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Pratiques : linguistique, littérature,

didactique

La conversation au théâtre
André Petitjean

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Petitjean André. La conversation au théâtre. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°41, 1984. L'écriture théâtrale.
pp. 63-88;

doi : https://doi.org/10.3406/prati.1984.1298

https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1984_num_41_1_1298

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PRATIQUES n° 41, Mars 1984

LA CONVERSATION AU THÉÂTRE

André PETITJEAN

"Une pièce est une conversation ". C'est ainsi que L. Jouvet définit le
théâtre. (Témoignages sur le théâtre, Flammarion, 1952, p. 115). En effet,
l'écriture dramatique est fondamentalement d'essence conversationnelle, sous la
forme de séquences de répliques, prises en charge par des agents (les
personnages) en interaction (1). Empruntant mes exemples au répertoire classique et
contemporain, je voudrais décrire ce fonctionnement sémantico-pragmatique
du dialogue théâtral. Dans un premier temps, je montrerai qu'il est pour une part
fonctionnellement assimilable aux dialogues d'une conversation ordinaire. Je
montrerai ensuite qu'il s'en distingue aussi radicalement car il est le produit d'un
travail d'écriture et d'une contextualisation textuelle.
1. DIALOGUE THÉÂTRAL ET CONVERSATION ORDINAIRE
L'illusion réaliste - elle a longtemps dominé le discours critique
contemporain sur le théâtre - lui prête une volonté de reproduction mimétique de la
parole quotidienne qui en ferait sa valeur. Or, même s'il s'agit d'un leurre, on le
verra, on peut comprendre que cette illusion soit particulièrement efficace au
théâtre dans la mesure où le dialogue théâtral et la conversation ordinaire
partagent les principaux points communs suivants:
1.1. L'unité de base de la conversation est le tour de parole, leur
alternance obéit à des régularités.
1.2. Les prises de parole sont étroitement dépendantes du statut symbo-
lico-social des interlocuteurs.
1.3. Converser c'est toujours mettre en jeu la "face" des interlocuteurs.
1.4. Les conversations peuvent être structurées par des opérations plus
vastes (raconter, argumenter...)

(1) Comme Marie-Annick Morel ("Vers une rhétorique de la conversation", DRAVL no 29, 1983,
je dirai qu'il y a conversation quand 1) le discours se présente comme une construction effectuée
par au moins deux participants. 2) Chacun des participants se reconnaît et reconnaît à l'autre
(aux autres) le droit, voire le devoir, de contribuer à la construction de cet objet-discours."
Transposée sur la scène théâtrale, la conversation ordinaire se fait dialogue selon la convention
du genre. Conscient de la dualité du texte théâtral (texte et représentation), je me suis
cependant limité, dans cet article à l'étude de l'écriture textuelle. Pour ce faire, je me suis servi des
théories linguistiques les plus sensibles au langage en situation : théories des actes de langage,
analyses conversationnelles, principes interaction istes.

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1.1.
Le dispositif de base du texte théâtral est une énonciation duelle selon
laquelle " un seul partenaire parle à la fois" et qui se fonde sur la réversibilité
d'un Je et d'un Tu d'un Nous et d'un Vous à l'intérieur de "tours de parole"
successifs.
Ismène : " Mais que puis-je ?
Antigone: Décide si tu m'aides
Ismène: A quoi ?
Antigone : A soutenir le mort
Ismène: Tu veux l'enlever malgré le roi ?
Antigone: Oui. J'enterrerai mon frère et le tien..."
Cocteau, Antigone, Folio, p. 14.
A partir des analyses de conversationnalistes tels que H. Sacks, E. Schegloff, G.
Jefferson (2) on peut dire:
1) que l'unité de base d'une conversation est le tour de parole.
2) que l'alternance des tours de parole obéit à certaines régularités
(modes d'ouverture et de clôture d'une conversation, développement d'une
conversation, passation de la parole...).
1.1.1. Les tours de parole
La plupart des échanges conversationnels se présentent sous la forme
d'une suite de "tours". Ils sont généralement brefs (à moins qu'il y ait
délégation de la parole pour raconter une histoire, par exemple) et peuvent prendre des
formes linguistiques variées (mot, phrase simple ou complexe, silence...)
(T1) "Vladimir: Tu aurais dû être poète.
(T2) Estragon : Je l'ai été.
(T3) (Geste vers ses haillons). Ça ne se voit pas?
(T4) Silence."
Samuel Beckett, En attendant Godot, p. 1 7
Unité interactionnelle, le tour de parole présuppose:
— Un contact entre les partenaires sous la forme d'un partage minimum
de connaissances communes du monde et de la langue qui permettent l'inter-
compréhension des propos tenus.
— une "réciprocité" des partenaires de l'échange verbal sous la forme
d'obligations de coopérativité qui facilitent l'interprétation des comportements.
On peut donc distinguer deux niveaux de fonctionnement de la
conversation : 1) le niveau sémantique où s'analyse la cohésion thématique entre les
tours de parole, (leurs contenus propositionnels).
2) le niveau pragmatique où se décrivent les comportements des
interlocuteurs pendant les échanges, (leur valeur illocutoire).
L'appropriété thématique
Dire qu'un tour de parole B est co-textuellement approprié à un tour de
parole A nécessite la présence d'une cohésion sémantique qui veut que les
contenus propositionnels de A et de B soient thématiquement reliés à un
macrothème intégrateur de la conversation (la maladie, les voyages, l'actualité...).
(2) Pour un résumé de leurs thèses lire, en anglais, Malcolm Coulthard, An introduction to
discourse analysis. Longman 1977 (en particulier le chapitre 4 intitulé " Conversational analysis ")
et en français C. Bachmann, J. Lindenfeld, J. Simonin, Langage et communications sociales,
Hatier 1981, (en particulier le chapitre 6 intitulé "L'analyse de conversation".

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J'ajouterai qu'une conversation peut être thématiquement homogène
ou hétérogène (cas le plus fréquent) et que, selon l'apport des communicants et
leur mode de participation, elle est à thème constant ou totalement éclaté.
C'est ainsi que la pièce de Jean-Claude Grumber, En revenant dl'Expo
s'ouvre par une conversation dont le thème dominant, l'électricité, est
interrompu momentanément par le thème des femmes orientales:
Eugène : l'Electricité, chapeau bas devant l'Electricité française !
...un homme pointant son doigt vers une rangée de
projecteurs :
l'Homme: Vise Lucienne, c'est de ces grosses casseroles là-haut que
sort l'Electricité.
Lucienne: Ne regarde pas comme ça, voyons, tu peux tomber aveugle
d'un coup.
Une femme: Quand même, ils auraient pu couvrir leurs danseuses!
Eugène : Ce sont des Orientales...
La femme : De belles salopes vos Orientales oui...
Une jeune femme, Sybèle (à Eugène) :
Pardon, Monsieur, ne pensez-vous pas que toute cette
électricité puisse nuire à la vue de l'enfant...
J.C. Grumber, En r'venant d'I'Expo, p. 15
Certains tours de parole (ex. question/ réponse, affirmation/ réfutation...)
favorisent une thématisation linéaire
Vladimir: Tu as lu la Bible?
Estragon : La Bible... (il réfléchit). J'ai dû y jeter un coup d'œil. (Godot, p. 16)
et connaissent une interdépendance thématique forte. Ce qui conduit Schlegoff
à baptiser ces énoncés " paires adjacentes" en leur attribuant les
caractéristiques suivantes:
— ils sont en position de succession immédiate
— ils sont produits par les locuteurs différents
— ils sont disposés dans un ordre qui veut que le premier "oriente" le
second et que le dernier soit relié au premier de façon " pertinente ". Ce principe
de base explique qu'une phrase placée en position de suivre une question est
interprétée comme une réponse ou qu'une phrase déclarative peut être
comprise comme une question indirecte.
Estragon : J'ai faim
Vladimir: Veux-tu une carotte?
Estragon : II n'y a pas autre chose?
Godot, p. 30

L'appropriété communicative
Comment expliquer que l'affirmation " J'ai faim " soit perçue comme per-
tinement reliée à la question "Veux-tu une carotte?". Il faut supposer que dans
un échange conversationnel, il existe des contenus littéraux (soumis à des règles
sémantiques et syntaxiques stables) et des contenus dérivés (actualisables
seulement dans une situation contextuelle donnée: intentions, inférences,
allusions, sous-entendus...). Ainsi "J'ai faim", selon les circonstances peut sous-
entendre (entre autres significations) 1) " donne moi à manger ", 2) " tel est mon

