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456 La réforme impossible : Turgot et Necker par Francais Monier Thurgor et Necker, deux figures majeures de la fin de Ancien régime, deux icOnes de la néforme és tsk: dex pecocnoubas eabdigeulquur x lesquelles on n'a cessé d'écrire depuis deux siécles, soic pour les encenser, surtout Turgot, soit pour es dénigrer, plurde Necker Turgot et Necker, Dance qu'il est interessant de s'attacher aun myths, mais on aurait pu les remplacer par Calonne et Brienne, plus méconnus, mais qui nom pas démé- rité dans leurs effoms réformateurs. Turjot et Nec- ker, deux caractéres si différents, 4 bien des égards : Tun, le premier, "homme du Conseil du roi, le représentant de la monarchie administrative, le penseur de cabinet, le théaricien du pouvoir, doctinaire et dogmatique, décidé et aovateur par principe, une some dilluminé, loué par la paste fi, 4 la tte d'un cédhit tarde diéconcmistes qui ne représentent déja plus grand-chose, car en 1774, les physiocrates ont fait leur temps, les beaux jours de la secte sont passés, tandis que de fouveaux penseurs prennent la releve ! Tautve, Ie sccond, ex tout Finverse, lui ke praticien, ke han- quiet, Homie de terrain, le Genevois, qui par vient at faite de "Etat en accédant & des fonctions qui 4 prior’ ivi dient interdites,& fui Hetranger, le protestant. Deux hommcs en compétition, le physiocrate et Fantisphysiacrate, fe lbéral et le panisan de Tintervention de (Etat, le dogmiique, Géfenseur du « sysiéme +, et le partisan de la raison et de la sagesse, champion dune économie du sens commun, le prétendu + scientifique » et le pragmatique, Yadministratcur établi et ke parveny, Vincelecwe! et le praticien, le défenseur de limp Unique sar les terres et celui qui prone Fimposision de la production et de la consommation, deux hommes en compétition, deux hommes que tout oppote et qui se désesens... Mais pour chacun, un grand sens de la propagande, des amis actfs, des obliges, une clientdle, qui prolongens ea coulisse leur hosilisé, deux chefs de coteries, qui jouent pareillement avec opinion publique : la « tur- gomanie- oppose 2 la neckromane~ | Louwage Adam Seat et de 776. Mais ici, c& ne Sont pas tant leurs réformes qui nous iniéressent, ni leur bien-foadé, car tout juge- ment porté 4 leur égard dépend de mos. propres apinions. Notre propos est de nous intesroger sur les méthodes ulllistes et Jes moyens mis en acuvre pour réaliser ces réformes, sur la psychologic réformatrice de ces deux hommes providentiels, orgueilleux et stirs <'eux-mémes, Car ces deux réformateurs que tout semble ‘opposer ne sont pas sans présenter ceriaines ana= logies dans leur maniére elagit. Ils appartiennent & tune €poque oi |e « dire - a plus d'importance que la réalité du - faire -, dautant qu’alors, surtout lors- quion niest plus dans les salons mais aux affaires, on ne mangue pas Cun cerain pragmatisme qui permet de s'écarter, pourvu qu'on ne Je recon- aise pas trop ouvertement, des principes que Yon professe, comme de nos jours diailleurs, oi Fon n/apit pas de méme lorsqu’on est dans Foppo- sition ou au pouvoir, De serie que, pour l'un comme pour l'autre, if ne faut pas se laisser abuser par ce quils prockament, mais examiner la realte de louss réalisations pour tenser de les apprécier plus justement, Les programmes de réformes Face au blocage institutionnel, aux difficultes, économiques, aux crises financiéres 2 repetition, la réforme s'imposait sans doute, Non sans un certain, courage ef certains succes, mais avec des pro- grammes différents, les deux ministres s'y sont aneles, Crest un programme libéral, longuement mi que Turgot