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sei0siz029 01:11 La soldart ethnique a Tépreuve des conflis communaulares & Blangoua dans la région du lac Tchad — Vivre au Nord-Cam. Accueil Lire Se connecter ig ik Rechercher dans le livre... Want to create or adapt books like this? Learn more about how Pressbooks. supports open publishing practices VIVRE AU NORD-CAMEROUN TABLE DES MATIERES 3. La solidarité ethnique a l’épreuve des conflits communautaires a Blangoua dans la région du lac Tchad ROBILAYIO Résumé Les frontiéres territoriales ont disloqué les communautés entre différents Etats Précédent : Reproductibilit ansfrontalité des conflits da’ du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du fafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks.pubinord-cameroun/chapteris-soidare-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou.... 1/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam darités ethniques transfrontaliéres. Le présent article s'intéresse ainsi A cette mo- bilisation communautaire sous auspice de 'appartenance ethnique. Il examine ce qui légitime la mobi dépit de la répartition territoriale et de la différence de nationalité. analyse an- ation des communautés autour des intéréts communs, en thropologique, 4 partir de la thése instrumentaliste ou mobilisationniste de l'eth- nicité, révéle qu’en dépit des clivages qui existent entre les membres d'une méme ethnie et de la difference de nationalité, ceux-ci finissent toujours par faire front commun lorsque leurs intéréts partagés sont menacés. Mots-clés : ethnie, solidarité, conflit, communauté, lac Tchad, Blangoua Abstract Territorial borders have dislocated communities between different modern states. However, culture, which is an anthropological determinant of the indivi- dual, has not been phagocytosed by this territoriality project. Thus, in a context of competition for resources in the Logone et Chari department, the resulting community conflicts suggest cross-border ethnic solidarities. This article looks at this community mobilisation under the auspices of ethnicity. It examines what le- gitimises the mobilisation of communities around common interests, despite ter- ritorial distribution and nationality differences. Anthropological analysis, based on the instrumentalist or mobilisationist thesis of ethnicity, reveals that despite ethnic cleavages and differences in nationality, members of the same ethnic group always end up forming a common front when their shared interests are threatened. Keywords: ethnicity, solidarity, conflict, community, Lake Chad, Blangoua Introduction Le lac Tchad est fondé sur une histoire partagée par de groupes de populations établies, dont certaines sont 4 cheval sur les frontiéres nationales (Rangé et Ab- dourahamani 9M14: Renandii et al 9014- Kaultehaumi 201R\ Cette lnciane de Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: eroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/chapteria-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 2/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam sionnels divers a « suscité d'autres types d'antagonismes que les conflits pour le contréle de lespace » (Saibou, 2012, p. 18). Ces conflits communautaires qui op- posent différentes ethnies, a savoir les Arabes Choa, les Kotoko, les Musgum et les Massa tirent leurs origines des difficultés d’accés aux ressources naturelles, des velléités hégémoniques interethniques, des clivages et des stéréotypes sociaux observés au sein d'une méme communauté. Dans ces conflits, 'appartenance eth- nique et les affinités identitaires sont exploitées pour créer une solidarité autour de la défense des intéréts des communautés. En effet, la question de lethnicité et des conflits communautaires dans le dépar- tement du Logone et Chari a fait 'objet de nombreux travaux scientifiques. An- toine Socpa (2000) et Saibou Issa (2004, 2012) se sont par exemple intéressés aux dynamiques de ces conflits 4 Taune de la démocratie et du multipartisme au Ca- meroun, Ces auteurs sont partis des causes socio-historiques pour expliquer les conflits communautaires qui ont suivi les premieres élections démocratiques au Cameroun en 1992, Dans le sillage de ces contributions, nous situons notre étude dans l'approche communautariste des conflits. Ceux-ci transcendent les fron- tiéres nationales et consolident ainsi 'unité de lethnie 4 travers ses membres de part et d'autre des frontiéres nationales pour faire face aux groupes ethniques an- tagonistes. Dés lors, nous nous proposons, dans la suite de notre propos, de faire le point sur les choix théorico-méthodologiques. Ce faisant, nous pourrons mieux étayer les velléités hégémoniques a Blangoua et les affrontements intercommu- nautaires anciens et récents, Nous verrons que l'instrumentalisation de lethnie est l'une des principales explications de la survivance des conflits communau- taires dans cette zone. Choix théorico-méthodologiques La méthode qualitative parait la mieux adaptée pour analyser les faits sociaux que sont les conflits et la mobilisation socio-ethnique. La construction théorique de notre sujet s'établit autour de la thése instrumentaliste ou mobilisationniste de Yethnicité développée par Philippe Poutignat et Joselyne Streiff-Fenart. En sub- stance, les théses primordialiste et instrumentaliste