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Doctrinalia Heraclitea I et II: Âme du monde et embrasement universel (Notes de lecture)

Author(s): Serge Mouraviev


Source: Phronesis, Vol. 53, No. 4/5 (2008), pp. 315-358
Published by: Brill
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40387966
Accessed: 03-02-2016 08:57 UTC

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V*/ PHRONESIS
BRILL Phronesis
53 (2008) 315-358 www.brill.nl/phro

Doctrinalia HeracliteaI et II :
Ame du monde et embrasementuniversel
(Notes de lecture)

Serge Mouraviev
7, ruede la Paix, 74240 GailUrd,France
serge,mouraviev@mac.com

Abstract
In thisfirstpaperdealingwithHeraclitus'doctrine as such (as opposed to thetexts bothofour
sourceson him and of thesurviving fragments of his book), theauthorexaminesand discus-
ses tworecentcontroversial articleswiththecontentofwhichhe sympathizes - one byGábor
Betegh(2007) on the cosmological(physical) status of Heraditus' psyche^ the otherby
and
AryehFinkelberg (1998) on Heraclitus' cosmogony and the realityof a Heraditean world
conflagration. This examinationis aimed, first,at fostering "marginal"opinionswhichthe
authorbelievesto be fundamentally correct- and the rejectionof whichsince timesimme-
morial(bySchleiermacher and others)he considersto havegreatly harmedand hamperedour
understanding of the Ephesianphilosopher ; second, at introducingsome personalcorrec-
tionsand additionsto theseopinions; and third,at illustrating theadvantagesofa deliberately
unprejudicedapproachtowardsour sources,an approachbased on thepresumption of inno-
cence, knowledgeability and intelligenceforall our informers and on the rejectionof any
rejection[thisis nota dittography!] of anysourceon groundof meresuspicion.
Among the proposed novelties(or olden oblivitions)the followingparticularly deserve
to be underscored:(1) the defenseof the authenticity of "fr.Β 76" DK qua threedifferent
fragments and (2) the reconstruction of Heraditus' systemof fourphysicalexhalations-
both of whichare connectedwiththe notionof a worldsoul; and (3) the interpretation of
Plat. Soph.242 C - 243 A [T 132] as confirming (and not as contradicting) Arist.De cael.
279b12 [T 170] and (4) the cosmogonicalinterpretation of F 31 - both of whichpresup-
pose the realityof a Heracliteanecpyrosis.
Yet,since the author'sdogmatismdoes not extendbeyond the requirementof having
recourseto (methodo)logicallysound procedures,he is readyto give up any conclusionof
whichitcan be proventhatit is irreconcilably contradictedbya sounderone and supported
by none.

Keywords
cosmogony,world-soul,exhalations,conflagration
Heraclitus,psychology,

BrillNV,Leiden,2008
© Koninklijke DOI: 10.1163/156852808X338319

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Avant-propos. Voilà des décenniesque je m'occupedes vestigesd'Heraclite.


Mais jusqu'icije n'ai encorerienpubliésursa doctrine1. Ce silencedécou-
laitdes règlesque je m'étaisimposées2. Avantde pouvoirle rompre, je devais
d'abord - conformément à la méthodedont je m'étaisdoté3: (1) réunir,
éditeret commenter le corpusdes sourcesanciennessurHeraclite;(2) utili-
serces sourcespour éditer(a) les témoignagessursa vie et son livre,(b) les
témoignagessursa doctrineet (c) les citationsde son livre; (3) analyserle
langage poétique des fragments;et enfin,(4) utiliserces fragments et
témoignagespour reconstruirele livreet la doctrine.
C'est maintenant à
peu près chose faite4.
Cetterègledu silencene m'a pas empêché,naturellement, d'examineret
de tenterde résoudre,dansles limitesque je m'étaisimparties, les multiples
problèmesque pose la reconstitutionet l'interprétation doctrinede
de la
l'Éphésien et de m'en forgergraduellement ma propreidée. C'est ¿imi,par
exemple, que je suis peu à peu arrivéà la conclusionque5: 1. Le sujetdu
livred'Heracliteestla Sagesse(το σοφόν) : ce qu'elleest,ce qu'il fautsavoir
sur le monde,les chosesdivineset les hommeset la façondont il fautse
comporterpour menerune vie de sage et parvenirà la gloireéternelle,
voireà une espèce d'immortalité ; 2. Les conceptsaristotéliciens de prin-
cipe et d'élémentsont inapplicablesà la cosmologiehéraclitéenne, même
si Heraclitea étéle premierà utiliserles quatremassescanoniqueset à leur
donnerle nom métaphoriquede «lettres»(de l'alphabet:cf.F 59); 3. La
théoriedu fluxest bien héraclitéenne, mais concerneessentiellement sa
conceptionde l'âme,qui estd'abordâme du monded'où proviennent, où
se ressourcent et où retournent les âmes individuelles, et seulementsubsi-
diairement6, voireimplicitement (commecheztousles penseursantérieurs

1} Seule SM (1983¿ « 2006¿). Cf.infra, note5.


exception:
2) SM (1989; 1990; 2000¿,609-611; souspressea; souspresseb).
3) qu'onévitesystématiquement la pétitionde principe,
Laquelleexige,entreautresrègles,
qu'on respecte des niveaux,un ordredéterminé
la hiérarchie de préséance des tâches,la
présomption d'innocenceetd'exactitude desauteurs dessources, la prioritéde la formesur
le contenuetde la philologie surl'herméneutique,etc.
4) Saufle reconstruction
finale(je nedispasdéfinitive) du livreetde la doctrine, etmême
si toutn'apasencoreétépublié.Cf.SM (1999-2006-; souspresseb,en prép.)
5) Je sanschercher à êtrenicomplet, nisystémati-
n'indiqueque quelquespointspêle-mêle
que.L'évolution de mafaçonde concevoir la doctrined'Heraclite estpartiellement reflétée
par l'évolutionde mes projets de reconstructiondu livre:
SM (1970) 139; (1983; 1991;
souspresseb).
6) Notamment de l'identité
lassitude= repos.
s'agissant

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à Parménide),les cyclesde transformation des massesélémentaires et des


choses individuelles;4. La cosmologiehéraclitéenneest avant tout une
cosmogoniecyclique(recursive)et la doctrinede l'embrasement universel
n'estnullementune erreurd'Aristote, ni une inventionde Théophrasteet
des Stoïciens,maisappartient bel et bienà l'Éphésien[cf.infra]; 5. Le logos
estla facedivine cognitive l'âme du monde,l'âme du mondequantà
et de
elle est la facepercevante, vitaleet motricede l'ambiantet du monde en
l'autreface - physique- de l'ambiantétantsa qualitéd'«éther»,
général,
air,préster, exhalaison,vent,nuageetc. [cf.infra]7
II y a à peineune dizained'annéestoutesces conclusionsauraientparu
totalementhérétiques.Mais voici maintenantque paraissentdes travaux
qui soutiennent tantôtl'une,tantôtl'autrede ces thèses.Voici maintenant
qu'apparaissent étudesqui reconnaissent
des l'authenticité,l'exactitudeet
la pertinencede nombreuxtémoignageset fragments, auparavantignorés
ou rejetéscommefaux,corrompusou inexacts,et que je fusun des raresà
avoirdéfendus,éditéset remisen circulation.C'est ce phénomèneréjouis-
sant qui m'incite,dans la mesureoù l'étatactuel de mes recherchesm'y
autorise,à venirapportermon obole aux diversescontributions nouvelles
qui vont dans le même sens.
Il s'agitavanttoutde soutenirce qui me paraîtmarquerun netprogrès
dans la recherche, de testerà l'aune d'une critiqueamicalece dontj'aurai
besoinlorsde la rédactiondu commentaire des Heraclitea,d'écarterce qui
me sembleinexact,peut-êtrede déplacerquelques accentsou d'introduire
quelquesnuancesnouvelles.
Pourquoicetteformeinhabituellede « notesde lecture» (quelque chose
d'intermédiaire entreun compte renduet une discussionciblée)? Parce
qu'elle me permetd'éviterd'avoirà répéterce que d'autresont déjà dit
avantmoi, et mieux que je ne l'auraisfait,et de concentrertoute mon
attentionsur ce qui, à mon sens,pourraitêtreamélioré,voiredemande
encoreà êtreélucidé.
Il sera question,dans cettepremièrefournée,de l'âme selon Gábor
Beteghet de l'embrasement universelselonAryehFinkelberg8.

7) Voir énoncé succinctdans SM (1983¿ ~ 2006b) et les reconstructions expérimentales


citéessupra,note 5.
8) Ces notesde lectureont été communiquéesaux deux auteursconcernésqui, dans l'en-
semble,les ont approuvées,exceptionfaitepour les remarquesreproduites ou signaléesdans
les notesci-dessous.Jeles remerciesincèrementl'un et l'autrede s'êtreprêtésde trèsbonne
-
grâceà ce petitjeu de comptesrendusemboîtésstyle«poupées russes». Bien qu'envoyées

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NoteI : Ames,massescosmiquesetexhalaisons
GaborBetegh vientdepublier unarticlemagistral surlesaspects physiques
de l'âmeselonHeraclite9. Jepartage très
depuis longtemps, disons,66 %
de sesconclusions et de sesarguments10 etj'en accepteencore24 % qui
sontnouveaux pourmoi.Maisil resteles 10 % surlesquelsje suisen dés-
accordaveclui,et puisil y a deschosesdontil ne ditrienet qui,à mon
sens,mériteraient qu'onen parle.C'estsurtout de cesdifférences-là queje
voudrais m'entretenir iciavecle lecteur.
Toutefois,avantd'en veniraux différences, j'aimerais, premièrement,
saluerlesavancéesque faitBeteghen matière de critique et d'interpréta-
tiondes textes;et deuxièmement, récapituler en pointillés les combien
plusimportants pointsd'accordquej'enregistre entrenosfaçonsde traiter
le problème de l'âmechezHeraclite.
1. Faisantfide Yususcommunis, Beteghtraduit γίγνεσθαι par"naître"
(au lieudes et
aseptiques anachroniques « devenir» ou « corne
to be»)quand
il va de pairavec θάνατος «mort»(p. 7-8) [nousverronshélas!qu'il
n'estpas toutà faitconséquent en cela]; il rejettecatégoriquement11 la
versionmoderne(trincavellienne) αΰηψυχή... de F 11812 dans Stobée;

à la rédactionde la revueavantl'achèvementde SM (2008) - où l'on retrouvera, dans le


commentaire, certainsdes sujetsici traités-, ces notesparaissentmalheureusement aprèsle
livre.Il n'ya cependantpas de double emploi: le livrene concerneque la doxographie héra-
clitéenne(ce que d'autreslui ont attribué),alorsque les «Doctrinalia I et II» traitentde la
propredoctrinedu philosophe.
9) Beteeh (2007) 3-32.
10)On
comparerautilementavanttoutSM (1991, 12-15 « sous presseb), subsidiairement
SM (1970, 139; 1983*, 255-260; 1983¿, 109-110 « 2006¿, 131). Comme seule une
partieinfimede mesrésultats a étépubliée,ce n'estdonc pas à moi que Beteghles a emprun-
tésmêmesi,dans certainscas, ma reconstruction préalabledu livred'Heraclite(1991) a pu
lui êtreutile.En tout étatde cause, ce n'estpas de prioritéqu'il s'agitici, mais de conver-
gence, laquelle, comme nous l'apprend Heraclite selon Sextus {AM VII, 133; Vili, 8
[Τ 688, Τ 691]; cf.F 89), est critèrede vérité.
10
AprèsBollack& Wismann(1972) 325-7. Cetteversionestréfutée par une bonnedizaine
d'autrescitationsantiquesdu mêmefragment qui toutesaffichent αυγήξηρή ψυχήet parles
contextes de deuxde cescitationsoù le motαυγήestrépété(Galien,Scr.minoraII, 47 [T 578 =
D 120], citépar Beteghp. 24, et Porphyr. Sent.29,3 [T 735 = D 127], non cité) (p. 13).
12)Les numéros
précédésd'un T renvoientà Traditio,notreéditiondes sources[SM (1999,
2000, 2002, 2003)], ceux précédésd'un F (numérotationDK amplifiée)à Fragmenta,
notreéditiondes fragments[SM (2006a) 3 volumes],ceux précédésd'un M à Memoria,
notreéditiondes sourcesbio- et bibliographiques[SM (2003)] et ceux précédésd'un D, à
Placito.[SM (2008)], notreéditiondes opinionsattribuéesà Heraclite.

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sanshésiterla leçontransmise
il accepte13 de F 77asanschercher à « corriger»
la négationμη en conjonctionη (p. 17) ; et, last but notleast,il restitue
au précieuxtémoignagede Sextusen A 16 DK [T 688, cf.D 141, D 146,
D 148]14la valeurdocumentairequ'on lui refusaitdepuis un bon siècle.
Tous ces choixen faveurdes textusrecepiisontargumentes avecpertinence
et méritentd'êtreabordés avec le maximum de sérieux.
Malheureusement, ainsi qu'on verra,dans un cas Beteghrefusequand
mêmesa confianceà troistextesconnexes(«B 76» DK), préférant suivre
les modernesqui les rejettent en tantqu'inauthentiqueset... mal lui en
prend.Dans un autrecas, Beteghen faitautantavec quelques unes des
noticesdoxographiquessurles exhalaisonsremontantà Théophrasteet se
privede la possibilitéd'affiner considérablement ses résultats.Mais avant
d'aborderces sujets,jetons un coup d'œil surle contenufondamentalde
son article.

2.1 Dans un premierchapitreBeteghanalyseF 36 pour établirle rôlede


ψυχήισιet ψυχήen tantque maillonsfigurant au début et à la find'une
chaînede transformations à laquelle participenten outreles massescos-
miquesque sont l'eau et la terre.Il conclut,primo,qu'il s'agitd'un cycle:
on partdes âmes pour revenirà l'âme; secundo,que ce cycleest asymé-
trique15: le mot âmes du début est au plurielet désignedonc des âmes
individualisées,le motâme de la finestau singulieret,partant,s'applique,
comme eau et terre,à une masse cosmique; tertio,que s'agissantd'âmes
et de massescosmiques,les mots mortet naîtredésignent,certes,[méta-
phoriquement16] des transformations physiques- mortpourles descendan-
tes,naîtrepour les ascendantes[observation judicieuse,quoique douteuse,
cf.infra]-, mais impliquentaussi en outresomesortoflife.Enfin,Betegh
montreque l'emploi de mots désignantdes entitéstellesque l'âme ou
l'esprit(mind) en tantque noms de massesétaitchose courantedans les
textesphilosophiquesarchaïqueset postérieurs grecs,d'où il découle que
13)AprèsMansfeld(1967) 9.
14)SextusΛΜ VII, 126 ss.
15)« Instead it wouldperhapsbe bettertospeakabout
ofspeakingaboutan 'asymmetrical
cycle',
something likean The
cycle. point
incomplete I wanted to makeis thatthecycleis almost,but
closed.We needone morestepto closethecycle»(G. Betegh,Lettreà l'auteur,
not entirely,
29.06.2007).
16)« WhatI thinkis notthatH. usestheterms'beingbornand 'dying' to cover
metaphorically
as
physicaltransformations well,but that
rather he has a wider
different, ofthese
understanding
terms»(G. Betegh,ibid).