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état". 3) "Passons à table". Pour que Vladimir réponde "veux-tu une carotte"
et non pas " moi aussi ", "j'ai froid " ou " allons-y ", il faut qu'il se soit livré à un
calcul interprétatif sur l'intention de communication d'Estragon. Pour que ce
calcul réussisse, il faut admettre qu'il possède une compétence
conversationnelle qui est linguistique (construite par les règles constitutives de la langue)
mais aussi beaucoup plus que linguistique et comprenant des savoirs sur le
monde (une carotte se mange), des savoirs sur la situation (Vladimir a des
aliments), des savoirs sur l'interaction (affirmer peut servir à demander)... Calcul
confirmé par la réplique d'Estragon " il n'y a pas autre chose ? " puisqu'elle
présuppose qu'il a déjà demandé " quelque chose ". On retrouve ici un des axiomes
énoncés par P. Watzlawick (P. Wajzlawick, J.H. Beavin, DD Jackson, Une
logique de la communication, Points Seuil, 1979) qui dit que toute communication
est structurée à un double niveau : le message communiqué (le contenu) et la
pertinence communicative (la relation). " Le premier transmet les " données " de
la communication ; le second dit comment on doit comprendre celle-ci ". (p. 50).
Toute conversation étant soumise à des enjeux interactionnels, on peut, à tout
moment, se demander si un tour de parole ne sert pas à en cacher ou à en
amener un autre, quel est le sens d'une rupture thématique ou d'un silence prolongé
(épuisement du thème ou désaccord indicible ?). En vertu de cette
surdétermination des contenus par la relation et de l'existence, à ce niveau, de principes de
convivialité conversationnelle, la réduction du tour de parole à une simple
ponctuation des propos de l'autre, (" non ") ou le questionnement systématique des
présupposés existentiels qu'ils sous-entendent (" le quoi " ? " de quoi " ?) seront
perçus comme un manque d'intérêt pour le thème de la conversation ou comme
un refus de converser.
Vladimir: Ah oui, j'y suis, cette histoire de larrons. Tu t'en souviens?
Estragon : Non.
Vladimir: Tu veux que je te la raconte?
Estragon : Non
Vladimir: Ça passera le temps. (Un temps). C'étaient deux voleurs, crucifiés en
même temps que le Sauveur. On...
Estragon : Le quoi ?
Vladimir: Le sauveur. Deux voleurs. On dit que l'un fut sauvé et l'autre...
(il cherche le contraire) damné.
Estragon : Sauvé de quoi ?
Vladimir: De l'enfer
Estragon : Je m'en vais (II ne bouge pas)
Vladimir: ...Voyons Gogo il faut me renvoyer la balle de temps en temps.
En attendant Godot, p. 18.
Indexable par un verbe qui la subsume (" dramatiser " ou " insinuer " dans
les deux exemples qui suivent), l'intention communicative est plus ou moins
implicite selon que le tour de parole possède ou non des marqueurs
indiciels:
La mère : Justement, c'est son calme qui m'inquiète (elle parle de son fils).
Il ne dit plus rien. Il rentre le soir épuisé par ce travail qu'il n'aime pas.
Plongeur, c'est pas un travail pour lui.
Le père: Mais, c'est provisoire. On fait pas toujours ce qu'on aime.

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La mère : Laver les assiettes des autres, ramasser leurs restes, être à leur service
pour les tâches les plus sales, il n'a jamais aimé ça.
Le père: Mais c'est provisoire. (Un temps). Et moi, tu crois que j'aime ça.
La mère : Toi c'est pas la même chose. Antoine est jeune et il commence sa vie
dans la crasse et les ordures.
Le père: Arrête de dramatiser. Il fait comme tout le monde. Ça passera. J'irai
voir au restaurant ce matin; il y sera peut-être.
C'était Ch. Tordjman, l'Avant Scène n° 623, p. 33.
En l'absence d'indicateurs précis, l'orientation illocutoire de l'énoncé de la mère
(dramatiser) n'est appréciable qu'en contexte par le père qui connaît les
manières de catégoriser le monde de la mère.
Vladimir: II a dit devant l'arbre, (ils regardent l'arbre) Tu en vois d'autres?

Estragon : Ce ne serait pas plutôt un arbrisseau ?


Vladimir : Un (il se reprend). Qu'est ce que tu veux insinuer ? Qu'on s'est trompé
d'endroit ?
En attendant Godot, p. 20
Dans l'extrait de Beckett, par contre, l'orientation illocutoire de l'énoncé est
décelable grâce à des marqueurs tels la forme en " rais ", le réf utatif " plutôt "...
qui font système pour mettre en cause la justesse du choix de Vladimir. Dans ce
type d'interaction, il revient à l'interlocuteur d'interpréter avec plus ou moins
d'adéquation l'intention présente et d'ajuster ses propos en fonction de ce qu'il
pense décoder.
Il est des situations de conversation ritualisées (ex. le cours magistral, la visite
médicale où le statut des partenaires est institutionnellement inégal) (3). Ce qui
ne signifie pas qu'aucune règle ne gouverne une conversation ordinaire (groupe
d'amis par exemple). Je ne m'arrête pas sur les formules d'ouverture (" S'il vous
plaît") ou de fermeture ("Je te laisse") des conversations et retiens des
analyses des conversationnalistes qu'il existe des procédés permettant aux
tours de parole de se succéder.
Le changement de locuteurs se fait ordinairement sans qu'il y ait trop de
chevauchements entre les tours de parole (la conversation devient inaudible) ni de
silences prolongés. (Quand ils existent, ils sont perçus comme un épuisement de
la conversation - l'ange qui passe - ou comme le reflet d'une conversation
formelle - partenaires étrangers qui n'ont (plus) rien à se dire-). On peut mesurer, à
cet égard, l'abondance des silences dans la pièce de Beckett :
Vladimir : Toujours les mêmes?
Estragon : Les mêmes ? Je ne sais pas.
Silence
(ibid, p. 12)
Vladimir : II a dit Samedi. (Un temps). Il me semble.
(ibid P 22)
(3) Dans son analyse d'une explication de texte, Liliane Sprenger-Charolles montre comment
l'enseignant a la maîtrise du thème et des tours de parole et combien il est difficile, pour les élèves,
de ne pas rester enfermés dans des "paires adjacentes" Question/Réponse. "Analyse d'un
dialogue didactique: l'explication de texte". Pratiques no 40, 1983.

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et leur valeur négative comparée à l'harmonie perdue:
Estragon : Tu te rappelles le jour où je me suis jeté dans la Durance ?
Vladimir : On faisait les vendanges
Estragon : Tu m'as repêché
Vladimir : Tout ça est mort et enterré
Estragon : Mes vêtements ont séché au soleil
Vladimir : N'y pense plus, va. Viens, (ibid p. 90)

Pour expliquer la régulation des tours de parole, Sacks fait l'hypothèse :


a) que les communicants savent reconnaître quand une énonciation est
achevée (forme syntaxique, mimo-gestuel, intonation). (4)
b) que les communicants connaissent des techniques de distribution de
la parole qui se répartissent en deux groupes essentiels:
1) le tour suivant est attribué par le locuteur qui sélectionne le locuteur
suivant en le nommant à l'intérieur de son tour. Le problème ne se pose, dans un
dialogue théâtral, que dans les scènes où plus de deux personnages sont en
présence. Le locuteur sélectionné est alors mentionné soit dans la didascalie (au
baron) soit dans le tour de parole (Laminoir) :
Le Château du Baron : Le Baron, Laminoir, Sidéros
Le baron : II neige
Sidéros : Le climat de la vallée est infect
Laminoir : Je l'aime. Ces ciels laiteux...
Sidéros : (au baron) : Mon garde-chasse vous a aperçu dans la forêt.
Le baron : Hier au crépuscule, je cherchais des escargots avec Théo. Et soudain...
des chanterelles.
Et vous Laminoir, on vous a vu chevaucher à la tombée du jour.
Laminoir : Je ne sors jamais.
Minette la Bonne Lorraine de Jacques Kraemer, l'Avant-scène n° 623 p. 11.
C'est en jouant avec ce principe de sélection (le sergent entendant son titre se
croit interpellé et répond, alors que son nom n'est mentionné qu'à l'intérieur
d'une comparaison) que Genêt produit un effet local de comique :
Le lieutenant, enchaînant: Votre fusil, ciré, astiqué, briqué, suprême
joyau, sa baïonnette fleuron de la couronne, lys de l'oriflamme, la
baïonnette, son acier plus impitoyable que celui de l'œil du sergent...
Le sergent, au garde-à-vous : Présent mon lieutenant.
Les paravents, Jean Genêt, p. 124, Folio n° 1309.

(4) On rejoint ici la distinction que fait Watzlawick et alii (" Une logique de la communication ")
entre communication "digitale" (l'aspect verbal des messages) et communication
" analogique " ("... posture, gestuel, mimiques, inflexions de la voix, succession, rythme et
intonation des mots et tout autre manifestation non verbale dont est susceptible l'organisme...".
Comme on la vu, p. 11 de ce numéro, dans le texte théâtral, la "communication analogique"
est la matière première des didascalies.

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2) le tour suivant est pris par l'interlocuteur qui se l'attribue par auto-,
sélection, soit que les propos de l'autre lui aménagent une entrée (silence ou
prolongement du thème "il neige/le climat..." dans l'extrait de Kraemer) soit
qu'il intervienne directement (en interrogeant les propos, en les commentant,
en changeant de sujet). Dans ce dernier cas, la prise du tour a des chances d'être
perçue comme une violation d'une convention de coopération qui veut qu'on
n'interrompt pas celui qui détient le tour de parole.
Le deuxième (chuchote inquiet) : Vous pensez que les communeux ?
Le premier (sur le même ton) : On n'a pas fusillé assez mon cher et puis ces
gens-là font des enfants!
Louis: Qu'est-ce que les communeux, papa?
Eugène : (élevant la voix) : N'interromps pas, bougre d'idiot ! (Aux
messieurs, très civil). Excusez mon fils, c'est un enfant!
Le deuxième : C'est fort justement dit, Monsieur!
Le premier: Où en étais-je?
Eugène, obséquieux. Aux communeux...
Le premier, étonné. Ah ? que diable...
Eugène, à Louis: Tu vois crétin, tu lui as coupé la chique!
J.C. Grumber, En r'venant d'I'Expo, p 32-33.
Analysant les mécanismes d'interdépendance qui caractérisent
l'enchaînement des tours, Sacks, Schegloff et Jefferson font quelques observations :
— celui qui veut garder la parole peut l'annoncer à l'ouverture (ex. "J'ai deux
remarques à faire")
— celui à qui la parole est donnée peut ne pas la prendre, soit qu'il se taise, soit
qu'il limite son tour de parole à des reprises confirmatives minimales ("oui",
"c'est vrai"...)
— certains thèmes, selon la composition des participants peuvent être
excluants, interdits...
J'ajouterai qu'il est un postulat de base (on ne peut pas ne pas communiquer (5)
en fonction duquel toutes les communications n'ont pas le même degré
d'interactivité.

