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TRAVAUX DIRIGÉS

Cas pratique

« La société à responsabilité limitée »

Proposé par :

EL BELOUI Hamid

Année universitaire :

2019 / 2020

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CAS PRATIQUE

Maria, Houria et Ghita ont entendu parler de la « SARL à dix dirhams ». Elles ont toujours
rêvé de créer une entreprise de décoration florale et cette accessibilité financière les incite à se
lancer. Elles se décident donc et créent la SARL Eden Flor. Le capital social est de 1 000
dirhams, divisé en parts sociales de 100 dirhams chacune. Maria reçoit quatre parts, Houria
trois parts et Ghita trois parts. Maria est désignée comme gérante par les statuts. En tant que
telle, et avec l’accord verbal de Houria et Ghita, elle conclut un contrat de travail avec la
société.

Grisée par l’esprit d’entreprendre, Maria, avec cent dirhams de capital social, crée une SARL-
AU ayant pour objet la vente de poteries. Elle a d’ailleurs signé, au nom de la SARL Eden
Flor, une convention d’exclusivité au bénéficie de la SARL-AU, pour la fourniture de pots,
vasques et vases nécessaires à la décoration florale.

Maria est omnipotente et très autoritaire, à tel point que Houria et Ghita sont démotivées. Tout
d’abord, elle place systématiquement les maigres bénéfices en réserve. Ensuite, elle se
comporte comme le seul maître de l’affaire et leur parle de céder d’importants actifs d’Eden
Flor SARL. En réaction, Houria et Ghita décident de voter invariablement contre les décisions
de Maria. Cette dernière les menace d’une action en justice pour faire constater le caractère
abusif de leur comportement. Finalement, de guerre lasse, Houria et Ghita envisagent de se
retirer. Maria serait d’accord. Mais avec son tempérament, elle est bien en peine pour trouver
un autre associé et la situation l’inquiète.

D’ailleurs, ce n’est pas son seul sujet d’inquiétude : sa SARL-AU lui pose quelques
problèmes. Au cours d’un dîner chez des amis, un expert comptable lui a affirmé que la
présence d’un « collègue » était obligatoire dans ce genre de société. D’autre part, elle lui
avoue n’avoir jamais procédé à l’approbation des comptes, puisqu’il n’y a aucune assemblée
et que sa gestion n’engage finalement qu’elle. De surcroît, cette activité de vente de poteries
ne dégage aucun bénéfice et, au contraire, commence à accumuler les pertes. Elle envisage
donc la dissolution de la SARL-AU. Mais étant seule, avec un capital social dérisoire, elle
redoute que les pertes soient directement imputées sur son patrimoine personnel...

Renseignez les associés sur l’ensemble des problèmes rencontrés.

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Corrigé :

La société à responsabilité limitée (ci-après désignée « SARL ») est souvent qualifiée de


société hybride, oscillant entre société de personnes et société de capitaux. En effet, les règles
qui lui sont applicables la rapproche tantôt d’un modèle, tantôt de l’autre.

La SARL et la société à responsabilité limitée d’associé unique (ci-après désignée « SARL-


AU ») étudiées permettent un aperçu global de ces différentes règles en abordant la
constitution et l’organisation de la société (I) et les modalités de décision (II).

I. Les conditions de constitution de la SARL et son organisation.

La constitution d’Eden Flor SARL et de la SARL-AU mettent surtout l’accent sur les apports
et donc sur la constitution du capital social (A) pour ensuite aborder son organisation au
travers de la gérance (B).

A. La constitution des SARL : le nombre d’associés et la constitution du capital


social.

1. Nombre d’associés.

Eden Flor SARL a été constituée initialement avec trois associés. En vertu des articles 44 et
47 de la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société
en commandite par actions, la SARL et la société en participation (ci-après désignée « loi n°
5-96 »), elle peut avoir de 1 à 50 associés. Une constitution avec trois (3) associés est donc
valable. Ce point ne soulève aucune difficulté. De même, le retrait de Houria et Ghita ne pose
pas de problème et Maria n’a pas à trouver un autre associé puisque Eden Flor SARL
deviendra une SARL-AU, sera donc dénommée Eden Flor SARL-AU et cette mention devra
figurer dans tous les documents émanant de la société et destinés aux tiers. La réunion de
toutes les parts de la SARL en une seule main n’entraîne pas la dissolution de la société. La
constitution d’une SARL-AU peut avoir lieu ab initio ou, et en vertu de l’article 48 de la loi
n° 5-96, par réunion de toutes les parts d’une SARL en une seule main, comme en l’espèce.

La constitution d’une SARL-AU par Maria alors qu’elle est déjà associée dans Eden Flor
SARL ne pose aucun problème. La SARL-AU peut être créée par une personne physique ou
par une personne morale, à l’exclusion des SARL-AU elles-mêmes. Une même personne peut

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créer plusieurs SARL-AU et, contrairement à la législation française qui permet à une
entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (ci-après désignée « EURL ») d’être associé
unique d’une autre EURL, « une SARL ne peut avoir pour associé unique une autre SARL
composée d'une seule personne » (article 49 de la loi n° 5-96) comme mentionné ci-dessus.

En effet, la législation française comportait une interdiction similaire pour ce qui concerne les
EURL. Cependant, l’interdiction en France pour une EURL d’être associée d’une autre EURL
a été abrogée par l’ordonnance nº 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés.

2. Capital social.

Comme dans tout contrat de société, des apports sont nécessaires. Depuis la loi n° 24-10 (qui
modifie et complète la loi n° 5-96), le capital social est librement fixé par les statuts (article
46 de la loi n° 5-96). Il n’y a donc pas de capital social minimum. Celui choisi est donc
valable.

