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PHILOSOPHES CONTEMPORAINS M. RENOUVIER LE CRITICISME FRANCAIS! 1X ‘La cansalits ot In nécoselt Aucun philosophe, & ma connaissance, n'a fait une aussi grande place & la liberté dans sos écrits et ne lui a accordé un réle aussi considérable dans les faits psychologiques, moraux et sociaux, que Vauteur des Essais de critique générale et de la Seience de la ‘morale, Il semble qu'il n'y sit plus rien & dire sur un sujet qu’ont traité tous les philosophes de tous les temps : M, Renouvier a su cependant Je renouveler dans nombre de points de la plus haute importance, tantdt en s'inspirant de Jules Lequier, tantat, et le plus souvent, par des vues toutes personnelles. Ses publications les plus diverses ne sont, en somme, que les différents chapitres de ce qu'on pourrait appeler une philosophie de la liberté, Quand méme on rejetterait, complétement ou non, la méthode mathématique de au- teur et son essai de systéme des ealégories, toute la partie de son eavre qui est consacrée 4 la volonté humaine n'en subsisterait pas moins. Cest la, si je ne me trompe, ce qui recommandera avant tout M. Renouvier & Ia postérité et ce qui marquera sa place parmi les esprits les plus solides de notre temps. Ajoutons, c’est justice, que les onvrages ou parties douvrages dans lesquels auteur traite les problémes moraux, sont, dordinaire, Tune lecture trés-facile. L’auteur no s'y défuit pas toujours assen 4 Voir les deux numéros précédents de la Revue philoaphigue BEURIER, — PHLOSOPHIE DE 3. RENOUVIER 577 de certaines périodes un peu lourdes; mais Vexposition est généra- Jement d'une clarté irréprochable ; elle est large et atnples elle est parfaitement ordonnée, suivie et résumée, et elle ne manque ni de chaleur, ni @éloquence. C'est par ces qualités de style tout autant que par l'originalité de la conception, que se distingue particuliére- ment la Science de (a morale et aussi, quoiqu’a un degré moindra, la belle Introduction i th philosophic analytique de Uhistoire qui forme le quatrieme Essai de critique yénérale ! Des régles logiques et mathématiques de la méthode, nous sommes passes aux lois les plus générales duu mondo, lois @harmonie univer- elle, qui ont leur principal fondement dans les passions, instincts ou tendanees des éires représentaifs. Au fond, en effet, tout est passion, et toute passion & gon tour est fonction, e'estadire corréla~ tion, ce qui ne supprime pas les distinctions essentielles des éires et des phénoménes : tout au contraire, on ne comprendrait pas Mhar- mionie sans les divorsités originelles. Cleat a cette concordance harmonique du divers que se raméne pour M. Renoavier Ia eauealité, ainsi que nous avons montré dans Yun des précédents chapitres de extte étude. 1! nous faut revenir & celte notion de causal, pour nous élever au-dessus delle, si c'est possible, jusqu'a la liberté morale. Mais nestce pas impossible? n'esi-ce pas contradictoire? D'une part, la Ubert® parait étre une des formes, et 1a plus haute, do la causalité; davtre part, 1a causalité, au dire de nombreux philo- sophes, se résout logiquement dans la nécessité et exchut toute idée 4e possibilté indéterminge et embigué. Il n'y a, dt-on, dindetermi- nation absolue qu'eu égard a ignorance, ol nous sommes, de toutes les propriéiés des choses et de tous les elfets qu'elles renferment, qui en sortiront un jour ou qui en sortent aujourd'hui, Nut pheno mene ne saurait devenir sans avoir une raigon d'étre et une raison suillsante : du moment que cette raison est donnée, étant détermi- nante, il faut qu'elle détermine; ou Dien, on doit nier le principe de causaité, malgré Texpérience constante qui Vafirme dans les fits, malgré la logique qui Timpose comme un indispensable fondement & Yinduction seientifique. Il y aurait donc une véritable antinomie entre la causalité et la liberté, bien que celle-i cependant ne puisse fire entendue que comme une espéce de colle-id. Sur ce point, 4, Fapplle pri orate et 08 ‘inlosephe mor 318 REVUE PHILOSOPHIQUE école anglaise se renconire avec le criticise kantion et Stuart ‘Mill, quoique par une autre voio, arrive aux mémos résultats que Yauteur dela Critique de la raison pure : ees conclusions ne diferent pas escentiellement de celles de la métaphysique dogmatique. M. Renouvier fait observer que la théorie des causes transitives, ‘congues & la maniére de substances abtives distinctes des phéno- ‘mines, a ét6 renverséo par Descartes. Ce philosophe, en état tune complete opposition entre 'étendue et la pensée, a substitué le probldme de Ia corrélation & celui de 1a communication des sub- stances. Leibniz, en partant de cette donnée, qu'il a si heureuse~ ‘ment carrigée, a établi entre les monades une harmonie universelle ‘qui serait Ie dernier mot de la philosophie, selon M. Renouvier, si cette profonde et admirable doctrine n'était gatée : 4° par Vidée que Jes monades sont des substances, quand elles ne devraient étre que des consciences; 2 par l'hypothése fataliste d’un Dieu préordonna- teur;3° par Ie principe non moins liberticide de la raison auiffisante. Amendée sur ces trois points, Ia théorie de Leibniz est la vérité méme, car, « on doit dire qu'il y a relation de cause & effet, lorsque, dans une série de phénoménes sujets au devenir, deux ‘groupes sont envisages de telle sorte que, le premier étant d'abord posé en acte et Je second représenté en puissance dans le premier, le second devienne actuolloment '. » Remarquons ici que la représentation de la cause nous donne de certains phénoménes comme fonctions de ceux qui, dailleurs, en difforent le plus (ainsi la pensée et la contraction muscalaire), et que, ‘« i méme oli Jes fats sont du méme ordre, la causalité ne résulte pas logiquement des rapports posés indépendamment elle; » par exemple, dans le fait de Ia communication du mouvement entre les corps brats, 'acte d’an premier mobile nous est représenté comme! ppar la force & Vacte d'un second, au moment du choc; et pourtant, si état d’an corps libre et en repos, atteint par un corps en mouver ‘ment, n'éprouvait un jour aucane modification, ce phénoméne juerait pas plus contradiction que le phénoméne inverse, ‘observé continnellement : seulement Vexpérience se démentirait 2 Liidentité ou 1a différence n'importent done nullement. Il y « des phénoménes en rapport, voila tout, sans quill faille admettre des patients ot des agents et une certaine similitude de nature entre les, ‘patients et les agents, comme le voulaient les philosophes de Vanti~ quité et du moyen-ige, 4, Lopigue génirat, 1, 280. 2 Ide Bh BEURIER, — PHILOSOPHIE DEM. RENOUVIER 519 La causalité, ainsi entendue, ne supprime en aucune fagon Vidéo ‘des futurs ambigus, si nous distinguons, et nous devons le faire, la nécossilé logique, qui dépend da principe de contradiction (et qui ne laisse pas de s'accorder avec des variables indéterminées dans les ‘mathématiques) 1, et la névessité causal, dont la justification exige~ rait, tout au moins, la réduction au premier sens. Il faut, par suite, distinguer aussi le possible logique, relatif aux faits dont nous igno- rons Vexistenco, ot le possible causal dont existence future ne peut pas plus étre alfirmée que nige. Sans doate, a ne considérer que Veffel une fois produit, tout est détermind, tout est nécessaire; mais, & ne considerer que la puissance, tout est indétermine dans Yavenir et le présent méie; la prétendue contenance da Veffet dans Ja cause n'est pas et ne peut pas éire prouvée. Comment démontrer qu'un effet, devenu acte, était seul possible? Si l'on insiste, si Yon assure que rien ne se produit sans une raison suffisante et adéquate. ne peut-on pas répondre que 'acte méme, le double acte qui déter- mine une pulssanee auparayant indéfinie, est la raison sutlisante de cette détermination au moment oi elle se pose? On dira qualors quelque choze commencersit absolument, c*est vrai; mais le devenir Ini-méme n'implique-t-il pas ce commencement, dont on voudrait Saffcanchir : « le changement, d'une manigre générale, a lieu sans cause, quelque déterminés que puissent étre les changements par- Aiculiers, car pourquoi quelque chose change-t-il? 2 » Pour établir la loi universelle de causalité déterminante, Stuart ‘Mill invoque Vexpérience. Celle-ci n'a pas autorité pour poser luni~ vversel et le nécessaire, qui échappent forcément a ses investigations. Les Anglais raménent du reste V'idée de nécessité & celle dune asso- ciation inséparable de phénoménes, telle que la concevabilité du. conttraire devient impossible : c'est méme Ih, & lours yeux, le eritere de Ja certitude. Mais une croyanee, fot-elle universelle, n'est pas tune preuve philosophique et ne dispense pas d'une preuve, parce qu'elle ne se justifie pas elle-méme a titre de fait. Mill le reconnatt. ly a plus ; aucune association n'est indissoluble pour le philosophe. Libistoire des systemes en fait foi : quelle est la vérité qui n'a pas rencontré de contradicteurs? Revenons & l'expérience : elle ne sau~ rail tout au maine porter sur des faits négatifs, tels que seraient lez factes libres, et quelques savants, au nom de la méthode scienti- que, oseraient Sappuyer sur elle pour assurer qu'il n'y a rien de fortuit dans le monde ! « Eston bien certain que toutes les déter- minations animales sont exigées par leurs précédents et que le savant 1. Payeholoie, 1, 38. 