Dans les conversations à faible degré d'interactivité, l'interlocuteur limite sa


participation à des commentaires directs qui égalisent les informations données
en les répétant sans prendre parti (répétition du propos (a), reprise par un déicti-
que (b), ponctuation par un lexème confirmatif (c).
(a) Vladimir. Si tu essayais ?
Estragon. J'ai tout essayé.
(ibid p. 116)
(b) Pozzo. La route est à tout le monde
Vladimir. C'est ce qu'on disait.
(ibid p. 37)
(5) " Or si l'on admet que dans une interaction tout comportement a la valeur d'un message, c'est-à-
dire qu'il est une communication, il suit qu'on ne peut pas ne pas communiquer, qu'on le veuille
ou non. Activité ou inactivité, parole ou silence, tout a valeur de message". P. Watzlawick et alii.
Une logique de la communication, p. 46.

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(c) Vladimir. Tu m'entends?
Estragon. Bien sûr
(ibid p. 116)
Vladimir. On attend Godot
Estragon. C'est vrai
(ibid p. 102)
Estragon En attendant, essayons de converser sans nous exalter, puisque
nous sommes incapables de nous taire.
Vladimir. C'est vrai, nous sommes intarissables.
(ibid p. 105)
Dans ce type d'échange, l'interlocuteur est passif dans la mesure où il se
soumet aux informations du locuteur, en admet la pertinence et ne cherche ni à
prendre le relais ni à changer de thème. Cette situation caractérise aussi bien un
échange symétrique (où les interlocuteurs ont le même statut) dans lequel l'un
des membres ne s'investit pas, quelle qu'en soit la raison, qu'un échange
dissymétrique (l'un des membres est en position sociale ou psychologique
dominante).
Vladimir Reprenons (Un temps. Au garçon)
Tu ne me reconnais pas?
Garçon Non Monsieur.
Vladimir C'est toi qui est venu hier?
Garçon Non Monsieur.
Vladimir C'est la première fois que tu viens?
Garçon Oui Monsieur.
Silence
Vladimir : C'est de la part de Monsieur Godot ?
Garçon : Oui Monsieur.
(ibid p. 157)
Dans les conversations dotées d'un taux d'interactivité plus important,
l'auditeur s'engage mais selon des stratégies assez différentes.
— soit par des commentaires directs qui complètent, évaluent... les
propos avancés, mais à l'intérieur du cadre de pensée explicite de l'interlocuteur, en
respectant sa manière de hiérarchiser les informations, ses modes de
catégoriser les objets... Ce qui permet à la conversation de se développer, que
l'harmonie communicative soit réelle ou l'effet d'une politesse conventionnelle.
Vladimir : Charmante soirée
Estragon : Inoubliable
Vladimir : Et ce n'est pas fini
Estragon : On dirait que non
Vladimir : Ça ne fait que commencer
Estragon : C'est terrible
Vladimir : On se croirait au spectacle
Estragon : Au cirque
Vladimir : Au music-hall
Estragon : Au cirque
(ibid p. 56)
— soit par des commentaires indirects en ce sens qu'ils touchent des propos
plus ou moins implicites, c'est-à-dire non "présentés comme étant le véritable
objet du dire " selon 0. Ducrot. Ce qui conduit l'interlocuteur à prendre la liberté
de changer la hiérarchie des informations apportées par le locuteur, en
formulant, par exemple, explicitement ce qui a été donné implicitement (a) ou en
mettent l'accent sur un présupposé existentiel (b) ou en interrogeant l'intention illo-
cutoire (c) :

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(a) Estragon Ce ne serait pas plutôt un arbrisseau
Vladimir Un arbuste
Estragon Un arbrisseau
Vladimir Un (II se reprend).
Qu'est ce que tu veux insinuer?
Qu'on s'est trompé d'endroit?
(ibid p. 20)
(b) Vladimir : ...C'étaient deux voleurs, crucifiés en même temps
que le sauveur. On...
Estragon : Le quoi ?
(ibid p. 17)
(c) Estragon : Venez par ici
Pozzo : Pour quoi faire?
(ibid p. 57)
Dans ce type d'engagement conversationnel, l'interlocuteur ne se
soumet plus ni au contenu thématique des propos de l'autre ni à leurs enjeux
interlocutifs (informer, s'imposer...) mais se donne les moyens de réguler la
conversation (de l'enrayer si le procédé devient systématique) en prenant le tour
de parole ou en modifiant les thèmes du dialogue.
Quand l'échange est réciproque, ces processus binaires
(production/interprétation, soumission/changement) sont réversibles d'un tour de parole à
l'autre, chacun des interlocuteurs pouvant faciliter le déroulement de la
conversation par des interventions correctives (a) ou métacommunicatives (b) (6)
(a) Monsieur Blankensee, avec orgueil: "Mes rosés d'abord! C'est toute ma
fierté ! Je crois posséder, mon cher, une des plus belles roseraies d'Afrique... (sur
un geste de SirHarold) non, non, c'est seulement pour mon plaisir, mes rosés me
ruinent ! Mes rosés, c'est mes danseuses ! (Il rit). Je m'en lève la nuit pour aller les
renifler.". Jean Genêt, Les paravents, p 108
Silence
(b) Estragon : Passons maintenant à autre chose, veux-tu ?
Vladimir : J'allais justement te le proposer.
Brève entente métacommunicative, immédiatement brisée par la réplique
suivante :
Estragon : Mais à quoi ?
Vladimir : Ah voilà !
Silence
(ibid p. 142)

Les prises de parole sont étroitement dépendantes du statut symbolico-


social des interlocuteurs :
"Quel que soit le thème de la conversation, le locuteur doit "situer "son
auditeur, le mettre dans une, deux ou plusieurs boîtes mutuellement exclusives. A
chaque fois que le thème change, l'auditeur doit "être situé "et dans le
déroulement d'une conversation, la même personne peut être perçue comme ayant le
statut d'un médecin, d'un joueur de rugby, d'un libéral, d'un jardinier, d'un joueur
de bridge ".
Malcolm Couthard, An introduction to discoursive analysis, p 82 Longman
1977.
(6) "L'aptitude à métacommuniquer de façon satisfaisante n'est pas seulement la condition sine
qua non d'une bonne communication, elle a aussi des liens très étroits avec le vaste problème de
la conscience de soi et d'autrui." P. Watzlawick et alii, ibid p. 51.

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Ce statut peut être métacommunicationnellement signalé:
Agamemnon à Achille:
"Mais vous qui me parlez d'une voix menaçante
Oubliez-vous qui vous interrogez."
Racine, Iphigénie
II peut être aussi être développé sous la forme d'un programme d'actions
et de paroles prises en charge par un personnage. L'homme et la femme, par
exemple, comme l'illustre l'extrait suivant :
B. C'est prêt. (A allume le transistor et vient s'asseoir en face de B. Il commence à
manger en silence pendant que B le regarde.) Tu pourrais au moins dire merci...
ou bon appétit. Tu te jettes sur le repas comme...
A: Tu n'as qu'à ouvrir la boîte.
B. C'est tout.
Bon appétit.
Un long temps de silence.
A. Merci. Voilà tu es contente.
Un temps
Oh ! je t'en prie, mange maintenant.
B. Je n'ai plus faim.
A. Tant pis
Un temps.
Je veux prendre ta part.
B. Si tu veux. Tiens.
A. Tu vois, tu aurais un peu de persil, une tranche de citron et quelques
feuilles de salade, ça t'aurait certainement ouvert l'appétit.
Un temps.
Tiens, finis... Tu ne peux pas rester toute la journée le ventre vide.
B. Merci
A. Et maintenant une bonne petite sieste.
B. Tu as envie de dormir?
A. Ces vacances sont exceptionnelles. Je veux en profiter. Il fait beau, il n'y
a pas un bruit. Rien de tel pour se refaire une santé.
B. Moi, je vais faire un tour.
A. Où?
B. Par là, n'importe où.
A. Je viens avec toi. Tu serais encore capable de te perdre.
B. Je n'ai pas besoin de toi.
A. Tu dis ça maintenant, mais je suis persuadé que dans quelques minutes
tu m'appeleras au secours.
C. Tordjman, Intimité, L' Avant-scène, N° 646, p. 16.

Remarque 1 : Dans un théâtre du quotidien, fondé sur le mimétisme du


monde ordinaire, le statut permet une certaine prévisibilité des situations (ex. le
repas des petits bourgeois) et des actions dans une situation (ex. faire la cuisine
vs mettre la table) grâce à l'existence de macro-structures socio-culturellement
partagées : les scripts.

