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LA CHANSON DE ROLAND La bataille reprend, toujours plus acharnée : cent mille paiens s'enfuient. Mais ils sont aussit6t remplacés par des troupes fraiches, des noirs d’' Ethiopie conduits par Voncle de Marsile, Marganice. Ce dernier frappe Olivier par derritre, en plein dos. La mort d’Olivier rect amitié, digne des épopées antiques (Cf, Achille et Patrocle ; Nisus et Buryale), nous vaut Tépisode le plus humain, et peut-étre le plus émowvant, de la CHANSON. Ces deux ames farouches figuvent des mots d'une extréme délicatesse, dans leur simplicité, pour se dire leur estime et leur affection, avant de se séparer. Roland surtout montre une douceur, une * gentillesse » que nous 2e Tui connaissions pas ; auteur a youlu traduire physiquement Mintensité de sa douleur. Ila peint avec un admirable réalisme les derniers moments ¢ Olivier Oliver sent qu'il est a mort nasfret. De lui venger ja mais ne li ert sex. En la grant presse or i fiert cume ber, ; Trenchet cex hanstes e cex escux buclers ne dA 5 E piex e poinz e seles e costex. Ki lui veist Sarrazins desmembrer, ae § Un mort sur altre geter, u De bon vassal li potist remembrer. : Lrenseigne Carle n’i volt mie ublier : 10 « Munjoie!» escriet ¢ haltement e cler. Rollant apelet, sun amie sun per : « Sire cumpaign, a mei car vus justex! A grant dulor ermes hoi desevréz. » Rollant reguardet Oliver al visage : 15 Teint fut e pers, desculuret ¢ pale. Li sanes tuz clers par mi le cors li raiet : Encuntre tere en cheent les esclaces. «Deus!» dist li quens, « or ne sai jo que face. Sire cumpainz, mar fut vostre barnage f 20 Jamais wiert hume ki tun cors cuntrevaillet. livier sent qu’il est blessé A mort, Jamais il ne sanrait agsez se venger. En pleine mélée, maintenant, il frappe comme un baron. Il tranche les épicux et les houcliers et les pieds ct les poings ct les selles et les poittines. Qui Vaurait vu démembrer les Sarrasins, abattre un mort sur un autre, pourrait se souvenir d’un bon vassal. I n’oublie pas le cri de guerre de Charles: javen : a « Monjoie! », crie-t-il, & voix haute et claire. Il appelle Roland, son ami et son pair: « Sire compagnon, venez done prés de moi : 8 grande douleur nous serons aujourd’ hui séparés. » CXLVIIT. Roland regarde Olivier au visage : et pale. Le sang tout clair lui coule les caillots. « Dieu | vaillance fut votre il est bléme et livide, décoloré par le milieu du corps : sur la terre tombent dit le comte, je ne sais plus que faire. Sire compagnon, votre malheur ! Jamais il n'y aura homme d’aussi grande valeur. (2) De lui venger = de se venger. La forme | (12) Car + impératif = done (rend Vexhor- forte (lui) remplace le réfigchi soi (lui = | tation plus pressante. Cf. v. 41). — (13) Jui-méme). — (6) Ki tut veist = le (cp. : «je| grant dulor = avec (maniére). — (18) que face Vai vu faire» et «je le lui ai vu faire = subj. deliberatif (que faire). Gitonegele bof | LA MORT D'OLIVIER aaa ee ee aR a>, Btude du texte original * Etude du texte 0Ve-—— A. — Le FRANGAIS VIENT DU Latin I. Expliquer le traitement de la partie du mot latin en italique : + bonum > bon (8); mértem > mort (1); préssam > presse (3); sillas seles (5); pea > apelet (11) ; dolérem > dulor (13), dlaris S clers (16) ; edrpus > cors (16) ; terran > tere (17). JI b: érimus > ermes (13); ae > altre (7); re + * condscere > reconoistre (29); céllocat > culchet (49). . =, Ill b: tone > remembrer (8); diraménte > durement (50), Comparer ambos dios > ansdous (47) avec ambas > ambes (51). 1: Déminum déum > Damnedeu (40). : a \VIII: grandem > grant (3); préssam > presse (3); corpus > cors (16) 5 nullus > nuls (29) ; pdartem > part (70) ; téstam > teste (33). : : IX: sdtis > sez'(2), pdrem > per (11); clérus > clers (16); mé > mei (12) [fr: moi]; érit > iert (20), férit >' fiert (3), amicum > ami (11) , yélet > volt (9) [anglo-normand pour euell]; baro > ber (3); * vedet > veit (60) [fr voit] ; pédes > piex (5); cdr > coer (55) [anglo-normand pour cuer — francais: ceeur]; dolérem > dulor (13) et dulur (66) [0, graphies anglo-normandes du son ou) ; amérem > amur (45) ; super > sur (7) (anglo-normand pour sor) ; aérum > or (31). z X : manum > main (51) , cémes > quens (18) , #num > un (7). XI a: vindicdre > venger (2) [anglo-normand pour vengier] ; jacére > gesir (61). > XI b : médium > * miei > mi (16) ; précat > priet (52) ; hddre S “hoi (13) [anglo-normand pour fii], éculi > oil (27) [anglo-normand pour wil}; Iéngius > loinz (28) ; * condscere > conoistre (29). XII a? caballum > cheval (24); cédunt > cheent (17) {l’anglo-normand réduit ie & e]. — XI] c: vdsta > guaste (21). XII a: chdunt > cheent (17) ; paradisum > pareis (52) ; * précat > prict (52) ; caballum > cheval (24) ; - b Comparer companio > cumpaign (12) [pron. compat) et companiénem > cumpaignun (30). XIIL c: séllas > seles (5), hominem, > hume (29) [anglo-normand pour home], damndticum > damage (23), gemmatum > gemet (31). XIV a: hdble)r(e) habet > ‘avrat (23 = aura); de -+ * séperatos (= separatos) > desevrez (13) ; Altum > halt (50 = haut). Expliques de meme comment colp (34) > coup ; dulce (21) > douce. XIV c,d: dmbos > ans’ (47) ; remémorare > remembrer (8) ; remin(e)r(e) hibes >'remendras (21), re + * condsc(e)re > reconoistre (29). II. Expliquer entirement les mots suivants : séllas > seles (5) (VIII, XII c, II a] ; mica > mie (9) [IX, a térram > tere (17) [VIII XIII o, IL a}; oblit(um) Are ® debe eso anal? normand pour oblier, cf. V, XIV a, IX, XIII, III b] ; appéllat.> apelet (11) [V, XII ¢, VIII, 1a] ; érimus > ermes (13) [VIII, II'b} ; mortalem > mortel 2g) [V, IX, II a]; amare > amer (37) [V, IX, [1 a}; mullam > nule (38) | [VIIL, XII] c, IT a) ; atidio > oi (9) (1X, XIII a, IT aj. | * Sienes_,gomentonnels: 2, it) — 6. s. = eas sujet, co rs = eas ségime devenu. — Chiftre arabe = vers 8 (ou ligne |— Le trait vertical sur une voyelle indi a 8), — Ia = ef. Grammaire (fin du volume). | place de accent tonique. eat fo ag LA CHANSON DE ROLAND E! France dulce, cun hoi remendras guaste De bons vassals,’ cunfundue e desfaite ! Li emperere en ‘avrat grant damage. » A icest mot sur sun cheval se pasmet. 