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RODOGUNE 109 UNE AME EGAREE PAR LES PASSIONS Ce monologue de Cuforarns illustre & merveille un aspect du systéme dramatique de Jesse » au point d’en Corneille + des passions violentes et hautaines, exemptes de « faibl Gomebumaines, bannissent. de ame de cette reine ‘st sentiment du devoir et toute etre tase maternelle (ef. p. 110, Esquisse du conflit) ‘Cotte peinture de la grandeur dans Je crime tentait Corneille, mais ile n’apparait guére dans ses plus belles tragédies. Engin, graces aux dieux, j’ai moins dun ennemi '. La mort de Séleucus m’a vengée & demi; Son ombre, en attendant Rodogune et son frére, Peut’déja de ma part les promettre a son pére : [ls te 2 suivront de prés, et j'ai tout prepare Pour réunir bientot ce que * j'ai séparé. © toi, qui n’attends plus que la cérémonie Pour jeter a mes pieds ma rivale punie, Et par qui deux amants vont Pun seul coup du sort ro Recevoir Phyménée, et Je trone, et la mort, Poison, me sauras-tu rendre mon diadéme? Le fer m’a bien servie, en feras-tu ‘de méme? Me seras-tu fidéle ? Et toi, que me-veux-tus Ridicule retour d’une sotte vertu ‘, “Tendresse dangereuse autant co! me * importune ? Je ne veux point pour fils 1'épous “de Rodogune °, Et ne vois plus en Jui les restes de mon sang, $’il m’arrache du trone et la met en mon rang. Reste du sang ingrat @un époux infidéle, 20 Heéritier dune flamme envers moi criminelle *, ‘Aime mon ennemie et péris comme lui. Pour la faire tomber j’abattrai son apput Agi bien sous mes pas, c'est creusey WH abime Que retenir ma main sur la moitié du crime 3 Et, te faisant mon roi, c'est trop me négliger Que te laisser sur mot pére et frére a venger. Qui se venge & demi court lui-méme a sa peine : YI faut ou condamner ou couronner § sa haine. Pat le peuple en fureur pour ses maitres nouveaux De mon sang odieux ® arroser leurs tombeaux, Pit le Parthe '° vengeur me trouver sans défense, 30 fe sion} ef, v.22. — 7 De Parour de son pare, _— 1 Un ennemi de moins. — 2 Elle s’adresse Démétrius Nicanor, pour Rodoxt 3 oak Om re Micanor, pour Rodogune ; cf. ana a5 Sete mors 7 ct See | pee ieee ae Seuhaire meauraa bouts —— ‘Tappescier le ton et les termes. — 5 Eeapp. | 9 Odieux aucpieuple: =, 10 sdogune est sour A Apprécies Kementer Inse vimentersouenpress 1 de Phraatesy £0 110 CORNEILLE | Dit le ciel égaler le supplice & Poffense, | Tréne, & 'abandonner je ne puis consentir ™ ; \ f Par un coup de tonnerre il vaut mieux en sortir ; I, Il vaut mieux mériter le sort le plus étrange 12. i Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me venge **! \ | Jen recevrai le coup d’un visage remis © : \ | Tl est doux de périr aprés ses ennemis ; Et, de *® quelque rigueur que le destin me traite, Je perds moins & mourir qu’a vivre leur sujette. Rodogune, V, 1. Au moment ot Antiochus va boire le breuvage empoisonné préparé par sa mére, survient un personnage quia recueilli les derniéres paroles de Séleucts ; ces mots, ambigus. peuvent accuser ausst bien Rodogune que Ciéopdire : Antiochus est en proie d'un doute affreux. Créorarre boit la premitre et lui tend la coupe, mais les effets du poison sont si prompts que le prince comprend a temps U'atroce vérité | Cependant, par un coup de théatre saisissant, ANtIOCHUS et RODOGUNE seront sauvés, | \ Cléopatre n'a pas un élan de repentir ; sen seul souci au moment de mourir est de ne pas i | Par un supréme effort pour le perdre, Seffondrer aux pieds de cowx qu'elle hait, et qui ont triomphé de sa haine. Expirante, elle quiite la scéne, appuyée sur sa suivante, dans un dernier geste d’orgueil. Etudier dans le détail les deux passions qui enflamment le caur de Cléopétre. Comment se traduit son exaltation? Commenter en particulier les apostrophes et leur enchainement. Ciéop dtre raisonne pourtant sa conduite monstrucuse. Montrer que, d’apres elle, sa sécurité est en jeu, Est-elle humaine? Monirer comment elle repousse une timide révolte des « tendresses du sang ‘A quoi tient, selon vous, la grandeur tragique