2 Lage gery I, BT. 580 [REVUE PHILOSOPIIQUE parvenu a Yidéal du savoir, celui dont Ia connaissance s'étendrait par hypothése & toutes les lois réelles duv monde, serait en état do prévoir et de mesurer par anticipation les moindres influences de Ia queue d'un chien, par exemple, en tel sens et & tel instant 1?» Aristole a admis un domaine du hasaed et nen a pas moins exploré | Je domaine des lois. Enfin toute explication a des faits premiers pour limite. ‘La science a raison toutefois de reculer indéfiniment los bornes in- connues du connaissable, qu'il yaurait inconvénient & fixer @avanco, quoiqu’elles n’en soient pas moins réalles; elle est encore dans son réle, lorsque, appuyée sur induction, elle tente détablir le aéterminisme absolu de la nature, Ia carrélation de tous les ordres de phénoménes. Seulement induction expérimentale, hors le eas de Tenumération complete, n'est jamais absolument démonstratives ello est obligée de faire dans ane certaine mesure appol & la eroyance, Ceat-indire, ala liberté; elle ne repose ni sur un fondement logique, ni sor un fondement métaphysique, sur une nécessité de la pensée, comme l'entendent les partisans de V'évidenca rationnelle absolue; et la preuve, cst qu'elle trouve des intelligences rebelles. «Je crois, dit M. Renouvier, que le fondement cherché n'est eutre que Vassiette que se donne un esprit bien dirigé dans les alfirmations qu'il joge roralement légitimes. Parmi eos allirmations, je compte celle de Paniversalité de la loi de causalité pour tous les mondes imaginables, ‘et je compte pour le méme motif une exception & cette loi en faveur 485 fats de premier commencement. L’induetion et exception de | Vinduetion ont & mes yeux un seul et méme principe : étendre les | catégories de ma pensée & tous les objets de ma ponsée, jusqutan | ‘moment oi un jugement ordre. supérieur vient minterdire le passage. Tout ce qui comrance d'exisler a une cause : personne ne nie cela, sil sagit de ce placer in medias res, dans ordre habi ‘uel des antécédents et des conséquents soumis & Pexpérience. Mais toute cause a une cause, et puis: tout effet se ratlache délerminé- ‘mont dune cause qui n'a jamais pu s'appliquer dune maniére réellement ambigu’ a cet effet et & son contraire, voilk d'autres énoneés qui trouvent de nombreux contradicteurs’ et qu'il n'est permis qu'a une hypothése ot & un sysidme de faire entror dans Vinduotion dela causalité universelle 2, » L'analyse logique du principe de causalité ne prouve pas l'impos- sibilité des fators ambigus; mais elle ne démontre pas davantage leur 4, Payehotogie rationnete, U4 2 Loge gone Hy 20, 20 BEORIER. — PHILOSOPHIE DE. RENOUVIER BSI possibilté, encore moins lear réalité. Comment savoir, en effet, si Je Tale indispensable des possibles dans le jeu de la représentation no se fonderait pas, aprés tout, sur notre seule igaorance? « Lintell gence humaine a tant et desi grandes lacunes! Il s'en faut tellement qu‘on puisse Ia prendre pour équivalente & la représentation en général! Pourquoi tous les ates, tous les moments du devenir, en tout ordre de phénoménes, ne seraientils point liés par des lois, trés-complexes sans doute et nous inconnaes, mais enfin par des lois analogues & eolles que, sur la foi des sciences, on reconnalt pour fondements de la nécessité. des changements’ physiques de univers #. » Que Vidée de possiilité et par eonséquent de liberté naisse de notre seule ignorance, c'est ce que le calcul mathématique des probabilités parait démontrer, puisquil impose une loi au husard luieméme, la loi des grands nombres. Bile s'énonce ainsi : « Btant données les probabilités de deux événements qui peuvent étre amenés Yun oa Yautre un nombre infni de fois, si 'on considére un nombre alepreuves suffisarmment grand, la probabilité dun partage de cas evénements établi dans le rapport de leurs probabilités. simples, respectives difére de Yunité de moins que dune fraction désignée, si petite qu'elle soit 8 » Catte loi se vérifio dans les jeux, dans les Joteries, dans les produits, en apparence les plus libres, de V'activité hhumnaine, Cest sur elle que se fondent es statisticiens pour prédiro Jo nombre et la nature des erimes et délits qui vont s8 commettre par exemple, Yannée prochaine, et les fats leur donneront raison Or, s'il y a tune loi de préétermination des phénoménes appelés libres, peut-on encore, mathématiquement et Jogiquement, eroiro & Ja liberts? La diffloutté n’est pas aussi grande qu'on povrrat le penser. « Co aqui trompe ict, c'est qu'on néglige de distinguer entre la détermi- nation générale, collective, d'un eertain nombre d'actes de telle na tore et la détermination individuelle de Tun de ces actes en parti= culier chez Yagent; clst aussi que l'on ne tient nul compte d'un fait aussi important que peut etre celui de la tendance des grands nombres & se fixer, je veux dire de l'existence non moins eonstante des écarts, qui ne permettent jamais de détermination qu’approxi- ‘ative, méme portant sur le général... La démonatration mathéma- tique de le lo se fonde sur ce que certains phénoménes simples sont des phénoménes dont la production et la reproduction sont dale ment atlendues, cestrtire jugées égaloment possibles *. » La 4, Log. gén 1,316. 2. Ide Se. 3. Scidnce de ta morate,U, 899 8 518. Log. gén., H, 481; Peyeh. rat 94. 582 REVUE PHILOSOPHIQUE liberté peut dono parfaitement se concilier avec le calcul des proba~ pilites:d'abord parce que ce calcul n'est qu’approximatif, et qu'ainsi certains fats, si pea nombreux qu'on le voudra, Ini échappent; en- suite, paree que la détermination du collectifn’est pas colle du parti- ceulier; en troisiéme lieu, parce que la lberté, s'exercant dans le domaine du possible, il est naturel que Ia loi du probable tui soit applicable : on est méme en droit de dire que cette application si légitime est plutot favorable que contraire au libre arbitre. x ertige. Pas plus au nom des lois methématiques du probable qu’au nom du principe logique do causalité, rien n'est prouvé ni pour ni contre la Yolonté libre. C'est déja beaucoup, assurément, que avoir epoussé tant datiaques; mais il ne suff pas de se tenir surla defensive; il faut, pour le bien, établir que la liberté est sinon d&- , montrable, da mains vraisemblable, et qu’s défaut de solution « apo- dictique, » nous pouvons et devons Vedmetire tout au moins & titre de postulat légitime. Laissons les abstractions et consultons la réalité, surtout la'réaité Dumaine. Un premier fait doit d'abord nous trapper, cest que la Vie, la production des fats de conscience les plus éiémentaires, les modifications passionnelles et les mouvements des animaux patais- sent manifester une spontanéité qui est loin dexclare toute loi, qui estau contraire une loi donnée sous cerlaines conditions réubies, et qui cependant est spontanéité, puisqu'l n'y a pas TA de produc tions réalisées mécaniquement ou gar une juxtaposition d'éléments extérieurs!. Cette activité spontanée n'est pas encore ca que nous cherchons : « mais, quand aux autres représentations de conscience se joint celle d’appéler, suspendre, ou bannir ces mémes représen- tations ; quand le pouvoir qui résulte de la généralisaion de ce phé- noméne parait établi, grace A des fats dTattention, abstraction systématique, de réflexion soutenue et variée, dont Vensemble est une veritable analyse automotive; quand ndépendance do la repré- sentation appelante, suspensive ou bannissante trouve une confir- 4, Peyehotogi, 1, 388, REURIER, — PHILOSOPHIE DEM. RENOUVIER 583, mation spécieuse dans Is divergence des actes humains, dans leur ‘opposition et dans Tinprévu de leurs conséquences; quand une pas sion est retenue et neutrulisée, puis vaincue, puls extirpée jusqu’a sa racine par 'appel et le maintien constant de quelques motifs pris de plus haut ou de plus loin, d’ordre different : alorsil faut dire qu'il ya volonté. Un grand fait est done celui-ci : que Ia représentation se pose, en puissance, comme suspensive d'elle-mome et comme suscitative de telles autres qu'elle envisage dans l'avenir... Ceci admis, j‘enlends par volition le earactére d'un acte de conscience qui_ne se représente pas simplement donné, mais qui se repré- sente powvant ou ayant pu étre ou n’étre pas Suscité ow continud, sans autre changemont apparent que celui qui se lie a la repré sentation méme, tant quelle appelle ou éloigne la représenta- tion}. 9 Cette formule n'est, aprés tout, que le aéveloppement de la déf- nition que Kant donnait du désir, identifié par lui avee la. volonté, Le désir, dans la philosophie kantienne, est un pouvoir de déter- ‘miner soi-méme son activité par a’ représentation d'une chose Avenir; une faculté d'étre, par ses représentations , eause de la réalilé des objets de ces représentations, On peut méme remonter plus loin, beaucoup plus Join , jusqu’a la plus haute antiquité, Les philosophes grecs n’entendaient-ils point par Ame « une chose soi- ‘mouvante? » Seulement les anciens ne pouvaient se défaire de lidée 6 substance, et Kant a eru devoir admettre la causalité détermi- ante, enveloppante , dans Yordre des phénoménes. M. Renouvier repousse la nécessité aussi bien que Ia substance, deux notions identiques & ses yeux. I ne veut voir dans la volonté qu'une fonc- tion, mais une fonction qui ne doit plus étre comprise dans le sens ‘mathématique du mot, qui implique une dépendance réciproque de toutes les variables dont la fonction est le lien. « Iei, en suppo- sant la réalité conforme aux apparences, il faut admettro des varia bles indépendantes qui ne sofent pas seulement fictives. Les fone tionsmémes varient entre certaines limites, et le jeu des phénoménes cesse de pouvoir étre constamment préva par quelque intelligence que Ton veuille poser. En d'autres termes, les fonctions peuvent n'étre pas données, mais devenir et se faire®. » Fst-c@.h dire que la volonté soit sans aucune attache avec les au- tres faits ou fonctions de conscience? Nullement. L'autenr des Essais no comprend pas un pouvoir actif et libre qui serait congu comme tune « faculté pure, » & part de V'ntelligence et des affections : ce se- 4 Pryehologie, 1,200, S01 2 Peyenotogie,t 00. 