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Sobre Leo Spitzer
Sobre Leo Spitzer
? Stylistique et critique littéraire. La réception de Leo Spitzer par la nouvelle critique française Presses universitaires de Rennes
Presses
universitaires
de Rennes
Stylistiques ? | Judith Wulf, Laurence Bougault
Stylistique et
critique littéraire.
La réception de
Leo Spitzer par la
nouvelle critique
française
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16/01/2017 Stylistiques ? Stylistique et critique littéraire. La réception de Leo Spitzer par la nouvelle critique française Presses universitaires de Rennes
Florian Pennanech
p. 4154
Texte intégral
1 On voudrait ici interroger les rapports de la stylistique et de
la critique littéraire en proposant une rapide étude de
réception élaborée dans la perspective d’une poétique du
commentaire. On s’intéressera donc à la stylistique à partir
d’un des genres par lesquels elle se réalise comme pratique,
à savoir le commentaire, considéré dans sa dimension
métatextuelle, autrement dit envisagé comme une série
d’opérations qu’un texte effectue sur un texte antérieur,
opérations qui impliquent des représentations d’ordre
esthétique, voire métaphysique et ontologique. Notre
propos, nullement normatif naturellement, n’aura en aucune
façon pour but de valider ou d’invalider de telles
conceptions, mais de contribuer à une archéologie des
filiations qui en éclairent les présupposés, faisant fond sur
l’inévitable relativité historique des modèles d’intelligibilité
requis. Dans le même esprit, il ne s’agira pas non plus de
considérer l’adéquation entre le Spitzer de la Nouvelle
Critique et le Spitzer effectif (à supposer d’ailleurs qu’il n’y
en ait qu’un) mais de se demander ce que les occurrences de
l’objet textuel « Spitzer » viennent légitimer en termes de
protocole herméneutique, ou plus concrètement, à quelles
procédures métatextuelles lesdites occurrences se trouvent
associées.
L’unité organique
2 Dans un article du Times Literary Supplement de 1963,
repris ensuite dans les Essais critiques de 1964, celuilà
même qui suscita l’ire de Raymond Picard1, Barthes écrit de
la Nouvelle Critique (qu’il ne nomme pas ainsi) : « Cette
critique française est à la fois “nationale” (elle doit très peu,
sinon rien, à la critique anglosaxonne, au spitzerisme, au
crocisme) et actuelle, ou si l’on préfère, “infidèle2”.»
Assurément, il s’agit là de radicaliser la « nouveauté » d’une
critique, dans le temps comme dans l’espace : elle ne se
reconnaît aucun héritage, ni du passé ni de l’étranger.
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Toutefois, on le sait, la circulation de la pensée de Spitzer
dans la critique thématique est en réalité un phénomène non
négligeable : ne seraitce que parce qu’il fut collègue, à John
Hopkins University, de Georges Poulet (dont il contestera
d’ailleurs l’une des Études sur le temps humain3 de 1949
dans un article de 1953) et de Jean Starobinski qui édita et
préfaça en 1970 les fameuses Études de style (la préface
étant d’ailleurs écrite en 1969 et remaniant un article de
Critique intitulé « La stylistique et ses méthodes : Leo
Spitzer4 » datant de 1964, année qui correspond à l’acmé de
la séquence historique que délimite la Nouvelle Critique).