Remarque 2, : C'est au niveau du statut que se jouent les rapports de


force entre les partenaires de la conversation, sachant que l'interaction peut-
être égalitaire ou non. Voir l'échange précédent entre Vladimir et le Garçon.
"Une interaction symétrique se caractérise donc par l'égalité et la minimisation
de la différence, tandis qu'une interaction complémentaire se fonde sur la maxi-

72
malisation de la différence " P. Watzlawick at alii, ibid p. 67. (7)
Remarque 3 : Le statut renvoie à une réalité d'ordre "psychologique"
(Phèdre la passionnée) ou d'ordre "social" (le capitaliste Puntilla) en précisant
a) qu'il s'agit le plus souvent d'un mixte discursif (mélanges d'opinions,
de routines...) car le personnage peut cumuler des rôles thématiques (ex :
Géronte dans les Fourberies de Scapin est a la rois père, dupe et avare).
b) qu'il s'agit d'une parole "fictive" qui est prêtée à un
personnage/acteur par un auteur et donc surdéterminée par l'histoire individuelle et
l'appartenance sociale de ce dernier.
1.3.
Selon les hypothèses interactives d'ErvingGoffman (lire en particulier les
Rites d'interaction. Minuit 1974), converser c'est toujours mettre en jeu la face
de l'interlocuteur (l'image qu'il a de lui-même, qu'il veut donner aux autres
de lui-même ou que les autres lui renvoient) avec, à la base de l'échange, le souci
constant de ne pas "perdre la face". En effet, chaque prise de parole est une
menace potentielle pour la face positive du locuteur (besoin d'être reconnu et
apprécié par l'autre) et symétriquement un danger potentiel pour sa face
négative (besoin de défendre l'indépendance du territoire de son moi). Du côté de
la face positive, il aime à se voir écouté et conforté dans ses dires et risque le
déplaisir de se voir contesté ou ignoré. Du côté de la face négative, accepter la
présence de l'autre c'est se mettre en position de devoir réagir aux propos
adressés. Ces règles de " convivialité ", qui sont à intégrer dans une compétence
"élargie" des locuteurs, peuvent toujours être "violées" dans la réalité des
échanges (acte d'agression, attitude d'autorité), sachant que, selon le type de
phrases utilisé (déclaratif, interrogatif, impératif...), le danger de s'exposer à un
revers symbolique est plus ou moins grand. Il apparaît que les phrases impérati-
ves sont les plus dangereuses aussi bien pour la face positive (risque de ne pas
être obéi) que pour la face négative (intrusion dans le comportement verbal et
non verbal de l'autre). Ce que je voudrais illustrer par les dialogues d'En
attendant Godot où l'on voit que Pozzo est dans un rapport de domination sans risque
pour lui alors que Vladimir et Estragon, étant dans un rapport de place plus
symétrique, ne cessent de se déchirer mutuellement.
(Pozzo tire sur la corde. Lucky le regarde).
Pense porc !
(Un temps. Lucky se met à danser). Arrête !
Arrête ! (Lucky s'arrête)
Avance ! (Lucky va vers Pozzo)
Pense ! (Un temps)
Lucky. D'autre part pour ce qui est...
Pozzo. Arrête ! (Lucky se tait)...
Ibid p. 71

(7) Dans certaines situations institutionnelles, contraintes et inégales, la prédominance du statut


(enseignant/élève, médecin/malade) laisse peu de place à la négociation «territoriale» et
donne l'initiative de la majorité des tours de parole à l'acteur qui possède le savoir et le pouvoir.
En témoigne cet échange, au cours duquel, le médecin affirme sa position « haute » : «
Médecin : Depuis quand avez-vous mal au ventre ? Malade : J'ai jamais eu mal au ventre, j'ai eu mal à
la rate. Médecin : Écoutez la rate vous êtes pas forcé de savoir où c'est vous avez eu mal au
ventre. Malade : J'ai mal là (geste de désignation). Médecin : Comment vous appelez ça ? C'est
le ventre. Vous avez mal au ventre. Malade : Si vous voulez ». Extrait d'une consultation
médicale citée par Michèle Lacoste. " La vieille dame et le médecin. Contribution à une analyse des
échanges linguistiques inégaux". Études de Linguistique appliquée, no 37 Janvier-Mars
1980.

73
"Vladimir : Fais voir.
Estragon : II n'y a rien à voir".
(refus d'obéir)
"Vladimir : Donne moi une carotte.
L 'autre retire un navet. "
(Geste inapproprié qui équivaut à Un refus)
Dans la pièce de Beckett, les phrases déclaratives, au service des thèses
pessimistes de l'auteur, deviennent, contre l'usage ordinaire, tout aussi meurtrières.
"Vladimir : Tu aurais dû être poète
Estragon : Je l'ai été
(Contestation d'un présupposé d'existence)
"Vladimir : On n'ose même plus rire
Estragon : Tu parles d'une privation "
(Contestation d'une valeur implicite)
"Vladimir : ... Je ne t'ennuie pas j'espère
Estragon : Je ne t'écoute pas"
(Négation de l'existence de l'autre).

1.4.
Comme les conversations ordinaires, les dialogues dramatiques peuvent
réaliser des opérations textuelles plus vastes (raconter, décrire, argumenter) qui
les structurent.
1.4.1. Dialoguer pour raconter
A la scène 2 de l'Acte I des Fourberies de Scapin, un récit achève l'exposition de
la situation initiale de la pièce (8). Pris en charge par Octave, achevé par
Sylvestre, il est adressé à Scapin. Soit un enjeu interlocutif précis (Octave demande
à Scapin de l'aider à contrecarrer les projets matrimoniaux d'Argante) et une
narration explicative, en forme de retour en arrière, des événements qui ont
conduit à l'impasse présente. Sous-jacente aux dialogues, et les organisant, il existe
une trame narrative minimale constituée par la répétition de la fameuse triade
de propositions narratives (Complication, Actions, Résolution) (9). C'est ainsi
que le récit d'Octave possède deux séquences placées en bout à bout, la
première unifiée actoriellement par Léandre et la seconde par Octave selon la
disposition suivante:
État initial: départ d'Argante et de Géronte pour un voyage d'affaires
et abandon consécutif de leurs fils Octave et Léandre.
"Tu sais Scapin qu'il y a deux mois... sous ta direction "
(ligne 43 à 50)
Complication : rencontre de Zerbinette et de Léandre.
"Quelques temps après... amoureux "
(ligne 53 à 54)

(8) II s'étend sur les lignes 43 à 140, p 19 à 21 des classiques Hatier.


(9) Pour la description de cet agencement narratif dans les récits ordinaires, lire A. Petitjean " Du
récit oral à la fable écrite" Pratiques No 34, Juin 1982.

74
Actions: développement de l'intrigue amoureuse
"comme nous sommes ... pour les feux de l'amour "
(ligne 56 à 68)
Ici s'arrête l'histoire qui a pour acteur principal Léandre (nous
apprendrons plus tard la résolution attendue) et commence, sur la base d'un état
initial identique, l'histoire d'Octave.
État initial : départ d'Argante et de Géronte...
Complication : découverte d'Yacinthe.
"Un jour que je ... qu'on puisse jamais voir "
(ligne 70 à 84)
Actions : coup de foudre, demandes d'entrevue, volonté de se marier
"Une autre aurait paru effroyable... augmenté par les
difficultés "
(ligne 86 à 131)
Résolution : Décision d'Octave de se marier
"// consulte dans sa tête... sa résolution "
(ligne 131 à 133)
État final : mariage d'Octave et d'Yacinthe et retour du père.
"le voilà marié... qu'il a épousé à Tarente "
(ligne 133 à 140)
L'ensemble du récit d'Octave est entrecoupé par des répliques qui renvoient au
présent de la conversation (" Ne laissez pas de me conter votre aventure... Si tu
l'avais vue Scapin... " sous la forme de commentaires et d'évaluations. Ces
segments sont identifiables par la présence des marqueurs de discours
(présent, adverbe comme "maintenant" qui s'opposent aux marqueurs du récit
(imparfait/passé simple, adverbes comme "quelques temps après", "un
jour"...) (10). Certaines de ces évaluations, placées à l'intérieur du récit,
s'étendent au point de former des séquences descriptives reconnaissables au
mélange qu'elles proposent de prédicats qualificatifs ( "elle n'avait pour
habillement... sa coiffure était une cornette..." (ligne 86 à 94) ou fonctionnels ("elle
avait à pleurer... elle faisait fondre chacun en larmes... " (ligne 105 et suivantes).
Que ce soit sous la forme de descriptions justificatives du coup de foudre ou
d'une narration explicative des origines des difficultés présentes, les dialogues
répondent à une double fonctionnalité : informer (relation auteur/spectateur) et
convaincre (relation personnage/personnage).

1.4.2. Dialoguer pour Argumenter


La scène 4 de l'Acte I des Fourberies de Scapin présente une situation
d'argumentation caractéristique (11). D'un côté Argante, convaincu que son fils a
accompli, en son absence, un acte déshonorant (se marier sans l'accord
paternel) et désireux d'annuler cet engagement illicite, de l'autre, Scapin, mis en

(10) D'après Gabriel Conesa, Le dialogue molièresque, PUF, 1983, Molière a eu le souci de réduire
considérablement les « tirades narratives » de l'exposition ou du dénouement de ses premières
pièces. De manière à briser la monotonie de la tirade », « à diluer la messe verbale de la tirade >>,
«à dynamiser les répliques longues» pour reprendre les expressions de G. Conesa), Molière
aurait, d'une part, motivé ces encarts narratifs («Ne laissez pas de me conter votre aventure»),
d'autre part, il lésa fracturés par de courtes répliques. («Je sais cela. Je saiscela encore. Je ne
vois pas encore où ceci veut aller... >>
(11) Elle couvre les lignes 50 à 182, p. 25 à 28 des classiques Hatier.