2s As ous Rollant sur sun cheval pasmet E Oliver ki est a mort naffret. Tant ad seinet li oil i sunt trublet. Ne loinz ne prés ne poet vedeir si cler Que reconoisire poisset nuls hom mortel. 30 Sun cumpaignun, cum il Pat encuntret, Sil fiert amunt sur Pelme a or gemet, Tut li detrenchet @ici que al nasel ; Mais en la teste ne P'ad mie adeset. A icel colp Vad Rollant reguardet, 35 Si li demandet dulcement ¢ suef ? « Sire cumpain, faites le vos de gred? ‘Ja est co Rollant, ki tant vos soelt amer! Par nule guise ne m'aviex desfiet ! Dist Oliver : « Or vos of jo parler. 40 Jo ne vos vei, veied vus Damneden! Ferut vos ai, car le me pardunez ! » Rollant respunt : « Jo wai nient de mel. Jol vos parduins ici ¢ devant Deu.» ‘A icel mot Vun a Valtre ad clinet. 45 Par tel amur as les ous desevred. ‘Ah! France douce, comme aujourd’hui tu resteras dépouillée de bons vassaux, confondue et déchue | L’empereur en aura grand dommage. » A ces mots, sur son cheval, il se pame. CXLIX. Voila Roland, sur son cheval, pamé, et Olivier qui est blessé & mort. Ila tant saigné que ses yeux sont troublés. Ni loin ni prés il ne peut voir assez diair pour reconnaitre homme mortel.'Il rencontre son compagnon et le frappe Sar ee heaume gemmé dor : il le Tui tranche jusqu’au nasal, mais il n’a pas Stunt la téte, A ce coup, Roland I'a regardé et lui demande doucement, a Gcalement : « Sire compagnon, I'avez-vous fait exprés ? C’est moi, Roland, qui ace gime tant! Vous ne m'aviez pourtant pas défé!» Olivier dit : YMaintenant je vous entends parler. Je ne vous vois pas : que le Seigneur Dieu sous vole | Je vous ai frappé, pardonnez-le-moi ! » Roland répond : « Je n’ai pas tie mal, Je vous pardonne ici et devant Dieu. » A ces mots ils s’inclinent Pun vers Yautre. C’est en tel amour qu’ils se séparent. ‘vos parduins » (43) et «ne jo nel (ne le) te (20) + ton corps — toi — (27) Que consé | forsfis » (65). — (43): Les formes me, te, $6, le cul peut tre omis aprés tant ou si, —| pouvaient s‘appuyer sur le mot précédent et Gi) Qu'il puisse reconnaitre... — (37) Soelt =| perdre leur voyelle finale : Jol = jo le (43) i 2 Ouine! (solet). — (41) le me pardunez :| Sil = si le (58); Nem = ne me; Nel = ne hoter Pordre des pronoms, cf « Jol (je le) | le (65). wide e eo LA MORT D'OLIVIER B, — ParticuLariT#s GRAMMATICALES I. L’orthographe n’est pas encore fixée. Le scribe essaie de reproduire les sons par certaines lettres, mais ne s"impose pas toujours les mémes conventions. Comparer : Sire cumpaign (12), Sire cumpainz (1g et Sire cumpain (36) ; dulor (13) et dulur (66). ‘Bxercice : Cherchér, de méme, deux mots écrits différemment, aux vers 24 et 68 ; 2 et 20 ; 21 et 30 ; 30 et 33 ; 42 et 65 ; 60 et 66 ; 1 et 26. — Trouver, dans le vers 40, deux orthographes différentes du méme mot. PARTICULARITES DU DIALECTE ANGLO-NORMAND : a) Le son o est généralement noté par un w: comparer tux (16) et ous (12) avec YVAIN, Complainte des tisseuses (p. 69) : tox (1) et vos (16). 4) L’infinitif de I*® conjugaison est en—er, au lieu de la forme courante en —ier, Comparer « venger » (2) et « mangier » (p. 69, V- 6)- II. Cas sujet et cas régime : 1. Emplois normaux du cas sujet : — Sujet : Li sanes (16) [c. s. sing., cf. XVII a] ; Hi oil (27) [c. s. plur., cf. XVII a] ; H emperere (23) [c. s. sing., sans s final, cf. XVIL b]. — Attripur pu sujer: «more est li quens » (57) [c. s. sing., cf. XIX a] ; «li oil li sunt trublet » (27) [c. suj. plur., cf. XIX a. — AposrRopHE ; Sire compaign (12) [c. s. sing., cf. XVII c]. 2. Emplois normaux du cas régime : — Ct p’osjer pirecr : «un mort sur altre geter » (7) [c. r. sing., XVII al. — Ct DE Nom, SANS PREPOSITION : « L’enseigne Carle » (9) [= de Charles]. — Ct CONsTRUIT AVEC UNE PREPOSITION : « de bons vassals » (22) [c. r. plur., cf, XIX a et XVI la] ; « sur sun cheval » (24) [c. r. sing.]; « en la grant presse » (3); «a grant dulor » (13) 3, pat tel amur » (45) ; [remarquer, dans ces trois derniers exemples, le féminin de V'adjectif sans e final, cf. XIX b]. 3. ‘Triomphe du cas régime sur le cas sujet [ef. XVI Comparer « mort (c. r. sing.) est sun ami» (60) et « mors (c. s. sing.) est li , ou encore « Ui oil (c. s. plur., cf. XIX a) li sunt trublet » (27) et « les te li turnent » (47). ET DE C. R.: « nuls (c. 8.) hom (c. s.) mortel » (c. r.) Liber » (c. 8.) [vers 58]. A quel cas devrait étre chacun quens » (5) oilz (c. r. plu Corieux més [vers 29] et « Rollant (c. Ge ces deux énoncés ? Txercices ; 1. Expliquer Pusage régulier des formes : tuz (c. s. vers 16) et tut (c. r, vers 32) [déclinaison, XIX a} ; cumpaign (c. s. vers 12) et cumpaignun (c. x vers’54) [aéclinaison XVIT q. : iy ‘2. Les noms propres Oliver, Rollant sont toujours au cas régime. Relever les phrases ot ’emploi de ces noms au cas régime est régulier, et celles ot il faudrait le cas sujet (Olivers, Rollanz). ILI, Emploi du subjonctif + veist (6) et poiist (8) : aurait vu, aurait pu... Dans les phrases hypothétiques on trouve en ancien francais limp. du subj. 12 ol nous employons le conditionnel (et, dans la subordonnée par si, Pimp. ou le plus-que-parf. de Vindic.). C’est un souvenir du Jatin. LA CHANSON DE ROLAND Oliver sent que la mort mult l’angoisset. Ansdous les oils en la teste li turnent, Loie pert e la veiie tute ; Descent a piet, a la tere se culchet, so Durement halt si recleimet sa culpe, Cuntre le ciel ambesdous ses mains juintes, St priet Deu que pareis li dunget E beneist Karlun e France dulce, Sun cumpaignun Rollant sur tuz humes. 