de cette attitude monstrueuse ? Relever quelques exempies frappanis de Péloquence cornélienne oye eye is conflit Une phrase de Corneille déja citée (cf. Action extraor- aqussss kau of dinaire) nous offre un premier apergu du conflit tragique, | qui oppose « Fimpétuosité des passions aux lois du devoir et aux tendresses du sang». ) llest aisé d’appliquer cette définition A ses principales tragédies. Dans extrait ci-des- sus, la passion effrénée du pouvoir étouffe chez Cléopitre le sentiment maternel, pour ne pas dire tout sentiment humain. Dans Horace, la passion patriotique fait taire chez ce personnage non seulement l'amour (sa femme Sabine est originaire d’Albe) et Paffection pour ses beaux-fréres, mais jusqu’aux « tendresses du sang », puisqu'il tue y sa sour, coupable davoir souhaité la perte de Rome; chez Curiace, l'amour s‘incline, & | Tegret, devant le devoir patriotique. Le Cid oppose Famour partagé de Rodrigue et de Chiméne a leur devoir, qui consiste, pour l'un comme pour l'autre, & tout faire pour venger son pére. Dans Cinna, Auguste est partagé entre son désir de vengeance et la Uémence, devoir d'un souverain, Polyeucte lutte contre son amour pour Pauline pour satisfaire au devoir du chrétien : faire d Diew le sacrifice de toutes les affections terrestres. inal le conflit type est provoqué par une situation exceptionnelle, mais, si impor- { Fe ee eet Be iperipeties de Paction, il 6clate dans Péme du héros, partagé entre une passion et son devoir (ou la voix de la nature). Et, le plus souvent, c'ggt le devoir qui ~ & \ Pemporte. Pourtant ce schéma n'est qu’approximatif + il nous faudra ir sur cette quedtion quand nous aurons étudié la psychologic du héros cornélien (cf. 114). : ig te quite, —- 12 lroner peice te sens 2-41 Pion haut, ale scdne @ de Pacis at | BaprSsite'vers suivant: 13 Sommenter = ear Ra baat BE AGT g sou reac on | 14 Seiein atin reminus + détenduy. — 15. Se nee MSCs demon car faa ue | Apps Le senate DOM JUAN 207 « L’hypocrisie, vice privilégié » Dans cette tirade, ce: ra st auteur lui-méme que nous entendons. Lané dans la bataille du Tartuffe (cl-p.175), Moliere saisit'oceasion de dire leur fait ases aaversaires, On étudiera Gans. quelle messes cette peinture satirique de Phypocrisie trouve son application dans le Tartuffe et son illustration compiémentaire dans la lutte de Moliére contre la « cabale ». (DoM Juan, V, 2). SGANARELLE : Quoi? vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien? Dom Juan : Et pourquoi non? Il y en a tant d’autres comme moi, qui se mélent de ce métier, et qui se servent du méme masque pour abuser le monde! SGANARELLE : Ah! quel homme! quel homme! Dom Juan : Il n’y a plus de honte maintenant a cela : Phypocrisie est un vice a la mode, et tous les vices 4 la mode passent pour vertus. Le personnage * @homme dé bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession Whypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui? V'imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on ro n’ose rien dire contre elles Tous les autres vices des hommes sont exposés a la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais Phypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche a tout le monde *, et jouit en repos dune impunité souveraine. On lie, 4 force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti ‘, Qui en choque § un, se les jette tous sur les bras; et ceux que Pon sait méme agir de bonne foi la-dessus, et que chacun connait pour étre véritablement touchés *, ceux-la, dis-je, sont toujours les dupes des autres; ils donnent hautement~dans~le panneau-des~grimaciers;~et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagéme, ont rhabillé 7 adroitement les désordres de leur 20 jeunesse, qui se sont fait un bouclier di manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’étre les plus méchants hommes du monde *? On a beau savoir leurs intrigues et les connaitre pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’étre en crédit parmi les gens; et quelque baissement