasi messia- nique. Il a véeu longtemps obscur et méprisé, mals des pro- phétes (Marx, Engels.) ont annoneé son avenir radieux 11 anéantia les exploiteus, prendra le pouvoir ot réalisera Fravinement du communisme (ispartion des classes, dépé- rissement de IEtat, abondance pour tous). Il ext sauveur Liadversaire, c'est le bourgeots,substtutévident du monstre des Fables antiques. L'assimilation a été facilitée par le fait ‘que, dans te réaié, la bourgeoisc incarnait exactement le coniraire des idéaux héroigues : aux exploits nobles du heros (prowess ibératrces, combat pour la justice, conséera- tion & art.) elle epposait des activites intéreades (commerce, industre..), comme 'a montré Vigny dans Chatterton (1835) Le béros se situat pardela le bien et le mal: le Bourgeois, uh, affectait un puritanisme hypocrite, 'atachait a la respeciai Iie. AVisolement héro'queaisalen faces familles, les dynas- ties bourgcoies, les coalitions <'imérét + tel est le theme de plusieurs westerns. Mais c'est peut-éire par Tour attitude & égard de Vargont que héros et bourgeois diferent le plu Le héros est indifférent au profit, cest le contaire d'un compiable (Tete «Or oppose Simon Agnel aux petits Fists). Pour le bourgeois, Ie veau d'or est toujours debout, La sosigé capitalste conserve pour objectf essential le pro. En refusant ee primat de [argent le socalisme proposait un {déal qui ne pouvait que rencontrer Pidéal hérorque, Comme 2» tn avant def Rolie pope Chie I's fermement souligné A. Malraux : « Parla suppression de importance donnée a argent, 'U. R. 8. S. trouve le héros posit, 'est-idire ce que Tut toujours Te héros vivant : celui {Qui engage sa vie pour d'autres hommes. L'absence d'argent ‘nterposé rend av fait hérotque toute sa force primitive, celle u'll aurait dans la guerre si le marchand de canons n'existait pas et sila guorre ne proftait & personne — celle de Promé- thée » (« Liatitude de artiste », dans Commune, novembre 1934, p. 172-173). (Or effectivement tes pays socialites accordent une place considérable aux themes hérolques. A la Biblothique’ Na- tonale (Paris), prés de la moité deslivres consacrés au héros sont russes ef postércurs & la Révolution de_1917. Qu feonque connalt les films des grands réaliseteurs sovieti- (ques peut apprécior Jour caractore pique : Le Cina Potemkine (1925), Alexandre Nevski (1939), d'Eisenstein, et Les affiches russes ou chinoises ne sont pas moins parlantes. On y céidbre les « héros du travail », «Te peuple héroique du VietNam > (en face du monstre américain + David contre Goliath). ‘Ces bréves indications sufisent & mettre en lumitre que les plus belles synthises, si justes soientlles, ne sauraient ébran- ler de grandes masses d’hommes sles idées qu’eles développent ne sont pas portées par les puissants courant de 'Imagina= tion, courants qui empruntent pour ¥écouler & peu pres Toujours les mémes lit. Cette permanence explique le priviltge dont jouit I'sude de Vimaginaire : la continuelle actualité En considérant les fictions sur Héraklés ou les pitcer de CComeile, nous apprenons comment réve "homme aujourdhu. © CHAPITRE 1 CINQ TEXTES ANTIQUES (Cet surtout de Pétude duvres antéicures & "be chré fenne qu'a procédé Ia découverte des structures du « modale Inéroique » ! grandes épopées de I'Tade ou de l'Assyro-Baby- loni, fragments épiques de la Bible, mythologies greeque et lating, ete. Plus notte connaissance des diverse civilisations a rogressé, plus s'est affirm la soidité du schéma hérotque. Pourquoi, dés lors, ne pas avoir évoque toutes ees produc- tons? ates que Te leccur aurait pu se perdre parmi tant auvres dont beaucoup ne lui sont pas familtres. Mieux valait s'en tenir aux deux grands centres culturels Tes plus ‘connus : fe cere ju et le centre grec Parmi ls cris juifs, la Bible ext accessible & tous. Or elle contieat de nombreux’ fragments épiques : récit de exode (epris dans plusieurs westerns), figure lumineuse de Mose, histoire de Samson, vie de David... Plusicurs psaumes sont de splendides edlebrations.hérotques. ‘La reverie épique des Grecs a donné nalssance & des auvres beaucoup plus disperstes : des potmes ¢’Homere (x siéele av. JC.) et d'Hésiode (vue sitele av. J-C) aux commentaires bbyzantins du xu* stcle ape. Jésus-Christ, en passant par les grandes tragédies du v* siglo avant notre ee (Eschyle, Sophocle, Euripide), par les e8lebrations des héros dues 2 ing textes antiques Pindere (21-61), pars récs ¢'Hérodote et une foute Fasten crvains. Uno paris importante Ia literature ‘reas setroute isi animdeparle« mode hoi » Duns ‘Sremsemble ou dere ax mate variants dominet trois eyes scl de Jason, elu de Thade et surtout ox templnire entre Yous, Herat (Hercule), Les evant isin ont reps esentil dela mythologe eeeque nota: trent Virgil (10-9 ay -C), auteur de Encaevst esque Shaws sur lv origins de Rome, et Ovide (45.16 wv. J.C), dont ies Méromarpoves constant une mine pour ceo ul intrettent ax ancien myth Les cing ragments de vis hérotques de VAntiguté cis ii rermetent de mete cn reli bien ds aspera da model» rane nasane, vie cache, sgnes ct reconnasince, 8h, Eombat sigue, afontement du tonste,feniniation Coro) ds Reon, apothtone. © Naissance, vie eachée et reconnaissance de Cyrus (515-565) [LES PRESAGES} Tl naquit a Astyage, roi des Médes, une file, qu'il nomima Mandane. I ¥imagina en dormant. qu'elle uurinalt en si grande abondance, que sa capitale fe PAsie entiére en éLalent inondées. Avant communi= qué ce songe b ceux dentre les Mages qul faisaient profession de les interpréter, il fut effraye des détails de leur explication et Il le fut au point que lorsque sa fle fut nubile, ine voulut pas lui donner pour époux lun Méde distingué par sa naissanee; mais il Tul it épouser un Perse, nommé Cambyse, qu’ll connaissait our un homme dune grande maison t et de mecurs Gouces et tranquilles; parce qu'il Ie regardait comme bien inférieur & un Méde de médioere condition. La premiére année du mariage de Cambyse avec Mandane, Astyage eut un autre songe. Il lui sembla B Le mythe du bros que du sexe de sa Mlle poussait un cep de vigne qui couvrait toute I'Asle. Ayant communiqué ce songe faux interprétes, il fit venir de Perse Mandane, sa fille, qui étalt enceinte et proche de son terme, Aussitot aprés son arrivée, Ila fit garder, dans Te dessein de faire périr l'enfant dont elle serait méze; les Mages, interprétes des songes Iul ayant prédit, d'aprés cette vision, que enfant qui naitrait de cette Princesse, régnerait un jour 8 sa place. [WEXPOSITION] Comme Astyage se tenait en garde contre eet événe- ment, Cyrus fut & peine né, qu'il manda Harpage, Son parent, celui de tous les Medes qui ul était le plus attaché, et sur lequel il se reposait du soin de toutes affaires, Harpage, ul dit, execute fdélement Yordre que Je vais te donner, sans chercher & me trom- per, de erainte qu'en Vattachant & d'autres mattres ‘que moi, tu ne travallles & ta propre perte. Prends Yenfant qui vient de naltre a Mandane, porte-le dans ‘ta maison, fais-le mourir, et inhume-le ensuite comme ite pla...» ss Harpage envoya sur-le-champ un messager & celui des bouviers d’Astyage quill savait mener ses trou- ‘peaux dans les meilleurs. pAturages, et sur les mon- tagnes et plus {réquentées par les betes sauvages. TL s'appelait Mitradatés; sa femme, esclave d’Astyage, ainsi que lui, se nommait Spaco... Le bouvier, que l'on avait mandé en diligence étant arrive, Harpage lui parla ainsi: « Astyage te commande de prendre cet enfant, et de 'exposer sur la montagne la plus déserte, afin quil périsse promptement. Il m’a ordonné aussi de te dire que, si tu ne le fals pas mourir, et que tu Ii sauves Ta vie de quelque maniére que ce soit, I te fera périr par le supplice le plus cruel. Ce n'est pas tout: il veut encore que je Sache par moi-méme si tu_as exposé eet enfant, « ‘Des que Mitradatés fut de retour, sa femme surprise de Te voir au moment qu’elle s'y attendait le moins, ui parla la premiére, et voulut savoir, pourquol Harpage l'avalt envoyé chercher avee tant @empresse- M ing textes antiques iment. « Ma femme, luk dital, je n'al pas plutot été dans a ville, que jat-vu et entend des choses que Je oudrais bien navoir nt vues ni entendues, et plot aux diets qu'eles ne fussent jams urivees hos. maltres! Toute Im malson ¢'Harpage alt en pier trapper je pene dane tir, Jo ‘ols\a terre un enfant qui pleurait, qui-palpitai I alt couvert de drap dor ede langes de aiverses couleurs, Harpage ne met pas plutdt apergu qu'il me Commanda demporter promptement cet enfant, et deTexposer sur Ia montagne la plus trequentee pa les bites feroces sil ma assure que etait astyage Tu réme qut me donnait cet ordre, et ma fait de grandes Ienaees si je manquaie & Yexcouter, al done pris cet enfant ot Val emporté,eroyant quill était a quel. aun dest maison car jo naurais jamais imaging duel était son vétable pir. etals espendant etonne de te voir eouvert d'or et de langes si precieux Jee Ttais pas moins de voir toute fa matson dFlarpage en peur. Enfin, chemin Taisant, fal bientot apps dtu domestique qul m’a accompagn hors de la ville, et qui ma remis Venfant, qui est a Mandane, fle abtyage, et 4 Cambyse, is de Cyrus, et qurAsiyase ‘ordonne quon le fasse mourir. Le voli est enfant = [Le saLuT) En achevant ces mots, Mitradatés découvre Ventant, cet le montre a sa femme, Charmée de sa grandeur et dde sa beauté, elle embrasse les genoux de son marl, et le supplie, ies larmes aux yeux, de ne point exposer cet enfant. Il lui dit qu'll ne pouvait s'en dispenser, u'll devait venir des surveillants de la part d’Har- page, et que sil n’obeissalt pas, il périrait de la manire la plus cruelle ». Spaco, voyant que ces discours ne falsaient aucune impression sur son mari, reprit la parole : « Puisque je ne saurals, dit-lle, te persuader, ct qu’ll faut absolument qu'on vole un enfant exposé, fais du moins eo que je vals te dire, Je suis accouchee d'un enfant mort, va le porter sur Ia montagne, et nourrissons celui de Ia fille d’Astyage, comme’ s'il était a nous. Par ce moyen, on ne pourra te as [Le mythe du hérot convainere d’avoir offensé tes maitre, et nous aurons pris un bon parti + notre enfant mort aura une sépul- Lure royale, et celui qui reste ne perdra point la vie. » ‘Le bouvier sentit que, dans cette conjoncture, sa femme avait raison, etsurle-champ, il suivit ‘son cconsell, Il ui remet Venfant qu'il avait apporté pour Te faire mourir, prend le sien qui était mort, le met dans le berceau du jeune prince, avec tous ses orne- iments, et va lexposer sur Ia montagne la plus déserte. Le troisiéme Jour aprés, ayant lalssé pour garder le ‘comps win de ceux qui avalent soin des troupeaux sous ses ordres, il alla & la ville, et sétant rendu chez Harpage, il lul-dit quill était prét & Tul montrer Ie corps mort de Venfant. Harpage ayant envoyé avec lui ses gardes Jes plus affidés. ft, sur leur rapport, donner la sépulture au fils de Mitradatés. A Végard fdu jeune prince, Spaco en prit soln et I'éleva. Elle ne Tui donna pas pour nom Cyrus, mais Tui attribua un nom