You are on page 1of 5

VIE ET RYTHMES

Alfred North Whitehead

Presses Universitaires de France | Revue philosophique de la France et de l'étranger

2006/1 - Tome 131


pages 73 à 76

ISSN 0035-3833
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-philosophique-2006-1-page-73.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
North Whitehead Alfred, « Vie et rythmes »,
Revue philosophique de la France et de l'étranger, 2006/1 Tome 131, p. 73-76. DOI : 10.3917/rphi.061.0073
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France.


© Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
VIE ET RYTHMES *
1
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France
64 . 1. La théorie des objets percevants dépasse le cadre de cet
ouvrage dont le but est de démontrer les principes de la connais-
sance naturelle par l’examen des données et des lois expérimentales
fondamentales pour la physique. Un objet percevant est en un cer-
tain sens au-delà de la nature. Mais la nature inclut la vie ; et la
manière de concevoir la nature dans le chapitre précédent repose
sur des conceptions biologiques quant au sens dans lequel la vie
peut être dite inclue en elle.
64 . 2. Un objet est une caractéristique d’un événement. Un tel
objet peut être en fait une relation multiple entre objets situés dans
différentes parties de l’événement total. Dans ce cas, la qualité du
tout tient à la liaison entre ses parties et la relation entre parties à la
qualité du tout. L’événement total étant ce qu’il est, ses parties ont
de ce fait des relations définies ; et les parties ayant toutes les rela-
tions qu’elles peuvent avoir, il s’ensuit que l’événement total est ce
qu’il est. Le tout s’explique par une connaissance complète des par-
ties comme situations des objets, et les parties par une connaissance
totale du tout. Un tel objet est un type [pattern].

* Il a paru opportun de traduire et de publier dans ce numéro consacré à


Whitehead ce texte dont l’intérêt est double : d’abord, il montre que la nature
qui se révèle dans la perception peut être décrite géométriquement sans être
dévitalisée comme c’est le cas avec Galilée, Descartes et Newton ; ensuite,
l’idée de rythme laisse apparaître une alternance entre les strates et les séries
formant l’épaisseur de la durée. Dans la nature, se produisent des vibrations
(matière) et des pulsations (organisme). En liant la vie au rythme du procès,
Whitchead souligne le lien de la variation à la permanence, ainsi que le fait de
variations dans la variation.
1. Alfred North Whitehead, An Enquiry concerning the Principles of
Natural Knowledge, Cambridge University Press, 1925 ; « Rythmes »,
chap. XVIII.
o
Revue philosophique, n 1/2006, p. 73 à 76
74 Alfred North Whitehead

64 . 3. La discussion de la vie de la nature s’est trouvée limitée à


certaines voies conventionnelles relevant de concepts scientifiques
traditionnels. Nous sommes conscients d’objets vivants. Mais la
phrase « objets vivants » est trompeuse ; pour être plus précis, nous
devrions dire : « objets exprimant la vie » ou « objets portant la
vie ». En effet, la vie individuelle dépasse le simple objet. Il n’y a
pas un objet qui, après être reconnu comme objet, soit alors jugé en
lui-même comme vivant. Le fait d’être vivant [liveliness] est le
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France
caractère reconnu de la relation de l’objet à l’événement qui est sa
situation. Ainsi, dire que l’objet est vivant supprime la référence
nécessaire à l’événement et dire qu’un événement est vivant sup-
prime la référence nécessaire à l’objet.
64 . 4. Par suite, nous devons nous demander quelles sortes
d’événements ont la vie dans leurs relations aux objets situés en eux
et quelles sortes d’objets ont la vie dans leurs relations à leur situa-
tion. Un objet porteur de vie n’est pas un objet « uniforme ». La vie
(telle que nous la connaissons) inclut la complétion de parties ryth-
miques inhérentes à l’événement porteur de vie qui présente cet
objet. Nous pouvons diminuer les parties temporelles et, si les ryth-
mes persistent, le même objet de vie se révélera dans l’événement
réduit. Mais, si la diminution de durée va jusqu’à la cessation du
rythme, l’objet porteur de vie ne doit plus être cherché comme qua-
lité d’une section de l’événement original interrompue pendant sa
durée. Ce n’est pas l’originalité particulière de la vie. Cela est vrai
aussi d’une molécule de fer ou d’une phrase musicale. Ainsi, il n’y a
pas de chose telle que la vie « à un instant » ; la vie est trop obstiné-
ment concrète pour être localisée dans un élément extensif d’un
espace instantané.
64 . 5. Les événements que nous associons à la vie sont aussi des
situations des objets physiques. Mais l’objet physique bien qu’es-
sentiel n’est pas une condition adéquate pour sa manifestation [for
its occurrence]. Un changement presque imperceptible dans l’objet
d’un point de vue physique détruit la vie dans les situations succes-
sives de l’objet. L’objet physique, bien qu’apparent, est un objet
matériel et en tant que tel il est uniforme ; mais quand nous consi-
dérons les composants causaux d’un tel objet, le caractère apparent
de la situation globale est alors remplacé par les caractères rythmi-
ques quasi périodiques d’une multiplicité de parties que sont les
situations des molécules. D’une manière analogue nous recherchons
un caractère causal de l’événement qui, d’une manière ou d’une
autre, nous apparaît comme vivant, et nous cherchons une expres-
sion de ce caractère causal en termes de composants causaux de
o
Revue philosophique, n 1/2006, p. 73 à 76
Vie et rythmes 75

