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GÉNIE INDUSTRIEL

Ti095 - Maintenance

Mise en œuvre
de la maintenance

Réf. Internet : 42136 | 5e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Maintenance
(Réf. Internet ti095)
composé de  :

Fonction stratégique de la maintenance Réf. Internet : 42137

Méthodes et management de la maintenance Réf. Internet : 42647

Mise en œuvre de la maintenance Réf. Internet : 42136

Soutien de maintenance Réf. Internet : 42637

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Maintenance
(Réf. Internet ti095)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Antoine DESPUJOLS
Président de la Commission Maintenance de l'AFNOR, membre du bureau
de l'AFIM (Association Française des Ingénieurs de Maintenance) délégué à
l'EFNMS (European Federation of National Maintenance Societies)

Bernard MECHIN
Directeur du Centre international de maintenance industrielle (CIMI)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Alain BOULENGER Philippe PENIN


Pour l’article : MT9285 Pour l’article : R927

Gilles DUCHEMIN Sylvain PIECHOWIAK


Pour l’article : BM4188 Pour l’article : S7217

Rafael GOURIVEAU Emmanuel RAMASSO


Pour l’article : MT9570 Pour l’article : MT9570

Daniel HOSTALIER Henri-Pierre RAMELLA


Pour l’article : MT9290 Pour l’article : BM4186

Jean-Pierre HUTIN Thomas RAYNAUD


Pour les articles : BN3296 – BN3297 – Pour l’article : E1328
BN3295
Moamar SAYED MOUCHAWEH
Michel LOR Pour l’article : MT9286
Pour l’article : C7100
Bernard SEEMANN
Kamal MEDJAHER Pour l’article : R2055
Pour l’article : MT9570
Dominique SERRE
Jacques MOREL Pour l’article : D5048
Pour l’article : R6100
Noureddine ZERHOUNI
Dominique PAJANI Pour l’article : MT9570
Pour l’article : R2741
Gilles ZWINGELSTEIN
Pour les articles : MT9571 – MT9572

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VI
Mise en œuvre de la maintenance
(Réf. Internet 42136)

SOMMAIRE

1– Techniques de maintenance Réf. Internet page

Maintenance conditionnelle par analyse des vibrations MT9285 11

Surveillance vibratoire et maintenance prédictive R6100 15

Thermographie. Technologies et applications R2741 21

Détection de fuite R2055 27

Vérification et maintenance d'un parc d'appareils de mesure R927 31

Pathologie, diagnostic, prévention et maintenance des structures C7100 35

Intelligence artificielle et diagnostic S7217 41

PHM - Prognostics and health management. De la surveillance au pronostic de MT9570 45


défaillances de systèmes complexes
La maintenance préventive. Méthodes et technologies MT9571 49

La maintenance prédictive intelligente pour l'industrie 4.0 MT9572 55

2– Applications Réf. Internet page

Maintenance des turbines à vapeur BM4186 65

Maintenance des centrales nucléaires. Composants de la chaudière BN3296 67

Maintenance des centrales nucléaires. Composants non nucléaires, matériels BN3297 73


génériques et contrôle-commande
Maintenance des machines et des moteurs BM4188 79

Maintenance des centrales nucléaires. Dispositions générales, les hommes, les BN3295 83
organisations
Installations électriques BT. Vérifications et entretien D5048 89

Compatibilité électromagnétique en phase de maintenance E1328 93

Systèmes de surveillance de défauts pour l'aide à la maintenance prédictive de parcs MT9286 97


de turbines éoliennes
Règlements et normes à usage de la maintenance tertiaire. Patrimoines immobiliers MT9290 101

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VII
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Mise en œuvre de la maintenance
(Réf. Internet 42136)

1
1– Techniques de maintenance Réf. Internet page

Maintenance conditionnelle par analyse des vibrations MT9285 11

Surveillance vibratoire et maintenance prédictive R6100 15

Thermographie. Technologies et applications R2741 21

Détection de fuite R2055 27

Vérification et maintenance d'un parc d'appareils de mesure R927 31

Pathologie, diagnostic, prévention et maintenance des structures C7100 35

Intelligence artificielle et diagnostic S7217 41

PHM - Prognostics and health management. De la surveillance au pronostic de MT9570 45


défaillances de systèmes complexes
La maintenance préventive. Méthodes et technologies MT9571 49

La maintenance prédictive intelligente pour l'industrie 4.0 MT9572 55

2– Applications

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9
1

10
Référence Internet
MT9285

Maintenance conditionnelle
par analyse des vibrations
1
par Alain BOULENGER
Ancien responsable du département Maintenance et diagnostics vibratoires chez AIF
puis SKF

1. Politiques de surveillance...................................................................... MT 9 285 – 2


1.1 Suivi périodique .......................................................................................... — 2
1.2 Diagnostic..................................................................................................... — 2
2. Outils ........................................................................................................... — 2
2.1 Suivi du niveau vibratoire des indicateurs (niveaux globaux) ................ — 2
2.2 Analyse spectrale (ou analyse fréquentielle) ............................................ — 3
2.3 Amélioration de la résolution ou utilisation du zoom .............................. — 3
2.4 Détection d’enveloppe ou démodulation d’amplitude centrée sur une
résonance ..................................................................................................... — 3
2.5 Examen des harmoniques et sous-harmoniques ..................................... — 5
2.6 Étude des bandes latérales de modulation ............................................... — 5
2.7 Examen et suivi des valeurs du cepstre .................................................... — 5
2.8 Recherche des modes de fréquences propres .......................................... — 6
3. Étude de cas .............................................................................................. — 7
3.1 Défaut sur un palier de motoventilateur.................................................... — 7
3.2 Détection d’enveloppe sur écaillage d’un roulement............................... — 8
3.3 Détection d’enveloppe sur défaut de graissage........................................ — 8
3.4 Diagnostic sur engrenage ........................................................................... — 9
3.5 Tableau récapitulatif des principaux outils de diagnostic ........................ — 12
4. Précautions de mesures......................................................................... — 12
4.1 Notion de fonction de transfert .................................................................. — 13
4.2 Choix des emplacements des points de mesures .................................... — 13
4.3 Fixation des capteurs .................................................................................. — 15
4.3.1 Fixation des capteurs de déplacement ............................................. — 15
4.3.2 Fixation des accéléromètres .............................................................. — 15
4.3.3 Fixation des câbles de liaison............................................................ — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. MT 9 285

outes les machines en fonctionnement génèrent des vibrations. Celles-ci,


T parce qu’elles sont représentatives des efforts dynamiques engendrés par
les pièces en mouvement, occupent une place privilégiée parmi les paramètres
à prendre en considération pour assurer une surveillance efficace du bon état de
fonctionnement des machines. Cette place se justifie d’autant plus que toute
modification de la « signature » vibratoire d’une machine constitue souvent la
première manifestation physique d’une anomalie, cause potentielle, à plus ou
moins long terme, d’une panne ou d’une dégradation préjudiciables soit à la
production, soit à la qualité du produit fini, soit enfin à la sécurité du personnel.
Ces particularités font de l’analyse des vibrations, qu’elle soit faite par la mise
en place du suivi périodique de l’évolution d’un indicateur (ou d’un ensemble
d’indicateurs) sélectionné(s) jusqu’au dépassement d’un seuil d’alarme, ou bien
par l’établissement d’un diagnostic statuant sur la nature et la gravité d’une
défaillance ainsi que sur l’urgence de l’intervention, l’un des principaux outils
Parution : avril 2006

pour la prévention des pannes et l’étude de leur mode d’apparition.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur MT 9 285 − 1

11
Référence Internet
MT9285

MAINTENANCE CONDITIONNELLE PAR ANALYSE DES VIBRATIONS ______________________________________________________________________________

1. Politiques de surveillance giques pour la production. En effet, un phénomène (normal ou anor-


mal) d’amplitude importante peut masquer un défaut de moindre
amplitude mais pas forcément de moindre gravité et rendre ce
contrôle parfaitement inefficace (danger d’effet de masque). D’autre
part, il est important de noter que ce type de surveillance par suivi
1.1 Suivi périodique d’évolution n’aura d’efficacité que s’il est possible d’obtenir des
conditions de fonctionnement de la machine (charge et vitesse)
sensiblement identiques d’une mesure à l’autre.

1 Un suivi périodique (ou continu) des machines, généralement


inscrit dans le cadre de la mise en place d’une politique de
maintenance conditionnelle, permettra de déclencher une
alarme programmée, déterminée, en fonction du type de 1.2 Diagnostic
défaut(s) redouté(s) et en fonction de la complexité de sa (ou de
leur) mise en évidence, par le choix d’un indicateur représentatif
de la dégradation et par la détermination d’un seuil d’amplitude Le diagnostic, outil particulièrement utile dans le cadre de la
jugé critique, sur une plage de fréquences définie. mise en place d’un concept de maintenance prévisionnelle
(appelée aussi maintenance prédictive), permet d’aller plus loin
qu’une simple alarme et se caractérise par la détermination de la
■ L’indicateur choisi peut représenter : nature précise du défaut rencontré, de sa gravité et de l’urgence
— une grandeur physique (déplacement, vitesse ou accélération de l’intervention.
du mouvement vibratoire) :
• le déplacement pour les défauts dont les effets vibratoires
seront ressentis en très basses fréquences ou lorsque les cap- Dans la majorité des cas, il fera suite à une alarme lors d’une
teurs utilisés sont des sondes de proximité (capteurs de déplace- visite périodique, en se substituant à elle pour des cas complexes,
ment), ou lors de contrôles ponctuels. Le diagnostic fait appel à des techni-
• la vitesse pour les défauts dont la manifestation vibratoire sera ques d’investigation généralement plus poussées que le simple
ressentie en basses et moyennes fréquences et pour la référence suivi d’indicateurs scalaires, commandées par la complexité et la
aux normes (NF E 90300, ISO 10816) (cf. [Doc. MT 9 285]), précision du diagnostic demandé en fonction des enjeux économi-
• l’accélération pour les cas généraux ; ques liés à la panne redoutée.
— ou un indicateur spécifique aux défauts de type choc (écailla- Les techniques utilisées sont principalement :
ges de roulements, endommagement d’une denture d’engrena- — le suivi du niveau vibratoire (niveaux globaux) ;
ges…) comme :
— l’analyse des spectres vibratoires sur des plages de fréquences
• le facteur de crête ou le facteur de kurtosis qui sont des gran- plus ou moins étroites ;
deurs représentatives de la forme du signal (cf. [BR 200]) réfé-
— l’amélioration de la résolution ou l’utilisation d’un zoom ;
rence [1],
• la mesure de réponse à la résonance du capteur ayant des — la détection d’enveloppe (démodulation d’amplitude centrée
appellations propres à chaque constructeur de matériel (BCU, sur une résonance) ;
HFD, SPM, SDT, g/SE…), — l’examen des harmoniques et sous-harmoniques éventuels ;
— ou encore le suivi des gabarits spectraux ou cepstraux [1]. — l’étude des bandes latérales de modulations centrées sur une
fréquence caractéristique ;
Nota : pour un rappel des notions de cepstre, le lecteur se reportera en [Doc. MT 9 285].
— l’examen et le suivi de valeurs cepstrales ;
■ Le seuil, associé à chaque indicateur, sera déterminé par l’expé- — la recherche des modes de fréquences propres…
rience, par référence à une norme ou à la spécification d’un
constructeur ou bien, plus généralement, par comparaison avec le À noter que les techniques développées ci-après sont principale-
niveau qu’avait l’indicateur lorsque la machine était jugée en bon ment destinées à la surveillance des machines tournant en continu,
état de fonctionnement. sans variation de vitesse pendant la prise des mesures. Pour la sur-
veillance des machines alternatives (robots, machines cycliques,
■ La plage de fréquences sera définie en liaison directe avec l’indi- pistons…), il existe des techniques mieux adaptées (ondelettes,
cateur choisi en fonction des risques de pollution générés par des fonction de Vignerville…) souvent encore économiquement justifia-
phénomènes (normaux ou anormaux) autres que le(s) défaut(s) sur- bles que sur peu d’équipements particulièrement sensibles.
veillé(s).
Exemple : on pourra prendre, comme indicateur pour la sur-
veillance en continu d’une turbomachine, le suivi du niveau vibratoire
sur une bande de fréquences étroite, centrée sur la fréquence de rota- 2. Outils
tion du rotor, afin de prévenir un éventuel balourd (provoqué, par exem-
ple, par la détérioration d’une pale de turbine ou la déformation du
rotor), et on pourra prendre le suivi de l’amplitude efficace en mode
accélération sur une bande hautes fréquences pour dépister un défaut 2.1 Suivi du niveau vibratoire
de graissage sur le roulement d’un palier d’une pompe centrifuge.
des indicateurs (niveaux globaux)
Bien souvent, avec ce type de suivi, par souci d’économie ou
parce qu’on ne veut pas privilégier le dépistage à priori d’un ou de
quelques défauts en particulier, le suivi se limite à l’observation de Pour peu que les mesures aient été prises soit sur différentes
l’évolution du niveau vibratoire généré par l’ensemble des phénomènes bandes de fréquences, soit selon différents indicateurs eux-mêmes
agissants sur une large plage de fréquences (généralement sur la plus sensibles à différentes fréquences, il est possible, en regardant
plage normalisée de 10/1 000 Hz pour des machines tournant entre de façon comparative l’évolution des niveaux de ces différents para-
600 et 12 000 tr/min). Ce choix peut être jugé acceptable pour la sur- mètres, de se faire une idée des familles de défauts responsables de
veillance de machines secondaires, mais il est plus difficile à justifier la vibration des machines et, éventuellement, d’orienter les recher-
pour le dépistage de défaillances graves sur des machines straté- ches pour des analyses complémentaires (tableau 1).

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MT 9 285 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

12
Référence Internet
MT9285

_____________________________________________________________________________ MAINTENANCE CONDITIONNELLE PAR ANALYSE DES VIBRATIONS

radiale pour surveiller les défauts provoqués par des efforts tour-
Tableau 1 – Suivi du niveau vibratoire des indicateurs nants et dans chacune des deux autres directions pour dépister les
défauts issus d’efforts directionnels (poulies excentrées, défauts
Types de défauts Déplacement Vitesse Accélération Chocs
d’accouplement, desserrages, rupture de barres rotoriques sur
Basses fréquences moteurs…).
• Balourd
• Désalignement

1
• Usure d’accouplement
• Desserrage 2.3 Amélioration de la résolution
•… ou utilisation du zoom
Moyennes fréquences
• Engrènement
Un grand nombre d’anomalies mécaniques ou électromagné-
défectueux
tiques peuvent se manifester à des fréquences très proches les unes
•…
des autres ou par l’apparition de bandes latérales de modulation
Hautes fréquences centrées autour de fréquences cinématiques caractéristiques appe-
lées « fréquences porteuses ». La détection de tels phénomènes
• Usure nécessite généralement d’améliorer la résolution d’un spectre par
régulière l’une des trois techniques suivantes :
• Mauvais — la multiplication du nombre de canaux (ou lignes), passant
graissage ainsi à 400, 800, 1 600, 3 200, 6 400, … lignes, chacunes d’entre elles
pouvant correspondre à une fréquence différente ;
Roulements
: • Début — la décomposition du signal en plusieurs spectres de largeurs
d’écaillage de bandes différentes, technique qui ne nécessite pas le recours à
un appareil possédant un nombre important de canaux et qui pré-
• Marquage sente l’avantage d’améliorer non seulement la résolution des spec-
important tres mais aussi leur dynamique, chaque bande pouvant avoir ainsi
la sienne ;
• Très — le zoom qui permet de concentrer un nombre de canaux limité
dégradé sur une bande de fréquences de largeur choisie, centrée sur une fré-
quence donnée. Cette technique présente l’avantage, notamment en
hautes fréquences, d’obtenir une résolution nettement meilleure
qu’avec une simple multiplication des lignes sur l’ensemble du
signal.
2.2 Analyse spectrale
(ou analyse fréquentielle)
2.4 Détection d’enveloppe
Toute anomalie affectant une machine tournante, qu’il s’agisse ou démodulation d’amplitude centrée
d’un balourd, d’un désalignement, d’un phénomène de tourbillon sur une résonance
d’huile, de la déformation d’un arbre, d’un jeu excessif ou d’un
desserrage, d’un écaillage de roulements, d’une anomalie électro-
magnétique sur le stator ou le rotor d’un moteur, d’un défaut Les défauts induisant des forces de type « choc », génèrent des
d’accouplement ou d’engrènement…, se traduit par des vibrations vibrations caractérisées par des impulsions de forte amplitude sur
dont la cadence de répétition – ou fréquence – correspond à celle du une durée très courte (défaut de graissage, écaillages de roule-
phénomène qui la provoque, généralement identifiable par l’étude ments, jeux excessifs, criques de dentures, chocs…), à l’inverse des
de la cinématique de la machine. défauts de type « sinusoïdal » qui génèrent des vibrations dont les
Le spectre est une représentation graphique de la transformée de amplitudes varient de manière beaucoup plus progressive sur une
Fourier du signal vibratoire observé avec, en ordonnée, les amplitu- durée plus longue (défauts de balourd, désalignement, frotte-
des correspondant à chacune des composantes fréquentielles pla- ment…). Ces chocs excitent les modes de résonance hautes fré-
cées en abscisse. L’analyse spectrale consiste ensuite en une quences des différents éléments de structure de la machine,
recherche de corrélation entre les composantes fréquentielles ayant donnant des pulsations hautes fréquences dont les amplitudes sont
une amplitude importante (ou en forte évolution) et les fréquences modulées par la fréquence d’apparition du défaut en question.
cinématiques des différents organes de la machine surveillée. Les réponses à ces modes de résonances se traduisent sur le
Exemple : la figure 1 donne le spectre qui aurait pu être tiré du spectre par la présence de « bosses » situées en hautes fréquences,
signal vibratoire relevé sur l’un des paliers d’un motocompresseur et le loin des fréquences de rotation de la machine. La démodulation en
tableau qui l’accompagne identifie chacune des raies spectrales. amplitude des réponses à ces modes permet de retrouver la fré-
quence des forces excitatrices, alors que celles-ci sont souvent indé-
On voit bien la correspondance existant entre les composantes du tectables dans le spectre du signal brut, puisque généralement
graphe et les fréquences cinématiques du passage des différents masquées par le bruit de fond généré par d’autres phénomènes et
éléments de la machine. À noter qu’il s’agit bien entendu d’un par l’effet « d’essuie-glace » dû aux inévitables instabilités des vites-
exemple pédagogique, la surveillance d’une machine ne pouvant se ses de rotation.
limiter au relevé vibratoire d’un seul point en une seule direction de
mesure. On appelle souvent « détection d’enveloppe » cette opération de
démodulation (figure 2) qui consiste à éliminer les composantes
Généralement, afin de se mettre au plus près, et dans le sens des hautes fréquences du signal qui ne font que « translater » l’informa-
forces qui engendrent l’anomalie recherchée, on prendra une tion, pour n’en garder que l’enveloppe avant d’en calculer la trans-
mesure sur chacun des paliers de la machine, en une direction formée de Fourier.

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© Techniques de l’Ingénieur MT 9 285 − 3

13
Référence Internet
MT9285

MAINTENANCE CONDITIONNELLE PAR ANALYSE DES VIBRATIONS ______________________________________________________________________________

4 914 tr/min
Multiplicateur Compresseur

1 480 tr/min 25 dents 4 filets 62 dents


Rotor 1

Rotor 2

1
Moteur 6 filets 93 dents

83 dents
3 276 tr/min
Vitesse (mm/s)

10
8
9
1
1 5 6
4 7
2 3
0,1

10 20 50 100 200 500 1 000 2 000 5 000 10 000 20 000


Fréquence (Hz)

Identification des raies sur le spectre ci-dessus


Numéro
de la Fréquence Source
raie (Hz)
1 24,66 1 480 tr/min Moteur d’entraînement

2 49,32 2 ¥ 24,66 Hz 2e harmonique moteur :


délignage

3 54,6 3 276 tr/min Rotor no 2 compresseur

4 81,9 4 914 tr/min Rotor no 1 compresseur

5 163,8 2 ¥ 81,9 Hz 2e harmonique rotor no 1 :


délignage

6 327,6 4 ¥ 81,9 Hz ; Fréquences d’engrènement des vis


6 ¥ 54,6 Hz du compresseur

7 655,2 2 ¥ 327,6 Hz 2e harmonique


de l’engrènement des vis
du compresseur

8 2 047 83 ¥ 24,6 Hz Fréquence d’engrènement


du multiplicateur

9 5 078 62 ¥ 81,9 Hz Fréquence d’engrènement


du compresseur
Figure 1 – Exemple de spectre
sur un compresseur à vis

Amplitude
1/F

Enveloppe

Temps

Signal porteur
1/F0

F0 : fréquence d’excitation de la structure (résonance)


F : fréquence du défaut excitateur (enveloppe)

Figure 2 – Démodulation d’amplitude par l’enveloppe

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MT 9 285 − 4 © Techniques de l’Ingénieur

14
Référence Internet
R6100

Surveillance vibratoire
et maintenance prédictive
1
par Jacques MOREL
Ingénieur de l’École nationale supérieure de mécanique (ENSM)
Ancien chef adjoint du Département surveillance diagnostic maintenance à EDF,
Division recherches et développement

1. Enjeux de la maintenance...................................................................... R 6 100 – 2


2. Défauts et manifestations..................................................................... — 3
2.1 Rotors et parties tournantes ....................................................................... — 3
2.1.1 Déséquilibre massique des rotors. Balourds ................................... — 3
2.1.2 Balourd d’origine mécanique ............................................................ — 3
2.1.3 Balourd d’origine thermique ............................................................. — 4
2.1.4 Frottement. Balourd évolutif.............................................................. — 4
2.1.5 Rotors dissymétriques. Fissures ...................................................... — 5
2.1.6 Accouplements .................................................................................. — 5
2.1.7 Engrenages réducteurs et multiplicateurs........................................ — 6
2.2 Dégradation des appuis .............................................................................. — 7
2.2.1 Défauts des roulements ..................................................................... — 7
2.2.2 Palier à film d’huile............................................................................. — 8
2.2.3 Dégradations du lignage.................................................................... — 9
2.2.4 Jeu, desserrage, mauvaise fixation .................................................. — 9
2.3 Vibrations liées aux écoulements .............................................................. — 9
2.3.1 Pompes et machines hydrauliques ................................................... — 9
2.3.2 Phénomènes organisés, instabilités ................................................. — 11
2.4 Fréquences propres mal placées................................................................ — 13
3. Détection, diagnostic et pronostic d’anomalie............................... — 13
3.1 Besoin ........................................................................................................... — 13
3.2 Stratégie de détection ................................................................................. — 14
3.3 Supports du diagnostic ............................................................................... — 14
3.3.1 Fiches défauts ..................................................................................... — 14
3.3.2 Retour d’expérience : limites associées aux défauts....................... — 14
3.3.3 Symptômes ......................................................................................... — 15
3.4 Démarche de diagnostic ............................................................................. — 17
3.4.1 Identification du problème................................................................. — 17
3.4.2 Évocation d’hypothèses. Fiches symptômes ................................... — 18
3.4.3 Confirmation d’hypothèses. Fiches défauts .................................... — 18
3.4.4 Tableau d’évocation............................................................................ — 18
4. Trois stratégies de surveillance ........................................................... — 19
4.1 Comportement « normal »d’une machine. Les normes........................... — 19
4.2 Bilans de santé. Maintenance prédictive ................................................... — 19
4.3 Surveillance en continu des grandes machines ....................................... — 20
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. R 6 100

a maintenance des installations est essentielle à leur sûreté de fonctionne-


L
Parution : décembre 2002

ment et à la sécurité des personnes. Compte tenu de son coût, il est cepen-
dant judicieux d’établir un bon équilibre entre entretien préventif systématique
et entretien correctif.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 6 100 − 1

15
Référence Internet
R6100

SURVEILLANCE VIBRATOIRE ET MAINTENANCE PRÉDICTIVE ____________________________________________________________________________________

La surveillance des installations concourt à limiter le niveau d’entretien pré-


ventif. Dans ce contexte, l’analyse vibratoire constitue un outil de détection puis
de diagnostic de défauts de fonctionnement des installations.
Aussi, après avoir décrit les principales manifestations vibratoires des défauts
de fonctionnement des machines, cet article examine les stratégies de détection,
de surveillance et la démarche de diagnostic s’appuyant sur l’analyse vibratoire
et permettant de déduire une politique et des gestes de maintenance.
1 Le lecteur consultera utilement les articles :
— Analyse vibratoire des machines tournantes [BM 5 145] dans le traité Génie mécanique ;
— Vibrations [A 410] dans le traité Sciences fondamentales ;
— Aéroacoustique et hydroacoustique [A 430] dans le traité Sciences fondamentales ;
ainsi que les articles de la rubrique Fonctions et composants mécaniques du traité Génie méca-
nique.
Nota : les vibrations sont caractérisées par un déplacement, une vitesse ou une accélération. Dans cet article, nous repré-
senterons schématiquement les phénomènes quels que soient les paramètres mesurés (qui dépendent du type de capteurs uti-
lisés pour chaque cas). Les courbes ainsi obtenues sont généralement représentatives de l’évolution de l’amplitude du
déplacement, de la vitesse ou de l’accélération de la vibration.

