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Notes de lecture
LA BUREAUCRATIE CELESTE
par E. Balazs, Gallimard 1968.
Crest sous ce titre que sont rassemblés divers
crits d’Etienne Balazs, consacrés A ta société ct
Yécoromie de la Chine ancienne. Parmi les sujets
traités, « Société ct Bureaucratic » nous renscigne
sur le corps du mandarinat, classe des lettrés-fon-
tionnalres propriétaires tertiens dans ia Chine
ancienne, classe dominante par sa fonction éta-
tique, sur sa continuité et sa permanence depais
Ja fin du ¥ sitcle avant notre ére jusqu’a la chute
de V'ancien régime en 1912, puis dans la républi
faue bourgeoise de Kouo-min tang (1912-1960)
Uavonement de la « démocratie nouvelle > de
Mao Tsé-towng fut une véritable révolution qui
mit fin en meme temps a la bourgeoisie, Ia classe
des propritaires fonciers et a Tancien corps du
mandatinat, mais les remplaca per une classe de
fonctionnaites de nouvery ton, la bureaucratic
avn capitalisme d'Etal, a qui elle donna un pow
voir absolt,
étude du passé améne A voir que ta naissance
fet le développement de cette nouvelle classe do:
mminante, cette bourgeoisie communiste, ont dé
nélicié de la tradition bi-millénaire des lettrés-
fonctionnaires
Dans la Chine ancienne, qu‘est-ce que cette
classe de lettrés-fonctionnaires ? La possession de
Mécriture, la connaissance des caractéres étaient
source de pouvoir et d'émoluments. On lit, dans
tun ouvrage daté du 2: sidcle avant J..C., le Houdi
nan tseu : ¢ Autrefois, Ts'ang Hie inventa 'écri
ture, le Ciel fit pleuvoir des céréales et des dé
mons pleurérent dans la nuit (Commentaire
Les démons curent peur que l'invention de I'éert-
ture fat destinée & les dompter, c'est pour cette
raison que la nuit ils pleuraient. >. Cette para
bole suggére que ceux qui posstdent I'éeriture
sont censés étre capables d'harmoniser 1a pro.
duction des céréales et de maintenir la paix sous
Je ciel en sévissant contre les révoltés, Durant la
monarchie de Tehéou (103° siécle avant J.-C.)
les lettrés sont considérés comme Ja classe supé-
iewre parmi les quatre catégories du peuple
lettrés, paysans, artisans et marchands. Les es
claves et serfs ‘sont hors du classement officiel
Détenteurs du savoir, connaisseurs des rites, de
Ta musique, des odes et de I'histoire canonique,
Jes lertrés accédent aux privileges et a la propriété
foncitre par le fonetionnarisme, le mandarinat.
Cette couche intermédiaire entre Tanstocratie
terrienne et les autres categories sociales se trou-
va désagrégée pendant la période des Royaumes:
Combattants (5:3 siecle avant JC), son sort
dant he A Vexistence et a la disparition des f¢0-
daux. A issue de ces trois sideles de guerre, le
Seigneur de Ts'in avait détruit toutes les autres
scigneuries ; il avait mis fin a Is monarchie t¢o-
dale des Tehéou et avec clle au féodalisme anti
que, systime idéalisé par Confucius. La Chine uni
fige en empire en 221 avant J-C., diviste en 36
provinces, fut administrée par des fonctionnaires
nommés par Ie pouvoir central. Les lettrés qui
s‘éraient pour la plupart dispersés dans le penple,
etrouverent leur emplei dans cette monarchie
Durcancratique inaugurée par le Premier Empe
reur, Ts'in Chehouang-ti. Er c'est & partir de ce
premier empire que la bureaucratic étatique, cons:
tituée par les lettrés-fonctionnaires, se substitue
a la noblesse terrienne en tant que classe diri-
geante. Ce n'est pas 1a propriété mais la fonction
qui aceroit le pouvoir dans cette société agraire.
Les dynasties se succéderont, mais la monarchie
bureaucratique va demeurer immuable et les let-
tesefonctionnaires resteront le groupe social do-
minant jusqu’au 20° sitcle. Les emnpereurs regnent,
mais ce sont les mandarias qui gouvernent
< La classe des lettrés-fonctionnaires (ou man:
darins) — couche infime quant a son nombre,
omnipotente quant & sa force, son influence, sa
Position. son prestige — est Ie seul détenteur du
pouvoir, le plus grand propriétaire ; elle posstde
tous les priviléges, et d'abord celui de se repro-
duire : ele détient le monopole de l'éducation.