35 Falt li le coer, le helme li embrunchet, Trestut le cors a la tere li justet. Morz est li quens, que plus ne se demuret. Rollant li ber le pluret, sil duluset ; Jamais en tere n’orrez plus dolent hume. 60 Or veit Rollant que mort est sun ami, Gesir adenz, a la tere sun vis. Mult dulcement a regreter le prist: «Sire cumpaign, tant mar fustes hardiz! Ensemble avum estet e anz e dis, 65 Nem fesis mal ne jo nel te forsfis. Quant tu es mor, dulur_ esi que je AL icest mot se pasmet li marchis ‘Sur sun ceval que cleimet Veillantif. Afermet est a ses estreus d'or fin : 70 Quel part qu'il alt, ne poet mie chair. vif.» CL. Olivier sent que la mort l’étreint, Les deux yeux lui tournent en Ia téte, il perd Pouie et toute la vue ; il descend de cheval, se couche contre terre. Péniblement, & haute voix, il dit sa coulpe, les deux mains jointes vers le ciel ; il prie Dieu de lui donner le paradis et de bénir Charles et France la douce, et son compagnon Roland, par-dessus tous les hommes. Le ceur lui manque, son heaume s'incline, tout son corps s’étend & terre. Il est mort, le comte ; il ne @attarde pas plus longtemps. Roland le baron le pleure et le regrette : jamais, sur terre, yous n’entendrez homme plus accablé de douleur. CLI. Roland voit que son ami est mort, gisant Ia face contre terre. Trés doucement, il se prit & dire son regret : « Sire compagnon, c'est pour votre fnalheur que vous fates hardi ! Nous avons été ensemble et des ans et des jours : tu ne me fis jamais de mal, et jamais je ne t’en fis. Quand tu es mort, c'est douleur que je Vive. » A ces mots, le marquis se pame sur son cheval, qu’il nomme Veillantif. Mais il tient ferme sur ses étriers d’or fin : ott qu'il aille, il ne peut pas tomber. = (57) que = car (cf. Appendice, fin). — 1 = «Vétreint & la gorge » (ef. | 61) adenz : ef. « sur les dents ». — (62) regreter (46) Vangoisset anghinse) = (gr), Cette construction est Péqui-| le: le est et de regreter. — (66) Passage aoa dun ablatif absolu latin, — (s2) Si = et| brusque du «vous» au tutoiement, courant Br sil — si le — et le ), — (53) Karlun = | au M. A. — (69) Dans cette laisse & assonance ef. (oF. 38 Ee caer, le helme ; © t. pour c. s, | en i comment devait se prononcer fin? LA MORT DE ROLAND P " : Se garder de croire que le passage du latin au francais s’explique toujours aussi simplement. On se heurte parfois a des obstacles irréductibles, car toutes sortes d’actions viennent perturber les « lois » phonétiques : influence savante, place habituelle du mot, analogie avec d'autres mots, dissimilation, etc... | LES MOTS D'ORIGINE ETRANGERE AU LATIN SONT RARES: Dans notre texte, vassal (8) est d'origine celtique ; et les mots helme (55: heaume), estreus (69 : Gtriers), et nasfret (1: blessé, cf. navré) sont de source germanique. * It ne reste plus que trois hommes vivants, contre quarante mille qui n'osent les approcher Roland sonne du cor, faiblement. Lé-bas,, dans la montagne, soivante mille clairons. tui répondent : Charles galope d son secours. Ila fait enchainer Ganelon. Gautier est tué, Turpin est blessé : ROLAND reste seul. Les paiens, tenus @ distance par la crainte, lui lancent des milliers de dards, d'épieux, de lances, puis s’enfuient vers VEspagne. Roland rarige les cor rps de ses pairs devant l’ar chevéque qui les bénit avant de mourir, Mais ses Forces le trahissent : il s*évanouit. Al trouve encore l'énergie d’assommer d’un coup d’olifant un Sarasin qui voulait s'emparer de Durendal. Sentant venir la mort, il s'efforce de briser son épée, pour lui épargner de tomber aux mains « dun homme qui fuit devant un autre. » LA MORT DE ROLAND [Le potte a su ordonner les événements pour préparer cette mort de ROLAND, resté seul, s'élevant jusqu’d Dieu par un supréme effort. Ses demniers actes et ses deritres pensées nous révélent, apres les grands coups d’épée, la vie intérieure du héros. Pat sa vaillanee et son sentiment de l’honneur, il s'est mis au-dessus de ses compagnons et Dieu reconnait la valeur de son sacrifice, car c'est la foi qui nourrit la chevalerie. oland frappe contre une pierre bise, plus en abat que je ne vous sais dire. L’épée grince, mais elle n’éclate ni ne'se brise; vers le ciel elle rebondit. Quand le comte voit qu'il ne la brisera pas, trés doucement, il la plaint en lui-méme : « Ah! Durendal, comme tu es belle et sainte! Dans ton pommeau doré, il y a beaucoup de reliques : une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile? et des cheveux de Monseigneur saint Denis *, et du vétement de sainte Marie. Il n’est pas juste que des paiens te possédent : c'est par des chrétiens que vous devez étre servie. Ne vous ait homme atteint de couardise! Par vous, ro jfaurai conquis tant de vastes terres, que Charles tient, quia la barbe fleurie! Et Pempereur en est puissant ct riche. » CLXXIV. Roland sent que la mort le péndtre: de la téte, elle lui descend vers le coeur. Sous un pin® il est allé, en courant, Sur Pherbe verte, il s'est couché, face contre terre ; sous lui il place son épée et 1 Selon la légende, ces coups d’épée | siécle. — 4 Appréciez cette expression, — auraient, ouvert la «Bréche de Roland ».| 5 Montrez que ce paysage se réduit 2 quelques = 2 Pare de IEglise grecque (iv? sidcle). | éléments symboliques comme chez ‘ea Tart — 3 Premier évéque de Paris, martyr du mi | tistes primitifs, ais a 5 TRISTAN ET ISEUT Tel est notre amour: je ne puis, sans vous, éprouver de douleur ; WeUs RE Pouvez, sans moi, mourir, et je ne puis, sans vous, périr 1 i pee perir en mer, c’est que vous devez aussi vous noyer. Or, vous pouvez vous noyer en terre: c’est donc que vous étes venu en mer me chercher *, Je vois votre mort devant moi, et je sais bien que je dois mourir bientét. Ami, mon espoir est décu, car je croyais mourir en vos bras, et etre ensevelie avec vous en un méme cercueil. — Eh! si Dieu le veut, il en sera ainsi *! — En mer, ami, que chercheriez-vous ? Je ne sais ce que vous y | feriez! Mais moi, ami, j'y suis et jy mourrai; sans vous, Tristan, je | vais me noyer. Ce m’est une belle, douce et tendre consolation que ma mort vous soit toujours ignorée. Loin d'ici, elle ne sera jamais connue : je ne sais personne, ami, qui vous la dise *. Aprés moi, vous vivrez longuement et vous attendrez ma_ venue. S'il plait a Dieu, vous pouvez guérir: c'est ce que je désire le plus. Je souhaite bien plus votre santé que je ne désire aborder a terre. Mais | pour vous j’ai si tendre amour, ami, que je dois craindre aprés ma mort, si vous guérissez, qu’en votre vie vous ne m’oubliiez ; ou que vous n’ayez Yamour d'une autre femme, Tristan, aprés ma mort®. Ami, certes, je crains au moins et je redoute Iseut aux blanches mains. Dois-je la redouter ? Je ne sais. Mais si vous étiez mort avant moi, aprés vous | je vivrais peu de temps. Certes, je ne sais que faire, mais par-dessus