LITTERATURE ET HISTOIRE
questions d'histoire* et, comme cela en est indissociable, de géographie
aussi.
Pour le dire autrement, nous nous proposons ici de réfléchir & partir du
sens du « sous » ou « vrai » titre de ce livre, Genése et structure du champ lit-
téraire. Genése suppose une histoire; «structure du champ littéraire »,
Fexpression suppose ou bien qu’il y a un champ généralement observable,
ou bien qu’est sous-entendu I'adjectif « frangais » : auquel cas, il faut se
demander si, et si oui comment le méme type d’analyse s'appliquerait ail-
leurs qu’en ce pays-la. L’une et autre questions sont d’importance, puisque
la seconde partie de l'ouvrage propose les « fondements d'une science des
ceuvres », ce qui implique que les propositions en soient généralisables. Et au
fond ce sont sans doute 1 des questions que P. Bourdieu attendait, autant
que les débats ci-dessus et leur tapage. Questions qui naissent pour nous,
comme pour d’autres sans doute, de ce texte Iu en fonction de nos propres
travaux, disons, histoire et de critique littéraires : sur le xvut siécle francais
notamment pour l'un, sur la littérature québécoise notamment pour l'autre ;
et cela, non pour discuter ce qu'il dit ou passe sous silence de tels travaux,
mais parce que nous y avons fait usage de concepts ici exposés, celui de
«champ » en particulier.
*
Histoire du champ littéraire donc ; donc, en pratique : la question de V’his-
toire littéraire ; ou pour le dire encore autrement, celle de I'extension histo-
ique de la pertinence du concept de « champ ». Disons d’emblée que nous
estimons ne pas devoir remettre en débat la définition que P. Bourdieu en a
donnée, et qu'il a affinée au long d’un quart de siécle de travaux°, et que, de
méme, il a raison de s’élever contre les emplois qui galvaudent le terme et lui
enlévent son efficacité heuristique®. Pour sa part, il voit l'histoire génétique
du champ littéraire dans le x1x° sicle, et plus particuligrement dans sa
seconde moitié, autour, notamment, des positions prises par Flaubert et Bau-
delaire. Surgit évidemment, en termes @histoire, la question « et avant » ?
‘A cet égard, un petit travail sur la genése et la structure de son livre, sui
vant la voie que P. Bourdicu lui-méme propose, n’est pas inutile. Ce livre
composite est né, on le sait — et ses notes l’indiquent — de textes rédigés
dans les décennies antéricures, repris et retravaillés. Or, par un effet peut-
6tre de ce re-travail, la premiére partie et la seconde ne sonnent pas tout a
fait de méme sur histoire du champ. Il est affirmé dans l'une et l’autre que
le champ est le produit de son histoire, et qu'il n’est de science possible des
ceuvres qu’en les historicisant, et méme en une double historicisation, celle
4, D'autant que dans la tradition de la recherche en France, histoire littéraire, modble domi-
nant des études littéraires sur la durée du sidcle écoulé, et la sociologie ont, d’origine — depuis
un siécle justement — partic lige (voir pour un historique A. ViaLa, « Etat historique d'une
discipline paradoxale », Le Francais aujourd’hui, n° 72, décembre 1985, pp. 41-49, numéro spé-
cial Histoire linéraire, 1),
'5. Son article « Champ intellectuel et projet créateur », qui inaugure cette réflexion, est paru
dans Les Temps modernes en 1966.
6. Ibid., p. 254
396