75
demeure d'argumenter le père de son maître afin de le faire revenir sur sa
décision. Illustration concrète du rôle thématique de Scapin (le fourbe rusé) le
dialogue développe une tactique argumentative appropriée (12). En effet pour
parvenir à sa fin le valet utilise des stratégies diverses :
— atténuation du délit
"j'ai bien ouï parler de quelque petite chose" (ligne 52)

"— cela
adhésion
est vrai...
aux thèses
(ligne 57)...
de l'adversaire
si fait" (ligne 65)

avec la possibilité, au moment où, l'autre se croit en terrain d'entente, d'avancer,


sans brutalité, un argument contraire, à l'aide d'un " mais " adversatif : " Oui, il y
a quelque chose à dire à cela. Mais je serai d'avis..." (ligne 60)
— dissimulation et flatterie
"Demandez-lui un peu... devait baiser les pas" (ligne 66 à 70)
— contre-vérité
"le voilà surpris avec elle... le contraignent à l'épouser" (ligne 104 à 106)
Scapin s'ingénie, en plus, à trouver des arguments susceptibles de convaincre
Argante de ne pas annuler le mariage: fatalité (ligne 77) ; jeunesse d'Octave
(ligne 88) ; honneur de la famille (ligne 137 à 140), bonté paternelle (ligne 164).
A la fin de la scène, Argante est en colère. Finalement, loin de s'être laissé
convaincre, il met un terme à l'échange, en déniant à Scapin toute légitimité à
argumenter. Que l'on n'argumente pas un supérieur, Scapin le découvre à ses
dépens quand Argante, recourant à des propos d'autorité, le remet à " sa place "
(" il ne faut point dire : Bagatelles", ligne 173). Du coup Scapin qui, jusque là,
tenait des propos égalitaires (ligne 140 à 160, par exemple), trop égalitaires
compte-tenu du statut de maître et de valet des deux personnages, accepte de
se taire et reprend sa position de serviteur. (" Monsieur, si je vous puis être
utile... me commander" (ligne 181).

2. DIALOGUE THÉÂTRAL: UNE ÉCRITURE SPÉCIFIQUE.


Je pourrais continuer à décrire les mécanismes conversationnels, discursifs et
textuels, repérables dans le texte théâtral (voir, dans ce numéro, l'article de C.
Kerbrat-Orecchioni) mais il est temps de montrer maintenant en quoi le
discours théâtral se différencie du dialogue ordinaire.

2. 1. Un texte écrit à vocaliser


Malgré la volonté mimétique de nombreux auteurs dramatiques, on ne dialogue
pas au théâtre comme dans la vie. Pour s'en convaincre, on comparera le
passage retranscrit d'un débat dans une classe de 3ème à un extrait d'En attendant
Godot :

( 1 2) Pour la description d'une conduite argumentative, lire Michel Charolles, " Les formes directes
et indirectes de l'argumentation". Pratiques no 28, 1980.

76
Fabienne — ça ça on n'y pourra rien // moi je pense que bon bon
par exemple si tu prends un couple qui est d'accord
pour la libération de la femme / qui pratique la
libération de la femme / donc les enfants qui seront la
progéniture de ce couple seront habitués à ça ça fera
d'autres couples qui habitueront leurs enfants y a
que comme ça "
Extrait du corpus étudié par Claudine Garcia, "
Argumenter à l'oral", Pratiques n° 28, 1980.
"Vladimir — La main dans la main on se serait jeté en bas de la
Tour Eiffel, parmi les premiers. On portait beau alors. Maintenant il
est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. (Estragon
s'acharne sur sa chaussure). Qu'est-ce que tu fais?
Estragon... Je me déchausse ? Ça ne t'est jamais arrivé à toi ?
S. Beckett, En attendant Godot, p 13, Édition de
Minuit, 1968.

Le premier texte multiplie les traits caractéristiques de l'oralité. J'entends par là


les contraintes imposées par la matérialité même de la chaîne parlée qui
conduisent le locuteur à faire des répétitions... (celles-ci traduisent son hésitation (" ça
ça on y pourra rien ") ou le souci de préciser, de corriger ce qu'il dit, car à l'oral
gommer c'est toujours ajouter (" qu'est d'accord pour la libération de la femme/
qui pratique la libération de la femme ") ou favorisent les phénomènes 6'
assimilation par écrasement phonique ("il y a que comme ça"). Ces mêmes contraintes
de la linéarité phonique expliquent la présence d' énoncés inachevés, de ruptures
de construction ("qui pratique la libération de la femme/donc les enfants qui
seront...")- Autre particularité de la communication orale, les partenaires sont
co-présents et partagent un réfèrent situationnel commun. Ce qui explique la
présence de déictiques (" ça, comme ça ") qui renvoient à ce qui vient d'être dit
et l'abondance de phatèmes (ces petits mots de contacts comme " ben ",
"euh").
Dans le texte de Beckett, les traits d'oralité précédemment décrits sont
inexistants (à l'exception de quelques écrasements). C'est que nous sommes
indubitablement dans l'ordre du scriptural. Il reviendra à l'acteur non pas de l'oraliser
mais de le vocaliser selon des techniques spécifiques, (hauteur de la voix,
rythme du débit, type de phrasé, mimo-gestuel...).

2. 2. Un texte fictif.
Quel que soit le matériau factuel constitutif de l'histoire d'une pièce, de la saga
d'une famille royale dans la tragédie grecque à la chute d'un avion dans Y
Ordinaire de Vinaver, le dialogue théâtral se démarque surtout du dialogue ordinaire
par \e fait qu'il est fictif. J'entends par là qu'il est le produit d'un dispositif com-
municationnel complexe. Les propos énoncés par les personnages (1er niveau
d'énonciation), proférés par les acteurs (2ème niveau d'énonciation) sont
surdéterminés par la relation entre un auteur et un public, dans un contexte textuel
et référentiel donné (3ème niveau d'énonciation).
"... la communication théâtrale se caractérise par un emboîtement
des instances d'énonciation, et en particulier, par le fait que
s'adressant, en apparence, à tel ou tel personnage, les énoncés
proférés sur scène ont en fait pour destinataire principal le public :

11
en ce sens, si l'on envisage ce qui se passe non plus entre actants
énonciativenement isotopes, mais entre actants relevant
d'instances énonciatives hétérogènes, le discours théâtral peut être
considérés comme constituant un gigantesque trope com-
municationnel."
C. Kerbrat-Orecchioni, quelques aspects du fonctionnement du
dialogue théâtral". Colloque de Toronto, 1982.
Il est vrai que la convention théâtrale établit un simulacre de cloisonnement
entre les paliers énonciatifs:

"Victor... je suis décidé à être quelque chose


Lili Écoutez-le
Victor Oui quelque chose ! Quelque chose de neuf, nom de Dieu !
Lili Si on l'entendait!"
Roger Vitrac, Victor ou les enfants au pouvoir, p. 11 Gallimard, 1965.
Mais cette autonomie est factice et le "trope communicationnel théâtral
possède au moins trois caractéristiques distinctives:

— le spectateur est toujours le destinataire " indirect" des échanges du


premier et du second niveaux.
— les règles du dialogue ordinaire sont souvent "systématisées".
— le discours théâtral est une pratique d'écriture.

J'illustrerai ces trois points en étudiant, respectivement


1) la scène d'exposition, 2) le quiproquo, 3) le théâtre de "l'absurde."

2. 2.1. La scène d'exposition


On connaît les règles d'unité qui ont fortement modélisé le théâtre classique.
En croisant l'unité de temps et l'unité de lieu, on obtient ces fameuses scènes
d'exposition où l'auteur doit donner au spectateur les éléments référentiels
nécessaires à la compréhension de l'intrigue à venir.

Selon les théories, alors en vigueur, une exposition " doit instruire
le spectateur du sujet et de ses principales circonstances, du lieu de
la scène et même de l'heure où commence l'action, du nom, de
l'état, du caractère et des intérêts de tous les principaux
personnages.. L'exposition doit être entière, courte, claire, intéressante et
vraisemblable ".

Manuscrit cité par Jacques Scherer, p. 51 et 56 de La dramaturgie classique en


France, Nizet, 1966.

Exigences contradictoires, on le voit, car si l'auteur est soucieux d'exhaustivité,


il sera tenté par la monologie explicative et descriptive, s'il recherche le
"vraisemblable " il devra respecter la dynamique de la structure conversationnelle. Il
a donc fallu aux auteurs inventer des dialogues postiches, entre un héros et son