met en ceuvre lorsquil prend les nines du Controle général des Finances, le 24 aodt 1774. Crest pourquoi. ses biographes ont ww en lui un ministre doctrinaire résolu a faire passer ses théo- ries dans les faits, saluant ses édits comme ke début d'une ére nouvelle qui aliait mobiliser les citoyens face a IEtat, C'est ainsi que son édit du 15 sep- tembee 1774, qut absogea les contriles. sur le mar- Revue adeinisiratioo m* 353 ché des grains, a l'exception de Fapprovisionne- ment statégique de la capital, ou celui du mais avril 1776, sue la libre cieculation du vin, sont salués pour la libené quis ont instaurée dans ces négoces. Gest toujours au nom de la libené, celle de la concurrence et celle entreprendre, que les jurandes ont été supprimées 2, ce qui revenait & iteedite toute association entre salariés pour la defense de leurs intents. ‘A ces grands textes, dont le programme avait labore des les années 1760, mais dont la publica von avait éé retardée pour Fessentiel & la fin du ‘minister, il faut ajouter ki suppression des corvées rovales des chemins *, tandis que certains élé- ments du programme restaient 4 lat de projet réforme des municipalités, de la menclieité, de la fiscalité ou de I'setoi d'un état civil aux protes- tants, méme si une série de décisions dimporance secondaire est venue inaugurer un plan de soutien la production et la consommation * ‘Turgot prit encore certaines mesures pour l'amé- lioration du budget : suppression des croupes sur la Ferme génerale * et transformation en régies de 2 Et 6 keer 1776. Cote wuppresson achat centres xcept athces per den ranars feanares ov dard ae ‘Cingle aezemner de hye deira x reconeuee 1 Cae sant pce par ie tam re pig ee ha sen — cee ccs de Par. 2 atch 1724 Roersé du comme des mules de pork 10 dicenbre 1774 ufeabon dea (Foes ers bret 25 saben 1774 retucton oe as joroes i Yara urls pvaon @ prune des ‘Sir gs tvrar 177%, 1 a Cale aoe marerae de Semaae ate Facty pour & vance, easton ce a ibers a commerce ee at barr oie dun pour oe govewee ae SSamnayen ge sanae 4 Fare pprocion cer eco ort qua als march de Pe 5. Art Consol du (4 sablentve 1774 Ls eroupes dune es sors de soeets oh gartpeton de earache ecaate ies ‘edie care pes aus bos el wescnsen 1 Arnau Conse du 25 waprarnbre 724, avant ie Sub de ferme dey Oomaines ef conlart ti perception de sex drat tune See re oi Garant 7 sa 75 mera Sara Fonts au prot dune rope de mes ‘rien dn yng et Narares et de Moderna | ee gu penn Soper fenvemla eee = Dir rae ou mene fale es Fabre "Arh Corse 24 mars 476 Octobre |77harri!7B.ote ITB ule 78 cai ITB weterie 0 5 Ci ga ta parent de sppriner certain fos comptes su grat Gn barns gana inirtcatn des pers ei ona: t dea row. te rer 780 Aevue administrative n° 355 Lat réforme impossible : Turgot et Necker cemtaines fermes © Ml a cre€ aussi une Cisse dese compte en vue de redresser le crédit public” Louvre de Necker est tout aussi considérable. It est vrai quil a bénéficié dune meslleure longevité au cours de son premict ministére, ear Il ne sera pas question des deux autres, consaceés, Pun, la convocation aux Eras généraux, Faure, 2 faire face aux dehuts de la Revolution ® Appelé en raison de ses talents de banguier ot de la nécessité de financer la guerre d’Amérique. Necker s'est attaché 4 liquider les arriérés, a rap: procher le payement des dépenses courantes (22 décembre 1776), 4 opérer des réductions dans les charges publiques, notamment dans 11 maison du foi? a mieux comtrGler Poctro’ des pensions a La Chatge de PEtat et a améliorer le rendement dle impiits * Mais ce sont ses réformes adminssratives qui ont smarqué les esprit. En 1777, ll réunit plusieurs