586 REVUE PHILOSOPHIQUE, raitun pouvoir de pouvoir, un vouloir de vouloir, une foree aveugle, et, par suite, une entité vide dont le vrai nom serait hasard ou mi racle; il ne posséderait aucune énergie propre; il serait indiférent toute rectitude de pensto et de conduite ; enfin, il ne serait ni une reéalitéreprésentative pour elle-méme, ni quoi que ce soit de repré- sentable pour nous. La yolonté est, d'aprés M. Renouvier, une oréa- tion spontanéo, mais qui ne so produit et ne se maintient que sus des conditions’ de passion et de pensée : elle me commence” pas Yhomme, elle lo complete ot Vachévo, Cest une sorte deilores- cence de la nature : mais, d'une pert, cette Moraison demande un terrain préparé oit elle puisse éclare; et, de Tautro, elle améliore, renouvelle et féconde le sol dont elle s'est emparéo par droit de naissance. En d'autres termes, la volonté surgit des lois naturelles, les subiten partie, mais se les accommode aussi et se les subordonno, dans les limites du possible, parce qu'elle est elle-méme une loi nouvelle, une loi dominatrice, qui, ineapable de. troubler Phar- rmonie universelle, est assez puissante pour y eréer le régne de Yau- tonomie et de la moralité, Elle est Je supréme épanouissement de activité représentative. Sans douto, il est difficile de comprendre que quelque chose se suscite spontanément. esprit humain est toojours troublé par idée d'un premier commencement : mais ici, Ine sfagit pas d'un commencement absoln; des faits et des fone tions sont donnés : pourquoi ne serat-ce pas une loi de certaines fonctions, pour employer le langage de M. Renouvier, qu'lles puis- sent devenir aptes & se gouverner elles-mémes et & exeroer leur action sur quelques autres? Nop-seulement il n'y a pas 1A dimpossbilié, mals rien ne nous parait plus vraisemblable, lorsque nous rentrons dans notre con- science et que nous nous examinons sins parti-pris, sans systéine, avec es seules lamidres de la raison commune. Il y a incontesta- blement des représentations qui nous paraissant ¢ automotives et directrices, » par opposition & dVeutres qui nous sont imposées: i ¥ en a, il nous le semble bien du moins, de déterminantes et de dé- terminées. Or les déterminantes , celles que nous appelons volon~ taires, ont une singulidre puissance, qui se manifeste, tout é’abord, par le caraotére tout & fait original’ dont se revét la conscience de Thomme, eomparée & celle de animal, La relation des relations (con- sidérées comme telles par un étre qui, en comparant, se représente ‘82 comparaison et fait acle d'abstraction et do généralisation), ne peut se comprendre sane un effort soutena. « L’homme qui réfléohit Aoit se dire implicitement que ses opérations sont volontaires et agir en conséquence; autrement, Fattention lui éebappe et Ia réflexion BEURIER, — PHILOSOPHIE DEN. RENOLVIER 585, avec elle, parce qu'il y a ineompatibilité entre cette fonction tous jours tendue de sa nature et la série naturelle des pensées que mé- nnont Vinstinet, V'habitude et les accidents externes. Liincompalibilitd existe également avec cette autre tension plus ov moins durable doit guelquo passion trés-vive exclut ce qui n'est pas elle. I est done manifeste que la conscience de la conscience, distinela, soutenue, continuée, est une fonction volontaire, et que, quand nous la posse dons, c'est que nous nous la donnons. Mais il faut pouvoir se la donner. Cette puissance paralt manquer aux animaux '. » La volonté et la réllexion interviennent continuelleient pour re- Grosser nos jugements et dissiper les illusions qui naissent du jeu de Ja mémoire et de Vimagination : mais elles winterviennent qu’autant gu‘elles ont contribu & former ces jugements, et c'est pourquoi les ‘animaux sont moins sujets que nous aux illusions 2, On voit par 1a quo le sens réfléchi de Ja réalité, la distinction notte du réel et de Fimaginaire est un effet de la volonte. L'activité volontaire ne so montra pes moins dans le fait de la di rection des associations d'idées et dans la remémoretion. Comment cependant expliquer le rappel d'une idée qui, étant actuellement absente de la pensée, paralt ne pouvoir étre Vobjet d’aucune faculté? Elle est absento en ce sens qu'elle n'est pas dans la conscience de Ja maniére qu’elle va y atre; elle est présente confusément et vir~ tuellement, comme la science possible ot le savoir en général, par Jes rapports loziques qui la Itent avec celles qui sont actuellement et netiement données, « I sopére done une véritable eréation de pensées qui d'abord n’existaient point, ou qui n'existaient pas telles, ee qui est exactement équivalent, En ee sens, on sait, on cherche, fon trouve, en voulant, ce qu'on ne sait pas; te fait est certain, et il yaa une sorte de eréation, inexplicable comme tout c2 qui est i la racine des choses. Mais les sentiments obseuts, les pensées con- fuses, 'état des organes , et probablement aussi les perceptions qui lour sont propres et qui retentissent dana la conscience générale, aident § concevoir si ce n'est le passage de la puissance & T'acle, au ‘moins Ia maniére d'exister de la puissance pour un grand nombre Ge nos déterminations intellectuelles volontaires*, » Gest tort, selon M. Renouvier, qu'on a attribué & Ja yolonté un pouvoir locomoteur. Qui y ait des mouvements corporels en rela- tion avec des faits représentatifs, avec des faits de conscience, nul 1 Peyehotogia, 1,816. 2 ld, 190, 3. Pajehotone,d., 194. — Jo suls obligé de Inleser de edté interessantes anaiyses sur les rapporte de la volonte avee Vhabituds, avee le" somacl et Tes gonges. Voie Payeholagie, 1 925, 33 ‘roxE at, — 1877, 2 586 [REVUE PHILOSOPEIQUE ne le nie et ne pout lo nier. instinct, 1a passion ot imagination se Jiont étroitément, par le fait d'une loi premiére dharmonie, avec ‘des phénoménes musculaires déterminés. Pour ne parler que de imagination, on peut énoncer la Joi suivante : « Toutes les fois gu'un certain mouvement est donné pour imagination et prévu eomme possible, on encore qu'une certaine fin est représentée feomme pouvant se trouver atteinte & la suite d'un certain mouve- ‘ment, et qu’en méme temps une passion plus ou moins vive, désir, crainie, ou seulement attente anxieuse et troublante, occupe Ia conscience (si drailleurs la volonté n'intervient: pas aussitdt pour changer le cours des représentations), il se manifeste dans les or- gganes une disposition & réaliser le mouvement imaging, en tant que our spontanéité le comporte !. » En Wautres termes, 1a cause pro- ehaine des mouvements physiologiques compris. dans V'énoncé de Cette loi n'est jamais que la représentation passionnelle ; cette repré- sentation est un moyen dont se sort la volonté pour étre eause émé- rnente, lorsqu'il n'y a pas d'empéchement organique, de tous les exertions de muscles qu’on a coutume de lui rapporter directe- ‘ment; son pouvoir réel consiste 4 suspendre ou & susciter les jdées et par euite les mouvements associés aux idées. Cela est si vrai que les mémes phénoménes d'ordro physiologique affectent aussi bien le caractére automatique et irréfléchi que le caractére vo~ lontaire 2. La volonté se montre plutOt pour suspendro les mouve- ‘ments que pour les provoquer, mais souvent aussi Yobsession due & tune représentation constante, ou souvent répétéo, pout dominer le pouvoir d'appeler des reprécentations nouvelles. De Ia vient que certains mouvements qui n'ont d’abord ét6 quimaginés fnissent par dovenir inévitables. : Gest ce qu'on constate surtout dans ce que M, Renouvier appell les faits de vertige, c'est-A-dire « dans les cas ott, contre les fins na- turelles de individu, et & son.dommsge, un mouvement physique, auguel une volition réfléchie serait loin de s'appliquer, se produit en suite de la représentation de ee méme mouvement, dont la possibi- ile est imaginée avec un grand trouble passionnel ®. » Cette obser- vation n’est pas absolument neuve ; mais le mérite de M. Renowvier eat d'en avoir fait sortir toute une théorie, d'un développement fort original, sur les rapports de la volonté et des autres fonctions repré~ sentatives. La tentation du précipice ; le rire, les larmes et le baille- | 2. Payehaloie, 988. 