3 On a souvent relevé la grande diversité que peut présenter la
Nouvelle Critique (incluant critique thématique, formaliste,
psychocritique et structuralisme génétique goldmannien) du
point de vue de ses méthodes, et considéré qu’elle n’avait
d’homogénéité qu’aux yeux de ses adversaires (qui
amalgamait en un tout indifférencié des auteurs aux
démarches les plus variées dans un but purement
polémique) ou de journalistes toujours prompts, par métier,
à la simplification. Or, s’il faut malgré tout trouver une unité
à cette collection de travaux, c’est précisément, et comme
ironiquement, dans l’idée même d’unité qu’on a quelque
chance de la découvrir. La Nouvelle Critique est avant tout
préoccupée de cohérence. En se fondant de façon plus ou
moins impensée sur un paradigme d’origine romantique, elle
constitue toute œuvre (ou tout ensemble d’œuvres rapporté
à l’unité d’un auteur, luimême conçu du point de vue de la
cohérence d’une vision du monde) en totalité organique. La
lecture devient dans ce cas une recherche de cohérence, de
cohésion, de convergence, attentive à l’unité plus qu’à la
multiplicité, à l’homogénéité plutôt qu’à l’éparpillement,
privilégiant la symétrie plutôt que la dissymétrie, la
constante plutôt que l’hapax, l’harmonie plutôt que la
discordance. De ce point de vue, la Nouvelle Critique est
largement tributaire du modèle romantique de
l’herméneutique : comme l’a montré Peter Szondi dans son
Introduction à l’herméneutique littéraire5, le passage de
l’herméneutique des Lumières à l’herméneutique
romantique correspond à un passage d’une herméneutique
des parties à une herméneutique de la totalité. Il s’agit, selon
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5 On retrouve le thème bien connu du cercle herméneutique :
Doubrovsky ne manque pas d’ailleurs de citer les références
inévitables, Schleiermacher et Dilthey. La reprise de ce motif
du cercle herméneutique, en particulier chez les
représentants de la thématique, est récurrente, et contraste
avec la discrétion des références faites par ailleurs à la
tradition herméneutique allemande. On doit relever que de
temps à autres la paternité du concept de cercle
herméneutique est attribuée directement à Spitzer lui
même.
6 L’association entre Leo Spitzer et l’herméneutique, elle
même conçue comme fabrique de liens (lien entre les
parties, entre la partie et le tout, entre le contenu et la forme,
entre l’œuvre et le créateur etc.) est également le fait des
représentants de la critique dite structurale ou formaliste.
Dans l’article de Gérard Genette « Structuralisme et critique
littéraire » (paru dans L’Arc en 1965 et repris dans Figures
en 1966), celuici tente un partage des territoires dans lequel
la référence à Spitzer obéit à une double fonction. Elle vient
premièrement légitimer la méthode structurale, puis fournir
les traits distinctifs d’une critique herméneutique.
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D’une certaine manière, la notion d’analyse structurale peut
être considérée comme un simple équivalent de ce que les
Américains nomment le close reading et qu’on appellerait en
Europe, à l’exemple de Spitzer, étude immanente des
œuvres. C’est en ce sens, justement, que Spitzer, retraçant en
1960 l’évolution qui l’avait conduit du psychologisme de ses
premières études de style à une critique dégagée de toute
référence à l’Erlebnis, « subordonnant l’analyse stylistique à
l’explication des œuvres particulières en tant qu’organismes
poétiques en soi, sans recours à la psychologie de l’auteur »,
qualifiait cette nouvelle attitude de « structuraliste7 ».
7 « Structuraliste » ou « structural » (la distinction n’apparaît
guère) sont donnés pour synonymes d’« immanent » (on sait
combien, dans les années qui suivent, à mesure que la notion
d’œuvre « close » ou « achevée » lui apparaît comme un
mirage, Gérard Genette prend ses distances visàvis d’une
telle association, aboutissant récemment encore à une mise
en cause définitive de l’idée même de « critique
immanente8 »). De façon inattendue, Spitzer apparaît
comme le modèle de la critique structurale et non de la
critique thématique, les deux se différenciant, non pas par la
référence à l’idée de « structure » (à cette époque, les deux
tendances de la Nouvelle Critique sont marquées par un
même organicisme) mais par une attitude opposée visàvis
du recours à la psychologie (la critique structurale se
présentant comme une critique thématique dépsychologisée,
débarrassée du sujet comme principe extérieur à l’œuvre).
L’ambivalence ici manifeste de la figure de Spitzer traduit
l’ambivalence de la critique structurale, qui peine à se
distinguer de la critique thématique. En témoigne le passage
bien connu, souvent cité dans les manuels :
Toute analyse qui s’enferme dans une œuvre sans en
considérer les sources ou les motifs serait donc
implicitement structuraliste, et la méthode structurale
devrait intervenir pour donner à cette étude immanente une
sorte de rationalité de compréhension qui remplacerait la
rationalité d’explication abandonnée avec la recherche des
causes. Un déterminisme, en quelque sorte spatial, de la
structure, viendrait relayer, dans un esprit tout moderne, le
déterminisme temporel de la genèse, chaque unité étant
définie en termes de relations et non plus de filiation.