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ces entitésétaientréellement perçuescommedes masses(physiques)d'une


portiondesquelles il fallaitêtreporteurafinde posséderles facultéspsy-
chiquescorrespondantes : vie, mouvement,perception,raison,cognition,
sensmoral. . .
Questionsnon résolues:(Q_l)quelle estla naturephysiquede l'âme? et
(Q2) commentexpliquerle passage(shifi)de Yâme en tantque massecos-
miqueunique aux âmes(individuelles)'* (6-13). [Curieusement, Beteghne
pose pas la questioninverse:comment expliquerle «passage»desâmesindi-
viduelles,qui meurent en devenant eauyà Vâmecosmiqueuniquequi naîtde
Veau*1}

2.2 Le secondchapitres'occupede Ql sansy répondre.Nombrede textes


suggèrentque l'âme cosmiqued'Heraclite,comme son principe,est faite
de feu (F 118, F 64, F 16). PourtantCharles Kahn, supportépar deux
textesfaisantde l'airle principed'Heraclite(Cic. ND III, 35 [= Τ 303] et
Sext.AMX, 233 [= Τ 701 = D 25, D 26]), croitqu'elle estfaited'air18. Si
les naturesphysiquesde l'âme cosmiqueet des âmesindividuelles sontdif-
férentes,alorsles secondesne peuventpas êtreexpliquéespar leurpartici-
pationde la première et l'hypothèse fondamentale de l'article(l'âmeen tant
que massecosmique) s'écroule. Ce qui pose questionde la présence
la /absence
d'une massecosmiqueair chez Heraclite.Les fragments ne fontétatque de
troismasses: feu,eau, terre, et ne fontaucunementionde l'air- exceptéles
trois«variantesde Β 76» (nos F 76a,F 76b,F 76e) qui ne seraientque des
«paraphrasesstoïcisantes » de F 36 [cetteallégationseracombattueinfra].
Mais Heraclitene pouvaitcertainement pas avoirconçu un monde privé

17) thereis no difference


between
«Mypointis thatifwe takean unbiasedlookat thefragment,
thedifferent steps:each ofthem is characterized
as 'beingbornor I
'dying. single outas in need
of explanationthepassagefromsoul stuffto individualsouL·becausethisis thestepthatthe
fragment doesnotmention, and thereforeit doesnotsaywhichofthetwotypes ofprocesscharac-
terizesit. So, at thisstage,I do notaim at a morecomplete, richexplanationofthedifferent
phasesofthecycle»(G. Betegh,ibid).
18)Kahn(1979)238-9.[Contrairement à Betegh, Kahnignore l'article enla matière
pionnier
de R.B. English(1913); cf.aussiReinhardt (1916) 194 «einHausch,deraußteigt aus der
Des
Feuchtigkeit»]. textesindiquésparBetegh, seulle secondparled'air(le premiermeten
doutela pertinencedu feu)et aucunne concerne l'âme.En faveur de l'âmeair il faudrait
citer:Énésidème De an. 9, 5 [T 319,Τ 651 = D 25, D 99]; Philon,De aet.
chezTertull.
mundilh111[T331 =D57-D60,D62,D99], voireAlbert leGrand[T1222-T 1223].
MaisBeteghparleicide la naturephysique duprìncipe, etnonde l'âme,etmentionne les
deuxpremiers textesplusloin,danssa note 30.

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d'atmosphère,et cela aprèsAnaximèneavecson principeairetXénophane


avec son intérêtpour la météorologie19. S 'agissantde l'âme individuelle,
primafacieelle seraitplutôtdu feuet identiqueau principe{primary form
ofmatter).Mais il y a aussiF 1 17 et F 77a: or l'âme ne peutpas êtreà la fois
feuet humide.
De là deux nouvellesquestions: (Qß) commentintégrerl'air dans le
systèmehéraclitéendes troismassescosmiques?et (Q_4)commentexpli-
querles propriétés contradictoires de l'âme d'Heraclite,qui exigentqu'elle
soittantôtfeu,tantôtair? (13-18).

2.3 Le chapitre3 donnela solutionde Ql : l'âme cosmiquen'estni feu,ni


air isolément,mais exhaUison,un continuumreliantla terreau ciel,pas-
santde l'airhumideen bas,au rasdu sol,au feusec au plushautdes deux.
La référence crucialeestà Arist.Dean. 405a21-26 [T 189 = D 24, D 97]20
où le Stagiriten'identifiel'âme d'Heracliteni au feu,ni à l'air,dontil vient
pourtant tout juste parler,maisau principeexhalaisondonttoutle reste
de
se compose.
Ceci estun pointcapital: ignorerou sous-estimer ce texte,commele fait
presque tout le monde, c'est se condamner à ne rien comprendreni à la
doctrinedu feud'Heraclite,qu'Aristote/>nz^ ici de sa qualitédeprincipe,ni
à sa doctrinede l'âme-exhalaison, dontAristotesuggèreque c'estelleleprin-
cipedont consisterait «tout le reste».[Jesuis cependantréfractaire à l'idée
d'incluretous les feuxcélestes- étoiles,astresetc. - dans la catégoriedes
exhalaisons, celles-cin'ensontque des aliments; quant au cyclede F 36, je
doutefortqu'il puisseêtreassimiléau cyclede toutesles massescosmiques,
ce n'estque le cycledes transformations de l'âme déchue.Ci infra.]
Suivent(1) une parenthèsesurla théoriearistotélicienne de deux exha-
laisons: l'une sèche, l'autrehumide, toutesdeux provenantde la terre

19)Kahn(1979) 140.À quoion devrait ajouter la météorologie propre à Heraclite


(Dox. III,
3, 9 [T 459 = D 89 - D 92] ; Sen. ÇWII, 56, 1 [Τ 354 = D 91]), maisaussiet surtout
se réchauffent»
F 126: «leschosesfroides : l'airy estle seulcandidat plausiblepourpsychra
(leschoseschaudesreprésentant le feu,les humides, l'eau,et les sèches,la terre).S'il est
exactqu'individuellement« weshould[not]distribute
theprìmary qualitiesamongtheelemen-
tal massesbya one-to-one (G. Betegh,ibid.), F 126 nous proposecependant
correspondence»
un système » qui calqueapparemment
closde « qualités le système »
desquatre«éléments
et
classiques désigne l'airsousle nom de « froides
choses (= non non
brûlantes, humides,
nonsèches)».
20)Et,en note,à Dox. («Aétius»)IV,3, 12 [T 462 = D 105,D 106] et Cleanth.ap. Ar.
Did. fr.39, 2 [Τ 261 = D 98, D 110] (où estcitéF 12).

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(Météorologiques, I, 3), ce qui ne peutpas êtrele cas chez Heraclitepuisque


son âme, elle, naît de l'eau (F 36) ; et (2) un examende la doxographie
héraclitéenne relativeau rôle cosmologiquedes exhalaisons.Cependant,
bien que cettedoxographiefasseapparemment étatchez Heraclitede deux
exhalaisonsdifférentes : la brillanteprovenantde la meret l'obscureprove-
nantde la terre21, Beteghadhèreà l'opinionde Kirk22, selon qui cettedis-
tinction seraitle fruit d'uneconfusion avecAristote [opinionque je contesterai
vigoureusement ci-dessous]. (19-21)
La conclusionde toutcela estque l'âme pour Heracliteis theexhalation
thatrisesfromwaterand extends totheskyand thefireofcelestialbodies(avec
référence à Cleanthe [en faità HeracliteF 12bauquel, aprèsde nombreux
autres,Beteghretire,hélas! sa qualité de citationlittéralehéraclitéenne]
pour confirmer la premièrepartiede la conclusion,et à Galienet Macrobe
pour confirmer theconnection betweenpsycheand stellarmatter)20.
Les réponsesà Ql et Q3 sont donc respectivement que l'âme, c'estail
statesofmattercoveredbyexhalations from the lowest level ofatmospheric air
totheuppermost kyerof celestial et la
fire que place de l'airestdans ce conti-
nuum,en bas,sansqu'il y ait de limiteclaireentrelui et le feu,raisonpour
laquelle Heraclitene parlepas ici de «mort» et de «naissance»(F 36) ou
de «tournant»(F 31a). Beteghnote pertinemment que la multiplicitédes
manifestations concrètesde l'âme-exhalaison(éclair,préster, rayon,nuage,
brouillard. . .) est parallèleà une multiplicité analoguedes manifestations
de l'eau (saumure,mer,eau de source,de rivièreet de lac) ou de la terre
(sable, sol, roc etc.) et en conclutque tandisque F 36 parle des masses
cosmiquesles plus générales(âme et eau), F 31a ne mentionnerait que les
partiescosmologiquement ou cosmogoniquement les plus importantes de
ces masses(feuet mer). [Le statutde cettemasse-continuum n'endemeure
pas moinsproblématique, cf.infra.]
Et cela permetde répondreà Q4. La diversitédes manifestations de
l'âme, apparentéestantôtau feu,tantôtà l'eau, est liée à la diversitédes
étatsde l'exhalaisonet serventà différencier les diversdegrésde perfection
cognitive et morale des humains, voiredes vivants. Ainsil'oppositionâme
sèchevs.âme humidereflète en matièrede sagesse/stupidité,
les contrastes
vertu/ perversité qu'on observechez eux. Les qualitésles meilleuresre-

21)En intervertissant
lestermes de la secondephrasede DL IX, 9 [T 705,86= D 63]. Cf.
note
infra, 48 et textecorrespondant.
22)Kirk(1954) 269-79.
23)Cf.
supranotes11 et 18 ainsique Macr.SScip14,9 [T 782 = D 100,D 133].

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de celui
lèventdu domainedu feuet du sec, les moinsrecommandables,
de l'airet de l'humide.(22-24)

2.4 Enfin,dansle chapitre4 de son article,Beteghse tourneversQ2: com-


mentcomprendrele passage du plurielψυχήισιau singulierψυχήdans
F 36 ? Poury répondre,il citeles §§ 127-130 du compterendubienconnu
de Sextussur la psychologied'Heraclitedans A 16 DK (Sext.AM VII,
127-133 [Τ 688 = D 141, D 146, D 148]). Aprèsmentionde l'attitude
généralement négativedes chercheurs, notammentde Kahn, vis-à-visde
cetteinterprétation «lourdementstoïcisante»,il lui oppose l'approcheplus
mesuréede Polito qui démentpoint par point la théoried'une origine
stoïciennede ce texteet en défendla provenanced'Énésidème,lequel se
seraittoutefoisservid'un commentairestoïcientrèsdétailléattribuableà
Cléanthe24. Ce qui intéresse avanttoutBeteghdansSextus,c'estl'attribution
à Heraclited'unedoctrined'absorption de l'âmeparla respiration {breathed-
Il
in-soul). distingue différentsniveaux de contact: la respiration pendant
le sommeilpermetla survieet ne donne accès qu'aux couchesinférieures,
les moinsintelligentes, de l'âme-masse(νοηροίγινόμεθα étantà prendreau
sensfaiblede weareendowedwithmind)25 ; l'éveilet le contactparles sens,
surtoutparla vue,accroîtl'intelligence de l'âme individuelle : weneedtobe
in contactbythesenseswith what surrounds us and what is permeatedand
physicallytransformed bythesun in daylight.. ., withthebrightand fiery
(avec référence à F 26). Notreâme, dit Sextus,est «séparéede son unité
naturelleavecle milieuenvironnant»{surrounding medium,c'estainsique
Beteghtraduitπεριέχον, l'Ambiant) et « estune portiondu milieuenviron-
nantqui résidecomme un étrangerdans nos corps». La réponseà Q2 en
découle: « le passagede Vâmeau singulieraux âmesau plurielse produit
lorsqu'unepartiede l'âme, continuemais stratifiée{layered),qui nous
entoureet s'étendjusqu'au ciel,est aspiréeet capturéedans nos corpspar
la respiration».Cette réponseest confirméepar Sext. Pyr.Hyp. Ill, 230
[Τ 702 = D 119] et Philon,Leg.alleg.Ill, 320 (à proposde F 62) [T 338 =
D 119] qui parlentde l'emprisonnement, voired'une mortpartiellede
l'âme individuelledans le corps.
[Cetteréponseà Q2 me paraîtcorrecte,mais insuffisante; cf.infra]26.

24) Kahn (1979) 293-6; Polito (2004) 149-172.


25)Tout comme αί ψυχαιάναθυμιώμεναι νοηραίάεΐγίνονταιdans le contextede F 12.
26)Je n'ai rien à dire sur le cinquième et dernierchapitrede l'articlede Betegh,car il
concerneun sujetdontje ne me suis pas occupé : commentqualifieren termesmodernesla

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324 S. Mouraviev
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53 (2008)315-358

3. Presquetout,dans cet articlede Betegh,est Vévidencemêmepour peu


qu'on fassetablerasedes préjugéshérités, qu'on accordeaux auteursde nos
sourcesh confiancequih méritentet qu'on s'emploiemoinsà lesréfuter avant
de lesavoircompris(enseprivantpar là de la de
possibilité le faire)
qu'à essayer
honnêtement de comprendrece que réellement ilsnousdisent.Le plusextraor-
dinaireestque quelqu'unaitencorebesoinde le démontrer au débutdu XXIe
siècle.Mercià GáborBeteghde l'avoirfait.Mieuxvauttardque jamais.

Jepasse maintenantà nos désaccordset aux incertitudes.


4. A l'instard'un grandnombrede prédécesseurs27, Beteghconsidèreles
troisfragments Β 76 DK comme troisvariantesd'un même fragment, à
savoirF 36 (p. 8 n. 9 et p. 15 avec n. 25). Dans mon éditiondes frag-
ments28, comptetenuà la fois(a) du principede précautionet de la pré-
somptiond'innocenceque je préconise,{b) des formeslinguistiques et des
contenussémantiquesdifférents qu'on trouvedans ces texteset (c) des rai-
sons spécifiquesque j'énonce dans les Notes,je scinde«le» fr.Β 76 DK en
troisfragments non identiquesà F 3629.Jene répéterai
différents, pas ici ce
que le lecteurtrouveradans mes Notes - sauf pour rappelerque F 76best
citédeuxfoispar Plutarquedans des contextesdifférents et F 76eestattesté
deuxfois à dix sièclesde distancesous des formeslégèrement différentes
et dans des contextestotalementdifférents par Marc-Aurèle et Tzetzès.Et
Betegh me donne maintenant l'occasion des
d'ajouter arguments relatifsà
la formemétaphoriqueet au contenudoctrinalde chacun.

4. 1 Beteghcroitétablirun rapport,dansF 36, entrela directionde la trans-


formationet la métaphore30 qui la caractérise:«mort» versle bas, «nais-
sance» versle haut, rapportqui seraitenfreint par «B 76». Ceci suscite
troisobjections.

façondontHeracliteet les présocratiques abordentla sciencede l'âme: matérialisme


ou
physicalisme (aveccetteconclusion: toutdépendde la façondonton lesdéfinit).
27)II cite 8, note9) Marcovich (1967),Kahn(1979) etDilcher(1995),maisla listeest
(p.
bienpluslongueetcommence parZeller(1856) pourF 76a,Schleiermacher (1808) pour
F 76b etBrieeer (1908) pourF 76e.
28)SM (2006^) entroislivres. Elleétaitsansdouteencoreinaccessibleà Beteghau moment
d'envoyer sonmanuscrit à Phronesis.
29)Vol.B/i(Texte) XV-XVI,182-187;vol.B/iii(Notes) 85-87.
p. p.
30)Qui estcertainement bienplusqu'unemétaphore, cf.F 136. Beteghrécusece terme.

