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George Herbert Mead, L'Esprit, Le Soi Et La Société, (Édition Originale, 1934) Traduction Et Introduction de Daniel Cefaï Et Louis Quéré
George Herbert Mead, L'Esprit, Le Soi Et La Société, (Édition Originale, 1934) Traduction Et Introduction de Daniel Cefaï Et Louis Quéré
Sociologie du travail
Vol. 50 - n° 1 | Janvier-Mars 2008
Varia
Comptes rendus
Pierre Tripier
Traduction de Daniel Cefaï et Louis Quéré
p. 100-102
https://doi.org/10.4000/sdt.18700
Référence(s) :
George Herbert Mead, L’Esprit, le soi et la société, (édition originale, 1934) traduction et introduction de Daniel
Cefaï et Louis Quéré, Presses universitaires de France, coll. « Le lien social », Paris, 2006, 428 p.
Texte intégral
1 Il faut savoir gré à tous ceux qui sont à l’origine de cette traduction de mettre à la
disposition du public francophone un livre depuis longtemps épuisé et d’avoir veillé à
l’élégance de la langue, moins respectée dans l’édition précédente, datant de plus de 40
ans. Car comme le disent, dans leur introduction, Daniel Cefaï et Louis Quéré, nous
avons affaire à un livre central de la pensée sociologique où l’on trouve beaucoup de
thèmes et d’interprétations de cette discipline, comme un condensé des approches
interactionnistes des réalités collectives.
2 En quatre-vingt-cinq pages, l’introduction regorge d’informations sur le livre et son
auteur, dont le parcours intellectuel est analysé à partir de l’étude des multiples articles
regroupés en ouvrage, parus depuis sa disparition en 1931. Nous apprenons ainsi que
L’Esprit, le Soi et la Société est d’abord la transcription de notes sténographiées d’un
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cours de psychologie sociale avancée, donné par G.H. Mead en 1928. Il s’agit donc d’un
livre posthume, dont la fonction originelle est pédagogique. D’où une construction en
spirale, avec ce que cela suppose de répétitions, mais aussi de progression du plus
biologique et individuel vers le plus politique et sociétal, au fur et à mesure que le
lecteur avance dans son déchiffrement. Car le titre indique bien la répartition de
l’ouvrage en quatre parties : « Du point de vue du behaviorisme social », « L’Esprit »,
« le Soi » et enfin « la Société ». Mais cette avancée en spirale rend les démonstrations
assez complexes et conduit à traiter cet ouvrage comme un livre de chevet vers lequel il
est important de revenir souvent et par petites doses.
3 G.H. Mead s’inspire de l’état des recherches de ses contemporains en physiologie,
biologie et psychologie (en particulier Darwin et Wundt). Il établit une théorie générale
de l’ordre social qui, loin de traiter la société comme une structure, une totalité, part du
plus petit segment social possible, la relation entre deux individus, selon un
raisonnement qui se résume ainsi :
l’« atome de sociabilité », premier lien social, est schématisé par une
« conversation de gestes » dans laquelle un individu (homme ou animal) fait un
mouvement vers un second individu, que celui-ci interprète, dont il anticipe la
suite et auquel il répond. L’interprétation de la situation gouverne la façon
d’agir ;
cette conversation muette suppose que le système nerveux central ait
enregistré les informations permettant l’interprétation et l’anticipation du geste
d’autrui ;
aucune information sur le monde extérieur n’est disponible chez le nouveau-
né. La relation avec autrui constitue son stock d’informations, construit sa façon
d’être au monde, de vivre en communauté, d’agir ;
c’est sa capacité à jouer avec les règles de vie en commun, d’inventer des
réponses à une situation, d’être à la fois moi, (répondre aux injonctions de
l’« autrui généralisé », la communauté dans laquelle il vit) et je (construire, à
partir de ces réponses routinières, des actions inédites) qui distingue l’homme de
l’animal. Les conversations entre je et moi forment le soi, c’est-à-dire l’être
humain tel qu’il est effectivement.