queleonque. ILA RECONNAISSANCE) Cet enfant, 6tant agé de dix ans, eut une aventure qui Te fit reconnaltze, Un jour que dans le village oi faient les troupeaux du roi, il jouait dans la rue avee autres enfants de son Age, ceux-ei T'élurent pour leur roi, Tui qul était connu’sous le nom de fils du bouvier, Il distribuait aux uns les places d’intendants de ses batiments, aux autres celles de gardes du corps; feeluiei était Peel! du roi, eelui-lt devait lui présenter les requétes des particuliets: chacun avait son emploi, selon ses talents et Te jugement qu’en portalt Cyrus. Le fils d’Artembarés, homme de distinetion chez les Mides, jouait avec 1ul, Comme il avait refusé d’exé- ceuter ‘ses ordres, Cyrus le fit saisit par les autres enfants, et maltraiter & coups de verges. On ne Tent pas plutot reliché, qu’outré d'un traitement si Indigne de sa naissance, il alla a Ia ville porter ses plaintes & son pére contre Cyrus, Ce n'est pas quill lui 6 ing textes antiques donnat ce nom; Cyrus ne le portait point encores ‘mais il 'appelait le fils du bouvier d’Astyage. Dans Ja colére of était Artembarés, il alla trouver Ie ro! avec son fils, et se plaignit du traitement odieux qu avait regu. «'Seigneur, dit-il, en déconvrant leg épaules de son fll, c'est ains! que nous @ outragés un de vos esclaves, Te fils de votre bouvier. » ‘A ce discours, & cette vue, Astyage voulant venger Je fils d’Artembarés, par égard pour Ie pére, envoya chercher Mitradatés, ‘et son fils. Lorsqu'lls furent arrivés: ¢ Comment, dit le prinee & Cyrus, en Te regar- dant, étant ce que tu es, as-tu eu Paudace de traiter @'uné maniére si indigne le fils d'un des premiers de ma Cour? — Je l'aifait, Selgneur, avee justice, repondit Cyrus. Les enfants du village, du nombre’ desquels il'étalt, m’avaient ehoisi en jouant pour étre leur roi; je leur en paralssals le plus digne ? tous exéeutalent mes ordres. Le fils d’Artembarés n'y eut aucun égard, et refusa de m’obéir. Je Ven al puni; si cette action mérite quelque chatiment, me voiei prét le subir, La ressemblance des traits de cet enfant avec les siens, sa réponse noble, son age qul s'accordalt avee le temps de exposition de son petit-fils, tout coneou rait en un mot A le faire reconnaltre d’Astyage, Frappe de ees cireonstances, ce prince demeura quelque temps sans pouvoir parler, (iérodote, Enguéte, trad. Lareher.) @ David contre Goliath [GOLIATH DEFIE VARMEE ISRAELITE) Les Philistins rassemblérent leurs troupes pour la guerre, lls se coneentrérent a Soko, ville de Juda, et camperent entre Soko et Azéqa, 4 Ephés-Dammim, Sail ? et les Israélites se concentrérent et campérent dans 1a vallée du Térébinthe et ils se rangérent en Dataille face aux Philistins. Les Philistins oeeupaient ” Le mythe du héros Ja montagne dun edté, les Isradlites occupaient 1a ‘montagne de I'autre e6té, et Ia vallée était entre eux, Un homme des troupes de choe sortit des rangs philistins. Tl s'appelait Gollath, de Gat, et sa taille Etat de six coudées et un empan 1. Il avalt sur Ia t8le un casque de bronze et il était revétu d’une cule rasse a écailles; la eulrasse pesait cing mille sictes * fde bronze, I avait aux jambes des jambitres de bronze, et une javeline de bronze entre les épaules. Le bois de sa lance était comme une ensouple * de tisserand et In pointe de sa lance pesait, six cents sicles de fer. Le’ porte-bouclier marchait devant lui Il se campa devant les lignes israélites et leur ceria; » Pourquoi étes-vous sortis pour vous ranger en Dataille? Ne-suis-Je pas, moi, le Philistin, et vous, n’étes-vous pas les serviteurs de Sal? Cholsissez-vous tun homme et qu'il descende vers moi. S'll Yemporte fn luttant avee mol et s'il me tue, alors nous serons Vos serviteurs; si je l'emporte sur lul et si je le tue, alors vous deviendrez nos serviteurs, vous nous serez asservis. » Le Philistin dit aussi: « Moi, j'ai lance aujourd'hui un déf aux lignes d’Israel. Donnez-mot jun homme, et que nous nous mesurions en. combat Singuller! » Quand Sail et tout Israél entendirent ces paroles du Phillstin, lis furent consternés et lls eurent tres. peur. [DAVID S‘OFFRE POUR RELEVER LE DEFT] David dit & Sal : « Que personne ne perde courage & cause de lui, Ton serviteur ira se battre contre ce Philistin». Mais Sail répondit & David : «Tu ne peux as marcher contre ce Philistin pour lutter avec Iui, fear {u nes qu'un enfant, et lui, il est un homme de guerre depuis sa Jeunesse. » Mais David dit Sal : «Quand ton serviteur faisalt paitre les brebis de son pére et que venait un lion ou un ours qul enlevait une brebis du troupeau, “SR mona ion rami 38 ing textes antiques Je le poursulvais, Je le frappais et j’arrachais eelle-ci de sa gueule. Bt's'il se dressait contre mol, je Te sai- sissais par les poils du menton et je le frappais.& mort, Ton serviteur a tué Te lion et Pours, il en sera de ce Philistin incireoneis comme de l'un deux, pulsqu'll a défé Jes troupes du Diew vivant, » David dit encore : « Yahvé qui m’a sauvé de la grifle du lion et de Yours me sauvera des mains de te Philistin, » Alors Saul dita David ; «Va et que Yahvé soit avec tol! » Sail revétit David de sa tenue militaire, lui mit sur la téte un easque de bronze et Iul Mt endosser tne eulrasse, U1 celgnit David de son épée, par-dessus sa tenue, mais David essaya vainement de marcher, ear il wétait pas entrainé, et il dit a Sail :« Je ne puls ppas marcher avec cela, car je ne suis pas entralné. » On Ven débarrassa done, [LE COMBAT SINGULIER] David prit son baton en main, il se cholsit dans le torrent cing plerres bien lisses et les mit dans son sae de berger, sa gibeme, puis, la fronde & la main, il marcha vers le Philistin. Le Philistin s'approcha’ de plus en plus prés de David, précédé du porte-boucler Le Philistin tourna les yeux vers David et, lorsqu'il le vit, il le méprisa ear il était Jeune — il étalt roux, tun jeune homme de belle apparenee. Le Philistin dit & David : « Suis-fe un chien pour que tu viennes contre moi avec des batons? » et le Philistin maudit David par ses dieux, Le Philistin dit & David : « Viens vers mol, que je donne ta chair aux oseaux du ciel et aux bétes des champs! » Mals David répondit ‘au Philistin : © Tu marches contre mol avee’ épée, lance et javelot, mais mol, Je marche contre tol a nom de Yahvé Sabaoth*, lo Dieu des troupes 4’ Israel que tu as défiées. Aujourd’hui, Yahvé te livrera en ma main, je te tueral, je te décapiterai, je donneral aujourd'hui méme ton cadavre et les ‘eadavres de Yarmée philistine aux olseaux du ciel et aux betes a Le mythe du héros sauvages, Toute la terre saura qu'il y a un Diew en Teradl, et toute cette assemblée saura que ce n'est pas par Pépée ni par la lance que Yahvé donne 1a Wictoire, ear Yahve est maitre du combat et il vous livre entre nos mains. » ‘Des que le Philistin s'avanga et marcha au-devant de David, eelul-el sortit des lignes et courut & la ren- contre du Philistin, Il mit la main dans son sac et en prit une pierre qu'il tira avec Ta fronde. Il attelgnit Te Philistin au front; la pierre s‘enfonca dans son front et il tomba la face contre terre. Ainsi David triompha du Philistin avee Ia fronde et la pierre : i frappa le Philistin et Je ft mourir; it n'y avalt pas d'epée entre les mains de David. David courut ft se tint debout sur le Philistin; saisissant I’epée de eelul-cl, ila tira du fourreau, il acheva le Philistin et Tui trancha la téte. Les Philistins, voyant que leur champion était mort, s'enfuirent, Les hommes d'Israél et de Juda se tmirent en mouvement, poussbrent le cri de guerre et poursuivirent es Philistins Jusqu’aux approches de Gat et jusqu’aux portes d’Eqrdn. Des morts philistins jonchérent le chemin depuis Shaaraylm Jusqu’a Gat et Eqron, Les Israélites revinrent de cette poursulte facharnée et pillérent Ie camp philistin. David prit la ‘tée du Philistine apporta a Jérusalem; quant & ses farmes, il Tes mit dans sa propre Lente. [DAVID VAINQUEUR EST PRESENTE A SAUL] En voyant David partir 4 la rencontre du Philistin, Sail avait demandé a Abner, le chef de Varmée = ’De qui ce jeune homme estil le fils, Abner? » Bt ‘Abner répondit : « Aussi vrai que tu es vivant, 0 roi, je nen sais rien, » Le roi dit : » Informe-toi de qui e& garcon est Te fils.» Lorsque David revint d’avoir tué te Philistin, ‘Abner le prit et Je conduisit devant Saul, tenant dans sa main Ia téte du Philistin. Saal lui demanda : © De qui es-tu le Mls, jeune homie? » David répondit < De ton serviteur Jessé le Bethléemite. « (0 Samuel, XVI, 1-11 et 92-57 Trad, de Vaux), fe ing textes antiques © Heraklés et 'Hydre de Lene we miétres dela ite d'argos, A Pouest se desse Te mont fot Sauveur et Prosymné, sme des nourrices @’Héra, TER, Lore os rl oon a de mae a Le mythe du héros ‘Athena avait médité sur Je meilleur moyen pour Héraklbs de venir & bout de ce monstre, et, lorsqu'il arriva a Lerne, Tolaos conduisant son char, elle Tut Indiqua le repaire de 'Hydre. Sur son conse, il forga PHydre a sortir en lui langant des féches embrasées puis, retenant son soufle, il sempara delle. Mals le monstre s’enroula autour de ses pieds pour essayer de je faire tomber. C'est en vain qu'avee sa massue il lui assénalt des coups sur la téte : & peine en avalt-i erasé tune que deux OU trois autres repoussaient & sa place. ‘Un erabe géant sortit du marais pour venir en aide a PHydre et mordit au pied Hérakles, qui, furieux, ‘Péerasa dans sa carapace et appela Iolaos & son secours. Tolaos mit le feu A un cOté du bois, puis, pour empécher VHyadre de faire renaitre de nouvelles tétes, il eautérisa Jes chairs & leur racine avec des brandons et réussit ainsi a arréter Te sang. “Alors, avec. une faux ou une serpe d'or, Héraklés déeapita la téte immortelle, dont une partie était en fr, et enterra toute vivante encore de sifflements tetribles, sous un lourd rocher prés de la route d'Elacos. Il arracha les entrailles du cadavre et trempa ses fgehes dans son venin; et, depuis Tors, la moindre blessure de Tune d’elles est iirémédiablement mortelle. Pour récompenser le crabe de ses services, Héra le mit au nombre des douze slgnes du Zodiaque; quant a Burysthee, il ne voulut pas considérer ee ‘Travail ‘comme régullérement accompll, & cause de Vinterven- ton d'Tolaos qui avait apporté les brandons. (extes d’auteurs gross, réunis par R. Graves, ‘Les Myites grees, p. 369-370.) © Héraklés et Omphale Omphale* avait acheté Héraklés comme amant, plutot que comme guerrie... ‘Des nouvelles parvinrent en Gréce annongant. 