de l'ethnicité « postulent une Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks.pubinord-cameroun/chapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 3/19 1610572023 01:11 La saldaréethnique& féprwe des confits communauiaites& Blangova dans la gion du lac Tchad ~ Vivre au Nord-Cam. réalités linguistiques et culturelles qui les caractérisent - préexistent aux interac- tions sociales (Martiniello, 1995). La thése instrumentaliste de l'ethnicité nous permet ainsi de situer le facteur ethnique dans les interactions entre groupes ethniques telles que celles des conflits communautaires. Ainsi, en observant de prés les velléités hégémoniques en vogue a Blangoua, au regard du conflit arabe choa-kotoko des années 1990 et du récent conflit arabe choa~-musgum, nous par- viendrons a apprécier la place de l'ethnie dans les types de rapports quentre- tiennent les individus. Lethnie constitue ainsi une ressource mobilisable dans la conquéte tant du pouvoir politique que des biens économiques. Les données nécessaires 4 I'élaboration de ce travail ont été collectées par le biais des techniques de observation directe et des entretiens directifs et semi-direc- tifs. Selon Paul N’da (2015), 'observation de maniére générale consiste a regarder se dérouler, sur une période donnée, des comportements ou des événements et a les enregistrer. observation directe est donc utile en ce sens qu'elle permet aux chercheurs et chercheuses didentifier la manifestation des comportements di- rectement observables quils et elles enregistrent. Ils et elles peuvent alors confronter leurs observations avec les « dires » des acteurs et actrices qui leur sont confiés par le biais des entretiens. Nous avons séjourné plusieurs fois dans la localité de Blangoua et dans @’autres localités du département du Logone et Chari de 2017 a 2021. Ces différents séjours nous ont permis de vivre de prés la quoti- dienneté socioculturelle et les types de rapports que les communautés locales entretiennent entre elles. Les entretiens individuels ont été menés en profondeur auprés de dix informateurs!'] minutieusement choisis au sein des communautés belligérantes, sur la base de leurs positions sociales et du lien plus ou moins di- rect quills ont avec les conflits communautaires dans la région. Terrain de recherche Pour matérialiser ce travail méthodologique et théorique, les données ont été principalement collectées dans la localité de Blangoua. Cette zone du bassin du lac Tchad est l'un des dix arrondissements que compte le département du Logone et Chari dans l'Extréme-Nord du Cameroun. Blangoua a vu sa population se Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: eroun hitpstiscienceetbiencommun pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 4/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam ont aussi été abordés 4 Kousseri, Zimado, Logone Birni et Maga, afin de mieux cerner les dynamiques socio-ethniques lors du conflit arabe choa-musgum qui sest propagé dans cette partie de la vallée du Logone. Pour ce travail, nous nous intéressons essentiellement aux Kotoko, aux Arabes e-$ Choa, aux Kanouri, aux Kanembu et aux Musgum. Les Kotoko sont consid comme les autochtones et les Arabes Choa, jadis connu-e-s comme des nomades, se sont massivement sédentari: ‘e-s et occupent un nombre important de locali- tés de la région du lac Tchad. Les Kanouri, peuple originaire de Etat du Bornou au Nigéria, sont trés ancien-ne-s en pays kotoko. Ils et elles sont connu-e-s pour leur maitrise du Saint Coran et cest la présence des mallum (maitres coraniques) issus de cette communauté qui a attiré les talibés mendiants localement appelés Foukoura ou Almadjiri venus acquérir les connaissances auprés d’eux. Ces Fou- koura sont majoritairement issus de la communauté kanembu, une communauté tchadienne avec laquelle les Kanuri sont historiquement et linguistiquement lié- e-s, Le dernier groupe est le Musgum. Considéré-e-s comme les seigneurs de la péche et du commerce du poisson, les Musgum firent partie des migrant-e-s sai- sonnier-e-s qui investissaient la région du lac Tchad en période coloniale. Ce peuple et les Massa, voisins dans la vallée du Logone, se sont installé-e-s 4 Blan- goua et dans plusieurs iles du lac Tchad depuis de nombreuses décennies. Vellcités hégémoniques a Blangoua Les conflits dans la région de PExtréme-Nord en général et dans le département du Logone et Chari en particulier ont des tendances trés variées. Les plus récur- rents sont entre autres ceux d’accés aux ressources fonciéres, agropastorales et halieutiques, identitaires et les frictions religieuses. Ces différents conflits sont inhérents a histoire de cet espace dont l’attractivité économique a attiré nombre @hommes et de femmes réfugié-e-s économiques et climatiques. Cependant, comme le reléve Saibou Issa (2012, p. 59) : « la diversité et les clivages ethniques ne favorisent pas la cohésion [sociale] ». Les rapports intra et intercommunau- taires laissent ainsi entrevoir des velléités conflictogénes. Toutefois, malgré les clivages, ces communautés arrivent A se liguer lorsqu'elles sont opposées 4 une Précédent : Reproductibilité et transfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazla chez les Mafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/chapteria-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou.... 