4 Une fois finies les années d’apprentissage, les conversations entre moi et je
s’estompent. Le soi achevé s’interprète lui-même en tant que je, interprète son action
comme simple invention ou réaction à la situation, en gommant tout ce qui, dans cette
action, est redevable des interactions avec autrui, à cet immense stock de
connaissances, règles, normes, manières de voir, de ressentir et d’agir qui lui ont été,
partiellement, transmises par son entourage.
5 Ce mouvement de « naturalisation », d’« enfouissement » des règles de conduite
intériorisées préside aux interprétations individualistes de l’action, expliquant pourquoi
l’ordre social apparaît sous la forme de relations individuelles ; ordre existant avant les
individus, même si ceux-ci, grâce à leur créativité, le bouleversent.
6 La théorie de G.H. Mead explique, à partir des différentes conversations de geste qui
construisent l’atome social, la permanence et le changement dans une société ; la
permanence par le renforcement que chaque communauté donne à ses actions
répétitives en les instituant ; le changement car chaque communauté se transforme (1)
dans l’interaction avec les autres communautés (2) grâce à la créativité de ses membres,
mais aussi aux relations qu’ils entretiennent en se rencontrant.
7 G.H. Mead condense ainsi, à partir de la conversation de gestes qui nous constitue en
êtres humains, les différents chapitres que le courant interactionniste a découvert de
son vivant ou établira par la suite. Par exemple, l’importance du cadre d’interprétation
pour agir (Burke, 1945 ; Goffman, 1974 ; Suchman, 1987) l’appartenance de chaque
urbain à plusieurs communautés (Wirth, 1928) et la présentation de chacun à autrui
dans les termes qui conviennent à la communauté de celui-ci (Goffman, 1956), la
transformation de la concurrence en conflit, mais aussi en accommodement ou en
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Bibliographie
Burke, K.A., 1945. Grammar of Motives. University of California Press, Berkeley.
Goffman, E., 1956. The Presentation of Self in Everyday Life. Traduction française, 1975. Minuit,
Paris. Goffman, E., 1974. Frame Analysis. Traduction française, 1991. Minuit, Paris.
Hughes, E.C., 1958. Men and Their Work, Greenwood. Traduction partielle 1996 : Le regard
sociologique. Éditions de l’EHESS, Paris.
Park, R.E., Burgess, E.W., 1921. Introduction to the Science of Sociology. University of Chicago
Press, Chicago.
Simmel, G., 1908. Soziologie. Traduction française, 1999. PUF, Paris.
Suchman, L.A., 1987. Plans and Situated Actions. Cambridge University Press, New York.
Wirth, L., 1928. The Ghetto. Traduction française, 1980. Presses Universitaires de Grenoble,
Grenoble.
DOI : 10.1086/214333
Référence électronique
Pierre Tripier, « George Herbert Mead, L’Esprit, le soi et la société, (édition originale, 1934)
traduction et introduction de Daniel Cefaï et Louis Quéré », Sociologie du travail [En ligne], Vol.
50 - n° 1 | Janvier-Mars 2008, mis en ligne le 21 mars 2008, consulté le 17 juillet 2022. URL :
http://journals.openedition.org/sdt/18700 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.18700
Auteur
Pierre Tripier
Laboratoire Printemps (CNRS/UVSQ), 47, boulevard Vauban, 78047 Guyancourt cedex
tripier.pierre[at]wanadoo.fr
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François Vatin, Trois essais sur la genèse de la pensée sociologique [Texte intégral]
La Découverte, collection « Recherches », série Bibliothèque du M.A.U.S.S, Paris, 2005
(245 p., bibliographie générale plus index des noms cités)
Paru dans Sociologie du travail, Vol. 48 - n° 2 | Avril-Juin 2006
Daniel Cefaï
Louis Quéré
Droits d’auteur
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
https://journals.openedition.org/sdt/18700 4/4