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S. Mouraviev 53 (2008) 315-358 325

Tout d'abord,cetteobservation n'estexacte,s'agissantde F 36, que dans


la mesureoù nous faisonsabstractiondes infinitifs γενέσθαι.Qu'on les
traduisepar becomeou, ce qui seraitplus juste,par be <re>born<as>, en
grecle lienavecl'idéede naissancesubsisteet nous obtenonsdonc aussides
naissances,mais versle bas.
Mais supposonsque cela ne soit pas le cas et poursuivons.Cette cor-
respondance, affirme Betegh,seraitrespectée par toutesles 14 sourcesperti-
nentes répertoriéeschez Marcovich (fr. 66) sauf F 76a (première
transformation)31 et F 76e (toutesles transformations). En fait,l'argument
est caduc,car toutesles sourcespertinentes (saufles troisF 76^ et F 77a)32
dépendent doncque F 76aetF 76esoientauthentiques
deF 36. Il suffit etindé-
pendants de F 36 pourque l'existence
d'un telrapportsoitdémentie33.
En fait,comme il s'agitde transformations réversibles,le choix de la
métaphoredépend directementnon de la directionde tel changement
concret(versle haut ou versle bas), mais de l'ordrede successiondans
lequellesmétamorphoses sonténumérées(allerou retour): ce qui disparaît
ce
«meurt», qui apparaît «naît». Quand l'eau «meurt»,c'estsoitl'air,soit
la terrequi «naît» selonce qui vientaprèsl'eau dans le cycledécrit34.

4.2 Bien plus sérieux,contrel'authenticitéde «B 76», étaitle vieilargu-


mentde l'absence de l'air chez Heraclite.
Cette absence,Beteghvientbril-
lammentde la démentiret je souscrisentièrement à son argumentation.
La seule chose qu'il n'a pas démentie,mais au contrairealléguée,c'est

31)«Mort»de terre(versle basou versle haut?)= « naissance» de feu(versle hautou vers


le bas?).Notonsque ceciestuneformulation inévitablepourpeuqu'onaccepteà la foisle
rapport entrele directionet l'appellationet la réalitédu chemincourbe(F 59) ; et si on
n'accepte que le chemin (F
rectiligne 60), alors, le feuseraitnon-né
en tantqu'extrêmes, et
la terre,immortelle.- «I thinkyouareright inyourgeneral argumentin 4.1 » (G. Betegh,
Lettre à l'auteur).
32>À savoir:fr.66a1,b,c,d2'6.
33)À sembleégalement démentiparHeraclite lui-même
plusforteraisonque ce rapport
dans la secondepartiede F 62 : <ceux-ci>vivantsde la mortde ceux-làet <ceux-ci>mortsde
k viede ceux-là. Et cf.F 77bet F 80C [fragment tiréde PhilonLeg.allegetd'HiérocleIn
Carm.aur.].Et s'ilestvraique F 62 concerne apparemment lesdieuxetleshommes, par
contreF 77het F 80C s'appliquent clairementauxâmeset auxcorps.L'important ici est
toutefois desnotionsde vieetde mortselonqu'ilestquestionde l'unou de
la réversibilité
l'autresujet(cf.Plat.Phaed.72 A 1).
34)C'estexactement ce qu'affirmePhilon,De aet.mundi21 [T 331]: Ce qu'il(Heraclite)
en un autreélément.
en tout,maisla transformation
appellemortce η estpas la dispersion

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53 (2008) 315-358

l'inexistencepour Heraclited'une masse air clairementdistinctede la


masseira. Mais, à y bien regarder, surquoi reposecetteconviction? Surla
présencedes mots ψυχήισιet ψυχήdans F 36, là où l'on s'attendrait à
trouvermentiondes massesfeu et air,d'une part,et air etfeu,d'autrepart,
et la capacitéde l'âme à afficher des propriétés caractéristiques soitde l'air,
soitdu feu.Or, ceci n'exclue pas plus l'existence de deux masses distinctes
que l'excluerait, parexemple,un marécageboueux,qui seraittantôtpresque
liquide, tantôt presquesolide,et qui, à sa «mort»,retournerait à ses deux
composantesprimitives : un tel est
marécage parfaitement compatibleavec
l'existenced'une masse terre et d'une masse eau, distinctes l'une de l'autre.
Autrement dit,la présencede la «double allégeance»de l'âme individuelle
n'exigepas qu'on postuleune fusionou un continuumstratifié avectransi-
tiongraduellede l'airau feu; il suffit qu'on postuleque l'âme individuelle
estun mélangedes deux35.En ce qui concerneYâme au singulier, on pour-
raitmêmeaccepterque « âme» ne soitque le nom,empruntéà l'âme indi-
viduelle, qu'Heraclite aurait donné à ces deux masses séparéesprises
ensemble.Mais je ne pensepas que telsoitle cas : d'abord,περιέχον (voire
πρηστήρ)seraitun nom bien plus approprié; ensuite une âme du monde
est déjà attestéepourAnaximène(13 Β 1) et cettenotionpourraitmême
remonter à Thaïes (1 1 A 22, 22a, 23) ; enfin,quant au fonddu problème,
il existeune solutionmoins tranchée,qui nous dispensed'avoirà choisir
entresoitles deux massesdistinctessuperposéessoitle continuum«âme»
indifférencié, une solutiondontje parleraià la finde cetteNote I et qui,
sur le plan physique,légitimerait totalementla mentionde l'air dans les
«B
fragments 76», tout en exigeant, surle planpsychologique, l'introduction
$ unepsychécosmiquecombinantles deux.
Dans cetteoptique,quoique reconnaissant l'existenced'une masseFEU
et d'une masseAIR, le fragment F 36 ne relèverait pas du plan cosmolo-
gique, mais seulement du plan psychologique. Il ne concernerait que les
âmesdéchues, il intégrerait « »
ces âmes mortes (devenueseau) dans cycle le
des massescosmiques,sansdécrirecelui-ci36.

35) Comme le
postulerontles Stoïcienset comme l'entendGalien dans le passageoù il cite
F 118 {supra,note 11): ce contrequoi il objecte ce n'estpas le mélange(son sujet,c'est
précisémentla dépendance des facultéspsychiquesdes mélangesdu corps),mais l'égalité
(symmetrìa)du mélange.
36) «I would.. . contestthesecondparagraph[of4.2]. First,becauseI takeit [soul]
certainly
to be the moreimportantlevel[as comparedtofireand air], I dont thinkthat'seulement'
Second,I dontthinkthatit concerns
is appropriate. onlylesâmesdéchues,becauseitjust as well

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S. MouravievI Phronesis
53 (2008) 315-358 327

Un petitproblèmesubsistecependant,celui dont j'ai dit que Betegh,


curieusement, ne l'avaitpas soulevé.On comprendpourquoiles (ou plutôt
certaines)âmes individuellesfigurent au début de F 36 : c'est d'ellesqu'il
est question.On comprendpourquoi il est faitmentionde leurmorten
EAU (c'estleurchâtimentpour leursviesdissoluesou leurinculture37 ; les
et
âmes pures cultivées,par contre, loin de mourir en eau, remontent in
etc.),puisde la transformation
excelsis,58 de l'eau en TERRE et de la renais-
sance de l'EAU (c'est le cours normaldes choses). Mais on a du mal à
comprendrece que signifiela renaissancede ΓΑΜΕ à partirde l'EAU.
Physiquement cela n'a pas de sens (l'eau se transformant en âme, c'est-à-
diresimultanément en air et feu?),psychologiquement non plus (les âmes
individuelles déchues,devenueseau et terre,et eau de nouveau,retournant
à la masseÂME? des âmes nouvellesse constituantà partirde l'eau?). Si
les âmes individuellesdéchues,redevenuesmatière,retournent à la masse
âme cosmiqueen tantque matériaud'âmesfutures, alorspsychédevraitêtre
une massecosmiqueà paru combinantair +feu,maisdistinctedes masses
physiquesAIR et FEU, ce qui feraitcinq massesdont une mixte.Si les
âmesdéchues(pourciterVEcclésiaste) «redeviennent poussière»,alorselles
réintègrent totalementle cyclecosmique.Mais en ce cas pourquoi écrire
psyché singulieret non air etfeui Deux réponsessemblentpossibles
au
(compatiblesentreelles): « âme» au singulierne seraitqu'un simplerac-
courcilinguistiquepour air +feu; «âme» au singulierfermerait l'anneau
du
rhétorique fragment39 tout en introduisant le singulierpour éviterqu'on
y lise une raiaissance des âmes individuelles. Aucune de ces possibilitésne
me satisfaitpleinement,mais je préfère décidément la seconde. En tout
cas,là aussi,le modèlede l'âme continuumcréedes problèmes.40

déchues»
speaksabout thebirthofsoul in general even,if it is true,it startsfromtheâmes
ibid).
(G. Betegh,
37) «/ dont it is no morepunishment
quite agreewiththe word châtiment.Ur, differently,
for waterto die intoearth»(G. Betegh,Lettreà l'auteur).
forsouL·thanit is a punishment
Mais cf. F 117 et Olymp. Phaed. 10, 2... την μεν άπαίδευτον ψυχήνέξιοΰσαντου
σώματοςευθύςφθείρεσθαι,την δε πεπαιδευμένην στομωθεΐσανταΐςάρεταΐςέπιμένειν
την έκπύρωσιντου παντόςκόσμου,ης δόξης ην και ό Ηράκλειτος [Τ 1001] (voireF 66
ou F 16).
38)Ibid. et cf.Pind. fr.131 S.-M. ap. Plut. Rom. 28, 8 et Plut. ibid. [Τ 511].
39>Schick(1955) 1 18 ; Kahn (1979) 238 ; SM (2002) 346 et n. 1.
40) « / dont = the
quiteseethatthereis a problemat all. If weacceptthatsoul exhalation,then
birthofsoulfromwateris unproblematic. Soul is bornfrom water as exhalation fromthe
rises
i.e.
surfaceofwater.Or you mayabo add thatdrysoul,i.e.fire,can abo be bornfromwater,

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328 S. Mouraviev
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53 (2008)315-358

4.3 Quoi qu'il en soitde la naissanceet de la mortdes âmes,si l'airestlà


et //n'estpas questiond'âme(s),pourquoi ne pas appelerun chatun chat?
C'est exactementce que fontles troisF 76, en décrivantdes partiesdif-
férentes du cyclecosmique,voiredes cyclescosmiquesdifférents : F 76a,le
cycle courbe F
(cf. 59) TERRE > FEU (NB!) > AIR > EAU ; F 76h et F 76e,
le cycledroit(cf.F 60) descendant FEU
(partiel) > AIR > le
EAU, premier,
ou ascendantTERRE > EAU > AIR > FEU, le second (avec annoncedu
retourversle bas par καιεμπαλιν41).
Ceci m'amèneà la questionde la pluralitédescycles. Nous venonsd'en
identifier ' le
quatre cyclepresquecomplet descendant-ascendant des âmes
(F 36) et troiscyclesdes masses:le courbedescendant(F 59, F 76a),le droit
ascendant(F 60, F 76e)etle droitdescendant (F 60, F 76b,cf.F 76e).Et dansla
doxographie42 nous avons encore un cyclecourbe ascendant (FEU > TERRE >
>
EAU AIR). Nous savonsd'Heracliteque lescyclesascendantetdescendant
etlescyclesdroitetcourbesontun seuletmêmecycledes « lettres de l'alpha-
bet» (γραφέων, plus tardon dira στοιχείων) (F 59, F 60; cf.DL IX, 8). Ceci
permetthéoriquement de les réduire à deux : un aller-retour droit pourles
=
âmes(incluantl'eau etla terre) F 36 et un cyclemixtedroitet courbepour
les quatre« masses» (ou « lettres ») canoniques= F 76*hc, autorisant la trans-
formation réciproque FEU <-> TERRE. les
Supprimez fragments76abc F et
il ne resterariende cettestructure cohérentedont la cohérencene peut en
aucuncas êtreattribuée à une suited'erreurs.43

someliquid,e.g.whentheoil is burning.- I thinkthisis a complete physicaldescriptionofwhat


happens. Thisisjust thenormal course
oftransformations, as it is thenormal courseoftransfor-
mationsthatwateris bornfromearth.Theproblemonlyoccursifyou maintainthatsoul is
a mixtureoffireand air, thatisfireand air. - On thepsychological
(necessarily) level,ifyou
want to introducethat,thetransformation onlymeansthatcertainfurther properties,in this
casepsychologicalproperties
emerge with thebirthofsoulfrom water. Thisisparallelto thefact
thatcertainproperties, to water,emergewiththebirthofwaterfromearth»(G. Betegh,
specific
ibid.).Cf.infra § 6.2.
41)En faitκαιεμπαλιν soitun cycledescendant succédantau cycleascen-
peutdésigner
dant,soitun recommencement à partir
du cycleascendant de la terre
avectransformation
préalabledu feuen terre(cf.F 76a etΤ 399-401= Dox. I, 3, 11).
42)= Dox. I, 3, 11 [T 399-401= D 54 - D 56].
43) « /
agreewithyourargumentthat,in Β 36, whatI taketo be themostimportant and to my
mindcomplete can
cycle abo be described
in terms oftheelements.
In so far as soul canfurther
be analysedintodryerand wetterforms,you can substitute
fireand air in thedescription ofthe
cycle»(G. Betegh,Letterto theauthor).Beteghgardemalheureusementun silenceplus
éloquentque convaincant destroisfragments
surl'authenticité Β IG : apparemment,il les
rejette.