tout, je vous désire. Dieu nous donne de nous réunir, pour que je puisse, 50 ami, vous guérir, ou que nous mourions tous deux de méme angoisse! » 4° Tristan et Iseut (v. 1487-1694). L’AMOUR PLUS FORT QUE LA MORT Voici la page Ia plus eélébre et Ia plus touchante du roman. ‘THomas se révéle iei grand artiste par la sfireté ct la simplicité de Vanalyse. Sil a éé parfois trop subtil, il se rachéte duimirablement par la diserétion de ces derniéres sctnes : les sentiments les plus forts sy expriment autant par les attitudes que par les paroles. Seule la mort pouvait servir de terme & cette passion jalouse d’absolu, en marge de toutes les conventions humaines. Si le philive n'a qu'une valeur symbolique, qui ne voit Ia portée philosophique — décevante gang doute — d’un tel dénouement 2 a La tempéte s'apaise; on hissé la voile blanche, car ’est le dernier jour du déla Tristan. Halas) He verre bas lind etie voile 24on mal Pinmobise ai palais. Pour \comble d'infortune, les éléments s‘atharnént a les séparer : eit mer c'est maintenant le calme | ef le navire ne peut approcher du rivage, au grand désespoir d’ Iseut. Sage — 1 Mane pe Fnance, dans le Lai du | un peu trop Substile, Plus 1oi Cheorefeuilie, “exprime aussi en un_distique | coupé), Gmouvant cette union totale de deux étres : | deus naufragés, ils pourraient se retrouver «Belle amie, si est de nous dans le ventre dun meme poisson! — 3 Qu'y Ni'vous sans moi, ni moi sans vous,» | a-t-il d'émouvant' dans ce dialogue fictif? 2 "Toujours le theme de Tamour|— 4 Appréciez la délicatesse de ce sentiment, | indissoluble, mais traité avec une logique | — 5 Quel est ce nouveau sentiment? s loin (dans le passage Iseut va jusqu’é imaginer que, tous ouvent, Iseyt, se plaint de. son malheur : ils désirent’ aborder, 12 au Vivagé;"Ihais ne pelivent Patteindre. Tristan en est dolent)» et'las. Souvent il se plaint, souvent il goupire pour Iseut que tant il désire +: ses yeux pleurent, son corps se tord ; peu s’en faut qu’il ne meure de désir. eaten : ¢, en cet ennui *, Iseut, sa femme, vient & lui, méditant En cetteyangogiss une rise ‘per fe! Elle dit; « Ami‘, voici Kaherdin. J’ai vu sa nef, sur_la mer, cingler > 4 grand’peine. Néanmoins, je l’ai si bien vue que je Vai reconnue, Dieu donne-qu’ilapporte une nouvelle & vous réconforter o le cur ®!» Tristan’ tiessaille 2’ cette nouvelle. Il dit a Iseut: « Belle amie, étes-vous sire que c'est la nef ? Dites-moi donc comment est la voile ?» Iseut répond: «J’en suis sfre. Sachez que la voile est toute noire’. Ils lont levée trés haut, car le vent Jeur fait défaut ® » : : is LTristan en a si grande douleur que jamais il n’en cut et_n’en aura de plus grande. II se tourne vers la muraille® et dit: « Dieu sauve Iseut et moi! Puisqu’a moi vous ne voulez venir, par amour pour vous il me faut #° mourir. Je ne puis plus retenir #1 ma vie. C’est pour vous | que je meurs, Iseut, belle amie. Vous n’avez pas pitié de ma langueur !%, 20 mais de ma mort vous aurez douleur. Ce m’est, amie, grand réconfort de savoir que vous aurez pitié de ma mort.) «Amie Iseut! » dit-il trois fois. A la quatriéme il rend esprit ". / Alors pleurent, par la maison, les chevaliers, les compagnons : leur cri est haut, leur plainte est grande. Chevaliers et serviteurs sortent ; ils portent le corps hors de son lit, puis le couchent sur du velours et le couvrent d’un drap brodé. Le vent s’est levé sur la mer et frappe la voile en plein milieu : il pousse la nef vers la terre. Iseut-est sortie de la nef ; elle entend les grandes plaintes dans la rue, les cloches des moutiers, des chapelles. Elle demande aux hommes les nouvelles : pourquoi sonner, yo pourquoi ces pleurs ? Alors un ancien lui dit: « Belle dame, que Dicu m’aide, nous avons ici grande douleur : nul n’en connut de plus grande. Tristan le preux, le franc, est mort: c’était le soutien de ceux du royaume. Il était généreux pour les pauvres et secourable aux aMigés. D’une plaie qu'il avait au corps, en son lit il vient de mourir. Jamais si grand malheur nadvint A notre pauyre peuple'® ! » la version de Tristan esteelle plus émouvante 1 Précisez le sens de ce tour archaique.|et plus dramatique? — 8 Pourquoi ces. pr 7 Sens primitif trés fort : tourment, torture. | cisions? — 9 Comment interpréter ce geste Bile a surpris la. conversation entre |— 10 Quelle idée s'exprime par. les mots Tristan et son propre [rdre, et elle sait que le | puisque... i me faut»? — 11 Expliquez le malade attend ‘une voile blanche. C'est sal sens profond de cette belle expression. — Jalousie qui lui inspire cette «ruse perfides.|12 Epuisement physique qui use lentement Montrer Thabileté de. sa ruse; souligner sa|Torganisme (cf. Maladie ‘de langueur). — perfidie. — 4 Préciser le ton. — 5 Faire voile. [13 Comparer avec le sentiment exprimé par Pero, Pourquoi ce souhait? — 7 Dans la] Iseut, p. 53, 1 17-19. — 14 Comment se Kuende de Thésée, le héros oublie’ de hisser | traduit la violence de son amour? — 13 Mon= la’ voile. blanche’ qui doit annoncer a son| trer que les éléments, semblent, obscurément, Meus pére Bgée sa victoire sur le Minotaure. | s'associer a la jalousie d'Iseut™ aux Blanches Grove son fils tué, le vieillard se jette dans | Mains, — 16 Relever les éléments pittoresqes Ta mer qui, depuis, porte son nom. En quoi | et souligner la vie de cet alinéa, | L'AMOUR PLUS FORT QUE LA MORT 3 35 | { | t 40 50 Syne ) TRISTAN ET ISpur Dés qu Iseut apprend |, : Cette mort Paccable dene Cie ce oe douleu elle ne peut dire un mot lq souffrance qu’elle va par la rue, vétements evaneasenke a I eee sFeanga Tes ales vers le palais. Les Br tons ne virent Cite, dott cle Viens cele Peaure : ils se demandent, inet veilés, "par l Schone es an ot qui elle est ®. Iseut arrive devant le corps ; elle Trice Tient * et, pour lui, elle prie, en grande pitié : « Ami 7 stan, quand vous étes mort, en raison je ne puis, je ne dois plus vivre. Vous étes mort par amour pour moi, et je meurs, ami, par tendresse pour Yous, puisque je n’ai pu venir a temps pour vous guérir, vous et votre mal. Ami, ami ! deyvotre mort, jamais rign ne me consolera, ni joie, ni liesse, ni plaisir, Maudit' soit cet rage’ qui m’a tant retenue en mer’ amt, que je-n’ai pu venir ici ! Si j’étais arrivée temps, ami, je vous aurais rendu la vie ; je vous aurais parlé doucement de l'amour qui fut entre nous ; j’aurais pleuré notre aventure, notre joie, notre bonheur, la peine et la grande douleur qui ont été en. notre amour ® : j’aurais rappelé tout cela, je vous aurais embrassé, ‘enlacé. 