Il en est de même pour la SARL-AU : les différences entre SARL et la SARL-AU sont liées
aux fonctionnements spécifiques selon le nombre d’associés, ce qui implique certains
changements et notamment par rapport à leur gouvernance (B).

B. L’organisation de la SARL : la gérance.

Maria est désignée comme gérante par les statuts. Elle conclut, avec l’accord verbal des autres
associés, un contrat de travail avec la société. Se pose alors la question du cumul avec un
contrat de travail.

Rien n’interdit au gérant de cumuler son mandat social avec un contrat de travail. Il faudra
aussi que le travail soit effectif, que les fonctions salariées soient distinctes des fonctions de
direction et enfin qu’un véritable lien de subordination existe. Cette dernière condition est très
problématique quand le gérant est associé majoritaire. En effet, la jurisprudence considère
généralement que le gérant majoritaire n’est pas subordonné à la société, puisqu’il la domine
dans les assemblées et par la gérance.

Toutefois, la conclusion d’un contrat de travail sera soumise à la procédure des conventions
réglementées. Ici, cette procédure ne semble pas avoir été respectée puisque l’énoncé évoque
« un accord verbal ». Il aurait fallu la soumettre au contrôle des associés (article 64 de la loi
n° 5-96). La procédure est la suivante : le commissaire aux comptes (ci-après abrégé
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« CAC »), ou s’il n’y en a pas, le gérant lui-même, établit un rapport sur ces conventions.
Ensuite, les associés se prononcent à la majorité ordinaire. L’intéressé ne prend pas part au
vote. Il s’agit donc d’un contrôle a posteriori. Il n’y a qu’une exception lorsque la convention
est passée par un gérant non associé et qu’il n’y a pas de CAC. Dans ce cas, la convention doit
préalablement être approuvée par les associés (alinéa 2 de l’article 64 précité). L’irrégularité
de la procédure n’entraîne pas automatiquement la nullité de la convention. Le défaut
d’approbation ne sera sanctionné que si la convention a eu des conséquences dommageables
pour la société (alinéa 4 de l’article 64 précité). Si la société a subi un préjudice, l’intéressé
engage sa responsabilité personnelle.

Cette procédure est également applicable pour la convention d’exclusivité au bénéficie de la


SARL-AU, pour la fourniture de pots, vasques et vases nécessaires à la décoration florale. En
effet, dans les SARL, les conventions sont réglementées entre la société et le gérant, mais
aussi entre la société et tous les associés (article 66 de la loi n° 5-96). On n’exige pas la
détention d’un minimum du capital social. Là encore, la procédure n’a pas été respectée.

Outre les problèmes de constitution et d’organisation, les modalités des décisions collectives
ou individuelles soulèvent aussi des difficultés (II).

II. Les modalités des décisions collectives ou individuelles.

En fonction des majorités requises, il convient de distinguer les décisions (A) et la question
particulière de la dissolution anticipée (B).

A. Les décisions collectives et la cession d’actifs significatifs.

Pour les décisions entraînant la modification des statuts, l’article 75 de la loi n° 5-96 dispose
notamment qu’elle « est décidée par les associés représentant au moins les trois-quarts du
capital social ». Ce même article dispose que « toute clause exigeant une majorité plus élevée
est réputée non écrite ».

Sur cette base légale, nous pouvons indiquer aux associés qu’il faudra 3/4 des parts sociales.
Le décompte des voix confère à Houria et Ghita la possibilité de bloquer toutes les décisions
de Maria. Mais elles doivent prendre garde au problème et à la sanction de l’abus de minorité.

L’énoncé nous parle du projet de Maria de « céder d’importants actifs d’Eden Flor SARL »,
or, « la même majorité prévue pour la modification des statuts est exigée pour toute demande

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de cession de plus de 50% des actifs de la société pendant une période de douze mois, sur la
base d’un rapport établi par le gérant » (alinéas 4 et suivants de l’article 75 précité. Article
modifié et complété par l’article premier de la loi n° 21-19, publiée dans sa version française
au Bulletin Officiel du 6 juin 2019).

Le terme d’ « actifs importants » n’a pas été consacré par le droit des sociétés marocain. On
parle notamment de cession d’ « actifs significatifs » en droit français, d’ « opérations
importantes » en droit britannique, de « major transactions » en droit singapourien et de
cession « d’actifs essentiels » en droit espagnol.

En l’espèce, le même décompte des voix précité pourra être transposé pour cette opération de
cession, sous réserve du respect des dispositions de l’article 75 précité.

B. Les décisions au sein de la SARL-AU.

La notion d’assemblée ne persiste pas dans la SARL-AU. L’article 44 de la loi n° 5-96


dispose que : « […] l'associé unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée des associés
[…] ». S’il assure la gérance, l’associé unique peut réunir sur sa tête le pouvoir décisionnel et
le pouvoir exécutif. Il décide de la répartition des bénéfices et de la modification des statuts.

L’énoncé nous parle de « maigres bénéfices » dégagés par Eden Flor SARL, nous pouvons
légitimement penser que cette dernière n’a donc pas l’obligation de désigner un CAC (alinéa
2 de l’article 80 de la loi n° 5-96).

Dans cette configuration, l’associé unique approuve les conventions réglementées lorsque la
« convention est conclue avec celui-ci » (alinéa 3 de l’article 64 précité), sans que le gérant ou
le CAC ait à établir le rapport spécial normalement requis. Il doit consigner toutes ces
décisions dans un registre spécial, à peine de nullité (alinéas 3 et 4 de l’article 76 de la loi n°
5-96). Ce formalisme rigoureux est le seul rempart de l’associé pour démontrer son respect de
l’intérêt social. Le dépôt des comptes au greffe du Tribunal de commerce vaut approbation
des comptes.

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