5/19 1e1057202301:11 La sla ethique &Tépreuve des cons communauaes a langoua dans la éion du lac Ted ~ re au Nor Cam Les conflits latents intra-ethniques : les clivages kotoko, ngorodo et tchang- mbwal-bé Le combat d’hégémonie est une réalité latente dans les habitus des actrices et ac- teurs sociaux de la localité de Blangoua. Cette derniére fut, depuis des décennies, le fief des Kotoko originaires de Goulfey sur les autres Kotoko; surtout le sous- groupe appelé Ngorodo (les Kotoko de Blangoua) par les Tchang-mbwal-bé (sous- groupe originaire de Goulfey). Les Tchang-mbwal-bé ne se voient pas se livrer aux travaux « déshonorants » - a savoir la laverie, le bambé (doker), le transport avec le koro mali (Anes), etc. - comme le font les autres jeunes de Blangoua. Ils et elles se contentent des recrutements sporadiques 4 la Mairie grace a leur statut de let- tré-e-s et a leurs proches qui travaillent dans les services publics de la ville. On voit les hommes tchang-mbwal-bé assis sous les arbres derriére la résidence du Wakil (représentant du sultan) a jouer aux cartes ou au Ludo, faisant des débats sur ce qui se passe A Goulfey et les années de gloire de son sultanat. Les jeunes ngorodo, hommes et femmes, ont pour la plupart, un niveau de scolarisa~ tion plus ou moins bas. Ils et elles sont trés dynamiques. On les retrouve dans les secteurs de la débrouille, ce quis et elles appellent le tchoua-tchoua (Layio, 2018, scannez le QR code ci-dessous) dans leur jargon. Ils et elles se mélent 4 peine aux tchang-mbwal-bé dont ils et elles dénigrent le comportement. Ce dénigrement se résume d’ailleurs dans les pratiques discursives courantes par le stéréotype po- pulaire suivant : « Tu n’as rien, mais dés que tu gagnes cinquante milles, tu vas te confectionner une gandoura. Tu thabilles, tu marches et joues au chef ». Les tchang-mbwal-bé, hommes et femmes, bien quills et elles soient installé-e-s 4 Blangoua, ne se sentent pas de la localité. Entre les deux groupes de jeunes ko- toko dont les relations sont assez tendues, un petit malentendu peut tourner a la bagarre et ressusciter des hostilités trés anciennes. hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidare-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 6/19 1610572023 01:11 La saldaréethnique& féprwe des confits communauiaites& Blangova dans la gion du lac Tchad ~ Vivre au Nord-Cam. Toutefois, la difference ou la mésentente entre les Kotoko de Goulfey et les origi- naires de Blangoua n'a jamais autant été ressentie que ces derniéres années. Bien que les populations kotoko de Blangoua, plus précisément celles qui sont de Ga- natir, ne se soient pas toujours senties confortables dans leurs positions de sujets du Sultan de Goulfey, personne n’osait affirmer ce malaise de maniére explicite. Néanmoins, on ressentait quelques mécontentements lors de la désignation des personnalités politiques (conseillers municipaux, maire et adjoints au maire) comme lors des élections couplées législative et municipale de 2013. Lors de ces élections, un candidat originaire de Goulfey était pressenti a la téte de la mairie de Blangoua. Il était alors courant d’entendre les jeunes clamer dans les coins chauds de la ville : « Nous naccepterons jamais que quelqu’'un de Goulfey nous st un Kanembu originaire du Tchad qui héritera du commande ici ». Au final, c poste. Dans la logique des jeunes Ngorodo, il est préférable que ce soit une autre personne qui hérite de cette mairie, tant que ce n'est pas un natif de Goulfey. Yamboul : un propos clivant a la base de la conflictualité du rapport entre les Kotoko et les néo-bourgeois Kanembu A Blangoua, quelques stéréotypes gangrénent les rapports sociaux entre les Ko- toko et les Kanembu. En effet, le kanouri est un continuum linguistique qui s'est développé autour du lac Tchad, notamment a travers le royaume du Kanem-Bor- nou. Le kanembu serait donc une autre variante du kanouri parlé par le peuple du méme nom, peuplant principalement les rives nord du lac Tchad et le Tchad. Dans Yesprit des Kotoko, le Kanembu est une personne inférieure. Cette opinion est communément partagée et relayée dans les conversations locales. C'est d’ailleurs ce qui nous a été rapporté par Abali (37 ans) lors de notre entretien du 5 mai 2021: « Méme si un Kanembu devient Président de la République, il reste un foukoura. II est inférieur 4 nous parce que cest nous qui l'avons nourri. IIs sont venus hier hier de Iautre cété (Tchad) et ils veulent parler fort? » Il est vrai que les jeunes de Blangoua, les ngorodo particuliérement, ne se lassent pas de qualifier les autres jeunes venu-e-s dailleurs de « hier hier » (ceux et celles récemment installé-e-s) ou de Tchadien-ne-s (étranger-e-s). Ces termes sont uti- lisés avec plus de teinte lorsau'il s'agit de désigner les Kanembu 4 aui on recon- Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/chapteria-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 7/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam cité pour survivre, Aujourd’hui, ce sont les membres de cette communauté qui détiennent lessentiel du pouvoir économique de la localité. En principe, la désignation foukoura renvoie aux talibés mendiants. Mais, 4 Blan- goua, elle s'applique a toute la jeunesse kanembu. Pourtant, il existe des enfants Kanembu né-e-s dans la localité de Blangoua qui ont une vie décente dans les fa~ milles. Ces jeunes ne se sentent pas 4 laise face 4 cette appellation aux connota- tions péjoratives de foukoura. Ce sont ces personnes qui ont commencé a mani- fester leur mécontentement en répondant aux jeunes kotoko qui les appellent foukoura par le terme Yamboull?]