1. Enjeux de la maintenance
Coûts
■ Maintenance
Le fonctionnement d’une installation, même dans des conditions Coût total
normales entraîne un certain vieillissement des matériels, et parfois
même des incidents ou accidents. Il est nécessaire pour en assurer
un exploitation correcte de maintenir cette installation en bon état. Coût de la
maintenance
La maintenance a un coût et il importe de trouver le niveau opti-
préventive
mum qui maintiendra au moindre coût l’installation à niveau sans
mettre en danger la sécurité des personnes. Comme illustré figure 1,
si l’on ne maintien pas l’installation, on aura trop d’incidents et leur
coût va croître. À l’inverse, si l’on fait trop de maintenance préven- Coût des
tive, le coût total va augmenter. incidents
La maintenance optimale est donc un mélange harmonieux
d’entretien préventif systématique et d’entretien correctif. Trop de correctif Trop de maintenance préventive systématique

■ Surveillance des matériels Niveau de


Effet de la maintenance
La surveillance des matériels permet de diminuer le niveau surveillance
d’entretien préventif sans prendre de risque supplémentaire car on
continue à s’assurer que le matériel ne présente pas d’anomalie. On
peut donc diminuer les coûts, si toutefois le coût de la surveillance
reste limité. Figure 1 – Optimisation de la politique de maintenance
Elle s’intègre dans la politique de maintenance et doit assurer :
— la prévention des risques majeurs (arrêt des machines lorsque
les conditions de sécurité (pour l’homme ou pour la machine) ne C’est sur ces concepts qu’est basée la maintenance prédictive.
sont pas satisfaites ; Pour la mettre en œuvre, il faudra donc être capable de détermi-
— la détection précoce des anomalies, pour éviter au maximum ner les causes de défaillance les plus fréquentes, d’évaluer leurs
les avaries en remplaçant les composants défectueux si possible coûts, leur probabilité d’apparition, et de mettre en place une politi-
avant incident et au meilleur moment ; que qui permette d’en détecter au plus tôt les symptômes.
— l’analyse après incident, pour remédier aux défauts constatés,
éviter de les retrouver à l’avenir, ou définir les modifications néces- ■ Reconnaître les défauts
saires. Il n’y a pas de maintenance prédictive sans un diagnostic mini-
■ Vibration : un bon indicateur d’état mum des défauts et de leur gravité. C’est pourquoi la première
démarche d’une action de surveillance est de se demander quels
Le fonctionnement des machines engendre des efforts qui seront défauts sont susceptibles de se rencontrer sur la machine à sur-
souvent la cause des défaillances ultérieures (efforts tournants, tur- veiller.
bulence, chocs, instabilité).
La seconde concerne les manifestations de ces défauts. Quelles
Les efforts sont à leur tour causes de vibrations qui vont endom- informations, quels paramètres descripteurs du défaut faut-il élabo-
mager les structures et les composants des machines. rer et mesurer pour disposer des bonnes informations ; celles qui
L’analyse de ces vibrations va permettre d’identifier les efforts dès permettront de dire si la situation est normale ou non (détection
qu’ils apparaissent, avant qu’ils n’aient causé de dommage irréver- d’anomalie) , mais aussi celles qui permettront d’en trouver ulté-
sible. Elle permettra aussi après analyse d’en déduire l’origine et rieurement l’origine (diagnostic de l’origine et de la gravité des ano-
d’estimer les risques de défaillance. malies).

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2. Défauts et manifestations
vitesse de vibration
2.1 Rotors et parties tournantes

1
2.1.1 Déséquilibre massique des rotors. Balourds ∆vi

Quel que soit le soin apporté à la construction des machines, il


n'est pas possible de faire coïncider l'axe de rotation avec le centre
de gravité de chaque tranche élémentaire du rotor, ce qui caracté-
rise le balourd. Il en résulte que l'arbre en rotation est soumis à des t
efforts centrifuges qui le déforment. Ces efforts se traduisent par ∆ ti
des vibrations liées à la fréquence de rotation f r .
Les déséquilibres proviennent en général de défauts d'usinage, Figure 3 – Évolution brutale des vibrations due à une rupture
d'assemblage des rotors ou de montage. En fonctionnement, les ou à un glissement
rotors peuvent alors aussi se déformer sous l'effet d'échauffements
dissymétriques. Quelques exemples de causes de déséquilibre (ou
balourds) sont représentés figure 2.
2.1.2 Balourd d’origine mécanique
Sur cette figure, les défauts semblent exagérés, surtout si l’on se
réfère aux déformations réelles des rotors. Mais si l’on considère
que ces défauts peuvent être amplifiés par les phénomènes de réso- 2.1.2.1 Perte d'ailette, rupture d’une aube, etc.
nance, les figures deviennent réalistes. En effet, un décentrage du
rotor de 10 µm par rapport à son axe de rotation peut se traduire par Lorsqu'il y a rupture et départ d’un morceau du rotor, comme par
des vibrations élevées si l'amortissement interne du rotor est faible. exemple d'une ailette, on observe généralement une évolution ins-
Avec 1 % d'amortissement, c'est-à-dire avec un coefficient d'ampli- tantanée des vibrations. Cette évolution est mieux perçue si l’on sur-
fication de 50, les vibrations au passage des vitesses critiques pour- veille simultanément l'amplitude et la phase des vibrations dans
ront atteindre une amplitude de 500 µm. Or, un usinage à 10 µm près une représentation vectorielle (figure 3).
est déjà un bon usinage, difficile à réaliser. Les pertes d'aubes se traduisent aussi par des perturbations de
Pour compenser ce défaut, on peut se reporter à la référence [11]. l’écoulement (présence d’impulsions de pression répétées) qui se
verront par des analyses spécifiques de type cepstre (cf. [BM 5 145],
§ 4.2).

2.1.2.2 Modification du montage


Lieu des centres
de gravité
Un glissement des plateaux d'accouplement se traduit comme
dans l'exemple précédent (perte d’ailette) par une évolution brus-
Axe de rotation que des vibrations synchrones de la rotation. Ce genre d'incident est
à corréler à des évolutions des efforts de torsion (à-coups de
réseaux, évolution du couple transmis pendant une prise de
charge). Cela est surtout vrai lors de la première prise de charge
On veut réaliser On réalise après un démontage de l'accouplement qui se remet alors en place
en glissant lorsque les efforts de torsion deviennent suffisants.
a tolérance d'usinage

2.1.2.3 Érosion. Dépôt de matière


L'érosion des aubes peut créer un déséquilibre si la distribution
n'est pas symétrique (ce qui est assez rare).
Le dépôt de matière se rencontre sur des ventilateurs qui fonc-
tionnent dans des ambiances très sales, comme par exemple des
tirages de fumées. On observe alors une évolution lente des vibra-
tions à la fréquence de rotation, avec parfois des discontinuités
lorsqu’une partie de ce dépôt se décolle sous l’effet des efforts cen-
b tolérance de montage trifuges.

2.1.2.4 Fluage, défaut de virage


Point chaud
Lorsque l'on démarre une machine après une période d'arrêt pro-
longée, on peut, sous certaines conditions, observer des vibrations
élevées créées par une déformation permanente du rotor due à :
— un fluage des rotors chauds même lors d'arrêt de courte durée ;
— un fluage des rotors froids s'ils sont très flexibles et arrêtés
très longtemps ;
— un coup d'eau (trempe locale due à la présence de fluide froid
c déformations thermiques en service dans un écoulement de vapeur chaude). Ce phénomène peut se ren-
contrer lorsque l’on envoie de la vapeur chaude dans une tuyaute-
Figure 2 – Quelques causes de déséquilibres (ou balourds) rie mal purgée.

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2.1.3 Balourd d’origine thermique


Trou
2.1.3.1 Déformation des rotors de turbine
Lorsque les rotors ne sont pas homogènes, ou lorsque la tempéra- ωr
Point de contact
ture n'est pas répartie de façon uniforme, les rotors se déforment sous
l'effet de contraintes thermiques. S’ils se déforment de façon dissymé-
O’
trique, les centres de gravité se déplacent et les efforts varient. O

1 Le critère de diagnostic repose alors sur la corrélation entre les


variations de température et l'évolution des vibrations. La rapidité
de l'évolution renseignera sur l'origine du défaut. Palier
2.1.3.2 Déformation des rotors d'alternateurs ou de
moteurs électriques : balourd thermique Arbre

Comme précédemment, une non-homogénéité du rotor peut ωr


induire des déformations. Palier

En raison de l'énergie importante dissipée par effet Joule ou par


hystérésis, il est nécessaire de refroidir les rotors. Toute dissymétrie O’ centre de l'arbre
de débit (canaux de ventilation bouchés ou pertes de charge diffé- O centre instantané de rotation
rentes) se traduira lors d'une variation de puissance par une varia- de l'arbre au droit du trou
tion des vibrations.
Les vibrations sont alors fonction de l’échauffement qui dépend Figure 4 – Phénomènes de frottement-échauffement
de l’intensité du courant dans le rotor, mais aussi de la température (rotor / parties fixes)
du fluide de refroidissement, ou de sa pression.
Un effet similaire peut être obtenu en cas de court-circuit entre
spires, provoquant une dissymétrie d'échauffement. Il faut, pour
trouver l’origine de cette déformation, compléter les informations
précédentes par des mesures électriques (isolement, résistance
interne ou courants).

2.1.3.3 Glissement et dilatation contrariée des bobinages


de machines électriques
Si un obstacle s'oppose à la dilatation d’une barre, ou si les forces
de frottement deviennent élevées, la dilatation du bobinage ne peut
plus se faire librement et le rotor se tord. On observe alors dans ce
cas une évolution du niveau vibratoire.
a représentation polaire (plan de Nyquist)
2.1.4 Frottement. Balourd évolutif
Si au passage par un orifice (palier, joint d’étanchéité par exem-
ple) l’arbre s’échauffe de manière dissymétrique, soit parce qu’il
Amplitude du déplacement

frotte, soit parce que le brassage d’huile provoque un échauffement


plus intense d’un côté de l’arbre que de l’autre, si de plus, la défor-
mation de l’arbre qui résulte de cet échauffement déplace à son tour
le point chaud (vibration maximum décalée par rapport au point
chaud qui lui donne naissance) (cf. figure 4), alors, toutes les condi-
tions sont réunies pour amorcer un phénomène de variations cycli-
ques du déséquilibre.
La mise en équation du mouvement montre que la trajectoire du
vecteur représentant la vibration à la fréquence de rotation f r est
une spirale amortie ou divergente selon la position des vitesses cri- t
tiques, ou plus exactement selon la valeur de l’angle que fait la b amplitude de vibration en fonction du temps
vibration (déplacement) avec la force qui lui donne naissance
(balourd créé par l’échauffement).
Le décalage du point d’échauffement s’explique parce qu’il y a Figure 5 – Frottement « mou » sur des joints lubrifiés vus par les
déphasage entre la déformation et la force qui la crée. Ce déphasage systèmes de surveillance
est celui qui existe par exemple entre un balourd et la vibration qu’il
induit : Exemple : sur des grandes machines (rotor de 80 cm de diamètre
— il est nul à basse vitesse ; par exemple), la spirale observée fera un tour en quelques heures. Sur
— il est égal à π/2 à la vitesse critique ; des machines plus petites, l'évolution cyclique peut être beaucoup
— il est égal à π aux vitesses élevées plus rapide ; un cycle en 10 à 15 minutes (arbres de 20 cm de diamètre
Sur la figure 5, on peut voir quelques exemples de phénomènes par exemple), ou même quelques secondes sur les arbres de quelques
vibratoires observés dans le cas de frottements sur des joints millimètres de diamètre.
d’étanchéité lubrifiés. ■ Dans le cas d'échanges thermiques importants et particulière-
Les phénomènes d'évolution en spirale (aussi appelés balourds ment dans le cas de frottements métal sur métal, la représentation
thermiques tournants) décrits ci-dessus sont surtout observés si des phénomènes a une autre allure et le début de la spirale est seul
l'échauffement n'est pas trop fort et si l'ancien point de contact peut se observé car le niveau vibratoire atteint rapidement les valeurs
refroidir. d'alarme ou d'arrêt de la machine.

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Arrêt Fissure fermée


0
fermée fermée
Amplitude du
déplacement

+ +

ouverte
A B C D E D’
K (θ)

K fissure
totalement
fermée en haut
A B C D E D’ C’ B’ A 1
t
τ Kmin fissure
totalement
Figure 6 – Évolution exponentielle des vibrations due ouverte en bas
à un frottement dur (métal / métal) π/4 π/2 π 3π /2 2π θ
La raideur est une fonction périodique : K = k0 Σk sin ωt

K (θ)
Figure 8 – Arbre fissuré : variation angulaire de la raideur
K + ∆K
K – ∆K ouverte). Le même mouvement se reproduit à chaque tour de
l’arbre, créant un mouvement périodique.
C’est cette propriété que l'on utilise pour détecter l'apparition d'une
fissure. La raideur est une fonction périodique du temps et les vibra-
tions observées contiennent des harmoniques de la vitesse de rotation.
0 π/2 π 3π/2 2π θ
θ
Il est difficile, en marche normale, de séparer ce qui, dans la vibra-
tion aux fréquences 2 f r et 3 f r , est dû à une fissure ou à une dissy-
métrie normale, de ce qui provient d'un défaut d'usinage des
– – – – tourbillons, ou de la non-linéarité du film d'huile.
Pour séparer dans la réponse de l’arbre ce qui provient des dissy-
Figure 7 – Arbre dissymétrique : variation angulaire de la raideur K métries de l’arbre, on peut s'intéresser à ce qui se passe pendant les
transitoires de vitesse. Quand la machine tourne à la moitié de la
vitesse critique ( ω c ⁄ 2 ) , l'arbre est alors excité sur sa vitesse critique
Exemple : sur les turbines, un frottement au niveau des labyrinthes par l'effet de raideur variable à deux fois la fréquence de rotation
d’étanchéité se traduira par une évolution exponentielle des vibrations ( 2ω c ⁄ 2 = ω c ).
(souvent appelée crise vibratoire) dont une illustration est donnée Nota : une vitesse critique de rotor est une vitesse de rotation à laquelle les vibrations
figure 6. La durée de l'évolution τ sera de l'ordre de 10 à 15 minutes du rotor passent par un maximum. Elle correspond le plus souvent à une fréquence propre
avant que l’on soit obligé d'arrêter la machine. Si le frottement per- de l’arbre.
siste, il freine la machine qui a alors tendance à ralentir plus vite. Il en est de même quand la machine tourne à ω c ⁄ 3, ou ω c ⁄ 4 .
Nota : pour en savoir plus sur ces phénomènes, le lecteur pourra se reporter à l’étude La surveillance de la fissuration d'un rotor en fonctionnement
théorique qu’en fait Kellenberg [6]. comprendra donc deux volets :
— surveillance en fonctionnement. On s’assure que la vibration
2.1.5 Rotors dissymétriques. Fissures mesurée en un point n’évolue pas trop dans le temps, par exemple
en suivant le vecteur écart (vibration actuelle moins vibration de
référence), et en s’assurant que son module reste inférieur à une
2.1.5.1 Arbres dissymétriques
valeur limite ;
Le comportement d'un arbre qui présente une dissymétrie de rai- — surveillance en transitoire de vitesse. On s’assure qu’il n’appa-
deur par exemple, à cause de la présence d'encoches ou de bobi- raît pas de pic de vibration à la moitié (ou au tiers) de la vitesse critique.
nage (alternateurs, moteurs, clavette) est particulier. Pour plus de détail, on pourra se reporter aux références [1][9].
Lorsque le rotor tourne, les efforts de poids propre sont repris par la
raideur de l'arbre, mais la position du centre de l'arbre sera d'autant 2.1.6 Accouplements
plus haute que la raideur sera importante.
Or, la raideur varie dans le temps. On voit sur la figure 7 que lorsque Nota : le lecteur pourra consulter les articles spécialisés de la rubrique Accouplements
l’arbre fait un tour, la raideur varie deux fois par tour. Les rotors dissy- d’arbres dans le traité Génie mécanique.
métriques créent des efforts (donc des vibrations) à deux fois la fré- Les accouplements sont des organes destinés à raccorder entre
quence de rotation ( 2 f r ) le plus souvent (lames, cardans, clavettes…). eux deux ou plusieurs rotors. Ils doivent transmettre le couple. Ils
doivent aussi parfois permettre les dilatations axiales de la machine,
2.1.5.2 Fissuration transverse d'arbre ou les déplacements radiaux. Seuls quelques défauts susceptibles
de perturber leur fonctionnement seront évoqués.
Bien que ce défaut soit peu fréquent, ses conséquences peuvent
être importantes pour la sécurité. Dans ce cas, il importe de le détec- 2.1.6.1 Accouplements à plateau
ter le plus tôt possible.
Les défauts de ce type d’accouplement sont principalement :
Un arbre fissuré présente une raideur qui varie avec la direction
de la force, essentiellement le poids propre, et les réactions d'appuis — un mauvais centrage des plateaux ;
(cf. figure 8). Il y a donc une certaine analogie avec le comportement — un défaut de parallélisme (non perpendicularité d’un des pla-
du rotor dissymétrique. Mais cette fois-ci, la flèche de l'arbre sera teaux par rapport à l’axe de rotation).
différente selon que la fissure est en position haute (fibre compri- Ces deux défauts créent un balourd et donc des vibrations à la
mée, fissure fermée) ou en position basse (fibre tendue, fissure fréquence de rotation f r .

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1

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Thermographie
Technologies et applications
par Dominique PAJANI
1
Ingénieur de l’École centrale de Lyon
Institut de la Thermographie
et Luc AUDAIRE
Ingénieur-docteur
Microélectronicien au Laboratoire Infrarouge
Département Optronique CEA Grenoble/DTA/LETI

1. Détecteur, senseur, caméra et système ............................................ R 2 741 - 3


1.1 Généralités ................................................................................................... — 3
1.2 Détecteurs .................................................................................................... — 3
1.3 Senseurs....................................................................................................... — 5
1.4 Caméra thermique....................................................................................... — 10
1.5 Optique instrumentale ................................................................................ — 18
1.6 Électronique analogique et électronique numérique ............................... — 18
1.7 Conclusion : un vaste choix de caméras thermiques ............................... — 19
1.8 Système de mesure thermographique ...................................................... — 20
2. Thermographie et utilisation des caméras thermiques ................ — 21
2.1 Généralités ................................................................................................... — 21
2.2 Typologie des applications et utilisations ................................................. — 22
2.3 Recherche et développement ..................................................................... — 22
2.4 Médical ......................................................................................................... — 24
2.5 Maintenance et prévention ......................................................................... — 25
2.6 Contrôle de produits et contrôle de procédés........................................... — 26
2.7 Conclusion.................................................................................................... — 27
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 2 742

et article fait suite à un premier article qui traite des principes et mesure de
C la thermographie.
Dans ce second article, nous ferons une approche assez large des détecteurs et
des senseurs, en restant dans l’orientation de la thermographie de mesure.
Nous structurerons, dans deux espaces, les caractéristiques de la caméra ther-
mique en y distinguant les deux grandes familles technologiques. Nous survole-
rons l’optique instrumentale, l’électronique analogique d’instrumentation et
l’électronique numérique. La caméra sera enfin placée dans un système de ther-
mographie.
L’article se poursuit par un exposé des applications de la thermographie et des
utilisations des caméras thermiques.
Le lecteur trouvera dans « Pour en savoir plus » des renseignements sur la pro-
fession, les normes et la bibliographie.
Parution : mars 2013

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THERMOGRAPHIE ______________________________________________________________________________________________________________________

(0)

Principaux symboles
APS Active Pixel Sensor
BLIP Background Limited Infrared Photodectector
BSF Bruit spatial fixe
BT Bruit temporel

1 CAN
CCD
Convertisseur analogique numérique
Charge Coupled Device
CMOS Complementary Metal Oxide Semiconductor
CND Contrôle non destructif
CTN Coefficient de température négatif
DTEB Différence de température équivalente au bruit
FEL Fonction d’étalement de ligne
FOV Field Of View
FPA Focal Plane Arrays
FPN Fixed Pattern Noise
FRF Fonction de réponse à une fente
FTM Fonction de transfert de modulation
IFOV Instantaneous Field of View
LW Long Waves
MCT Mercure Cadmium Telluride
MDT Minimum de différence de température détectable
MIS Métal isolant semi-conducteur
MRDT Minimum Resolvable Temperature Difference
MRT Minimum Resolvable Temperature
NEP Noise Equivalent Power
NETD Noise Equivalent Temperature Difference
NUC Non Uniformity Correction
PC Photoconducteur
PEB Puissance équivalente au bruit
pel point élémentaire
PRSL Pouvoir de résolution spatial limite
PRSM Pouvoir de résolution spatial de mesure
PRSO Pouvoir de résolution spatial d’observation
PV Photovoltaïque
PZT Titanate zirconate de plomb
QWIP Quantum Well Infrared Photodetector
RAM Random Access Memory
ROIC Read Out Integrated Circuit
ROM Read Only Memory
RSR Réponse spectrale relative
SPRITE Signal Processing In The Element
SRF Slit Response Function
SW Short Waves
TCR Temperature coefficient ratio
TDI Time Delay and Integration
VSW Very Short Waves

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_____________________________________________________________________________________________________________________ THERMOGRAPHIE

1. Détecteur, senseur, caméra — le minimum de flux détectable, défini comme la puissance


équivalente au bruit PEB (ou NEP, Noise Equivalent Power), flux
et système induisant un signal Vn égal à la valeur efficace du bruit superposé au
signal,
PEB = Vn/s = E A Vn / Vd (en W)

1.1 Généralités — la détectivité :

En mesure radiométrique, émission et réception doivent être


considérées simultanément. La réception met en œuvre des détec-
D = 1 / PEB (en W−1)
de laquelle on tire la détectivité spécifique D* (D star), mieux adap-
1
tée à la comparaison des détecteurs entre eux. Généralement, le
teurs intégrés dans des radiomètres ou des caméras, appareils bruit Vn est fonction de la racine carrée de la bande passante ∆f de
développés pour répondre à des besoins. l’électronique associée, et de la racine carrée de la surface A,
Dans les radiomètres comme dans les appareils classiques de
thermographie, un seul détecteur (NF X 07-001) est utilisé (détecteur Vn = K ∆f 1/2A 1/2
« ponctuel » ou monodétecteur). La caméra thermique est munie
d’un dispositif optico-mécanique de balayage spatio-temporel avec K gain de l’appareil.
(scanner ou scanneur) qui scrute la scène thermique. Quelques La détectivité spécifique norme la détectivité à l’unité de bande pas-
caméras possèdent une barrette de détecteurs alignés et analysent sante et à l’unité de surface,
la scène thermique suivant des lignes parallèles.
D* = ∆f 1/2A 1/2 / PEB (en cm · W−1 · Hz 1/2)
Les nouvelles technologies d’appareils mettent en œuvre une
matrice (parfois appelée « mosaïque ») de XY détecteurs, évitant de — le rendement quantique, nombre de porteurs générés par un
ce fait l’emploi d’un scanner. Dans ce cas, chaque détecteur est photon incident. Le rendement quantique est au maximum de 1
associé à une électronique de proximité qui remplit diverses fonc- dans l’infrarouge. La notion ne s’applique pas aux détecteurs ther-
tions. Le « détecteur » n’est plus constitué du seul matériau de miques.
détection. L’ensemble «détecteur et son électronique de proximité » La figure 1 donne des exemples de détectivité spécifique de
sera appelé un « pel » pour point élémentaire (par différence, le détecteurs utilisés en imagerie thermique et en thermographie.
« pixel », pour picture element, est un élément de l’image numérisée
restitué sur un écran ou stocké en mémoire). Un ensemble de pels La détectivité spécifique dépend du mode de fonctionnement du
(en barrette ou en matrice) associé à une électronique d’adressage détecteur (polarisation), de la longueur d’onde, de la température
sera ici appelé un senseur. du détecteur, de l’ouverture angulaire du faisceau incident et de la
température de l’environnement du détecteur (background tempe-
rature). Les détecteurs dont la détectivité n’est limitée que par cette
Depuis 1989, les imageurs thermiques à matrice de grand température d’environnement (induisant donc l’essentiel du bruit
nombre de détecteurs sont disponibles pour les applications superposé au signal utile) sont qualifiés de BLIP (Background Limi-
civiles et militaires : il s’agit d’un saut technologique décisif, ted Infrared Photodetector).
dans l’espace de l’imagerie ou espace des résolutions (§ 1.4.2). Pour plus de détails, se reporter à [11] et à [E 4 060] (réf. [12]).
En 1995, les matrices ont été adoptées pour les caméras thermi-
ques d’entrée de gamme. Une meilleure qualité d’image risque
de faire conclure à de meilleures qualités de mesure ; il est donc
1.2.2 Détecteurs quantiques
désormais nécessaire d’observer les implications de l’emploi
des matrices sur les caractéristiques et performances instru-
mentales des caméras thermiques. 1.2.2.1 Physique de la détection quantique
Les deux points clés de ce type de détection sont la sélectivité
spectrale et le besoin de refroidissement des détecteurs.
Un photon de longueur d’onde λ a une énergie :
1.2 Détecteurs
Eph = hc / λ

1.2.1 Généralités sur les caractéristiques avec h constante de Planck,


c vitesse de la lumière.
Un détecteur absorbe et convertit l’énergie du rayonnement inci- Ce photon n’est absorbé par le matériau de détection (semi-
dent. La conversion produit soit des électrons dans la détection conducteur) que si son énergie est supérieure à un seuil. Le seuil est
quantique, soit de la chaleur dans la détection thermique. le gap du semi-conducteur Eg (différence d’énergie entre la bande
Le détecteur, de surface A, se caractérise par : de valence et la bande de conduction) : Eph > Eg. L’énergie du photon
Eph crée alors une paire électron – trou (détection intrinsèque). Ce
— la sensibilité (NF X 07-001) s, rapport du signal Vd qu’il délivre seuil Eg induit une sélectivité spectrale dans la conversion : la lon-
au flux Φ qu’il reçoit. Si le détecteur est linéaire : gueur d’onde détectable λ est inférieure à la longueur d’onde de
s = Vd / Φ = Vd / (EA) coupure λc :
λc = hc / Eg
avec E éclairement du détecteur (flux surfacique
incident) ; La création de paires électron – trou due à l’absorption de photons
en général, (création photonique) est en concurrence avec la création de paires
due à l’agitation thermique du réseau cristallin liée à la température
s ( Φ 0 ) = ( ∂V d ⁄ ∂Φ ) Φ0 (en V · W−1) de fonctionnement Tfonc ; celle-ci varie comme exp (− Eg / kTfonc), où
k = constante de Boltzmann. Cette création thermique brouille
— le temps de réponse induisant une fréquence maximale de l’information sur les photons incidents et doit être minimisée par
fonctionnement ; refroidissement du détecteur.