de téte, un soupir mortifié, et deux roulements d’ycux* rajustent dans le monde tout ce qwils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais jaurai soin de me cacher et me divertirai 4 petit bruit, Que si je viens a étre découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intéréts & toute la cabale 1°, et je serai défendu par elle envets et contre tous. Enfin c’est 14 le vrai moyen 30 de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions @autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Des quune fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai™ le vengeur des intéréts du Ciel *, et, sous ce prétexte commode, je pousserai !* mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchainer contre eux des zélés indiscrets — 1 Le réle. — 2 Dont. Cf. App. C, 1. — « frane scélérat» rite du Misanthrope 3 Songer a interdiction du Tartuffe, — 4 Allu- 10 ll vise be panticaien Ie Conga (v. 127). — 10 I vise en particuli e sion a la « cabale des dévots » (cf. p. 175). — | gnie du Saint-Sacremene (cf. Se en 5 Heurte, atteint. — 6 D’une foi sincére, comme | Jouera! le role de. —- 12 L’expression « les Orgon. — 7 Réparé. — 8 Allusion possible au | insérézs du Ciel » revient souvent dans Tavtuffe prince de Conti (cf. p. }» qui, d’aprés cer- 13 Berai reculer. — 7 . fains, scaait visé dans Dom Juan. — 9 Cl le ai Feculer, — 14 Dévots sinceres vaa's sans discernement, 208 MOLIERE qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, gui les accable- ront @injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi quill faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siécle. SGNANARELLE : O Ciel! qu’entends-je ici? Il ne vous manquait plus que d’étre hypocrite pour vous achever de tout point, et voila le comble des abominations, 40 A ces raisonnements cyniques, le pauvre SCANARELLE ne peut opposer que des arguments stupides, une série incohérente de proverbes et d’absurdités. Das la scéne suivante, Dom Ivan, refuse hypocritement d Dom Carlos, frére d’Elvire, de réparer ses torts : comment reprendrait-il sa femme puisqu’il se retire du monde? « J’obéis & la voix du Ciel », dit-il, Mais voici la statue DU CoMMANDEUR qui Vinvite d lui donner la main. Sans trembler, Don Juan tend sa main : aussitét son corps « devient un brasier ardent » et il est précipité dans les abimes au milieu d’un fracas de tonnerre. La « philosophie » Peut-on parler avec Brunetiére d’une « philosophie » de Moliére de Moligre? Plutét qu’une doctrine organisée, il faut ‘ voir dans les tendances surtout pratiques de sa morale un « art de vivre » issu de son tempérament et de son expérience. I. LA « JUSTE NATURE ». La grande régle est pour lui la nature, qu’il faut préndre au sens classique de bon sens et raison, platot qu’au sens du naturalisme du xvimt® siécle. Une divinise pas instinct et les désirs, mais il pense qu’il y a'des instincts raisonnables et des passions qui ne sont pas forcément funestes. Vouloir les méconnaitre, c’est s’expo- ser A des échecs. Arnolphe, Armande, M. Jourdain, Alceste méme voudraient braver la nature : elle ne tarde pas a reprendre ses droits. Par goiit de la « juste nature », Moliére, comme Boireav, s'attaque a tous les déguisements, A tous les excds : déguisement littéraire des précieux, déguisement des bourgeois en gentilshommes, des femmes en haschlews:fausse science des médecine, excts de la franchise (Alcesto) ou de la dévotion rgon). Il s'attaque enfin a Phypocrisie-avee Tartuffe, et- surtout avec DomJuan,.qui est Wabord contre nature (« un monstre dans la nature >) et fnit par devenir un hype- crite comme Tartuffe. I. LE CONFORMISME DE MOLIERE.