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8 Et Gérard Genette de citer à l’appui le cas de L’Univers
imaginaire de Mallarmé9 paru en 1961 et de Forme et
signification10 de Jean Rousset publié en 1962. On se
souvient qu’il avait précédemment exprimé quelques
réserves visàvis du caractère toujours hétéroclite et fort
peu systématique de la thématique11, d’où ce nouveau
recours à Spitzer pour désigner le caractère totalisant de la
démarche (là encore, on se souvient que par la suite Gérard
Genette y verra une simple construction due à l’ingéniosité
du critique) :
Le structuralisme serait alors, pour toute critique
immanente, un recours contre le danger d’effritement qui
menace l’analyse thématique : le moyen de reconstituer
l’unité d’une œuvre, son principe de cohérence, ce que
Spitzer appelait son étymon spirituel12.
10 Le stylisticien est donc reversé du côté de la thématique.
Cette foisci, l’unité de l’œuvre dans la démarche de Spitzer
est l’unité d’une conscience, d’une conscience ellemême
conçue comme unité organique, comme réseau de relations
qui permettent de donner une nécessité à l’œuvre littéraire
en en reliant les éléments en vertu d’un système latent. En
dépit de l’ambivalence ici pointée, on voit clairement de
quelle façon la stylistique spitzérienne intervient pour
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légitimer une conception organiciste qui permet notamment
de programmer le protocole herméneutique fondé sur
l’analogie entre les parties et l’analogie entre les parties et le
tout. Jean Starobinski, on s’en souvient, a baptisé « micro
représentativité13 » ce principe de fonctionnement, qui
permet non seulement de « motiver » les parties d’une
œuvre en les rapportant à un tout, mais en outre de
« motiver » l’élément formel en en faisant l’analogon de la
totalité spirituelle.
La motivation
11 Supposer qu’il existe une relation entre forme et contenu
relève d’emblée d’une option théorique. Du point de vue qui
nous intéresse ici, celui de la poétique du commentaire, il
importe de considérer comment le métatexte va tisser des
liens entre ces deux dimensions du texte. On peut, pour ce
faire, partir de l’article de Leo Spitzer intitulé « Stylistique et
critique littéraire » et paru dans Critique en 1955. Comme
tous les articles de la revue, il s’agit d’une recension, en
l’espèce de l’ouvrage de Richard Anthony Sayce, Style in
Frenchprose. A method of analysis14. Cet article nous est
d’abord utile car Spitzer y fait le départ entre stylistique et
critique littéraire. En effet, Sayce distingue une grammaire
stylistique (« vocabulaire, syntaxe, figures et tropes »), et
trois chapitres « purement critiques » (selon Spitzer),
s’attachant à déterminer le « style d’époque », le « style
individuel », et le « bon ou mauvais style ». S’ensuit un long
commentaire de Bossuet à l’issue duquel Spitzer énonce les
principes méthodologiques suivants :
Au lieu de disperser en des chapitres divers les
caractéristiques d’un auteur, nous nous sommes efforcé de
grouper tout ce que nous avons relevé autour d’une
observation centrale, celle qu’une seule phrase de Bossuet,
citée par M. Sayce, nous avait suggérée : le lien entre une
certaine forme linguistique (la course de la phrase vers le
néant) et le contenu baroque (le desengaño15).
12 Le début de la citation nous est familier : on y retrouve le
privilège romantique de la totalité organisée sur
l’accumulation encyclopédique d’éléments isolés. Mais c’est
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surtout la fin qui doit à présent nous retenir. Le lien entre
« forme » et « contenu » indique que la forme est ici traitée
comme un signe, et plus précisément, diraiton en termes
peirciens, comme un signe iconique (on conserve par
provision le terme et la notion d’iconicité : on en évoquera
plus loin la critique par Goodman suivi de Genette).
13 Ce postulat d’iconicité, qui permet de procéder à une
herméneutique de la forme fondée sur une analogie entre
contenant et contenu, se retrouve dès que la critique
thématique entreprend d’adjoindre à l’étude des thèmes
récurrents celle des configurations verbales. Cet
élargissement de l’objet de l’herméneutique est peu ou prou
toujours placé sous les auspices de Spitzer. Ainsi, dans
Forme et signification, Rousset retracetil la généalogie des
auteurs envers lesquels il s’estime redevable en convoquant
d’abord deux figures essentielles, Marcel Raymond et
Charles du Bos, puis deux triades : Bachelard, Poulet,
Spitzer, d’une part et Picon, Starobinski, Richard de l’autre.