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Et F 31ab? Betegha suggéré(sanspréciser)qu'il y étaitquestiondes par-


tiesspécifiquescosmologiquement ou cosmogoniquement les plus importan-
tes des massesconcernées.Kahn avait proposé en son tempsde ne pas
assimilerles tropaià des transformations d'éléments,mais à des change-
mentsde direction,à des pointsextrêmes de la transformation44. En fait,il
s'agitnon plusd'un cyclemaisd'un processusnon linéaireramifié qui com-
mencepar une transformation du FEU total(?) directement ou indirecte-
menten MER totale(?), qui estsuivipar une division(totale?)directeou
indirectede la meren TERRE (γη) et PRÉSTER et qui se terminait peut-
êtrepar la divisionde la terre(γη) en TERRE (αια?) et EAU (douce), et
cellean préster en AIR et FEU. Jen'en diraipas plus ici, car cela rnécarte-
raittropde notresujet«psychologique»actuel45.
Il n'en demeurepas moinsque, loin de ne disposerque d'un seul frag-
mentsurles massescosmiqueset leurstransformations (F 36), nous dispo-
sons d'une richepanopliede sourcespertinentes dont il seraitcriminelde
ne pas tenircomptepour comprendreles diverscycleset autresprocessus,
et cela en gardantà l'esprit,d'une part,qu'effectivement le processusde
cosmogenèse (diacosmèse) ne
peut pas coïncidernécessairement avecle cycle
cosmologique ; d'autrepart,que ce dernier ne suitpas forcément une voie
et
unique peut impliquer divers et et
cycles processus; enfin,que nous
devonsaussifaireattention à l'aspectlexicaldu problème.Beteghne répond
pas à la question de savoir,parexemple,si terminologiquement pourHera-
clitePSYCHE = l'Âmedu monde= l'Ambiant= les Exhalaisons= LOGOS
et,si oui (et a fortiorisi non), quellessontles causesou les motifsde cette
polyonymie : s'agit-ilde nuancessémantiques,de différences physiques,de
modernisations imputables à nos sources? Gageons qu'il feradans un
le
prochain article.46

44)Kahn(1979) 140.
45)Je quandmêmeque nouspossédons encoreuneparaphrase
rappellerai doxographique
du cycleélémentaire FEU > EAU > TERRE (sansl'AIR)parThéophraste (ap. DL IX, 9)
etqu'ilestabsolument indispensablede tenircompte aussi du contexte
de Clément (dont
l'auteurstoïcien,soitditen passant,assimilele présterd'Heracliteau ciel!) et des autres
paraphrases stoïciennes de F 31a, où l'absencede l'airest systématiquement (au total
5 exemples!)compensée toutcommechezClément
parl'insertion, V, 104,4 [Τ 642],
Strom.
desmotsδι' αέρος:cf.SVFl (Zenon)n° 102 = AriusDid. fr.38 « DL VII, 135et 142; II
(Chrysippe) n° 579 = Plut.Mor.1053A. -Je reviendrai de F 31 dansla
à l'interprétation
NoteII (§3.1.1).
46)Commeil de faire.
promet

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53 (2008)315-358

5. Mon secondgranddésaccordavec Beteghconcerneson interprétation


des exhalaisonscosmologiquesrapportéespar Théophrastechez Diogene
Laërceet dansla doxographiedes Placitaphilosophorum (p. 20, et note38).
Contrairement aux affirmationsde Kirk,reprisespar Betegh,ces sources
doxographiques,bien qu'elles aient toutesles apparencesd'un casse-tête
insoluble,ne présentent
pas de contradictions seulementquelques
sérieuses,
omissionsou lacunesrelativement facilesà combler.

5.1 En quoi consistele problème?47 Dans DL IX, 9 [T 705,86 = D 63,


D 64] nous lisons: « Les exhalaisonsproviennent soit de la terre,soit de
la mer,les unessontbrillantes et pures,les autresobscures.Le feus'accroît
grâce aux exhalaisons l'humidité
brillantes, grâceauxobscures. » L'interprétation
la plus simplede ce texteseraitde direque Théophrasteprêteà Heraclite
deuxespècesd'exhalaisons: une exhalaisonbrillanteprovenantde la terre
et une exhalaisonobscureprovenantde la mer.Mais, primo,il ne donne
aucun chiffre ; secundo,deux contradictions nous interdisent d'identifier
de façonunivoqueles exhalaisonsbrillantes ou obscuresà cellesprovenant
respectivement de la terreou de la mer: 1) nous savonspar ailleursque
l'exhalaison(supposémentbrillante)qui alimentele Soleil provientde la
mer(Dox. II, 20, 16 [T 436 = D 72, D 75] etc.),ce qui a incitéles cher-
cheurs48 à intervertir (tacitement) le rapportentreles deuxcouples; mais2)
cetteinterversion estcontredite à son tourpar d'autrestextes(Dox. II, 17,
4 = T 433 - 434 etc.) indiquantque les étoilessont alimentées,quant à
elles, par une exhalaison(supposémentbrillante)provenantde la terre.
D'où ces conclusionsdésabusées: theascription ofan earthyexhahtionto
Heraclitus is theresult ofsomeconfusion withtheAristotelian theory (p. 20) et
Weencounter a further levelofconfusion in Aëtius2. 17.4 = Heraclitus All
D K whosaysthatit is theexhalationcoming from earth that nourishes the
stars(p. 20 n. 38).
Ce qui revientà renoncerà comprendre. A mon avis,avantde renoncer,
il convientde vérifier si vraimentcontradiction il y a et,si oui, entrequoi
et quoi.

47)Lesdeux
paragraphesqui suivent
sontdéveloppésdansSM (2008) 154-158.
48)Dont
Betegh: a bright
exhahtion fromtheseaanda darkexhahtion
arising coming
from
earth(p. 20).

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S. Mouraviev
I Phronesis
53 (2008) 315-358 33 1

5.2 La seulefaçonde confirmer, leverou démentir lesdeuxcontradictions


(mutuellement contradictoires) signaléesci-dessusestde classertoutesles
exhalaisons dontnos doxographes fontétaten fonction de leurorigine,
qualitéset effets
et de voirsi le tableau
généralqui en résulteestou η est
pas contradictoire.C'est ce que nous avons faitdans le tableaude la
page332. Ce tableau permet de constaterceci.
D'abord(1) il y a:

(a) l'exhalaison brillanteetpure,provenant de la terre,


qui accroît
le feu
(sansautresprécisions), maisdonton ignoresi elleesthumideou
sèche(DL IX,9 [T 705,86= D 63 D 64]) ;
(b) l'exhalaison buttante toutcourt,provenant ausside la terre,
qui
enflamme maisdonton ignoreen outresi elleestpure
les étoiles,
ou impure(Dox. II, 17, 4 [T 433 - 434]; Porphyr. De antro11
[Τ 734,4; 6 = D 69] ; cf.DL IX,9 [Τ 705,91= D 67]) ;
(c) l'exhalaison buttante toutcourt,à origineetà autresqualitésincon-
nues,qui, (i) s'enflammant dans la «roue»du Soleilproduitlejour
et, (ii) accroissant créeYété(DL IX, 11 [T 705,102;
la chaleur,
104 = D 84 D 86]).

Il estévident qu'ilpeuts'agirlà, danslestroiscas,desmêmesexhalaisons


brillantes
etpuresprovenant de la terre.
Ensuiteil y a:

(2) l'exhalaisonhumideprovenant de la mer,maisdonton ignorela


luminositéet qui nonseulement nourritla flamme du Soleil,mais
seraitaussiun instrument (Dox. II, 20, 16
de son intelligence
[T 436 = D 72] ; Heraditei Probi.934b35[T 31 =
anon.ap. [Arist.]
D 75]49, Meteor.
cf.Arist. 354b33[T 190]; Dox. II, 28, 6 [T 452 =
D 73]50).

49)Notezbienque Heracl.anon.ap. [Arist.]Probi 934b35[T31] et Dox. II, 20, 16


que le Soleil(contreBetegh[2007]20 n. 38).
[T 436] neconcernent
50)NotezbienquedansDox. II, 28,6 [T 452],où il estquestion
etdu Soleil,etde la Lune,
de l'exhalaison
(merou terre)
l'origine humidedesastresn'estpasprécisée (contreBetegh
[2007]20 n. 38).

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53 (2008) 315-358

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S. Mouraviev 53 (2008)315-358 333

Et il y a:

(3) l'exhalaisonhumide,dont l'humiditéest tout ce qu'on sait d'elle,


qui nourrit de la Luneetpourrait
la lumière deseauxdoucesde
provenir
la terre(Porphyr.De antro11 [Τ 734,4; 6 = D 72% cf.Dox. II, 28, 6 [Τ
452 = D 73).

Enfin,il y a (4) l'exhalaisonobscure,aux autresqualités inconnueset


provenantd'on ne nous dit pas où, qui accroîtl'humiditéet, prenantle
produit(i) la nuitet(ii) Yhiver(DL IX, 11 [T 705,103 ;
dessussurla brillante,
105 = D 84, D 86]).
Récapitulons.Selon les doxographesHeracliteauraitdonc faitétatd'au
moinsquatre(4 !) exhalaisonsastronomiques :
différentes

1. l'exhalaisonbrillante,pure (et sèche?), provenantde la terre,qui


produiraitles feuxdes étoiles;
2. l'exhalaison(brillante?),humide(et pure?),provenantde la mer,qui
produiraitun accroissement du feu du Soleil et de la chaleurde sa
«roue», en favorisant la lumièrediurneet la chaleurestivale;
3. l'exhalaison(brillante?),humide (et impure?),provenantdes eaux
terrestres,qui alimenteraitla lumièrede la Lune;
4. l'exhalaisonobscure(impureet humide?), d'originenon spécifiée
(souterraine ?) qui produiraitun accroissement quotidienet saison-
nierde l'humidité(dans la «roue du soleil»?),51provoquantla tom-
bée de la nuitet l'avènementde l'hiver.

5.3 Ce résultatnon contradictoire,où à chaque exhalaisoncorrespondent


des qualitéset fonctions déterminées, attestede l'exactitude(sinon de la
complétude)de toutce que la doxographienous rapportesurles exhalai-
sons astronomiqueshéraclitéennes. À une exceptionprès: l'originalde la
versionde Théophrastetransmisepar Diogene LaërceIX, 9 [T 705,86] a
été maladroitement simplifié(raccourci)ce qui lui faitdire des choses
légèrement différentesde ce qu'avaitvoulu direson auteur.Pour obtenir
un textecorrespondant exactementà la doctrinereconstruite, de le
il suffit
compléter comme ceci:

51)On trouvera de cette«roue»dansSM [2008]p. 163.


l'interprétation

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53 (2008) 315-358

γίνεσθαιδ' αναθυμιάσειςάπό τε γηςκαι θαλάττης, ας μενλαμπραςκαι <ή>


καθαράς<(τας άποθαλάττης καιτωνεπιγείων ξηρών),ή θολεράς(ταςάποτων
ύγρών)>,αςδε σκοτεινάς.
επιγείων αΰξεσθαι δε το μενπυρυπότωνλαμπρών, το δε
ύγρονυπότωνέτερων,(τοδέπεριέχον έναύτώι
όποιονέστινου δηλοί·)είναιμέντοι
«σκάφας» έπεστραμμένας κατά κοίλονπρος ήμας,έν αις άθροιζομένας τας
λαμπρας<άπο γης> αναθυμιάσεις άποτελείνφλόγας,ας είναιτα άστρα,<τάς
δ' άποτώνυγρώνάπτειν ανάμματα,ά είναιτονηλιονκαιτηνσελήνην>

Ceci n estnaturellement pas un amendementdu textede Diogene Laërce,


mais une reconstitution de ce qu'avaitpu êtrele sens,voirela lettre,de
l'originaldont ce texte est issu.
L'origineterrestre
de l'exhalaison alimentantles étoileset l'originemarine
de cellequi alimentele Soleilestconfirmée parla tradition stoïcienne,laquelle
confirme aussipourla Lune une exhalaisonprovenant des eauxdouces.5253

6.1 Pour conclurecettenote,j'aimeraisrésumeren quelques mots mon


opinion actuelleconcernantles diverscycleset processusde transforma-
tionet le rapportentreles massestraditionnelles et la masseâme et dresser
un premierbilande mon débatavec Betegh.(§ 6.2).
Bien qu'il soitle vraiinventeurde la notionmêmed'« élément»(F 59)
et l'auteurde l'inventairecanoniqueà quatreéléments(F 76abc, cf.F 126),
Heracliteétaitencoreloin de les réduireà des racinesinaltérables de style
empédocléen. Et c'estpour cela qu'il pouvaitparlertantôtde troismasses
cosmiques,tantôtde quatre,voirede plus encore.Les quatre (ou plus)
massesde F 31 (FEU, MER, TERRE, PRÉSTER. . . : de l'aveude la source

52) SVFII 672, 677 etc.


53) Le textede
Porphyre[Porph.De antro11 = Τ 734] est tardifet d'inspirationstoïcienne,
mais:Ί) il figuredans un contexteou est citéle fr.F 118 d'Heraclite; 2) il coïncideavec la
doxographiehéraditéennes'agissantdes étoileset du Soleil et 3) il ajoute une information
sa proprelumièreet noncelle,reflétée,
sur la Lune qui suppose que celle-ciémettait du Soleil.
Or, le dernierexempleprésocratiqueattestéde cetteopinion erronéeest justementHera-
clite(Dox. II, 28, 6 [T 452 = D 73] et DL IX, 10 [T 705,91-95 = D 73]). Parménide(28
Β 14 + Β 15), Empédode (31 Β 45, Β 47, Β 43, Β 43), Anaxagore(59 A 42, Β 18) et leurs
successeurs(voiredéjà Thaïes [10 A 3, A 17, A 17a, ap. Cic. Rep. I, 16, 25 ; Aristarch.ap.
POxy 3710 = T 212 = T 291] et Anaximène[13 A 16]), sans parlerde Zenon de Citium
(SVP I, 119; cf. II, 676) , savaientpertinemment que la lumièrede la Lune provenaitdu
Soleil. Les Stoïciensont sans doute mécaniquementempruntécetteopinion à Heraclite
pour rendrecomptede la trèsfaiblevisibilitéde la nouvelleLune, en particulier pendantles
éclipsessolaires(cf.SVF II, 650 où la Lune figureen qualité tantd'êtreignénourripar les
eaux potablesque d'astrerecevantsa lumièredu Soleil).

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S. MouravievI Phronesis
53 (2008) 315-358 335

de Clémentla citationn'estpas complète)décriventle «Big Bang» récur-


rentde la cosmogenèse et le processusinversede cosmophtorèse (l'étapedu
déluge?).Les troismassesn° 1 d'une partiede la doxographie(AIR omis)
semblentellesaussiliéesau cyclecosmogonique qui devaitcommencerpar
une séparationentrele Ciel et la Terre.Les quatremassesde F 76ihcne
figurentque dans la descriptiondes cyclescosmologiquesphysiques,le
droitetle courbe.Les troismassesn° 2 de F 36 (FEU etAIR remplacéspar
ÂME) ne concernentque le cyclecosmopsychique tel qu'il s'inscritdans le
précédent. Mais bien des pointsexigent encore d'être précisés.
S'agissantde YAmbiant,qu'est-cephysiquement ? Est-cela mêmechose
que l'Âmedu monde (ou le logos)? L'Ambiant,commeson nom l'indique,
ce n'estpas à proprement parlerune « masse», c'estavanttoutun espacequi
enveloppe la Terre(merincluse),un espacepeut-être coifféparle couvercle
du feucéleste54, remplid'airchaud,sec et puren haut,d'airfroid,humide
et impuren bas, et contenantles «cuves» terreusesrelativement stables,
de
remplies feu, des astres ; un espace traversé, le plus souvent de haut en
bas,par diversesémanationsdu feu - lumière F F
(cf. 118, 70A), éclairs
(F 64-65,F 85A), figurations(F 31a?F 3E, F 106A) chaleur(DL K, 11) -
provenantdu Ciel et des astres; un espaceparcouru,le plus souventde bas
en haut,par des fleuveset courantsplus ou moinsrapidesd'exhalaisonsde
toutessortes: brillantesou obscures,sèchesou humides,intelligentes ou
privéesde raison,d'âmes sèches flamboyantes ayantquitté leurs corps,
d'émanationslégèresde la mer,d'effluves plus lourdes, provenantsoit des
eaux doucesterrestres, soitde la terreelle-mêmeou des zonessouterraines,
porteusesd'obscurité,de froideuret de stupidité. . . Tel est l'Ambiant
espace.Pris dans son entièreté physique,c'est un assemblagecomposite,
peut-être appelé à
Préster, la foisde morceauxcompactsdes massesFeu ou
Air à l'état presque pur, et d'entités constituéesde diversmélangesdes
-
deux, sans parlerdes incrustations terreusestellesque les «cuves». Pris
sous son aspectpsychologique, c'est l'Âme du monde, constituéepresque
exclusivement de l'émanationlumineuseet sèche des «hautes sphères»,
accueillantles âmessèchesressuscitées des corps,maisperdantde son psy-
chismeet gagnanten humiditéau furet à mesurequ'on descend.Prissous
son aspectdivinetmental,c'estle logos,la paroledivinequi régitle monde,
le loi divineécriteà l'aide desgrapheaet dontl'âme humaine,emprisonnée
dans le corps,possède une parcellecapable d'en percevoirles messages,
pourvuqu'elle ouvretoutgrandles fenêtres de ses sens. . .