4, pp le de ri, Dire de ke ceo ur, voy settle teeta Non eee corso Scs me a ing textes antiques (qu'Hérakiés avait quitté sa peau de lion ot sa couronne de tremble et portait maintenant des colliers de plerreries, des bracelets d'or, un turban de femme, tun chile pourpre et une ceinture maconienne. Ii passait son temps, disait-on, entouré de jeunes filles laseives et débauchées Mlant et tissant la laine; et u'll tremblalt lorsque sa maitresse le grondait parce quill s'y prenait mal, Elle le frappait de sa pantoutle Gor quand ses gros doigts malhablles éerasaient le fuseau, et lui falsalt raconter, pour la distraire, ses ‘exploits passés; mais il n’en éprouvalt apparemment ‘aucune honte, C'est pourquoi certains peintres montrent Hérakies habillé d'une robe jaune et se faisant eoiffer et faire les mains par les femmes de chambre Om phale, tandis qu'elle, revétue de sa peau de lion, tient Sa massue et som arc (Textes d’auteurs grees et latins réunis par R. Graves, Les Mythes grecs, p. 413.) © L’apothéose d’Héraklés Lorsque les flammes commencérent a s'élever, ‘Hiéraklés étendit sa peau de lion sur la plate-forme a sommet du bQcher! et 11 s'étendit, faisant de sa massue un oreiller pour sa t8te; son visage était empreint de In sérénité heureuse Wun convive, cou ronné de fleurs, entouré de coupes emplies de vin, La foudre alors’ tomba du eiel sur le bdcher et, d'un seul coup, Te réduisit en cendres. Dans VOlympe, Zeus était heureux que son fs préféré se f0t comporté de fagon aussi noble. «La partie immortelle d’Héraklés, annonca-til, est & Fabri de la mort et je Naccueillerai bientOt dans cette région bienheureuse, Mais si quelqu‘un ief s'afflige de cette divinisation, si magnifiquement méritée, dieu ou se emote Deals de a ie parva te tenigas ive elesl Ml enone “a Le mythe du héros éesse, il devra néanmoins Vapprouver, que cela Tui plaise ou non! ‘La foudre avait consumé la partie mortelle d’Héra- iklts, Sa ressemblance avec Aleméne Vavait quitté, comme un serpent qui rejette sa peau, et toute 1a Iajesté de son divin pére se répandit sur sa personne. ‘Un nuage le ravit a a vue de ses compagnons tandis que, dans Te fracas du tonnerre, Zeus Venlevalt au Gel sur un char tiré par quatre chevaux; Athena le prit alors par la main et le présenta solennellement & Ses amis les dleux. ‘Zeus destinalt Heéraklés & faire partie des Douze Olympiens, mais H ne voulait exclure aucun des aieux qui étaient déja 1a pour lui faire une place, 1 persuada done Héra dadopter Héraklés par la céré~ Imonie de la seconde naissance : c'est-i-dire de se mettre au lit, de simuler un accouchement, puis de le faire sortir de dessous sa jupe — ce qui était encore dans Antiquité le rituel de Fadoption pratiqué dans les. teibus barbares. Depuls, lors, Héra_considéra Heéraklés comme son fils et I'aima aprés Zeus, Tous Jes Immortels furent heureux d’accueillir. Héraklés, fet Hera lui accords 1a main de sa fille Hébé qui lui Gonna Alexiarés et Anicétos... ‘Mais, tandis quHéraklés immortel festole ala table des diewx, son fantOme mortel se proméne majes- tueusement au ‘Tartare dans Te chuchotement des morts, Tare tendu, Ia Meche fixée a sa corde. Sur Vepauie, son baudrier d'or aux figures gravées de lions terrifiants, d’ours, de sangliers et bordé de seénes de batailles et de meurtres. (Textes d'auteurs grees réunls par R. Graves, ‘Les Mythes, grees, p. 441-442.) © CHAPITRE mI LHEROISME CHEVALERESQUE (XII XVI" SIECLES) Ou oe Ree arya alae rs Psa eerie Ce at aes ae oe Et ie epee ST ae pant tees ences sane oo eee la premitre place : = pr ss ra ea ae ea peep Sere aa et eee cee a eee cts ‘midi de la France. ea ae Se es ena luttes féodales.. 4 er aceasete ee ene are a reer tiger ee eee 4s Le mythe du hos ‘alors un godt de plus en plus vif pour les aventures sentimen- tales, les tableaux d'une ve loxueuse ol régnit la femme. ‘La transition fut opérée pat les romans antiques : Roman Alexandre (vers 1130), Roman de Thebes (meme époaue), Roman a'Enéas (1160), Roman de Trote (1165). Ces quvres adapient des legendes antiques : Alexandre, dipe (@'apres La Thébaide, du pode latin Stace), Enée (d'aprés I'Encide, de Virgil), Achille (@'aprts I'lade, d'Homére). Ces romans aliient la guerre et amour: la relation du héros & univers féminin s'y transforme entitrement. Ainsi Achille refuse de ccombattre ls Troyens par amour pour la file du rot de Trot. Désormais les deux grands mobiles du héros romanesque sont a 1 le combat, lamour. Jusqu’a nos actuels romans policies ils continueront a séduire. ‘Mais amour revet alors la forme particule de Ia « cour- toisie». Le chevalier obéit non plus & Dieu ov & son suzerain, mais & sa « dame », & laquelle Il est enttrement soumis. Ses exploits sont un « service d'amour > + il doit etre vaillant, parfeit,fdble, discret, patient... pour « méiter » les faveurs ‘desasouverine, pour la « conguérr», Celle le soumet des ‘Cépreuves navant de lit accorder en « récompense» son amour. 1a présccupation amoureuse est devenve la source de toute Pactivite du chevalier ‘De nombreux romans edurtols ont pour cadre. la ‘« Bretagne » (Comouailes, Galles, Irlande, Armorique) et pour peronnage central Arthur, ro lgendaite du vi" scl, ont la igure fut révélée aux Francais par le chanoine anglo- rormand: Wace, au milieu du xu siecle (Roman de Brut, 1185), Arthur est asssté par les célbres chevaliers de la Table Ronde ‘En dehors de Tristan er Yseut (fin du xa sitcle), es plus célabres de ces romans sont ceux de Chrétien de Troyes (Gers 1135-vers 1190), Dans Erec et Enide (vers 1160), le roman- tier met en seéne un héros qui, aprés avoir conquis par ses Drovesses la femme aimée, s'endort dans les, douceurs du foyer. Accusé de licbets par ses amis et par Enide, il force cexllesi A 'accompagner dans [a vie aventureuse qu'il reprend Lamour et le mariage doivent cbder le pas & Taventure. CGiiges (vers 1170) met Paccent sur le don total qui est celui de Famour :« Qui a le ewur, il ait le corps. » Le Lancelot (vers 1172) marque une conversion absolue de I'auteur aux thises| ‘ourtoises ‘le chevalier se soumet Ala dictature, aux caprioes 46. Lthérotsme chevaloreique (xu-xvitsiteles) cdesa.e dame », Guenibvre, femme d’Arthur (amour courtois fait fi des tabous sociaux, de T'adultée!). De méme, dans Yrain ow le Chevaler au lion (Vers 1173) Yvain est pun avoir prbféé aventure en elleméme & amour. Dans son erceral, Chrétien de Troyes asocie pour la premitre fois aux conte arthuriens la légende du Saint Graal ‘le jeune cheva- Tier Perceval court le monde la recherche du Graal,e'es-t-ice du vase qui servt&la Cene et oi Joseph d’Arimathie recueilit Je sang du Christ. Wagner a reprises theme dans son Parsifal iga3) ‘Au xm stele une partie de I"euvre de Chrétien est reprise et emanige dans immense Loncelo en prose. Désormals e Sont les chevaliers de la Table Ronde qui se consacrent a la aquéte du Graal, symbole de la vie mystique. Leurs exploits sont entrepris pour Dieu, Mais seul Galaad, fils de Lancelot 4u La, sera assez pur pour conguérr le Graal ete contempler dans une extase qui représente Funion parfaite avec Die. En dehors des romans antiques ou des lsgendes bretonnes, rnombreuses sont les qeuvres de type épigue pendant toute la période médiévale: romans d'aventure divers, chansons de este du cycle de Ia crotsade (La Conquéte de Jerusalem, ax 8ebut du xa sel, ete), mais dés la fin du xa siecle le feare est en décadence ot l'on ne trouve plus que des auvres manguées (Chanson de Bertrand du Guetelin, vers. 1384). @ La Chanson de Roland La Chanson de Roland a &€ composte au début éu nx siele par ‘un auteur inconnu. Le manvscrit que ous commision dale de 170 ts eal ent par 1. La trakion : Charlemagne guerroie depuis sept ans en Espagne, oi résiste dans Saragosse le oi musulman Mansle, Roland propose d'envoyer Gansion conelure lt Paix; mais la mision est perileuse. Furieux, Ganeclon frahit empereur et conclut une Tausse pai 2. La mort de Roland + Lrempereur rentre done en France. Roland, les douze pais et 20 000 hommes sont A Vacrire-garde. Assails par des nudes de pafens, ils se font glorievsemeat wer. Aprés avoir sonné du cor pour appeler Charles, Roland meurt face A Espagne. a mo ‘Le mythe du héror 3, Le chétiment + Charles extermine les Sarrasine de Maraile, puis ceux de 'émir de. Babylone, Balgant. Ganelon est arrté, et son champion Pinabel est défait fen champ clos par celui de Roland, Thierry. Ganelon Sera Gearelé, L’empereur se prépare & de. nouvelles expeditions. Lramour est & peu prés inexistant dans La Chanson de Roland, si on excepte le bref passage ol 'empereur, entré & Aitla-Chapelle, annonce la mort de Roland Asa fanege Avdo, qui en meurt, Cott rudesse gueriare ne va pas durer longtemps. En quelques décennies la cour- {oisie va métamorphoser les chansons de geste [COMBATS. SINGULIERS] Comme dans Uiade les combats singuliers sont nombreux dans La Chanson de Roland, et dun réalisme horefiant, Ine s'agit pas ici de combats, longuement éerits, entre deux heéros (Olivier et Roland dans Girart de Vienne, Corsolt et Guillaume dans Le Couronnement de Lous), cert un héros qui abat tout ce qul se trouwe Sur sa route, Roland est un terrible vendangeur din bles (ef, Isai, ch, 63) La. présence divine 3¢ laisse {eviner:on lutte pour Dieu, 'archevéque Turpin est un illstre guerrier. Mais surtout, & 'approche de la mort de Roland, apparaissent es signes qui marguirent la mort du Christ (Evangile selon saint Matthieu, ch, 27, verses 45:59), ay La bataille est merveilleuse; elle tourne a la mélée, Le comte Roland ne se ménage pas. Tl frappe de son épieu? tant que dure Ia hampe; aprés quinze coups il Va brisée et détruite. 11 tire Durandal, sa bonne épée, toute nue, Il éperonne, et va frapper Chernuble, 1 lui eft lnc sme cnn en nie et er) ae 43 Saar Gages te eae hele chon, Le mythe du héros brise le heaume ob luisent des escarboncles', tranche Ia coifle avec le culr du erdne, tranche la face entre les yeux, le haubert blanc aux mailles menues et tout le ‘corps jusqu’a V'enfourchure, A travers la selle, qui est incrustée «or, I’épée atteint le cheval. Il lul tranche Yéchine sans chercher le Joint, il abat le tout mort dans le pré, sur Therbe drue, Puls il dit: » Fils de serf, vous vous mites en route a la malheure*! Mahomet ze vous donnera pas son aide. Un truand tel que vous ne gagnera point Ia bataille! » ov Le comte Roland chevauche par le champ. 11 tient, Durandal, qui bien tranche et bien taille. Des Sarra- sins il fait grand earnage. Si vous eussiez vu comme il Jette le mort sur le mort, et Te sang clalr sétaler par faques! il en a son haubert ensanglants, et des deux bras et son bon cheval, de Vencolure jusqu’aux épatules, EL Olivier n’est pas en reste, ni les douze pairs, nl les Francais, qui frappent et’ redoublent. Les "pafens meurent, d'autres défailient. L’archeveque “dit « Béni soit notre baronnage! Montjote! » erie-til, cst le cri d’armes de Charles, on Et Olivier chevauche & travers la mélée. Sa hampe est brisée, il en a plus qu'un trongon. Il va frapper lun palen, Malon. I Tut brise son écu®, couvert dor ct de fleurons, hors de la téte fait sauter Ses deux yeux, ct Ia cervelle coule jusqu'a ses pleds. Parml les autres qui gisent sans nombre, il 'abat mort. Puis il a tue ‘Tungls et Esturgoz. Mais le trongon éelate et se fend Jusqu’a ses poings, Roland lui dit : » Compagnon, que Taites-vous? En une telle bataille je n'ai cure d'un baton. 