. Cest une sorte de réaction pour mettre un terme A cette appellation stigmatisante. En effet, les jeunes kotoko, qui ont grandi avec ces enfants kanembu et qui s‘expriment dans leur langue, ont connaissance de ce mot. Mais aucun-e adolescent-e, ni adulte n’a jusquiici pris le courage de réagir a cela. C’est donc trés recemment que I'appellatif Yamboul est apparu et fut utilisé en réaction a cette stigmatisation des Kotoko. Dans ce rapport, les Kanembu sont dans une logique d’autodétermination eth- nique, tandis que les Kotoko s’attachent au principe du don tel que formulé par Marcel Mauss (1950, p. 258) : « le don [...] rend encore inférieur celui qui I'a ac- cepté, surtout quand il est recu sans esprit de retour ». A Blangoua, les jeunes ka- nembu continuent de recevoir les dons et se sentent par ricochet inférieur-e-s. Lascension sociale, économique et politique qu’ont connue certain-e-s membres de cette communauté n’a rien changé a cette représentation sociale. Ce rapport aux allures de guerre froide qu'entretiennent ces communautés reste préoccu- pant, si tant est que de telles velléités hégémoniques soient 4 lorigine des opposi- tions sanglantes entre Arabes Choa-Kotoko, Arabes Choa~-Musgum et Musgum- Kotoko. Les affrontements intercommunautaires dans la région du lac Tchad Les conflits communautaires sont monnaie courante dans le département du Lo- gone et Chari, Souvent motivé-e-s par des compétitions autour des ressources et Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: hitpstiscienceetbiencommun pressbooks pubinord-cameroun/cnapteria-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 8/19 sei0siz029 01:11 La soldart ethnique a Tépreuve des conflis communaulares & Blangoua dans la région du lac Tchad — Vivre au Nord-Cam. Le conflit arabo choa-kotoko Bien que lopposition entre Kotoko et Arabes Choa soit ancienne et latente, repo- sant sur les motifs d’autochtonie et d’allochtonie, ouverture démocratique des années 1990 a été un tournant décisif dans la cohabitation entre ces deux com- munautés. Mettant a jour des jeux d'intéréts et de positionnement politique qui se sont appuyés sur l'appartenance ethnique, ce vent de démocratie qui a soufflé sur le Cameroun a été un facteur déterminant des affrontements entre Arabes Choa et Kotoko. Selon Saibou Issa (2012), la mobilisation des communautés arabes choa et kotoko dans la perspective des premiéres élections législatives multipar- tistes a instrumentalisé l'ethnicité. Vraisemblablement, « la perspective d'une re- distribution des postes politiques et administratifs locaux et nationaux sous-tend Yactivation des clivages enfouis » (Saibou, ibid., p. 118). Cette instrumentalisation ethnique va opposer les deux communautés et aboutir a de violents affronte- ments d'une longue période d'inimitié. En effet, le changement de paradigme po- litique dans le département du Logone et Chari, a la faveur de louverture démo- cratique, a été favorable aux Arabes Choa qui en ont profité de par leur statut de groupe majoritaire (Saibou, 2012). C'est donc pour les Arabes Choa le moment idoine de s’affranchir de loligarchie kotoko, longtemps soutenue par ladministra~ tion coloniale, puis renforcée par les autorités du Cameroun indépendant. Ce qui fait dire Saibou Issa que « élite arabe a pris conscience de la valeur politique de son poids démographique » (Saibou, ibid., p. 110). Cependant, comme ce fut le cas. lors de la succession des crises sociopolitiques au Tchad, avec une diffusion des belligérants dans les abords Sud du lac Tchad, ce conflit communautaire a rapide- ment pris une allure transfrontaliére. Les informations recueillies auprés des po- pulations vont dans le sens d'une mobilisation collective des membres des deux communautés pour répondre A l'appel de leurs élites. Ils et elles ont di taire « leurs divergences pour développer une réaction collective » (Saibou, ibid., p. 18). Comme le fait remarquer Saibou Issa, parlant des effets de la guerre civile tcha- dienne des années 1970 a l'aube des années 1990, « si le Cameroun fut directe- ment concerné par la situation politique tchadienne, cst d’abord et tout naturel- lement parce que cest un pays voisin et Kousseri est juxtaposée a ition massive des Arabes du Tchad dans le conflit arabo-kotoko est liée a la juxtaposition de leurs localités a celles du Ca~ N'Djamena » (ibid,, p. 77), Ainsi la mobilis Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: eroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/chapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blangou... 