régies des aides en une Regie generale @, cree une Adm rnisration générale des domaines du soi}, supprime les itendants des Finances et ceux cht Commerce ', ‘ands que le contentieux des Finances est confit 3 10. Cenelastion de Factrot des equates persons xl seve caase du Trésor royal rien dy 22 eéccmbve 1276 : refote Senge oes brows ce peoen Ite pelea fy ¥ noes | Comruatien ses prececures de vacation de bles des 1 cupprasion des sngoemes Cinducie dare es airéiorat hs oat des Ue Inceectes ution des is Caceontaten de lore rye et ‘supareste dey cubes aur cen Stern Cnt ay Coral Go 20 [tile 1777) mine eget ero des ovina a, a2 PR hag 0 1777 Sr eran nr eis Ferme gerdrae. ivy cole (gibeie, bse rots e rates tt cenes de Pars) Rége générale ut spats ha perceptions des \rowboru caren uel percerat dh isi does oA tmbcaretn piecae Son Goorren qui te Cpe in ever ‘Sot omar es pereaten den dot Geman 12 Avel (777 Cente role rassrble rs Guns ues ype ‘hdaues et dons oars ‘ant 277 Cte adrivtraton repro le aceon gin min dos deren sk b8 kat gon pers den oar Bow econ Ges 14 Econ mess eu 177 457 Frangots Mounier 458 un Comité contenticux, rétranche: plusieurs cen- talnes offices comprables "8, ondonne & tous les tr soriers dadresser un état mensuel de Temploi de leurs fonds avec interdiction de délivrer des billets terme sans son accoed ® et séduit le nombre des receveurs genératnt des Finances Sa grande pensée, cependant, est attachée a la réforme de administration provinciale, désa amor- cofe par L’averdy et & laquelle Tungot a’avait jamais cessé de songer. Vidée, toujours ln meme, était de faire pantciper les administrés 2 la gestion locale, En conséquence, plusieurs arréis du Conseil éea- blirent, 2 tire d'essai, une administration provin- Gale en Berry, en Dauphiné, en Haute-Guyenne et clans la généralité de Moulins “. Mats le directeur des Finances nest pas allé plus loin dans Fexpé- rience, Tout juste eur-il le temps, avant de quitter fe pouvoir, de faire paraitre son Compte rence ae ref, fruit de son anglomanie, Car & exemple de Angleterre, Vidée était de publier les comptes de (Etat tous les cing ans, en vue de raifermir be créslic public, Pars le 19 janvier 1781, le Compie rendu donnait le tableau des recettes et des dépenses du royaume et annongait oppomunément un excédent de 10,2 millions de livres sur le budget ordinaire. On peut encore ajouter que le minixre s'est encore occupé, dés le mois daoit 1777, de Vétat des prisons royales et des mesuses & prendre pour Jes améliorer 1, quil sest inquiété de la situation des hépitaux ® et qui a perfectionné les dépéts de mendicite et les bureaux de charite Ces énum#rations donnent une idée des efforts centrepris par les deux ministres, qui ont agt non sans un certain courage, Mais inévitablement, dans ‘et amas de réformes, dl entre une part de fiction, mais aussi d'erreurs et de sotises, La part de fiction Ces deux programmes component effecivement une part imaginaire, car plus que l'action propee- 3 bumrnen esas epee te Gere elt Maine qu varéne de ence A drok rome Aer hs Conca ca 18 cere 1778 17 Cees passant e483 12 et report une remeron fe en revgietement Ges arcernes Watton ale aperuiors fecal 1B Regpectvemert lee 12 pallet: 1770, 2? avrb ATP, 14 paket 1779 ot 19 a 80 19. (te mois nde TTT, a rforpe UW pareapton es rower dy Coma, « Syaiement aononct Ia partcpaton dy ment dite, ce qui était important pour opinion, était de faire croire au changement, ce que les deux ministees ont bies compns Creat ainsi que Turgot & €1€ poré aux nues, dés ‘son intendance de Limoges, par un - service de tela- tions publiques - d'une remarquable efficacité Condorcet, Dupont, fes