11 n'y a que le fer qui vaille, et Yacler. Ou done est votre épée, qui a nom Hauteclaire? La garde en dole: pee plies un ou fo, La calf ot eos cogboie a grade toga aa eat : 50 Linérolsme chevaleresque (xt-xvi® sites) cst d’or, le pommeau de cristal. — Je n'ai pu la tirer, » Jal répond ‘Olivier, « 'avais tant de besogne! » on ‘Monseigneur Olivier a tiré sa bonne épée, celle qu’a tant réclamée son eompagnon Roland, et il lui montre, en vrai chevalier, comme il sen sert. Il frappe un paten, Justin de Val Ferrée, I lui fend par le miliew foute la téte et tranche le corps... et 1a bonne selle, dont les gemmes sont serties d'or, et & son cheval il @ fendu Péchine. Il abat le tout devant lui sur le pré. Roland dit: «... Si Yempereur nous aime, c’est pour de tels coups! » De toutes parts « Montjoie! »retentit x La batallle est merveilieuse et pesante. Roland y frappe bien, et Olivier; et larchevéque y rend plus de mille coups'et les douze pairs ne sont pas en reste, ni les Frangais, qui frappent tous ensemble. Par cen- ‘talnes et par millers, les palens meurent. Qui ne Senfult ne trouve nul refuge; bon gré, mal gré, ily Taisse sa vie. Les Francais 'y perdent feurs meilleurs soutiens. Ils ne reverront plus leurs péres ni leurs parents, ni Charlemagne qui les attend aux ports. En France s'éleve une tourmente étrange, un orage ‘chargé de tonnerre et de vent, de pluie et de aréle, émesurément, La foudre tombe & coups sereés et pressés, la terre tremble. De Saint-Michel-du-Péril Jusquaux Saints}, de Besangon jusqu’au port de Wissant , il-n'y & maison dont un mur ne créve. plein midi, ily a de grandes ténébres; aucune clarté, ‘auf quand le ciel se fend. Nul ne le volt qui ne sépou vante. Plusieurs disent : «C'est la consommation des temps, la fin du monde que voila venue. » Ils ne savent pas, ils ne disent pas vral : c'est la grande douleur’ pour la mort de Roland. Le mythe du héros [LA DEMESURE DU HEROS} Roland a refusé de sonner de Volfant, alors qu'il en ‘iat encore temps et qu'Oliver I'en presait (lasses 83 85), « Roland est preux, e Oliver est sage » (laisse 7). [La grandeur du hévos Ventraine souvent & une confiance excessive en luisméme, A la « démesure », Des fors le chitiment n'est pas loin ext Roland dit : « Pourquol, contre moi, de la colére? » EL Olivier répond : Compagnon, c'est votre faute, car vaillance sensée et folle sont deux choses, et mesure vaut mieux qu’outrecuidance. Si nos Frangais sont morts, c’est par votre légéreté. Jamais plus nous ne ferons le service de Charles. Si vous m’avier crit, mon seigneur serait revenu; cette bataille, nous Yaurions gagnée; le rol Marsile eat été tué ou pris. Votre prouesse, Roland, c’est 41a malehure * que nous Yavons vue.-Charles le Grand — jamais it n'y aura un tel homme jusqu’au dernier jugement! — ne recevra plus notre aide. Vous allez mourir et France en sera honnie®, Aujourd’hul prend fin notre loyal compa gnonnage : avant ce soir nous nous séparerons, et ce sera. dur, » [VEPEE MERVEILLEUSE DE ROLAND] Le héros éprouve fréquemment de Vattachement pour ses armes et pour son cheval, qui d'ailleurs portent un hom. De la css compisantes descriptions du bouelie, de V'are, de Vepée... Au Moyen Age, c'est surtout l'épge {qui compte : de Eseaibor du roi Arthur, de la Jovense de Charlemagne & Tp de Jeanne d’Are. Durandal est ‘une épée sninte + elle contient des reliques, comme les autels sur lesquels se eflsbre la messe. Isat ici du regret de Durandal, celui que le mourant exprime & Pégara das objets ou des étres qu'il abandonne, 2 Lihérolsme chevaleresque_(xnt-xvit sites) axxt Roland sent que sa vue se perd. TI se met sur pleds, ‘tant quill peut évertue, Son visage a perdu sa cou: leur. Devant Tul est une pierre bise. Il'y frappe dix ‘coups, plein de deuil ct de ranecur. Liacier grince, Aine se brise, ni ne s‘ébréche, » Ahi + dit le comte, sainte Marie, & mon aide! Ah! Durandal, bonne Durandal, c'est pitié de vous! Puisque Je meurs, je n'ai plus charge de vous. Par vous jal gagné en rase campagne tant de batailles, et par vous dompté tant de larges terres, que Chatles tient, qui a la barbe chenue! Ne venez jamais aux mains d'un homme qul pulsse fulr devant un autre! Un bon vassal vous a ongtemps tenue : il n'y aura jamais votre pareille en Franee ln Sainte » axxu Roland frappe sur le rocher de sardoine }, L’acier grinee, 1 n’éclate pas, il ne s'ébréche pas. Quand il voit qu’ll ne peut la briser, Il commence en lu-méme 2a plaindre : «Ah Durandal, comme tu es belle, et claire, et blanche! Contre le soleil comme tu luis et flambes! Charles était aux vallons de Maurienne, quand du ciel Diew lui manda par son ange qu'il te donnat & un de ses comtes capitaines : alors il m’en ceignit, le noble rol, le Grand roi. Par elle je Tui conquis Anjou et la Bretagne, par elle je lui eonquis le Poitou et le Maine. Je Iui conquis la libre Normandie 8, et par elle Je lui conquis la Provence et I'Aquitaine, et 1a Lombardie et toute Ia Romagne. Je lui eonquls la Bavitre et toute la Flandre, la Bourgogne et toute la Pologne, Constantinople, dont il avait recy Thom- mage, et la Saxe, oit il fait ce qu'il veut. Par elle je lui conquis VEeoste, Galles, Ilande et I’Angleterre, son domaine privé, comme il Vappelait. Par elle je conquls tant ot tant de contrées, que Charles tient, qui a la Darbe blanche. Pour cette épée Jal douleur et peine. Plutot mourir que la laisser aux palens! Dieu, notre pére, ne soullrez pas que la Franee ait cette honte: 3 Le mythe du héros caxxm Roland frappa contre une pierre bise. Il en abat plus que je ne sais vous dire. L’épée grince, ellen’éclate i ne sé rompt. Vers le ciel elle rebondit. Quand Ie comte volt qu'il ne la brisera polnt, i la plalat en lut-méme, trés doucement : «Ah! Durandal, que th es belle et sainte? Ton pommeau dor est plein de reliques : tune dent de saint Pierre, du sang de saint Basile, et des cheveux de monseigneur saint Denis, et du etement de sainte Marie, IL n’est pas juste que des patens te possbdent : des chrétiens doivent faire Votre service. Pulsslez-vous ne Jamals tomber aux mains d'un couard! Par vous j'aurai conquis tant de larges terres, que tient Charles, qui a la barbe fleurie! Lrempereur ‘en est puissant et riche. » [WAPOTHEOSE DE ROLAND} La pritre naltspontanément sur les levees des gueriers ‘enrétiens, dans les chansons de geste, Ici ame de Roland gagne le paradis, mais son corps restera en terre Jjusqu'au dernier jugement: simple variante de 'apothéose hérotque, ‘elle qu'elle apparait par exemple dans le smythe d'Hérakls cLxxvt Le comte Roland est couché sous un pin. Vers YEspagne il a tourné son visage. De maintes choses il lui vient souyenanee : de tant de terres qu'lla conquises, levaillant, de douce France, des hommes de son lignage, de Charlemagne, son seigheur, qui Ya nourri. Tl en pleure et soupire, il ne peut s'en empécher. Mais I he veut pas soublier lui-méme; il bat sacoulpe ® et demande & Dieu miséricorde : « Veal Pére, qui jamais ne mentis, toi qui rappelas saint Lazare Gentre les morts, ‘toi qui sauvas Daniel des lions 3, Sto Bes inroemeueere eee ees eee sham 54 Lihérotsme chevaleresque (xxv siéetes) sauve mon Ame de tous les périls qui la menacent & cause des péchés que J'ai falts dans ma viet» Tl a offert & Dieu son gant droit: saint Gabriel I'a pris de sa main} Sur son bras il a laissé retomber sa téte; ilest all, les mains jointes, sa fin. Diew Iui envoie son, ange Chérubin et saint-Miehel-du-Péril; avec eux y vint saint Gabriel ® Is portent lame du comte en paradis [WEPRE DE CHARLEMAGNE] our venger Roland et ses compagnons, 'Empereur ‘2 poursuivi les patens. Dieu a arrté le soleil, comme il wait fait autrefols pour Josué Josué, ch. 10), pour Fraider dans sa tlche. Aprés la victoire, i) él ‘camp et se couche tout armé. Cest alors que I' voque son épbe mervelleus, cLXXXIIL L’Empereur s'est couché dans un pré. Le preux ‘met prés de sa téte son grand épleu. Cette nuit il n'a ppas voulu se désarmer; il garde son blanc haubert brodé; il garde lacé son heaume aux pierres serties d'or, et Joyeuse ceinte; jamais elle n’eut sa pareille : chaque jour sa eouleur change trente fois. Nous savons bien ce qu'il en Tut de la lance dont Notre-Seigneur fut blesse sur la Croix : Charles, par la grace de Dieu, fen posséde Ia pointe et I'a fait enchisser dans le pommeau d'or; A cause de cet honneur et de cette free, Mépée a regu le nom de Joyeuse. Les barons de France ne doivent pas Voublier : c'est de la quills font pris leur erl darmes : « Montjoie! »* et c’est pourquoi nul peuple ne peut tenir contre eux. ea cate pe eae 55 Le mythe du héros [LES SONGES DE CHARLEMAGNE) Le premier songe anaonce le combat contre les soldats (= les monstres) du sarrasin” Baligant (~ Te lion), Dans le second, l'ours enchalné est Ganelon, les trente fours ses parents et défenseurs, Ie grand ours Pinabel, le lvrier Thierry. Ces deux réves sont caractristiques du bestiire propre 8 univers héroigue : carnassers, rapaces... pour les adversaires du héros; legit, rapiit6, Dbeauié pour le héros. cLxxxy Charles dort en homme qu'un tourment travaille, Dieu lui a envoyé saint Gabriel; if lui commande de garder empereur. L'ange se tient toute la nuit a son chevet. Par une vision, iI lul annonee une bataille qui lul sera livrée. la lui montre par des signes funestes. Charles a levé son regard vers le cel. I y voit, les tonnerres et les vents et les gelées, et les orages et les tempétes prodigieuses, un apparell de feux et de flammes, qui soudainement ehoit sur toute son armée. Les lanees de fréne et de pommier s'embrasent et 1es éeus jusqu’a leurs boucles d'or pur. Les hampes des épieux tranchants éclatent, les hauberts et es heaumes: G'acier se tordent; Charles Voit ses chevaliers en grande détresse. Puis des ours et des Iopards veulent les évorer, des séxpents et des guivres , des dragons et des démons. Et plus de trente milliers de grifons ® sont 14, qui tous fondent sur les Frangals. Et les Francais érient : « Charlemagne, 4 notre aide! » Le rol est ému de douleur et de pitié; iI y veut aller, ‘mais il est empéché. Dune forét vient contre lui un Grand lion, plein de rage, dorgueil et de hardiesse. Le Tion s’en prend & sa personne méme et Vattaque tous deux pour lutter se prennent corps A corps. Mais Charles ne sait qui est dessus, qui est dessous, L'empereur ne s'est pas révelllé. 