9/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam fense et de sécurité. C’est le cas de localités telles que Ganatir, Chaoué, Ngamé, etc. qui se sont vidées de leurs populations, et 'apurement de la localité de Mas- saki des troupes de malfaiteurs par l'armée. Les sources locales soutiennent que Cest dans ces localités que les mercenaires arabes choa venant du Tchad se re- trouvaient pour planifier leurs assauts contre les localités kotoko. Selon Saibou Issa (2012), les Arabes accusés de connivence avec les malfaiteurs ont contribué & les orienter vers des villages arabes, comme ce fut le cas pour Massaki, afin de prouver leur innocence. Le conflit arabo choa-musgum Initialement, l'affrontement qui a éclaté entre les Arabes Choa et les Musgum, de juillet a aotit 2021, avait pour épicentre l'arrondissement du Logone Birni. Cepen- dant, ce conflit va rapidement se diffuser dans d'autres arrondissements de la ré- gion, mobilisant les membres de ces communautés belligérantes. Les efforts de médiation menés par les autorités administratives et les leaders des deux com- munautés vont apaiser les tensions pendant quelque temps. Mais, dans la journée du 5 décembre, une altercation entre les éleveurs arabes et les agriculteurs au- tour d'un abreuvoir 4 Ouloumsa va mettre le feu aux poudres. Les informations recueillies auprés des sources arabes choa font état du fait que, lorsque les Arabes sont arrivés dans cette localité, située le long du fleuve pour abreuver leur bétail, les Musgum s'y seraient opposés. Les Arabes n'ont pas trouvé normal que leurs animaux soient privés de l'eau qui est considérée comme une ressource na- turelle. C’est ainsi qu'une altercation s'est déclenchée et la situation a malheureu- sement dégénéré. Les Musgum soutiennent quills ont demandé aux éleveurs arabes de patienter un peu avant de faire paitre leurs animaux, le temps pour eux de terminer les récoltes de leurs cultures. Les Arabes ont voulu forcer le passage pour abreuver leurs animaux. Ces deux versions convergent en ce sens quelles relient toutes deux lorigine de l'altercation a l'accés a un abreuvoir. En réalité, il faut remarquer que ce conflit n’est pas isolé. En effet, plusieurs autres villages o se trouvent ces deux communautés ont été le théatre d’affron- tements entre elles. Les données recueillies sur le terrain font état du fait que, dans l'arrondissement de Maga, les Arabes Choa qui ‘étaient installé-e-s dans la Précédent : Reproductibilité et transfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazla chez les Mafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun pressbooks.pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blango.... 10/19 1610572023 01:11 La saldaréethnique& féprwe des confits communauiaites& Blangova dans la gion du lac Tchad ~ Vivre au Nord-Cam. une agence de transport interurbain de la place ot ils et elles ont passé la nuit, ils et elles ont été intercepté-e-s par les Musgum qui les soupconnaient de partir renforcer leurs fréres et sceurs du Logone Birni. C'est in extremis que les forces de ordre ont réussi 4 extirper ces Arabes pour les sécuriser a la Brigade de Maga. Selon le trihebdomadaire L'il du Sahel, la foule en furie va se rabattre systémati- quement « sur les Arabes Choa exercant le petit commerce dans la ville de Maga » (Tourna, 2021, p. 5) et sur leurs magasins de la place du marché afin de les vanda- liser et les brdler. Cette information a été confirmée par un enseignant de l’Ecole Publique de Maga qui affirme que la tension s'est méme fait ressentir dans les €tablissements scolaires. II souligne que ce sont « les enseignants qui ont caché les enfants arabes et ont permis aux forces de maintien de lordre de les exfiltrer ». Ensuite par la brigade de Maga. il y a eu une vaste opération extirpation des Arabes Choa de la ville Un climat de terreur et de méfiance s'est rapidement diffusé partout ot les deux communautés sont établies. A Blangoua, les Musgum et les Massa, qui constituent une méme entité locale, ont préféré retirer leurs enfants des établissements sco- laires. Ali Moulla, un conseiller municipal issu des communautés musgum (son pére) et arabe choa (sa mére), nous révéle ceci : « une altercation entre enfants peut nous plonger dans le désarroi. C'est pour cela que jai conseillé 4 “nos gens” (les Musgum et les Massa) de garder leurs enfants a la maison, le temps que la si- tuation se tasse ». Des sources locales témoignent que son leadership avéré sur les deux communautés a considérablement aidé a maintenir 'harmonie au mo- ment oti la rumeur jouait les trouble-fétes. Il se raconte qu'il a pu calmer les ten- sions dans la localité de Koutoula oli les pécheurs musgum sont restés sur le qui- vive. « Chacun a apprété des armes de guerre au cas ou il venait a se voir attaquer par les Arabes Choa, plus nombreux dans la localité ». Aussi, avons-nous appris que certains Arabes Choa de la région ont déplacé leurs familles au Tchad, sculs les hommes sont restés sur place. Liinstrumentalisation de Tethnie dans les conflits dans la zone du lac Tchad Précédent : Reproductibilit nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwaz!: hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidare-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blango.... 