Dans cette économie générale, Spitzer occupe une fonction
précise, puisqu’il vient incarner un idéal pour l’étude de la
forme aux yeux d’une critique thématique qui, à l’exemple de
Georges Poulet, tend à s’en désintéresser :
Georges Poulet porte peu d’intérêt à l’art, à l’œuvre en tant
que réalité incarnée dans un langage et des structures
formelles, il les soupçonne d’« objectivité » : le critique court
le danger de les saisir du dehors.
C’est assurément ce qu’il faut éviter à tout prix. C’est
pourquoi je me retourne ici d’abord vers Marcel Raymond,
parce qu’il lui importe de saisir un langage et un
déploiement formel autant qu’une sensibilité, ensuite vers
Leo Spitzer ; ce grand philologue nous donne des modèles
d’études stylistiques établies sur l’union du mot et de la
pensée : un écart, un accident du langage, s’il est bien choisi,
trahira un « centre affectif » de l’auteur qui est en même
temps un principe de cohésion interne de l’œuvre ; tout
détail est homogène à l’ensemble ; « style et âme sont deux
données immédiates et, au fond, deux aspects
artificiellement isolés, du même phénomène intérieur ».
Conception moderne du style, qui n’est plus un instrument
impersonnel, mais tout au contraire ce qu’il y a de plus
individuel, de plus irréductible chez l’artiste, le signe même
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de sa vision ; ainsi que l’a écrit Proust, « le style est une
question non de technique, mais de vision ». L’artiste n’a pas
un style, il est son style. Sur cette conviction repose la
« méthode » de Spitzer16.
Forme du contenu et forme de l’expression
17 L’homologie entre forme et contenu, pierre angulaire de la
Nouvelle Critique dès qu’elle s’intéresse aux formes, est
souvent affirmée à l’aide d’une mention de Hjelmslev, dont
le nom voisine parfois avec celui de Spitzer. Cette co
occurrence vient toujours légitimer une procédure
métatextuelle fondée en dernière analyse sur l’iconicité de la
forme. S’il est vrai que Roland Barthes paraît plaider dans
une communication prononcée en 1969 et publiée en 197118
(époque, donc, où Barthes ne peut plus être considéré
comme appartenant à la « Nouvelle critique », mais où
nombre de ses déclarations s’inscrivent encore dans la
continuité de cette période) pour un nécessaire dépassement
de la dualité entre fond et forme, on constate qu’ailleurs, par
exemple dans un entretien paru dans Les Nouvelle
littéraires du 5 mars 1970, il ne manque pas de rétablir la
distinction, tout en la raffinant, c’estàdire en posant, à
partir de Hjelmslev, le principe selon lequel « au niveau du
fond il y a une forme du fond » (Barthes, 2002, t. III : 639).
La formule un peu énigmatique renvoie bien sûr à la
distinction, non entre forme et contenu, mais entre forme et
substance. Comme chacun sait, de même qu’il y a une
substance du contenu et une substance de l’expression, il y a
une forme du contenu et une forme de l’expression. C’est la
coïncidence de ces deux formes qui est érigée sinon en
principe, du moins en indice (« le seul critère valable de
qualité19 » écrit JeanPierre Richard en 1964), de la littérarité.