54>
Aiistoph.Nubes94-97.

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336 I Phronesis
S. Mouraviev 53 (2008) 315-358

Alorsdeux masses,une masse,zéro masse?Au niveaule plus abstrait:


trèscertainement, deux« lettres », deuxgraphea- FEU ET AIR - du même
-
rang,voired'un rangun peu plus élevéque EAU etTERRE en tantque
les deux principalesmassescosmiquespuresdont se compose et en les-
quellesse décomposel'Ambiant(le FEU, Ciel ignéprobablement inclus).
Mais à un niveau plus phénoménal:c'est un agglomératplus ou moins
stratifiéet structuré dont on ignorele nom - peut-êtrePréster, peut-être
quelque chose comme Ourania ou Meteora, peut-être même (mais j'en doute
fort)Psyché - un tout hétéroclite complexequi ne peut pas fonctionner
commegraphos,comme «lettre»,justementà cause de son hétérocléité,
maisqui en revanchereflète l'hétérocléité des terrestria, avec leursinnom-
brablescombinaisonsde TERRE et EAU ; avec leur mystérieux Tartare,
pendant souterrain inscrutable de l'inscrutable Ciel ... Et juste entreles
deux demi-mondesdes caelestiaet des terrestria> la
occupant place du
miroir,il y a les humainset leursâmesd'air et defeu emprisonnéesdans
leurscorpsd'eau etde terre.. .
Dans ce contexte-làpsychéau singulierdésignerait(serait) non une
massephysique,maisplutôtune masse«psychique»(je m'excusedu pléo-
nasmeinévitable),composéed'un assemblageet/oumélangespécifique de
feuetd'air- lumineux,sec,(cf.F 118, F 85A), conscient,en fluxperpétuel
(F 12), non réductibleà n'importequel autremélangede ces deux ingré-
dients- englobanttousles courantsd'âmesdescendantes non encoreincar-
nées et tous les fleuvesd'âmes ascendanteslibérées(ressuscitées) des corps
par la mort de ceux-ci, bref une espèce de cause aristotélicienne de la
Conscienced'où toutesles âmesnaîtraient, dontellesseraientune parcelle
pendantleur incarcération dans les corpset dans laquelle elles retourne-
raient- à moins que leurhumiditéou leur transformation en eau ne les
condamneà se réincarner (?), voire à le
réintégrer cycle des transformations
physiques.55

6.2 Bilanprovisoire du débat(cf.supranotes36, 40, 43). Jesuis d'accord


avecBeteghpouraffirmer que nos désaccordsdoiventbeaucoupà l'effet de
« perspective
» et dépendentdu « basiclevelofdescription
»56.Pourlui,ÂME
ou EXHALAISON au singulierdésigne(« occupe la place de ») la double

55)J'ometsici un certain
nombred'interrogations de Beteghà proposdu § 6, lequelpose
effectivementplusde questions qu'il ne proposede réponseset n'estriende plusqu'une
premièretentative d'aborder
impressionniste toutecetteproblématique quasiinexplorée.
56)Dans un
passagede sa lettre
qu'ila préférésupprimer.

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53 (2008)315-358 337

massephysiqueAIR + FEU au mêmetitreque EAU désignetantl'eau de


merque l'eau de sourceetque TERRE désignetantlessablesmouvantsque
les rocherset les pierres.Selon moi,AME ne désignechez Heraclitequ'un
aspectparticulier, unefonctiontrèsparticulière de la massephysique(peut-
êtredu mélange)AIR + FEU, son rôle« cosmo-spirituel » (celuide sourceet
véhiculede vie,de mouvement, de conscienceet de connaissance).
Même s'il ne la partageplus,Beteghsembleêtrespontanément partide
l'opinion,encore fortrépandue,qu'Heraclite n'aurait utiliséni le mot άήρ
ni la notioncorrespondante, et cela malgréF 76abc,F 126 et la doxogra-
phie. Mais F 36 seraitalorsl'unique exemplede PSYCHÉ = AIR + FEU.
Et l'absence(totale?) du mot AIR contrasterait singulièrement dans nos
sourcesavec la fréquence(impressionnante) du mot FEU. Quant aux
exhalaisons,ce ne sontpas des masses,mais des courants(d'air = vents,de
feu = météores,d'eau = nourriture des astres,d'âmes = mécanisme[des
naissances,décès,perceptionssensuellesetc.] du vivant.. .).
En d'autrestermesl'Heraclitede Beteghseraitallé jusqu'à identifier la
(psychique)
spécificité de ΓΑΜΕ à celle,physique, de l'AIR + FEU, alors
qu'à mon sensil n'auraitcherchéqu'à mieuxintégrer cettespécificité(d'ori-
dans le processuscosmo (gon/log)ique universel-
ginereligieuse [orphique])
mieuxque n'avaientsu le faireThaïes,Anaximèneou Pythagore.

Note II. L'embrasementuniversel


1. C'est en 1998, «à peine» centquatre-vingt-dix ans aprèsla parutionde
YHerakleitos de Schleiermacher(1808), qu'AryehFinkelberg57 a, lepremier,
eu l'heureuseidée de reconsidérerlespro et contrade l'attribution à Hera-
clite,par nos sourcesantiques,d'une cosmogonieet de la fameuseecpy-
rose,une attribution contestéepar le père de l'héraclitologiemoderneet
d'innombrables émules - dont Lassalle(1858), Burnet
rejetéedepuispar
(1892), Reinhardt(1916), Kirk (1954) -, mais acceptée par d'autres
modernes- Zeller(1856), Gigon (1935), Mondolfo(1958), Kahn (1979)
et Robinson (1987)58. Finkelbergappartientrésolumentà la seconde

57) (1998) 195-222.


Finkelberg
58)Jene citeque lesauteurs Poursimplifier
que nommeFinkelberg. respective-
je parlerai
mentd'anticosmogonistes etde procosmogonistes.

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338 S. MouravievI Phronesis
53 (2008) 315-358

catégorie,avec cettedifférence que, Dieu soitloué ! il s'estimeobligéd'ar-


gumenter ses choix59 et le faitde façonquasi exhaustive.
Qu'on me permette d'ouvrirune parenthèse d'ordreplusgénéral.À mon
humbleavis,le problèmede la conflagration universelle héraclitéenneest
unfaux problème.En effet, toutesnos sourcespertinentes s'accordentpour
Et si les moderness'en étaienttenusà la règlede laprésomp-
la lui attribuer.
tiond'innocence® et si, au lieu de tenterde dresserquelques sourcesmal
comprises contrela majoritédes autres(en l'occurrence, deuxou troistex-
tes et fragments contretoutela doxographie),ils avaientessayéde mieux
comprendrecelles qui leur semblaientcontredirecette majorité,il n'y
auraitpas eu de problème.C'est ce qui explique d'ailleurspourquoi les
« procosmogonistes » (dont je suis) prennentsi rarementla peine d'argu-
menterl'exactitudefoncière(l'innocence)les sourcesdont ils se servent.
-
Finkelberga le mérited'avoirrelevéle défiet essayé tâcheingrates'il en
-
est de démontrer qu'il y a eu ni erreur,ni fauxtémoignage, ni crime.61
Son articlese divise en deux parties: dans la première(196-205) il
examineles argumentscontrel'ecpyroseavancéspar Burnetet ceux qui
l'ont suivi; dans la seconde (205-220), il réexaminequelques citations
d'Heraclitepour établir« dans quelle mesureellesconfirment l'interpréta-
tion cosmogonique».Mes notesde lecturesuivrontle même schéma: je
commenceraipas un énoncéde l'opinionde Finkelbergsurchaque point
examiné en ajoutant,le cas échéant entrecrochets*[]', mes éventuels
remarques,complémentset désaccords.Je suis tacitementd'accord avec
toutce que je mentionneen passantou ometscomplètement.

2.1 La théoriedes cyclescosmiques et de l'embrasementuniverselest


à
attribuéenoirsurblanc à Heraclitepar toutela doxographieremontant

59)
L'argumentationréelledes choix est une innovationqui, quoique pratiquéedéjà par
Kirk(chez qui elle se limitaitpour une bonne partà afficher avec les choixde
sa familiarité
ses principauxprédécesseurs),n'a réellementcommencé chez quelques raresmodernes
(Rivier,Ramnoux,Guthrie,Mansfeld,Kahn. . .) qu'à partirdes années 1960-1970.
60) SU (2006) III.3.B/Ì xv-xvi.
p.
61)Avec la
précisionsuivantequ'il me demande d'ajouter: «Mon articleétaitpolémique
plutôtqu'herméneutique : je mesuislimitéau minimumindispensable pour réfuter Vopinion
des anticosmogonistes. Si dans la deuxièmepartie de montravailje n'examinepas lessources
secondaires, d'emblée;alorsqu'aurais-jegagnéà montrer
c'estparce qu'ilslesontrejetées qu'el-
les sontfavorablesà l'embrasement? Quoi que j'en dise, ces sources-làseraientpasséespour
nonpertinentes. Il en va de mêmepour Β 31. Il me suffit de montrer que h grammairesup-
pose un processuscyclique;ce qui en découleestaffaired'interprétation» (Lettreà l'auteur,
05.09.2007).

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53 (2008) 315-358 339

Théophrasteet par toutesnos autressourcespostaristotéliciennes. Elle est


un
partagée peu plus tard par les Stoïciens qui, eux aussi, en attribuent
l'origineà Heraclite62. Selon les anticosmogonistes, elle seraittoutefoisle
fruitd'une erreurde l'Émésienqui auraitmal comprisAristote,une erreur
dontles Stoïciensse seraientemparéspour accroîtrela crédibilitéde leurs
propresvuesen la matière,et qui se seraitpropagéecommeune traineede
poudreà traversles millénaires jusqu'à ce que Schleiermacher s'aperçoive
(mieuxvauttardque jamais) qu'elle ne pouvaitpas êtrevraie.
Finkelberg commencepar les textesd'Aristoteauxquelsles anticosmo-
gonistesrefusentla qualité de sourcesconfirmantl'ecpyrose: De caelo
279b12 [T 170] et Phys.205al-6 [T 182], en invoquantl'incompatibilité
de pareilleinterprétation avec le passageconnu de Platon Soph.242 DE
[T 132]. Que premier ces textesestune clairedescription
le de d'un monde
qui cydiquementse détruitet renaîtest tellementévidentque Finkelberg
s'abstientsagementde le commenter. Tous les adversaires de l'ecpyrose,ou
peu s'en faut,sont d'accord pour affirmerqu'Aristote ici s'esttrompé,mais
divergent sur les causes et la nature de cette supposée erreur63. En ce qui
concernele second,il montreque quelle que soitla syntaxequ'on prêteà
la citationhéraclitéenne (F 5B = A 10 DK), elle illustrele point de vue
qu'Aristote réfute,à savoir que το παν,le Tout,peut se transformer en un
seul élément.(196-197) [D'ailleurs, même un anticosmogoniste quetel
Marcovichreconnaîtqu'Aristoteavaitbien eu en vue l'embrasement uni-
verseld'Heraclite,maisle lui auraitattribuépar erreur64.]
Malheureusement, les arguments dontse sertFinkelberg pourdémentir
de
l'opinionfaisantdu passagedu Sophiste Platon,plus exactement de la
distinction entreles Muses tendueset les Muses plus relâchées,une preuve
de la simultanéitéchez Heraclitedes transitionsmultiple> un et un >
multiple,simultanéitéopposée à la consécutivitéde ces transitionschez
62) que les Stoïciensavaient
Finkelberg(196 n. 2) renvoieà Long (1975-76) pourdémontrer
accès,surHeraclite,à d'autressourcesque Théophraste.Sachantque Cléantheet Sphaerus
ont commentéle propretraitéd'Heraclite(T 705,158 = DL DC, 15; cf. DL VII 174 et
177 = SVFly 481; 620), il enfonce,hélas! des portesouvertes.D'ailleursle livred'Heraclite
sembleavoirété accessibleau moinsjusqu'au lile s. de n. è. Cf. SM (2003£) 207. L'opinion
en la matièrede Polito (2004) 166-167 est insoutenable.Eût-elleété fausse,la théoriede la
conflagation n'auraitjamaisjoui de l'unanimitéen sa faveurque nous lui connaissons.
63) à Denis
L'explicationla plus recherchéeque je connaisseappartientincontestablement
O'Brien : Aristoteauraittransformé en successionchronologiquece qui chez Heracliteétait
coïncidence(il)logique et contradictoire des opposés: feusimultanémentsubstratet sujet
de la transformation des éléments.Cf. O'Brien (1989, 1990, 1991).
64>Marcovich(1967) 262, 272 = (1978) 185, 193.

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340 S. MouravievI Phronesis
53 (2008) 315-358

Empédode, tombentà côté de la plaque. Il comprendce texteexactement


comme le comprennentses adversaires et cherchesimplementà en atté-
nuer la portée{Plato'spictureis a conceptualscheme.. . Phtos hnguageis
hose and non-committal... PUto neglects the monistictenorof Heraclitus
teaching. . . The intrinsic
qualitiesof account
Plato's hardly justifygranting his
wordsso muchcreditas opponents ofthe cosmogonical do.
interpretation .). .
(197-198) Au lieu de déprécierau maximumla fiabilitéde son témoi-
gnage,ce qu'il fautc'estcomprendrePlatonlittéralement et lui faireentiè-
rementconfiance65.
[L'étranger d'Élée brosseune brèvehistoire(parodique) des doctrines
antérieures de l'Un et du Multiple: telpenseuradoptetroisétants(Phéré-
cyde ? Ion ?) ; tel autredeux - l'humideet le sec, le chaud et le froid-
(Anaximandre ?) ; Xénophaneet les Éléatesun seul; les « Muses», les unes
et les autres,adoptentà la foisle Multipleet l'Un, cimentéspar l'hostilité
et l'amitié,maistandisque les «Muses siciliennes»(Empédode) affirment
que le Tout est tantôtun (grâce à Aphrodite),tantôtmultiple(grâce à
Neïkos),les «Muses Ioniennes»estimentquant à ellesqu'il estun et mul-
tiple toujours.S'agissantd'Empédocle,Platon faitallusionà la phase où
Sphairosavecson mélangetotaldes quatreélémentsestseul maître(= Un)
et à la phase opposée de séparationtotalede ces quatreéléments(= Mul-
tiple). S'agissantd'Heraclite,Platon souligneque, pour celui-ci,le Tout,
même quand il paraîtêtre multiple(le divergent) est quand même un
{converge) parce qu'il fut,est et demeurefeu et harmonie.La différence
crucialeentreEmpédode et Heraclite,celleen vertude laquellele premier
estplus «relâché»et le secondplus «tendu», néstpas l'alternancede l'Un
et du Multiple(là estau contraireleurressemblance), cettedifférence tient
au faitqu'Amouret Haine chez Empédode agissenttourà tour,alorsque
Guerreet Paix (Discorde et Concorde,Inimitiéet Amitié)chez Heraclite
-
agissentsimultanément et c'est cela YHarmonia66.Ceci η impliquepas,
65)
Que Finkelbergne l'a pas compris,son affirmation (p. 212 n. 41) que PUto suggests
[à tort]thattheopposites[inimitiéet amitié]are ofa cosmological nature,le prouve.Voir
encorenote suiv.
66) Cf. d'une
pznpolemos(F 13B = Chrys.SVFll, 636, F 53 F 67 F 80 F 123B = Theophr.
ap. DL IX, 8), ens (F 8, F 80, cf.F 9A), stasis(Τ 658 = Hippol. Ref.I, 4, 2), et d'autrepart
eirêneF 67, F 123B), homología(F 123B, cf. F 5'),philia (Τ 658). Et pour harmonia,cf.
F 8, F 9A?,F 5 1, F 54. Ce que Finkelbergdiraplus loin de F 67, F 123B et ce qu'il affirmera
à la fin(219) - en reprochantà tortà Platon de n'avoirreflétéqu'un aspect (l'harmonie
cachée) au détrimentde l'autre(la prédominancealternativede la guerreet de la paix) -
s'applique déjà directement et intégralement à notrepassageplatonicien.