11/19 1610572023 01:11 La saldaréethnique& féprwe des confits communauiaites& Blangova dans la gion du lac Tchad ~ Vivre au Nord-Cam. dinclusion et/ou d’exclusion des un-e-s et des autres au sein de lorganisation ou des situations sociales. La thése instrumentaliste de l'ethnicité soutient, quant 4 elle, que Vethnie est artificiellement créée et maintenue pour son utilité pragma- tique ou comme une « arme » utilisée pour obtenir des avantages collectifs. Cest effectivement ce volet instrumental de l'ethnie qui se révéle dans la mobilisation communautaire lors des conflits dans le bassin du lac Tchad. Les conflits arabo- kotoko et arabo-musgum ont ainsi laissé entrevoir cette instrumentalisation ethnique. Lieffore de guerre : la solidarieé collective des Musgum La socioculture musgum n'a pas moins de clivages que leurs voisin-e-s kotoko. Dans cette communauté, nous avons le clan des Mouloui qui habitent la cité de Pouss, les Moundjouk qui peuplent le nord du sultanat de Pouss jusqu’a Zimado dans larrondissement de Logone Birni, les Mavlamai du Lamidat de Guirvidig, proches des Peul-e-s, avec une bonne dose de brassage avec les Kanouri et les Bégué a la frontiére avec les Massa. Initialement, la rencontre entre les diffé- rentes composantes ne fait pas bon ménage, car il existe dans leurs rapports des velléités ethnocentriques des Mouloui sur les autres. « Lorsque les habitants de Pouss entrent en conversation avec les autres, ils emploient le terme mpassai ou mpassaida; cest-a-dire “nous les Pouss” ou “nous les Musgum” parce que pour eux, ils sont les vrais Musgum », nous confie un interlocuteur a Blangoua. II en est de méme pour les Bégué qui ont un accent proche du Massa et dont les interven- tions intriguent les autres entités, ou encore les Moundjouk qui sont traité-e-s de ‘Tchadien-ne-s et les Mavlamai de Kanouri, etc. Dans la vallée du Logone, ces cli- vages sont souvent au centre de la conflictualité des rapports entre les membres de cette communauté. Des sources rencontrées sur le terrain relévent que ces clivages ont, 4 plusicurs reprises, tourné aux affrontements, bien qu’a Blangoua cela ne se ressente pas. Cependant, lors du conflit arabe choa-musgum, les entités distinctives de cette communauté ne se sont pas ressenties. Tous les Musgum se sont senti-e-s concerné-e-s dés que la rumeur a commencé 4 répandre la nouvelle d'un éven- tuel affrontement. « Cest tout le monde qui appelait ses proches de la zone pour Précédent : Reproductibilité et transfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazla chez les Mafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blango.... 12/19 1610572023 01:11 La saldaréethnique& féprwe des confits communauiaites& Blangova dans la gion du lac Tchad ~ Vivre au Nord-Cam. pour entrer en guerre. En ce moment, cest Iesprit musgum qui parle en ce peuple et non le Moundjouk, le Bégué, le Mouloui, le Mavlamai ou le Musgum mu- sulman ou chrétien, ou encore le Musgum tchadien ou camerounais. C'est cet at- tachement culturel profond des Musgum autour de la cause ethnique qui a donné lieu a des jacassements de certain-e-s membres de cette communauté qui racon- taient 4 qui veut les entendre que les Arabes Choa se sont attaqué-e-s 4 la mau- vaise communauté. Méme dans les espaces publics et des services administratifs a Maroua, Kousseri, Garoua, etc., il y avait des Musgum qui se targuaient d’avoir été sollicité-e-s pour l'effort de guerre si les affrontements continuaient 4 persister. En effet, si lon a observé une implication directe des Musgum de la rive tcha- dienne du Logone dans ce conflit, c'est parce que, de part et d’autre de la fron- tiére, il s'agit de la méme communauté. Un Musgum de Pouss que nous avons rencontré A Blangoua explique le lien étroit qui existe entre ces populations et la légitimité de cette action collective en ces termes : Mes grands-parents ont eu des différends avec le chef de leur village dorigine au Tchad. Ce dernier voulait confisquer leur bétail. Ils ont tra~ versé nuitamment pour s’installer aux encablures de Pouss du cété du Ca- meroun. Maintenant, j'ai aussi des oncles de deux cétés et nous nous fréquentons. Crest donc logique de voir les membres de la famille venir porter secours aux leurs de l'autre cété de la rive. Aussi, cette mobilisation collective aurait pu avoir la méme ampleur si c’étaient les Arabes Choa, les Kotoko, les Massa, les Toupouri, etc. qui s’étendaient de l'autre cété de la frontiére, 4 proximité de l'espace socio- géographique du conflit. « Nos gens » : repli identicaire musgum-massa sous ancrage géoculturel « Nous les Musgum et Massa, on a comme une sorte de puce en nous. Dés qu’on Tactive tout le monde est activé ». Telle est la quintessence d'une conversation entre nous et un jeune Musgum dans une espace public 4 Maroua, le 17 novembre 9091 Tae oaoffrat oultiral das Muedum aecimila sinct analanas amnrints das Précédent : Reproductibilité et transfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazla chez les Mafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautaires-a-blango.... 