'Si je n'ai pu vous guérir, ensemble puissions-nous mourir®! Puisque je n’ai pu venir & temps, que je n’ai pu savoir votre aventure et que je suis venue pour votre mort, le méme breuvage 7 me consolera, Pour moi vous avez, perdu la vie, etéjagirai en vraie amie : pour; vous je veux ® mourir également. Elle Pembragsse 5 elle“s’éténd, Ini baise ia bouche et la face ; elle Pembrasse étroitement, corps contre corps, bouche contre bouche. Aussitét elle tnd lame et meurt ainsi, tout contre lui, pour Ia douleur de son ami °. Ed. F. Michel, t. III (v. 558-680). Le roi Mare, apprenant le secret de cet amour fatal, pardonne aux amants et les ensevelit dans deux tombes voisines. O merveille! une ronce jaillit du tombeau de Tristan et stenfonce dans celui d’ Iseut. Elle repousse plus vivace chaque fois qu'on la coupe : Tristan et Tseut sont unis dans la mort comme dans la vie*. 2. La mort DE TRISTAN (1. 1 422) 6) Caractire d'Iseut au rt Mains. 1 Ne pas oublier qu'Iseut est une reine, Que|— 5 Comment ees souveniss _douloureux tradult co detail? —2.N'y avtel pas un effet de| auraientale pu rendre in vie. Tritan adult entre la douleur @'Tacut et les reactions | 6 Cl. la dermére phrase du texte précedent, — Populaires? Précisez intention de Tauteur.}7 Expliquez ce terme imagé, rappel du populaires?” Précises Vinension ide Tauteur 7, Exoliquez ce terme inagé, rappel dy Guo? meurent, en réalité, ces deux étres?|— 9 Que Iui cause la mort de son ami * Lire le texte intégral dans Véd. F, Michel, 'éd. Muret (version de Beroul) ow Iéd. Bédier (version de Thomas), et le» Renouvellement « de Bédier ( Piazza) CHRETIEN DE TROYES CHRETIEN DE TROYES (1135 ?-1190 2) est un des écrivains qui ont le plus fait pour que le mot roman, qui s’appliquait & Porigine & notre langue vulgaire, en vienne & désigner certains ouvrages écrits dans cette langue Vie et Formation Ce que nous savons de lui explique en partie son wuvre par les diverses influences qu'il a subies. 1. L'INSPIRATION ANTIQUE Vinvite & la littérature amoureuse. II sait le latin ; ila écrit dans son jeune ge des adaptations des Métamorphoses et de l'Art d’Aimer d’Ovine. Avait-il, comme on le eroit, fait dans sa jeunesse un voyage en Angleterre? En tout cas il a vécu a la cour brillante de Martz DE CHAMPAGNE, fille du roi de France Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine (cf. p. 44). Sa protectrice, férue de littérature, aimant discuter de subtils problémes de sentiment, dut révéler au potte les légendes bretonnes avec leurs exploits chevaleresques et leur merveilleux féerique. II fut le premier Frangais a tirer un roman de la légende du roi Arthur (Erec et Enide), et ses autres romans se rattachent tous au cycle Arthurien. 2. L'INSPIRATION BRETON 3. L'INSPIRATION PROVENGALE : C'est encore sous influence de Marie de Champagne, séduite par la conception provengale de l'amour (cf. p. 44), que Chrétien de "Troyes consacra ses romans 4 amour et au culte de la femme. Chrétien écrit pour une société polie ott les dames tiennent une grande place. Pour elles il compose des romans ott les chevaliers, soumis aveuglément aux caprices de leur dame, réalisent pour lui plaire les exploits qu’ils accomplissaient autrefois pour leur suzerain, 4. L'INSPIRATION MYSTIQUE : A la fin de sa vie (entre 1182 et 1190), Chrétien de "Troyes est aui service du Conte pr FLanpne, qui lui procure un livre ott est contée en latin Phistoire du Graal (cf. p. 73). Il passe, toujours dans le genre romanesque et merveilleux, de inspiration galante & Vinspiration mystique, qui parait s'exprimer dans Te roman de PERCEVAL, mais sera surtout précisée par ses continuateurs. Une partie de son @uvre est perdue, notamment un L’euvre : ite ezdue, notamment un i 4 Tristan et Tseut. Les romans qui subsistent nous lemontrent le her delenens soucieux de soutenir des théses courtoises, probablement et de Vaventure sous l’influence de sa protectrice. Son théme favori est de ile ceux qui divisent éternellement [ime masculine conflit entre Vamour et le goat de l'aventure. és r sa prouesse, Ia femme aimée, puis Erec nous montre un héros qui conquiert, par sa prouesse, Ia fer s'oublie dans les douceurs de la vie au foyer. Mais accusé de licheté, méme par sa femme ser vracimirait pour ses exploits, il reprend la vie du chevalier aventureux ¢t, pour se Qe fen, ipose\a sa femme de partager ses épreuves : Vamour a cédé le pas & Vaventure LANCELOT 59 I Pac cr LANCELOT OU LE CHEVALIER A LA CHARRETTE fon chdteau de Camaalot, le roi Aevitun tient chur pléniére quand survient un chevalier tneonnu. Il a fait prisonniers des chevaliers d'Arthur et offre de les rendre du rot vient lui disputer, dans la forét, la reine GUENt Keu accepte le combat, mais on 5 Gawain, nevew du roi, part d la recherche de la.teing sen route, il préte un de ses destrieré 4 un autre chevalier inconnu, dont le cheval est Jourbu. Mais, quelque temps plus tarda trouve le cadavre de ce destrier entouré d'armes brisées, comme s'il s*était produit un violent assaut. IL astiste alors un étrange spectacle sin champion tr qu'il exige comme ottge: Le'sénéchal voit bientat revenir son cheval sans cavalier —— \ UN DEBAT « CORNELIEN » ScENE CaPITALE qui a donné son titre au roman, L’auteur, dont le récit progresse allégrement, a su, sans s'attarder, poser avec une simplicité et une netteté toutes « corné- liennes » les éléments de ce débat intérieur. Pour comprendre l'hésitation de Lancelot, songer au culte de Vhonneur, unique passion des chevalicrs dans les anciennes Chansons de Geste. Une auire passion vient ici lui disputer la pr ence. Que de chefs-d’euvre ftront désormais de ce conflit sans cesse repris p: psychologues, au théatre et fans le roman ! [! retrouva par aventure ! Te chevalier * tout seul, & pied, tout armé, le heaume lacé, le