56 Suettee dada, Lihéroisme chevaleresque (xutacv"sitcles) CLXXXVE Aprés cette vision, une autve Iul vint + qu’ll était en France, & Aix, sur un perron, et tenait un ours enchalné par deux chalnes. Du cbté de VArdenne il voyait trente ours. Ghacun parlait comme un homme. Us lui disaient : ¢ Sire, rendez-le nous! Ml n'est pas juste que vous le reteniez plus longtemps. Tl est notre parent, nous lui devons notre secours. » De son palais Accourt un lévrier, Sur here verte, ausdeld des autres, il attaque Yours Ie plus grand. La le roi regarde tun merveilleux combat. Mais il ne sait qui vaine, q fest valneu, Voll ce que T'ange de Dieu a montré au baron. Charles dort jusqu'au lendemain, au jour clair. (© Tristan et Yseut Ce « beau conte d'amour et de mort » consttue sans oute lt plus efiébre de toutes les ceuvres médiévales. ‘Au terme dune prébistoize obscure, cette pathétique legende est mise en forme tla fin du x sitele par Béroul et Thomas. Aussitdt Neurissent dans toute Europe des traductions, des imitations, des adaptations (jusqu’au wie stele), Aprés avoir subi une delinse pendant Te fgne’ du clssicisme (xvne-xvin sigces),. le. theme eparalt aw xix" sitcle, Em 1865 il inspite le Tristan und ‘olde de R. Wagner. En 1922 paralt Padmirable reconsti> tution due a J. Bédier, qui & partir des sourees connues (Beroul, Thomas, Eilhart, le Roman en prose) éablit Vexistence d'une quarantaine d'épisodes communément rphelin et neveu du roi Mare de Cornouslles, Tristan de Loonois, dlevé en parfait chevalier, accomplit is son arrivée a cour som premier exploit: il tue le ‘Morholt,séant qui récamait un teibut de 300 gargons 0 300 filles. Mais il est blességrievement et s'abandonne faux Nts + jté sur la eOte dIeiande, i est gusei par les Dhiltes magiques dYseut la Blonde, niéce éu Morholt, Mais eraignant d'grereconny, il regagne la Cornouailies. ‘Un matin, deux hirondelles apportent au palais un cheveu 7 ‘Le mythe du héros Gor : le rol décide 4'épouser cae A qul apparteat oe cheveu et envoie son neveu a la recherche de la Belle faux cheveux dor, ‘Tristan revient en Irlande, tue un dragon qui dévorait les jounes filles et « conquiert» ainsi Yseu, promise en récompense & qui délivrerait le pays du dragon, Celle-c| écouvre cependant que Tristan est le meurtrir de son ‘oncle et s'appréte Ale frapper; mas le jeune homme tui offe sa ve-et ui avoue qu'il n'est vesu que pour elle, ont il possdde le cheveu d'or. Yseut se réjouit alors @'épouser un tel chevalier, mais elle a la douleur d'ap- prendre peu aprés qu'elle est destinge au roi Marc. Pendant le voyage vers la Cornouailes, les jeunes ‘gens boivent par erreur un philre magigue qui devait ‘nie d'un amour éterne! Yscut et Mare. Les voici deror ‘mais ireéssiblementattrés Pun par autre « dans la vie et dans ia mort. Tis ont beau lutter contre leur folle passion, ils ne peuvent s'empécher de se rencontrer en secret. Surpris tun jour par lero, ils sont condamnés au bicher. Mai Tristan s'éehappe et dale Yseut; tous deux se réfue lent dans la forét dy Morois, ov il gottent pendant trols ans d'une vie misérable I'apre bonheur de s'aimer. ‘Au cours d'une chasse, Marc les trouve endormis et Tes épargne; trowvant& leur réveil Pépée et Vanneau du roi, Jes amante se tepentent et se séperent. Tristan rend ‘Yeout A son oncle et v'eile, Pour essayer doublet, i rouse en Bretagne Yseut aux blanches mains. Mais il re peut résster au dsr de revoir sa bien-aimée ot revient aupres elle sous divers. déguisements. De nouveau blessé par une arme empoisonnée, Tristan envoie chercher Yseut la Blonde : celle, bravant tous les interdits, suit le messager. Il a 66 convenu que, si Yseut la Blonde alt sur Je bateau, on hissersit une voile Blanche, Mais Ja femme de Tristan, par jalousie, lui annonce que la solle est noire Le chevalier meurt, fensevelt les amants dans deux tombes volsines : « Mais pendant la nuit, de la tombe de Tristan jallit une once verte et feuilue, aux forts rameaux, aux feurs odorantes, ui. s'enfonga dans la tombe d"Yeut», On cut bead la Couper, elle repousse. L'amour est plus fort que la mort Lhérolsme chevaleresque (nu"xw* steles) (TRISTAN CONTRE LE MORHOLT] Le combat contre le Morholt fait penser & la lutte de ‘Taésée contre le Minotaure (qui Tui aussi réclamait un but humain), de David contre Golith,..On remarguera importance des défs, Vinsistance sur la jeunesse et Vinexpérience de Tristan, Mart de jouer des contrastes ex de Tinattends, Quand Tristan rentra, Mare et toute sa baronnie menalent grand. deuil. ‘Car le roi d'Irlande avait Equipe une flotte pour ravager Ia Cornouailles, si Mare refusait encore, ainsl qu’fl faisalt depuis quinze années, d'aequitter un tribut jadis payé par ses ancétres, Or, sachez que, selon d’anciens traités daccord, les Inlandais pouvalent lever. sur la Comouailles, Ia premiére année trois cents livres de cuivre, la deuxiéme année trois cents livres @argent fin, et la troisiéme trols cents livres d'or. Mais quand ‘revenait la. qui trite année, ls emportaient trols cents Jeunes gargons et trols cents jeunes filles, deT’Age de quinze ans, tires au sort entre les familles de Cornouailles. Or, cette année, Ie rol avalt envoyé vers Tintagel, pour porter son message, un chevalier géant, le Morholt, dont il avait épousé la sceur, et que nul mavait jamals pu vainere en bataille, Mais le rol Mare, par lettres Seellées, avait convoqué A sa cour tous les barons de sa terre pour prendre leur consell ‘Au terme marqué, quand les barons furent assem- Diés dans Ia salle voutée du palais et que Mare se fut assis sous le dais, le Morholt parla ainsi : «Rol Mare, entends pour la demigre fois le mande- ‘ment du rol d'Inlande, mon seigneur. Il te semond de payer enfin le tribut que tu Tui dois. Pour ce que tu I'as trop longtemps refusé, il te requiert de me livrer en ce jour trols eents jeunes gargons et trois cents jeunes filles, de I'age de quinze ans, tirés au sort entre les familles de Cornouailles. Ma nef, ancrée au port de Tintagel, les emportera pour qu'tls deviennent nos serfs. Pourtant, — et je n'exeepte Bee eet ttt co oe mone 9 Le mythe du héros que tol seul, rot Mare, ainsi qu’ll convient, — si quel- qu'un de tes barons veut. prouver par bataille que le rol d’Irlande léve ee tribut contre Ie droit, j'accepteral son gage. Lequel d’entre vous, seigneurs cornouaillais, ‘Veut combattre pour la franchise de ce pays? » Les barons se regardaient entre eux a la dérobée, puls baissaient 1a téte. Golui-ci se disait : x Vois, malheureux, Ia stature du Morholt d’Irlande : it est plus fort que quatre hommes robustes. Regarde son épée : ne sais-tu point que par sortilege elle a fait voler la téte des plus hardls champions, depuis tant années que le roi d'Irlande envote ce géant porter ses défis par les terres vassales? Chétif, veux-tu chercher Ia mort? A quoi bon tenter Dieu? Get autre songealt : «Vous alje dlevés, chers fs, pour les Desognes des serfs, et vous, chéres filles, pour celles des filles de joie?’ Mais ma mort ne vous sauverait pas, » Et tous se taisaient. Le Morholt dit encore «Lequel d'entre vous, selgneurs cornouaillais, veut prendre mon gage? Je lul offre une belle batallle : ar, trols jours d'ici, nous gagnerons sur des barques Vile Saint-Samson, au large de Tintagel. La, votre chevalier et moi, nous combattrons seul a seul, et Ia ouange d’avoir tenté la bataille rejallira sur toute sa parenté. = Ils se taisaient toujours, et le Morholt ressemblalt fu gerfaut © que Yon enferme dans une cage avee de petits oiseaux : quand I y entre, tous deviennent uels. Le Morholt parla pour la troisiéme fois «Eh bien, beaux selgneurs comouaillais, pulsque ce parti vous semble le plus noble, tirez vos enfants au fort et je les emporteral! Mals je ne croyals pas que ce pays ne fat habité que par des serfs. » Alors, Tristan s'agenouilla aux pieds du roi Mare, et ait! «Selgneur rol, s'il vous plalt de m’accorder ce don, je feral In batailte. » “Getto cn pana ce, come sone « Lhérotsme chevaleresque (xu""sitcles) En vain Je roi Mare voulut I'en détourner. Il était jeune chevalier : de quoi Tui serviralt sa hardiesse? Mais Tristan donna son gage au Morholt, et le Morholt le recut. Au Jour dit, Tristan se plaga sur une courtepointe* de cendal verinell, et se fit armer pour Ia haute aven- ture. Il revétit le haubert et Ie heaume d'acier bruni, Les barons pleuraient de pitié sur le preux et de honte sur eux-mémes, «AN! Tristan, se dissient-ils, hnardi baron, belle jeunesse, que r’ai-je, plutot que toi, entrepris cette batallle! Ma mort jetterait un moindre dull sur cette terre|... Les cloches sonnent, et tous, ‘ceux dela baronnie ef ceux dela gent menue, vielllards, enfants et femmes, pleurant et priant,” escortent ‘Tristan Jusqu’au rivage. ls espéraient encore, ear Vespérance au coeur des hommes vit de chétive pature, ‘Tristan monta seul dans une barque et cingla vers Vie Saint-Samson. Mais le Morholt avait tendu a son ‘mit une voile de riche pourpre, et le premier il aborda dans I'll Il attachait sa barque au rivage, quand ‘Tristan, touchant terre & son tour, repoussa ‘du pled la sienne vers Ia mer. «Vassal, que fais-tu? dit le Morholt, et pourquoi ast pas retenu comme mot ta barque par une — Vassal, & quoi bon? répondit Tristan, Lun de nous reviendira seul vivant diet: une seule barque ne Tui suffit-elle pas? » Et tons deux, s'excltant au combat par des paroles outrageuses, renfonetrent dans Ile Nul ne vit V'épre bataille; mais, par trois fois, fl sembla que la brise de mer portait au rivage un eri furieux. Alors, en signe de deuil, les femmes battalent leurs patimes en choeur, et les compagnons du Morholt, massés & T'écart devant leurs tentes, rialent. Enfa, vers Vheure de none, on vit au loin se tendre la voile de pourpre; la barque de W'irlandais se détacha de Vile, et une clameur de détresse retentit:« Le Morholt | Te Morhoit!» Mals, comme la barque grandissait, 2 Nowe enews bear eviton Was Rew apt a Le mythe du heros soudain, au sommet d’une vague, elle montra un chevalier qui se dressait A Ia proue; ehacun de ses poings tendait une épée brandie = ‘c'était. ‘Tristan, Aussitet vingt barques volerent A sa rencontre et Tes jeunes hommes se jetaient a la nage. Le preux +’élanca sur la gréve et, tandis que les méres & genoux baisaient 0s chausses defer, il eria aux compagnons du Morhol * Selgneurs d'Irlande, le Morholt a bien eombattu. Voyez : mon épée est ébréehée, un fragment de Ia lame est resté enfones dans son erie, Emportez ce moreeau @acier, selgneurs : Cest le tribut de Ia Cornouailles! » ‘Alors il monta vers Tintagel. Sur son passage, I enfants déliveés agitaient & grands eris des branches vertes, et de riches courtines se tendaient aux fenétres. Mais quand, parmi les chants d'allégresse, aux bruits des cloches, des trompes et des buccines, si retentis- sants qu'on n’eit pas oul Dieu tonner, Tristan parvint fu chdteau, i s'alfaissa entre les bras du rol Mare : fet Te sang ruisselait de ses blessures. (Cristan et Yseut, adaptation de J. Bédier, aprés Ellhart d’Oberg pour cet épisode,) ‘Tout le Moyen Age s'est enchanté dauvres dont la substance est constituée par des variations de la réverie hérotque + guervers surhumains, asisiés par Dieu ou par des Fes, galvanisés par Tamour...: Arthur, Gauvain, Lancelot, rec, Tristan, Galaad, Perceval, Charlemagne, Roland, Olivier, Guillaume q'Orange, Aimeri de Ns ‘bonne, Huon de Bordeaux. Que de dros dont la figure est éormais immortelle! ‘Cette immense matitre subit toutes sortes tions. AU xiv" sigs, de nombreuses chansons de geste sont résrites en prose. Les premibres presses parsiennes ct Iyonnaises s'empressent de publier ces remaniements fen connalt dés 1478 un Feérabras, en 1480 un Régnault ide Montauban, Des commis de librarie ne cessont de ‘ylgarisr les views romans, qui vont constituer le fonds de fa oéltbre « Bibliotheque bleue », dont aristocratic {tle peuple feront longtemps leurs delices. ‘Au! xv sidcle, ses préoccupations