Le cas est manifeste chez JeanPierre Richard, qui après
s’être exclusivement, ou presque, préoccupé de la « forme du
contenu », en vient au fil de ses travaux à étudier par
surcroît la « forme de l’expression ». Le phénomène est
sensible dès Paysage de Chateaubriand :
L’étude intentionnelle de la « forme » rejoint l’analyse des
formes d’imagination. Ou, selon la terminologie des
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« Vraisemblance et motivation22 », par exemple, constitue la
première formulation franche de la critique des
« motivations » dans tous domaines (et notamment le
domaine de la critique). « Stendhal23 », de même, se lit entre
autres comme un congé définitif signifié à l’idée d’œuvre
achevée ou de clôture du texte. C’est surtout « Proust et le
langage indirect24 » qui comporte l’élément le plus
intéressant dans notre perspective, puisque Genette y étudie,
notamment, le cratylisme du héros, et évoque sa conception
du nom comme « unité constituée […] par la relation
d’interdépendance posée entre la forme du contenu et la
forme de l’expression » (Genette, 1979 : 241). La formule
employée dans « Raisons de la critique pure » pour
caractériser le texte sur le modèle du signe linguistique, ou
du mot total, en postulant d’une certaine manière, pour le
dire cette fois en termes saussuriens, une certaine nécessité
entre le « signifiant » et le « signifié », est reprise dans
« Proust et le langage indirect » pour désigner un avatar du
cratylisme. Or Genette se montre de plus en plus sensible à
cette question qui lui fournira en 1976 la matière d’un
ouvrage entier, Mimologiques25, où figure d’ailleurs un
chapitre reprenant partiellement « Proust et le langage
indirect ». Cet ouvrage s’efforce en particulier de montrer
combien l’idée de langage poétique comme langage motivé
relève de la « rêverie mimologique », ou plus exactement
d’un « cratylisme secondaire » consistant, étant donné
l’arbitraire des signes, à retrouver la motivation ailleurs.
C’est le cas par excellence chez Mallarmé, au plan du vers, et
l’on serait bien tenté de dire que ce l’est aussi au plan de la
« forme » ou de la « structure » chez les adeptes de la
critique thématique convertis à l’étude formelle. Spitzer n’est
pas cité dans Mimologiques : il n’en demeure pas moins qu’il
serait fort possible de l’inclure dans ce « formidable
dossier » (selon le mot de Claudel rapporté par Genette), en
partant par exemple de ces lignes frappantes où le
philologue s’enthousiasme de constater que l’étymologie du
mot « papillon » ellemême « papillonnante26 ». On y
inclurait également, du reste, le Rousset de Forme et
signification ou le Richard des Microlectures. La rêverie
mimologique semble bien pour Genette au cœur de la
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suspendre la question de savoir si certaines formes sont, ou
pas, iconiques (ou plus rigoureusement : si les textes
exemplifient ce qu’ils dénotent), et à lui substituer une
typologie des formes « iconicisables » (en fonction, par
exemple, du degré de cratylisme de l’herméneute). Ceci nous
mènerait vers une recherche des objets qui prédisposent à ce
type de lecture analogique, lecture consistant, pour
reprendre les catégories genettiennes, en un mimologisme
primaire de la syllabe ou du mot, ou en un mimologisme
secondaire des positions, des phrases (notamment les faits
de liaison et déliaison, hypotaxe et parataxe, longueur et
brièveté), et enfin de la construction du texte (par exemple
les constructions symétriques, circulaires, alternées, qui
peuvent toujours être dites « mimétiques » d’une certaine
« vision du monde », qu’il s’agit ensuite de caractériser – de
façon ad hoc, diront les plus suspicieux). Il est en outre
possible de se demander quel est le statut du recours à
l’iconicité : principe de méthode, explicite ou pas, objet
d’analyse ponctuel, ou légitimé par diverses raisons (l’auteur
ayant par ailleurs démontré une sensibilité cratyléenne ou
manifesté localement une intention de s’adonner au jeu de la
ressemblance des mots aux choses, la pulsion motivante
étant trait d’époque, ou encore un trait générique). Un
dernier élément de ce dossier ouvrirait la possibilité d’une
stylistique du commentaire, à travers l’inventaire de ses
figures privilégiées (par exemple l’antanaclase, la syllepse,
ainsi que toute figure permettant de désigner d’un même
terme les propriétés du texte et celles d’un monde qu’il
construit), la métastylistique reconduisant in fine à la
stylistique.
Notes
1. PICARD R. (1965), Nouvelle critique ou nouvelle imposture, Paris, Jean
Jacques Pauvert, coll. « Libertés ».
2. BARTHES R. (2002), « Qu’estce que la critique ? », Œuvres complètes,
éd. É. Marty, Paris, Le Seuil, t. II : 503.
3. SPITZER L. (1970), « A propos de La Vie de Marianne (Lettre à M.
Georges Poulet) », Etudes de style, Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèques des idées » : 367396.
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4. STAROBINSKI J. (1964), « La stylistique et ses méthodes : Leo Spitzer »,
Critique, 206 : 579596.