bouclier pendu au cou, lépée ceinte : il venait datteindre une charrette. La charrette était alors ce qué sont aujourd’hui les piloris : dans chaque bonne ville ott ily en a maintenant plus de trois mille, il n’y en avait, en ce temps-Ia, qu’une seule, et elle était commune — tout comme !es pris — A Ccux qui commettent meurtres. ou trahisons, aux vaincus en duel judiciaire *, et aux liFFOng qui ont eu le bien d’autrui par larcin ou qui lont pris de force sur les chemins. Qui était pris en faute était en charrette mis et mené par toutes les rues ; puis il perdait tous ses droits et n’était plus oti ala cour, ni honoré, ni fété. Parce qu’en ce temps-la les charrettes taient telles, et si cruelles, — 1 Par hasard, — 2 On apprendra, bien | quoi figurent-ils dans cette énumeération de LP i plas loin, qu'il s'agit de Lancelot, — 3 Pour- | criminels 60 CHRETIEN DE TROYES age k WS on a dit d’abord : « Quand tu verras charrette et la rencontreras, signe-toi a 5 : t n i et souviens-toi de Dieu, que | mal ne t’en advienne *. » = Le chevalier, & pied, sans“lance, aprés la charrette s’avance, gt voit tact un nain ® sur les Branieards, qui tenait, comme un charreticr, tne Des tyokinwi¥etge en sa main. Le chevalier a dit au nain : i ‘ain, pow ieu | “'dis-moi done si tu as vu par ici passer madame la reine. » Le nain, un misérable, de basse origine, ne veut pas lui en donner de nouvelle, mais lui dit : « Si tu veux monter sur la charrette que je mene, tu pourras 20 savoir dici demain ce que la reine est devenue. » Aussitét il reprend Ss route, sans Vattendre d'un pas ni d’une heure #. Deux pas seulement x S'attarde le chevalier avant d’y monter. C’est pour son malheur quiil “le fit, pour son malheur qu'il craignit la honte et ne sauta pas aussitot sur la charrette : il aura & s’en repentir ®. - : S ~ Mais Raison %, qui d’Amour se sépare, lui dit qu'il se garde bien ay monter ; elle le gotirinidnds et lui enseigne de ne rien faire ni entre- Prendre dont il ait honte ni reproche?. Ce n’est pas au ceur, mais : Sur la bouche que Raison ose lui dire cela. Mais Amour est au cceur a enclos, qui lui commande et lui ordonne de monter aussitét sur la 3° charrette. Amour le veut et il y saute, car de la honte peu lui chaut® Puisqu’Amour le commande et’ le veut. Messire Gauvain s'avance, éperdnnant son cheval, aprés la charrette. Quand il y trouve assis le chevalier, il s’en émerveille ®, puis dit au nain : « Renseigne-moi, si tu sais quelque chose de la reine» L’autre lui dit: « Si tu'te hais # autant que ce chevalier qui est assis la-dessus, monte avec lui, s'il te convient, et je te conduirai avec lui, > Quand messire Gauvain entendit ce langage, il le tint pour grande folie et dit qu’il n’y monterait pas, car ce serait un trop vilain échange que celui d'un cheval pour une charrette: « Va done ott tu voudras ; 40 jiirai ot tu iras 17, » Alors, ils se remettent en route, l'un chevauchant, les deux autres sur la charrette **. Le soir, ils arrivent A un chateau; et sachez que ce chateau était fort riche et fort beau. ‘Tous trois entrérent par la porte ; du chevalier que l’on transporte s’étonnent Jes gens, mais ils ne cherchent Pas & comprendre ; ils le huent, petits ct grands, et les vieillards et les enfants, par les rues, & grandes huées ; le chevalier entend sur lui bien des wvilenies’ et des’ mépris. Tous, demandent: «A quelle torture sera ce che¥alier conduit ? Sera-t-il é&diéhé et pendu, joyé ou bralé sur un les abstractions fnbrales “Lone “potei nites peur que... — 2 D'apres la suite | (ef. Roman de la Rose, p- 19s). yp Can ig it) pourquoi ces longues explications? —| définition de Thonneur chevalercequen 3, Noter la précision pittoresque du passage. |8 Pou lui importe la honte (tous archaique), Montrer Vaccord. entre la difformité du nain|— 9 Il s'en. étonne. Lee mot meroulit oe ct le cornctéxe infamant de cette charrette. | rattache au latin mirabilia: prodive terinace Perch g Cte Precipitation s'accorde-t-elle avec | (ef. mirari: se demander avec eonnerenyt Tarrogance du personage? Quel en est l'in-|— 10 Expliquer ce mot — is Quel trait de Leret “dramatique? — 5 Ces explications ont-| earactére te reévéle ict? —~ 12 le fente weed qlies affaibli “ou avivé Vintéret? — 6 Le] dit, tres joliment : « Ci chevaucher off ter débat prend la forme dune allégorie ot | charretent » / 50 10 PORE ET AE LANCELOT \ 61 RA fh srok : feu d’épines ? Dis, nain, Senos, toi qui le traines : en quel forfait fut-il surpris ? L’a-t-on de laréin convaincu ? Est-il meurtrier ou vaincu ?» Mais le nain garde Te silence et ne répond ni & l’un, ni a l'autre. Il méne le chevalier au chateau... Le Chevalier & la Charrette (v. 318-424). 1. Compositios : a) Un récit alerte : souliynes Penchainement et la succession rapide des épisodes. b) Une intrigue attachante : montres, depuis le début du roman (cf. analyse) avec quel art Pauteur suscite des situations imprévues gui font rebondir l"intérét, . Le DEBAT PsycHoLoGigtE : a) Montrer avec quelle habileté le romancier a préparé puis exposé ce débat.O wels en sont les éléments? 6) Sil allégorie met de la clarté dans l’analyse, ne présente-t-elle pas en revanche, des inconvénients ¢ Voir comment un probleme semblable est traité dans ‘Tristan et Iseut (p. 51 52). c) En quoi Vattitude de Gaweain met-elle en valeur le sacrifice de Lancelot ? Pourquoi Lancelot ne pourrait-il pas adopter la méme conduite ? (cf, les premitres lignes de notre extrait). 3. A quelles épreuves successives est soumis Lancelot ? Comment se comporte-t-il ? 