-On-lui-a-reprochésa-_morale_du_« juste miliou », ses formules platement conformistes : « Toujours au plus grand nombre on doit Saccommeder »; il vat mieux soulfrir etre au nombre des fous « Que du sage parti se voir seul contre tous » (Ecole des Maris). « La parfaite raison fuit toute extrémite Bl veut gue on soit sage ave strié (Le Misanthrope), Les personnages ql ataque gesagt farisent par leur affectation, leur aveuglement, leur exets, et c'est. au nom du bon sens Bourgeois qu'il le couvre de’ ridicule, Aussi Rousseau Vaccuse-til de plier Iachement devant la société, de vouloir corriger non les vices, mais les ridicules; -Vouraine voit en ew leislateur des bienséances du monde >: sutant dire qu'il n'est pas vraiment moraliste. ee Fae : $i Morttne, en effet, est souvent conformiste, c'est qu'il croit a la nécessité dune morale sociale; mais il faut éviter de sous-estimer cet idéal de sagesse raisonnable, cette Voie moyenne chére & MONTAIGNE et dont Vace’s n'est pas toujours si facile! Il lui Wnloe Duilleurs de proposer une morale plus relevée : Vidéal de la « femme @esprit > qui agit en pleine conscience (p. 205), celui d’Elmire si parfaitement maftresse d’elle- Meme (Taruuffe, LV, 3) rejoignent la morale aristocratique des « gens libéres » dont parle Rantiais (XI'Ié Siéele, p. 69). Le Misanthrope, ou Phomme vertneux devient ridicule Farce ql est as «sage avec sgbreté » peut passer & premiere vae pour «le triomphi Eu public », selon le mot de R. Fernandez; mais n’y a-t-il pas aussi toute une satire de la société par Avcesre, qui parait bien étre sur ce point linterpréte de Molitre? Le dénouement, of se dégage habituellement le sens de ses comédies, n’a rien de confor- miste : crest une sécession. ‘Trahi de toutes parts, aceablé dinjustices, Je vais sostir d'un gouflre ov triomphent ies vicer frien a a fiz de ‘ce of la vertu oxtréme a été bafouée, nous entendons la protes- Fae oe eee ieee cette amare vérité morale : la vertu vt fe siete sont inconciliables, Et chercher sur la terre un endroit écarté Oudétre homme @honncur on ait ia liberté, espérait encore conquered, a nesee (ef. prévenir la colére de de Phédre. Plein dj Phédre, en mais elle a . 295 P tir Vamour WHippolyee ) aceable E accable Pipne, au moment of lle r ¢ elle est résignée & mourir. Mais, pour Exons accuse Hippolyte d'avoir attenté ‘a Phonneur are hares chasse son fils et supplie Neptune de le chatier. pprend de Tree? Vent disculper le'jeune homme, et peut-dtre s'accusers _bésée lui-méme qu'Hipronyre se prétend amoureux d'Arici ‘ur ses lévres, et son silence condamne « l'ingrat ». La scéne sui aussi un véritable josey 4¢, {a Jalousie la plus compléte quill y ait dans Racine, Crest maximum de tenue daow pittéraire : le poste atteint au maximum d’émotion avec le ans le style. (Phédre, IV, 6, 1218-1280.) PHEpRE : none, qui?’ CGENONE : Comment? PHEDRE : de Thésée, ‘areur, proie au remord: i edit cru? j’avais une rivale. Hippolyte aime, et je n’en puis douter. Ce farouche ennemi qu’on ne pouvait dompter, Qwoffensait le respect, qu’importunait la plainte, Ce tigre, que jamais je n’abordai sans crainte, Soumis, apprivoisé, reconnait un vainqueur : Aricie a trouvé le chemin de son coeur *. CENONE : Aricie? PHEDRE : Ah! douleur non encore éprouvée! A quel nouveau-tourment-? je mesuis.réservée! Tout ce que j’ai souffert, mes craintes, mes transports ts La fureur de mes feux, l’horreur de mes remords *, Et @un refus cruel Pinsupportable injure N’était § qu’un faible essai ° du tourment que jendure *. Tis s’aiment *! Par quel charme * ont-ils trompé mes yeux? Comment se sont-ils vus ? Depuis quand? Dans quels lieux ares Tu le savais !*. Pourquoi me laissais-tu séduire "*? De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m’instruire ? Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher? Dans le fond des foréts allaient-ils se cacher ? Heélas! ils se voyaient avec pleine licence **. 20 Le ciel de leurs soupirs approuvait innocence ; Tis suivaient sans remords leur penchant amoureux aes: Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux a2 i é a é rn — stéricux- __ 1 précised 16 ton de corte réplique. — | tou de stupeur. — 9 Pouvoir mystérieu, 2 Forure: = 3 Violente agieation, — 4 Cf. | Que tradulcent js auestiont, MIT v. -60). Commenter cette peinture de ‘Crest un trait de tumiére : on l'a OO oe, B, 204 (v- 5U60) Conon, 5 Pour accord, | 12 ‘Tromper, —~ 13 Libe Ta Pesci, 16 EA Oke a ea sR | diapres ces évocations, fe reve AMOUFEN OT cheep. #2. 