2. bla 1, 304, « La volonts peut précéder un grand nombre de cos fats ae locomotion, quire produisemt d'autees fis sans elle, t elle wen préchde faucum gu ne puss, en corains eas, avoir Hew spontanéinant,» ‘ita, S88. BEURIER, — PHILOSOPHIE DEM. RENOUVIER 587 ‘ment que provoque I'dée de ne plus rire, de ne pas pleurer, de ne pas billler la production imitative du sommeil magnétique ; les pro ‘endus prodiges du spiritisme viennent s'y encadrer trés-aisément et donnent liew & de fines et piquantes observations. I n'y a pas seulement un vertige musculaire déterming par la {force de Timogination et imitation sympathique : il y a aussi un ver- tige mental qui est a perversion de la raison et du jugement, et qui résulte : ou de ce que la volonté n'est plus capable de suspendre les affirmations erconées ; ou de ce que, au contraire, se subordonmant {la passion, elle ‘applique A suggérer & Ia pensée toutes sortes de ‘motifs qui la portent & admetire des croyances absurdes ou tout sim plement mystiques, e'est-t-dire qui ne reposent sur aucune expé- rience réelle ou possible, C'est de cette fagon, W'apris N. Renouvier, quill faut expliquer le plus souvent les pratiques habituelles en mae titre de religion. « La plupart des hommes contractent, dit ily des habitades dopinion et de croyance par suite-de la répétition et do Vimitation, soit que la réflexion y ait ou non présidé & origine,ou y soit intervenue depuis. Un vertige qui agit dés V'enfance devient sou- Yent insurmontable ; et c'est ainsi qu'on est de Ia religion de ses peres, Mais prenons homme fait, maltre de-sa raison et capable de exercer, Toute représentation prolongée ou répétée devient une tentation | done, celui-la méme qui réfléchit est naturellement conduit de ta pratique & la théorie dans chaque ordre de conceptions. L'imagin: tion prend peu & peu les formes appropriées aux objets dont on la frappe et la pensée s'exerce & découvrir des motifs de fire ce quion assure, et A s'en persuader. Tl sullit de mentie un peu d’abord ; on est de bonne foi plus tard Qui veut eroire, eroira. Faites comme si tous croyier, pliex la machine, disait Pascal, La méthode est infu lible, surtout si Yon tient la raison bien soumise, & quoi l'on par~ viendra ense la représentant ployable en tous sens, expression de co méme grand génie qui uniseait lus dons de la raison la plus forte a ceux de imagination la plus vertigineuse !, » On voit, par cette page curieuse, jusqu’ois'étend, dans les Essai, la théorie Qu vertige, Le vertige estil un arguinent contre la volonte libre? Au contraire; car, sll se produit dans Phomme, et Yon ne voit guére qu'il se pros Guise dans Yanima). o'est par suite de V'insuffisance ou dela mauvaise application de Factivité volontaire. Il peut arriver, et il arrive Iné- 1, Paychologi, 1,95. M. Renouvier a longuement développs$ cette page dans nef god ied conan & fens poopie dla segge des Pensies, Cette philosophio'se raménerait cing theses cnplales seeee isent on ne peut mieux lis, al Ton veut se pacer at pol de vet He eur, et quil et toin de rejeter absclument; elle 28 résume, tell dase ‘une provocetion ai verge mental 588 REVUE PHILOSOPHIQUE quemment que absence totsle ou le manque d’éuengie de la volonté tiennent a des causes pathologiques; mais, souvent aussi, la volonté no manque que parce qu’elle se manque, et ne se suflt pas parce qu'elle ne veut pas se suffire. Lorsqu’elle est entiére elle peut aussi Bien plier la machine & la liberté qu’a 1a servitude, en créant en. nous V'habitude morale de e'élever au-dessus de toutes les habitudes routiniéres. On parvient & se donner le vertige mystique de Yanéan- tissement de la personne : on peut se donner tout aussi bien le ver~ tige du libre vouloir, le vertige do la personnalité, si l'on peut ap- peler verlige une pleine possession de nous-mémes qui dépend d'un fffort soulenu pour nous maintenir dans un état de pleine et lucide raison: L'analyse des faits de vertige nous montre en méme temps quelle immense influence peut avoir !éducation, si elle est bien dinigée, si ‘lle apprend a savoir dowter, & apprendre @ dowter dos autres et de soi-méme. » L'éducetion ne erée pas la liberté, qui ne peut naltre que qrelle-méme et par elle-méme, mais elle Tui prépare lo terrain Sur lequel elle peut naltre ; elle supprime les obstacles au liew do les ‘multiplier; elle fournit des moyens préventifs contre toutes les sortes de vertige; au lieu de méceniser esprit humain, elle l'aide & Salfranchir. C'est la une che difficile, car pour bien diriger la vyolonté il ne fuut pas sevlement exercer le jagement individuel & ne pas subir outre mesure Vinflaence des opinions d'autrui et des cou- fumes : il faut ee garder de ses propres habitudes, de ses prévon- tions, de ses affirmations trop assurées. « Le vertige individuel, dit MI Renouvier, est encore plus dangereux que 'aveugle conformisme. » Pour remédier au mal, « introduction des éléments des sciences ‘expérimentales dans instruction primaire serait extrémement dési- rable, non pas tant pour VuUilité de ces éléments en eux-mémes, quoigue trés-grande, que pour celle dane méthode qui enseigne, pour peu qu’elle soit présentéo d'une maniére passable, & se défier {de sa propre ignorance et & no pas s'en faire accroire & soi-méme. » ‘On ne saurait done, qu'on soit d'ailleurs déterministe ou qu'on ne le soit pas, Sexagérer Vinfluence de Yéducation. « Soit qu’il y ait ou quill n'y ait pas un libre arbitre au monide, il faut toujours recon najire un ordreimmense de déterminations suggérées, es umes néces- saires, les autres & tout le moins provoquées} et il faut se rendre compte de ce que les représentants d'un peuple civilisé et instruit peuvent organiser de moyens d'éducation et de gouvernement pour lui, afin de former des earactéres et de donner aux actes une direo- tion morale et salutaire. C'est une providence sociale & établir 4. » 41, Pryehotogie, HE, 98, et plas loin do 48 & 54 BEURIER, — PHILOSOPHIE DEN. NENOUVIER Cest sur cette possibilité d'une education ralionnelle que M. Re- nouvier fone ses plus grandes espérances en Vavenir. MI La Liberté ot In Certitude, analyse de V'aete volontaire pronve clairement que nous croyons Ja liberté, Or comment cette eroyanea, dont il est impossible affranchir sa conscience, s’expliqueraitelle si la liberté u'était pas ceffectivement réelle? Comment admettre que Ia nécessité implique Ja fiction de son propre renversement dans ordre le plus élevé ides phénoménes représentatits? « L'mogination, que Spinoza charge de tout le mal, eerait ainsi une protestation contre la verité, et cela, dans le sanctusice méme de la vérité, esprit du philosophe! D'ail~ leurs ignorance, ott nous sommes souvent, des causes de nos ac tions n’explique pas comment nous croyons libres cellesla méme dont les motifs nous apparaissent clairement , et si obscurité de Yavenir iait la seule base de Yindétermination des faturs ambigus, il faudrait que les hommes ne crussent jamais prédéterminés des phénomenes dont ils ignarent enti’rement les lois. Mais il n’en est pas ainsi !, » Ajoutons que la nécessité entraine 1a ruine de toutes les ides morales, de toutes les notions de droit et de devoir, alors ‘que cependant le jugement de liberté est une donnée naturelle de Ja conscienea et s¢ le & nos jugements réfléchis pratiques, dont il ‘est mime le fondement °. Cependant le libre arbitre n’est pas seulement en butte aux atta~ ques des pantheistes et des matérialistes, et & celles des philosophes Anglais qui prétendent établir, do par Vobservation des faite, la né~ ‘cessilé absolue de tous les phénomenes présents, passés et futurs. Ina guere de pires ennemis que ceux qui essaient de lexpliquer soit par le déterminisme, soit par Vindilférentisme. Ces deux doc~ {ines ne sont pas aussi opposées qu'on pourrait le eroire. « Lindit~ férentisme, dit Mf, Renouvier , imagine une volonté séparée du juse~ ment, séparée de homme raisonnable , hors-d’ceuvre de Ia con- science rélléchie, impulsion gratuite, pouvolr insaisissable, cause absolue et chimérique introduite dans Vordre de la réflexion et de la deliberation, Meis, chose étrange! le déterminisme Sappuie sur une 4 Payshotogie, I, £6 acidity ol, 500 REVUE PHILOSOPHIQUE fion poral. Seulement iat do far In Yolooté 0 mousoir Selo-méme i suppose quelle eta pour sklers dor trowranaet communists ait es Seon dotiny Sucsordent dams le eed donner avon comme indiferente dau nature, Solemon ine Sierenca et ative cath pasve Cala pout et por tots ree] tation, i fat rer que a vlemt sol intents. Co ql at ferent, Gest Ptsestion persone do la volont, Sax Those conaiéré conte volont pur, ace Romo oat tne chine Gette volont ret rien. I fut noe que I wolnté ae es dee Iinations itlectaties et pastoanets, quand oes dlerminatons ties-rtmesinpiguen la volono ce! ‘conve ie dearaininee tt i fet nor qo avalon sot jas Gépulce de touts rprons ‘ation intetlectuteo paionaelo et quelle posse aloes ees Aan un motif astomolaar: eee contre Vnditfensme "2 ‘Tant de nuages ont été amassés sur cotte question, tant de so phismes en ont obscurci la solution, que Kant Iui-méme n'a pu ade ‘motire Ia liberté que dans le nouméne , ee qui nous reconduit & la , losophie dela subtance ot dela néceesité. On pot dit auavar | compris la liberté, c'est presque 'avoir démontrée , Mais observons que le seul moyen de comprendro Pacte libre, c'est dele placer dans Je motif lui-méme, c'est d'admettre que le motif est déj une voli- lon. « La liberté que nous pouvons admettre, dit M. Renouvier, est le caractére de acte humain, réféchi et volontaira, dans lequel Ia conscience pose étroitement unis le molif et le moteur identihiés avec elle, en s‘alfirmant que d'autres actes, exclusifs du premier, étaient possibles au méme instant ®. » La conscience sait toujours implicitement pouvoir réfléchir; méme lorsqu'elle s'abandonne, elle conserve un sentiment sourd des motifs qui la retiendraient si elle voulait réfléchir. Si donc elle ne suspend pas Vacte, elle est pour- tant libre de le suspendre, elle est libre d'étre libre, et ainsi : « La premiére des lois pratiques, avant ce qu'on appelle un bon usage de 4a Uberté, c'est usage meme. Ce seul précepte : exerce ta liberté, sil est suivi, pose un premier fondement de la moralité des actes, appelle des motifs de tout ordre a intervenir au cours des délibéra tions, et, en éloignant tout vertige, assure, dans beaucoup de cas, la prépondérance de la raison. Le premier devoir de Tagent libre est done premiérement cela méme d’étre libre. Tl est libre, en vertu du sentiment qui lui est donné de ses forces réflexives et volontaires, 4, Prychotogie, 68, 7. 