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THERMOGRAPHIE ______________________________________________________________________________________________________________________

Le silicium est un composant très stable et de réponse très


D * (cm · W –1 · Hz1/2 )

linéaire. Il couvre la bande de 0,4 à 1,1 µm. En matrice refroidie ou


Ge (196 K) Limite théorique
des détecteurs
stabilisée, il est à la base des caméras scientifiques fonctionnant
InGaAs (300 K) photovoltaïques dans le spectre visible.
PbS (196 K) Le germanium est un composant relativement instable ne permet-
tant pas d’effectuer des mesures fiables.
Limite théorique
InSb (77 K)
des détecteurs L’InAsGa n’est pas encore très répandu. Non refroidi, il entre dans

1
photoconducteurs la réalisation de caméra thermique proche infrarouge à senseur
HgCdTe (77 K)
matriciel (0,9 à 1,7 µm).
Le PtSi, du fait de son rendement quantique médiocre (inférieur à
HgCdTe (77 K) 1 %), n’est utilisé que dans les senseurs matriciels. Très stable et
reproductible, son utilisation en matrice SW (Short Waves) est favo-
Ge (300 K) rable aux mesures au standard vidéo.
PbSe
(196 K) Détecteur pyroélectrique (300K) L’InSb est un composant photovoltaïque très stable et sa sensibi-
PbSe (77 K) lité est constante (linéarité) sur une très grande dynamique, ce qui
PbSe
(300 K) justifie qu’il soit souvent appelé détecteur théorique, puisque l’on
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 sait prévoir son comportement. C’est le meilleur détecteur pour la
Bolomètre (300 K) Longueur d'onde (µm) bande 2 à 5 µm. De haut rendement quantique (supérieur à 80 %), il
En tireté, courbes du maximum théoriques de D* (angle de vue de 2 π sr est apte à la thermographie rapide.
pour une température d'environnement de 300 K). L’HgCdTe ou MCT, plus répandu du fait de l’adaptation aisée de la
bande spectrale par dosage des composés de base, reste le compo-
Figure 1 – Détectivités spécifiques de détecteurs à la température
sant le moins reproductible et le moins stable malgré les lourds
indiquée
moyens mis en œuvre pour maîtriser la technologie de fabrication
des matrices. En photoconducteur, il est non linéaire et nécessite
une correction de la courbe d’étalonnage. En photovoltaïque (pour
1.2.2.2 Types de détecteurs les matrices), le MCT présente davantage de bruit : la destination en
En l’absence d’un champ électrique, qui sépare la paire électron – est principalement l’imagerie thermique rapide du fait de son bon
trou créée, les électrons et les trous se recombinent sur place : le rendement quantique (supérieur à 80 %) et de son faible temps de
bilan de la détection est nul. Les détecteurs diffèrent par la technolo- réponse.
gie qui, au moyen d’une polarisation externe, permet de créer le Les détecteurs à puits quantique QWIP (Quantum Well Infrared
champ électrique. Photodetector) sont disponibles depuis peu. Ils font une percée en
Les photocapacités sont constituées d’une structure MIS (métal LW (Long Waves) où ils concurrenceront avantageusement les MCT
isolant semi-conducteur). Cette technologie n’a pas été suivie par un faible bruit spatial fixe, un coût de fabrication faible, au prix
jusqu’à sa maturité industrielle en imagerie thermique infrarouge, d’un fonctionnement à 50 K et d’une forte sélectivité spectrale [13]
alors qu’elle fonde pratiquement l’intégralité des senseurs (matrices [14]. De rendement quantique faible (inférieur à 10 %, mais certains
de détecteurs silicium à lecture CCD) utilisés en imagerie visible annoncent 50 % pour un concept breveté), ils seront préférés en
(caméras et caméscopes) et en thermographie dans l’ultraviolet, le thermographie au standard vidéo.
visible et le proche infrarouge. Des détecteurs PbS et PbSe sont encore utilisés dans certains
Les photoconducteurs (PC) sont constitués d’un barreau semi- analyseurs-ligne. Ce sont les plus anciens détecteurs quantiques
conducteur aux bornes duquel on applique une tension. Le flux inci- utilisés en infrarouge.
dent de photons crée des porteurs libres dans le matériau, ce qui
diminue sa résistance. La polarisation par un générateur de courant 1.2.3 Détecteurs thermiques
induit une tension dont les variations reproduisent les variations du
flux incident de photons. 1.2.3.1 Physique de la détection thermique
Dans les photodiodes (PV, photovoltaïque) le champ naturel de la De nombreuses grandeurs physiques dépendent de la tempéra-
jonction est assisté par une tension de polarisation inverse. Le flux ture. Le détecteur thermique est échauffé par le flux incident.
de photons influe ainsi sur le courant inverse de la diode. Cette tech- L’échauffement est d’autant meilleur que le détecteur est mieux isolé
nologie est très majoritairement utilisée. thermiquement de son environnement et, plus particulièrement, du
circuit de lecture sous-jacent, par une résistance thermique Rth éle-
1.2.2.3 Composés utilisés vée. Par ailleurs, le détecteur est caractérisé par une capacité calori-
En thermographie, seule la détection intrinsèque est mise en fique Cth. Le flux incident est ainsi filtré par un filtre passe-bas de
œuvre. Tous les semi-conducteurs « essayés » sont des composés constante de temps τth = RthCth. En conséquence, le temps de
issus des colonnes IIIB et VB de la table de Mendeleïev : on parle de réponse est très long (environ 5 ms) vis-à-vis des bons détecteurs
composés 3-5 binaires ou ternaires. Le tableau ci-après donne les quantiques (environ 100 ns à 1 µs). Intégrés en matrice, ils peuvent
principaux détecteurs. désormais entrer dans le champ de l’imagerie thermique au stan-
(0) dard vidéo.
λc (µm) Tfonc (K) Sensible à l’énergie du rayonnement et non aux photons, le détec-
Détection intrinsèque
teur thermique ne présente pas, en principe, de sélectivité spectrale.
Silicium Si 1,1 ambiante On peut utiliser le détecteur thermique, en principe encore, à tem-
Germanium Ge 1,8 ambiante pérature ordinaire, ce qui présente tout l’intérêt de ce type de détec-
teur. Mais, refroidi, il gagnerait en détectivité.
Indium Arsenide Gallium InAsGa 1,7 ambiante
Platine Silicium PtSi 5 77 1.2.3.2 Types de détecteurs
Antimoniure d’Indium InSb 5,5 77 Détecteurs capacitifs
Mercure Cadmium Telluride MCT 1 à 14 selon x 50 à 200 Dans un diélectrique, le champ et les charges sont liés par les lois
= Hg(1−x)Cd(x)Te massif et épitaxié de l’électrostatique dépendant des caractéristiques du matériau qui

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_____________________________________________________________________________________________________________________ THERMOGRAPHIE

sont fonction de la température. Les effets pyroélectriques qui en Une première évolution a consisté à élaborer des senseurs en bar-
résultent sont mis à profit depuis une quinzaine d’années. rettes de détecteurs. À chaque prise de vue élémentaire, les élé-
Détecteurs résistifs (bolomètres) ments d’une « ligne » de l’image sont acquis simultanément : on a
substitué une partie du balayage optico-mécanique par un balayage
Au 19e siècle, on utilisait le bolomètre, nom donné par Langley à électronique.
son détecteur destiné à mesurer l’énergie dans les raies du spectre
solaire. Les résistances à coefficient de température négatif (CTN) La démarche s’est poursuivie par le développement d’une géné-
sont utilisées depuis les débuts de l’électronique. La résistivité évo- ration intermédiaire d’imageurs militaires mettant en œuvre des

1
lue avec la température selon la loi d’Arrhenius. Pour comparer des matrices bidimensionnelles à faible nombre de détecteurs,
matériaux entre eux, on définit leur sensibilité relative TCR (tempe- nécessitant le balayage optico-mécanique.
rature coefficient ratio). D’énormes efforts sont encore à fournir Pour des matrices de dimensions plus importantes (de l’ordre de
pour stabiliser la filière technologique des matrices à bolomètres. 128 × 128), une technique de microbalayage (micro-scan) décale
l’axe optique d’un demi pas de matrice dans une ou deux directions,
1.2.3.3 Composés utilisés lors des prises de vue successives : l’image résultante, de meilleure
résolution spatiale, est générée par réorganisation en mémoire des
En imagerie thermique, ce sont principalement des 2 ou 4 trames successives.
ferroélectriques : le PZT, titanate zirconate de plomb PbZr(1-x)Ti(x)O3
est le plus utilisé. L’élaboration en est très aisée, la technologie est Puis, le deuxième balayage optico-mécanique a été supprimé,
mature et de bas coût. Les imageurs l’employant sous forme de remplacé par une structure matricielle à grand nombre de détec-
matrice sont incapables de mesure absolue (ils ne fournissent un teurs (au-delà de 256 × 256). Ce sont les matrices « fixes » (staring
signal que pour des variations de flux incident). arrays) ou matrices plan focal (Focal Plane Arrays FPA), puisqu’elles
sont placées dans le plan focal de l’objectif pour une visée à l’infini.
En thermographie, essentiellement, pour le bolomètre résistif, on
utilise soit le silicium amorphe Si-α, soit l’oxyde de vanadium V2O5.
Ces détecteurs thermiques sont aptes à la mesure absolue et sont 1.3.1.3 De la cryogénie à la température ordinaire
associés en matrice de micro-bolomètres.
Restait à supprimer la contrainte liée au refroidissement du sen-
seur à la température cryogénique le plus souvent exigée par la
détection quantique. Le principe de cette dernière mutation est
1.3 Senseurs achevé avec les matrices de détecteurs thermiques en pleine émer-
gence.

1.3.1 Grandes lignes de l’évolution 1.3.1.4 Conclusion


des technologies
L’évolution technologique a abouti, dans ses principes, à la géné-
ration ultime : les appareils « solid state » fondés sur la détection
L’imagerie thermique a toujours visé à rejoindre les qualités des thermique sont disponibles sur le marché. Ils sont comparables aux
appareils d’imagerie visible : soit trois grandes caractéristiques et caméscopes ou aux appareils photonumériques de grande diffu-
une orientation vers la simplicité : sion. D’énormes progrès restent à réaliser en maîtrise de la techno-
— une excellente qualité d’image : résolution spatiale exprimée logie et des coûts et surtout en thermographie de mesure.
en nombre de détecteurs sur la matrice ;
— un faible bruit superposé au signal : résolution thermique
(DTEB ou différence de température équivalente au bruit) de l’ordre 1.3.2 Évolution du compromis technologique
de 0,1 ˚C sur scènes thermiques à température ordinaire (vers entre les résolutions spatiale, thermique
30 ˚C) ; et temporelle
— une fréquence trame (résolution temporelle) compatible avec
le standard vidéo, soit 25 ou 50 trames/s (en Europe) ;
— une portabilité, une autonomie et une reduction des contrain- Les résolutions spatiale, thermique et temporelle définissent
tes (intégration de l’électronique, faible consommation et absence l’espace de l’imagerie (§ 1.4.2).
de refroidissement de la matrice). Pour un appareil de technologie classique (à monodétecteur et à
Mais la thermographie nécessite des caractéristiques instrumen- balayage opticomécanique), le temps de réponse du détecteur est
tales qui ne se définissent pas en terme de qualités d’image (§ 1.4.2). un paramètre important. Le détecteur, associé à son électronique de
lecture, parcourant toute une image définie succinctement par n
1.3.1.1 Imagerie thermique militaire et développement lignes et m colonnes (nm pixels), à une fréquence trame ft, doit être
de la microélectronique apte à répondre à une fréquence f de modulation du flux d’entrée de
l’ordre de f = ftmn. Sa bande passante doit être adaptée à cette fré-
L’emploi de matrice de détecteurs dans les caméras thermiques quence-pixel f, sans aucune possibilité de filtrage du bruit (autre que
résulte (mais reste tributaire) des efforts de recherche et développe- le passe-bas électronique classique). Ces considérations imposent
ment en imagerie thermique pour les usages militaires et paramili- un détecteur quantique rapide, refroidi et de bonne détectivité.
taires, représentant environ 80 % du marché.
Pour un appareil à matrice, chacun des pels est lu à la fréquence
Les avancées technologiques ont été consécutives aux progrès de trame. Ce fait autorise le concepteur du senseur à introduire une
la microélectronique et à la maîtrise tant des senseurs du spectre limitation de bande passante dans le pel lui-même, limitation qui
visible (matrices CCD des caméscopes) que des mémoires et pro- adapte le temps de réponse électrique de la lecture du pel à la
cesseurs (CMOS des micro-ordinateurs), lesquels produits ont servi période-trame, et non plus au temps-pixel (= 1/f ), réduisant d’autant
de moteur économique. Faire le pas vers l’infrarouge était alors une la bande passante dès l’entrée. L’amplificateur en sortie de multi-
question de temps. plexage des pels doit, bien entendu, passer la fréquence-pixel f.
Cette réduction de bande passante rend les détecteurs thermiques
1.3.1.2 Du balayage optico-mécanique au balayage et les détecteurs quantiques à faible rendement compatibles avec
électronique les besoins de l’imagerie thermique.
Il s’est agi d’éliminer le balayage optico-mécanique, lourd, La résolution temporelle recherchée en imagerie est naturelle-
complexe et onéreux. ment celle du standard vidéo, soit 25 ou 50 trames par seconde.

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THERMOGRAPHIE ______________________________________________________________________________________________________________________

Si l’on augmente la résolution spatiale, la bande passante électro-


(0)

nique s’accroît corrélativement ; c’est l’une des raisons qui ont Type de matrice SW (3 à 5 µm) LW (8 à 12 µm)
poussé les technologues à employer des circuits de lecture CMOS
plutôt que les circuits à CCD (§ 1.3.3). Paramètre métallurgique x 0,3 0,2
Dimensions (lignes × colonnes) 256 × 256 256 × 256
Pour une matrice dont les dimensions sont fixées par des consi-
dérations technologiques, la réduction d’un facteur 2 du pas de la Dimension pel (µm) 35 35
matrice (dimension d’un pel) multiplie par 4 la résolution spatiale Fréquence trame (Hz) 70 70

1
(nombre de détecteurs) mais divise par 4 la puissance reçue par cha-
que détecteur, donc dégraderait par 4 la résolution thermique Fréquence pixel (MHz) 5 5
(DTEB). Tension utile délivrée (tension 2,6 2,6
crête à crête)
Cette dégradation de la résolution thermique peut être
compensée : Bruit (µV efficaces) 340 370
— en doublant le diamètre de la pupille d’entrée (à distance Dynamique (dB) 76,5 75
focale fixée). Le gain en résolution spatiale est alors payé en encom- Sensibilité (V/W) 5,5 × 109 2,7 × 108
brement, poids et coût d’étude et de réalisation de l’optique ;
Détectivité à 70 K, Te = 300 K, f /1 4,5 × 1011 1,1 × 1011
— en réduisant par 4 le bruit de lecture des pels. C’est, pour
l’essentiel, cette démarche qui a été faite pour les détecteurs quan- DTEB (mK) 5,5 13
tiques classiques (InSb et HgCdTe) permettant ainsi d’augmenter la Te : température d’environnement
fréquence-trame bien au-delà des besoins d’imagerie vidéo, pour Source LETI données de 1997
l’imagerie rapide ;
— en multipliant par 4 le temps d’exposition de la matrice, sans
dépasser le temps d’une trame imposé par la résolution temporelle
recherchée ; 1.3.3 Technologies de lecture : CCD et CMOS
— en améliorant le taux de remplissage d’un pel (en technologie
Au début des années 90, les matrices passent de la lecture CCD à
monolithique) ou en renvoyant l’électronique de proximité dans une
la lecture CMOS. Avant cette mutation, la technologie était directe-
matrice de lecture connectée pel par pel à la matrice de détection
ment extrapolée de celle de la prise de vue par matrice à CCD (spec-
(en technologie hybride).
tre visible). Elle s’en démarque alors pour rejoindre l’évolution de la
On peut dès lors développer des matrices sur la base de détec- microélectronique dans son ensemble, en associant, dans le plan
teurs de plus faible qualité : détecteurs quantiques à faible rende- focal (sur la matrice elle-même), les fonctions analogiques de prise
ment (PtSi) ou détecteurs thermiques (à temps de réponse élevé). de vue aux fonctions logiques de commande et de contrôle du sen-
L’augmentation du temps d’exposition et la diminution du nombre seur.
d’ouverture de l’objectif sont les démarches de base conjuguées Le circuit de lecture ROIC (Read Out Integrated Circuit) se pré-
éventuellement avec la division par 2 de la fréquence-trame. sente sous la forme d’un circuit spécifique hybridé au circuit de
détection (technologie hybridée, 3D) ou sous une forme répartie
dans les senseurs monolithiques (2D).
Le tableau ci-après, qui porte sur 20 années d’évolution de
matrice HgCdTe, illustre la course à la densité d’intégration Quelle que soit la technologie de détection, à chaque détecteur de
commune à toute la microélectronique. Pour ces matrices, la la matrice est associée une interface de lecture qui assure trois
fréquence trame de base est de 50 Hz et le DTEB est meilleur fonctions : la polarisation du détecteur, l’adaptation d’impédance et
que 0,1 ˚C à 30 ˚C (pour une ouverture optique f /1). le filtrage temporel du signal du détecteur. Ce filtrage est une simple
intégration (condensateur) du courant de détection : elle correspond
au temps d’exposition en photographie. C’est cette fonction de fil-
(0) trage passe-bas qui améliore sensiblement la résolution thermique
de l’appareil et permet la mise en œuvre de détecteurs de faible qua-
lité.
Surface
pel Lignes × Nombre de Technologie Les charges de tous les condensateurs sont acquises en parallèle
Année puce durant le même temps d’exposition (« instantané » ou snap-shot)
(µm) colonnes de pels de lecture
ou durant un temps d’exposition glissant (rolling frame) commuté
(mm2)
au rythme de la lecture ; le balayage de l’acquisition (lecture) est fait
1982 100 32 × 32 1 000 10 CCD par un multiplexeur implanté dans le senseur qui adresse chacun
des pels.
1987 70 64 × 64 4 000 20 CCD
■ Lecture par CCD (Charge Coupled Device)
1989 50 128 × 128 16 000 41 CCD
Le fonctionnement du CCD implique un accès série. En effet,
1993 35 256 × 256 65 000 80 CMOS
l’ensemble des charges intégrées dans les interfaces est transféré à
1997 25 640 × 480 300 000 192 CMOS chaque trame dans les registres parallèles. Dans le séquencement
du balayage, à chaque transfert dans les registres parallèles, le
2005 15 1 000 × 1 000 1 000 000 400 CMOS
(extra- registre série est lu pas à pas (pel à pel).
polé) Un problème spécifique de la lecture par CCD tient au fait que la
Source LETI lecture en série par transfert des charges d’un puits de potentiel à
l’autre induit une perte de charges d’autant plus importante que la
vitesse du transfert est grande et que le nombre de transferts est
élevé (selon la position x,y du pel sur la matrice), pertes dépendan-
tes également du nombre de charges à transférer, donc du flux
Le tableau ci-après résume les caractéristiques de deux proto- mesuré. On définit l’efficacité de transfert (transfert efficiency) indi-
types de matrices HgCdTe SW (3 à 5 µm) et LW (8 à 12 µm). quant la perte d’un pel à l’autre pour un temps donné de lecture du

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Détection de fuite

par Bernard SEEMANN


1
Consultant en détection de fuite

1. Écoulement des fluides dans les fissures. Études théoriques .... R 2 055 – 2
1.1 Nature et formes des fuites ........................................................................ — 2
1.2 Caractérisation d’une fuite.......................................................................... — 2
2. Procédé et appareils utilisés................................................................. — 7
2.1 Contrôle par voie humide ........................................................................... — 7
2.2 Test par décharge électrique....................................................................... — 8
2.3 Détecteur à halogènes................................................................................. — 8
2.4 Détecteur à conductivité thermique........................................................... — 8
2.5 Détection par hélium ................................................................................... — 9
2.6 Détection par hydrogène ............................................................................ — 11
2.7 Détection aux traceurs radioactifs ............................................................. — 12
2.8 Mesure par variation de pression .............................................................. — 12
3. Mises en œuvre du contrôle de l’étanchéité .................................... — 13
3.1 Contrôle par variation de pression............................................................. — 13
3.2 Trois autres manières de faire un test global ............................................ — 14
3.3 Contrôle par ressuage ................................................................................. — 14
3.4 Localisation des défauts.............................................................................. — 14
3.5 Procédés de contrôle................................................................................... — 15
3.6 Contrôle de fabrication................................................................................ — 15
4. Conclusion ................................................................................................. — 16

Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 2 055

u’est-ce que l’étanchéité ? L’étanchéité est la qualité que présente une


Q enceinte fermée de ne pas permettre à aucun fluide de franchir ses parois.
L’obtention et le maintien d’une telle propriété sont, dans la réalité, des opéra-
tions susceptibles d’une certaine gradation, l’herméticité d’une enceinte devant
être considérée, même d’un point de vue théorique, comme illusoire.
En effet, une structure parfaitement homogène peut être franchie par les gaz,
sous l’effet de phénomènes de sorption et désorption aux interfaces du solide, et
de phénomènes de mise en solution et de diffusion en son sein. Ce processus
complexe, appelé perméation, varie dans de très grandes proportions avec la
nature des éléments en présence. C’est ainsi que la perméation des gaz à travers
les métaux n’est habituellement pas de nature à nuire à l’étanchéité, alors que
celle des gaz à travers les élastomères peut conduire à des ambiguïtés lors de la
recherche des fuites. Nous ne préoccuperons dans ce qui suit, que des fuites,
c’est-à-dire du transfert des fluides, qui ne relève pas du phénomène de diffu-
sion, ni de perméation.
D’autre part, tous les produits fabriqués industriellement doivent satisfaire à
un niveau d’étanchéité nécessaire et suffisant. Dans la plupart des cas, les très
petites fuites sont acceptables au regard de la sécurité et de l’espérance de vie
du produit fabriqué. Il faudra alors définir un seuil de rejet dans le cadre du
contrôle d’étanchéité, c’est-à-dire définir la plus grande fuite acceptable pour
Parution : mars 2005

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DÉTECTION DE FUITE ___________________________________________________________________________________________________________________

déclarer une pièce « bonne ». Accepter l’idée que le produit fabriqué puisse fuir
de manière négligeable constitue souvent la première difficulté quand on fait ses
premiers pas dans la détection de fuite.
Le présent article est la refonte de l’article précédent de Jacques Tallon. L’auteur en a repris
de larges extraits, notamment l’étude théorique. Le lecteur pourra aussi consulter [B 5 420] –
Génie mécanique des Techniques de l’Ingénieur.