évangéliques et hhumanistes, sa verdeur popuiaite, son got du rire e Lhéroisme chevaleresque (xxv sides) Grorme emptchent le puissant Rabelais (1494-1853) de s'abandonner aux suggestions de Vhérofsme. Dans Ia Défense et illustration de la langue frangaie (1588), du ‘Bellay (1522-1360) érit un chapitre capital sur épopée, appelée alors ie « long poéme » (Il, 3). Il voit dans la composition dune épopée le couronnement d'une turrtre de podte. Lui qui s'est montré si dur pour tant de genres littéraires du Moyen Age, i edlebre les beaux vieux romans frangais, comme un Lancelot, un Tristan, fu autres », en méme temps que I'Tliade ou 1-Endide Dis Tors, jusqu'd Hugo, va régner chez les grands éeri- vainsfrangais Pobsession de révsse une 6popse, Ronsard (15241588) tente le premier de réaliser 'idéal de son ari 44u Bellay malgeé. vingtcing années de travail, $2 Franciade (1572) et un éohec, Il imagine qu’ Astyanex, fils Flector et d’Andromaque, serait sous le nom de Francus T'anctire des Frangais. Helas! Le grand pote est encombré de receties, demeure prisonnier de ses modeles, n'a pas su Taiser imagination prendre son cessor. La veritable « tte épique » du xvi" siete frangais, lest Agrippa d’Aubigné (1552-1630), auteur des ‘Tragiques (composés & partir de 1577, publis en 1616). Mais ‘comme chez Dante (La Divine Comédie, début «du xav® sitcle) ou bientOt Milton Le Paradis perd, 1667), le sons épigue est difus dans Les Tragiguer, il n'autéole pas un héros ou un groupe de heros. absence de créations hérotques dans notre littérature de la Renaissance explique que les Francais du xvi" ‘et du xvi sieles se solent passionnés ou bien pour les versions en prose des romans médiévaux, ou bien pour les ceuvres derangires. Or, cette epogue, I'elite a les yeux tournés vers la grande puissance qu’est Espagne ‘ou vers la terre de culture qu’estI'ltalie. Quatre cuvres ‘urtout attesent Je godt persistant de I'Occident pour Mhérotome chevaleresque : Amadis de Gaule, Roland furieus, Roland amourewx, La Jérusalem délivée. © Amadis de Gaule (1508) Crest le plus céldre des romans espagnols de cheva- Jevie, Sa matitre semble avoir connve dds le a Le mythe du héros xv" stele, mais la premitre publication eut lew en 1508. A Saragosse: auteur état Garcia Rodriguez de Montal- ‘Amadis, enfant naturel do Pévion et dElistne, est abandonné dés sa naissance aux caprices des ts Gandats Feosselerecueile: Amadis ’aaveclui qu'une bbague ct une épée (futurs instruments de « reconnais- sance »). Devenu adolescent, le jeune homme rencontre Griane, et Tamour aalt entre eux. Oriane le fait armer chevalie. Alors, aprés avoir juré une fidlité Gernele & 4 bienaimée, Amadis part sllusuer dans des eventures affrontées pour sa dame. Le héros triomphe du géant ‘Abies. Puls, grice & la bague, il retrouve ses parents Enformé par Suite d'un enchantement dans le chdteau Arealaus, il est délivré par sa protectriee, Urgande libre ensuite le toi Lisvart et safle Oriane,vietimes <éu méme Arcalaus. De nouveau emprisonnilest déliveé par Oriane, qui se donne a lui en récompense de sa waillance et de sa faite. Reparti, Amadis est accueil chaleurousement par Ia reine Briolanie, mais domeure fiddle a Oriane. Dans We de Ferme, il explore Winaccessible chiteau des bouclers et dalive dinnombrables prisonniers. Cepen= ant Orlane, qui le eroit amoureux de Brilanie, ui interdit de reparaitre en sa présence, Le malheureux se retire & Roche-Pauvre et prend le nom de Beau-Téné- breux (Cervantts a parodié cet épisode : Don Quichotte se retire dans la Sierra Morena). Mais, appelé au secours de Lisvart et d'Oriane, le_ chevalier Beau-Téndbreux ‘multiple les victores et prend le nom de chevalier de la Verde Espée », Amadis domine bieatot Vunivers + triomphe en Allemagne, en Italie, en Grice... arrache Oriane & Mempereur d'Occident, Eafin les deux amanis sont réunis, Le live s'achtve par les noces d’Amadis et Oriane, de Galaor (free d"Amadis) et de Briolane.. Urgande’ surgit de lamer et prophétse le destin q'Esplandian, fils «Amadis et Orlane, armé chevalier, ‘Ge roman jouit d'une popularté immense en Europe, fut tadut, iit, continué. On connalt surtout l'Amadis du Tasse (1560) et I'Amadis de Gaule de Quinaut (livre) et Lull (musique), tragic Iyrique (1684) Lihérotsme chevalerosque (xu'-xvs"sidele) @ Roland amoureux (1486-1506) Potme de chevaleie de ['érivain italien Boiardo, publié-en 1486, 1495 et 1506 Lors d'un tournoi offer. par Charlemagne, survient A Paris une jeune fille extraordinairement belle, Ange lique, aecompagnée de son frére Argail. De nombreux chovaliers s'éprennent d’elle, surtout Roland et Renaud, ‘Asgail, confiant dans ses armet enchants, lance un 44, mas i est tu. Angelique s'enfuit, poursuivie par Roland et Renaud, Mais la jeune fille boit une eau magique qui la rend emoureuse de Renaud, tandis ‘que celuici se désaltére au contraire a le fontaine de Ja haine et se met & fuir Angélique. Gradasso, qui convoite le cheval de Renaud (Bayard) ct lépée “de Roland (Durandal) attague les Frangais et leurs ali; 'abord vaingueur, il est fnalement battu en combat singulier par Astolphe, défenseur de Paris, Astolphe et Roland sauvent ensuite Angélique, asségée par un ‘amoureux ésonduit, Agrian, rot de Tartare. Ele se fait ramener en France par le naif Roland, Mais voiel que les rdles sont intervertis = Angélique boit de Tau de haine, et Renaud de eau d'amour, Dés lors une lutte féroce s'engage entre les deux cousins, Roland et Renaud. Survient le siege de Parl Le pote est inachevé. 11 va étre continué par Atioste. © Roland furiewx (1502-1532) Ce potme en 46 chants, composé par I’Arioste(1474- 1533) entre 1502 et 1332, reprend Ubistoire de Roland Ik ‘08 Boiardo avait laisse. Alors que la bataille tourne mal pour les chrétiens, Angélique s'enfuit de nouveau, Plusieurs chevalies se lancent & sa poursuite : Renaud, Ferrau, Sacripant, Roger... Capturée par des corsaires, tlle est abandonnée dans 'le des Plaines :e'est la que Roger, monté sur I'Hippogrfe, vent la délvrer; sur le point de succomber au charme de son sauveur, Angélique ‘ Le mythe du héros se rend invisible grice 4 un anneau magique, Revenue pres de Paris, elle s'éprend d'un chevalier sarrasin, ‘Médor, 'épouse et gsagne aver lui le royaume de Cathay, sur lequel if régnera “Mais Roland la cherche toujours. Aprés de nombreux ‘exploits, il découvre prés dune grote les initiates entre- Inotes de Médor et d'Angélique. Comprenant Patfreuse vérité, il perd la raison, erre a travers la France et TPEspagne, ravage tout sur son passage, Dieu cependant J prend en pitié = saint Jean conte au chevalier Astolphe ‘une ampoule qui rele la raison de Roland, Ce deraier, contraint de repirer Pampoule, émerge enfin de s2 folie et entreprend de se racheter. Dans [ile de Lipaduse, i Stunt a Olivier et Brandimart pour afronter les trois sarrasins, Gradasse, Sobrin et Agramant, en un combat ‘qui décidera de issue de la guerre. Brandimart est to, mais les chrétiens V'emportent Le potme ne s'achive pas pour autant, L*Arioste ‘nous fait assster aux traverses de l'amour qui existe nite Roget, chevalier sarrasin qu'un ermite convertira, ot Bradamante, viergeguerrtre, saeur de Renaud. Ce sont les épisodes célebres oi Roger succombe aux doux sortilges du magicien Atlant et de laff Aleine... Nous Sont contées aussi les aventures Astolpbe, le moins valeureux des preux chrétins, de Redomont, le plus redoutable des Satrains. ‘Aprés la description «en surface » qui caractérise les Spopées médiévales, ou toute histoire du personnage est ‘condensée en lui dts son apparition et se déroulelingain ‘men, le potme de PAriostemltipie ls plans et ne peut ‘tre pneteé que si on le contemple en perspective. Toute Janature participe & Maventure des heros, tour & tour vaingueurs et vaineus. © La Jérusalem délivrée (1580) Potme épique en vingt chants, de Méerivain italien ‘Le Tasse (1544-1595), publis en 1580, Le sujet en est Ia premitre croisade. Arrivé depuis six ans en Palestine, Godefroy de Bouillon asiége re Lihdrotsme chevaleresque (xi-xvitsigeles) Jérusalem. Mais les passions troublent les croisés : ‘Tancréde est pris de la Sarrasine Clorinde; la masi- cienne Armide, envoyée par le roi de Damas, séduit de nombreux chevaliers et les emprisonne, mals Renaud les live, Parla suite Armide, qui s'est éprise de Renaud, Va entrainé dans un Liew de delies, les les fortunes, Le chevalier s'abandonne au eharme de la magicienne Heureusement ses compagnons d'armes le rtrouvent et Varrachent & ces enchantements, Revenu sous Jérusalem, Renaud triomphe de tous les sorileyes da démon. La Ville sainte est prise Cette auvre puissante et pathtigue, beignée dune nostalgie de la pureté,connut immédiatement un succes considerable or © CHAPITRE IV LE GRAND SIECLE ET LA MAGNIFICATION DU HEROS Le grand siécle apparait trop souvent comme un peu solen- rel, On oubli que les Francais de ce tempsla furent passion- ns de romans, d'épopées et de cones de fées. On lsat les {aptations en prose decertaines euvres médiévale; beaucoup Stenchantaient Amadis de Gaule et des épopées italiennes; fn raffla des trag-comédies (L’Astrée, Honore drt (1607-1627, si elle est marque avant tout par la pastorale expagnole,contient bien des pages ‘qui Capparentent aux romans chevaleresques de I'age préoé- dent, De 1620 & 1630 paraissent 24 romans d'aventures Déroiques. Ce « roman Héroigue > va connaltre un succes ‘immense a moins jusque vere 1660 : le personnage central est empranté 4 Maistre (Cyrus, Vercingétorix..) et se meut dans tune atmosphere d'hérotsme guerrier et de galanterie; apres {voir mis des volumes & triompher de ses ennemis, il Spouse bien-aimée, On compte parmi les plus grands succts de aire Cassandre (10 vol, 1642-1685) et Cléopaire (12 vol, 1646-1658) de La Calprenéde, Le Grand Cyrus (10 vol, 1649-1653) et Cele (10 vol, 1654-1661) de Madeleine de 6 XW on sa ‘Le mythe du héros Scudéry, Mais on pourrait citer bien d'autres romans céebres, teuvres. de Boisrobert, Desmarets de Saint-Sorlin, Gomber- Ville. Bpris d'hérotsme, les aristorates contemporsins de Richelieu et de Mazarin acclament aussi le theatre foncir ment héroique de Corneille. is admirent la réalistion de Teor idéal dans la personne du jeune due dEnghien, vainqueur es Espagnols & Rocrol en 1643, et multiplent les intrigues romanesques evant et pendant Ia Fronde (1648-1653). “Toutefois, dans fe roman de 1660 la part de la guerre a beaucoup diminué au profit de celle de amour. De cette Gvolution la Cldlie est un sémoin loguent, Pourtant les spits demeurent hantés par la révere épique : & tl point (gue les années 1650-1670 Voient paralie une floraison d'épo- ples, Les écrivains ambitionnaient de faire tiller ce merveil- Jeux chrétien dant La Jérusalem dlfyrée du Tase eu paraissait tune admirable mise en ceuvte, Saint-Amant publie un Morte sauvd (1653), Le Moyne un Saint Louis (remanié en 1658), {G. de Seudéry un Alavi (1654), Godeau un Saint Pau! (1658), Chapelain douze chants de sa'Pucelle (1650), Desmareis un Clovis (1657), Lesfargues un David (1660), J. de