2 lat BEURIER, — PHILOSOPHIE DE M. RENOUVIER A’étre libre encore en acte et par Vapplication habituelte de ces mémesforces » En un mot, vouloir, c'est se faire; se faire, c'est vou oir, et voila comment, lorsque la liberté fait son apparition dans un fire, elle lui donne une existenee incomparablerment plus propre 5 it se distinguait, il se sépare; il était lui, il devient par lui; de 1a, un individu, et le plas individuel qui nous soit connu, Vindivida hu- main, Liacte de le liberté est le vrai swbstratum de la personne, ct, par li méme, le principe supréme de Tindividuatton, autrefois yainement placé dans Jes inintelligibles essences de la forme ou de la mative, Crest done 1a notion de la iberté, incomprehensible an premier atord, qui seule permet & homme de se comprendre et de Voir qae la permanence personnelie est une loi dans le changement sous une conscience qui le domine?. Laction volontaire est tr2s-étroitement limitée par influence des milieux, par Mhérédité, par les maladies , par mainte autre cause, et elle se finite elle-méme par les hsbitudes qu'elle se erée. Le tout fest de savoir si elle eat inconciliable, quelque bornée qu'elle soit, avec existence des lois physiques. Nous serrons ici la question aussi pres que possible. Commengons par reconnaitre que la lic herté, pour s'exercer, suppose des lois fixes. Tous les modes d’exis- ter sont préordunnés, rien n'est possible que sous certaines formes et dans de eertaines conditions, mais Verister lui-méme west pas préordonné, ear des possibles peuvent ne point se réaliser. Que si Fon invoque la nécessite pour nier les possibles ambigus, on fait tune pétition de principe. Le nécessaire est le phénomene donné, {qui ne peut pas ne pas avair été, puisquil est; mais se produit-il om ateil été produit falalement ou ibrement? Ia liberté, occasionnée fen portio par la nécessité naturelle acquise, ne peut-elle pas & son toor réagit sur elle et éire V'un de ses facteurs? Rien n’empéche de coneilier le déterminisme de la nature avec la volonté libre. Beou- tons a ce sujet M, Renouvier. Voici comment il s'exprime ' Purmi Jes événements de tout ordre, internes ou externes, que Yautomotivilé représentative humaine appelle duns le champ des réa~ lites, il n'en est point que, dans {a these la plus franche de la liberté, nous puissions considérer comme nouveaux, & savoir d'une essence {indéfinie et imprévoyable, ou qui alent leur racine dans le fond commun des lois du monde ainsi que dans le fond personnel de Texpsrience, de Timagination et de Ia mémoire. Tous ont des rap- ports préexistants et de tous edtés; c'est en cela méme quiils sont poasibles ; msis il en survient de nouveau auparavant indéfinis et Dayehotagiy I, 8,7. 2 etd, 0T ef sq. 4 592 ‘nEVuE PHILosoPiQUE : parfeitement imprévoyables quant i V'étre, & tre donné; cest-2- dire que, un choix libre ayant lieu entre tous les possibles qui s'ot= ffent pour l'avenir immédiat dans un cas particulier présent, tous, & exception d'un seul, deviennentimpossibles’ Vinstant, et ce dernier passe de la possibilité & T'étre, & la n6cessit6; il prend rang dans ordre des choses avec la suite prolongée de ses conséquences, les tunes dés lors nécessaires, les autres siroplement possibles comme elles étaient’avant !, » Avoir compris que a liberté ne contredit pas la science et ne sou- léve aucune antinomie, et qu’on est en droit de Vaccepter sans illo- gisme, c'est, comme nous Ie disions plus haut, V'avoir presque dé- montrée,et cola d'autant plus qu'aucune preuve directe ne peut etre ‘donnée de son existence réelle. A supposer,, en effet, qu'lly ail une loi denveloppement des actes volontaires, cotte loi déterminerait {atalement nos jugements, sans que cependant nous eussions con- science de sa pression. « La nécessité serait alors semblable & Ves ‘eamoteur qui, de toutes les cartes du jeu quill nous présente ouvert, sait nous faire prendre tibyement calle qu‘il nous a prédestinée: » Kant déja ot Jules Lequier, aprés lui, avaient on ne peut mieux montré Yimpossibilité dexpérimenter le libre arbitre. La volonté, dans Vacte libre, ne se croit pas déterminge : en résulte-teil néces- sairement qu’elle no le soit pes? Il sufllt de faire observer quo Ia ppensée renferme une multitude d’éléments latents, de petites peroop- tions, de sensations infinitésimales qui échappent a la réflexion. Con- ‘cluons avec Tules Lequier que : la non-conscience d'une contrainte n'équivaut pas @ la conscience d'une non-contrainte. Il ne reste done plus qu'un parti A prendre : étant indémontrable de sa nature, il faut que Ia libert6 se pose et s’accepte, par un libre acte de foi en elle-méme, comme un postulat. « L'analyse , dit M. Renouvier, fait poncher en faveur de la liberté, contre la nécessité, la balance qu Jugement. Mais de quel jugement? d'un jugement libre, s'il est vrai que je délibére librement et que je ne suis point prédéterminé & recveillir et & combiner bien ou mal les éléments de ma conviction. Alors c'est a Ia liberté qu'il appartient de déclarer“si la liberté est ou non. Le probleme de Ja liberté se pose done jusque dans la zolu- ‘tion qu’on y donne, et on voit & quel point la liberté et la vérité sont 1iges?, » oe des idées de Jules Lequier, finit pag ramener le probleme du libre 41. Peyehologie, 1 284. 2! Peyehotgte I, 2. BEURIER. — PHILOSOPHIE DEM. RENOUVIER 593 arbitre & celui de la certitude ou plutOt & les réunir Yun dans Mantre et nen faire qu'un. Qu’est-ce qu’étre certain? on dit généralement ‘que c'est se rendre a I'6vidence, mais le principe de I'évidence, poss par Descartes, donne prise 2 de nombreuses objections. Déja Pascal issit dans ses Peasces : e Toot notre raisonnement se rédait & ‘ofiler au sentiment. Mais la funtaisie est semblable et contraire au sentiment (semblable, parce qu’elle ne raisonne point; contraire, parce qu'elle est favsse), de sorte qu'on ne peut distinguer entre ces coniraires. Lun dit que mon sentiment est fantaisie; Pautre, {que sa fantaisie est sentiment. Il faudrait avoir une régle. La raison Stoflre, mais elle est pliable & tout sens; et ainsi il n'y en a point, » Que le coeur détermine souvent nos uflirimatiuns, soit de concert avec la raison, soit contre elle, c'est ce qui n'est pas niable. Il n'est pas possible, non plus, d’éliminer complétement la liberté dans la formation des jugements. Descartes le reconnait, puisqu'll recom- mando de s‘abstenir de juger, tant qu’on n'est pas sufisamment clairé, Mais Vaction de la volonts nest pas seulement suspensive, elle peut aussi évoquer des motifs de eroire et eréer ainsi ce qu'on appelle Vevidence (lerme trés-impropre, selon M. Renouvier 5 & moins qu'il ne s’agisse de Vintuition proprement dite, cest-2-dire de la représentation immédiate des phénoménes). En réalité, « nous ne pouvons rien afflrmer systématiquenent, ni sans une repré~ sentation queleonque d'un groupe de rapports comme vraie, ni sang un altrait de quelque nature qui nous porte & nous engager ainsi dans la vérilé apergue, ni sans une détermination de la volo qui se fixe, slors quill serait possible, ce semble, de suspendre le jugement, foit pour chercher de nouveaux motifs ou de nouvelles raisons, soit méme en s'abandonnant simplement aux impulsions qui se présentent!. » Cos trois éléments , Pintellectuel, le passionnel et le volontaire, sont distinets ot so montrent plas ou moins prépondérants, checun ' son tour, dans nos diverses aftirmations : cela est vrai Ils n’en sont pas moins indissolubles. On eroit généraloment a des raisonnements ‘pure, & une observation prire, a des jugements nécessaires, et néces- saires dans le sens d'une parfaite Impossibilité de les frapper de doute. Si nous entendons par 12 qu'il y a des jugements auxquels ‘nous cédons tous, en tant que nous sommes et vivons, et que, mo- ralement, nous devrions encore nous y attacher, en admettant qu'un donte sérieux et durable pat nous y alleindro , on a raison de parler ainsi, Mais qu’établit-on par la, si ce n'est que ’énergie logique des 4. Paychologie, UH, 196 504, REVUE PHILOSOPEIQUE cave quiet une vstablo forme parionneli, nus pots & stern at don condons formes a mlguage gue nous fous tndone soe exionce ot des side wuts cmsaannce posi li'y done pas jong'a exomeo gol timpiquent te “eat de aan, on an ane mim; do Ths due Inatct dnt ono ¢Fnute dela congteoo dans lo savt ob- teba >: Ais nos rtrouvonsfartt la fai. Mals a Fleson nes point san para fares do Tina: me lel sagt Ges ogements repute necosaires el pout toon Seer lt Figur on doe extreme et pécnaiyon quelque sorts hypoth {tue knoe, Exc quo les maibeaiqaes Sonat ouro senpiguee? Ea quit sue senor gal nal 8 ale pat Gaolguephilorophe? «et clair quoy speaativomesty une ath talon pet tujoue ie snpendoc ara pense d'une erent po. Shi Dis om, inceritud née frmera plus dans une condones Aue vlog stn st excl cello ponte une fis cong.» Foire temas, quand noos ne doutns pla, c'est que nos Yon fre li ar cn Sato | tie en aad le poate Romarquonel, dv aie, «Te gee Te ial de in volotds a marque eset de cs Sbvlopprent ‘chord i at Torin capable de speculation ur toutes Coase Fee ra igaie Sete inipendant etautmome, eat In