1. Écoulement des fluides 1.2 Caractérisation d’une fuite


dans les fissures.
Le transfert d’un fluide à travers un défaut étant régi par la nature
Études théoriques de ce fluide, nous distinguerons le cas des liquides de celui des gaz
ou des vapeurs.

La caractéristique principale d’une fuite est d’être un élément


capricieux dont la géométrie et la permanence sont soumises à des 1.2.1 Fuite de liquide, écoulements turbulents
aléas qui dépendent de la réalisation des éléments ouvrés, de leur et laminaires
assemblage et des conditions de traitement. En effet, une fuite obtu-
rée par inadvertance, lors d’une manutention, peut le rester au
Le transfert d’un liquide à travers d’une fuite se définit par le
cours d’un traitement de surface ultérieur et se débucher plus ou débit-masse qm de celui-ci. Il est constant le long de son trajet, et
moins spontanément lorsque l’appareil est mis en service.
égal au produit de la vitesse moyenne u du liquide par sa masse
volumique ρ ᐉ et par l’aire S de la section de diamètre d qu’il tra-
verse, soit selon notre hypothèse :
1.1 Nature et formes des fuites
π
q m = uS ρ ᐉ = --- ud 2 ρ ᐉ (1)
4
La forme et les dimensions d’une fuite sont liées à son origine. Les conditions d’écoulement d’un liquide sont sous la
Très contournées dans le cas d’un défaut de structure (faille, fissure, dépendance du nombre de Reynolds :
etc.) elle est le plus souvent directe et traverse franchement la paroi
dans le cas des jonctions définitives (reprises de soudures). On peut ud ρ ᐉ
néanmoins se trouver dans le premier cas, s’il s’agit de brasure à Re = --------------
ηᐉ
mouillage imparfait, ou de soudure par étincelage. Elle peut alors
comporter une longueur nettement supérieure à l’épaisseur de la avec ηᐉ viscosité dynamique du liquide (dans le cas
paroi, et déboucher à une certaine distance de l’endroit de son d’une fuite cylindrique).
entrée. Les fuites aux jonctions démontables franchissent directe-
ment celles-ci. Et sont souvent motivées par des rayures ou des L’écoulement est habituellement :
défauts de serrage. Elles peuvent alors présenter une section apla- — turbulent si Re est supérieur à 2 200 ;
tie.
— laminaire si Re est inférieur à 1 200.
Il semble, par conséquent, aléatoire d’assigner aux fuites une Entre ces deux valeurs, la configuration de la canalisation déter-
géométrie représentative. C’est néanmoins une exigence de leur mine la nature de l’écoulement.
caractérisation, on leur supposera un cylindre régulier, reliant direc-
tement les faces de la paroi qu’il traverse (figure 1) [2]. En appliquant la condition Re ⭐ 1 200 à l’ensemble des
relations (1) et (2), il vient :

q m ⭐ 942 ,5 d η ᐉ

Les débits-masse de liquide à travers les fuites satisfaisant géné-


ralement cette condition, nous bornerons notre étude à celle de
l’écoulement laminaire, dont rend compte la loi de Poiseuille. Selon
P1 ∅d P2 celle-ci, le débit-masse d’un liquide à travers une canalisation de
diamètre d et de longueur L vaut :

L >> d π d 4 ρᐉ
q m = -------------------- ( P am – P av ) (2)
L 128 L η ᐉ

avec Pam et Pav pressions à l’amont et à l’aval de cette


Figure 1 – La fuite est assimilée à un cylindre canalisation.

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R 2 055 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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___________________________________________________________________________________________________________________ DÉTECTION DE FUITE

La tension superficielle γ, qu’exerce le liquide sur les bords de la pièce est pratiquement inopérant et il faut soumettre une des
d’entrée et de sortie de la fuite, ralentit son écoulement par la mani- faces de la paroi à une pression nettement inférieure à celle de la
festation d’une force superficielle : vapeur saturante du liquide.
Fγ = γ π d Dans ces conditions, le temps de débouchage t est sensiblement
donné par la relation :
à laquelle on peut faire correspondre une contre-pression :
3 L 2 ρᐉ 2π

1
Fγ 4γ t = --------- ⋅ ------ ------- (6)
p γ = ----- = ------ (3) 4 d ρu ρu
S d
Dans l’exemple précédent, le temps de débouchage est donc de
Ce phénomène influe beaucoup sur les conditions d’écoulement
3 670 s, soit une heure environ ! Il ne serait plus que de 90 s (une
du liquide.
minute et demie), à 100 ˚C.
Si la différence des pressions P1 − P2 du liquide, de part et d’autre
de la paroi, est supérieure à 2pγ, le débit-masse vaut :
1.2.2 Fuite de gaz ou de vapeur
π d 4 ρᐉ 8γ
q m = --------------------  P 1 – P 2 – ------ (4)
128 L η ᐉ  d
 Le débit-masse des gaz étant d’une caractérisation difficile, on
recourt à une quantité spécifique qui est le flux. Celui-ci, qG, se
Exemple : dans de l’eau à 20 ˚C, on a les données suivantes : définit comme la dérivée par rapport au temps de la quantité
énergétique G = pV d’un gaz en mouvement. Dans le cas d’un gaz
η = 10−3 Pa · s ; parfait, la loi de Gay-Lussac nous conduit à la relation :
ρ = 998,2 kg · m−3 ;
γ = 7,05 × 10−2 N · m−1. d ( pV ) dν
q G = ----------------- = R T ------- (7)
dt dt
Un défaut de 2 µm de diamètre équivalent, dans une paroi de 5 mm
d’épaisseur, sera responsable d’une fuite de débit-masse : avec ν nombre de moles en évolution (égal au rapport
de la masse m du gaz à sa masse molaire M) d’où
qm = 7,84 × 10−12 (P1 − P2 − 2,82) en kg · s−1, nous allons avoir :
les pressions étant exprimées en bar.
La contre-pression superficielle vaut ici 0,282 MPa, le débit-masse RT dm qm
q G = -------- ⋅ --------- = -------- (8)
critique (relation (3)) vaut : M dt ρu
qmc = 942,5 d η = 1,885 × 10−6 kg · s−1 Le flux est donc égal au rapport débit-masse qm par la masse
volumique ρu.
Si, au contraire, la pression du liquide, en amont de la fuite, est
inférieure à pγ, celui-ci ne peut y pénétrer. Dans la mesure où la pres- Dans la mesure où le mouvement du gaz s’opère à l’intérieur
sion, en aval, est inférieure à celle PL de la pression de vapeur satu- d’une enceinte de volume constant, nous avons :
rante du liquide, à la température considérée (cas courant
d’installations sous vide), celui-ci s’évapore à travers la fuite sous dp
un débit-masse défini par la loi de Langmuir : q G = V  ------- (9)
 dt  V

d3 π ρu Le flux se définit alors, comme le produit de ce volume V par la


q m = ------- P L ---------- (5) vitesse d’évolution de la pression.
3L 2
Dans le cas inverse où le gaz traverse une section sous une cer-
avec ρu masse volumique unitaire de la vapeur. taine pression p supposée constante, qG devient :
Celle-ci (masse volumique mesurée sous la pression unité) est,
dans le cas d’un gaz supposé parfait, donnée par la relation : dV
q G = p  -------- = pq V
 dt  p
M
ρ u = --------
RT avec qV débit-volume du gaz à travers la section.
avec M masse molaire du liquide, Dans le cas d’un régime établi, pour lequel qm est constant, le flux
est aussi constant que le système est isotherme et, en toute section
R constante molaire des gaz, droite, il est égal au produit de la pression moyenne dans celle-ci
T température thermodynamique. par le débit-volume qui la traverse.
Dans l’exemple précédent (eau à 20 ˚C), pour lequel :
1.2.2.1 Unités
M = 18,016 × 10−3 kg · mol−1 ;
Il résulte, de sa définition, que le flux est homogène à une puis-
T = 293,15 K ;
sance. L’unité légale est donc le watt, auquel on préfère substituer
PL = 2 350 Pa.
son équivalent, le Pa · m3 · s−1 plus représentatif. L’unité encore cou-
On a : ramment employée est le cm3 TPN · s−1, qui vaut 0,1013 fois la pré-
cédente.
ρu = 7,391 × 10−6 kg · m3 · Pa−1
qm = 4,27 × 10−16 kg · s−1 1.2.2.2 Calcul du flux
Au cas où une fuite se trouve bouchée, par suite de certains tests De la même façon que dans le cas des liquides, l’écoulement des
d’immersion, par exemple localisation de la fuite dans un bac à eau, gaz est sous la dépendance du nombre de Reynolds, lequel se fera,
il est nécessaire de procéder à son évacuation. Un simple chauffage pour les mêmes valeurs que précédemment, soit en régime turbu-

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29
Référence Internet
R2055

DÉTECTION DE FUITE ___________________________________________________________________________________________________________________

lent, soit en régime laminaire. Comme dans le cas des liquides, 1.2.3 Détermination des caractéristiques
l’écoulement laminaire est pratiquement seul en jeu et s’établit pour d’une fuite
des valeurs :

qmL = qGLρu = 942,5ηd D’une façon générale, une fuite est localisée à l’aide d’un gaz de
test. Le flux de ce gaz à travers elle peut être ensuite défini par cer-
soit taines méthodes, ou à l’aide d’un appareil dédié. Le degré des
équations (19) ne permettant pas une résolution analytique, on peut

1 ηd utiliser des abaques disponibles dans certains ouvrages [1] [2].


q GL = 942 ,5 ------- (10)
ρu
Dans l’industrie, le cahier des charges de la qualité s’exprime
La loi de Poiseuille (relation (2)) s’applique aussi au cas des gaz et souvent en perte massique annuelle de gaz. C’est le cas pour
des vapeurs, en observant toutefois que la masse volumique ρ du tous les composants et circuits de climatisation, automobile ou
gaz varie uniformément le long de la canalisation et qu’il convient domestique pour lesquels les valeurs varient entre 5 g/an et
d’en adopter la valeur moyenne : 15 g/an de perte gaz.

P am + P av
ρ = ρ u p = ρ u  -------------------------- Il faut convertir une perte massique en flux de gaz, et ainsi calculer
2 à partir de quel taux de fuite on va déclarer une pièce « mauvaise ».
Nota : la valeur de la fuite est souvent exprimée en atm · cm3/s, Pa · m3/s, mbar · l/s, ou
en sorte que d’après (2) n’importe quelle autre unité. Cela représente un débit volumique à une pression absolue
donnée. L’unité choisie n’a souvent aucun rapport avec les pressions appliquées de chaque
côté de la fuite. L’exemple reprend les unités couramment utilisées dans l’industrie.
π d 4 ρ u P am 2 – P2
q mL = q GL ρ u = -----------------  --------------------------
av • Le rapport entre ces unités est :
128 L η  2 
1 atm · cm3/s = 1,013 mbar · l/s = 0,1 Pa · m3/s = 0,75 torr · l/s

et le calcul du flux en régime laminaire s’écrit : • Dans l’exemple, nous considérerons une atmosphère comme égale à 1 bar.

P am2 – P2 1.2.3.1 Calcul de l’équivalence en gaz traceur


π d4  -------------------------
av 
q GL = ----------------- - (11) d’une fuite de gaz
128 L η  2 
Le défaut sera assimilé à un cylindre figure 1 :
Le domaine d’application de cette loi est toutefois limité à l’état
— les pressions de chaque côté de la fuite sont les paramètres les
visqueux du gaz, pour lequel le libre parcours moyen ᐉ m des molé-
plus importants. Donner une valeur de fuite sans référence de pres-
cules qui le constituent est petit devant la dimension transversale
sion est un non sens ;
représentative de la canalisation. Le rapport de ces deux grandeurs
est le nombre de Knudsen Kn, qui détermine le type d’écoulement — le second paramètre est la nature du gaz ;
en présence [1] [2]. — la température est le paramètre le moins important et peut être
ignorée la plupart du temps car on la considère comme constante.

Le flux de gaz ou de vapeur qui s’écoule à travers une paroi a


1.2.3.2 Convertir une perte massique de gaz réfrigérant en
une limite supérieure définie par le fait qu’il ne peut avoir une débit de gaz
vitesse supérieure à celle us du son dans ce gaz ou cette vapeur.
La formule pour convertir une perte annuelle de masse en débit
de gaz est :
Le flux maximal d’une fuite gazeuse qG susceptible de traverser
une section de diamètre d est, dans ces conditions :
F 22 400 T
Q R = ----- × --------------------------------------------- × ---------- (sous PRef) (14)
π M 365 × 24 × 3 600 273
q G = p S q V = p S --- d 2 u S (12)
4 avec F perte annuelle massique du gaz
réfrigérant (g),
avec pS pression sonique (valeur minimale de la pression
qui peut exister dans cette section sous l’effet du M masse moléculaire du gaz réfrigérant
flux qG). considéré (g),
Or, la vitesse du son arithmétique vS des molécules étant sensi- 22 400 volume d’une mole de gaz, à 273 ˚C et
blement les trois quarts de la vitesse moyenne arithmétique vS des 1 atmosphère (cm3),
molécules, soit : 365 × 24 × 3 600 nombre de secondes dans une année (s),
T température de référence du réfrigérant
1
v S = 3 ------------- , (˚K),
2π ρ u
QR valeur de la fuite (atm · cm3/s).
la pression minimale en aval de la fuite devient : Dans le tableau 1 sont présentées des masses moléculaires de
quelques gaz réfrigérants.
qG (0)

p S = 1 ,0638 ------- ρu (13)


d2
Tableau 1 – Masse moléculaire de quelques gaz réfrigérants
C’est la pression minimale que connaîtra la fuite à son aval, de Réfrigérant R 11 R 404 A R 22 R 134 A iso-C4H10
sorte que l’on doit remplacer, dans les relations précédentes le
terme Pav par pS si Pav < PS. Masse (g) 137,4 97,6 86,5 102,0 58,1

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30
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R927

Vérification et maintenance
d’un parc d’appareils de mesure
1
par Philippe PENIN
Ingénieur consultant en Métrologie (Norma System)

1. Connaissance du parc............................................................................. R 927 - 2


1.1 Inventaire...................................................................................................... — 2
1.2 Identification ................................................................................................ — 2
2. Matériel : achat/location ........................................................................ — 2
3. Logiciels de gestion des moyens de mesure.................................... — 3
4. Métrologie.................................................................................................. — 3
4.1 Fonction métrologie .................................................................................... — 3
4.2 Responsabilités............................................................................................ — 4
4.3 Maîtriser le concept métrologie ................................................................. — 5
4.4 Outils de la fonction métrologie................................................................. — 5
4.5 Raccordement au système des chaînes d’étalonnage.............................. — 5
4.6 Autres activités du laboratoire de métrologie .......................................... — 7
4.7 Critères pour les vérifications..................................................................... — 7
4.8 Moyens ......................................................................................................... — 8
4.9 Limites... ....................................................................................................... — 8
5. Maintenance des moyens de mesure ................................................. — 8
5.1 Préambule .................................................................................................... — 8
5.2 Définition de la maintenance...................................................................... — 8
5.3 Types de maintenance ................................................................................ — 8
5.4 Type de contrat selon l’urgence ................................................................. — 10
6. Sous-traitance des fonctions maintenance et métrologie ........... — 11
6.1 Préambule .................................................................................................... — 11
6.2 Analyse du besoin ....................................................................................... — 11
6.3 Maintenance................................................................................................. — 11
6.4 Métrologie .................................................................................................... — 11
6.5 Efficacité économique ................................................................................. — 11
6.6 Solutions possibles ..................................................................................... — 11
6.7 Le meilleur choix.......................................................................................... — 12
7. Automatisation des mesures ................................................................ — 12
8. Conclusion ................................................................................................. — 12
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. R 927

e parc de matériels utilisés dans une société peut représenter un nombre


L d’unités plus ou moins important.
L’organisation mise en place pour gérer ce parc de matériels, aussi bien en
termes de maintenance que de suivi métrologique, sera bien entendu dif-
férente, selon la taille et la complexité des équipements composants ce parc.
Parution : juin 2006

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R927

VÉRIFICATION ET MAINTENANCE D’UN PARC D’APPAREILS DE MESURE __________________________________________________________________________

1. Connaissance du parc Dernier étalonnage

1.1 Inventaire Appareil n°

La première action à mener doit être de dresser la liste complète Prochain étalonnage
des équipements de mesure y compris ceux qui ne servent jamais
et ceux qui ne sont plus en état. Il faut profiter de cet instant pour a modèle 1

1 nouer les premiers contacts avec les utilisateurs, les connaître et


essayer « d’anticiper » leurs difficultés. Il faut également enre-
gistrer en même temps les affectations (lieux et/ou personnes), les
06/94

détenteurs (dans le cadre réglementaire) des appareils de mesure. b modèle 2


Le recensement du matériel est très utile pour les raisons suivantes :
éventuellement de couleur verte pour, par exemple, indiquer la conformité
— il permet de définir la politique à mettre en œuvre par la
fonction métrologie par rapport à l’importance et l’étendue du parc ; Figure 1 – Modèles d’étiquette
— il sert de base de données quand il faut choisir un nouvel
appareil ou pour les prêts d’appareils en interne ;
— il peut éviter l’achat de nouveaux instruments si certains ne
sont pas utilisés ;
— il est obligatoire pour les appareils fournissant des résultats
quant à la qualité et la conformité des produits, dans le cadre de
relations contractuelles (traçabilité) ;
— il est nécessaire pour assurer la gestion économique des Document utilisé par la société Dassault Électronique,
amortissements et des investissements. indiquant le numéro individuel.

Figure 2 – Étiquette d’identification à « code barres »


1.2 Identification
Après avoir recensé tous les équipements de mesure, il convient La figure 1 présente deux modèles d’étiquette, parmi d’autres.
de les identifier de façon matérialisée. Cela signifie qu’il faut définir L’étiquette n’est pas toujours la solution idéale bien que facile
une codification, que l’on rendra ou non significative. d’emploi car elle peut se décoller. Cependant, il y a eu beaucoup
Il est possible de prendre les numéros dans l’ordre naturel, sans de progrès dans ce domaine et une petite recherche peut permettre
aucune logique, de 1 à n. Cette numérotation peut être rendue plus de trouver le produit adéquat.
ou moins significative (par laboratoire, par service, par affectation, Lorsqu’il y a beaucoup d’instruments de mesure à gérer, le code
par famille, etc.). à barres apposé, par le biais d’une étiquette, directement sur
Cette méthode facilite la gestion des codes quand on gère le l’instrument, peut être utilisé. Cette solution intéressante comporte
parc informatiquement. des risques, car elle renvoie directement à l’unité informatique
Le plus important est de définir un système simple, clair et pour la totalité des informations relatives à l’appareil. De plus, cela
pouvant être de préférence repris dans la codification des nécessite une gestion informatisée très poussée, la présence de
documents liés aux instruments de mesure. lecteurs de codes barres (en bon état de fonctionnement) auprès
On peut aussi utiliser le numéro individuel (de l’instrument de des utilisateurs et rend anonyme le suivi de l’instrument (ce qui va
mesure) donné par le constructeur car presque tous les appareils à l’encontre d’une responsabilisation des utilisateurs). Cependant,
de mesure en possèdent un. Même si ce numéro n’est pas signi- ces difficultés peuvent être contournées en mettant le numéro
ficatif, il est déjà inscrit et évite ainsi les problèmes de marquage. individuel de l’instrument à côté du code barres. La figure 2 en
donne un exemple existant en entreprise.
L’identification doit être clairement apposée sur l’instrument et
ne doit pas l’altérer ; dans le cas d’un marquage par gravure, il faut Lorsque l’entreprise possédant du matériel de mesure confie la
faire attention à la méthode retenue. Il peut être utile d’identifier gestion à une société de service extérieure, par exemple un service
aussi la boîte de protection de l’instrument surtout si elle contient de métrologie accrédité pour l’étalonnage, il est important de
des documents ou des données utiles à l’emploi de l’appareil. De définir dans le contrat qui des deux parties apposera sur le maté-
même, dans le cas où les données relatives à la périodicité du suivi riel le marquage relatif à l’opération métrologique, bien que la défi-
(date du prochain étalonnage, par exemple) ne peuvent pas être nition de la périodicité soit de la responsabilité de l’utilisateur.
sur l’instrument (par manque de place, par exemple), on peut les L’entreprise peut définir sa politique en matière de gestion de la fonc-
mettre sur l’étui de protection, à condition de le garder à portée de tion métrologie après ou avant de procéder matériellement à l’identifi-
vue et qu’il mentionne la référence de l’instrument concerné. Au cation des instruments. Quoi qu’il en soit, ces deux actions (marquage
niveau des étiquettes, ne pas confondre celle d’identification et et identification) sont à mener dès le début, après l’inventaire.
celle correspondant au suivi métrologique, il peut être nécessaire
d’avoir deux étiquettes permettant de répondre à la fonction
inventaire et au suivi métrologique.
Dans la plupart des cas, une simple étiquette est apposée sur
2. Matériel : achat/location
l’instrument. En fonction de la taille, elle mentionne le numéro
individuel, la date de la prochaine opération métrologique (éta- Pour arriver à une exploitation performante et efficace d’un parc
lonnage et/ou vérification). Par un jeu de couleur de l’étiquette, on de matériels de mesure, il est un point important sur lequel il faut
peut faire apparaître la périodicité. rester intransigeant : l’équipe chargée d’assurer la maintenance et
la métrologie de ce parc doit être impliquée, avec les utilisateurs,
Exemple : jaune = 6 mois, bleu = 1 an, vert = 2 ans, ... dans le choix des appareils nécessaires à leurs activités.
La date peut être mentionnée en « semaine-année », le numéro En effet, combien de choix, effectués sous l’influence d’une
individuel et la fiche de vie permettant de remonter facilement publicité attractive ou d’un ingénieur de vente particulièrement
jusqu’au document métrologique (constat de vérification ou certi- persuasif, se sont révélés par la suite très coûteux en entretien ou,
ficat d’étalonnage). pire, inadaptés au besoin réel.