76 bauches eee ihies == | ror kesexpliquer sasoufionse, — 23°F ce Oe mE eee iP cee mar aur ar | me wis omnvennniee He ce rice RACINE ‘oi, triste rebut de la nature entiere, x mae cachais au jour, je fuyais la lumiere ; La mort est le seul dieu que j’osals implorer. J’attendais le moment ou jrallais expirer; Me nourrissant de fiel *°, de larmes abreuvée, | Encor dans mon malheur de trop prés observée, Je n’osais dans mes pleurs me noyer a loisir 5 Je gotitais en tremblant ce funeste plaisir ; Et sous un front serein déguisant mes alarmes, TI fallait bien souvent me priver de mes larmes +”. CENONE : Quel fruit recevront-ils de leurs yaines amours ? Als ne se verront plus. PHEDRE : Ils s’aimeront toujours *°. Au moment que '* je parle, ah! mortelle pensée! Ils bravent la fureur d’une amante insensée. Malgré ce méme exil 2° qui va les écarter *1, Ils font mille serments de ne se poit quitter. Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m’outrage **, Gnone. Prends pitié de ma jalouse rage, Il faut perdre ** Aricie. Il faut'de-mon époux Contre un sang odieux réveiller_le courroux. Quw’il ne se borne pas 4 des peines légéres : Le crime de la sceur passe ** celui des fréres. Dans mes jaloux transports jé- le veux implorer. ~~~ Que fais-je? Ou ma raison se va-t-elle égarer *5? Moi jalouse! et Thésée est celui que j’implore! Mon époux est vivant, et moi je brile encore! Pour qui? Quel est le coeur ott ** prétendent mes veeux? Chaque mot sur mon front fait dresser mes cheveux. Mes crimes désormais ont comblé la mesure. Je respire a la fois Pinceste et ’imposture *7. Mes homicides mains, promptes 4 me venger, Dans le sang innocent brdlent de se plonger. Misérable! et je vis ? et je soutiens la vue - De ce sacré soleil dont je suis descendue **? Jai pour aieul le pére et le maitre des Dieux *?; Le ciel, tout l’univers est plein de mes aicux. Ou me cacher? Fuyons dans la nuit infernale. Mais que dis-je? mon pre y tient Purne *° fatale; . 30 40 50 60. 16 Le fiel est amer Image a | Les fréres d’Aricie avaient dispuré le tréne gel. Cf. Ap: 27 Préciser cette doubie faut= ia fille de Minos et, de Pasiph He “Ju soleil. — 29 Zeus, 9% 3g Ou les inges tpasent lew de Thésée. — 25 Etudier ce retour 290 £ sort; dit-on, a Minos juge aux Pa mi ses ceva . ain en ses severes mains : Pe, : 's tous les pales humains... pone, la conscie be, i antrainges mais elle ne peat sce implore ta clémence divine et maudit (ENowe: qui Va Git DERNIER ACTE, on Epprond ¢ oudre d sauver HIPPOLYTE en montrant son innocence A Or pur des roche eer ‘Enone s'est noyée et qu Hippouyte a trouvé la mort, fae Fanta. lie Rar Son attelage efrayé par un monstre marin. PukDRE parait enfin, mpoisonnée et, avant de mourir, vient staccuser devant Thésée. 1, Distinguer 1 at y Ria leans fre hae pgm «Analyser les sentiments qui conduisent & Pidée de » perdre Arici » 4 Gaal cer Peta eee ates a propre suffrance et gute satendyit su elle-mime. 4. Quel est Peat esprit de Phidre @ partir du vers 47? Qu éprowe le specrateur a som dard, Etudiey | a) L’harmonis nie fa compostion foique fa cponianene de legen) fa jeaux. Montrer comment la versification traduit le désarroi de Phédre LES TORTURES Pour une ame passionnée, la jalousie est un eruel DE LA JALOWSIE supplice. Mais divers traits de leur psychologic 7 condamnent les héros raciniens 1 ajouter encore & leurs souffrances. Dans les affres de la jalousie, ils deviennent les bourreaux d’ews-mémesy victimes de leur lucidité, de leur imagination et de leur orgueil. _ 1, LUCIDITE. Dans les longs monologues oft ils serutent impitoyablement leur cur, ils cont experts & discerner toutes leurs raisons de souffrir, toutes les nuances de four ow. We eolkicamione + V. 1; Roxane : IV, 5, v. 1205-1330; Mithridate : TV, 5; Phédre : IV, Set 6, cf. extrait ci-dessus). 