pon ea dou Lignoran ovte pou, lo st enore noi tf fou as Ties fut ques cringe, ramende& a croyance indict, au libre eho, cee de pete sa alan, «quan gues aus csi pusont re jean sus ome fe A Renowver Jour Sonne, est, dt M- Ravason, uno thro ol assarement mre eoitraton, que call qu cab elret ortdo aa Croyane, ete eyaneee avalon, ae nie comes. > San dai, a crt, sia enendaey set pls an ale ape Goute lene pe qion ei et an ae do onmo “eae le conscience, lx toujours conte aes youn Mal quo pod, en 8 condatanerIeidenoe, Sette ane nova fore do ine cent, tt vee ti taone,quon pas toa Ans comms Invnable ct comme tompeset Ne vat pas leu ten pour ‘ray qo'on eat aan pis en dro ere otn qu'on a plas etorts por tenia rdfleion on valle exunlne tote boss" Gistnctement? Une tle colin ne peu que seri Tos nets 1, Payehotogie, UI, 102 2 Rapport tu? ta'phyasophie en Franco au XIX sifeley p. 408, REURIER, — PHILOSOPHIE DEM. RENOUVIEN , 59D. de la logique et de la morale, intéréts on ne peut plus connexes, si Von y reftéchit. La fiberté élant au fond de tout jugement réfléehi, il semble que ‘sa premiére affirmition devrait étre celle d’elle-méme: logiquement, pour le philosophe. len est bien ainsi; mais, en fait la iberts afirme ce que M. Renouvier appelle les theses de la realité, avant qu'elle songe & se dégager des croyances qu'elle constilue eependant, et & se formuler elle-méme comme le fondement de toute foi rationnelle ou morale, Les Théses de la réalité forment done un premier ordre de certitude ! qui comprend : 4° 'atfirmation de Videntité person- nelle; 2° Vafirmation des éires de I'expérience externe, représentis, dans W'étendue et dans la durée et posés comme réels ou existants pour oux, indépendamment de la représentation particuligre que nous en avons; 3° Valfiemation que les étres externes, qui sont nos semblables, ont des consciences comme nous, et que les autres étres ont des fonctions analogues; 4° Yaflirmation d'une certsine confar- mité générale entre les lois duu monde et celles que notre rapréson- tation leur applique par ses catéyories. — Je crois qu'il y aurait ici Dion des distinctions & faire, que M. Renouvier n’a pas faites, parce qu'il a accordé la méme valeur & des eatégories qui n'ont pas le ‘méme emploi, ainsi que je le lui ai reproché dns la premiére partie de cette ¢lude. Sil y a un premier ordre de certitude , n'est-ce point parce que certaines catégories sont des formes qui siimposent & ‘toute représentation, sans lesquelies la représentation ne serait pas, tandis que autres, au lieu de s'imposer, nous suggérent seulement des inductions, puis des analogies, puis enfin do simples hypotheses? Je me contente de faire cette observation : quant & vouloir discuter, affirmation par affirination, toutes les theses du réel et du probable, je ne le puis; cela me conduirait heaueoup trop loin. Je revions aux rapports généraux de la certitude et de la liberté. Cest la Liberté qui, avant de s'affirmer elle-méme, affieme les theses de la réalité : c'est delle ensuite que relévent toutes les vérités pra- tiques ot morales qui exigent beaucoup plus visiblement son inter- vention et que M. Renouvier réunit pour cette raison dans les cert tudes da « second ordre. » En résumé, c'est elle qui fait Munité de I connaissance certaine, en embrassant et en dominant toutes les > 4, M. Renouvierdistingue de Ia certitude Fapparence actuelle da phénoméne fimobaiats Ident ia plus indenishe real, cette apparenes est un tritere aceepie dee pytthoniens eux-mémes. Done, dans cet ordre do fila 1a ‘question We le gortludo ne so Pose méme pac all ne 2a pose que sur’ Ie {errain-des affirmations reDaehies, non sur eelut des roprétontatione parti: ‘culieres actuellement donnees 596 [REVUE PUILOSOPHIQUE affirmations, et c'est pourquoi on ne pout pas Ia nier sans nier toute verité, et, par suite, sans nier sa propre négation. Nous avons montré : en premier lieu, qurelle n’était pas en contradiction avec le principe de causalité; en’ second lieu, qu'elle s'accorde on ne peut mieux avec analyse des faits psychologiques et moraux, Concluons ‘maintenant, en enfermant les partisans de la nécessité dans le dilemme de Lequier. Le voici. Ou c'est la nécessité qui est vraie, ou c'est la liberté. Dans la premiére hypothdso, il se peut que j'alfirme la nécescits, il'se peut que j'atfirme la liberté, mais ce sera toujours nécessai- rement que j'alfirmersi, Or si faffirme nécessairement la vérité, je serai toujours hors d'état d’en garantir la réalité, puisque, d'autre ppart, leffirmation contraire est également nécessaire. Si jalfirme nécessairement Ia liberté , je trouve dans le parti que je prends, outre l'avantage d'une affirmation nécesseire, égal de part et d'autre, ‘oct autre avantage de me trouver d'accord avee les apparences psy- chologiques et de comprendre Ja réalité du devoir. Dans la seconde hypothese, & savoir dans colle ot c'est a liberté qui est vraie, si Yallirme la nécessité, je Fatfirme librement et je n’éehappe pas au. doute. Mais si j'alfirme librement la liberté, la liberté étant vraie, je suis 8 la fois dans le vrai par hypothese, et de plus j'ai les mérites et je recueille les avantages de mon affirmation libre. Au fond, la nécessité a pour conséquence foreée le scopticiame : si je veux affirmer quoi que ce soit, il faut que je commence par affirmer ma liberté d’alfirmation, mon pouvoir d'etre Vanteur de ma certitude c'est 1h et non ailleurs qu’est la premiére vérité. Conclusion : « La formule de la science : fires non pas devenir, mais faire, et en fuisant, se faire. » Crest un postulat, oui, mais qui résout cette question mathématique d'obtenir pour un minimum de créance, — ya-til eroyance plus naturelle et plus instinctive que celle de Ia Liberté? — un ma:rimum de conséquences pratiques et théoriques, puisque, grice & cet acte de foi; nous échappons au scepticisme, nous retrouvons Ja science, et comprenons le devoir. NM. Renouvier, en reprenant cette forte ét solide argumentation, n'y ajoute rien d'essentiel; mais il complete I'ouvre, resiée ina cchevée, de Lequier, en exposant longuement ee qu'un traité de la certitude peut renfermer de plus général sur Paffirmation extra- scientifique en tant qu’y interviennent le témoignage, 'exemple, la tradition et Vhabitude en face de la liberté personnelle '. Enda il passe & ce qu'il appelle les probabilités morales, o'est-A-dire & ces 1. Paychologie ll, 77. BEURIER, — PHILOSOPHIE DE Ml. RENOUVIER BOT sortes de croyances qui, pour n’étre pas moins certaines que les au- tres au regard d'une conscience donnée, ne se forment point par des procédés exclusivemont logiques ou expérimentaux, qui échappent & tout calcul rigoureus, qui font une place beaucoup plus largea ’éie- ‘ment yolontaire et ne s'appuient pas sur des mols propres & se ‘transmettee infalliblement d'un esprit & un autre. De €@ nombre sont surtout la croyance & limmortalité de "me et la fol en ta divinité L'auteur accepte nettement l'une et Y'autre, comme nécessaires pour réalser Vharmonie entre la verta et le bonheur, et, d'une maniére plus générale, pour constituer 'ordre moral des fins, que réclament la liberté et la Joi du dovoir, du moment qu’on les pose comme réelles *. Pour parler d'abord do Nimmortalité de 1a personne, lexpérience future, en disposant du temps et de espace, ne peut-elle pas rmon- Iver une série de phénonenesanalogues & ceux que nous offre 'expé rienee actuelle, se liant également & une conscience, et cela de telle ‘maniére que celle-ci se rapporte & la précédente, la comprenne et Ja développe & nouveau et ne forme enfin avee elle quune seule mémoire, une seule volonté, une personne unique? De meme ne peut-on pas admettre que le bien en général a une existence cos- ‘mique et renferme la garantie et Ja sanction externes des lois de la personne? Seulement Ia divinité ne peut étre congue comme per- sonne qu’a la eondition de rester soumise aux lois générales do 1a nature et de la pensée. I! faut lui refaser linfinité et lui accorder la ‘vraie perfection, la perfection de la justice et de la bonté. Done le eroyant qui veut conserver esprit critique et scientifique , doit favouer bien haut Vanthropomorphisme, au liew de s'en défenire. ‘Mais alvrs font défaut les raisons aprioriques et tous les arguments rationnels sur Jesquela voudrait sétablir la croyance & unite plutot qu’a la pluralité des dieux ; en effet le choix est libre, autant quil est légitime, du moment qu'on observe les deux régles suivantes : 1 Ne ‘mettre en opposition aver les résultats acquis de la science ; nvoquer en favour de son opinion que des molils tirés de la pas 4. M. Renouvle act pl Logie qie dane 98 Morale lacs point de vuo des poseiilites quil desi eroire, ql rove eroire it Fe jusqu dire! «nous votlone aller ala vie Immortal, ot parce qe nous Youlonsy aller, nous y eroyons et tous y allows. Il, 190; Dans la Morale au Contrare-Tanteur pretend ‘eonstraire ‘ane seience gt iy donne Te moins de flocs possible & sa for peesonnelle, Inatie Wajouler que sa fol, tomperee, par Fecraleisme, n'a rien dintolerant Comme la plupart des philosoptes anciens, f comme quelgu e-une des modernes, il eet volonliees probabliste, lors- (Quit arrive 4 certaines questions qul lui paralssont. appartenir plutot encore a podsie philosophigus, qu‘a ia poilosophie seientifgue. 