Coras un “onas, Josué un Samson, un David (1663-1668) Le Laboureur tan Charlemagne (1668), Carrel de Stinte-Garde un Childe brand (1668). Hélas! toutes ces quvres sont. médioctes. ‘Ces. doctes » savent trop de choses. Ils sont prisonniers d'une esthetique étriquée, évangére a Tessence méme de V'épopée, ‘Gui suppose démeture, inveaisemblance, gic. ‘Dans la seconde moitié du sitele, Louls XIV développe la religion ovale (le roi est un éte saceé, oint & Reims, thauma- furge..) et svimpose comme le RobSolell. Les ‘ésrivains célebrent & envi le hévas royal ‘De 1661 & 1685 surtout ext organisé un vértable service de la « gloire du roi». Colbert fat travailler les artistes pour son maitre; on frappe des monnaies avec devises et emblemes Solaires; les constructions grandioses se eulipient (Versailles fest que la plus fameuse). De ceite glorification, |'Oraison funcbre de Marie-Tharése, femme de Louis XIV, est toute remplie : Bossuet, qui n'avait pas grand-chose & dire sur cate reine efface, cdtbre « le plus grand roi de Tunivers ». Les {ands personnages, eux aussl, sont magniis, mais seulement “ges Ate et Caller de Unser de Sedoure, 1974 0 Le grand sicle et la magnification du héros leur mort, dans de non moins somptueuses orsisons fines De ant de got pour Mérotsme que subsste-til aujourd'hui dans Vordre litiralre? Essentellement auvre puissante de Corneille (de 1630 & 1680), quelques fragments Gpiques de Bossuet. (Oraisons fundbres) ct de Racine (Mithridate, 1673; Athalie, 191). Mais fe & cette exaltation héroique se deste le sévére christianisme augustinien, dont le centre le plus aif su miliea du sitele est Port-Royal. Las altaques de Pascal, puis de La Rochefoucauld, constituent, selon T'heurewse expression de P. Bénichou (Morales du grond siéele, Gallimard, Pacis, 1948), une radicale « dématition du héros » © Lhéroisme cornélien Presque toute I"euvre dramatique de Corneille (1606- 1684) est insprée par une intense reverie de I'hérotsme, (On a longtemps dsserté sur la psycholople de ses per~ sonnages; on se demandait ‘ls étaient humains. Et ‘comme le grand sitele,assuraiton, doit sa supériorité & Ia fine analyse des sentiments humains, on svertuait & sextasier sur la deicatese de Chiméne ou de Pauline, Evidemment Horace et ses semblables génaient un peu ‘On parvenait mal & comprendre leur désinvolture & Pégard des princes ou, parfois, des femmes. Cette euvre ne doivelle pas éie Iue et méditée tout auirement? Le héros cornélion nest pas simplement un homme, puisque c'est un héros. Ce n'est ni Phomme tel qu'il est, ni est homme tel qu'il 'se réve dans ses moments d’exaliation. Sa pey- chologie est peu feuillée : c'est la Toi méme de univers pique (récemment les tentatives de westerns psycholo- ‘igues n'ont guere 6 concluantes). On svattachera done A UScouvrir dans ces tragéies la présence des contrasee (Gaconau se révélant tout & coup au monde, vainct qui ext en réalié le vaingueur..), Ies épreuves ‘ou travaux es “héros, le hérossaurewr, les rapports entre let Surhommes et les hommes ordinates (notamment let rois, les hauts fonctionnaires), Ie r6le de la. femme, Mhétoisme féminin, le theme lumineux de la « glove», Le mythe du béros La lecture proposée ici pour Le Cid peut inspiter une Interpretation analogue de touts les grandes tapédies de Corie LE SCHEMA DU CID cs igi at tame eel oe 9 Hetvonen Te cher ghd : 1 i & ! ; fa ee eur moire seine Er va Le grand siele et Ia magnification ase [LE CREPUSCULE D'UN HEROS} La grandeur hérotque présente un aspect tragique, si le erdateur Ia ressent comme éphémére, Dans Le Cid, les générations de héros s'anéantistent les unes les autres (voir acteT, se. 3). On remarquera il fs images de la ‘uit (aps Ie rayonnement solar), dela chute, de Phiver, Lasctnese termine surla transmission del’épée ancestral, ‘ui va jouer un grand réle (voir acte Ill, se. 4), Don Ditgue —> Don Gom’s —+ Don Rodrigue (le heros (de heros de héros 4 passé) du présent) nouveau) |__Transmission du sang magigue “Tradition » do T'épde ancestrale [UNE PLACE PUBLIQUE DEVANT LE PALAIS ROYAL, Acte I, seéne 4: DON DIEGUE © rage! 6 désespoir! 6 vieillesse ennemie! Naai-je done tant véeu que pour eette infamie? Et ne suissje blanchi dans les travaux guerriers Bb Le mythe du héros ‘Me Que pour votr en un jour Métrir tant de lauriers? ‘Mon bras, qu'avee respect toute l Espagne admire, ‘Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, ‘Tant de fois affermi le trdne de son roi, ‘Trahit done ma querelie, et ne fait rien pour mot? ‘4s Q eruel souvenir de ma gloire passée! Guvre de tant de jours en un Jour effacéet Nouvelle dignité, fatale 4 mon bonheur! Préelpice élevé doit tombe mon honneur! Fautil de votre éelat * volr triompher le Comte, ‘0 EL mourit sans Vengeance, ou vivre dansla honte? Gomte, sois de mon prince & présent gouverneur = Ge haut rang n’admet point un homme sanshonneur; Et ton jaloux orguell, par cet aflront insigne, ‘Malgré le choix du Rol, m'en a su rendre indigne, EL toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d'un corps tout de glace * inutile ornement, Fer, jadis tant a eraindre et qui, dans cette offense, M’a servi de parade *, et non pas de défense, Va, quitte désormais le dernier des humains, ‘0 Passe, pour me Venger, en de meilleures mains. [LE DEFI HEROIQUE] Cette setne céidbre prélude & épiphani,& la manifes- tation glorieuse du héros jusqu'alos caché en Rodrigue. Elle rappelle d'autres défi du méme type : David contre Goliath, Tristan contre le Morholt.. La comparaison de ces episodes era restortr Voriginalité relative de Corneille LA PLAGE DEVANT LE PALAIS ROYAL, Acte II, edne 2: LE COMTE, DON RODRIGUE, Amoi, Comte, deux mots, 2 Heme vers ricer le, Pre I ei 00 ™ Le grand sitele et la magnification du héros Parle, temo d'un doute. Connais-tu bien don Ditgue? oui, Dox opntoun Parlons bas; 6eoute. Saistu que ce visllord fut la meme vertu, ‘00 Lavallanee et honmeur de son temps? Te sais-tu? Peut-tre, Cette ardeur que dans tes yeux je porte, Sais-tu que c'est son sang? le sais-tu? ie Que mimporte? ow nopmiov [A-quatre pas del je tee fas savotr Le comre Joune présomptueux! ‘ee Parle sans t’émouvoir, 48 Je suis Jeune, il est vrai; mais aux ames bien nées La valeur n’attend point le nombre des années. ‘Te mesurer & mol! qui t'a rendu si vain, ‘Tol qu’on n’a jamais vu les armos A Ta main? Mes pareils & deux fois ne se font point eonnaitre, ‘89 Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de mattre. 1a mde ver ance me, «ery» Gi ‘ie can ember sols ooo Pcs ‘ina Le mythe du héros Sais-tu bien qui je suis? ‘Oui; tout autre que moi ‘Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d'etre Les palmes dont je vois ta téte si couverte Semblent porter écrit le destin de ma perte. ‘93 Pattaque en téméraire un bras toujours vainqueur; <5 Mais [aural trop de foreo, ayant assez de ewur!, A qui venge son pére il n'est rien Impossible *, «Tom bras est invaineu, mals non pas invinedble, Ge grand eceur qui paralt aux diseours que tu tiens, ‘0 Par tes yeux, ehaque jour, se découvrait aux miens; Et eroyant voir en tot "honneur de la Castille, ‘Mon ame avee plaisir te destinalt ma fille, ‘Je sais ta passion, et suis ravi de voir ‘Que tous ses mouverents eédent & ton devoir; ‘85 Qu’ils sont point aflaibli cette ardeur magnanimes Que ta haute vertu répond & mon estime; Et que, voulant pour gendre un eavaller * parfait, Tene me trompals point au cholx que ffavals alt; Mais je sens que pour toi ma pitié s'intéresse; ‘0 admire ton courage, et Je plains ta jeunesse. Ne cherehe point & faire un coup dessal fatal; Dispense ma valeur d'un combat inégal; ‘Trop peu d'honneur pour mol sulvrait cette victoire ‘A vainere sans péril, on triomphe sans glotre © On te eroirait toujours abattu sans effort; Et Jfaurals seulement le regret de ta mort. D’une indigne pitié ton audace est sulvis Qui m’ose Ster honnenr eraint de m'dter la vie? Retire-tol d’lc Eee ere ee ere en 6 Le grand sitcle et la magnification du héros Marchons sans diseouri, ‘Ho Es-tu si las de vivre? ‘As-tu peur de mourir? Viens, tu fais ton devoir, et le fils dégénére Qui survit un moment A 'honneur de son pare. Les coutumes du theatre de 1630-1540 conduasient Cor- rile avenue Je uel il de la scene. Contrairement 8 TTaueur du Marioge de Rotana iln'voque pa i combat de deux ros. Mais il tansforme la eae aser brtale Simple du def (ade, weeeras ‘Compare es lévens dec 8 aux episodes analogues que vous connaisez (Gans lade, dans tel combat single de western, ete), "Les héros rappelent qui ils sont, meme ss se ‘connlssent dja. En quol ce rappel estll ct tpiguement ‘omélien? Montez commen le heros coralen, sucieun Se Tare veconaaie, se lite A une vetable eralttion do "Tei prend fin a vie cachée de Rodeigue: som hérolsme re se leis pas prenontir arice a0 réle ous pale ong par les yr (vere 25:90)? Stances 2116). Il heute de plein fooet homme sabi west ie Comte, Montees gue la supeionié de son ame Spparalt dans ln force des vers quill prononce (snorités, ‘maxines) Cette seéne est devenue fameuse, parce qu'elle reste tune considerable pussince apthigus. A Taide dexemples Direc, ndiquez en quoi elle ébvale ‘nos smaginations Jeunesse cone late table, ardeur et lan conte eulsunce, prisages de Thirolame de Rodrigue (au lieu des prophaties Fabitueles. concernant le ros, Corelle ecpurt a det reality fnterioures.: le sang magique de [a race, le foe du ‘eeard. Cele seine constitu une sorte dadouberent invisible de Rodeigu. 7 Le mythe du héros [LE CHEVALIER SOUMIS A SA DAME] Lore de sa premire rencontre avec Chiméne (It, 4), Rodrigue demeurait pres de 'edolescence (maladreses i montee Pépée; tutoiement.. D'ol le glissement vers la tendresse, le duo de la jeunesse opprimée par tes pares 9). Tol apparalt Je héros devenu pleinement conscient de sa puissance, le libérateur de tout un peuple. 'SiTamour de sa «gloire» semble la passion dominante de Rodrigue, le héros ne congoit pas de vivre sans amour de Chimene” Chez Cunine Acte V, seine 1: DON RODRIGUE, CHIMENE couneie 44 Quoi! Rodrigue, en plein jour! d’ou te vient cette Taudace? ‘Va, tu me perds d'honneur; retire-tot, de grace. Je vais mourir, Madame, et vous viens en ce liew, ‘Avant le coup mortel, dire un dernier adieu Cet immuable amour qui sous vos lols m’engage Wo N'ose accopter ma mort sans vous en faire Thommage}. count ‘Tu vas mourirt Je cours & ces heureux moments Qui vont livrer ma vie & vos ressentiments, # ee 2, Reston primite Severn 10a Se ea i as a pects ees pea Le grand sitcle et la magnification du héros cumine ‘Tu vas mourir! Don Sanche est-i si redoutable Quill donne lépouvante a ce eceur indomptable? 