4. Le ricir: Relever les éléments pittoresques. cent mettre le feu @ son lit !), le mystérieux que Mrieacanr, fils du roi Bademagu, il se jetterait par Aprés une nuit d’épreuve (une lance enflammée chevalier apergoit, d'une fenétre, la reine Gueniévre, emmene au pays de Gorre « d’ot nul étranger ne retourne ». De désespoir, la fenétre, si Gauvain ne le retenait. Pour atteindre le pays de Gorre, deux voies périlleuses soffrent a eux: le Pont-sous- eau, ef le Pont pr L'Brée. Gauvain prend la premiére et le « chevalier & la charrette » choisit la seconde comme la plus directe. Au terme de multiples aventures, il arrive avec deux compagnons au Pont de l'Epée. Le Pont de VEpée a Pari de npr un Heuveeftayan, un pont entre on as romancsuit & soba Crjoutable. qui sévanouit devant la résolution du heros. Mais, 4 i ee Miunigue, sachons voir fa vurité de analyse, Les dangers, les souffrances, savers la fantaisie de Mince spagnone mettent on lurnigre [a pasion de Lancelot, Le meroelleus et-méme les cranes Oe ytd morales cette hallucination symbolise les obstacles imaginaires. qui Tafeméme rere a it sevanouissent, par enehantement, devant tout homme audaciewx et résolu, Page romanesyue & soubait, oft tout trav cur droit chemin vont! cheminant, tant que? le jour va déclinant, tt arrivent au Pont de P'Epée, aprés la neuvieme heure, vers Ia soirée. ‘Au pied du pont, qui est fort dangereux, ils descendent de leurs, chevaux et voient l’onde traitresse, rapide et bruyante, noire et épaisse, aussi laide et Spouvantable que si ce fat le fleuve du diable, si périlleuse et si profonde qui nest aucune chose au monde, si elle y tombait, qui ne fit engloutie, tout comme en la mer salée *. Le pont qui est ai 1u travers était de tous autres différent : jamais il n’y en eut, it n'y bn aura, de semblable, Jamais il n’y eut, & vrai dire, si mauvais pont nisi i aise planche : une épée fourbie et blanche servait de pont sur l'onde froide ; mais l’épée était forte et roide et avait deux lances de long ; sur chaque rive était mais ne ou cette épée était clouée. Tl n’y a pas & craindre qu'elle se brise ou Glelle ploie et fasse tomber le chevalier dans le goufire : elle avait tant de résis- fince quelle pouvait porter un lourd fardeau a a ; Male ce qui décourageait les deux chevaliers qui étaient avec lui, cest qu’ils eee Ty iis vont... — 2 Jusqu’d ce que... — 3 A quoi tend cette deseription pittoresque? pESPRIT. } CouRTOIS amour pius ¥ Fore que Phonneur 8. La Prouesse Lancelot terrasse Meléagant sous les yeux de sa dame, Gueniévre, et du rot \ 10 RENARD PELERIN 93 3” ils ont gravé son épitaphe : « Sous cet arbre, en cette plaine, git Copée la seur de Pinte. Renard, qui chaque jour empire, lui fit, de ses dents grand martyre ! ». Qui edt vu, alors, Pinte pleurer, maudire et insulter Renard, et Chantecler raidir ses pattes, ett été pris d’une immense pitié, Branche I (v. 273-350, 378-432). . Montrer la variété des scénes groupées dans cet extrait. La Satire de la comédie humaine est-elle virulente ? En quoi consiste-t-elle ? Inrénér LirréraiRe : Etudier le mélange plaisant de la parodie et de observation réaliste. La parodie des chansons de geste dans la plainte de dame Pinte. « Lrempereur » dépéche Buux, Vours, avec mission de ramener le coupable. Renard, dans sa taniéve, médite un mauvais tour et alléche le messager en lui promettant de lui faire déguster des rayons de miel tout frais. Il parvient, en réalité, d lui faire prendre le museau et les pattes dans un chéne fendu par le forestier LANFROL Le forestier court chercher du renfort au village, et Brun, pour éviter d’étre assommeé, laisse dans le pidge la moitié de son museau et la peau de ses pattes. Tout sanglant, il va s'abattre aux pieds de Noble, en criant vengeance contre Renard. A son tour Tibert, le chat, est envoyé vers Renard, mais ce dernier le fait prendre dans un piége. Il consent enfin d suivre Grimbert, le blaireau, qui est toujours de son cété. Il comparait devant le tribunal. Malgré Pastuce de sa défense, Renard, accusé unanimement par les « barons », est condamné a la potence. Comment se tirera-t-il de ce mauvais pas? RENARD PELERIN- Cette fois, la satire est beaucoup plus vive. II s'agit de mettre en garde le public contre Vhypocrisie des coupables qui,échappent la justice en allant, croisés ou pélerins, faire leur salut en Terre Sainte. Nvabusent-ils pas de la crédulité publique au méme titre que Renard lorsqu’il berne adroitement le Roi et son épouse? Et d’ailleurs, reviennent-ils meilleurs de ce voyage ? 2 E un mont, sur un rocher, le Roi fait dresser la potence pour pendre Renard, le goupil : le voici en grand péril."Le_ singe lui fait la grimace ? et le frappe 4 Ia joue, Renard regarde derridre lui et voit quils viennent plus de trois, I’un le tire, Pautre le pousse : rien d’étonnant qu’il ait peur. Couard, le litvre, lui jette des pierres *, ‘ans oser Papprocher. Sous lés coups, Renard a hoché la téte ; i. éperdu que jamais, depuis, on ne ’'a revu *; ce seul ‘est blotti’dans une haie : de 1a, se dit-il, il verra “Mais c’est & tort qu’il s’y cacha, je crois: de loin, si Couard) en, fut, signe [tépouvante. Il s'est comment on féra justice. Ja encore il aura peur ®. 2 Renard se voit fort entrepris, de aud We Bw f : toutes parts lié et pris ; mais il ne perclus qui viennent Ia, tous ceux qui souffrent de Ia goutte et des dents. » — 2 Le singe et, plus bas, le lievre, gardent leur caractére — 3 Cf. La Fonraine : Le Lion — 1 Peu aprés, Couard, le lidvre, dort, sur Ia tombe de la martyre et se trouve guéri d'une Beer: Veengtn gs a Branche RVIT (Les| deve eis, (i, ua). 4, Encore une Jiatt aie de Ree) : 7 = ae ‘A quel public vous parait destiné un cette martyre est devenue une ‘est assez vive, le ‘des miracles et guérit tous les sainte qui « fait tel épisode ? of ofoe LE ROMAN DE RENARD peut trouver de ruse pour e1 récha s'‘échappe sans une trés grandé beeke alors, il fut plein de tristesse et ditau” Gone eee parler. Vouscmgyer fait Mier “etprendre, et maintenant vous voulez me pendre, sans forfait ®. Mais j'ai commis de grands péchés dont je suis fort Recabté maintenant je veux m'en repentir, Au nom de la Sainte Pénitence, je veux prendre la croix pour aller, avec la grace de Dieu, au-dela de la mer. Si je meurs la-bas, je serai sauvé. Si je suis 20 pendu, ce sera mal fait: ce ‘serait une bien 1 fésquiihe vengeance , Je veux maintenant me repentir. » Alors, il se. laisse tomber aux picds du Roi. Le roi est pris d'une grande pitié, Grimbert! revient, de gon Ste, et crie Wnisericorde’ pour “Renard : « Sire, pour Dieu, écoute-moi! “| Agis sagement : songe combien Renard est pike courtoiss. Si Renard revient d'ici cing. mois, nous aurons encore grand besoin de lui, car vous n’avex plus_hardi’serviteur®. “— Cela, dit le Roi, ne