Cette élite improductive tire sa force de sa fone
tion socialement nécessaire et indispensable, de
coordonner, surveiller, diriger, encadrer le’ tra-
vail producti des autres, de faire marcher tout
Vorgamsme social. Ils ne connaissent qu'un seul
métier, celui de gouverner. Un célebre passage
de Mencius... exprime bien I'idéal des fonction:
naires-lettrés = € Les occupations des hommes de
qualité ne sont pas celles des gens de peu. Les
ns se livrent aux travaux de intelligence, gow:
vernent les autres ; ceux qui travaillent de leur
force sont gouvernés par les autres ; ceux qui
gouvernent somt entretenus par les autres,
« Spécialistes du maniement des hommes, les
lettrés-fonctionnaires incarnent 'Etat créé & leur
Image séverement hiécarchisé, autoritaire, pe-
ternaliste mais tyrannique, I'Etat-moloch totali-
faire, ..dirigiste et interventionniste.. Rien
n'échappe a la reglementation officielle : le com:’
merce, les mines, la construction, les rites, la
musique, les écoles, toute la vie publique et une
grande partic de Ia vie privée. Il y a d'autres rai.
sons encore pour parler d'un Etat totalitaire.
D'aboré Vatmosphere de surveillance mutuelle et
de suspision générale auxquelles personne n’échap-
pe, les plus haut fonctionnaires tant & 1a merci
du premier délateur. Puis le caractére arbitraive
de fa justice. Aux yenx des pouvoirs publics tout
inculpé est présumé coupable. Et le principe de
In culpabitité coltective... (qui) stme la terreur
et fait trembler tous les sujets, en premier lew
les fonctionnaires-lettrés qui ne dominent pas
seulement I'Etat, mais sont aussi ses. serviteurs
Enfin, totalitaire aussi la tendance de Etat &
Sopposer & toute innovation privée.
«Bien des traits de Ie Chine populaire nous
rappellent Vancien régime impérial = primauté de
Etat et de la classe des fonctionnaires privilégi¢s
— dans cette perspective, la bureaucratie duu
parti serait le pendant du mandarinat ; importance
des travaux publics exécutés par des millions de
coolies ; surveillance constante de la police ;
imtolérance d'un absolutisme éelairé mais tota-
Iitaire, avec son c6té paternaliste, son sentiment
de suptriorité, sa suffisance et se morgue ; ¢
pour finir, impuissance de individu, incapable
d'échapper & la pression sociale de la collectivité
A son conformisme... L’étetisme et le pouvoir
absolu nous semblent constituer le véritable dé
nomineteur commun de I'ancien et du nouveau
régime de la Chine. >
La partie de Touvrage traitant Vhistoire éco-
omique nous donne un apercu, & travers deux
millénsires, du sort des paysans, serfs et esclaves
Ala merci des nobles, des propriétaires fonciers,
des mandarins de la monarchie bureaucratique,
et nous conduit jusqu’d la réforme agraire de 1950
aprés Favenement de la « nouvelle démocratie
Lrauteur conelut que Vindustrialisation est la
clé de tous les problemes de la Chine et se de-
‘mande quel prix les paysans devront payer. On
sait déja a quelle exploitation sont soumis les
paysans dont le travail doit fournir le fonds
d'accumulation primitive, la base de industria
lisation, en particulier de "industrie d’armements
classique et stomique. Bien str, I'industrialisation
est pour Ie bureaucratic source de pouvoir et de
puissance, mais pour les ouvriers ct les paysans
de Chine, la elé de leur émencipation ne réside
as cssentiellement dans la mukiplication des
uusines et des mechines, mais dans Ia fin de la
bureaucratie, de son armée permanente et de sa
police, dans la mort de I'Etat capitalist.
Balazs soultve bien des questions urs interes:
santes ct en particulier celle-ci: Comment se
faitil qu’en dépit des conditions és favorables
car la Chine était technologiquement et scicn
tifiquement en avance sur l'Occident jusqu'a
temps de la Renaissance — Ia civilisation chinoise
ne donna jamais naissance, avant I'introduction
du capitalisme européen, au capitalisme du type
connu en Occident. Tl répond a cette question
en essayant d'analyser le mode de production de
ce que Marx appela < société asiatique > (page
290 312)
Balazs est mort en 1963, On lui attribue « O8
va le capitalise ? », para dans la collection
Spertacus, sous le pseudonyme de Tomort
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(T Oung Pao Vol. 42 Iss. 1) Balazs, Étienne - Études Sur La Société Et L'Économie de La Chine Médiévale (1953) (10.1163 - 156853253x00084) - Libgen - Li