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32
Référence Internet
R927

_________________________________________________________________________ VÉRIFICATION ET MAINTENANCE D’UN PARC D’APPAREILS DE MESURE

Pour éviter ces écueils, il est souhaitable de constituer une systèmes de développement pour microprocesseurs, compte tenu
équipe d’ingénieurs et/ou de techniciens qui ont pour mission de de l’évolution rapide des architectures proposées.
prendre en charge les demandes des utilisateurs et de les aider à Lorsque la décision d’achat a été prise, le choix du matériel doit
faire le choix des matériels en prenant en compte des paramètres prendre en compte, en plus des caractéristiques propres, un cer-
qui ne sont pas liés à leur seul cas particulier. tain nombre de critères (encadré 1).
Cette analyse peut passer par une remise en cause de la
méthode de mesure utilisée, et s’appuie également sur la connais-
3. Logiciels de gestion
1
sance des moyens disponibles dans le service demandeur. Il est
peut-être possible de répondre aux besoins par une meilleure
exploitation des moyens disponibles dans le service. des moyens de mesure
Exemple : s’il est nécessaire de disposer d’un signal hyper-
fréquence très pur et très stable, le choix se portera sur un synthétiseur. Avec la montée en puissance de l’informatique dans toutes les
Cependant, il est peut-être suffisant d’utiliser un simple générateur que sociétés et les différents logiciels de gestion d’instruments de
l’on verrouillera en phase à l’aide d’un compteur de fréquence. mesure proposés sur le marché aujourd’hui, on est facilement
tenté d’en acquérir un.
Une fois ces questions techniques résolues, la fonction
« métrologie » s’appuie sur sa connaissance du marché pour Il faut être très attentif avant de se décider car tous sont loin de
définir les matériels pouvant convenir. La première démarche est répondre aux besoins des métrologues et leur coût réel ne
alors de chercher s’il n’y a pas dans l’entreprise un équipement s’amortit pas facilement. Nous n’en citerons aucun ici, souhaitant
disponible pour répondre aux besoins. Cela nécessite une bonne seulement apporter quelques points de repère.
connaissance du parc existant, ce qui est rendu possible par la Il faut d’abord être sûr que le choix est économiquement renta-
mise en place d’un système de gestion informatisée pour suivre les ble, donc que la taille du parc le justifie. Un classeur avec des
matériels et leur utilisation. Cette approche est indispensable, en feuilles cartonnées peut paraître archaïque, mais l’ordinateur ne
particulier, dans les sociétés ayant une activité importante dans les fait pas tout alors que l’on compte un peu trop sur lui, sans parler
études ou le développement. des limites des logiciels. Le but essentiel d’une gestion informati-
sée est de :
— pouvoir accéder aisément à toutes les données du fichier ;
Encadré 1 – Critères à prendre en compte — faciliter la mise à jour des documents ;
pour le choix du matériel — éviter que chacun puisse intervenir sur le contenu des
données ;
● Fiabilité du matériel : les informations fournies par les — ne pas oublier d’instruments de mesure dans le suivi pério-
équipes de maintenance permettent d’avoir des éléments de dique (établissement du calendrier des opérations métrologiques) ;
jugement. — pouvoir retrouver facilement tout l’historique de l’instrument
● Qualité du service après-vente : est-il adapté au besoin
de mesure.
défini, dans le cas, par exemple, d’un fonctionnement de sys- Il est très important de s’assurer qu’une formation est fournie,
tèmes de test en horaires décalés ? ainsi qu’un service après-vente en cas de problèmes. Il faut aussi
● Assistance technique par le fournisseur : demander si le format des données sera échangeable facilement
— est-il prévu une mise en route du matériel ? avec d’autres logiciels, ce point est nécessaire lorsque l’on souhaite
— des cours de formation sont-ils organisés ? récupérer des données provenant d’un autre logiciel de gestion. Il
— quelles sont les possibilités d’assistance technique en cas est déconseillé de ne pas faire trop personnaliser ce type d’outil, le
de problèmes d’utilisation ? risque étant de ne plus profiter des évolutions ultérieures du produit.
Toutes ces questions peuvent être importantes pour certains Le choix informatique (tout informatique) implique de mettre en
appareils sophistiqués et influent sur le choix. place une procédure concernant les sauvegardes et l’archivage des
● Homogénéité du parc : éviter de trop se diversifier dans les
données. Il sera nécessaire de vérifier que les systèmes
produits et les constructeurs permet des gains sur plusieurs d’archivage permettent de restituer les données sur les durées
niveaux : d’archivage définies dans le système qualité (vérifier que les
— maintenance moins coûteuse ; supports ne s’altèrent pas et qu’ils peuvent toujours être lus, que
— meilleur amortissement des stocks de pièces détachées ; les évolutions des logiciels permettent toujours la lecture des
— possibilités d’interchangeabilité en cas de panne ; informations).
— formation plus efficace des utilisateurs, en particulier pour Exemple : on peut trouver l’avantage d’avoir accès à des
les appareils programmables. graphiques (figure 3) qui permettent un suivi des moyens de mesure
● Pérennité du fournisseur et du matériel : pendant combien après avoir déterminé les tolérances minimale et maximale.
de temps sera-t-il encore fabriqué ou maintenu ?
Le groupe métrologie FAQ Ouest (Fédération des Associations
● Préservation de l’investissement :
Qualité de l’Ouest) a établi une grille d’évaluation afin d’aider dans
— ce matériel se prête-t-il à des évolutions futures ? leur choix les futurs acheteurs (ou créateurs) d’un logiciel de gestion.
— la compatibilité de ce matériel sera-t-elle assurée avec les
futures générations ?
— fourniture des notices techniques et d’utilisation.
4. Métrologie
En effet, l’évolution technologique étant de plus en plus rapide,
il est indispensable de donner aux études les moyens de suivre 4.1 Fonction métrologie
cette évolution. C’est pourquoi, il peut être intéressant de suivre les
matériels et d’en améliorer le taux d’utilisation par des transferts ■ Quel rôle ?
ou partages entre services utilisateurs.
Le rôle de la fonction métrologie est de maîtriser l’aptitude à
La course à la performance est telle qu’il faut trouver des l’emploi de tous les équipements de mesure utilisés dans l’entre-
solutions pour garder une durée d’exploitation, et donc d’amortis- prise, qui peuvent avoir une influence sur la qualité du produit ou
sement économique, acceptable. C’est le cas, en particulier, des du service.

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©Techniques de l’Ingénieur R 927 − 3

33
1

34
Référence Internet
C7100

Pathologie, diagnostic, prévention


et maintenance des structures
1
par Michel LOR
Ex ingénieur RATP (spécialité Bâtiment)

1. Méthodologie ................................................................................... C 7 100 – 2


1.1 Analogie avec la médecine ................................................................ — 2
1.2 Liste utilisée dans la profession ........................................................ — 2
2. Pathologie et diagnostic ............................................................... — 3
2.1 Quelques définitions .......................................................................... — 3
2.2 Bref rappel historique ........................................................................ — 3
2.3 Diagnostic ........................................................................................... — 3
3. Matériaux de construction............................................................ — 4
3.1 Situation ............................................................................................. — 4
3.2 Bois ..................................................................................................... — 4
3.3 Matériau métallique ........................................................................... — 6
3.4 Béton et béton armé .......................................................................... — 8
3.5 Maçonneries en pierre ....................................................................... — 13
3.6 Maçonneries ....................................................................................... — 14
4. Structures de bâtiments................................................................ — 14
4.1 Avertissement ..................................................................................... — 14
4.2 Murs .................................................................................................... — 14
4.3 Planchers ............................................................................................ — 15
4.4 Charpentes ......................................................................................... — 17
5. Ouvrages en contact avec le sol .................................................. — 18
5.1 Pathologies, causes et diagnostic ..................................................... — 18
5.2 Pathologies liées au type de fondation ............................................. — 18
5.3 Risque du sol ...................................................................................... — 18
5.4 Cas de la sècheresse .......................................................................... — 19
5.5 Prévention des désordres en fondations........................................... — 20
5.6 Remèdes aux problèmes de fondations ............................................ — 20
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. C 7 100

epuis de nombreuses années, la pathologie dans le bâtiment a suscité de


D l’intérêt, permettant ainsi de mieux construire avec la mise en place de
Parution : novembre 2010 - Dernière validation : janvier 2015

recommandations, puis de normes définitives.


Le traitement de sinistres, seuls, ou par familles, aura permis de tirer des
conclusions, et ainsi d’éviter que ceux-ci ne se reproduisent. Ne dit-on pas :
« on réussit d’échec en échec ! ». Il existe déjà dans la collection des TI beau-
coup d’articles spécifiques traitant le sujet, quelquefois dans le détail. Des
auteurs très expérimentés et experts auront déjà, mieux que nous ne pourrions
le faire, évoqué et traité le sujet. Un lien avec leur article sera indiqué ; de
même, nous renverrons le lecteur sur d’autres parties de la collection plus
spécialisées.
Notre propos, en temps que généraliste, consistera donc à résumer, ou à ras-
sembler, de manière synthétique et exhaustive toutes les pathologies relatives
aux matériaux et structures de bâtiments. Dans le même temps, le diagnostic,
les causes, la prévention et la réparation seront évoqués sous forme de géné-
ralités, de rappels succincts ou de compléments aux articles existants.
L’exercice n’est pas simple, mais nous vous proposons une démarche basée
sur un retour d’expérience (30 années de maintenance de bâtiments dans le
patrimoine RATP) !

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. C 7 100 – 1

35
Référence Internet
C7100

PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Une première partie traitera des matériaux de construction, suivie d’une


deuxième qui sera consacrée aux structures de bâtiments. Enfin, nous aborde-
rons, en annexe, tout ce qui concerne les fondations et les structures en contact
avec le sol.
Rappelons que : « les travaux de réhabilitation des immeubles anciens
concernent une gamme très vaste de « mises à niveau », ceux-ci pouvant aller
du simple remplacement des canalisations et de tous les appareils sanitaires

1
vétustes, à la restructuration complète d’un bâtiment, avec conservation des
façades ».

& Pathologie d’un matériau, d’une structure, etc.


1. Méthodologie Étude des maladies :
– description ;
1.1 Analogie avec la médecine – manifestation ;
– causes.
Tout d’abord, il faut remarquer que la démarche de l’expert en
bâtiment est proche de celle du médecin dans la terminologie
employée. La figure 1, extraite des annales de l’ITBTP, l’illustre
Définition : science objective et systématique des maladies en
bien.
vue d’en trouver le traitement. Elle formule les lois, désigne la
terminologie, identifie et classe les causes, Retrace le processus,
énumère les symptômes. C’est l’établissement d’un dictionnaire
1.2 Liste utilisée dans la profession des maladies.
Afin d’être cohérent, et pour une meilleure compréhension du
lecteur, nous adopterons la démarche indiquée ci-dessous.

Objet : cette liste nous permettra, dans chaque cas, de rester en & Apparition de désordres, sinistres, problèmes et maladie
cohérence tout au long de l’article (avec à l’esprit une notion
de réhabilitation). L’établissement d’un diagnostic passe par les étapes suivantes :
– auscultation ;
– identification et étude des causes (étiologie) ;
ANALOGIE – utilisation, éventuellement, d’un retour d’expérience ;
S
P – enquête (témoignages, recherche) ;
DÉMARCHE MÉDICALE MAINTENANCE C
É – Comparaison avec la pathologie existante ;
C A
MÉDECIN Humilité EXPERT (spécialiste) R – Certitude (ou non)sur la maladie ? Æ Établir une nouvelle
I
A N pathologie.
SYMPTOMATOLOGIE AUSCULTATION
L E
ÉTIOLOGIE DIAGNOSTIC I T
(science des causes) S & Solutions envisagées
T D
THÉRAPEUTIQUE TRAITEMENT E Dans le but d’empêcher un nouveau désordre
E
MALADE À renforcer BÂTIMENT
? S  Remèdes ou traitement (curatif) Æ Soigner et guérir
À réparer
A (thérapeutique)
Soins efficaces Remède efficace N
(Intervention directe sur le malade)
T
Choix du médicament Choix du produit É
 Prévention (traitement préventif) Æ Éviter que cela se repro-
ERREUR duise en anticipant
Rechute mal soigné Désordres
(Règlement, entretien, nouveau dispositif, etc.)
Aggravation de la maladie Quelquefois plus graves

& Références, bibliographie et Normes


Bien souvent : réactions secondaires
(Ces éléments seront tous regroupés en fin d’article)
ET LA CONSOLIDATION DU MALADE !
Ce synoptique sert de guide.
CELA NE REND PAS LE NEUF Ainsi, chaque sujet (matériau, structure, couverture, etc.) sera
traité, suivant cette démarche. Cela permettra d’être le plus exhaus-
Figure 1 – Analogie « médecin-expert » (source ITBTP) tif possible.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES

2. Pathologie et diagnostic Elle a surtout pris son essor dans les années 1960 suite à des
analyses de sinistres (Bureau Veritas). De nombreux ouvrages
concernés par cette nouvelle discipline ont paru : pathologie des
fondations, du béton armé, des façades,… Des textes officiels de
prévention (DTU, règlements…) ont suivi jusqu’à nos jours et pour-
2.1 Quelques définitions tant, certaines pathologies sont plus nombreuses aujourd’hui
Depuis plusieurs décennies, face à l’accroissement des coûts qu’hier.
engendrés par les « sinistres » (accidents du travail, effondrements On évoque même la notion d’une pathologie qui découlerait de

1
d’ouvrages, désordres de toute nature,…) tous ceux qui participent certains règlements nouveaux.
à l’acte de construire sont sensibilisés de plus en plus aux notions Comme nous l’avons vu au début de cet article, une analogie est
de « prévention » et de « pathologie ». souvent exprimée entre la notion de démarche médicale et celle de
Le choix des mots dans une telle sensibilisation est important ; maintenance.
aussi est-il nécessaire d’en préciser le sens au début de cet article. La connaissance de la pathologie permet d’établir un diagnostic
& Un « sinistre » est, d’après le dictionnaire, un fait dommageable qui conduira inéluctablement vers l’esquisse d’une solution de
pour soi-même ou pour autrui, de nature à mettre en jeu la garantie réparation, de renforcement ou simplement la mise en place de
d’un assureur. remèdes préventifs.
Ce terme, juste dans le cas d’accidents corporels, paraı̂t exagéré
dans la plupart de ses applications. Nous serions tentés de le rem- 2.3 Diagnostic
placer par « désordres », d’autant que les plus grands effondre-
ments deviennent heureusement rares (à l’exception de ces derniè-
res années !), alors que les petits incidents se multiplient.
2.3.1 Selon le dictionnaire encyclopédique
& C’est l’acte par lequel le médecin distingue une maladie par la
& Afin d’éviter ces désordres, ces accidents, ces maladies, il faut
connaissance qu’il a des signes propres à cette maladie. Le méde-
prendre un ensemble de mesures : c’est le rôle de la « prévention ».
cin groupant les symptômes morbides que présente le malade, les
Mais pour atteindre cet objectif, la connaissance du processus rattache à une maladie ayant sa place dans le cadre nosologique.
entraı̂nant les sinistres ou les désordres est essentielle. C’est la rai-
son d’être de la « pathologie » (pathos = souffrance, logos = scien- Il comporte deux parties :
ces) qui est, nous cite le dictionnaire « la science des causes et des – le diagnostic positif qui réunit tous les éléments correspon-
symptômes des maladies ». dants en vue de ranger une maladie dans un cadre défini ;
– le diagnostic différentiel qui étudie tous les éléments discor-
& Soit, en détaillant : dants permettant de séparer une maladie des autres affections
– « science » Æ ensemble organisé des connaissances relatives avec lesquelles elle pourrait être confondue.
à certaines catégories de faits ou de phénomènes ;
& Recherche des causes du mauvais fonctionnement d’un appa-
– « des causes » Æ ce qui fait qu’une chose existe ; origine ;
– « et des symptômes » Æ phénomène qui révèle un trouble reil. Le diagnostic s’opère en général en deux étapes :
fonctionnel ou une lésion ; – le pré-diagnostic prend place au début de l’opération, au
– « des maladies » Æ altération dans la santé, dans l’équilibre, moment des études de faisabilité. Il doit permettre de dépister les
des êtres vivants. problèmes majeurs que peuvent poser les structures. L’expérience
et la compétence de l’intervenant sont déterminantes pour son effi-
Il y aura donc « maladie » à chaque fois qu’une construction ne cacité, d’autant plus qu’il soit spécialiste ;
répondra pas aux attentes des utilisateurs. – le diagnostic approfondi s’effectue une fois l’opération enga-
& En guise de conclusion, l’utilisation des termes tels que « patho- gée. Il consiste à rassembler toutes les données techniques néces-
logie » et « maladies » fait venir à l’esprit une question : n’est-il pas saires pour l’établissement du projet ; il peut nécessiter un dégar-
curieux de considérer une construction comme un être vivant ? nissage total, ou partiel, d’éléments de structure afin d’effectuer
Sans aller jusque là, il faut reconnaı̂tre qu’un bâtiment n’est pas des sondages spécifiques et pertinents.
une chose inerte :
– il remue, se dilate, se fissure ; Tout diagnostic nécessite un moment d’auscultation et
– il respire : la vapeur d’eau diffuse à travers ses parois ; d’enquête préalable sur la situation sinistrée qui peut être liée
– il a de la « mémoire » : une mauvaise manipulation d’une struc- à des causes étrangères (environnement, main de l’homme…).
ture lors de la fabrication (béton jeune) peut laisser des « stigma-
tes » de fissures ; 2.3.2 Sous l’angle de la réglementation
– il passe par les mêmes étapes qu’un être vivant : de la concep-
tion, puis de l’utilisation, à la destruction ; La norme NFX 60-10 (concepts et définition des activités de
– la construction naı̂t, vit et meurt. Il faut donc être vigilant à maintenance) définit le diagnostic comme :
tous les stades de son élaboration et de sa vie. « L’identification de la (ou des) cause(s) probable(s) de la défail-
lance ou de l’évolution d’un ou plusieurs paramètres significatifs
Ainsi, n’oublions pas cet axiome latin « Non nisi parendo vin- de dégradation à l’aide d’un raisonnement logique fondé sur un
citur » que le philosophe Francis BACON (1561-1626) applique ensemble d’information (inspection, contrôle, test) ».
à la nature : « Pour faire servir la nature aux besoins de
l’homme, il faut obéir à ses lois ». & En adoptant ces données aux problèmes posés par la réhabilita-
tion, on peut affirmer que le diagnostic est une mission qui se fixe
trois objectifs successifs :
2.2 Bref rappel historique – constat de situation (parfois appelé « description », « reconnais-
Cette notion de « pathologie des structures » n’est pas nouvelle sance » ou « identification ») ;
et demeure très ancienne. – comparaison de l’état constaté par rapport à un état de réfé-
rence (état à neuf, ou état de conformité à un règlement) parfois
Les sinistres d’antan permettaient (si l’on peut dire !) de corriger appelé « bilan » ;
les dites « règles de l’art, recommandations professionnelles ou les – évaluation de l’écart (causes, gravité et risque).
règlements techniques du moment… ». Le progrès ne pouvant exis-
ter que s’il y a des risques mais « risques calculés et bien maı̂trisés ». La première et dernière étape formalise les potentialités.

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PATHOLOGIE, DIAGNOSTIC, PRÉVENTION ET MAINTENANCE DES STRUCTURES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

& Application aux matériaux – caractère de gravité du désordre ;


Quelques exemples de symptômes constatés pour des – possibilité de réapparition du phénomène.
matériaux :
L’essentiel, bien sûr, sera de choisir la stratégie la mieux adap-
– bois : présence de petites vrillettes, de mérule,… ;
tée à stopper la ou les cause(s) (y compris secondaire(s)) res-
– béton armé : détection d’épaufrures d’acali-réaction ;
ponsable(s) des désordres, ou entraı̂nant le mauvais fonction-
– construction métallique : corrosion électrochimique, bacté-
nement de l’ouvrage.
rienne,…
Au final, il faudra reconstituer le bâtiment, soit en le réparant,
soit en le renforçant.

1
& Application aux structures
Constat fait sur des structures plancher de type bois : problèmes
mécaniques, de surcharges excessives, d’humidité, de présence 2.3.3.3 Conclusion
d’insectes (avec renvoi vers le matériau bois vu précédemment). Les règles de base pour effectuer un bon diagnostic consistent à :
– aller du général vers le particulier, par étapes ;
2.3.3 Diagnostic en réhabilitation
– étudier le malade, plutôt que la maladie ;
Même si la démarche générale reste la même, il existe de nom- – poser les problèmes avant de choir les solutions.
breuses méthodes de diagnostic de structures. Dans le cadre de
cette étude, nous nous limiterons à des généralités en ne retenant
que ce qui est fondamental et incontournable.
Celle pratiquée par la Socotec depuis des années peut être prise 3. Matériaux de construction
comme référence dans ce domaine. Elle définit différents niveaux
d’analyse, selon qu’il s’agisse de mesures à prendre, d’audit,
d’avis technique, ou encore de diagnostic conseil. Un cahier des
charges d’une mission de diagnostic est établi suivant : 3.1 Situation
– l’étendue des ouvrages concernés ; Dans le domaine des structures de bâtiments, le matériau cons-
– le domaine d’intervention ; tructif est à l’origine d’une pathologie très conséquente de
– les objectifs attendus ; responsabilités.
– ou encore le référentiel s’il existe.
Néanmoins, on peut dire aujourd’hui qu’elle tend à disparaı̂tre,
Des modalités d’intervention sont enfin arrêtées. du moins à changer de forme. Par exemple, s’agissant du béton
Il est important de préciser que les exigences européennes en armé, c’est la « chimie du matériau béton » qui a pris le pas, engen-
date du 21 décembre 1988, relatives aux produits de construction, drant de nouvelles maladies qui se révèlent depuis quelques
doivent être appliquées à l’ouvrage réalisé. années.
Des articles de fond, dans la collection des TI réalisés par des
2.3.3.1 Rappel des six exigences européennes spécialistes, traitent déjà de ce sujet : « le bois, la pierre, les maçon-
Il s’agit de : neries, la construction métallique, le béton armé et le béton pré-
contraint… ». Dans le cadre de cet article, nous reprendrons la
– résistance mécanique et stabilité ; pathologie – cause des désordres – de chaque matériau en effec-
– sécurité en cas d’incendie ; tuant un court résumé et en renvoyant le lecteur vers l’article de
– l’hygiène, santé et environnement ; fond en référence dans la collection.
– sécurité d’utilisation ;
– protection contre le bruit ; Par contre, on essaiera de compléter, si faire se peut, en introdui-
– l’économie d’énergie et isolation thermique. sant des réflexions de « retour d’expérience », voire en évoquant
les nouvelles pathologies. Puis, nous aborderons le sujet sous
2.3.3.2 Exemple de méthode utilisée l’angle du diagnostic, des solutions envisageables, et de la préven-
tion qui en a suivi.
La méthode dite de « Monsieur Charrue » permet de diagnosti-
quer la structure d’un bâtiment [1].
& Elle comporte 4 étapes successives : 3.2 Bois
– reconnaissance de l’édifice (relevé de l’existant) ;
– analyse théorique des structures (on le recalcule en le considé-
3.2.1 Pathologie du bois
rant neuf) ; Dans ce domaine, de nombreux articles (dont certains très spé-
– évaluation de la capacité portante des composants et de la cialisés et de fond) ont déjà été publiés ([C 925], [C 926] et [C 2 450]).
structure après l’analyse clinique (relevé pathologique) ; Aussi, conviendra-t-il de rester modeste et d’éviter toute
– prise en compte, éventuelle, des modifications du projet et des redondance.
exigences européennes (exemple : la nouvelle réglementation ther-
Un bref résumé, en guise de rappel, permettra au lecteur de sui-
mique, ou l’incendie).
vre le sujet abordé sans obligation de se reporter aux articles cités.
& La démarche est un peu différente pour ce qui concerne un
diagnostic sur ouvrages présentant des désordres. Dans ce cas pré- 3.2.1.1 Champignons
cis, il conviendra de documenter les désordres ou les dégradations,
Dans le bâti ancien, bon nombre d’ouvrages en bois subissent
de les décrire (listes, photos, appareillages,…). Si possible, on exa-
l’attaque de prédateurs que sont les champignons et les insectes
minera les circonstances, les causes et l’origine de l’apparition des
xylophages, dès lors que l’humidité, sous forme de vapeur d’eau,
désordres.
est bloquée dans le bâti.
& Un examen détaillé de l’ouvrage est indispensable avec une Deux types de champignons s’en prennent au bois. Les premiers,
recherche probable de définition du scénario du désordre. Il dits de « coloration » ne nuisent pas à la structure de l’ouvrage : ils
s’agira d’apporter les commentaires suivants : n’agissent que sur l’aubier en superficiel. La seconde famille ras-
– capacité de l’ouvrage à remplir son rôle vis-à-vis de sa semble les champignons lignivores qui, comme le nom l’indique,
destination ; détruisent le squelette du bois.