13/19 sei0siz029 01:11 La soldart ethnique a Tépreuve des conflis communaulares & Blangoua dans la région du lac Tchad — Vivre au Nord-Cam. localités des abords du lac Tchad, les Musgum et Massa sont les mémes peuples. Waldiga nous donne explication suivante lors d'un entretien : Quand on grandissait, on a toujours cru quil n'y avait pas de différence entre les deux groupes ethniques. Cest trés récemment qu'on a découvert quill agit de deux communautés distinctes. Jusque-la, on se base sur l'ap- partenance religieuse pour les distinguer. Cette appréhension est biaisée du fait quill existe des adeptes de Tislam et du christianisme et méme de croyances traditionnelles, tant chez les Musgum que chez les Massa. Toutefois, les membres de ces communautés font bien de se rap- procher et de constituer un bloc solide dans un environnement oi les compéti- tions autour de 'accés aux ressources battent leur plein et tournent souvent aux conflits socioprofessionnels et intercommunautaires. Ce faisant, le terme « nos gens » est utilisé par les membres des deux communautés pour exprimer leurs rapprochements. Cette expression a émergé dés les débuts de Ioffensive des forces de défense du Cameroun face 4 la secte islamiste Boko Haram dans le lac Tchad (Layio, 2018). Selon les deux peuples, le repli identitaire massa-musgum découle du fait que les islamistes de Boko Haram ont eu 4 mener des attaques ci- blées contre leur communauté, soutenant quills et elles sont des traitres et colla~ boraient avec les forces gouvernementales. Dans la méme mouvance, lorsque les Arabes Choa s’opposaient aux Musgum dans Yarrondissement de Logone Birni, les Massa étaient en alerte. Deux facteurs ex- pliquent cette mise en alerte des Massa. Il s'agit premiérement de la confusion entre ces deux peuples. A Blangoua, ceux et celles qui disent pouvoir les distin- guer s/appuient habituellement sur l'aspect religieux, considérant les musulman- e-s comme des Musgum et les chrétien-ne-s comme des Massa. C'est a tort, car les deux communautés sont partagées entre les deux religions, bien que les Mus- gum soient majoritairement musulman-e-s et les Massa majoritairement chré- tien-ne-s. Deuxiémement, il existe un sentiment de consanguinité entre les deux communautés. C'est pour cette raison que le peuple massa se sent indexé lorsque le voisin musgum est menacé, et vice-versa. Ainsi, puisque les événements du Lo- gone Birni de juillet-aoiit 2021 étaient un conflit socioprofessionnel, il est normal de voir les Massa s'inquiéter, puisque ces deux peuples, géographiquement et culturellement proches, s’entremélent dans le secteur de la péche et des produits Précédent : Reproductibilité et transfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazla chez les Mafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautaires-a-blango... 14/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam niont pas été moins inquiétés parce quiils elles avaient vu comment, par le passé, le conflit ayant opposé les Arabes Choa aux Kotoko avait gagné du terrain dans toute la région. Des informations recues sur le terrain font état du fait que ces Arabes Choa venaient du Tchad pour mener des attaques ciblées contre les vil- lages kotoko. Ensuite, ils et elles ont conscience du nombre des Arabes dans le lac ‘Tchad, autant en territoire tchadien que camerounais et savent que, si ce conflit venait s'y diffuser, ils ne seraient que des fourmis a écraser. D’ailleurs, lors du conflit, 'historien Saibou Issa rapportait déja que « lampleur prise par la violence ethnique et l'insécurité sur la rive gauche du Chari est en partie attribuée a la proximité du Tchad » (Saibou, 2012, p. 74) qui a connu une succession de crises les décennies précédentes. C'est pour cela que nombre de pécheurs, ayant quitté leurs goua ol la sécurité est de taille. impements dans la zone de Blaram, s’étaient réfugiés dans la ville de Blan- Le mercenariat au service des conflits intercommunautaires Le conflit arabo-kotoko des années 1990 a pris une dimension transnationale avec Fentrée en jeu des combattants venant principalement du Tchad voisin pour apporter leur soutien aux membres de leur communauté du Cameroun, Pour Sai- bou Issa, Les affrontements entre Arabes Shuwa et Kotoko donnérent lieu a une vé- ritable guerre ethnique, avec usage des armes sophistiquées, mobilisation des solidarités transfrontaliéres, recours aux milices, détention illégale darmes (Saibou, 2012, p. 113). En effet, de nombreuses sources locales font état de ce que, lors du conflit arabo- kotoko des années 1990, des individus rompus a la guerre venaient du Tchad pour combattre aux cdtés de leurs fréres. A Blangoua, dans la partie Sud du lac Tchad, il se raconte que de nombreuses colonies d’Arabes venus du Tchad campaient dans la localité de Massaki, avant de lancer leurs assauts sur des localités kotoko environnantes, Les populations racontent que ce sont les Arabes venus du Tchad qui ont assiégé et bralé la localité de Ganatir & sept kilometres de la ville de Blan- goua. Cette information va dans le méme sens que celle de Saibou Issa (2012) qui Précédent : Reproductibilité nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazl: hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteria-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blango.... 