508 REVUE PHILOSOPHIQUE, raison pratique, c'est-A-dire de la raison libre. Quoi quill en soit, la morale n'a pas & invoquer, pour se fonder, ces hypathéses qui appar- tiennent surtout & Vordre religieux : jusqu’a un certain point, elle peut y trouver un appui, mais c'est elle surtout qui fait'lear force et leur valeur MI ot blatotre, . La philosophie morale de M. Renouvier souléve tout un nouveau. monde de problémes, et des plus intéressants, surtout si nous pou vions discuter avec lui, et selon se méthode, les questions qui se rattachent au droit personnel, au droit domestique, au droit éeono- ‘mique, au droit politique, au droit international. Dans cet ordre di 4ées, Jes solutions ont presque autant d'importance que les prin- cipes. Mais cest aux principes, et aux plus généraux, que doit se restreindre mon exposition. D’ailleurs, cette partie de losuvre de notre auteur est celle qui est la plus connue, c'est celle aussi qu'on ppeut lire Je plus facilement sans préparation aucune; il me suffira done ici d’en présemter, & grands traits, une tres-rapide esquisse. | Je dois commencer pur déclerer que je connais peu douvrages aussi fortement et aussi virilement congus que Ia Seience de la mo- vale. Je ne erois pas qu’aucun philosophe ait posé aussi nettement et aussi judicieusement que M. Renouvier le probleme de la morale appliquée, ou, pour mieux dire, de la seule morale applicable que comporte le milieu ob il est donné & la libert humaine de s'exercer. La plupart des moralistes se placent a un point de vue purement ralionnel et formel, sans tenir comple des néoessités historiques qui empéchent le juste, par suite do Tinjustice commune, d'appliquer Jes regles dans toute leur rigueur : Cautres , tomabant dans un excds contraire, prennent I'histoire pour base unique de la moralité et arrivent a tout excuser dans leurs explications fatalistes, Soit qu’on éleve Fidéal trop haut, soit qu'on Tefface et qu'on le supprime au znom des faits accomplis, les préceplos moraux perdent touts leur 4. Lienalyse des théses du probable ext repriae et continuée par M. Renoue viet dane le 8 essai, oil discute la monadologia, la theorte atomique, tn ques tion du vide et du mouvement, les hypotheses. de cosmogonie astronouiqus, 4a generation spontanse, Tunite dee eapooes, Tulle du geno humel®, ela, Got ouvrage, d'sleurs irésintéressant,afouto peu de chose la conslacance et 6 Vinterprétation es priaeipes fondamentaax du nouveau criliclame, BEURIER, — PHILOSOPHIE DE at. RENOUVIER 509 eMficacité pratique. M. Renouvier a voula faire une morale humaine. Je erois qu'il y a réussi, et que son livre restera. Entendons-nous bien sur ce point, qui est des plus délicats, Il ne saurait etre question pour notre auteur de sacrifier le devoir & des considérations dopportanité; mais, sans se subordonner & habileté, Ja moralité se doit & elle-méme «etre habile, d'etre politique, om, pour mieux dire, d'etre éclairée et de ne pas faire, au nom de la jus- tivo, le jou des Rommes de prole. C'est un fait que, dans le monde réel et historique, la justice perd son caractére rationnel ingénu, « Lhomme péche et se corrompt,, fail ainsi pécher et ee corrompre les autres. Les hommes corrompus corrompent Ia société, qui, en retour, corrompt les hommes. Quand Je milieu est une fois fat, it existe une morale pratique, s'il est permis de In nommer ainsi, une coutume qui commande la fraude et la violence et qu'on sefforce de concilier avec les vrais devoirs. Dans cote situation, dans le mi- Jeu social sinsi constitué, est-il encore possible agent moral d'étre moral, ou , si cela ne lui est plus possible, quelle sera désormais sa ragle et que veut de lui la raison , qui ne peut se vouloir elle-méme tout entigre? » Doit-on, peut-on’ vouloir « que injustice de run ‘wiomphe jusqu’at bout de la justice de autre, ot que celui-ei soit réduit a donner sa tunique aprés avoir ét8 dépouillé de son man- tea!» Kant n’hésiterait pas & répondre que Vhomme de bien, au risque etre dupe, doit savoir se sacrifivr a Fimpératit catégorique. « Yin- clinerais souvent, dit M. Renoavier, au verdict de Kant, dans les cas particuliers, parce que la morale du mondo est véritablement trés- relichée; parce que les hommes sont trop porlés & justifier les pas- sions et a préférer le dévouement & la justice; et qu’enfin l'ignorance do le Toi, le mépris de la régle, et Jes saphismes tirés du fait et da suceés composent le vice endémique universel; il faudrait done une casvistique rationnelle qui exigerait une analyse préalable plus fine et plus serrée que celle des moralistes, et dont les bases memes sont encore & élablir, Je veux seulement constater que le principe ‘absolu de Kant rencontre une opposition dans la conscience et une impossibilité dans M'application. Ce n'est pas de cela que je conclus {quill est faux, mais je me suis mis sur la voie de le démontrer, en reconnaissant que la résistance émane ici du sentiment du juste, Otons, en effet, le cas da sacrifice personnel volontaire, qui peut se joindre la violation de Ja loi. Le sacrifice ne peut pas étre imposé, ‘mais ne doit pas étre non plus interdit, quand d’ailleurs il n'attente 1. Morale, 1, 810,312. 600 REVUE PEILOSOPRIQUE pas aux droits d'autrui. La vraie question ae pose, au contraire, dans Je cas oit la soumission & la To, le fait de dire la vérité, par exemple, entraine le sacrifice répugnant de soi ou de ee qu'on aime, ou en= core d’un bien commun, et cola non pas en verta de la loi méme, ne nous ¥ trompons pas, mais parle fait que d'autres hommes man. quent ou manqueront certainement & la justice. Elle est toute de savoir, si je suis tenu ‘observer la loi vis-vis de ceux qui ne m'en imposent le devoir que pour se donner les moyens de le violer eux- mémes. I! ne s'agit pas de se demander si la loi est générale, sila ‘moralité peut admettre des exceptions, si lidéal en matiére de mo- rale oblige ou n’oblige pas, sil est permis d'obtenir le bien par le ‘mal: tout cela est clair, et le moindre doute introduirait Ia perversité dans nos théories. Non, mais je me fonderai sur co que le justice est de sa nature un contrat, et je nierai que Ia conformité de mes actes @ la justice puisse m'étre imposée au-delA du degré ob je suis ‘str de n'avoir plus de réciprocité & attendre dans le milieu moral ot | je me trouve. Je conviendrai que cette thése, et on voit que Je n’en Aissirmule pas les termes, est grosse do conséquences dangerouses ; ‘mais la vérité n'est pas responsable de Verreur, ou méme du erime de ceux qui Vappliqueraient avec un esprit faussé ou un ecedr cor- Tompu. Il faut que je 'afirme hardiment ou que j'avoue que la jus tice est tele que les bons puissent devenir nécessairement les vic~ ‘times des méchants, et qu'ainsi je confonde le Juste avec le Saint et n'admette, au fond, pour toute loi, que le sacrifice NM. Renouvier vient de résumer Iui-méme, on ne peut mieux, Pes- pit dans lequel a é18 congue la Science de la morale. On voit que, sans se dissimuler les difficultés de sa tache, sans méme se faire aucune illusion sur les fausses interprétations qu'on pourrait donner dea doctrine, il a essayé de formuler et de résoudre les questions morales dans toute leur complexité. En face des: fats et au-dessus aeus, il place Fidéal qui doit les gouverner, de manidre & les amé- liorer, et & les amener & un état, ot P'éeart entre la théoria et la pratique de la vertu serait aussi faible que possible. Mais si Pidéal, que auteur appelle I'état de pais, est une loi devant laquolle s'in. cline toute conscience droite et honnéte, farce est de reconnaltre que nous avons & accomplir notre devoir vis-a-vis do nous-mémes et vis-t-vis des autres, dans un état de guerre, créé par la solidarite humaine, clest--dire par un ensemble de meeurs, de coutumes, de| lois, mélées de bien et de mal, qui se néclament d'une longue tradi- tion de violence et d’hypocrisie. Ily @ aussi une solidarité personnelie, 4 sat, p. 197, BEURIER. — PHILOSOPHIE DEM. RENOUVIER GOL ‘comme il y a une solidarité sociale : chacun ruse plus ou moins avee le loi, car on est naturellement porté & trop attendre d'autrui et & ne pas donner assez du sien; on Saccoutume ainsi aux petites injus- tices qui conduisent aux grandes; au besoin, on invoque, pour Seexcuser, des exemples et des antécédents, alors qu'on se fournit & soieméme et aux autres de nouveaux prétextes de mal faire. Ninous ne sommes parfaits, ni nous ne sommes en rapport avec des hommes parfuitement raisonnables et moraux. Nous avons tous hos defaillances, pour ne pas dire plus, et c'est précisément pour- quoi la morale 2 sa raison d'étre : elle serait inutile pour des étres infailibles; elle cesserait méme d'exister, si elle prétendait nous rendre impeccables, Elle suppose en nous une raison en puissance quil faut faire passer a Tacte sous des conditions de feilibilits, 'est- acuire de liberté 1, Ce n’est méme pas assez dige : V'éthique ne sup pose pas seulement des étros libres, elle exige deux, pour se faire ‘admettre deux, un acte de liberté, un effort personnel, qu'il nest pas fuctle dobtenir au milieu de la lutts des doctrines qui opposent Jes religions & la raison et divisent la raison contre elle-méme. Liem= péchemment le plus grand de la science morale est dans les doctrines qui, jusqu‘ici, ont prétenda en tenir liew en s‘appuyant sur telle ou telle revélation, ou sur telle ou telle métaphysique. Une seule philo- sophio peut fonder la yraie morale indépendante, et c'est le eriti- cisme, ¢ En effet, la thése du eriticisme est précisément la primauté de la morale dans esprit huniain & Végard de Vetablissement, pos- ‘ble ou non, des vérités transcendantes, desquelles on