78
confident ou entre deux confidents, les personnages feignant d'échanger des
informations destinées en fait au spectateur. Les premières répliques des
Fourberies de Scapin remplissent cette fonction, tout en la dévoyant, dans la mesure
où Molière affiche parodiquement la convention. Par le laconisme de Sylvestre
qui se limite à répéter les propos d'Octave:
"Octave — Qu'il arrive ce matin même?
Sylvestre - Ce matin même.
Octave — Et qu'il revient dans la résolution de me marier?
Sylvestre — Oui
Octave — Avec une fille du Seigneur Géronte ?
Sylvestre — Du seigneur Géronte. "
Les fourberies de Scapin, Acte I, scène 1.
Par la réplique métacommunicative aussi, qui signale le topos dominant :
"Sylvestre — Qu'ai-je à parler davantage? Vous n'oubliez aucune
circonstance et vous dites les choses tout justement comme elles sont".
Dans d'autres pièces, Molière, se souvenant du principe d'in médias res
d'Horace, a opté pour une mise en place plus dynamique de l'histoire. Rejetant aussi
bien le récit statique (je renvoie au récit d'Octave analysé plus haut) que le
dialogue prétexte, il a ouvert ses pièces par des dialogues conflictuels (voir, par
exemple, Philinte et Alceste dans le Misanthrope). Ce faisant, il a donné aux
informations destinées au spectateur la forme d'arguments échangés par les
personnages.
2.2.2. Le quiproquo
Qu'il produise des effets comiques ou tragiques, le quiproquo est un procédé
abondamment utilisé dans le théâtre classique. Possible dans un dialogue
ordinaire, ce malentendu conversationnel y est éphémère alors que dans le
discours théâtral il peut s'étendre sur plusieurs répliques, selon l'habileté
linguistique de l'auteur.
" ...dans le dialogue courant... le quiproquo (est) vite décelé par les
interlocuteurs qui le considèrent comme un accident auquel il faut
mettre fin le plus vite possible puisque l'on parle pour se faire
comprendre. Mais, au théâtre, l'auteur dramatique peut rechercher
l'effet in verse : ce jeu consiste à prolonger le quiproquo le plus
longtemps possible, souvent contre toute vraisemblance... "
Pierre Larthomas, Le Langage dramatique, p. 234, A. Colin, 1972.
Tel est bien la particularité du discours théâtral : utiliser des mécanismes de la
conversation ordinaire mais en intensifiant les effets à des fins (par-delà
renonciation des personnages) de séduction et de conviction du spectateur.
C'est ainsi que dans le célèbre quiproquo de Y Avare (Acte V, scène 3), le
malentendu est développé sur une cinquantaine de répliques, Molière utilisant
tour à tour, différents procédés : la polysémie et l'homonymie ; les désignations
générales; l'emploi métaphorique (13).

( 1 3) Je me réfère aux œuvres complètes parues au Seuil, page 457 à 459 et numérote les répliques
analysées en chiffrant les lignes de 1 à 141.

79
Je rappelle le contexte: Harpagon s'est fait dérober sa cassette. Maître
Jacques accuse Valère, faux valet et amant secret d'Élise, la fille d'Harpagon.
Aussi, au moment où ce dernier convoque Valère pour lui faire avouer le vol
(première isotopie), le jeune homme comprend que sa liaison (seconde isoto-
pie) est découverte et passe aux aveux.
Ligne 1 à 16: .- "Harpagon. Approche, viens confesser l'action la
plus noire...
Valère... je ne veux point chercher de détours et
vous nier la chose. "
"Action", "Crime", "affaire"... ces termes, que l'évaluation négative soit
interne au mot (ex. " crime ") ou externe (ex. " la plus noire "), de par leur
généralité, peuvent prendre un sens aussi bien sur l'isotopie vol de l'argent que sur
l'isotopie séduction de la fille. En terme d'analyse du récit, ils manifestent, au
niveau lexical, le point de vue d'un patient ayant été victime d'un processus de
dégradation (disjonction d'avec un "objet de valeur") effectué par un agent
prédateur, sans que rien ne soit dit de la "valeur" de l'objet perdu (sa
configuration sémantique).
L'indétermination des termes est au service d'un trouble de la référence
constitutive de la méprise, à quoi il faut ajouter l'indéf inition de " tout " (ligne 10 et 14)
et des expressions périphrastiques comme " un tour de cette nature" ou
générales comme " l'affaire " et " la chose ". L'ensemble des termes posent pour les
deux auditoires l'existence d'un méfait mais ne disent rien de son contenu
figuratif.
Ligne 17 à 22 ; "Maître Jacques, à part. Oh. ! Oh aurais-je deviné...
Valère... et de vouloir entendre mes raisons. "
Le pronom "en" est coréférentiel à l'antécédent qu'il reprend et permet de
poursuivre le thème de la conversation sans apporter d'information qui désabi-
guïse le réfèrent.
Ligne 23 à 32 : "Harpagon. Et quelles belles raisons peux-tu me
donner... Valère... que le mal n'est pas si grand que
vous le faites. "
L'insulte "voleur infâme" est interprétable sur les deux isotopies.
Les termes "offense" et "faute" continuent à désigner paraphrastiquement le
méfait initial sans rien dire de son contenu. Étant utilisés par l'agent du méfait,
ils laissent entendre que celui-ci évalue son action comme axiologiquement
négative, porteuse de préjudice ("offense") dont la responsabilité lui incombe
("faute").
Les termes de "guet-apens" et d'" assassinat" réfèrent aussi au méfait initial,
mais proférés par la victime, ils véhiculent une charge évaluative négative très
forte que ne partage pas Valère (" le mal n'est pas si grand "), le jeune homme
attribuant cet excès de négativité à la stratégie illocutoire d'Harpagon (être en
"colère", ligne 30. (14)

(14) Que tout objet verbalisé soit toujours un objet perçu, interprété et évalué, qu'il existe des
mots qui possèdent à la fois des traits descriptifs et des traits évaluatifs (ex. " offense ", " fautes ",
"assassinat"...) si bien que ces mêmes mots peuvent servir aussi bien à décrire qu'à insulter (ex.
"voleur", Catherine Kerbrat-Orecchioni essaye de le montrer en particulier dans les pages 70 et
suivantes de son livre L'énonciation : de la subjectivité dans le langage. A. Colin 1980.

80
Ligne 33 à 44 .• "Harpagon. Le mal n'est pas si grand que je fais !...
Harpagon... Mais dis-moi. Qui t'as porté à cette
action ? "
Description paraphrastique de l'objet perdu ("mon sang", "mes entrailles"),
interprété sur les deux isotopies dominantes comme "argent" (bien le plus
précieux d'un avare) par Harpagon et comme " la fille de son père " par Valère.
Les déictiques " ceci " et " ce ", comme le veut la loi de la catégorie, n'ont de
sens que situationnellement. Ils renvoient au réfèrent "objet perdu" sans
apporter aucune information sur lui et maintiennent donc l'ambiguïté initiale.
"Ce que tu m'as ravi" (40) désigne l'argent pour Harpagon, qui demeure
enfermé dans l'isotopie vol de l'argent, et est interprété comme " honneur" par
Valère, à l'intérieur de l'isotopie séduction de la fille. La polysémie des mots
"condition" (j'ai les moyens de et je suis d'un rang social) et "réparer"
(effacer un préjudice "moral" ou "physique", la double construction possible de
l'expression "mettre la main sur" (quelque chose ou quelqu'un) confortent
les deux parties dans leurs interprétations.
Ligne 45 à 55 : "Valère. Hélas me demandez vous...
Va/ère... pourvu que vous me laissiez celui que
j'ai. "
Reprise du terme général "action" et introduction de "l'amour" comme
figuration du sujet manipulateur de l'agent du méfait. La chose est possible du
point de vue de Valère, bien sûr, mais aussi de celui d'Harpagon dont l'amour
de l'argent est une qualification intrinsèque.
" L'amour de mes louis d'or" réfère directement au vol de l'argent mais
n'interdit pas l'autre isotopie, car l'expression peut être récupérée, à ce niveau, par la
notion de séduction par intérêt. Ce que comprend Valère et contre quoi il
proteste dans une formulation qui n'est insoutenable que si "celui que j'ai"
désigne la "cassette". D'où la réaction qui suit d'Harpagon.
Ligne 56 à 67 .- "Harpagon. Non ferai, de par tous les diables...
Harpagon... Je n'en ferai rien. Qu'est-ce à dire
cela ?)
La présence des pronoms, déictiques ("celui") ou anaphoriques ("le")
entretient la méprise que le mot "vol", avancé par Harpagon à la place des termes
généraux du début, est à la limite de dévoiler (voir la consternation de Valère).
Mais le malentendu se trouve à nouveau consolidé par la polysémie du mot
"trésor" (richesse concrète et personne précieuse). Si bien que "le plus
précieux que vous ayez " est dans le contexte totalement interprétable sur les deux
isotopies, alors que la requête de Valère est cocassement inadmissible pour
Harpagon.
Ligne 68 à 76 • "Valère. Nous nous sommes promis une foi
mutuelle... Harpagon. C'est être bien endiablé
après mon argent. "
Les traits / animé-humain / que comportent les verbes "se
"s'engager" sont incompatibles avec l'objet "cassette", sauf à prêter promettre"
à Valère
et
une intention illocutoire particulière, ce sur quoi Harpagon hésite un instant
(70 et 71). Si l'énoncé demeure néanmoins recevable sur l'isotopie vol, en dépit
de la profession d'engagement de Valère ("à jamais", "rien que la mort"...)
c'est que l'avare a recatégorisé l'objet "argent" en le personnifiant. (Voir Acte

81
IV, scène 7 : " mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m'a privé de toi... "). Ce
aui permet au quiproquo de se poursuivre.
Ligne 77 à 100 .- " Va/ère. Je vous ai déjà dit, monsieur, que ce
n'était point l'intérêt... Va/ère. Non, Monsieur. "
Proposer les catégories du " cœur " et de " la noblesse " comme sujets
manipulateurs d'une action dont le contenu, compte-tenu des termes qui la désignent
(" faire ce que j'ai ", " résolution "), reste toujours ambigu, ne peut être reçu par
Harpagon, encore branché sur l'isotopie vol, que comme la manifestation d'une
intention illocutoire précise: la moquerie. D'où sa colère assortie de menaces
(82 à 85). La généralité du mot "bien" (81) entretenant la confusion. Valère
est prêt à souffrir les conséquences de son " méfait", à condition qu'Élise soit
épargnée. L'allusion à la jeune fille est lisible sur les deux isotopies (partenaire
ou complice) et ne met pas fin à la méprise.
"Enlevée". L'homographie étant parfaite, la marque du féminin permet de
référer le pronom "Y" aussi bien à "Élise" qu'à "la cassette".

Ligne 101 à 115 : "Harpagon. Hé! dis-moi donc un peu...