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La forme d’attaque prend trois formes essentielles : les combles en période d’essaimage (au printemps) : des individus
– la pourriture cubique (bois en forme de braises), la plus cou- ailés et noirs sortent pour aller se reproduire hors la termitière.
rante, causée par la mérule ou « champignon des maisons » ;  Ne faisant jamais de trous de sortie, les termites ne sont détec-
– la pourriture molle, caractéristique des bois gorgés d’eau ; tables que par la présence de cordonnets (quand ils existent), par
– la pourriture fibreuse, qui attaque le bois en contact avec l’eau. sondages ou chocs. Très souvent, une fois repérés, il est souvent
trop tard d’intervenir pour « sauver » la poutre qui nécessite son
Ce sont les conditions d’environnement (humidité, température, renforcement et, dans tous les cas, de gros travaux.
lumière et revêtements…) et l’essence considérée (résineux, feuil-
On confond très souvent les termites et les fourmis. Contraire-
lus) qui sont déterminantes dans la vitesse et le degré d’altération

1
ment aux fourmis, les termites déprédateurs du bois se déplacent
du bois. L’identification de ces attaques est essentiellement visuelle
rarement à la surface du sol ou du bois, et on observe une diffé-
(figures 2 et 3), voire olfactive pour la mérule (qui attire, par la
rence très nette en ce qui concerne le processus de développement
suite, la grosse vrillette pour pondre).
et le comportement.
Voilà, résumé en quelques mots, l’essentiel de la pathologie du
3.2.1.2 Insectes
matériau bois. Pour plus de renseignements se reporter aux textes
Les attaques par les insectes peuvent être le fait de larves ou de fond cités au début de ce chapitre.
d’insectes parfaits (figure 3).
3.2.2 Causes biologiques des désordres
& Les plus répandus sont les capricornes. C’est la larve qui est
xylophage et peut vivre plusieurs années à détruire le bois, alors 3.2.2.1 Champignons et conséquence : la pourriture
que l’insecte lui-même reste inoffensif. L’apparition de champignons est favorisée par :
& Quant aux termites (insectes sociaux), ce sont les seuls insectes – les infiltrations d’eau par la défectuosité des couvertures, en
parfaits xylophages qui, hier, ne sévissaient que dans le sud de la surface courante (tuiles qui bougent, ardoises cassées, mousse…),
aux faı̂tages, arêtiers et noues, au pourtour des châssis, souches et
France. Aujourd’hui, ces derniers prolifèrent en atteignant, de
tuyaux de ventilation, etc. ;
manière « suspecte », la région parisienne.
– la condensation, humidité fréquente de l’air, ventilation insuffi-
 Ceux de la famille de Saintonge et d’Aquitaine (attirés par les sante du comble ;
résineux) sont, de loin, les plus destructeurs. Généralement dans – l’emploi de bois insuffisamment résistants, ou peu traités ;
le sol, ils attaquent les structures du bâtiment en remontant du – les infiltrations et mouillages répétés en pied de charpente, aux
sous-sol vers les étages supérieurs abrités de la lumière par des sablières au droit des chêneaux, des gouttières, ou encore les effets
cordonnets lors de passages difficiles. Parfois, ils colonisent dans de la neige tassée.

3.2.2.2 Attaques d’insectes


Sont à proscrire les emplois de bois :
– insuffisamment résistants, en l’absence de traitements préven-
tifs adaptés ;
– contenant des substances nutritives pour certains insectes
(aubier, abattage en période de sève montante) ou prédigérés par
des champignons.

3.2.3 Manifestation
Pour l’identification des signes extérieurs qui marquent la pré-
sence des prédateurs du bois, nous conseillons le lecteur de se
reporter aux articles cités dans la partie « Pour en savoir plus ».
Enfin, le Centre technique du bois et de l’aménagement (CTBA)
est source d’experts et de documentation dans ce domaine.

3.2.4 Diagnostic
C’est une opération très courante, aujourd’hui, du fait des derniè-
Figure 2 – Fissure d’une poutre en bois res lois relatives à la vente de son bien par un propriétaire qui doit
effectuer la déclaration des infestations, notamment des termites.

Préalablement au diagnostic proprement dit, il est générale-


ment utile de déterminer la nature du bois : résineux ou
feuillus.

& Le diagnostic des attaques biologiques par les champignons et


autres agents (bleuissement, par exemple) est plus simple et les
mesures préventives commencent toutes par la recherche d’un
assèchement des bois qui inactive déjà les champignons, mis à
part le cas de la mérule qui peut transporter son eau par des sortes
de racines : les rhizomorphes.
& La présence de ces champignons peut se signaler par les indices
suivants :
– son creux en frappant le bois ;
– coloration anormale du bois ;
– perte de structure dans le cas de pourriture ;
– odeur caractéristique ;
Figure 3 – Détection visuelle de la présence de vrillettes – présence d’insectes associés aux champignons.

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Intelligence artificielle et diagnostic

par Sylvain PIECHOWIAK


1
Professeur des universités
LAMIH UMR CNRS 8502, Université polytechnique Hauts-de-France, 59300 Valenciennes,
France
Note de l’éditeur
Cet article est la version actualisée de l’article [S 7 217] intitulé Intelligence artificielle et
diagnostic rédigé par Sylvain PIECHOWIAK et paru en 2003

1. Qu’est-ce que le diagnostic ?............................................................... S 7 217v2 - 2


1.1 Terminologie ............................................................................................... — 2
1.2 Supervision.................................................................................................. — 3
2. Diagnostic en IA ...................................................................................... — 3
2.1 Systèmes experts........................................................................................ — 4
2.2 Raisonnement à base de cas...................................................................... — 5
2.3 Réseaux de neurones ................................................................................. — 6
2.4 Réseaux bayésiens...................................................................................... — 8
2.5 Arbres de décision ...................................................................................... — 11
2.6 Diagnostic à base de modèles ................................................................... — 12
2.6.1 Concepts ............................................................................................. — 13
2.6.2 Diagnostic ........................................................................................... — 13
2.6.3 Formalisation...................................................................................... — 14
2.6.4 Méthodes de calcul ............................................................................ — 15
2.6.5 Quelques outils de calcul .................................................................. — 16
2.6.6 Autres méthodes ou outils ................................................................ — 16
2.7 Raisonnement hypothétique...................................................................... — 17
2.7.1 Systèmes de maintien du raisonnement ......................................... — 17
2.7.2 Des RMS aux CSP et des CSP aux diagnostics ............................... — 18
2.8 Problème des tests et du choix des observations.................................... — 18
2.9 Conclusion ................................................................................................... — 18
3. Discussion ................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. S 7 217v2

e monde dans lequel nous vivons voit naître des systèmes dont la
L complexité s’accroît constamment. Avec le développement des nouvelles
technologies et de leur utilisation dans les nouveaux produits, les fonctions de
conception et de maintenance engendrent des tâches qui requièrent des
niveaux de qualification de plus en plus élevés. Cette constatation ne se limite
pas au seul domaine technique, mais concerne également d’autres domaines
tels que la médecine.
À l’origine, le diagnostic était une notion purement médicale qui désignait
l’activité consistant à identifier une maladie par ses symptômes. Bien évidem-
ment, cette activité entre dans un processus plus global dont l’objectif ne s’arrête
pas à l’identification des maladies, mais comprend surtout la définition des soins
à apporter pour guérir le patient ou pour le soulager. En effet, on ne va pas voir
son médecin pour connaître le nom de sa maladie, mais pour être soigné !
Parution : mars 2020

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DIAGNOSTIC ____________________________________________________________________________________________

Cette vision médicale a ensuite été reprise dans le monde technique et indus-
triel. Cette fois, il ne s’agit plus de rechercher les causes d’une maladie chez un
patient, mais les causes d’une défaillance ou d’une panne d’un dispositif phy-
sique. D’un point de vue conceptuel, il n’y a pas de différence fondamentale
entre le diagnostic médical et le diagnostic technique. Tous les deux consistent
à rechercher les causes d’un dysfonctionnement d’un système physique ou
vivant en vue de le réparer ou de le soigner.

1 Dans le domaine technique, la fonction « maintenance » regroupe deux grandes


classes d’activités : les activités relatives à la gestion et à l’organisation de la main-
tenance et les activités relatives à ses aspects techniques. Cette dernière classe est
souvent englobée dans la supervision, notamment quand il s’agit de traiter des
systèmes complexes tels que des centrales nucléaires ou des dispositifs électro-
niques de gestion du trafic ferroviaire, par exemple. Elle se décline en trois tâches
importantes : la prévention, le diagnostic et le dépannage.
Cet article a pour objectif de présenter le diagnostic sous l’angle de l’intelligence
artificielle (IA), domaine à la frontière de disciplines scientifiques variées telles que
l’informatique, l’automatique, la psychologie, etc. Il s’articule en trois sections. La
première constitue un rappel de diverses définitions. La seconde présente les prin-
cipales méthodes de diagnostic issues de l’intelligence artificielle ; elle se focalise
sur les approches les plus représentatives. Enfin, une synthèse de ces approches
est faite dans la troisième section afin de dégager les propriétés de ces approches.

1. Qu’est-ce que il s’agit plutôt de diagnostic au sens médical, c’est-à-dire la


recherche des causes d’une maladie lorsque celle-ci laisse appa-
le diagnostic ? raître des signes ou des symptômes révélateurs.
Le vocabulaire relatif au diagnostic dans le domaine technique
Le diagnostic est une tâche hautement cognitive centrale dans de est précisé dans ce qui suit. Un vocabulaire similaire se retrouve en
nombreux domaines économiques, en médecine, dans le monde médecine ou dans d’autres domaines.
industriel, ou même dans l’enseignement. L’objectif visé par le dia-
gnostic consiste à déterminer les causes d’un dysfonctionnement ■ On appelle dispositif une entité composée d’éléments (les compo-
ou d’une maladie à partir d’observations et de symptômes consta- sants) qui évoluent dans le temps dans le but de remplir une fonc-
tés. Les techniques de diagnostic sont souvent liées au domaine tion définie. Chaque dispositif évolue en interaction avec son
traité et dépendent très fortement des caractéristiques du dispositif environnement.
à diagnostiquer.
■ Un composant est un élément discret d’un dispositif. Il est inter-
Exemples connecté ou en interaction avec d’autres composants. C’est l’unité
de description minimale de l’analyse systémique.
Dans le domaine médical, pour mener à bien son diagnostic, le méde-
cin doit tenir compte des caractéristiques humaines (psychologiques, Le domaine du diagnostic fait référence aux notions d’observa-
physiologiques, etc.) de ses patients lorsqu’il préconise des examens tion, de panne, de défaillance et de symptôme.
complémentaires. Il doit également tenir compte des caractéristiques de
ces examens. Leur coût ou les désagréments qu’ils engendrent entrent ■ Une observation est une information obtenue sur le dispositif réel.
souvent en ligne de compte. De plus, il n’est pas rare, au cours d’un exa- Cette information peut être obtenue soit à une entrée, soit à une sor-
men difficile à réaliser, de recueillir des informations qui n’étaient pas tie du dispositif, ou encore entre deux composants de celui-ci.
demandées a priori. L’objectif est d’apporter le maximum d’informations
au médecin, mais aussi de limiter les examens désagréables aux patients. ■ Une panne (fault en anglais) est la cause de l’apparition de symp-
tômes. Autrement dit, les symptômes sont les effets ou les consé-
Dans le domaine technique, l’ingénieur chargé de diagnostiquer un quences d’une panne. Une panne peut être définie comme un état
dispositif électronique sécuritaire doit prendre en compte les consé- anormal (état de fonctionnement non nominal) d’une unité fonc-
quences de ses actions et éviter, par exemple, que les mesures qu’il tionnelle la mettant dans l’impossibilité d’accomplir une fonction
prend pour acquérir de nouvelles informations n’affectent la fonction
requise. Par unité fonctionnelle, on entend soit un système
sécuritaire du dispositif.
complet, soit l’un de ses éléments. Il faut noter que le terme anglais
fault désigne aussi une anomalie, condition anormale diminuant ou
Dans la section 1.1, les définitions du vocabulaire utilisé dans la
supprimant l’aptitude d’une entité fonctionnelle à accomplir une
suite de cet article sont rappelées afin de donner une vision plus
fonction requise. Dans les situations les plus simples, la panne d’un
claire et plus précise de ce que l’on rassemble généralement sous
la dénomination « diagnostic ». seul composant constitutif du dispositif peut expliquer la panne du
dispositif complet. Dans d’autres situations, le fait que plusieurs
composants soient dans un fonctionnement « à la limite » d’un
fonctionnement normal provoque le dysfonctionnement du disposi-
1.1 Terminologie tif global. Cette situation est très difficile à diagnostiquer puisque
■ Dans le langage courant, le terme de diagnostic est souvent les composants pris individuellement semblent fonctionner norma-
utilisé pour désigner des notions variées. Par exemple, on parle lement. Dans le domaine de l’électronique, de telles situations sont
généralement de diagnostic financier pour désigner un bilan. Ici, fréquentes.

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_____________________________________________________________________________________________ INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DIAGNOSTIC

■ Lorsque l’on distingue les différentes situations de fonctionne- Diagnostiquer une panne pi consiste à trouver l’ensemble des
ment d’un dispositif, on parle de ses modes de fonctionnement. symptômes apparents et des tests pertinents qui permettent
De nombreux dispositifs sont capables de fonctionner même en d’incriminer un organe du dispositif. Si T = {t1, t2,…, tr} représente
cas de défaillance de l’un de leurs composants. Cependant, le fonc- l’ensemble des tests pertinents, alors la fonction de diagnostic σ
tionnement ne se fait plus de manière optimale, mais de façon peut être définie par :
dégradée.

Exemple

1
On peut distinguer le diagnostic hors ligne du diagnostic en
Un avion possédant deux moteurs est capable de voler même ligne. Dans le diagnostic hors ligne, tout se passe « comme si » le
lorsque l’un de ses moteurs tombe en panne. Cependant, les perfor- dispositif diagnostiqué n’évoluait plus pendant la session de dia-
mances de l’avion sont amoindries. gnostic. Au contraire, dans le cas du diagnostic en ligne, le dispo-
sitif continue à évoluer. Il devient alors important d’anticiper
Généralement, on distingue les modes de fonctionnement nor- l’évolution du dysfonctionnement : on parle de pronostic.
mal, dégradé et défaillant. Selon les domaines, on peut trouver Dans les deux cas, le temps peut être pris en compte dans le
d’autres modes de fonctionnement : interdit, critique, sécuritaire processus de raisonnement. Dans le cas du diagnostic hors ligne,
ou exceptionnel. c’est la chronologie des événements qui est exploitée (on parle de
raisonnement avec et sur le temps). Dans le cas du diagnostic en
■ Selon l’Afnor, une défaillance (failure en anglais) est une « ces- ligne, se pose en plus le problème difficile du temps nécessaire
sation de l’aptitude d’une unité fonctionnelle à accomplir une fonc- pour réaliser ce raisonnement face à la rapidité d’évolution du dis-
tion requise avec les performances définies dans les spécifications positif. Ici, on parle de raisonnement dans le temps ou temps réel,
techniques ». La défaillance est un passage d’un état à un autre, il est caractéristique des systèmes de supervision. La prise en
par opposition à une panne qui est un état. compte du temps est traitée dans la section 2.
■ Un symptôme est un phénomène qui survient sur un dispositif
et qui révèle un dysfonctionnement. Une température trop élevée,
une pression trop basse, une tension nulle, etc., sont des exemples
de symptômes. Il est également fréquent de regrouper les symp-
2. Diagnostic en IA
tômes en fonction du dysfonctionnement auquel ils sont liés : on
parle alors de syndrome. Certains dysfonctionnements peuvent Pour plus de détails sur l’intelligence artificielle, le lecteur
ainsi être diagnostiqués plus rapidement lorsqu’ils sont associés à est invité à consulter les articles [R 7 215] et [H 3 740].
des syndromes caractéristiques.

En intelligence artificielle, on peut classer les approches de trai-


1.2 Supervision tement du diagnostic en deux classes, selon le type de connais-
sances utilisées.
Le diagnostic fait partie d’un processus plus global, la supervi-
sion, qui comporte trois grandes fonctions : la détection, la locali-
■ Dans la première classe, on trouve les approches basées sur
des connaissances de nature heuristique, issues de l’expérience
sation et la décision.
et de l’exploitation des dispositifs. Les systèmes experts ou les
■ La détection consiste à reconnaître qu’un dispositif est dans un systèmes dits à apprentissage entrent dans cette catégorie.
mode de dysfonctionnement à partir de la connaissance de cer- Dans ces approches, l’acquisition des connaissances reste le
taines de ses caractéristiques. Les alarmes sont des moyens qui problème central. Les réseaux bayésiens et les réseaux de neu-
permettent de signaler qu’un dispositif est dans un état particulier. rones sont d’autres exemples de ces approches. Le lecteur trou-
Généralement, une alarme prévient un état critique qui peut évo- vera des présentations complètes dans [1], [2] ou [3].
luer vers un état défaillant. La difficulté principale de la détection ■ Dans la deuxième classe, on trouve les approches basées sur
est qu’il n’est pas toujours possible de recenser a priori de manière des modèles construits à partir de la physique des dispositifs et
exhaustive les signes révélateurs d’une défaillance à venir. D’autre qui décrivent leur fonctionnement correct ou leurs dysfonction-
part, il n’est pas non plus toujours possible d’avoir une observabi- nements. Ces approches reposent sur différents types de raison-
lité complète de tout dispositif (par exemple, si un dispositif peut nement selon la nature des modèles. Ici, c’est l’élaboration des
être élaboré par l’assemblage de boîtes noires dont on ne peut modèles qui est centrale. Voici quelques exemples de « raison-
observer que les entrées et les sorties sans avoir accès à des nements » qui ont été utilisés dans le domaine du diagnostic :
observations sûres) ; dans ces cas, la détection devient très problé-
matique. • le raisonnement hypothétique, par nature non monotone [4], [5] ;
• le raisonnement qualitatif [6] ;
■ La localisation consiste à déterminer les causes physiques ou
fonctionnelles d’une panne. Généralement, on confond le diagnos- • le raisonnement par contraintes [7] ;
tic avec la localisation. Mais l’objectif du diagnostic ne s’arrête pas • le raisonnement multimodèle [8] ;
à cette première tâche. Ensuite, il faut déterminer le remède à
prescrire. Dans le cas le plus simple, ce remède consiste à rempla- • le raisonnement incertain ou flou [A 120].
cer un élément défaillant. Dans le problème du diagnostic, le temps joue un rôle impor-
tant et sa prise en compte peut intervenir à différents niveaux [9] :
■ La troisième fonction consiste en premier lieu à décider quel est
le mode de fonctionnement dans lequel on désire placer le disposi- • dans le modèle, prendre en compte le temps, c’est se deman-
tif (mode dégradé ou mode de fonctionnement normal). Ensuite, il der si l’on considère le dispositif comme dynamique ou
s’agit de définir précisément quelles sont les actions à entre- comme statique ;
prendre pour atteindre ce mode. • dans les pannes, c’est accepter ou refuser la présence de
Formellement, le diagnostic peut se définir de la manière sui- pannes fugitives ou évolutives ;
vante : soit un dispositif dont les symptômes de panne forment • dans les traitements, intégrer la notion temporelle oblige à
l’ensemble S = {s1, s2,…, sn} et dont les pannes forment l’ensemble définir des représentations du temps et des traitements
P = {p1, p2,…, pm}. adaptés, etc.

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S 7 217v2 – 3

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Référence Internet
S7217

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DIAGNOSTIC ____________________________________________________________________________________________

Pour illustrer les différentes approches, le même dispositif sim- • règle 4


plifié sera utilisé. Celui-ci concerne une partie électrique d’une si « le moteur ne démarre pas »
automobile réduite à quatre composants : une batterie électrique,
un système d’allumage, un moteur d’essuie-glaces et les ampoules alors « le problème vient de la batterie ou de l’allumage »
de l’éclairage. L’objectif est de déterminer parmi ces composants • règle 5
celui ou ceux qui sont défaillants. Les observations qui peuvent si « le problème vient de la batterie ou de l’allumage » et « les
être faites concernent les phares (ils fonctionnent ou non), les phares fonctionnent »
essuie-glaces (ils balaient ou non) et le moteur de l’automobile (il

1
alors « l’allumage est en panne »
démarre ou non).
• règle 6
si « les essuie-glaces ne fonctionnent pas » et « le moteur ne
2.1 Systèmes experts démarre pas »
alors « la batterie est en panne »
Un système expert est un programme capable d’explorer une
expertise dans un domaine particulier. Cette expertise rassemble • règle 7
non seulement des connaissances directement liées à ce domaine, si « les essuie-glaces ne fonctionnent pas » et « le moteur
mais également des capacités de raisonnement acquises par les démarre »
spécialistes au cours de leur activité (les stratégies). alors « le moteur d’essuie-glaces est en panne »
Traditionnellement, un système expert se compose d’une • règle 8
base de connaissances, d’un moteur d’inférences et de diffé- si « les essuie-glaces ne fonctionnent pas » et « les phares fonc-
rentes interfaces qui lui permettent de communiquer avec son tionnent »
environnement.
alors « le moteur d’essuie-glaces est en panne »
La base de connaissances est élaborée à partir de l’expertise
d’un spécialiste. L’expertise elle-même s’obtient au cours d’un En supposant que la base de faits initiale comporte les faits « les
processus cognitif généralement long et encore mal connu de nos phares ne fonctionnent pas » et « le moteur ne démarre pas », on
jours. C’est certainement à ce niveau que l’on peut situer la phase peut inférer, par la règle 1, que « le moteur ne démarre pas », ce qui
de création du savoir. permet ensuite d’inférer, par la règle 2, que « la batterie est en
panne ». Ce mode de fonctionnement correspond à un raisonne-
Nota : cela sort du cadre de cet article et fait appel notamment aux sciences ment déductif (on parle également de chaînage avant).
cognitives.
On peut également raisonner en partant des conclusions. Par
La simplicité du formalisme de la représentation par règles a exemple, si l’on souhaite démontrer que « la batterie est en panne »,
rendu célèbres les systèmes à base de règles (notamment dans on peut utiliser les règles 2 ou 6. En considérant la règle 2, il faudrait
les années 1980). Malheureusement, cette simplicité a masqué les démontrer que « le problème vient des ampoules ou de la batterie »
difficultés liées à l’extraction des connaissances et a provoqué et que « le moteur ne démarre pas ». « Le moteur ne démarre pas »
une certaine désillusion chez de nombreux utilisateurs. Dans ces fait partie des observations disponibles, c’est donc un fait acquis.
systèmes, les connaissances expertes sont formalisées par des Pour démontrer que « le problème vient des ampoules ou de la batte-
règles de la forme : rie », on peut utiliser la règle 1 ; dans ce cas, il faut démontrer que
« les phares ne fonctionnent pas ». Cela est acquis puisqu’il s’agit
d’une observation. Ce mode de fonctionnement correspond à un rai-
où conditions est une expression qui précise les conditions de sonnement abductif (on parle également de chaînage arrière).
déclenchement de la règle. Déclencher une règle, c’est admettre
ce qui est précisé dans les conclusions. On parle également d’infé- L’un des problèmes importants qui reste encore d’actualité
rence. Cela revient à modifier l’état des connaissances actuelles concerne l’extraction et la représentation des connaissances. En effet,
sur le problème en cours de résolution (appelées mémoire de tra- on constate que les spécialistes possèdent de manière inconsciente
vail) permettant d’avancer dans cette résolution. leur savoir : il leur est donc difficile d’exprimer leurs connaissances. Il
Le cas particulier des systèmes dans lesquels les connais- existe plusieurs freins qui rendent difficile l’extraction des connais-
sances manipulées sont des formules propositionnelles (sans sances. En premier lieu, les experts ont souvent le sentiment d’être
variable) et où les conditions sont de simples conjonctions peut dépossédés de leurs compétences. Ensuite, lorsque plusieurs experts
illustrer ce propos. L’état courant de la connaissance sur le pro- sont consultés, il se peut que les connaissances soient contradictoires
blème à résoudre est représenté par la base de faits qui et dans ce cas se pose le problème de l’arbitrage.
regroupe l’ensemble des faits connus a priori ou par déclenche- Les systèmes à base de règles ne sont pas les seuls systèmes à
ment de règles. base de connaissances capables d’exploiter des connaissances
expertes. D’autres modèles de représentation existent : la représenta-
Exemple tion par triplet (objet, attribut, valeur), les règles, les réseaux séman-
Voici des règles qui pourraient constituer une base de connais- tiques, les frames, la logique, etc. On peut trouver dans [H 3 740] une
sances pour l’exemple de l’automobile : présentation générale de ces systèmes à base de connaissances.
• règle 1 De plus, on peut distinguer des modes de raisonnement plus
si « les phares ne fonctionnent pas » complexes que celui de l’exemple précédent. En effet, dans cet
alors « le problème vient des ampoules ou de la batterie » exemple, les nouveaux faits déduits par inférence sont supposés
définitivement admis : le raisonnement est monotone. Mais il n’est
• règle 2 pas rare de devoir prendre en compte des faits qui évoluent dans le
si « le problème vient des ampoules ou de la batterie » et « le temps, ni même de progresser dans le raisonnement en posant des
moteur ne démarre pas » hypothèses. Dans ce cas, les inférences réalisées peuvent être révi-
alors « la batterie est en panne » sées parce que les connaissances utilisées lors d’une étape du rai-
sonnement peuvent devenir obsolètes (car les caractéristiques du
• règle 3
problème ont changé) ou contradictoires (car les hypothèses consi-
si « le problème vient des ampoules ou de la batterie » et « le dérées sont incompatibles). Le raisonnement est dit non monotone.
moteur démarre » Dans [10], on trouve une présentation complète des différents
alors « les ampoules sont en panne » modes de raisonnement.