prétendait Jadis, inversement, déduire la morale. Le criticisme subordonne tous les inconnus aux phénoménes, tous les phénoménes & la conscience, et, dans la conscience méme, la raison théorétique & la raison pra- Ligue *. » Ainsi, Péthique est une science qui exige avant tout notre propre assentiment, et d’autre part elle doit éire tout & la fois idéale et pratique et prendre position résolument sur le terrain dela guerre pour préparer et hater l'avénement de la paix universelle. Les philosophies les plus formalistes, Kant par exemple, ont été amenés eux-mémes, sans qu'ils sen rendissent toujours bien compte, & admelire une morale pratique de T'état de guerre, d'une part en istinguant des devoirs larges ot dos devoirs stricts, ot de autre on introduisant au sein de la morale pure le droit elfectif de con trainte. Ceci demande explication. Dans la théorie du devoir pour le devoir seul, lorsque la moralité ne dépend que de la foriae et nul- Jement de la matiere de V'acte, lorsqu’on élimine tous les éléments 1, Morate, 1, 92. — 9, Id iy 16 ‘TOME Iu. — 187%, 30 602, REVUE PHILOSOPHIQUE passionnels et tous ls fits historiques, on devrait logiquement eon ‘lure Iégalité de tons les devoirs. On ne coimprend pas quil y en ait de plus ou moins stvets; ils sont ow ils ne sont pas; ms, du moment quis simppsent a la conscience, ils sont également, et an méme titre, obligatoires. Une morale exclusivement formelle ne comporte done dautre logique que celle des stolciens dans leurs célebres paradoxes; elle exclut toute casaistique comme irration- nelle et intelligible, Maintenaot admetions, — et comment ne pas admettre un fat aussi éclatant? — admetions, disyo, a solidarité Thumaine : alors on comprend le mérite, et les degrés dans le mé- ite, Dans un miliea uniquement eréé par la raison, Yetre raison nable n'aorait aucun effort faire pour éire juste visas de ses somblables, assuré qu'il serait que ses semblables observeraient la Justoe vis-d-vis de lui = ily aurait ld une Joi de réciprocité parfaite, aisle simple accompliesement des devotrs les plus impérieux de- Yient méritoire et plas ov moins méritoire, lorequ'll fant s'ermer énergie pour se soustraire aux inuences démoralisantes de la société et qu'on a soi-méme souvent lotter contre des dispositions hhéréditaires qui sont en quelque sorte entrées dans le sang. « La soldarité, sans attenter & Timputabiltéstricte de Fagent libre, sans suppnimer sa reeponsebilté, réclame et absorbe une part de tout rérito at do démérite, de tout bien ou de mal moral, en tant que certains mobiles essentiels des actes proviennent de causes étran~ géres ila conscience qui les admet. La solidarité sociale est tovjours tne sore excuse partele & apprécier dans les fautes etl en est dda méme de la solidarté personnelle, hors Jes cas, it est vrai tr 8s pornbreux, oit les habitades acquises, la nature vieiée d'un criminel sont impotables & Vesercice antérigur de la liberté 2. » ‘insi"an n'excuse pas Thomme, on we le discalpe pas; mais on te comprend, et on peut dantant mieux prétendre a le diriger : voila pour le point de vue pratique. Quant an point de vue logique, ou, pour mieux dire, scientifique, il y & grand intérét & séparer neitement la morale pure de la motale appligite ot & ne pas lasser dans la premigre des considérations qui n'appartiennent qu’k la seconde. Rendons & V'déal ee qui appartient& Vidéal ot aux fats ce qui sppartient aux (its : ainsi tous les problémes séclairciront ft 68 eoordonneront, et novs pourrons justifier les jugements dela conscience empiriyue dans Tetat do guerre, sans méconnatre, et | surout sans défigarer les réglesidéales do Veit de paix. 1, Veet Mora, 122 ee 19; 88 a Voi gaement oH Sein troduction, notamment p. 20 ei 76, su les fake Whéreai. ‘B49 Esty 3. — Morale, 398, | BEURIER, — PHILOSOPHIE DEN. RENOUVIER 608 Ce que nous venons de diro do la feusse distinction «théorique » des devoirs lages et des devoirssticts peut sappliquer également, ‘opres A. Renouvier, 8 Vintroduetion dun droit rstionnel de con” trainte dans Je morale formelie, Gest, dit natre auteur, introduire dans le concept de la justice pure les formes propres de injustice, at cola se fit fort natarellement per Vinfluence dune passion de TThoinme qui veut Ia fois envisager son idéal dans les fats et porter dans idea, alin de le rendre mieux applicabla, des notions nées des fats mémes of Tidéal se trouve renversé. Pour voir comment {o la justice bre une justice de contrainte pout se déduire, i faut prenire en consideration les éléments empiiques de homme et do histoire Alors tout sexplique aisément : si Te juste, au liew do vivre entouré d'associés loyaus, se trouve aux prises avec des ene promis violents ou mentevrs, qui sortent des conditions do la mora lite, le devoir de conservation personnelte lui ents un droit de legie time défense, « Dans eet état anarchie, Fautorité morale devient de plus en plus nécessaire en face de la libert, et se trouve elle- rméme insulisavte, si ello ne regoit une sanction matéiele et agit por contrainte en appayant aur Ia force 2.» ‘est ainsi qu'on est condott A instituer des gouvernement, des lois, & tablir Une justice eoercitive, repressive et réparatrice, car Ia sagesse ne saurail mieux faire que de procurer pratiquement, como tlle peut, In realisation externe des actes moralement nécesssires et Texeoution des contrats, puis de dépouller le méchant da fruit de son crime, et de le metire par Cemploi de la force dans Vmmpossibilté de nuire & Pavenit. Do It encore la justice dstribative, iy a liew CTatre egal et simple, fait acception des personnes, de leurs mérites ot de leurs démérites. Ajoutons que les institutions politiques, ren- ‘dues indispensables par la donnée de Tinjustice dans les relations humaines, erent foreément, mime dans les déinocraties les mieux ordonnées, des inégalités sociales qui vennent sajouter aux indga= Ties horéditaies ou acquises do. santé, de naissance, de fortune et instruction ® ‘Etant donné cet état de cifdses, on s’accorde, taciteinent ou expli- citorent pow importe, & placer Ia raison dans une autorité externa, 4 suivre ‘ertaines coutames, i se soumotire & certaines ois qui constituent uno sorte de justice contractuelo singulidrement detec tuouse, mais qui est en somme un bien relatf puis'elle s'est cons tituge & mi-ehiemin de Pextréme violence et de la paix défiitive, Co droit posiif n'a pas de valear quant & la morale pure : toutefois, ‘comme it ena une historiquement, lena une aussi moralement, sous 4, Morte, 18. ~ 2. Ty Hy 395, — 9, 1M SH, = A Bes 07 Cr REVUE PHILOSOPHIQUE . Jes conditions de Vhistoire *. De lt done une justice qui est souvent Te contraire de In justice idéale of qui cependant ze réclame delle, ‘une justice iajuste qui parait nous obliger et nous oblige réellement dans Ja plopart des cas, bien que notre devoir soit en méme temps do faire tous nos efforts pour Yabroger on la corriger. Comment supprimer des abus, sans en commetire soi-méme? Comment ré- tablir le droit dans toute sa pureté sans employer des moyens con- amnnés par le droit pur? Ce sont a des questions qui ont, pertout et 40 tout temps, divisé les hommes en conservateurs et en progres sistes, ot les progressistes eux-mémes en modérés et en révolution- naires. Il n'y en a pas quil soit plus important de soumetire & un ‘sérieux exemen critique : observons, en outre, qu’elles n'intéressent ppas seulement "homme politique; elles ont une portée tout autrement générale ; elles concernent les petits devoirs autant que les grands. Alceste lui-méme n’est-it pas obligé de prendre des détours pour critiquer le sonnet d’Oronte? Le je ne dis pas cela est d'une pro- fonde observation morale %. Done, qu’ll s'egisse des relations @homme & homme dans « le monde, » de citoyen a citoyen dans V’état, de peuple & peuple sur Jes champs de bataille, dans tout probiéme moral il faut consulter : 4° Ia morale, la science, avec son fondement de droit et de devoir ppors, avee son principe de Tautonomie de le raison ; % le principe de la défense, ott se trouvent toujours et d’ot peuvent toujours se Aedvire le motif de Ia dérogation a Tidéal, si ce motif existe, et Ia limite permise de la dérogation ; 8 les principales diffcultés imhé- rentes & la contrariété du bien idéal et des nécessités acquises des ‘hommes et des choses, ou, en d'autres termes, les antinomies nées de la violation de la loi *, Crest cette méthode, si lumnineuse et si ‘comprehensive, que M. Renouvier a ermployée, aveo une remar- qoable dialectique et un sentiment trés-élevé du juste, dans Ja discussion de toutes les questions de droit: si g& et la ses solutions ppratiques sont insuffisantes ou fautives, il est aisé de les rectifier en appliquant rigoureusement les raglesgformulées par autour. Sa méthode resto intacte, Prenons un exemple : M. Renouvier, du point de vue de Vidéal, critique, et méme assez vivement, le principe des majorités. « De méme, ditil, que le besoin de recourir & ee prinelpe est Ja consé- {quence et le signe d'une absence plus on moins sensible de Ja raison dans nombre d'esprits, c'est-dire encore d'une société imparfaite, de meme il est une propriété de V'état de guerve; it Vexprime et it 1e 1. Moral, 1, 16, — 2 4 Estos, £21. — 8, Morate, 1, 20, BEURIER, — PHILOSOPHIE DE xf. RENOUVIER 005 continue, tout en étant le prineipal moyen de Vatténuer et de le réduire @ des formes de paix matérielle +. » Cette argumentation

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