1e8 Qui t’a rendu #1 faible, ou qui le rend si fort? Rodrigue va combattre, et se croit déja mort! Gelul qui n’a pas craint les Mores, ni mon pére ‘Va combattre don Sanche, et déja désespér Ainsi done au besoin ? ton eourage s'abat! 1499 Je cours A mon supplice, et non pas au combat; Et ima fdéle ardeur sait bien m'dterT'envie, Quand vous cherchez ma mort, de défendre ma vie. ‘Jal toujours méme eweur #; mais je n’al point de (bras ‘Quand it faut conserver ce qui ne vous plalt pas; wes Bt deja cette nuit m'auralt été mortelle Si Jfeusse combattu pour ma seule querelle *; ‘Mais défendant mon rol, son peuple et mon pays, ‘A me défendre mal je les aurais trahis ‘Mon esprit généreux 4 ne halt pas tant 1a vie ‘uve Qu’il en veullle sortir par une perfidic. ‘Maintenant qu'il s'agit de mon seul intérét, Yous demandez ma mort, jen accepte Varrét. Votre ressentiment choisit la main d’un autre (Je ne méritais pas de mourir de la votre) : 1495 On ne me verra point en repousser les coups ‘Je dois plus de respect & qui combat pour vous; Etravi de penser que c'est de vous quills viennent, Puisque c'est votre honneur que ses armes sou- Itiennent, Je vals Iul présenter mon estomac® ouvert, oe Adorant de sa main la votre qui me perd. cunebe Si d'un triste devoir la juste violence, ‘Qui me fait malgré mot poursuivre ta vaillance, ~ Le mytho du héros Preserit ton amour une sl forte lol Qu’il te rend sans défense & qui combat pour mol, ‘es En eet aveuglement ne perds pas la ménioire Qu’ainsi que de ta vie ily va de ta glolre, Et que dans quelque éclat que Rodrigue ait véeu, ‘Quand on Ie saura mort, on le erolra valneu. ‘Ton honneur test plus cher que jene te suis chére, se Puisqu’il trempe tes mains dans le sang de mon pere, Et te fait renoncer, malgré ta passion, A espoir le plus deux. de ma possession : Je ten vols cependant faire si peu de conte %, Que sans rendre combat tu veux qu’on te surmonte. 5 Quelle inégalité ravale ta vertu? Pourquoi ne Yas-tu plus, ou pourquoi Vevais-tu? Quoi? n’est-tu généreux que pour me faire outrage? S'il ne faut m‘oflenser, n'as-tu point de courage? Et traites-tu mon pére avee tant de rigueur, 180 Qu’aprés Vavoir vaincu, tu souffres un vaingueur? Va, sans vouloir mourif, laisse-mot te poursuivre, Et defends ton honneur, si tu ne veux plus vivre. Aprés la mort du Comte, et les Mores dats hucrat A ma glore econ autres effete 3 ss Ele pet dédngher fe sin dome dtendre OOmsalt que mon courage ot tout enteprendre, Que ma valour peut tut, et que dessou Tes ceux, Xtpree de mon nonneur en ne mest pre Nan, non, en ce combat, qulgue’ vous vuiliez rar, 2 Rodrigue peut mourir sans hasarder sa gli, Sans von Vous accuser eavotr manque de cour, Suns juner pour vuine, sans Sout a alsquent On lea seulement! adorit Chimtne; 4. Efe Talcone smrcss Le grand sitele et la magnification du héros 1Un’a pas voutu vivre et mériter sa halne; sais Ta cede Tuleméme a la rigueur du sort Qui forgait sa maltresse & poursuivre sa mort: Elle voulat sa téte; et son cosur magnanime, Sil en eft refusee', edt pense faire un crime Pour venger son honneur il perait son amour, sto Pour venger sa maftresse ia quitté le jour, Proférant, quelque espoir quent son ame asservle,? Son honncur a. Chiméne, et. Chiméne a. sav.» ‘Aint done vous Verrer ma mort en ee combat, Loin d’obseureir ma gloire, en rehausser 'écat; 4st Et est honneur suivra mon trépas volontaire, Que tout autre que mol n'eOt pu vous satistaire, cance Puisque pour tempécher de courir au trépas, ‘Ta vie et ton honneur sont de faibles appas, Si jamais je aimai, cher Rodrigue, en revanche, 1550 Défends-to maintenant pour m’dter & don Sanches Combats pour maffranchir d’une condition Qui me donne & T'objet de mon aversion. ‘Te airai-Je encor plus? va, songe & ta défense, Pour foreer mon devoir, pour m'imposer silence; 2800 Et si tu sens pour mol ton coeur encore épris, Sors vainqueur d'un combat dont Chiméne est le [prix ‘Adieu : ce mot Idehé # me fait rougir de honte, oN RopmiouE, seul. Estil quelque ennemi qu’a présent Je ne dompte? Paralssez, Navarrais, Mores et Castillans, 0 Et tout ce que VEspagne a nourri de vaillants, Unissez-vous ensemble, et faites une armée, ‘Pour combattre une main de la sorte animée Joigner tous vos efforts contre un espoir si doux; Pour en venir & bout, cst trop peu que de vous. ees oe creer oe a Le mythe du héros Disaignan i conception «classique » do Ie benstance, Cornet ert deur rencones de Rodrigue et de Chimene (Il, Set V, 1). Ia seat que tous les npectateuresouhtaient is ‘entrtiens ot note qu’aux representations, «Il s'levait ‘un certain fiemissement dans Taserblee » (Examen de 1600). Mais le roe de Rodsigue st diversement coms par les riiques: si In rtgue radtionnlle croft la born {ol du heros, O. Nadal (Le Sentiment de Pamour dant Pere de . Coral 194) peroitun etain machiavelisme ‘chez Rodeigu, gui sion loi connalt la alesse de Chinns fla rédut wan abois es ucderent. Nal pare de «chabe Sur» et de prove», d «halal pastionnel » et 8. Doo brovsky (Cornet daletique du hires, 1963) cot sincérité de" Rodrigue, mais couclut 2 Timpulsance et & TThomifaion d'une Chinese inespable de se situer psrmi leseimalttes»- On poureis anlement ere tente iterate Rodrigue comme un personnage ques! stndhalien, 8 Ia {bls rout et «fou », comme Juli Sorel prenant la ain de ‘madame de Rénal (Le Rouge ef te Nolr) ou Fabre dans Invscdne avec isin tla Tour Farnése (La Charrease de Pare) ‘Une étude précis sur cee sedne conduit peut-tre & une lecture toute diferente sn efit de nombreux termes stunt Rodrigue das Ia cheralerecoufouse tle qu'elle apparisat & Corelle (est le temps do Ia preciosa) + hommape, Pris, conga ‘Chimne et ielementpersuadée que le hos et ievincibe elle commence t iranluer ENE ne prond peur qu'ew ‘moment ou som chevalier annonce son rfur de we defendre, Ele et facings par Rodrigue et admet la conception medie= ‘ale selon Taguele a frnme est «congue » pa I hwo ‘Les vers 1525-1548 constituent une celebration personnel inoute © hyperbole, fitaphe ronardienne ( Quand vous Sserce bien ville.) retour 66s mots magia dv heros ‘comilien ionaesr, gli.) Pour éhuider ley rappois entre Rodrigue et Chimaee, i faut done voir en eux des persoanages de a chevalere. Le hos est soumistotulement su « dame, sf en cea ‘garde Mhoaneu (ans que dans Ie Lancear ov le Chevaler fa charrette, de. Cheeuen de Troyes, Lancelot renonoe & Son honneur 1 ¢ toute bert, pour ober 4 Guenieve). Le {et 40 et sitet, ct len amour pour «loue > {ui domine dans Tame. du heros (nous sommes proces Ge ree er Ende, de Chetion de Troyes). 2 Le grand sitcle et la magnification du heros [ASCENSION HEROIQUE] Pheer ws ee Re ei neg ea Peepers elope emia Curz ue nor Acte V, setne 7: DON FERNAND, DON DIEGUE, DON ARIAS, DON RODRIGUE, DON ALONSE, DON SANCHE, L'INFANTE, CHIMENE, LEONOR, ELVIRE 15 Ne vous offensez point, Sire, si devant. vous Un respect amoureux me jette & ses genoux. ‘Je ne viens point iel deimander ma onquéte Je viens tout de nouveau vous apporter ma téte, Madame; mon amour n'emploiera point pour moi amo Nila Joi du combat, ni le vouloir du Rol Si tout ee qui s'est fait est trop peu pour un pére, Dites par quels moyens il vous faut satisfaire Fautil combattre encor mille et mille rivaux, ‘Aux deux bouts de Ia terre étendre mes travaux, 1 Forcer moi seul un camp, mettre en fulte une armée, ‘Des héros fabuleux # passer la renommée? ‘Simon erime par IA $e peut enfin laver, ‘ose tout entreprendre, et puls tout achevers Mais st ce fier honneut, toujours inexorable, 490 Ne se peut apalser sans ia mort du coupable, ‘Narmez plus contre mot le pouvoir des humsins ‘Ma téte est A vos pieds, vengez-vous par vos mai ‘Vos mains seules ont droit de vainere un invineible: Prenez une vengeance & tout autre impossible. sme Mais du moins que ma mort suffise & me punir ‘Ne me bannissez point de votre souvenir; Le mythe du héros Et puisque mon trépas conserve votre gloire, Pour vous en revancher conservez ma mémoire, Bt dites quelquefols, en déplorant mon sort : 00. S' ne m‘avait almée, il me seralt pas mort. » cust, Reléve-tol, Rodrigue. 11 faut Vavouer, Sire, Je vous en al trop dit pour m'en pouvoir desire, Rodrigue a des vertus que je ne puis hairs, Et quand un rol commande, on tui doit ebéir, 1808 Mais & quoi que déja vous m'ayex condamnée, Pourrez-vous a vos yeux soulfrir eet hyménée? Et quand de mon devoir vous voulez. eet effort, Toute votre justice en estelle d'accord? Si Rodrigue a Btat devient si nécessaire, m0 De ee qu'il fait pour vous dois-e étre le salaire, Et me livrer mei-méme au reproche éternel Dvavoir trempé mes mains dans le sang paternel? Le temps assez souvent a rendu égitime Ce qui semblait d’ahord ne se pouvoir sans crim 8 Rodrigue Ua gagnée, et tu dols étre a ul ‘Mais quoique sa valeur Uait conquise aujourd'hui, I faudrait que je fusse ennemi de ta gloire, Pour lul donner sitt le prix de sa vietoire Get hymen différé ne rompt point une loi ‘st Qui sans marquer de temps lul destine ta fo Prends un an, si tu veux, pour estuyer tes larmes. Rodrigue, cependant ' il faut prendre les armes, Aprés avolr valneu les Mores sur nos bords, Renversé leurs desseins, repouss¢ leurs efforts, ‘28 Va Jusqu’en leur pays leur reporter la guerre, Commander mon armée, et ravager leur terre: Ace nom seul de Cid ils trembleront deffrot: ‘is ont nommeé seigneur, et te voudront pour r ‘Mais parmi tes hauts faits sois-lui toujours fdele 30 Reviens-en, sil se peut, encor plus digne delle; Et par tes grands exploits fais-toi si bien priser ? Quill lui soit glorieux alors de U’épouser. * Le grand siécle et la magnification du heros Pour posséder Chiméne, et pour votre serviee, Que peut-on m’ordonner que mon bras n’accom- {plisse? 298 Quol qu’absent * de ses yeux Il me faille endurer, Sire, ce m'est trop d’heur * de pouvoir espérer. Espére en ton courage, espére en ma promesse; Et possédant deja le eceur de ta maitresse, Pour vainere un point d'honneur qui combat [contre toi, Lalsse faire le temps, ta vaillance et ton rol Les ave diverse sur Pissue du Cid Selo les un, pidce finit ral, le mariage est imposible * c'est Ta prise Gans lageele Sachtve La Primcene de Cleves (1678). Tel et en Daticulier Tavis 4°0. Nadal. D'suter soulgsent gue la Teagcomédle comporie toujours une fn heuetse. Corneille Iubmeme a flout dans Vinterpretation de son propre tere Em ret, ouvert aux suggestions du mythe Neolgue, le grand drameturge a parfitement sent que Teak slave dy Fives tend ae sie aula du len et du ml, et que et Femmes sont réistibioment ates pa a. Le feste va doe ‘dans ce sens. Mais Corelle ne peut pas ne pas Songer son public, A 'acuel dee « doctes aux yeux dexquelt I reine nteligence, la trite raison, et on Vmagl- nation. De ih este «soltion» ddl sr laquelle Corelle fesse, comme attestent les adverbes de temps dist mines" dans ce pattae. En falt ce subierfuge consutve {un afulblssement du « modele». Qa'on pense 4 Plrigount se donnant surde-champ & Thisée (nteodecuon); 8 Yseat, ‘vl Jtpouser Tristan, meutrier de son once. Duns Huon fle Bordeaux, Huon senfuit avec Eslarmonds, dont it Stent deter le pee La Ximena Gu Romencro demand power Redvigue, Duns. Yeni ow fe Chevalier ev lon de Ghee de Troyes, Laudine epouse Youin, qui vent de ter son muri, non sans avoir d'ubord adopté Tattude de josictre de Chiming, ce qui ft dere & auteur «Blea {sot cette olie que toute ferme pore en lle; presque totes 85

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