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I Phronesis
53 (2008) 315-358 34 1

dansle secondcas,que lesphasesde l'Un etdu MultiplechezHeraclitesoient


ellesaussi simultanees-, elles sont les résultantes alternatives ultimesde la
prédominancemaximalesoitde PolémossoitdyEirene.67]
Faiblesaussisontles arguments que Finkelberg (198-199) opposeà deux
autrestextesque Burnetcitaitpour illustrer l'existenced'opinionsdiffé-
rentessurl'ecpyrosemêmeparmiles Stoïciens: Marc.Ant.X, 7, 5 et Plut.
Dedeforac. 416 A [T 506].
Le premiercontienteffectivement l'alternative « conflagration périodi-
que ou renouvellement produit par des échanges éternels (άιδίοις
άμοιβαις) », où άμοιβαΐςferaitallusionà Heraclite.Finkelberg nie que les
άμοιβαίsoientici specifically Heraclitean.Le presumably Heracliteanaurait
été ανταμοιβή(F 90), alors qu αμοιβήest a fairlycommonGreekword.
[Rien n'estplus facileà démentirque la premièrepartiede cettedernière
affirmation : il n'ya qu'à ouvrirl'éditionde Marcovich(1967) sous le fr.54
(p. 291-293) pour trouverdix textesoù πάνταπυρόςαμοιβήuel sim.est
utiliséà propos du feu d'Heraclite.Au lieu de nierles évidences,il faut
reconnaître, premièrement, que ce passagede Marc-Aurèlereflèteeffecti-
vementl'existencede divergenceschez les Stoïcienssur la question de
l'ecpyrose(divergencesattestéesaussi ailleurs)68, et deuxièmement,que
Marc-Aurèle utiliseeffectivement ici un langagehéraclitéen. Mais sachant,
troisièmement, 4
qu'en III, 3, [M 27e = D D
29, 30] le même MarcAurèle
attribuel'embrasement nommément à Heracliteet,quatrièmement, qu'en X,
7, 5 Heracliten'estpas nommé,notrepassagene prouvequ'une chose: que
l'empereurstoïciensoit a eu recoursici à une expressionhéraclitéenne à
proposd'une doctrine non héraclitéenne, soit s'est mal à
exprimé propos
-
d'une autredoctrinehéraclitéenne : les transformations cosmologiques où
άίδιοιestdéplacé.]
Pource qui estdu textede Plutarque,Finkelberg notecorrectement que
Cléombrotefaitpeut-êtrede l'ironieet objectemoinscontrel'attribution
de l'embrasement à Heracliteque contrele conceptmêmede destruction
du monde. [Cléombroteest un personnagede dialogue dépeintcomme
créduleet sans grandespritcritique.Il ne croitpas à la destructiondu
monde par le feu et pense que l'embrasement universeldes Stoïciensest

67) C'est ce n'a pas comprisO'Brien (1989, 1990, 1991) sinon il ne


que malhereusement
seraitpas allé chercheraussi loin la cause de cette« contradictionflagrante» entrePlaton et
Aristote.Finkelberg,quant à lui, rejettel'interprétation ici proposée,mais se refuseà toute
polémique «fauted'aucune analyseet argumentation (en sa faveur)» (Lettreà l'auteur).
68)E ?hi'o,De aet.m.76.
g.

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53 (2008)315-358

attribuéà tortà Heraclitecommeil Testà Orphée,voireà Hésiode (attri-


butiondont se rendcoupable,juste avant,son interlocuteur Demetrios).
Nous avonsdonc là une opinionfictiveet nonargumentée que l'auteurdu
dialogue (Plutarque)prêteà un de ses personnagessans qu'on sache au
justequel estl'avisde l'auteurlui-même.Ce texteprouvetoutau plus que
pareilleopinionn'étaitpas absurde,maispouvaitêtretantvraieque fausse.
Ce qui ne nous mènepas loin,car nous nous en doutionsdéjà.]69

2.2 Aprèsles témoignages doxographiques, Finkelberg passeaux cinq frag-


mentsqui, selon Burnet,attesteraient qu'il n'y avait chez Heracliteni cos-
mogonie,ni ecpyrose.
Il citele premier, F 90, dans la versioncorrigéepar Diels (ανταμοιβή τα
et
pour ανταμείβεται) passe immédiatement à une discussion du sens de
τα πάντα.Le malheurest que Burnetutilisaitl'éditionde Bywaterlequel
avait(raisonnablement) préféréανταμείβεται πάνταsansarticle.Résultat:
tous les argumentsfondéssurle sensde τα πάνταtournentcourt.Burnet
n'estpas un de thosewhoacceptDiebs emendation et qui mustbeartheconse-
quence.Reinhardt, parcontre, en estun, mais il s'abstient sagementd'affir-
merque F 90 est incompatibleavec l'ecpyrose.En revanche,Kirkn'a pas
cettesagesseet en prendpour son grade.[Mais quelle estdonc cettediffé-
renceentreπάντα« all things» etτα πάντα« thesum,thewholeofthings» ?
C'est une différence tirée(parles cheveux)du dictionnaire et qui n'a rienà
voir avec Heraclite,sachant que (1) celui-ci n'utilisejamais Γ«article»
devantπάντα(seule exceptionpossible,mais douteuse: F 107F = Stob. I,
10, 7), (2) il se sertconstamment de πάνταsansarticlepourdésigner«the
sum, the whole of things»et (3) il n'utilisenulle partΓ«article»en tant
qu'article70.]
Mais je partageentièrementla conclusionde Finkelberg. Nous ignorons
la portéede la comparaison[et pas seulementbeyondthemutualconverti-
bilityofgoldand goods{chremata peut désignerdes joyauxen or et alorsce
ne seraplus de convertibilité
qu'il s'agira,mais d'une vulgairetransforma-
tionmatérielle:cf.Arist.De cael.304*20[F 5C = D 16)], et as itstands,the
simileis compatiblebothwiththecosmological interpretationand thecosmo-
gonicalone.(199-200)
Second fragment examiné: A 22 DK = F 9A. L'argumentde Burnet: à
quoi servirait-il
à Heraclitede reprocherà Homère (Achille)son désirde

69)Cf.SU (2008) 147-149.


70)SM (2006) III.3.B/Ü, XIV.
p.

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S.Mouraviev 53 (2008)315-358 343

paix et de destructiondu monde, si cettepaix = destructionsurviendra


n'importecommentpar décretdu sort? Là, la réponsede Finkelbergest
irréfutable: is the"victory"
ecpyrosis offirein the"war"ofopposites. Thecessa-
tionofstrife is notconflagration. . ., it isa disintegration
of the world.. . Hera-
clitus'
reply need notmean morethan that because theworld cannotlive without
strife,thewishis silly(200-201)
Troisièmefragmentexaminé: F 30. [Là j'ai un petit problèmeavec
le mot κόσμος que Finkelbergtraduitpar orderedsequence' je n'ai pas
encore eu l'occasion d'analyseren profondeurson argumentationtrès
détailléeet pointue qui méritetoute l'attentiondes modernes71 et suis,
primafacie, refractaireà renoncer à order tout court(mais dans un contexte
qui [1] l'universalise[= (world)-order], [2] lui confèreune extensionspa-
tiale [= this(world)-order of ours] [3] lui confèreaussi une extension
et
temporelle[= thesequenceofstagesour (world)-order wentand willbegoing
la seule reconnaisse72). - Et j'ai un autrepetit
through], que Finkelberg
problèmeavec le côlon,le point en haut que Reinhardt73 préconiseaprès
estaiet que Finkelberg, aprèsKirket d'autres,accepteavec enthousiasme.
Pour moi qu'on me dise «Serge,tu es, tu fuset tu serastoujours(Point).
Un typetoujoursvivantqui tantôts'endort,tantôtse réveille(Point)» ou
la mêmechose sans le pointdu milieu,cela ne feraaucune différence de
contenu. Le point ajoute seulementun petit suspense.Toute seule, la
deuxièmephrasesans verbefinin'a pas de sens. Elle empruntedonc son
verbeà la phraseprécédente.Et il en découle automatiquement que les
troisverbesexistentiels sontaussi,voireuniquement,des copules.Comme
l'éternitéde Sergeestgarantiepar le «toujoursvivant»,elle n'a pas besoin
des béquilles d'un tripleείναιexistentiel.Si celui-ci n'en demeurepas
moinsprésent,c'estuniquementà cause de la formulehomérique,et non
poursignalerl'éternité du monde,laquelleestaffirmée justeaprès.Ajoutez

71)
Lesquels ont préféréjusqu'ici garderle silence.Cf. Finkelberg(1996), et en particulier
115-118.
72) Comme la
plupartdes philosophesmodernesqui ont assimiléavec le lait de leuraima
materl'univocitéen tant que conditionsine qua non de fonctionnement de tout terme
scientifiqueet philosophique,Finkelberga du mal à digérerun conceptaussi flouet inté-
rieurement aussicontradictoire Mais, primo,n'oublions
que celuique je viensde caractériser.
pas que Parménide, Platon, Aristote (et Porphyre) n'étaientpas encore passés par là et,
secundo,que cettecontradiction interneestjustementl'épinedorsalede la façondont Hera-
clitevoitle monde.
73) Reinhardt(1916) 170 η. 1 [la référence chez Finkelbergcontientdeux erreurs] ; (1942¿)
11 = (1960) 51-52;cf.Kirk(1954) 310-311.

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53 (2008) 315-358

à cela l'absencede ponctuation,et vous constaterez que la différence entre


les deuxsenssupposésdifférents de είναιse rétrécit presquejusqu'à l'indis-
tinction.74] Quoi qu'il en soit,pour que F 30 prouvel'inexistenced'une
ecpyrosehéraclitéenne,il faudraitévidemment,primo,démontrerque
κόσμοςs'yapplique à un ordrefixeet non à une successiond'étatsordon-
nés oscillantentrela pluralitédu monde organiséet l'unitéde la boule de
feude l'embrasement, etsecundo, établirque les μέτραimpliquentla simul-
tanéitéet non l'alternancede άπτόμενον et de άποσβεννύμενον. Ce n'est
si
que κόσμος = «ordre fixeéternel», et rien d'autre,que F 30 contredirait
toutecosmogoniecyclique.(201-202)
Les derniersfragments qu'examineFinkelbergsont F (3-)94 et F 31b.
Ces fragments avaientétécitésparBurnetet sesadeptesReinhardtet Kirk75
à cause justementdes μέτραdu premieret du μετρέεταιεις... λόγονdu
secondqui, interprétés en tantque dénotantdes constant quantitative cor-
reUtions, seraientincompatibles avecun embrasement =
général l'abandon
de toutes«mesures».Finkelberg démontrele mal-fondéde cetteinterpré-
tation: la constancequantitativeque Β 94 DK prêteraitau soleil est
démentiepar F 6 qui attribueau soleil un cyclequotidiend'alternances
quantitatives. Appliquéeà F 3-94 (cf.le papyrusde Derveni)elle concer-
neraitla largeurdu soleil.Mais sachantque le soleils'éteintet se rallume
tousles jours,cela signifieencoreune foisqu'en faitces mesures sontcom-
patibles et avec le changement, et avec l'alternance, donc avec une cosmo-
gonie et une ecpyrose.La constancedu logosde la mer dans F 31b est
d'autantplus illusoireque, de l'aveu de Kirklui-même,le fragment F 31,
prisisolément, se laisseinterpréter comme cosmogonique76. Conclusion de
Finkelberg : tous ces fragments se prêtentà des interprétations compatibles
aveclescycles cosmogoniques. (202-204)

74) et Reinhardt
Gigon (1935) 52 a donc absolumentraisonde parlerde Doppelbezogenheit
(1942ä) 11 η. 2 a tortde s'en indigner.Cf. aussi la remarquede StefanoJedrkiewicz : «...le
verbe"être" a uneparticulanté.Il peutdonnerl'impression dans unemêmeoccurrence,
d'exercer,
au moinsdeuxfonctions sémantiques nonseulement
différentes: copuhtive,maisencoreexisten-
tielle" («Trois phrases nominales d'Heraclite»: Revue de philosophieancienne,23, n° 2
[2005] p. 9 - avec référence à P.Pucciet à la logique de Fregeet Russell). Cf. SM (2008)
188 n. 59.
75) Burnet(1897) « (1930) 143-144, 149-150, 158-159. Cf. Reinhardt(1916) 177; (1942ä)
11 = (1960) 55-56; cf.Kirk(1954) 336.
76>Kirk(1954) 327, cf.319, 323.