Harpagon... comme un amant d'une maîtresse ".
Le verbe "toucher" se construit avec C.O.D./animé humain/ou/non animé/ et
prolonge donc le malentendu.
Interprété par Valère, le terme "toucher" est offensant pour le jeune homme
qui essaye de justifier ses intentions. Au travers des propos de Valère, l'objet
perdu apparaît comme devant posséder les traits animé humain/ ("sage",
"honnête"...) et faire l'objet d'une passion amoureuse ("ardeur", brûlé "pour
elle "...). Harpagon en vient à douter du sens qu'il a donné aux faits jusqu'à
présent et pour que la méprise persiste, il faut qu'il reçoive les aveux de Valère
comme des propos métaphoriques. (" II parle d'elle comme d'un amant à une
maîtresse".).
Ligne 116 à 141 : ; " Valère. Dame Claude, monsieur, sait la vérité de
cette aventure...
Harpagon comme laron et comme suborneur. "

"Aventure", "affaire", on a vu l'utilité de la généralité de ces termes.


"L'isotopie
amour " ...)
séduction
et envahit
de lelachamp
fille devient
de perception
manifeste
d'Harpagon.
("engagement",
Mais au"flamme",
lieu que le
vieillard prenne conscience de sa méprise, il attribue à Valère un double méfait
et le taxe de "larron" et de "suborneur".

2. 2. 3. Le théâtre de "l'absurde"
Le projet de Ionesco, dans une pièce comme La Cantatrice Chauve, est de
mettre en scène un monde dans lequel la communication ne passe plus, soit
qu'elle tourne à vide et s'enlise dans des propos banalisés, soit qu'elle porte
atteinte à la logique de l'ordonnancement de la langue naturelle.
"Mort, par réif/'cation, du langage ; et mort, par le langage, de toute
communication : ce théâtre est l'un des plus abstraits qui soit... "
Geneviève Serreau, Histoire du "nouveau théâtre " p. 41,
Idées, 1966.

82
"...des personnages irréels, parlant un langage désarticulé et
fantastique, ressemblant vaguement au nôtre, se conduisent d'une
manière incroyable et bizarre. "
Léonard C. Pronko, Théâtre d'avant-garde, p. 90, Denoël,
1963.

Il est utile, cependant, de ne pas rester à une perception aussi floue du travail
d'écriture de Ionesco et d'esquisser une description des manipulations du
dialogue ordinaire qu'effectue l'auteur pour produire cet effet d'absurdité et de
banalisation du discours.

1) l'effet "d'absurde"
a) le jeu avec les présupposés
On sait, depuis Ducrot en particulier, qu'il est possible de distinguer, dans une
interaction, les propositions que posent les interlocuteurs de celles qui sont
présupposées, c'est-à-dire tenues pour acquises au moment du dialogue et qui
forment le " cadre " du discours, l'arrière-fond de savoirs et de croyances que
partagent les interlocuteurs. Ces présupposés peuvent être d'ordre sémantique
(ex. "Pierre est mort" présuppose qu'il ne vit plus) ou d'ordre pragmatique
(ex. "Ferme la porte" présuppose, pour aue cette invitation soit réussie, au'il
existe une porte, qu'elle soit ouverte... outre le fait que celui à qui je m'adresse
veuille bien agir dans le sens demandé). L'effet d'illogisme de certaines
répliques de La Cantatrice Chauve est le résultat d'une contradiction entre ce que
posent les personnages et les présupposés de leurs propos:
"Mme Smith: c'est triste pour elle d'être demeurée veuve si jeune.
M. Smith : Heureusement qu'ils n'ont pas eu d'enfants.
Mme Smith: il ne leur manquait plus que cela! Des enfants! Pauvre
femme, qu'est ce qu'elle en aurait fait.
M. Smith : Elle est encore jeune. Elle peut très bien se remarier. Le deuil
lui va si bien !
Mme Smith : Mais qui prendra soin des enfants ? Tu sais bien qu'ils ont
un garçon et une fille. Comment s'appellent-ils?
M. Smith : Bobby et Bobby comme leurs parents. "
La Cantatrice Chauve, p. 23.

L'affirmation initiale de Monsieur Smith et le commentaire de sa femme


laissent entendre qu'il doit être acquis que les Watson n'ont pas d'enfants. Or
l'interrogation sur leur avenir et le " tu sais bien " présupposent qu'ils en ont et que
c'est vrai, contrairement à ce qui est dit dans les propos précédents.
Présupposé que partage maintenant M. Smith puisqu'il s'appuie sur lui pour donner
un prénom aux enfants Watson.
La contradiction entre ce que font les personnages et les présupposés
pragmatiques conditionnant le sens de leurs actions produit le même effet :

"Mme Martin : ce matin, quant tu t'es regardé dans la glace tu ne t'es pas
vu "
M. Martin : C'est parce que je n'étais pas encore là... "

83
A l'intérieur de nos connaissances du monde, l'affirmation de Mme Martin est
déjà dérangeante mais peut être récupérée par une explication du type "tu n'étais pas
réveillé". Le présupposé existentiel de la réplique de M. Martin contredit par contre celui
de Mme Martin, car on sait que pour se voir dans un miroir, il faut être devant lui.
De même, la scène répétée de la sonnette est l'occasion de mettre à mal le présupposé
pragmatique qu'une sonnette à besoin d'être actionnée pour retentir.
Sonnette
M. Smith : Tiens on sonne
Mme Smith : Ça doit être quelqu'un ? Je vais voir {elle va voir. Elle ouvre et
revient). Personne.
La Cantatrice Chauve, p. 35.
Un peu plus loin la même scène se répète et le présupposé (" il y a quelqu'un ")
est alors érigé en contenu posé, objet de la discorde conversationnelle :
M. Martin : Comment ? Quand on entend sonner à la porte, c'est qu'il y a
quelqu'un à la porte, qui sonne pour qu'on lui ouvre la porte.
Mme Martin: Pas toujours vous avez vu tout à l'heure!
M. Martin : La plupart du temps si.
M. Smith : Moi, quand je vais chez quelqu'un, je sonne pour entrer...
La Cantatrice Chauve, p. 36.

b) Le jeu avec l'illocution


Depuis Austin et Searle, on sait qu'une énonciation n'est jamais dépourvue
d'intention et qu'elle constitue un "acte de langage" (prier, conseiller...). Il
convient alors de distinguer dans un énoncé son contenu propositionnel (l'état de
chose qu'il représente) et sa valeur illocutoire (l'intention engagée), sachant
que cette dernière peut être explicite (ex. "Je t'ordonne de ne pas bouger ") ou
implicite (ex. " ne bouge pas" : conseil ? ordre ?), sachant aussi que ces actes
peuvent se formuler directement (ex. "Ferme la vitre") ou indirectement (ex.
"il fait froid ici"). L'absurdité de certaines répliques de la Cantatrice Chauve
provient de contradictions entre la valeur illocutoire implicite et son
explication.
Mme Smith (à Mary, la bonne)
"...On n'a rien mangé, de toute la journée. Vous n'auriez pas dû vous
absenter!
Mary: C'est vous qui m'avez donné la permission.
M. Smith: On ne l'a pas fait exprès."
La Cantatrice Chauve, p. 25

Compte-tenu du statut du personnage (employeur), donner la permission à son


personnel présuppose l'intention de le faire, car rien ne l'empêche d'interdire à
la bonne de sortir. Dans ce contexte " ne pas faire exprès " apparaît comme une
intention infantile, inappropriée au rôle thématique d'adulte.
Autant d'anomalies par rapport à nos connaissances du monde et nos
habitudes de discours qui nous rendent conscients - telle est moins
l'intention de Ionesco) - de la facticité des conversations ordinaires.

84
2) la banalisation des propos
a) le jeu avec les phatèmes
On appelle phatème des petits mots comme (euh, "oui") qui, dans une
conversation ordinaire, n'ont pas de sens en eux-mêmes mais servent à maintenir
les interlocuteurs en contact. Pour signifier la vacuité conversationnelle,
Ionesco prête à ses personnages des propos formels (phatiques) sur le temps,
ponctués de silence.

M. Martin : Nous sommes tous enrhumés.


Silence.
M. Smith : Pourtant il ne fait pas froid
Silence
Mme Smith : il n'y a pas de courant d'air
Silence
M. Martin Oh non, heureusement.
:

Silence
La Cantatrice Chauve, p. 33.

Chacun reconnaîtra là un fonctionnement ordinaire de la conversation


courante. Par contre, Ionesco rompt avec le mimétisme simple d'une conversation
ennuyeuse quand il pousse le procédé de banalisation, à l'extrême, en sémanti-
sant les phatèmes :

M. Smith: Hm
Silence
Mme Smith: Hm, hm
Silence
M. Martin: Hm, hm, hm, hm
Silence
Mme Martin : Oh décidément
Silence
La Cantarice Chauve p. 33.