3. IMAGINATION, Cette douleur devient presque physique lorsau'ils évomuerty dcia Paek la plus eoderéte, ce bonheur partagé dont ils sont exelus, qui lear est vote: de Ta facon Mine insulte a ces souffrances dans les entretiens dHippolyte aver Ariciey \ Phedre }ianocence méme de leur amour (v. 1235-1250) =~ ‘Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux, Et moi, triste rebut de la nature entiére, Je me cachais au jour, je fuyais la lumiére. °| Oubliant que Phymen qui se prépare est un. supplice pour Andromaque, Hermione dit QiPyrrbus (wv. 1327-13285 of. aussi v. 1375-1879) : ‘Vous veniez de mon front observer la paileur Pour aller dans ses bras rire de ma douleur. nucilleuses, c'est une atroce humiliation e-ci leur est souvent inférieure par le ‘Andro- ‘Ata- 3, ORGUEIL. Enfin, pour ces héroines ore dense voir préférer une rivale, dautant que ee ‘ de Se. WSyrthus délaisse Hermione, princesse grceave, Pow we captive troyenne, rang i Bajazet méprise Roxane, toute sultane ‘lle est, et n'a d’yeux que pout made. qutre part, on svest vainement, abaiss¢ evant Te rebelle, on ’a imploré (Her- Tide Roxane, Phedre) : comment le lui pardonney maintenant? ° rane» Ftourments de la jalousic, les femmes sont particuligrement sensibles : pourtant Mithridate, views guerrier farouche quis fait trembler les Romains, ressent le méme MiuMfice, et nous me sommes pas tentes de rire de ce vieillard amoureux. La jalousie rend le héros impitoyable pour sort rival et pour Pétre aimé comme pour Tuiemé:ne. I! Tout faire Cr eT Autant quil soulire. Alors méme qu’elle s6.cra)° Ie pour Andearaaque (Ei, 4)y Yaeme: dvavoir ete aimée) LA FUREUR - JALOUSE se moutre ext? ‘atre aizaée (Hermione po ant est vr se) © tat tet aene, Gamble dincuaselen 2. Phedre sone 0) 7020 Gerald Hyguctaedy suane 6 Matce same, "T2000 La scene 6 de Pacte | est souvent appelée les stances du Cid. Percé jusques au fond du cceur D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle, Misérable vengeur d'une juste querelle, Et malheureux objet d'une injuste rigueur, Je demeure immobile, et mon ame abattue Céde au coup qui me tue. Si prés de voir mon feu recompensé, © Dieu, létrange peine ! En cet affront mon pére est loffensé Et 'offenseur le pére de Chiméne ! Que je sens de rudes combais ! Contre mon propre honneur mon amcur s‘intéresse : Il faut venger un pére, et perdre une maitresse: L'un m’anime le cceur, l'autre retient mon bras. Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, Ou de vivre en infame, Des deux cétés mon mal est infini. © Dieu, l'étrange peine ! Faut-il laisser un affront impuni ? Fautil punir le pére de Chiméne ? Pére, maitresse, honneur, amour, Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gluire temie. L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour. Cher et cruel espoir d'une Ame généreuse, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Fer qui cause ma peine, M'es-tu Gonné pour venger mon honneur ? M'es-tu donné pour perdre ma Chiméne ? Il vaut “aieux courir au trépas. Je dois 4 ma maitresse aussi bien qu'a mon pére ; Jiattire en me vergeant sa haine et sa colére ; Jattire ses mépris en ne me vengeant pas. A mon plus doux espoir !'un me rend infidéle, Et l'autre indigne d'elle. Mon mal augmente a le voir guérir ; Tout redouble ma peine. Allons, mon ame ; et puisqu'il faut mourir, Mourons du moins sans offenser Chiméne. Mourir sans tirer ma raison ! Rechercher un trépas si mortel Endurer que l'Espagne impute a ma mémoire D'avoir mal soutenu I'honneur de ma maison ! Respecter un amour dont mon ame égarée Voit la perte assurée | N'écoutons plus ce penser suborneur, Qui ne sert qu'a ma peine. Allons, mon bras, sauvons du moins "'honneur, Puisqu'aprés tout il faut perdre Chiméne. Oui, mon esprit s'était dégu. Je dois tout 4 mon pére avant qu'a ma maitresse : Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je ai regu. Je m'accuse déja de trop de négligence : Courons a la vengeance ; Et tout honteux d'avoir tant balancé, Ne soyons plus en peine, Puisqu'aujourd'hui mon pére est loffensé, Si l'offenseur est pére de Chiméne. Ama gloire !

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