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S. Mouraviev 53 (2008) 315-358 345

Suit une considérationd'une importancecapitale.Refuserune cosmo-


gonie à Heraclite,c'est en faireun révolutionnaire qui seraitallé à l'en-
contrede tous ses prédécesseurs. Tous les Milésiensont développéleurs
doctrinesà partird'une longue traditionthéogonico-cosmologique où
l'explication«génétique»régnait sans partage.Toute interprétation pure-
ment cosmologiqued'Heraclite (sans cyclesni conflagrations) suppose
-
qu'il ait rejetétoute la cosmogonieantérieure,ce qui eûssé-ceété le
cas - n'auraitpas manquéde surprendre, d'êtrenotéet de laisserdes traces.
Or il n'existeaucun texteoù pareillerévolutionsoitattribuéeà Heraclite.
Aristotesemble n'en pas avoir la moindrenotion. Et - eûssé-ce été le
cas - rienn'expliquerait non pluspourquoi,de tousles éléments,Heraclite
auraitaccordéla prioritéau feu: la cosmologiepurese passe de toutprin-
cipe unique. (204-205)

2.3 [Toutceci estparfaitement correct,maishélas! ne convaincraque fort


peu d'anticosmogonistes, pour une raisontrèssimple: ils sont tous
et ce
des partisansactifsde la présomptionde culpabilité.
Toute présomptionde culpabilité- en l'occurrence,la présomption
d'inexactitudede toutesles sourcestémoignanten faveurde l'embrase-
ment- introduit,lors de l'examendes autressources pertinentes,un biais
interprétatif déformant;quand ces sources sont assez imprécises floues
et
pour se prêterà ce biais ellesdeviennentautantde « confirmations » (biai-
sées) de la et
culpabilité, quand elles ne s'y prêtentpas, elles sont écartées
ou corrigéesà leur toursans autreformede procèsen tantqu'également
« fautives» ; cerisesurle gâteau,on inventepourclorela discussiontoutun
scénarioexpliquantcommentl'erreurse seraitproduiteet propagée- com-
bien mal Platon,Aristoteou Théophrasteauraientcompristelou tel frag-
ment(alorsque tousles troisconnaissaientet l'attique,et l'ioniencentfois
mieuxque nous,et disposaientde la totalitédu livre); et en finale,une fois
que toutce qui gêneaura été éliminé,amendéou réinterprété, on obtient
un résultat cohérent et irréfutable, à la
conforme présomption initialet mais
ηayantrienà voiravech réalité.
La présomption d'innocenceou d'exactitude, elle,estlibrede toutbiais,
elle suspendson jugement,elle ne déformerien,n'adapterienà des préju-
gés et chercheà résoudretous les conflits, à levertoutesles contradictions
à davantagedesdeuxparties, en recherchant la dimensionnouvellequi per-
mettrad'identifier la cause réellede la contradictionet de la lever; et ce
n'est qu'en désespoirde cause qu'elle pourra,dans certainscas précis,

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53 (2008)315-358

conclureà l'erreurou à l'inexactitude,


tenterd'en circonscrire les raisonset
d'en extrairequand même quelques bribesd'information précieuse.
Ce que Finkelberga voulu fairedans les pages dontje viensde rendre
compte,c'est ébranlercertainesde ces «confirmations» biaisées.Mais il
n'a touchéni aux sourcesintempestivement excommuniées parles anticos-
mogonistes, ni à leur conviction profondeque ce n'est qu'en soupçon-
nant toutesnos sourcesd'incompréhension et d'erreursqu'un «critique»
chevronnépourraséparerle bon grainde l'ivraie.Dans ce qui suit,en
revanche,il nous proposeraun réexamende quelques fragments litté-
raux.J'invitedonc les sceptiquesà laisserleurssoupçonsau vestiaireet à
tenterd'aborderces textesles yeuxouverts,commes'ils les voyaientpour
la premièrefois.]

3.1 À mon grandregret, Finkelberg omettoutexamendes sourcessecon-


daires,de la doxographie:il a héritélui aussi des préjugésqui la stigma-
Les sourcesprincipalesqu'il analysesontF 31, F 67 et F 62 à F 66
tisent77.
plus quelques autrescitéesen notes.
S'agissantde F 31, Finkelbergretournemalheureusement à la «critique
de la critique»des anticosmogonistes. Il démentl'interprétation intempo-
relle(cosmologique)préconiséepar Burnetet Reinhardt,imitéspar Kirk,
(le fragment décriraitdes phénomènesmétéorologiques)et les inconsis-
tancesqui en découlent.Il note que le logosdont il y estquestionautorise
des transformations totalesd'élémentscosmiques,ce qui excluttoutecos-
mologie [mais cf. infra].Et il fournitde bons argumentsen faveurde la
récurrence cycliquede ce processuscosmique.(206-208)
Mais pourquoimalheureusement? D'abord parcequ'il le faitsi bienqu'il
seraitinutileet nuisibleque je résumeses arguments. Jerenvoiedonc le
lecteurà l'originalde son article.Mais aussi,ensuite,parceque, ce faisant,
étrangement, il oublie (exceptéles quelques phrasesqu'on trouvep. 209
n. 31) d'interpréter pour nous le textede ce fragment absolumentcapital
pour son propos,puisqu'ils'agit d'une descriptiondétailléeprécisément du
processuscosmogonique.

donc l'initiative
3.1.1 [Jereprends F 31 à la placede Fin-
etvaisinterpréter
kelberg. les
Naturellement, opinionsque j'exprimerai
n'engageront que moi.

77) Mais cf.


supraynote 60.

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(a) Solstice(s)du feu.Premièrement la mer.Et de la mer,une moitiéterre,une moitié


préster.. . (b) <Terre>en mers'épancheet se modèrededansle mêmelogostelqu'il était
avantque terrenaisse. . .78.

À F 31 onpeutadjoindre Theophr. = Τ 705,


ap. DL IX,9 [T 204.11,16-17
81 = D 57, D 60] qui en estunetraductiondoxographiquepresquecon-
forme.

(a) Le feu se condense et s'humidifie,et ainsi constitué,il devienteau. L'eau durcit


pour se changeren terre... (b) Inversement,la terrese liquéfie,d'elle provientl'eau, et
de l'eau le reste. . .

Et il convientd'ajouterégalement le commentaire
qui, chezClément,
Strom. 2-3
V, 105, [Τ 642 = D D
57, 60],accompagne de F 31.
la citation

Comment le monde est engendréet corruptible,ce qui suit l'indique [suitF 31a].
(a) En faitil veutdireque le feu... se transforme... en humidité,laquelle est comme
la semencede l'ordonnance,qu'il appelle "mer".C'est à partird'elle que renaissentla
terreet le ciel et ce qu'ils embrassent(τα εμπεριεχόμενα),(b) Comment le monde se
renouvelleet s'embrase,il le montreclairementen ces termes: [suitF 31b].Et de même
au sujetdes autresélémentsil dit la même chose.

Au départ, il n'ya que le feu(ecpyrose


supposément, [Fig.1],
précédente)
Puisle processus
cosmogonique démarre du feu.
à partir

Premier changement79: FEU > MER /Le feuse condenseets'humidifie,


etainsiconstitué, il devient eau./Le feu... se transforme... en humidité,
laquelleestcomme la semence de l'ordonnance,qu'ilappelle"mer".[Fig.2]
Toutle feuou seulement une partie?On l'ignore.Finkeiberg (ibid.)
de
parle partoffire et il a probablement raison.
Sinon on auraitimmédiate-
mentatteint le stadede la pénurietotale de feu(cf.F 65-66)dontje doute
qu'Heraclite l'aitjamaisenvisagée, carle processus auraitétébloqué80: il

78) dans SM (2006) vol. III.3.B/Í


J'ai laisséde côté les correctionsapportéesà ce fragment
et iii,carellesne concernentque la formepoétiqueet ne changent(presque)rienau contenu
du texte.
79) Le sens de « tournants » ou « changements » n'étantpas encoreattestépour tropai,Fin-
kelbergpréfère les traduire par »
«solstice(s) [pluralistantumen grec](207-208). Cela per-
metde préserver la métaphoresolairehéraclitéenne.Mais le sens de la métaphoreest bien,
quand même,turning(209 η. 30).
80) Encore
que... Ici se pose un problèmecrucialde la cosmogonieMogiehéraclitéenne:

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fautque ne serait-ce qu'unpeu de feusubsiste pourque le processusse


ou
poursuive reparte. Mais on de il
ignore quellepart s'agit.
Etpuis,comment celase passe-t-il
concrètement ? Brieger remar-
faisait
quer,il y a 104 ans,que fautede terre -
en bas elleη a pasencoreétépro-
duite- ou de sphèrecosmiqueinfranchissable, l'eaudevraitchuter versle
«bas» dansl'espaceinfini81. Nous savonsparailleursque le Toutd'Hera-
cliteétait etquesonSoleilpassaitla nuitsouslaTerre83.
fini*2 La conclusion
s'impose: leToutd'Heraclite, commele monded'Anaximandre (sansYapei-
ron),étaitsphérique:alors,lorsquela boulede feude l'ecpyrose commence
à générer c'estensoncentre
le cosmos, que se rassemblel'eau, plusexac-
ou
tement la mer(l'eaun'estpasencorenée),qu'elleproduit.

Secondettroisième changements : MOITIÉ DE MER > TERRE,MOITIÉ


DE MER > PRÉSTER.I L'eau durcitpourse changeren terre...[le
troisième changement faitdéfaut] /C'està partirde la merque renaissent
etle ciel... etce qu'ilsembrassent
la terre (ταεμπεριεχόμενα).
Ces deuxchangements [Fig.3 et4] sontsimultanés eton comprendra
pourquoi toutde suite.Le troisième est
changement mystérieux : le doxo-
graphel'ignore. Le sensat préster n'estpasclair.Maisle citateurde F 31 le
déchiffre:c'estle ciel(plus,peut-être, toutce qu'ily a entrecielet terre).
Bref,la mer,«semencede l'ordonnance», produit qui s'amasseau
la terre,
centrede la sphèremondiale, etle cielqui en occupela périphérie. Entre
lesdeuxs'ouvrel'espacequ'occuperont ultérieurement lesεμπεριεχόμενα,
un espacequi,tantlinguistiquement que conceptuellement, ne peut,par
à la
rapport terre,s'appeler autrement το
que περιέχον. Autrement dit

certainschangementssemblentspontanés,c'est-à-dire venirde l'intérieur de ce qui change


(comme ici FEU > MER). D'autres sontclairementprovoquésou en toutcas supportésde
l'extérieur:le feus'accroîtgrâceaux exhalaisonsbrillantes(DL IX, 9). Un changementspon-
tanéMER > FEU n'a pas l'air impossiblemême en l'absencede toutfeurésiduel.Mais un
accroissement du feusolairepar des exhalaisonsbrillantesvenantde la mersuppose appa-
remmentune actionpréalablede ce feusur l'eau d'où ces exhalaisonss'exhalent: pour que
l'eau se transforme en feuil fautque le feuagissesurl'eau et tired'elle les exhalaisonsdont il
s'alimentera. La grandequestionestde savoirsi des transformations tellesque FEU > MER
et MER > FEU sont des formulesabrégées(des abstractions)recouvrantdes processus
physiquesbeaucoup plus complexes,ou des « véritésmathématiques » complètes.
81) (1904) 208; SM (2008) 140.
Brieger
82)
Theophr.fr.225 Fortet al. [T 199 - Τ 201 = D 9].
83)Alex. Meteor, 72 et al. [F 4A = D 75] ; Plat RP 498 cumschol.[F 83A = D 75].
p.

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53 (2008)315-358 349

nous retrouvons là la vieilleséparationcosmo-mythologique entreGÊ et


OURANOS.
Et que devientla mer dans l'histoire? Encore une fois,il est douteux
qu'elle ait disparuà 100 %. Ce seraitabsurdequand il est questionde
cosmogenèse. Mais on ne peutpas non plustraduire« la moitié» par« moins
de la moitié».Solutionà la Salomon: ήμισυse rapporterait non à la masse
la et
totale,mais à massequi change, désignerait l'égalité la quantitéde
de
mernécessairepour produirechacunede ses deuxprogénitures : la Terreet
le Ciel. Néanmoins,les ayantproduites,elle doit encorerecouvrir toutela
Terre.Et le Feu estau plus bas.

Quatrième «changement» = diacosmèse? [Fig. 5]


Nous avons épuisé tout ce que nos sourcesnous disentde la phase
cosmogénétiquedu processuscosmogonique.Celle-ci pourtantn'estpas
encoreterminée:mer,terreet cielcommencentà interagirci à produire:les
astres,des météores,des exhalaisons,des nuages,des pluies,des vents,l'air,
des cours d'eau, des lacs, des montagnes,des grottes . . . brefle περιέχον
avecses caelestiaet autresεμπεριεχόμενα,maisaussiles terrestria, lessubter-
ráneaet (qui sait?)les marinaet submarina(Cf. DoctrinaliaI). Ce n'est
donc plus Sun ou deuxchangementsqu'il s'agitmais de tous les change-
mentsphysiquesconstitutifs de la diacosmèseaboutissantà la
et récurrents
miseen place du monde que nous connaissons.

Cinquième,sixième... changements. TERRE > MER (MOITIÉ), <MER >


FEU ?> (la suitedu textemanque) / Inversement, la terrgse liquéfie,d'elle
provient l'eau, et de l'eau le reste
. . . / comment le monde se renouvelleet
s'embrase, il le montre clairement ; et de même au sujet des autresélé-
mentsil dit la mêmechose.
Comme le montrela doxographie,c'estbien de la transformation de la
terreen merqu'il s'agitdans F 31bet l'insertiond'un motqui la désigneest
donc parfaitement justifiée(cf.F 31, Notes).D'ailleurs la phrase«dedans
le mêmelogos(rapport)telqu'il étaitavantque terrenaisse» faitclairement
allusionau ήμισυμεν. . . ήμισυδε ... de la seconde transformation. Cela
signifieprobablementque la terre doit à
restituer la mer la « moitié» que
celle-cilui avaitconcédée,autrement ditdisparaîtreelle-mêmeen tantque
terre.[Fig.4, 3 (et 2 ?) avec inversiondes flèches]
Un second problèmeest posé par l'absence de toute mentiondu feu
dans F 31b alorsque le fragment est censé montrer«commentle monde

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Fig. 1 Fig. 2

Fig. 4
Fig. 3

Fig. 5

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s'embrase». La citationseraitdonc soitincomplète, soitlacuneuse.J'ai


conjecturé pertepar haplographie πυρόθεν côté de πρόσθεν.
la d'un à
D'autressolutions sontconcevables. L'important estque le dernierchan-
gement soitMER > FEU, l'inversedu premier, la
impliquant disparition
totalede la meretde toutle reste.Et c'estsansdoutece qu'onpouvaitlire
dansl'original de Théophraste: εκ δε τούτου<το πυρκαιόμωςέκ> των
λοιπών (cf.Clem,ομοίως καιπερίτωνάλλων στοιχείων τααυτά).
C'estaussience qui concerne » quela symétrie
ce « reste entrecosmoge-
nèseetcosmophtorèse sembleincomplète. Si ce qui étaitlepréster
estdéjà
du feuetn'anulbesoinde repasser parunephaseliquide,il n'estque pro-
bable,maispastoutà faitsûr,qu'ilenailledemêmepourlesεμπεριεχόμενα:
l'air,les«cuves»,lesâmesetautresexhalaisons.]

3.1.2Aprèscettedigression, auxautres
je reviens fragments que Finkelberg
invoquepour confirmer la de
présence cyclescosmogoniques et d'une
phase d'embrasement dansla doctrined'Heraclite.
Le fragment suivantestF 67. Finkelberg conteste clas-
l'interprétation
siquequi (depuisle citateur Hippolyte) ne voitdansles quatrepairesde
contrairesque des exemplesdevant représentertouslescouplesd'opposés.
Selonlui,cescouplesdéfinissent lesparamètres réelsdu Dieu d'Heraclite.
Il en voitd'abordla preuvedansla disposition chiastiquetrèsrecherchée
qui créeunestructure
de cescontraires84 closetrèsparlante85.

JOUR(+A) NUIT (-A), HIVER (-B) ÉTÉ (+B),


GUERRE (-C) PAIX(+C), SATIÉTÉ (+D) DISETTE (-D)

Cettelisteseraitcomplèteet brosserait un «portrait»fondamental du


Dieu. Chaquecouplese composed'étatssuccessifs le
parlesquels Dieu
passerait, au coursde sestransformations
entrelesquelsil oscillerait, (cf.
Lesoscillations
alloioutai). entrejouretnuitetentrehiveretétéconnotent

84) Cf. -
Deichgräber(1962) 492 = 16; Marcovich(1967) 415 = (1978) 289; Diano Serra
(1980) 141 ; SM (1996) 349 = (2002) 339.
85)Jene
puis que me réjouirde constaterqu'un nombrecroissantde modernes,dont Fin-
kelberg,fontde plus en plus souventappel, dans leursanalysesdes fragments textuels,à un
critèretel que la formepoétique. L'importancede cetteforme,ignoréepar 99 % des cher-
cheursavantla parutiondu livrede Kahn (1979), qui n'en a fourniqu'un nombreassez
limitéd'exemples,et analyséesystématiquement par messoins (SM '996a, 1996b = 2002),
estfortbien illustréepar Finkelberg et son traitementde F 67.