abbés de Véri et Baden, Le Trsne, le marquis de Mirabeau, mais aus: Vol taire, pour ne citer que les plus connus. De fait, le ministre était a la téte dune seete, qui n'a cesst: de Je glorifier et qui, constiuée de bonnes plumes, a éussi 4 le placer en bonne place dans le Pantheon des hommes qui ont fai la France. Ces ainsi que se construisent Jes Iégendes et Michelet, tout le pre- mies, a. magnifié, donnant le ton 3 ses successeurs, Necker, de-son cété, n'es pas en reste, méme sila postériné est plus révervée 4 son égard +, puisque certains réduisent ses réformes a de simples expe dicnts destinés cultiver sa popularité. Il est vrai que sa femme et sa fille Vont célébré avec un tel ble idolatre, qu'on a fini par erode & sa somtise. Mais pour la masse de ses contemporain, il passalt pour Thomme providentiel susceptible de sauver le pays clu désasize, méme si ses opposants se plaisalent 4 souligner ses petits moyens-de parvenu, ainsé que le manque de-vigueur de s2 pensée Pourtant, bien des traits les rapprochent. Diabord, le désir de gloire et de reconnaissance, qui les por- talent 2 se faire une haute dee diewx-memes et & célébrer leur propre louange. Cela apparait a la lecture des longs preambules de leurs principaux edits, qui sont censés commenter le contenu de leurs réformes, mais qui sont utilisés & des fins publicitaires, comme faire-valair de leur action. (Gest ainsi que Tungot s étale sur douze pages pour justifier la bere du commerce des blés, puis la suppression des corvées et celle des jurandes, Cea Fesprit de systéme, le dogmatisme du réfor- mateur qui cherche 4 généraliser ses idées, qui est ésolu 4 faire passer ses théories dans les fails, car Demaine & enieprise de rénavation Ges prizons. qui iat aka sharge es wes RNR 3: Cra 177 tut re crn pour aarmianr lee moyen went parte Enon 78 a lapecion geere es Papua ees es store oe oe 21 Ortorance da 27 putt 177 22. Peart. aux yar ob carts. pour «8 frrar el Reto ion m Abbe E Lnaquery Necker outer deo Réplston Pais 193 Aocne adminisinarive n° 353 4 lire ses préambules, on voit combien son action’ Stuncre dans Vidéologie, combien ses présupposts sont a ses yeux indiscutables et cambien ses réformes sont places sous Pégide de levidence, ne laissant nulle place au ddowe ni au débai, De sorte que Fédit sur la libeé des blés a été publlié sans que personne ne singuitte, dans Tentourage du ministre, des perturbations qui pouvaient en résulter dans Fapprovisionnement, car il fallait 3 tour prix que le réformateur et raison. Ei Lon fut tout Gtonné de voir cette libené déboucher sur la disette et sur la guerre des farines ®, les faits ayant refuse de se plier 4 la théorie et 4 la passion uto- Pique. Er avec Necker, Cex a méme chase, le méme désir de gloire et de reconnaissance, la méme em- phase, Ia méme ferveur réformatrice, la méme Utilisation de présupposés indiscutables, de so- phismes aveuglants qui prétendent expliquer une méthode et un systéme, la méme confiance peésompteuse dans la compréhension et Tadhé- soon de Lopinion publique. De sorte que la résis. tance des gens en place lui parait incomprehensible et A mettre sur le compte d'un conservatisme sur- anné et d'un penchant atavique pour les privie ages. Il est vrai que chacune de ses mesures na pas manque de susciter a fermentation des privilé- 865 ct des financiers et qu’d chaque fois, ila da, compeer sur Tappul de Topinion qu'il devait bien fame pour amiver a ses fins, Gest ainsi quia joue avec la confiance des masses dans Vintervention- nisme public, notamment dans le négace des grains, pour sen prendre aux tenants

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