15/19 180520250111 La sla ettique &éprewe des cots conmunaulsen&angou dns igo le Teh Vea Newt Cam cueillir des mercenaires. est une de ces opérations qui a permis de démanteler Je réseau de diffusion des mercenaires arabes dans la zone. Se souvenant du conflit arabo-kotoko, les Musgum et Arabes Choa de Blangoua ont été trés vite inquiété-e-s. Le trihebdomadaire Lil du Sahel écrit : « Tres vite, la situation s'est embrasée. Des renforts des deux communautés protago- nistes sont venus des villages voisins et méme de l'autre cété de la frontiére tcha- dienne » (Areguema, 2021, p. 5). Quant 4 la communauté musgum, elle ne peut rester indifférente lorsqu'elle se trouve dans un milieu ot les Arabes sont en plus grand nombre. En plus, des rumeurs ont laissé entendre que plusieurs Musgum de la berge tchadienne du Logone se sont joints aux combats dans larrondisse- ment de Logone Birni. Le triste souvenir de l'entrée en scene de colonies d’Arabes Choa qui venaient nuitamment du Tchad, lourdement armés, pour mener des at- taques ciblées contre les villages kotoko les hante. Aussi, les affrontements entre ces deux communautés se sont étendus dans les arrondissements de Kousseri, Zina et méme Maga dans le département du Mayo Danay. Cela fait done redouter une généralisation du conflit dans les différentes localités ou les deux commu- nautés se trouvent. Si dans les conflits arabo-musgum, le ralliement des membres de ces deux communautés s'est effectué encore dans la logique de sa dimension sentimentale et émotionnelle de lappartenance ethnique (Poutignat et Streiff-Fe- nart, 2015), l'on craignait lentrée en jeu des mercenaires d'un c6té ou de lautre. Conclusion Il était question ici d’analyser la mobilisation ethnique autour des intéréts com- muns lors des conflits communautaires, en dépit des clivages et de la répartition spatiale hérités de la colonisation. Les données collectées sur le terrain révélent que la culture collective est au-dessus des différences qui peuvent exister a linté- rieur d'une ethnie, Elle ne peut donc étre phagocytée par un projet de territoria~ lité qui laisse croire a identification de lindividu a travers son appartenance a un pays ou a une nationalité et non comme membre d'une entité socio-ethnique. Cest pour cette raison qu’on constate une sorte de mobilisation générale des membres de la méme ethnie autour des questions les concernant, en dépit de la Précédent : Reproductibilité et transfrontalité des conflits dans le bassin du lac Tehad : histoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazla chez les Mafa du Cameroun hitpstiscienceetbiencommun pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidare-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautares-a-blango.... 16/19 4210520230111 Last tique & épreuve des confi communauates Sangoua dans a gion da Tehad~ Vir au Noe Cam Musgum, pour amener les membres de la communauté les plus éloigné-e-s a simpliquer et A soutenir la cause musgum. Aux abords du lac Tchad, un climat dinquiétude soutenu par la peur a renforcé le repli identitaire musgum-massa dont lancrage est géoculturel. Cest donc lexpression « nos gens » qui est utilisée pour parler des deux communautés qui se confondent dans cette zone. De leur cété, les Arabes Choa tendraient a recourir au mercenariat, comme ce fut le cas dans les années 1990 lorsquills et elles s‘opposaient aux Kotoko. Le projet mobilisationniste de l'ethnie n'a connu aucune entrave tant lorsque les Arabes Choa s'opposaient aux Kotoko qu'aux Musgum. Pourtant toutes les com- munautés belligérantes ne manquent pas de clivages intra et interethniques comme ceux de Tchang-mbwalbé et Ngorodo chez les Kotoko ou ceux de Yamboul et Foukoura entre Kotoko et Kanembu, et des Mpassay, Moundjouk, Bégué, Mou- loui et Mavlamai chez les Musgum. Ainsi, face l'autre, Cest le sentiment d’appar- tenance au groupe (Poutignat et Streiff-Fenart, 2015) qui est mis en avant et qui contréle 'action des individus. C'est cette appartenance qui oppose un-e Kotoko de Blangoua a un-e Arabe Choa de la méme localité ou un-e Arabe Choa de Blan- goua a ceux et celles d'autres localités et d'autres nationalités et vice-versa. Aussi, ce qui pourrait opposer lArabe Choa au Musgum pourrait lopposer a tous les autres clans musgum, voire aux Massa, etc. II est donc évident que la diffusion ra~ pide des conflits communautaires dans cette région est sous-jacente a la concep- tion locale de la solidarité ethnique et de lintérét commun. Références Areguema, J. (2021, décembre 8). Fraticide [sic] 4 Logone Birni, L'il du Sahel, 5. Beauvilain, A. (1989). Nord-Cameroun : crises et peuplement [Doctorat]. Université de Rouen, Cabot, J., Diziain, R. et Deschamps, H. (1955). Population du Moyen Logone (Tchad et Cameroun). ORSTOM. Issa, S. (2004). Lembuscade sur les routes des abords sud du Lac Tchad. Politique Précédent : Reproductibilité nsfrontalité des conflits dans le bassin du | nistoir Suivant : Dynamique du statut social du Ngwazl: eroun hitpstiscienceetbiencommun,pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-s-lepreuve-des-confts-communautares-a-blango.... 17/19 180520250111 La sla ettique &éprewe des cots conmunaulsen&angou dns igo le Teh Vea Newt Cam nalisé. Lexpérience des pécheurs de Kofia (Lac Tchad) a Lépreuve des variabilités climatiques [Doctorat]. Université de Maroua. Layio, R. (2018). Insécurité transfrontaliére et stratégies des jeunes de Blangoua: Lexpérience du phénoméne Boko Haram dans le Lac Tchad [Master]. Université de Maroua. Layio, R. (Réalisateur). (2018). « Tchoua-tchoua », Stratégie de Survie [Film ethno- graphique; 16:9]. Université de Maroua. https://filmfreeway.com/Tchoua- tchouasurvivalstrategy Martiniello, M. (1995). Lethnicité dans les sciences sociales. Presses Universitaires de France. Mauss, M. (1950). 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Ce terme signifie en kanembu « Les-je-n’ai-rien ». ¢ LICENCE PARTAGEZ CE LIVRE ©@O vy hitpstiscienceetbiencommun pressbooks pubinord-cameroun/cnapteris-soidarte-ethnique-e-lepreuve-des-confts-communautaires-a-blango.... 19/19

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