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les oscillationsdu feusolaireet suggèrent que le Dieu c'estle feu.Les deux


autrescouplesdevraientconnoteraussiquelque chosede semblable.Nous
savons par Hippol. Ref.IX, 10, 7 [Τ 664,112] (contextede F 64-65)
qu'Heracliteappelaitsatiétéet pénuriedu feu les deux étatsopposés que
connaîtle monde:l'embrasement et la diacosmèse. Nous savonsparTheophr.
ap. DL 8
IX, [T 204.11,12 = Τ 705,78 = D 50, 52, D 53 = F 123B] qu'il
D
appelaitguerreet discorde l'opposé conduisantà la génération, concordeet
paix, l'opposé conduisant à la conflagration et le changement lui-même
cheminversle haut versle bas. Cette information doxographiquepréserve
elle aussiun chiasme:

GUERRE (-A) DISCORDE (-B), CONCORDE (+B) PAIX(+A)

Tout commela curieusephrased'Hippolyteibid. « la pénurie(A-) . . . c'est


l'ordonnancement du monde(B+), etla conflagration (B-),l'abondance(A+).
Les informations fournies parHippolyte Diogene n'ontpas F 67 pour
et
source, mais permettent de le déchiffreren tantqu'énumérationdes prin-
cipauxcyclescosmogoniquesdu Dieu d'Heraclite.
Conclusionde Finkelberg, à laquelleje souscrisentièrement. S'il estvrai
que guerre,paix,pénurie et satiétése rapportentchez Heraclite aux transfor-
mationsdu feu,alorspaix et satiétése rapportent chez lui à Yecpyrose. En
effet,le coupleguerrepaix dans F 67 ne peutimpliquerque soitune inter-
ruptionpériodique sans raisonapparentede la guerreentreles contraires,
soit la disparitiondes contraireseux-mêmesdans la matièreignée uni-
formede son Dieu. (209-213)

3.1.3 L'analysede F 31 nous avaitparuinsuffisante. Celle de F 67 estlumi-


neuse et convaincante.Celle des fragments F 64 et F 66, surle jugement
par le feu,correcteelle aussi quant au fond,nous sembleexcessive(nimis
probandum)s'agissantdes moyensutilisés.La thèsedéfendueesttrèssim-
ple: ces deux fragments décriventthedescentof consuming fireupon the
world,le premierfigurativement, le seconddirectement, en tantque dernier
jugementet châtimentde toutce qui existe(217). L'examendu textedes
deux fragments estconcluantet donne parfaitement raisonà Finkelberg.
Le malheurestque ces fragments figurentdans le passagela plus mysté-
rieuxdu chapitrehéraclitéen d'Hippolyte{Ref.IX, 10, 7), dansun contexte
christianisé fortembrouilléque les modernesont tentéde démêleret dont
ils ont tiréargumentpour contesterl'authenticité ou déformer le sensdes

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S. Mouraviev 53 (2008) 315-358 353

citations.Et commeil s'agitdesmêmesmodernes, Finkelberg nieen bloc


crééesparla source,et les solutionsproposéespourles
et les difficultés
surmonter, etlesarguments invoquéscontrelesfragments, alorsque seuls
cesderniers méritent réfutation.Résultat:il jetteinutilement le bébé(les
bonnessolutions) avecl'eausaledesmauvaisarguments.
J'aibeaucouptravaillé surle texted'Hippolyte etje mepermettrais d'af-
firmer que ce passagea effectivementétéobscurci paruneconfusion entre
lesphrases introductivesetlescitations s'y
qui rapportent. Jugez-en vous-
mêmes(à gauche, versiondumanuscrit (A-B-C-D-E), version
à droite résul-
tantdespermutations effectuéespar Fränkel et amélioréespar Marcovich
(A-E-C-B-D)86.

A II affirmeégalement que le jugement du A II affirmeégalementque le jugement du


mondeetde toutce qu'ilcontient se faitpar mondeetde toutce qu'ilcontient se fait
le feu,en disantainsi: parle feu,
Β [F 64] «Le timonnier» - c'està direle E Car [F 66] «touteschoses»survenant»,
-
directeurde toutesles choses,c'estla dit-il,«feujugeraetsaisira.»
Foudre».Il appelleFoudrele feuéternel.
C II affirmeaussique ce feuestintelligent C II affirme
et aussique ce feuestintelligent
estla causede l'organisationdu monde. etestla causede l'organisation du monde,
D II l'appelle[F 65] famineetabondance, Β endisant -
ainsi: [F 64] «Le timonnier»
la famineselonluic'estl'ordonnance du c'està direle directeur - de toutesles
monde,etla conflagration c'estl'abondance choses,c'estla Foudre».Il appelle
Foudrele feuéternel.
E Car [F 66] «touteschoses,survenant», D II l'appelle[F 65] famineet
«feujugeraetsaisira.»
dit-il, abondance,la famine selonlui
c'estl'ordonnance du monde,etla
conflagrationc'estl'abondance87

faitedu feuqui figure


Abstraction à gaucheil η y a qu'uneseule
partout,
entre
correspondance A et B, aucuneentreΒ et C, uneentreC et D, et
aucune D
entre et E (total2) ; alors
qu à il y en a deuxentreA etE,
droite

86>H. Fränkel ap. DK ad loc.et (1951 = 1962)441 n. 41, Marcovich


(1967) 422,424.
87)J'ometsla légèrecorrection d'unsigmafinal)qui permet
(transfert de combiner F 64 et
F 65 en unseulfragment. Cf.SM (2000) Τ 664,111, (2006) ad F 64-65(que Finkelberg
nepouvaitconnaître etqui n'aaucuneincidence sursonraisonnement). ali-
Cf.le dernier
néade l'article.

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354 S. MouravievI Phronesis
53 (2008) 315-358

uneentreE etC (jugera:intelligent), deuxentreC etΒ etuneentreΒ etD


(total6). Et le texte est devenu beaucouppluscohérent.
Si Finkelberg a éprouvéle besoinde conserverle textetransmis
d'Hippolyte, avanttoutparceque le premier
c'est moderne à en signaler
l'incohérence futReinhardt qui, imité en cela par Kirk, en profita pour
mettre en doutel'authenticité de F 6688.L'incohérence ayantentretemps
étécorrigée parFränkel, Kirka quandmêmepréféré rejeter cettecorrec-
tionen objectant;1) qu'elleestdémentie par les mots «en disant ainsi»
(λέγων οΰτως)qui annoncent une citation et rendent superflu le « dit-il»
de F 66, et 2) que F 66 lui-même ne peutpas êtreunecitation. Depuis,
Marcovich a « transposé » λέγων οΰτωςdeA enΒ (autrement ditdéplacéde
deuxmotsla limitequi sépareA de B) etsupprimé ainsila première objec-
tion.Quantà la seconde, Finkelbergrejettejustetitre(cf.infra).
la à Alors
qu'onconserve le textetransmis ou qu'onadoptela transposition de Frän-
kel- Marcovich, celane changestrictement rienà la donneetFinkelberg
n'avaitnulbesoinde la combattre. (215-216)
Parcontre, Kirka fortpertinemment notéque la totalité du passageen
-
question à commencer parl'introduction -
de F 63 dissonnait avecle
contexte d'Hippolyte : avant(F 62) et après(F 67) ce passageil estques-
tiondel'identité descontraires ; entrelesdeux,dela résurrection desmorts
etdujugement dernier. Si lepremier sujetremplit parfaitement la fonction
que lui assigneHippolyte : prouver que Noët,en identifiant le Pèreet le
Fils,imitele païenHeraclite, le secondsujet- où Hippolyte affirme son
accordavecl'opinionde ce mêmephilosophe païen - n'a rien à voir avec la
du
critique patripassianisme noétien. Le problème que cela crée n'a tou-
jourspasétérésolu: Osbornea biententétimidement (opinionà laquelle
Finkelberg se réfère sans trop insister) d'y voir une allusion à unedoctrine
immoraliste du jugement dernier professée par disciple Noët,le pape
le de
Calliste: commele feud'Heraclite ignore toute discrimination moraleet
détruittout,de mêmeCallisteremettait jusqu'aujugementdernier les
péchés de la chair commis par ses ouailles. Rien chez
pourtant Hippolyte
ne permetd'attribuer à notrepassageune quelconquefonction prolep-
tique.89Mais là aussi,mystérieuse ou pas, la pertinence hippolytienne
(antihérétique, prosélytique ou autre)du passageconsacré à l'eschatologie

88) Reinhardt(1916) 164-168, (1942) 22-= (1960) 64-68; cf.Kirk(1954 * 1962) 349-360.
89) Osborne (1987) 172, cf. 138 ; Mansfeld(1983) 224 n. 25, (1992) 242. Mansfeldrecon-
naît ici une interpretano
christiana.

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53 (2008)315-358 355

héraclitéenne n'a aucune incidencesurle sujetexaminépar Finkelberg qui


n'avaitdonc aucun besoinde la défendreaussiénergiquement. (213-214)
L'important dans toutcela pour son proposest nonpas de savoirsi oui
ou non ce passageest dirigécontreNoët, ou Calliste,mais seulements'il
cite réellementHeraclite,s'il le cite correctement et si la citationse rap-
portebienau cyclecosmique. qui Ce nous ramène aux arguments de Rein-
hardt(1916) contrel'authenticité de F 66. Ces arguments occupentquatre
pages (!) et se terminent par cet aveu : Scheidet aber diese Stelle aus derZahl
derHeraklitfiragmente so
aus, fallt damit der die
einzigeHalt, einzigewirklich
sichereGewährdafür,daß Heraklitdemstoischen Dogma vonder Weltber-
brennung angehangen habe (168). Burnet (31920) le conservepourtant.
Gigon (1935) le défend, mais supprimequand même κρίνεικαΐ (Walzer
et Diano idem). Dans son articlede 1942 Reinhardtestdéjà «plus circon-
spect» (Kirk),Kirklui-mêmeestimeque la démonstration de Reinhardt
est almostconclusive ·,mais insèrede nombreuxprobably ', rejettecertains
argumentset en rajoute d'autres (359-361). Selon lui, autre aveu, s'il
étaitd'Heraclite,F 66 signifierait quelque chose commefirehavingcome
suddenly uponall thingswill bringthemto trialand securetheirconviction,
traduction qu'on ne peutqu'applaudir,maisqui prouvecombienKirk,qui
rejettequand mêmeF 66, estbiaisépar son parti-pris anticosmogonique.
Marcovich,enfin,prend catégoriquementla défensede l'authenticité,
mais,commeBurnet,nie touteinterprétation cosmogoniqueet en propose
une « théologique» et « naïvementfolklorique ». Bollack- Wismann,Kahn
et Conche lui emboîtentle pas.90
Mais revenonsau vraisujet.Finkelberga bien raisonde ne pas revenir
surla laborieuseetparalogique91 argumentation de Reinhardt, abandonnée
par les anticosmogonistes eux-mêmes. Et il avance un argumentmassue
contreles interprétations cosmologisantes dans le genre cellesde Burnet
de
«
et de Marcovich: le participeέπελθον quantil survientsoudainement », à

90)Cf.note37 et Burnet(1920) 160-161,Gigon(1935) 130-131,Walzer(1939) , Kirk


(1954) 359-361,Marcovich (1959) 1-11,(1967) 435-437, Bollack- Wismann(1972) fr.,
Diano [- Serra](1980) 189, Kahn(1979) 272-273,Conche(1986) 299-301.Seulsces
deuxderniers reviennent à unevuemoinscontorsionnée du texte.
91)Telque le reproche anachronique d'uneconsonance tropchrétienne.Si consonanceil y
a, ce serait
plutôtla consonance de
héraclitéenne la terminologie
eschatologiquechrétienne
développée, dansdescentres parlespremiers
telsqu'Alexandrie, juifshellénisés
chrétiens,
grandsconnaisseurs etdu stoïcisme.
d'Heraclite

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53 (2008) 315-358

la manière de l'éclair(F 64), excluttoutedurabilité indéterminée du juge-


mentdu mondeparle feu.(217).
S'agissantde F 64, touten étanttoutà faitd'accordavecl'idéecen-
tralede Finkelberg - qu'il s'agittrèsprobablement d'un textecosmolo-
gique, voirecosmogonique je -, suismoins convaincu parl'interprétation
«métaphorique» qu'ilen propose.La foudreestl'armede Zeus,Zeus est
(etn'estpas: F 32) le Dieu = le Feusuprême (F 32, F 67), il estla Guerre
(F 67, F 13B = Τ 262 Chrys.ap. Philod.Depiet.7 = SVFII, 636), il dé-
signelesdieuxetleshommes, leslibresetlesesclaves(F 53), il estle Un
Sagequi possède le savoir pourgouverner (κυβερνήσαι) toutà travers tout
-
(F 32, F 41) et la forcequi maniela Foudre symbolemythologique
du pouvoirsuprême - pourpiloter(οίακίζειν) τάδεπάντα«toutesces
choses».Jeseraisplusenclinde comprendre «toutesceschoses»comme
étantlesεμπεριεχόμενα du contexte de F 31 chezClémentetnonl'image
d'unbateau(symbole du monde)frappé parl'éclair(215). Maissi,comme
je le F
crois, 64 ne fait qu'un avec F 65, oui,c'estbiend'eschatologie
alors,
cosmogonique qu'ils'agit: « C'estKeraunos qui pilotetoutcelaetc'estlui
qui provoque(καλείδε αυτός)pénurie excès»,autrement
et dit,comme
l'explique Hippolyte en termes stoïciens,diacosmèse etecpyrose.92

Bibliographie
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Conche, M. Heraclite.Fragments, Paris: PUF.
Deichgräber,Κ. 1962 = 1963. « Rythmische Elementeim Logos des Heraklit».Abhandlun-
gen derAkademie Mainz, Geistes-
und Klasse9.
sozialwissenschafilichen
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English,R.B. 1913. «Heraclitusand theSoul». Transactionsand Proceedings
oftheAmerican
PhilologicalAssociation.
44: 163-184.
Finkelberg, A. 1996. «On the Historyof the Greekκόσμος». HarvardStudiesin Classical
Philology98: 1-34.

92) Pourla conclusion


généralede Finkelberg,
que je partage,(contreKahn [1979] 135-136
et sa thèse relativeau caractèresecondairede la cosmogoniehéraclitenne),je renvoiele
lecteurà son texteoriginal.

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S. MouravievI Phronesis
53 (2008) 315-358 357

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Apostille
À mon grandregret, ce n'estmalheureusement que peu avantla lecturedes épreuvesque j'ai
pu prendreconnaissancedu remarquablearticlede Thomas Buchheim(« Feuerund Flüsse:
Überlegungenzum Prinzip des Lebens nach Heraklit» dans Georg Rechenauer [éd.].
FrügriechischesDenken. Göttingen2005) où, comme ici, il estquestiondu fluxdes âmes,
des exhalaisons,du préster,du principefeu- en termessimilaires,sous des anglesparfois
sous des aspectssouventinédits,mais invariablement
différents, - un article
intéressants
qui auraitméritéqu'on lui consacreune bonne portionde ces Doctrinalia.Je reviendrai
donc certainementà ce travaildans une prochaineétude,en m'excusantde ne l'avoirpas
faitici.

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