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comme dans... Les plans d'un play-boy-d-lunettes GRMks ol Jai décidé de tout mettre en couvre pour séduire Anik Vincent. La grande question que je me posais était celle-ci: tun intellectucl-t-lunettes a-til antant de chances de séduire une file + qu'un play-boy-traquette? Dans cette question trds officielle et inquiétante, jutilisais des mots un peu forts. Je suis un intellectuel de petits chomins. J'aime assez lire, seul dans ma chambre, les écouteurs de mon baladeur sur les oreilles. Bon! Et » fécoute un groupe de musiciens farfelus qui Sappellent Mozart, Bach, Chopin, Beetho- ven et quelques autres. s D'accord, c'est moins courant que Michael Jackson, Prince, Ma- donna ou les Rolling Stones. Mais on me » traite d'intellectuel sur- tout & cause de mes lunettes ot de mon physique. Le sport et ‘moi, nous sommes 's comme le carré de Yhy- poténuse et I'haleine du matin. Nous avons trs peu de choses en. eee ‘commun, 11 suffit que je fasse deux enjanibées de jogging pour que je m'enfarge dans mes 4 runningshoes, Jaurais df me poser aussi une série d'autres questions secondaires ot inft- niment plus utiles, Mais 6tuis aveuglé. Je voulais qu’Anik Vincent sintéresse & moi.) | Quand nous étions en quatridme, cinquiéme et sixiéme année, je suis certain qu'elle me haissait. Crest connu: tout le monde déteste les brillants qui répondent aux questions du prof avant les autres, Bien sti, 5 elle n’a jamais eu Yoceasion de me Pavouer, mais elle m'aurait fait la gri- mace, si elle mavait regardé, Est-ce qu'elle me déteste encore? Et, & Ta fin de notre sixiéme année, qui est-ee qui a ou la brillante idée d'inventer des olympiades a l'école? La compétition, la 4 compétition, toujours la compétition! Je ‘me souviens de cette longue course folle ot fai sué pour me maintenir dans le peloton. Javais un point au c6té. Soudai- nement, une grande fille m’avait dépassé, © Une grande filleA-lanettes aveo un ban- dean de tennis pour retenir ses chevoux. Elle semblait voler. Elle était passée 4 t6 de moi et jaurais pu jurer que jétais a Tamét, Crest IA que jai commencé & # ralentir. Je n’étais pas le seul. Elle avait gagné comme une gazelle, Tous les gars avaient eu Tair d'une série de jembons incapables de mettre up pied devant Vautre. Le plus insultan, c'est qu’elle avait effectué un tour do pisto de plus que les autres, Une athléte naturelle. Déja, elle faisait bonne figure dans le tennis organisé. Li6t6 précédent, elle avait remporté le cham- pionnat dans la catégorie des moins de douze ans, Elle ne m'intéressait pas pour autant. Moi, jai toujours hai le sport en général et le tennis en parti- culter, malgré mon pére qui aurait voulu que fapprenne, Peut-etro & cause # de lui aussi. If dit quil a été champion dans le temps. Champion de quoi? Avec le temps, les vieux se trouvent toujours cinquante-six championnats. Moi, les champions me tombaient sur la rate. De toute fagon, Jes seuls domaines o% mon pére n'a pas été champion, ce sont ceux quill a soigneusement évités, Je devrais dire qui les a fois , & Pour en revenir 4 Anik Vincent; autant, 2 cette époque-la, elle se distinguait en édneation physique, autant je brillais dans la classe. J'étais une bolle, un chouchou tout disposé & répéter les explications des professeurs. II suffit qu’on me raconte une his- wire, elle se geave dans ma mémoire, Admettons que je suis un ® peu moins brillant en ce qui concerne la mémoire visuelle. Je ne reconnais pas toujours les gens. Ma myopic est certainement responsable de la chose. Je suis un auditif, pas un visuel. Une file nee Grave Ls foro Bone ens change de coiffure ou enléve ses luneites, je ne la reconnais plus. Et puis, allure gargonne @’Anik Vincent me Ieissait froid. Plus encore » quand, au début de Tannée dernidre, elle nous est arrivée affublée de broches, D'accord, i fallait corriger ses longues dents qui avaient des tendances plutét anazchiques, mais les broches ne donnent pas tout de suite une téte a la Brigitte Bardot ou la Jane Fonda, Luc, qui préfere les broches de bioycle, adit: «Crest pas des broches qu'elle a, cest des © barbelés..» Qui aurait bien pu réver dembrasser des barbelés? Pas moi, Lan dernier, Anik Vincent aurait pu faire du strip-tease que j'au- rais fermé les yeux. Je préférais mes livres, mes études, mes beaux bul- loins, demeurer "honneur de mes parents. Pourtant, en classe, je ne travallais jamais en pensant & eux. Jo lisais et jétudiais parce que ‘5 {aimais ga. C'est cave, mais il faut de tout pour faire un monde, Moi, je suis conime je suis. Raymond Plant, Le Dernier dos raisins, ‘Los éitons dn Boréal Express, 1991. RavimsoND PLANTE Montréalas depuis ma naisance en 1947, i ¢abord fait cane comme enseignant au pimabe pour deveni enslte sripteur 3 la ratio et & lation. En 10 ans, al ainsi récigg plus de 1 000 textes: séres tlévises pour enfant, dramtiques, documentaires et série pour adultes. Entre ements textes de chansons, plus de ADO, et crv’s dans des joumaux ct des revues, i écit des romans pour les adutes, La Débarque, Le Train sauvage, mas écis ‘aussi pour les jeunes: Une fenétre dans ma téte, Monsieur Genou, La Machine & beauté ct la temps, je composa sétie dos Raisins comme dame... ranges Goureon,

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