5. SZONDI P. (1959), Introduction à l’herméneutique littéraire, Paris,
Éditions du Cerf, coll. « Passages ».
6. DOUBROVSKY S. (1966), Pourquoi la nouvelle critique. Critique et
objectivité, Paris, Mercure de France : 69. L’accent sur « Léo » est de
Serge Doubrovsky. La citation de Spitzer est issue de SPITZER L. (1948),
Linguistics and literary history, Princeton, Princeton University Press :
129.
7. GENETTE G. (1976), « Structuralisme et critique littéraire », Figures I,
Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais » : 156. La citation de Spitzer est
issue de SPITZER L., « Les études de style et les différents pays », Langue
et littérature, Paris, Les BellesLettres, 1961 : 28.
8. GENETTE G. (2002), « Ouverture métacritique », Figures V, Paris, Le
Seuil, coll. « Poétique » : 739.
9. RICHARD J.P. (1961), L’Univers imaginaire de Mallarmé, Paris, Le
Seuil, coll. « Pierres vives ».
10. ROUSSET J. (1962), Forme et signification. Étude sur les structures
littéraires de Corneille à Claudel, Paris, Librairie José Corti.
11. GENETTE G. (1976), « Bonheur de Mallarmé ? » : 91100.
12. GENETTE G. (1976), « Structuralisme et critique littéraire » : 157.
13. STAROBINSKI J. (1970), « Leo Spitzer et la lecture stylistique » : 28.
14. SAYCE R. A. (1953), Style in French prose. A method of analysis,
Oxford, Clarendon press.
15. SPITZER L. (1955), « Stylistique et critique littéraire », Critique, 98 :
609.
16. ROUSSET J. (1962), Forme et signification. Étude sur les structures
littéraires de Corneille à Claudel, XVIII. La citation de Spitzer est issue
de SPITZER L. (1959), Romanische Literaturstudien, 19361956, Tübingen,
Max Niemeyer Verlag : 329.
17. ROUSSET J. (1967), « Les réalités formelles de l’œuvre », G. POULET & J.
RICARDOU (dir.), Les Chemins actuels de la critique, Paris, Plon : 107.
18. BARTHES R. (2002) : 972981.
19. RICHARD J.P. (1981), Onze études sur la poésie moderne, Paris,
Éditions du Seuil, coll. « Points Essais » : 10.
20. RICHARD J.P. (1967), Paysage de Chateaubriand, Paris, Éditions du
Seuil, coll. « Pierre vives » : 165.
21. GENETTE G. (1979), « Raisons de la critique pure », Figures II, Paris,
Éditions du Seuil, coll. « Points Essais » : 1920.
22. GENETTE G. (1979), « Vraisemblance et motivation » : 7199.
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23. GENETTE G. (1979), « Stendhal » : 145193.
24. GENETTE G. (1979), « Proust et le langage indirect » : 223294.
25. GENETTE G. (1976), Mimologiques. Voyage en Cratylie, Paris, Le
Seuil, coll. « Poétique ».
26. SPITZER L. (1970), « Art du langage et linguistique » : 4578.
27. GENETTE G. (1979), « Langage poétique, poétique du langage » : 123
153.
28. GENETTE G. (2004), « Style et signification », Fiction et diction, Paris,
Le Seuil, coll. « Points Essais » : 187.
29. CAHNÉ P. (1994), « Qu’estce que la forme ? », Qu’estce que le style ?,
MOLINIÉ G. & CAHNÉ P., Paris, Presses universitaires de France, coll.
« Linguistique nouvelle » : 6369.
Auteur
Florian Pennanech
© Presses universitaires de Rennes, 2010
Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540
Référence électronique du chapitre
PENNANECH, Florian. Stylistique et critique littéraire. La réception de
Leo Spitzer par la nouvelle critique française In : Stylistiques ? [en
ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2010 (généré le 16
janvier 2017). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/40052>. ISBN : 9782753547049.
DOI : 10.4000/books.pur.40052.
Référence électronique du livre
WULF, Judith (dir.) ; BOUGAULT, Laurence (dir.). Stylistiques ?
Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes,
2010 (généré le 16 janvier 2017). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/40041>. ISBN : 9782753547049.
DOI : 10.4000/books.pur.40041.
Compatible avec Zotero
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