En effet, la dernière affirmation de Mme Martin présuppose une adhésion


totale au contenu propositionnel de la réplique de M. Martin, ce qui renforce
l'inanité de ces échanges.

b) les lois conversationnelles


"Maximes conversationnelles" pour Grice, "postulats de conversation" pour
Gordon et Lakoff, "lois du discours" pour Ducrot, autant d'hypothèses selon
lesquelles toute conversation est nécessairement réglée par un principe de
" coopération " qui veut que l'on ne parle pas à n'importe quel propos (maxime
de relation), que l'on croit à ce que l'on énonce (maxime de qualité), que l'on
vise à un maximum de clarté (maxime de quantité). Ce principe de "coo-

85
pération " a été largement critiqué, je n'y reviens pas. (15). Bien que d'une
puissance descriptive trop grande, ces règles conversationnelles deviennent utiles,
cependant, dans la mesure où elles servent souvent de révélateurs des
stratégies qui, en interaction concrète, les transgressent : polémique, ironie,
dissimulation, séduction...
Soit à titre d'exemple ce petit dialogue entre les deux partenaires d'un couple,
elle, plutôt angoissée au moment des départs, lui, un peu agacé par son
appréhension.
Elle. Tu es sûr que c'est le bon, c'est quoi ce train ?
Lui. C'est un train avec des roues qui tournent et une locomotive devant
Silence.
Comme le signale le glissement du déictique particularisant "ce" à l'indéfini
générique " un ", Lui répond à la demande d'information précise qui lui est faite
par une phrase dont le contenu propositionnel (la définition de l'objet train) est
informativement nul pour son interlocuteur. Cette violation caractéristique de
la "maxime de quantité" s'explique par la valeur illocutoire ironique de la
réponse du mari. Il est ainsi mis un terme à l'échange dans la mesure où Elle
préfère ne pas répondre à son tour avec une intention illocutoire polémique.
Illustrant ce que je disais précédemment du "trope communicationnel
théâtral ", Ionesco transgresse à plusieurs reprises la " maxime de quantité " en
particulier à l'initial de sa pièce, quand il parodie la scène d'exposition du
théâtre classique (pages 19 et 20) ou quand il tourne en dérision les histoires
de salon (pages 34 et 35), (de «Mme Martin, gracieuse. Eh bien j'ai assisté
aujourd'hui à une chose extraordinaire >> à << les trois autres: Fantastique >>
On sait, depuis Labov, que ces récits sont soumis à une règle
conversationnelle qui relève de la "maxime de quantité", du fait que les événements
qu'ils rapportent doivent être dignes d'intérêt au risque d'être soumis à un " et
alors" désapprobateur de l'auditoire. C'est pourquoi le narrateur, très souvent,
ouvre ce type de récit par un résumé visant à accrocher l'attention des
récepteurs et entrecoupe les événements, qui ont font sa matière par des évaluations
qui cherchent à conserver ou orienter l'intérêt de l'auditeur. En parfait paro-
diste qu'il est, Ionesco réutilise la technique conventionnelle, précédemment
décrite, mais en la tournant en dérision : le résumé est excessivement
prometteur ("j'ai assisté aujourd'hui à une chose extraordinaire. Une chose
incroyable ") ; les évaluations vont dans le même sens (" vous allez dire que
j'invente") mais l'ensemble contraste avec la banalité de Y événement se pencher
pour nouer ses lacets). De la dérision, on s'oriente vers l'absurde quand les
auditeurs multiplient les suspensions du récit ("qui, quoi"?) jusqu'à
l'interrompre par une conversation régulatrice ("Faut pas interrompre, chérie tu es
dégoûtante... chéri c'est toi qui a interrompu le premier, mufle... " ou quand ils
profèrent l'évaluation finale "Fantastique".

(15) Lire en particulier D. Wilson, D. Sperber, " Remarques sur l'interprétation des énoncés selon
Paul Grice, Communications no 30 ; B.N. Grunig, " Pièges et illusions de la pragmatique
linguistique ". Modèles linguistiques, PU de Lille et C. Kerbrat-Orecchioni. " Comprendre
l'implicite, Document d'Urbino. Cette dernière écrit : " L'incertitude est aussi grande en ce qui
concerne la validité de ces règles et leurs conditions d'application. On peut remarquer qu'elles
entrent parfois en conflit les unes avec les autres... et qu'elles sont aisément-transgressibles...
ce sont des règles purement tendancielles, dont le degré de "force" varie... Ces lois du
discours, que l'on peut envisager comme des consignes de décodage aussi bien que
d'encodage... jouent pourtant à coup sûr un rôle décisif dans les opérations constitutives du " calcul
interprétatif", p. 27-28.

86
Ce qui dérange donc, dans ces exemples, c'est tout autant la banalité
des propos tenus que la transgression des règles conversationnelles, le tout
destiné à provoquer chez le spectateur, de façon réflexive et ludique, une
dénaturalisation des fonctionnements langagiers, et partant, leur désautomati-
sation.

CONCLUSION
Au terme de cette analyse contrastive de la conversation ordinaire et du
dialogue théâtral, je voulais souligner l'enjeu pédagogique de ce travail. H est
double : — permettre, du côté de la lecture, d'observer le fonctionnement de
l'écriture théâtrale, tout au moins un de ses modes essentiels d'organisation.
— favoriser, du côté de Y écriture, l'élaboration, par les élèves, de
productions dramatiques, comme je le montre, dans ce numéro même, dans mon
article "Pratiquer le théâtre à l'école"

BIBLIOGRAPHIE
1) Textes Théâtraux
— Beckett. En attendant Godot. Minuit.
— Cocteau. Antigone. Folio.
— Genêt. Les Paravents. Folio.
— Grumbert. En r'venant d't'expo. Stock.
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La Cantatrice chauve. Gallimard.
— Kraemer. Minette la Bonne Lorraine L'Avant Scène n° 623.
— Molière. Les Fourberies de Scapin. Hatier.
L'Avare. Seuil.
— Racine. Iphigénie. Seuil.
— Tordjman. Intimité L'Avant Scène n° 646.
C'était. L'Avant Scène n° 623.
— Vitrac. Victor ou les enfants au pouvoir. Gallimard.

2) Textes théoriques
— J.L. Austin.Quand dire, c'est faire. Seuil, 1970.
— C. Backmann, J. Lindenfeld, J. Simonin. Langage et communications sociales. Hatier,
1981.
— E. Benveniste. Problèmes de linguistique générale. Tome I & II, Gallimard, 1974.
— L. Charolles. "Analyse d'un dialogue didactique: l'explication de texte". Pratiques n°
40 - décembre 1983.
— M. Charolles. "Les formes indirectes de l'argumentation". Pratiques n° 28 - 1980.
— G. Conesa. Le dialogue moliéresque. PUF 1983.
— M. Coulthard. An introduction to discourse analysis, Longmann 1977.
— O. Ducrot. Dire et ne pas dire. Hermann, 1972.
— E. Goffman. Les rites d'interaction. Minuits, 1974.
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— B.N. Grunig. "Pièges et illusions de la pragmatique linguistique".
Modèles linguistiques. PU de Lille.
— D. Gordon, G. Lakoff. "Postulats de conversation". Langages, n° 30, 1973.

87
— C. Kerbrat-Orecchioni. L'énonciation de la subjectivité dans le Langage. Colin, 1980.
"Comprendre l'implicite", Document de travail d'Urbino, 1982.
"Quelques aspects du fonctionnement du dialogue théâtral. Colloque de
Toronto, 1982.
— W. Labov. Le parler ordinaire. Minuit, 1978.
— M. Lacoste. " La vieille dame et le médecin. Contribution à une analyse des échanges
linguistiques inégaux". Etudes de linguistique appliquée, N° 37 - mars 1980.
— P. Larthomas. Le langage dramatique, Colin, 1972.
— Mary-Annick Morel. "Vers une rhétorique de la conversation". DRAVL n° 29, 1983.
— A. Petitjean. "Du récit oral à la fable écrite", Pratiques n° 34, 1982.
— L.C. Pronko. Théâtre d'avant-garde, Denoël, 1963.
— F. Recanati. Les énoncés performatifs. Minuit, 1981.
— J. Scherer. La dramaturgie classique en France, Nizet, 1966.
— J.R. Searle. Sens et expression, Minuit, 1982.
Les actes de langage, Herman, 1972.
— G. Serreau. Histoire du nouveau théâtre, Idées, 1966.
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L'école du spectateur, ES, 1981.
— P. Watzlawick, J. Helmick Beavin, Don D. Jackson. Une logique de la communication.
Seuil, 1979.
— D. Wilson, D. Sperber. "Remarques sur l'interprétation des énoncés selon P. Grice",
Communications, N° 30, 1979.

Le Centre de recherche sur la lecture littéraire et le Département de


Français de l'Université de Champagne-Ardenne organisent, les 14, 15 et
16 juin 1984 à Reims, un colloque international et interdisciplinaire sur

la lecture
littéraire

Participeront en particulier à ses travaux :


Didier Anzieu, psychanalyste, Henri Béhar (Sorbonne Nouvelle),
Jean Bessière (Amiens), Philippe Chardin (Reims), Béatrice Didier (Paris
VIII), Claude Duchet (Paris VIII), Roger Fayolle (Sorbonne Nouvelle),
Roland Galle (Constance), Jean Gattegno, Directeur du livre et de la
lecture, Charles Grivel (Mannheim), Pierre-Etienne Heymann, metteur en
scène, André Karatson (Lille), Julia Kristeva (Paris VII), Jacques Leenhardt
(E.H.E.S.S.), Alain Montandon (Clermont), Michel Picard (Reims), Romain
Reisinger (Salzbourg), Guy Scarpetta (Reims), Alain Viala (Sorbonne
Nouvelle),
ainsi, peut-être, que: Michel Butor, écrivain, Alexander Dutu
(Bucarest), André Green, psychanalyste, Georges Mounin, linguistique,
Michael Riffaterre (New York), Maria Alzira Seixo (Lisbonne), Karlheinz
Stirle (Bochum)...
Pourtout renseignement et pour l'inscription, s'adressera : Michel
Picard, U.E.R. Lettres, 57 rue P. Taittinger, 51100 Reims.

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