l’objet physique. Il semblerait alors (en prolongeant l’analogie) que


la vie apparente dans une situation a, comme contrepartie dans
cette situation, des rythmes plus complexes et plus subtils que ceux
dont la réunion est essentielle à l’objet physique.
64 . 6. De plus, nous avons en un sens perdu dans l’objet phy-
sique les rythmes de la réunion macroscopique qui a le caractère de
la cause finale. Mais la vie conserve son expression de rythme et sa
sensibilité au rythme. La vie est le rythme en tant que tel, alors
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France
qu’un objet physique n’est qu’une moyenne de rythmes qui ne pro-
duit pas de rythmes dans leur réunion ; et ainsi la matière est en
elle-même sans vie.
La vie est complexe dans son expression, incluant non seulement
la perception mais aussi le désir, l’émotion, la volonté et le sentir.
Elle révèle des variations de degré entre le supérieur et l’inférieur
telles que les degrés supérieurs présupposent les degrés inférieurs
pour son existence réelle. Cela suggère une identification plus proche
du rythme en tant que contrepartie causale de la vie ; en effet, par-
tout où il y a rythme, il y a vie, ce qui n’est perceptible pour nous que
lorsque les analogies sont suffisamment étroites. Le rythme est bien
la vie en ce sens qu’on peut la dire inhérente à la nature.
64 . 7. Maintenant un rythme est reconnaissable et, en tant que
tel, il est un objet. Mais il est plus qu’un objet formé d’autres objets
qui s’entremêlent à l’arrière-plan du changement essentiel. Un
rythme inclut un type [pattern] et de ce fait il garde toujours son
identité. Mais aucun rythme ne peut se réduire à un simple type ;
car la qualité du rythme dépend aussi de différences relevant de
chaque présentation du type. L’essence du rythme, c’est la fusion
de la permanence [sameness] et de la nouveauté ; ainsi, le tout ne
perd jamais l’unité essentielle du type tandis que les parties révè-
lent le contraste émergeant de la nouveauté dans leurs détails. Une
simple récurrence tue le rythme aussi sûrement que le fait une pure
confusion des différences. Un cristal manque de rythme par excès
de type, alors qu’un brouillard est arythmique dans la mesure où il
manifeste une confusion de détails par absence de type. En outre, il
y a des degrés de rythmes. Le rythme le plus parfait se construit à
partir d’éléments rythmiques. Une partie subordonnée en excès de
type dans le cristal ou une confusion brumeuse affaiblit le rythme.
Ainsi, n’importe quel rythme important présuppose des rythmes
moins importants sans lesquels il ne pourrait être. On ne peut trou-
ver aucun rythme dans la confusion ou la permanence.
64 . 8. Un événement, dans la mesure où il acquiert son unité à
partir de la continuité de l’extension et sa nouveauté spécifique à
o
Revue philosophique, n 1/2006, p. 73 à 76
76 Alfred North Whitehead

partir de son caractère inhérent de passage, constitue un facteur


de la vie ; et le type présenté dans l’événement, qui, en tant
qu’identité, ne serait qu’une simple répétition, constitue un autre
facteur de la vie. Un rythme est trop concret pour être vraiment un
objet. Il résiste à toute tentative d’extraction de l’événement sous
forme d’un objet véritable qui serait simplement un type. Ce que
fait le type, c’est d’imprimer son caractère atomique sur un certain
événement global qui, tel un tout ayant son type atomique, est un
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Corse - - 90.8.136.70 - 15/08/2014 12h52. © Presses Universitaires de France
type [type] unique d’élément naturel, qu’on ne peut définir ni
comme simple événement, ni comme simple objet. Ce caractère ato-
mique n’implique pas d’existence discontinue pour un rythme ;
ainsi, une longueur d’onde qu’on peut distinguer aux différentes
positions d’un train d’onde présente le rythme d’ensemble du train
à chaque position de sa trajectoire continue.
64 . 9. Le véritable fait d’un objet non uniforme inclut un
rythme. Nous appréhendons de tels objets dans des événements à
certains niveaux de leur taille, pourvu que nous concentrions notre
attention sur ces organismes pourvus d’une stabilité d’existence,
chacun d’eux en relation étroite avec un objet physique ou avec un
ensemble d’objets matériels causaux [causal material objects]. Des
molécules sont des objets non uniformes et en tant que telles elles
présentent un rythme, bien qu’à notre connaissance ce soit un
rythme d’une simplicité extrême. Les corps vivants présentent un
rythme d’une simplicité analogue à celle des molécules. Il est impos-
sible de ne pas penser que le gain en complexité apparente au
niveau de nos propres événements porteurs de rythmes est dû plu-
tôt à notre perspective qu’à un fait inhérent à la nature.
Il y a des rythmes perdus qui traversent la surface de la nature
en utilisant des objets physiques comme simples moyens de transi-
tion pour s’exprimer. Dans une certaine mesure, c’est le cas des
corps vivants qui présentent une assimilation continue et un rejet
de la matière. Mais la subtilité du rythme exige une certaine stabi-
lité de la matière.
64 . 91. Ainsi, la permanence du rythme individuel dans la
nature ne dépend absolument pas d’un ensemble défini d’objets
matériels. Mais la connexion à des rythmes plus subtils est très
confuse.
Alfred North WHITEHEAD
(Traduit par Xavier Verley.)

o
Revue philosophique, n 1/2006, p. 73 à 76

You might also like