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S 7 217v2 – 4

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MT9570

PHM – Prognostics and health


management
De la surveillance au pronostic 1
de défaillances de systèmes complexes

par Rafael GOURIVEAU


Maître de conférences – ENSMM – Institut FEMTO-ST
rafael.gouriveau@femto-st.fr
Kamal MEDJAHER
Maître de conférences – ENSMM – Institut FEMTO-ST
kamal.medjaher@femto-st.fr
Emmanuel RAMASSO
Maître de conférences – ENSMM – Institut FEMTO-ST
emmanuel.ramasso@femto-st.fr
et Noureddine ZERHOUNI
Professeur des Universités – ENSMM – Institut FEMTO-ST
noureddine.zerhouni@femto-st.fr

1. Émergence du pronostic dans l’activité de maintenance............. MT 9 570 - 2


1.1 Nouveaux enjeux et évolutions de la fonction maintenance ................... — 2
1.2 Vers une anticipation des phénomènes de défaillance ............................ — 3
2. Pronostic et estimation de la durée de fonctionnement
avant défaillance (RUL) ........................................................................... — 4
2.1 Quoi ? le pronostic – définition et mesures ............................................... — 4
2.2 Comment ? les approches de pronostic..................................................... — 6
2.3 Mise en œuvre du pronostic ....................................................................... — 8
3. Des données au RUL : architecture CBM et processus PHM ....... — 10
3.1 Processus de détection, diagnostic et pronostic ....................................... — 10
3.2 Architecture CBM et processus PHM ......................................................... — 10
3.3 Données et traitements usuels ................................................................... — 12
4. Exemple d’application............................................................................. — 12
4.1 Description de l’exemple ............................................................................. — 12
4.2 Couche 1 : acquisition des données ........................................................... — 13
4.3 Couche 2 : prétraitement des données ...................................................... — 13
4.4 Couches 3 et 5 : détection d’état et pronostic de défaillance ................... — 15
5. Conclusion.................................................................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. MT 9 570

es services « FMDS » (fiabilité, maintenabilité, disponibilité, sécurité) sont


L aujourd’hui largement sollicités pour réaliser des études ponctuelles ou
des analyses de fond. De fait, la maintenance industrielle s’avère source et
cible de développements industriels et scientifiques, ce qui se traduit par des
Parution : avril 2013

actions ponctuelles de partenariat « industrie-recherche ». De manière plus

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est strictement interdite. – © Editions T.I. MT 9 570 – 1

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MT9570

PHM – PROGNOSTICS AND HEALTH MANAGEMENT _______________________________________________________________________________________

ciblée, au niveau des entreprises, les concepts traditionnels de maintenance


préventive et corrective sont peu à peu complétés par une prise en compte
plus réactive et proactive des phénomènes de défaillance. En effet, les indus-
triels tendent à renforcer leur capacité à anticiper les défaillances afin de
recourir à des actions préventives les plus justes possible dans un objectif de
réduction des coûts et des risques. Aussi, la mise en œuvre de solutions de
Prognostics and Health Management (PHM) prend une part grandissante dans
1 les activités de maintenance et le processus de pronostic est aujourd’hui
considéré comme un des principaux leviers d’action dans la recherche d’une
performance globale. D’abord, sur le plan environnemental, le pronostic indus-
triel s’inscrit dans une logique de développement durable : il permet
d’augmenter la disponibilité et d’allonger le cycle de vie des systèmes indus-
triels. Ensuite, l’anticipation des défaillances d’éléments critiques permet de
prévenir les risques industriels et d’assurer la sécurité des personnes et des
biens. Le pronostic permet en outre d’assurer une continuité des services et,
par là même, d’augmenter la qualité de ceux-ci. Enfin, la mise en œuvre de la
maintenance prévisionnelle (fondée sur le pronostic) nécessite une qualifica-
tion et participe à la valorisation du personnel technique de maintenance.
Au-delà de l’écho qu’elle peut rencontrer auprès du monde industriel, cette
thématique de pronostic-PHM devient naturellement un cadre de travaux de
recherche à part entière et tend à être de plus en plus visible au sein de la
communauté scientifique. De nombreux laboratoires s’y intéressent
aujourd’hui, et quatre conférences consacrées à la thématique du PHM sont
programmées chaque année. Cela étant, les solutions de PHM n’en restent pas
moins le fruit de l’évolution des techniques et technologies de maintenance.
Aussi, cet article vise à présenter l’émergence de cette thématique de PHM, à
montrer en quoi elle vient compléter les activités traditionnelles de mainte-
nance, à expliciter les processus sous-jacents, notamment celui du pronostic, à
décrire les bénéfices pouvant être attendus de la mise en œuvre de solutions
de PHM dans l’industrie, et enfin à apporter quelques éléments de réflexion sur
les problèmes majeurs et défis encore d’actualité.

1. Émergence du pronostic plus à la mise en œuvre des moyens permettant d’assurer le


« service des biens ». Des exigences de qualité, de sécurité et de
dans l’activité coût sont apparues, et les enjeux et prérogatives de la fonction
maintenance ont évolué ces vingt dernières années.
de maintenance
1.1.2 Enjeux et prérogatives de la fonction
maintenance
1.1 Nouveaux enjeux et évolutions
de la fonction maintenance Les enjeux de la fonction maintenance peuvent être discutés
selon plusieurs points de vue. D’abord, les équipements industriels
étant de plus en plus complexes, ils exigent une compétence en
1.1.1 Maintenance industrielle maintenance accrue. Ensuite, l’entreprise évolue dans un environ-
nement concurrentiel fort et les préoccupations financières sont
Selon la norme NF EN 13306 (2010), la maintenance peut être très prononcées. La maintenance n’échappe ainsi pas à la règle de
définie comme « l’ensemble de toutes les actions techniques, réduction des coûts. À un autre niveau, depuis quelques années,
administratives et de management durant le cycle de vie d’un les responsables industriels sont face à des contraintes environne-
bien, destinées à le maintenir ou à le rétablir dans un état dans mentales et sociales plus marquées. Il n’est plus suffisant de se
lequel il peut accomplir la fonction requise ». Elle comprend ainsi satisfaire d’une performance technique et économique, mais il
un ensemble d’actions de dépannage, de réparation, de contrôle et devient nécessaire, voire obligatoire, de prendre en compte les
de vérification des équipements matériels, et doit contribuer à « contraintes » environnementales : une usine laisse des déchets,
l’amélioration des processus industriels. Dans la vision tradition- pollue et contribue à l’effet de serre, etc. À cela s’ajoute le respect
nelle, la fonction maintenance permet de garantir les caractéris- de la dignité humaine qui constitue une contrainte sociale. Ces
tiques de sûreté de fonctionnement des matériels, notamment la derniers aspects ont récemment conduit à l’élaboration de textes
disponibilité. Elle vise donc globalement à appréhender les phéno- de loi qui incitent fortement les entreprises à intégrer la notion de
mènes de défaillance et à agir en conséquence, afin d’assurer que développement durable dans leur stratégie [1]. Cela se traduit
le système (le bien) soit à même de remplir la fonction pour concrètement par la recherche d’une triple performance dans
laquelle il a été conçu (maintien en condition opérationnelle, laquelle, certes, le rendement de l’entreprise reste indispensable,
MCO). Mais les missions de la fonction maintenance ne se limitent mais auquel s’ajoutent de nouvelles exigences sur le plan humain,

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_______________________________________________________________________________________ PHM – PROGNOSTICS AND HEALTH MANAGEMENT

social et environnemental. Les prérogatives de la fonction mainte- architectures de maintenance sont apparues, la plus récente étant
nance se sont ainsi étendues et elle a dû évoluer en regard des celle de s-maintenance (« s » pour sémantique). Cette dernière
enjeux croissants : englobe le concept de e-maintenance et se fonde sur le principe de
• elle vise à augmenter la disponibilité des équipements tout en partage et de génération de connaissances formalisées en
réduisant les coûts directs d’exploitation (techniques et ontologie [3].
économiques) ; Mais en amont du développement d’architectures de mainte-
• elle doit assurer un fonctionnement sûr des équipements, nance visant à réduire la distance entre acteurs, ce sont les straté-

1
c’est-à-dire permettre d’éviter les accidents jugés néfastes pour gies de maintenance elles-mêmes qui évoluent. En effet, les
l’environnement (environnemental) ; mainteneurs souhaitent aujourd’hui aller au-delà de la mainte-
nance statique (sans anticipation de l’évolution de l’état des équi-
• elle est garante de conditions de travail satisfaisantes et de la pements), et mettre en œuvre des stratégies de maintenance plus
sécurité des hommes (social). « dynamiques ». La section suivante est consacrée à l’analyse de
cette évolution.
1.1.3 Évolution de la fonction maintenance
Compte tenu des exigences chaque fois plus grandes, les coûts 1.2 Vers une anticipation
de maintenance ont augmenté rapidement au cours des dernières des phénomènes de défaillance
années. À titre d’exemple, on estime que les coûts de maintenance
aux États-Unis étaient de 200 milliards de dollars en 1979, et qu’ils
ont subi une croissance de l’ordre de 10 à 15 % dans les années 1.2.1 Cartographie des formes de maintenance
qui suivirent [2]. Une partie importante de ce coût de maintenance
pourrait pourtant être évitée : une mauvaise planification se traduit Avant les années 1960, le service maintenance d’une entreprise
par du gaspillage en heures supplémentaires, et cela éventuel- avait pour principale mission d’intervenir sur les équipements en
lement sur des équipements qui n’ont pas un grand rôle dans la panne afin de les réparer le plus tôt possible. Ce type de mainte-
continuité de la production. nance, dite « corrective », a ensuite été peu à peu complété par
une approche plus anticipative des phénomènes de défaillance,
Cette augmentation des coûts ne justifie pas à elle seule le c’est-à-dire par une maintenance réalisée avant que la défaillance
besoin de remettre en cause les approches traditionnelles de main- ne se produise. Ces deux grands types de maintenance, corrective
tenance. D’abord, les systèmes de production évoluent en perma- et préventive, présentent certaines variantes exposées ci-après. La
nence et de nouvelles techniques de production sont apparues, figure 1 en donne une articulation globale.
notamment du fait de l’automatisation (les machines pouvant
assurer la production sans intervention humaine). Ensuite, les
entreprises cherchent davantage à adapter rapidement la quantité 1.2.2 Maintenances corrective et préventive
et la qualité de la production en fonction de la variation de la
demande des clients, ce qui nécessite un haut niveau de flexibilité La norme NF EN 13306 (2010) définit la maintenance corrective
des équipements industriels. Par conséquent, même si l’activité de comme une « maintenance exécutée après détection d’une panne
maintenance est aujourd’hui considérée comme une activité à part et destinée à remettre un bien dans un état dans lequel il peut
entière, les entreprises n’hésitent plus à l’externaliser afin de béné- accomplir une fonction requise ». Ce type de maintenance est
ficier des compétences métiers fortes de prestataires de service. généralement adapté pour les équipements pour lesquels :
Cette évolution est en grande partie due au développement des – les conséquences de la panne ne sont pas critiques ;
sciences et technologies de l’information et de la communication – la réparation est facile et ne nécessite pas beaucoup de temps ;
(STIC). À un autre niveau, depuis quelques années, de nouvelles – les coûts d’investissements sont faibles.

Maintenance

oui Occurrence de non


la défaillance ?

Maintenance Maintenance
corrective préventive

oui Caractère non oui Approche non


provisoire ? dynamique ?

Maintenance Maintenance Maintenance Maintenance


palliative curative systématique conditionnelle

Maintenance
prévisionnelle

Figure 1 – Formes de maintenance selon la norme NF EN 13306 (2010)

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Deux formes de maintenance corrective peuvent être distin-


guées. Lorsque l’intervention de maintenance a un caractère provi- 2. Pronostic et estimation
soire, on parle de maintenance palliative. Si les travaux sont
définitifs, on parle de maintenance curative.
de la durée
La maintenance préventive vise à réduire les risques d’occur-
de fonctionnement
rence d’une défaillance. La norme NF EN 13306 (2010) la définit
comme une « maintenance exécutée à des intervalles prédétermi-
avant défaillance (RUL)
1 nés ou selon des critères prescrits et destinée à réduire la probabi-
lité de défaillance ou la dégradation du fonctionnement d’un
bien ». Lorsque l’intervention de maintenance est exécutée à inter- 2.1 Quoi ? le pronostic – définition
valles fixes et prédéfinis, on parle de maintenance préventive sys- et mesures
tématique. Ce type de maintenance est déclenché suivant un
échéancier (heures de travail, kilomètres effectués, etc.) et se tra-
duit par le remplacement périodique de pièces, sans contrôle préa- 2.1.1 Concept de pronostic
lable et quel que soit l’état de dégradation des biens. La Beaucoup de définitions du terme pronostic ont été proposées et
maintenance préventive systématique peut conduire à du il n’en existe pas de totalement consensuelle. Un trait marquant
« surentretien », c’est-à-dire à un excès d’interventions inutiles, et peut cependant être identifié : le pronostic est souvent assimilé à
donc à des gaspillages financiers pour l’entreprise. Pour pallier un processus de prédiction (une situation future doit être appré-
cela, d’autres formes de maintenance préventive, fondées sur la hendée). Ensuite, deux grandes acceptations du pronostic peuvent
surveillance de l’état réel des biens sont apparues : les mainte- être considérées comme fédératrices : il désigne selon les cas un
nances conditionnelle et prévisionnelle. processus visant à déterminer la durée de vie restante d’un sys-
tème, c’est-à-dire sa DEFAD (durée de fonctionnement avant
défaillance), ou la probabilité pour que le système fonctionne
1.2.3 Maintenances conditionnelle durant un certain temps (figure 2). La DEFAD est communément
et prévisionnelle appelée RUL (remaining useful life).
Le pronostic est généralement efficace pour les modes de
La maintenance conditionnelle est définie comme « une mainte- défaillance résultant d’un processus de dégradation progressive, le
nance préventive fondée sur une surveillance du fonctionnement du plus simple étant linéaire. Une défaillance doit donc être définie en
bien et/ou des paramètres significatifs de ce fonctionnement inté- termes de paramètres ou de descripteurs surveillés. Cela suppose
grant les actions qui en découlent ». Cette stratégie de maintenance évidemment que la situation courante peut être saisie. Par ailleurs,
repose ainsi sur l’analyse des données en temps réel des équipe- le concept même de défaillance implique que le pronostic doit être
ments industriels (par exemple les vibrations, la température, etc.). associé à un degré d’acceptabilité (un système doit exécuter une
Elle vise la détection d’anomalies dans le fonctionnement des fonction exigée). Le pronostic devrait donc être fondé sur les critè-
machines industrielles : la découverte de changements dans leurs res d’évaluation, dont les limites dépendent du système lui-même
caractéristiques préfigure à court terme d’une défaillance à venir. et d’objectifs de performance (figure 3). Tout cela nous conduit à
retenir la définition proposée par la norme ISO 13381 (2004) : « Le
La maintenance conditionnelle permet de mieux tenir compte
pronostic est l’estimation de la durée de fonctionnement avant
des conditions d’utilisation d’un équipement que la maintenance
défaillance et du risque d’existence ou d’apparition ultérieure d’un
systématique traditionnelle. Cela étant, elle ne permet pas de
ou de plusieurs modes de défaillance ».
dimensionner avec certitude les politiques de maintenance : la
date d’occurrence de la défaillance reste incertaine. La mainte-
nance prévisionnelle vise à pallier ce manque de connaissance.
Elle est définie comme « une maintenance conditionnelle exécutée
en suivant les prévisions extrapolées de l’analyse et de l’évaluation
de paramètres significatifs de la dégradation du bien ». L’idée
sous-jacente est de projeter l’état actuel du bien dans le futur, afin
d’estimer le temps de fonctionnement avant la défaillance. La
maintenance prévisionnelle est ainsi plus dynamique. Elle prend
en compte les conditions actuelles des équipements et tente de tc RUL tdéf.
prévoir l’évolution dans le temps de l’état des biens. Les interven-
tions de maintenance étant planifiées avec davantage de précision,
la maintenance prévisionnelle doit permettre de faire des écono-
mies substantielles et fait l’objet d’une attention grandissante a
depuis quelques années. Les bénéfices attendus sont effecti-
vement nombreux : état à l'instant t

– réduction du nombre de pannes ;


– fiabilisation des productions ; E1 0,5
– amélioration de la sécurité du personnel et de l’image de
l’entreprise ;
E2 0,3
– réduction des périodes, coûteuses, d’immobilisation des
équipements ;
E3 0,2
– augmentation du rendement de l’entreprise. prob

La mise en œuvre d’une politique de maintenance prévisionnelle b


repose sur le déploiement d’un processus clé visant à déterminer
les états futurs du système surveillé : celui du pronostic industriel. Figure 2 – Pronostic comme : a) estimation du RUL,
La section suivante lui est consacrée. b) probabilités d’états

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MT9571

La maintenance préventive
Méthodes et technologies
1
par Gilles ZWINGELSTEIN
Ingénieur de l’École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informa-
tique, d’hydraulique et des télécommunications de Toulouse (ENSEEIHT)
Docteur-ingénieur, docteur ès sciences, professeur associé des universités en retraite,
université Paris-Est Créteil, France

1. Enjeux de la maintenance préventive................................................ MT 9 571 - 2


2. Rôle de la maintenance préventive en maintenance .................... — 3
2.1 Maintenance programmée......................................................................... — 3
2.2 Maintenance non programmée ................................................................. — 4
3. Techniques et technologies de la maintenance préventive ........ — 4
3.1 Le contexte de la maintenance préventive ............................................... — 4
3.2 Évolutions de la maintenance préventive................................................. — 5
3.3 Classification des techniques et technologies.......................................... — 6
3.4 Principe des contrôles non destructifs ...................................................... — 6
3.5 Principes des contrôles non destructifs pour des défauts surfaciques ....... — 8
3.6 Principes des contrôles non destructifs pour des défauts
volumétriques ............................................................................................. — 9
3.7 Méthodes complémentaires de maintenance conditionnelle ................. — 14
4. Traitements des informations en maintenance préventive ........ — 16
4.1 Caractéristiques des traitements ............................................................... — 16
4.2 Signaux monodimensionnels et traitements associés ............................ — 17
4.3 Signaux bidimensionnels et traitements associés................................... — 17
4.4 Détection, diagnostic et décision............................................................... — 17
5. Méthodes de la maintenance préventive prévisionnelle.............. — 17
6. Sélection des méthodes et stratégies de maintenance
préventive.................................................................................................. — 19
6.1 Critères de choix des méthodes et des intervalles entre tâches............. — 19
6.2 Stratégies d’implantation de la maintenance préventive........................ — 19
7. Maintenance préventive prévisionnelle de l’industrie 4.0 .......... — 20
7.1 Origine de l’industrie 4.0 ............................................................................ — 20
7.2 Maintenance prévisionnelle (prédictive) de l’industrie 4.0...................... — 22
8. Conclusion................................................................................................. — 23
9. Glossaire .................................................................................................... — 23
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. MT 9 571

our les responsables de l’exploitation d’installations industrielles complexes,


P l’apparition non programmée d’une défaillance d’un équipement implique
des conséquences sur la production, la sécurité des biens et des personnes et
sur l’environnement. Pour éviter cette situation, la mise en place d’une politique
de maintenance préventive présente une solution efficace pour surveiller la
dégradation des équipements et prendre les mesures adéquates pour éviter
l’occurrence de la défaillance. Cet article présente les objectifs de la maintenance
Parution : juillet 2019

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MT9571

LA MAINTENANCE PRÉVENTIVE _______________________________________________________________________________________________________

préventive dans le cadre du management de la maintenance, la normalisation en


vigueur, les méthodes et technologies et les modalités de mise en place des pro-
grammes de maintenance. La première section décrit les enjeux de la
maintenance préventive conformément aux normes EN NF 13306 et CEI 60050-
192. Les paramètres caractéristiques de la courbe de dégradation conduisant à la
défaillance font ensuite l’objet de descriptions détaillées car ils sont utilisés pour
établir une politique de surveillance des équipements. Dans ce but, les notions

1 de défaillance potentielle, d’intervalles P-F et de « Net P-F interval » sont intro-


duites. La seconde section récapitule les principales définitions relatives à la
maintenance et précise le rôle de la maintenance préventive. Conformément aux
normes en vigueur, les classifications arborescentes des types et activités de
maintenance sont également fournies. La troisième section est consacrée aux
techniques et technologies mises en œuvre dans le cadre d’un programme de
maintenance préventive. Une large place est consacrée aux essais non destruc-
tifs (END) et à leur mise en œuvre conformément aux recommandations de la
COFREND (Confédération française des essais non destructifs) qui est l’orga-
nisme officiel français de certification. Les END sont utilisés pour la détection et
localisation de défauts surfaciques et volumétriques. Elle offre un panorama des
autres méthodes de maintenance conditionnelle telles que l’analyse des lubri-
fiants, l’analyse vibratoire et celles dédiées aux équipements électriques. La
quatrième section est consacrée aux traitements des informations en mainte-
nance préventive qui sont indispensables pour la détection et le diagnostic de
défaillance et aux prises de décision. Compte tenu de la place grandissante prise
par la maintenance préventive prévisionnelle (appelée maintenance prédictive
par la grande majorité des entreprises spécialisées dans ce domaine), la cin-
quième section expose les principes de cette méthode qui vise à réaliser le
pronostic de l’instant de la défaillance par une surveillance appropriée des équi-
pements. La mise en place d’un programme de maintenance préventive
nécessite de définir la nature et la fréquence des tâches de maintenance. Pour
préciser ces éléments, la sixième section propose des critères de choix des
méthodes et de sélection des intervalles entre tâches. Elle expose également les
stratégies d’implantation de la maintenance préventive et en particulier celle de
la maintenance basée sur la fiabilité (MBF). La septième section présente les
concepts récents de la maintenance prévisionnelle (prédictive) pour l’industrie
4.0 qui utilise les systèmes cyber-physiques ou CPS (Cyber-Physical System en
anglais) pour la fabrication de biens. Cette maintenance utilise des équipements
de surveillance pour évaluer les performances d’un équipement en temps réel et
utilise l’Internet des objets industriels (IIoT). L’IIoT permet à différents équipe-
ments et systèmes de se connecter, de travailler ensemble et de partager,
d’analyser et de traiter des données. Elle bénéficie des derniers développements
de l’intelligence artificielle. La conclusion propose des recommandations pour
l’implantation des techniques classiques de maintenance préventive et ouvre les
perspectives nouvelles offertes par l’industrie 4.0, la PHM (Prognostics and
Health Management) et le RUL (Remaining Useful Life) pour la prédiction du
temps de vie résiduel.