saurait etre dit. Quand il reviendrait, il serait pire ; car tous? observent cette coutume : qui bon y ya, mauvais en revient §, Il fera tout comme les autres s'il échappe & ce péril. — Si, la-bas, il ne met pas son ame en paix, sire, qu’il n’en revienne jamais.» Le Roi répond: « Qu’il prenne la croix, A la condition qu’il reste la-bas*.» Quand Renard l’entend, il est rempli de joie. Il ne sait s'il fera le voyage, mais, quoi qu’il advienne, il met la croix sur son épaule droite, On lui apporte I’échatperet le bourdon "1, Les bétes sont fort désolées : ceux qui Pont frappé, maltraité, disent qu’un jour ils le paieront. Voyez Renard, le pélerin: écharpe au cou, bourdon de fréne! Le roi lui dit de leur pardonner tout le mal qu’ils lui ont pu lui faire 2? et de renoncer aux ruses et méfaits : ainsi, s'il meurt, il sera sauvé. Renard n’a garde de refuser ce que lui demande le roi. Il Ini, accorde tout ce qu’il veut en attendant d'étre tiré de la. go I] cromipt le fétu !* yet leur pardonne. Il s’éloigne de la cour, un peu avant la neuviéme heure ', sans saluer personne; au contraire, en son coeur il les défia, sauf le Roi et son épouse,” madame. Fére,. Porgueilleuse, qui était trés courtoise ct trés belle. Elle s'adresse noblement a Renard : « Sire Renard, priez pour nous, et de notre cété nous prierons pour vous. — Dame, fait-il, votre priére me sera infiniment chére ; heureux celui pour qui vous daigneriez prier #1 Mais &i favais cet anneau > que vous portez, mon voyage en serait meilleur "7. Sachez, si vous 4 a er. Il n'est pas question qu'il 1 : Guang it yit, Segsser la potence, 4 ag Beat BEHEW,hissez-moi | 30 baton sont les insignes du pélerin. L'auteur 1 Bn quoi consiste ict Part du conteur ?| vise An fois Tes wuersigycrosés lee Pe cen asco case | eh ca eeu problime de conscience pose-t-il au) Roi ?|=— 1g Le vassal rompait un fétu pour renier BrObIHDS jsigceus spl aoutienr toujousy Renard, |(Bomaage qui ‘le, lait 4 son. selgneuc, Par son compére. — 5 Que penser de ces|suite, Vexpression signifie: rompre un lien, épithétes ? — 6 Montrer Vhabileté de ce} se stoner de. sil ‘Trois eres de Faria: ieneres > shagivl seulement de la socict | miain Crest la division Tatine de. la. journe Emile S — "8 Quelle forme efiace prend| (Freier, at.'de Potter, 143). — fal lavaacd - lontrer que le Roi Pourquoi cette arrogance ? — 1! tom= ic Insti soa Goan devin fo: Comme | mente ce langage, La reine» ailleurs un fable L’écharpe et le| pour le goupil (p. 96). — 17 Théme courtois. RENARD. EMPEREUR 95 me le donnez, que vous, gnysere” bien récompensée : jé vous donnerai, en retour, de mes joyaas “pour la, valeur de cent anneaux. » La reine lui tend Panneau et Renard sempresse ‘de le prendre, Entre ses dents, il dit A voix basse : « Certes, qui jamais ne le vit, cet anneau, paicra cher s'il veut le voir! Jamais nul ne le retrouvera » Renard a mis Panneau a son doigt ; puis il a, pris congé du roi. I] pique son cheval et s’enfuit au grand trot.2 ihre Branche I (v. 1351-1462). Faut-il qjouter que le pilerinage ext déj termind? 4 Ore hors de portée, Re gah au pasiage a assonmé Couard d'un coup de ‘bourdon, insulte Noble dt sa cour. Les bétes le cernent et accablent de coups. Crest @ grand'peine que le goupil, plus mort que vif, regagne Maupertuis. rox + Etudier Part de renverser totalement la situation au moment le plus critique. OS ioLoGtQuE | a) Montrer Uhabileté hypocrite de Renard. ss mbert et de Renard ; celui de Fe 1. ComP 2. INTERET b) Le caractére de Noble, d’aprés les discours de Gri son attitude et d'aprés le langage de Renard. 3. Inténét DOCUMENTAIRE : Exposer, @ Vaide de citations, d’aprés Jes intentions satiriques de auteur. LA PARODIE DE L’EPOPEE ‘AX centre de cette « épopée animate » se trouve la guerre du goupil ct du loup. See eee ie temps, par besoin de renouveler une matiére prés de s’épuiser et par imitation de plus en plus étroite de l'’épopée, chevalerssavie, le ton perd de sa or pete, les animaux deviennent de plus en plus de véritables hommes. » (L. Supre : Les Bee) du Roman de Renard). Cette parodie des procédés épiques nous vaut parfois des passages d’une vie intense et d'une drolerie irrésisrible ; parfois aussi l’auteur passe Ia Passes ig gaveur humoristique se dissipe devant la transposition trop complete. Renard empereur tgs et 1200). Sous la conduite du ehamean, les » pate gttrés: par des 1195 et die rayaune de Noble, qui convogue ses « barons » et se prépare Aves Bernard, I'ine, & qui Noble promet de le faire Branehe XJ (enti animaux exotiques ” aes for bataille, is sont bénis par Varchiprétre éveque. Alors, ils se mettent a chevaucher. Les ennemis ne se doutaient de rien quand Couard ®, le liévre, est tombé sur eux. Il fait un grand nombre de prisonniers. co ils étaient tous tomo és, Les ennemis poussent leur eri de ralliement : ils courent aux armes, os enPouatcl en vilaine posture, mais Tiécelin le corbeau survient, Gui hautement I’a secouru. Alors c¢ fut une farouche mélée. ‘Tiécelin tenait au Aoing son épée dont Ja lame était claire et tranchante. II frappe un scorpion et Pong ope ty téte et les pieds. Le chameau en fut fort itt | il fonce droit sur "Tiécelin et jure, par Dieu qui est la-haut, quill s'est pour son, malheur lancé siecetorpion. Alors, il ’a si durement frappé de sa patte du il Pabat, renversé, } plat contre terre *. eben eter a Premier engagement maintenant. ne manque pas d’humour (ef p. 93+ b7); ne eee bref eroquis parle-t-il & imagination ? | Remarquer le réalisme jusque dans la paradie bouffonne. — 2 Le choix de ee hérot Le « Mystére de la Passion » Joué a Paris sur le parvis de Notre-Dame, en 1937, sous la direction de Pierre Aldebert. 26, Larchange saint Michel ap- parait dans le ciel au milieu des anges. La mise en scéne, trés moderne, respecte cepen- dant la mystique du Moyen Age. Moyen Age Ph. © Giraudon 3 3 & 2 x De gauche Dame (¢f. p. 158) + la V Not TIAL LE MIRACLE DE THEOPHILE als bitce widame CeCe lamentations de Titorunue : MEVtque vient de lui retirer sa hae des siden sénéchal, ou économe). Fusque la bon chrétien, pieux et charitable. sourde oveille

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