1. Enjeux de la maintenance avec ses conséquences sur ses fonctions requises. Pour atteindre
cet objectif, la maintenance préventive a pour but d’apporter des
préventive solutions efficaces et justifiées économiquement pour suivre l’évo-
lution d’une dégradation. La norme NF EN 13306 définit la mainte-
nance préventive comme étant « une maintenance destinée à
La disponibilité opérationnelle d’un système industriel complexe évaluer et/ou atténue la dégradation et réduire la probabilité de
repose en grande partie sur la fiabilité des équipements élémen- défaillance d’un bien ». De nombreuses normes définissent la ter-
taires qui le constituent. Comme les équipements sont construits à minologie utilisée en maintenance dont la norme CEI 60050-192.
partir de matériaux de natures très diverses (métaux, composites, Dans cet article, la grande majorité des termes définis dans la
béton, céramiques…), ceux-ci subissent des dégradations de leurs norme NF EN 13306 seront utilisés. La figure 1 représente le
caractéristiques initiales induites par leurs conditions d’exploitation domaine d’action de la maintenance préventive avec les tâches
ou d’environnement. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des adaptées à la surveillance de la cinétique de la dégradation. Il est
outils efficaces pour détecter et suivre l’évolution au cours du important de souligner que la maintenance préventive s’applique à
temps de leur dégradation avant que la défaillance ne se produise des équipements qui sont en état de disponibilité contrairement à

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MT9571

_______________________________________________________________________________________________________ LA MAINTENANCE PRÉVENTIVE

pond à une défaillance potentielle définie dans la norme SAE


JA1102 par : une condition identifiable qui indique qu’une
défaillance fonctionnelle est sur le point de se produire ou est
en train de se produire. Ce terme a été introduit dans le cadre
du concept de la MBF (maintenance basée sur la fiabilité)
Courbe
de dégradation

1
DOMAINE D’ACTION
2. Rôle de la maintenance
Condition

DE LA MAINTENANCE
PRÉVENTIVE
Points
Défaillance
préventive en maintenance
de surveillance
Limite de fonctionnement
La maintenance préventive représente une composante importante
de la maintenance définie dans la norme NF EN 13306 par
Domaine de panne l’« ensemble de toutes les actions techniques, administratives et de
management durant le cycle de vie d’un bien, destinées à le mainte-
nir ou à le rétablir dans un état dans lequel il peut accomplir la fonc-
Temps tion requise ». Compte tenu de la grande diversité des termes utilisés
dans les actions de maintenance, la figure 3 présente une arbores-
cence qui fournit une typologie des différents termes utilisés en main-
Figure 1 – Domaine d’action de la maintenance préventive tenance. Des compléments d’informations sont fournis en [1] et [2].

la maintenance corrective qui s’applique lorsque l’équipement


tombe en panne à un instant non prévisible. C’est une maintenance 2.1 Maintenance programmée
qui est subie et est non programmable sauf cas particulier. Suivant
la norme NF EN 13306, la maintenance corrective est « exécutée La maintenance programmée est exécutée selon un planning préé-
après détection d’une panne et destinée à rétablir un bien dans un tabli ou selon un nombre défini d’unités d’usage. Cette maintenance
état dans lequel il peut accomplir une fonction requise ». programmée concerne la maintenance préventive et la maintenance
corrective. Le planning préétabli n’implique pas nécessairement des
Pour clarifier les notions de défaillance et de dégradation, sou- intervalles identiques entre les activités de maintenance.
vent sujettes à de nombreuses interprétations, la norme NF EN
13306 précise que la défaillance est la « perte de l’aptitude d’un
bien à accomplir une fonction requise et que la dégradation corres- 2.1.1 Maintenance systématique
pond à un changement néfaste de l’état physique, avec le temps,
l’utilisation ou en raison d’une cause externe et pouvant conduire La maintenance systématique est une maintenance préventive
à une défaillance ». Il est important de souligner que dans cette exécutée à intervalles de temps préétablis ou selon un nombre
définition de la défaillance, la notion de fonction lui est associée défini d’unités d’usage mais sans contrôle préalable de l’état du
étroitement. C’est la raison pour laquelle elle est aussi qualifiée de bien. Les intervalles de temps ou le nombre d’unités d’usage
défaillance fonctionnelle. La gravité des conséquences de la perte peuvent être établis d’après la connaissance des mécanismes de
de la fonction sera prise en considération ultérieurement dans cet défaillance du bien. Le changement d’un élément du système inter-
article pour définir les stratégies de sélection des tâches de main- vient à intervalles fixés sur le minimum de vie de cet élément donné
tenance préventive. L’évolution récente des stratégies de mainte- par l’expérience ou le constructeur. Un exemple de maintenance
nance telle que la maintenance basée sur la fiabilité (MBF) a systématique est le changement systématique de roulements, ceux-
conduit à définir d’autres termes relatifs aux défaillances et qui ci sont changés quel que soit leur état. Comme tout type de mainte-
sont l’objet des normes JA 1102 et NF EN 60300-3-11. nance préventive, la maintenance préventive systématique n’évite
pas, de façon certaine, les défaillances. Elle peut coûter cher car on
Sur la figure 2, à titre d’exemple, la condition d’un roulement remplace des éléments qui ne sont pas toujours à la fin de leur vie
est représentée au cours du temps pendant son cycle de vie. On potentielle. De plus, la fiabilité des systèmes se trouve parfois
suppose que la surveillance de la condition du roulement est réduite après remontage du fait d’erreurs humaines ou de fragilité
réalisée par des inspections tous les mois. Le point P corres- de jeunesse des nouveaux éléments. Dans les secteurs industriels
où les niveaux de risques font l’objet de réglementations (nucléaire,
aéronautique, ferroviaire…), la maintenance préventive systéma-
Intervalle
tique peut être une obligation pour certains équipements critiques.
d’inspection Intervalle P-F
9 mois
1 mois 2.1.2 Maintenance conditionnelle
« Net P-F interval »
8 mois La maintenance préventive conditionnelle inclut l’évaluation des
conditions physiques, l’analyse et les éventuelles actions de mainte-
P nance qui en découlent L’évaluation des conditions peut être effec-
Condition

Défaillance tuée par observation réalisée par l’opérateur et/ou inspection et/ou
potentielle essais et/ou surveillance de l’état des paramètres système, etc. et
menée selon un programme, sur demande ou en continu. La mainte-
nance conditionnelle implique l’observation et la détection de la
dégradation. Elle implique la mise en œuvre de nombreuses techno-
Défaillance F logies et de capteurs spécialisés. En général, la maintenance condi-
tionnelle est réservée aux matériels dont l’évolution d’éventuelles
Temps dégradations est facilement détectable et mesurable avec des cap-
teurs fiables. Le choix de ce type de maintenance résulte d’un com-
Figure 2 – Défaillance potentielle et intervalles P-F et « Net P-F » promis financier et technique et est souvent réservé au cas où les
conséquences des défaillances sont considérées comme critiques.

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LA MAINTENANCE PRÉVENTIVE _______________________________________________________________________________________________________

Maintenance

Programmée Non programmée

Maintenance Maintenance

1
Avant défaillance
Maintenance Maintenance ou non immédiatement Immédiatement
préventive préventive Maintenance après détection de la panne après détection
sans avec corrective
Préventive de la panne
observation observation
ou corrective

Maintenance
Maintenance Maintenance Maintenance Maintenance
corrective
systématique conditionnelle corrective différée opportuniste
d’urgence

Figure 3 – Maintenance programmée par rapport à la maintenance non programmée [NF EN 13306]

Les résultats de ces choix peuvent être évalués par le diagnostic de la 2.2.2 Maintenance opportuniste
maintenance à l’aide d’indicateurs de performances [MT9130v1].
Dans le monde anglo-saxon, elle possède plusieurs appellations : La maintenance opportuniste est une maintenance préventive
Condition-Based-Maintenance (CBM), On Condition (OC). Actuelle- ou maintenance corrective différée entreprise sans programma-
ment, avec les progrès réalisés en intelligence artificielle, couplée à tion au même moment que d’autres actions de maintenance ou
des bases de données (Cloud) et le « Data Mining », une nouvelle dis- d’événements particuliers pour réduire les coûts, l’indisponibilité,
cipline appelée CBM-PHM-RUL (Condition Based Maintenance, Pro- etc. Elle fait partie de la maintenance non programmée.
gnostics Health Management, Remaining Useful Life) est apparue La maintenance préventive active est la partie de la mainte-
pour la maintenance préventive [MT9570v1]. Elle est un des piliers de nance préventive pendant laquelle des actions sont entreprises
la maintenance de l’industrie 4.0. Cette génération 4.0 est fondée sur pour restaurer directement un bien suite aux dégradations obser-
l’usine intelligente, qui se caractérise par une interconnexion des vées par surveillance en fonctionnement, inspection ou essai
machines et des systèmes au sein des sites de production industrielle.

2.2.3 Maintenance préventive exceptionnelle


2.1.3 Maintenance prévisionnelle
La maintenance préventive exceptionnelle est peu fréquente car
La maintenance prévisionnelle est une maintenance condition-
elle a un impact significatif en matière de coûts totaux du cycle de
nelle exécutée suite à une prévision obtenue grâce à une analyse
vie. Elle est mise en œuvre si les métriques de performances ne
répétée ou à des caractéristiques connues et à une évaluation des
sont pas conformes aux spécifications. La maintenance exception-
paramètres significatifs de la dégradation du bien.
nelle inclut les grandes actions de maintenance pouvant être iné-
Dans la majorité des publications internationales et dans les vitables et programmées, conduisant ainsi au développement de
offres commerciales des sociétés spécialisées, le terme mainte- stratégies alternatives (par exemple, allongement de la durée de
nance prévisionnelle est substitué par celui de maintenance pré- vie) ou inattendues, à la suite d’erreurs de conception, de fabrica-
dictive tion, d’installation, de fonctionnement ou de maintenance ou de
situations accidentelles (incendie, inondation, etc.).
2.1.4 Maintenance corrective différée
La maintenance corrective différée n’est pas exécutée immédia-
tement après la détection d’une panne, mais est retardée en
accord avec des règles de maintenance données. Elle concerne
3. Techniques
des matériels dont la réparation n’est pas vitale pour le fonction- et technologies
nement du système.
de la maintenance
2.2 Maintenance non programmée préventive
La maintenance non programmée suivant la norme CEI est une
maintenance corrective qui ne peut pas être différée. 3.1 Contexte de la maintenance
préventive
2.2.1 Maintenance corrective d’urgence
Les techniques et traitements des informations associées pour
La maintenance corrective d’urgence est exécutée sans délai détecter ou éviter une défaillance dans le cadre de la maintenance
après détection d’une panne afin d’éviter des conséquences inac- préventive dépendent très étroitement des trois catégories de main-
ceptables. tenance représentées sur la figure 4 : l’amélioration, la maintenance

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MT9571

_______________________________________________________________________________________________________ LA MAINTENANCE PRÉVENTIVE

Maintenance
Pas de changement
Changement des caractéristiques de
des caractéristiques de sûreté
sûreté de fonctionnement intrinsèques
de fonctionnement intrinsèques
Avant défaillance Après une panne

Amélioration
Maintenance
préventive
Maintenance
corrective
1
Pas d’observation Observation
Immédiate Différée
de la dégradation de la dégradation
Maintenance Maintenance Maintenance Maintenance
systématique conditionnelle corrective d’urgence corrective différée

Pronostic de l’évolution Pas de pronostic


de la défaillance de l’évolution de la défaillance

Maintenance Maintenance
prévisionnelle conditionnelle
non prévisionnelle

Non dégradé Dégradé Non dégradé

Pas d’action Maintenance Pas d’action


de maintenance préventive active de maintenance

Figure 4 – Types de maintenance [NF EN 13306]

préventive et la maintenance corrective. Cet article ne concernera • « On-Condition Task » : tâche de maintenance programmée
que les deux premières catégories : l’amélioration et la maintenance destinée à détecter une défaillance potentielle ; utilisée dans
préventive. La maintenance améliorative est l’ensemble de toutes le monde anglo-saxon elle correspond à une tache de mainte-
les actions techniques, administratives et de management, desti- nance conditionnelle applicable dans le cas où les intervalles
nées à améliorer la fiabilité et/ou la maintenabilité et/ou la sécurité P-F et « Net P-F interval », présentés sur la figure 2, peuvent
intrinsèques d’un bien, sans changer la fonction d’origine. Elle sera être clairement identifiés ;
décrite ultérieurement dans le cadre de la stratégie de maintenance • fonctionnement jusqu’à la défaillance : stratégie de mainte-
basée sur la fiabilité. Elle implique souvent des modifications de nance consistant à faire fonctionner sans maintenance
conception et/ou des procédures d’exploitation. Cette section sera jusqu’à la défaillance.
consacrée aux différents types de maintenance préventive avec
leurs activités spécifiques associées. Les activités relatives à la maintenance corrective ne font pas
l’objet de cet article.
La figure 5 présente l’arborescence des différentes activités de
maintenance qui mettent en œuvre des techniques et technologies
spécifiques à la maintenance préventive (en vert dans le 3.2 Évolutions de la maintenance
diagramme). Dans la terminologie définie par la norme NF EN 13306,
les activités les plus courantes font l’objet des définitions suivantes : préventive
• inspection : examen de conformité réalisé en mesurant, en Depuis plusieurs décennies, de nombreuses techniques utili-
observant ou en testant les caractéristiques significatives sées pour la maintenance conditionnelle se sont développées et
d’un bien ; utilisent les résultats de nouvelles découvertes scientifiques. Cette
• essai de conformité : essai destiné à montrer si une caracté- section présente les techniques les plus employées s’appliquant à
ristique ou une propriété d’un bien est conforme ou non aux la majorité des équipements industriels qui conduisent à des
exigences stipulées ; résultats fiables et à un bon compromis économique. Les tech-
niques incluent trois éléments essentiels : les capteurs, la chaîne
• essai de fonctionnement : actions menées après une action d’acquisition et le système de traitement des informations indis-
de maintenance pour vérifier que le bien est en mesure pensables pour établir la condition de l’équipement. Parmi tout
d’accomplir la fonction requise ; cet éventail de technologies, il est impératif de sélectionner celle
• surveillance en fonctionnement : activité, exécutée soit qui sera la plus utile et économiquement rentable. Dans la suite
manuellement, soit automatiquement, destinée à mesurer à de cet article, une section y sera consacrée plus en détail en se
intervalles prédéterminés les caractéristiques et les para- basant sur la méthode de maintenance basée sur la fiabilité (MBF)
mètres de l’état physique réel d’un bien. qui ne considère que les tâches efficaces, applicables et écono-
miques. Chaque technique est spécifique à un type d’équipement
D’autres activités non définies par les normes sont également donné afin de détecter et surveiller des conditions relatives à son
utilisées : état de santé. Certaines techniques sont applicables pendant le
• échange standard : il désigne le remplacement à l’identique fonctionnement de l’équipement tandis que d’autres requièrent
d’un bien déjà monté sur l’équipement industriel ; son arrêt. Elles procurent également des bénéfices économiques à

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LA MAINTENANCE PRÉVENTIVE _______________________________________________________________________________________________________

Activités
de maintenance
Avant détection de défaillance Après détection de la défaillance

1
Activité Activité
préventive corrective

Éviter les effets


Détecter une panne Détecter Diagnostiquer Réparer
d’une dégradation
potentielle une dégradation
ou d’une panne

Détection Diagnostic Remise en état Localisation Diagnostic Réparation


de pannes de la dégradation préventive de la panne de pannes dépannage

Pendant
Avant Pendant
Après le temps
une réparation le temps Conditionnelle Systématique
réparation de non
éventuelle de fonctionnement
fonctionnement

Essai Essai Surveillance Examen Action Remplacement Essai


de conformité de fonctionnement inspection Inspection conditionnelle programmé de fonctionnement
non intrusive interne active ajustement..

Figure 5 – Les activités en maintenance [NF EN 13306]

court et moyen terme. Les bénéfices à court terme concernent la matière. Ces signatures utilisent comme informations les rayon-
l’identification et les actions immédiates pour corriger de façon nements émis naturellement ou provoqués par des excitations
réactive les dégradations. La réduction des coûts d’exploitation externes. Les fréquences de ces rayonnements couvrent un spectre
s’avère substantielle si l’équipement est considéré comme critique extrêmement large (de quelques fractions d’hertz (infrasons) à 1025
et justifie ainsi les coûts des investissements dans les achats de hertz (radiographie). Ces techniques rentrent dans la catégorie
matériels de surveillance. Cependant, le bénéfice le plus important d’essais non destructifs END ou contrôles non destructifs (CND). En
concerne le long terme. En effet, le retour d’expérience peut général, un contrôle par END implique l’utilisation d’une source
conduire à des changements d’équipements ou à de nouvelles d’excitation qui atteint le défaut potentiel et qui est suivie d’une
procédures d’exploitation pour éliminer des erreurs de conception étape de révélation pour le diagnostic du défaut. La seconde
et/ou des procédures inadaptées. Il est aussi important de souli- famille regroupe toutes les autres technologies telles que les ana-
gner que chaque technique de maintenance conditionnelle pos- lyses vibratoire, chimiques de fluides, huile et gaz, d’analyse
sède des limites en termes de capacité de détection en dépit de visuelle telle que l’endoscopie, utilisation d’images et d’information
l’utilisation des avancées technologiques de pointe. Pour renfor- sensorielles. On notera cependant que certaines de ces technolo-
cer la fiabilité dans le diagnostic de la condition de l’équipement gies sont considérées par certains utilisateurs comme appartenant
et pallier les limites de certaines techniques, il est quelquefois à la première famille. Compte tenu du très grand nombre de tech-
nécessaire d’utiliser simultanément des techniques différentes et nologies disponibles actuellement, cet article ne décrira que suc-
d’entreprendre des corrélations entre les résultats obtenus. Néan- cinctement les principes et les domaines d’applications des
moins, dans des situations complexes à interpréter, l’appel à méthodes les plus répandues dans le monde industriel [BM6450v1]
l’expertise humaine est souvent indispensable pour la prise de [R1400v1].
décision.

3.4 Principe des contrôles


3.3 Classification des techniques non destructifs
et technologies
Les contrôles non destructifs (CND) appelés également essais non
La très grande diversité des matériaux constitutifs des équipe- destructifs (END) ou examens non destructifs sont un ensemble de
ments industriels a conduit les organismes de recherche et les méthodes permettant de caractériser l’état d’intégrité de structures
sociétés spécialisées en maintenance conditionnelle à exploiter ou de matériaux, sans les dégrader et à différents stades de leur
toutes les connaissances des mécanismes physiques de dégrada- cycle de vie (de leur fabrication, leur exploitation et leur mainte-
tion pour développer des techniques de plus en plus performantes. nance). Le CND a pour objectif de détecter des défauts mais aussi
Actuellement, on recense plusieurs dizaines de technologies sou- d’en définir la nature et les dimensions. Cet article ne traitant que de
vent spécifiques à la détection d’un phénomène particulier. On dis- la maintenance préventive ne concernera que les méthodes utili-
tingue actuellement deux catégories de techniques : la première sables pendant l’exploitation et la maintenance). Il ne concernera pas
famille utilise les signatures dues aux changements physiques de les essais non destructifs réalisés après défaillance des équipements.

MT 9 571 – 6 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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MT9572

La maintenance prédictive
intelligente pour l’industrie 4.0
par Gilles ZWINGELSTEIN
1
Ingénieur de l’École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique,
d’hydraulique et des télécommunications de Toulouse (ENSEEIHT), docteur-ingénieur,
docteur ès sciences, professeur associé des universités en retraite, université Paris-Est
Créteil, France

1. Enjeux de la maintenance prédictive intelligente


pour l’industrie 4.0 ................................................................................. MT 9 572 - 3
2. L’industrie 4.0 .......................................................................................... — 3
2.1 Les révolutions industrielles vers l’industrie 4.0............................................. — 3
2.2 L’industrie 4.0 pour les grandes et moyennes entreprises ........................... — 4
2.3 Architectures de l’industrie 4.0 et ses principales composantes.................. — 6
2.3.1 Architectures de l’industrie 4.0 ......................................................... — 6
2.3.2 Les principales composantes de l’industrie 4.0............................... — 7
3. Maintenance prédictive intelligente pour l’industrie 4.0 ............ — 13
3.1 Terminologie pour la maintenance prédictive intelligente
pour l’industrie 4.0 .............................................................................................. — 13
3.1.1 Défaillance .......................................................................................... — 14
3.1.2 Défaillance fonctionnelle ................................................................... — 14
3.1.3 Défaillance potentielle ....................................................................... — 14
3.1.4 Dégradation ........................................................................................ — 14
3.1.5 Intervalle P-F (P-F interval) ................................................................ — 15
3.1.6 Intervalle Net P-F (Net P-F interval) .................................................. — 15
3.1.7 Diagnostic ........................................................................................... — 15
3.1.8 Diagnostic de pannes ........................................................................ — 15
3.1.9 Pronostic ............................................................................................. — 15
3.2 Évolution de la maintenance prédictive intelligente ...................................... — 18
3.3 Liens avec la CBM et la PHM............................................................................. — 19
4. Méthodes et outils de la maintenance prédictive intelligente... — 20
4.1 Panorama des méthodes d’estimation du RUL.............................................. — 20
4.1.1 Modèles fondés sur les lois physiques ............................................ — 21
4.1.2 Modèles fondés sur les données ...................................................... — 21
4.1.3 Méthodes fondées sur l’expérimentation ........................................ — 25
4.1.4 Méthodes hybrides ............................................................................ — 25
4.2 Sélection des stratégies de maintenance ........................................................ — 26
5. Exemple d’application de la maintenance prédictive 4.0
à une flotte d’ascenseurs...................................................................... — 27
6. Exemples de plateformes IoT pour la maintenance prédictive .... — 27
7. Point de vue des industriels sur les avantages
et inconvénients de la maintenance prédictive 4.0 ...................... — 28
8. Conclusion................................................................................................. — 29
9. Glossaire .................................................................................................... — 29
Pour en savoir plus ..........................................................................................  Doc. MT 9 572

a prédiction d’une panne sur un équipement est une préoccupation majeure


L des responsables de la maintenance pour définir les stratégies les plus perti-
Parution : octobre 2019

nentes aux plans techniques et économiques. La diffusion des nouvelles


technologies numériques utilisant des objets connectés, l’Internet des objets, le

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55
Référence Internet
MT9572

LA MAINTENANCE PRÉDICTIVE INTELLIGENTE POUR L’INDUSTRIE 4.0 _________________________________________________________________________

cloud, le big data, l’intelligence artificielle et la science des données ont conduit au
développement d’un nouveau concept de maintenance mondialement connue
sous l’appellation de maintenance prédictive intelligente pour l’industrie 4.0. Cet
article présente ses enjeux, ses origines, ses objectifs, ses méthodes et ses outils
en y soulignant ses avantages et ses limitations. La première section décrit les
enjeux de la maintenance prédictive intelligente pour l’industrie 4.0 qui peuvent
être considérés comme des extensions de ceux de la maintenance prévisionnelle

1 classique dans la mesure où la prédiction de la défaillance met en œuvre les com-


posantes de l’industrie 4.0. La définition de l’industrie 4.0 connue également sous
les noms de l’industrie du futur ou de « smart factory » est proposée dans la deu-
xième section. Elle fournit également une description des révolutions industrielles
ayant conduit à ce qui correspond à l’industrie 4.0. Elle présente aussi un état des
lieux de l’industrie 4.0 pour les grandes et moyennes entreprises en y décrivant les
initiatives allemandes, françaises, américaines et chinoises pour soutenir leurs
secteurs industriels. Compte tenu du fait que les concepts de l’industrie 4.0 varient
suivant les domaines d’application, un exemple générique d’architecture avec ses
composantes essentielles est proposé. La troisième section présente la termino-
logie indispensable à maîtriser pour développer un programme de maintenance
prédictive. Parmi les définitions importantes figurent le RUL (Remaining Useful
Life) ou DVUR (durée de vie utile restante) et le DEFAD (durée estimée de fonction-
nement avant défaillance). Elle insiste en particulier sur la définition de pronostic
et de ses métriques qui sont indispensables pour évaluer la confiance dans la pré-
diction de la défaillance. Les liens avec les contenus de CBM (Condition Based
monitoring) et la PHM (Prognostics and Health Management) qui utilisent les
mêmes outils que la maintenance prédictive intelligente font également l’objet
d’une description succincte.
De nombreuses initiatives pour développer cette stratégie innovante de mainte-
nance ont vu le jour, cette section conclut donc sur un panorama de l’évolution
de ce concept. Compte tenu du fait que plusieurs centaines d’outils ont été déve-
loppés depuis plusieurs décennies grâce aux apports de l’intelligence artificielle,
des techniques d’apprentissage et des nouvelles techniques de stockage et traite-
ment de données (data mining, big data, cloud computing, deep learning,
machine learning…), la quatrième section est dédiée à la présentation succincte
et évidemment non exhaustive de ces principaux outils. La maintenance prédic-
tive intelligente de l’industrie 4.0 conduisant à une optimisation technico-
économique, les principaux algorithmes d’optimisation fondés sur l’intelligence
distribuée (Swarm intelligence) feront l’objet d’une description succincte (algo-
rithmes génétiques, colonies de fourmis et d’abeilles). La cinquième section
présentera un exemple d’application de la maintenance prédictive intelligente
développé par les constructeurs d’ascenseurs gérant un parc de plusieurs mil-
lions d’ascenseurs pour prédire les défaillances en les équipant de plusieurs
centaines de capteurs connectés. Pour faciliter le développement de la mainte-
nance prédictive intelligente, de nombreuses sociétés de services proposent des
plateformes IIoT qui permettent d’établir ce type de maintenance. La sixième
section offre un panorama non exhaustif de l’offre qui est offerte aux entreprises
industrielles par les grandes sociétés de services (IBM, Amazon, Huawei, Sie-
mens…) et détaille leurs principales caractéristiques. La septième section
présente, sur la base d’enquêtes réalisées auprès des industriels, leurs points de
vue sur la maintenance prédictive intelligente. Ils mettent en exergue les facteurs
qui freinent son adoption : le coût des technologies, le manque de compétences
en data science et la réticence au changement. La conclusion insiste sur la néces-
sité d’une parfaite maîtrise des méthodes innovantes offertes par les techniques
numériques pour réaliser la prédiction des défaillances. Elle souligne que le
niveau de confiance de la prédiction dépend de façon prépondérante du volume
de données relatives à une même défaillance, sans oublier une connaissance
approfondie des mécanismes physiques de dégradation. Ce sont actuellement les
facteurs essentiels qui conditionnent un retour d’investissement satisfaisant pour
les utilisateurs potentiels. Le retour d’expérience des expérimentations des plate-
formes pilotes de l’industrie du futur permettra d’explorer de nouvelles voies
pour solutionner ce problème majeur.

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MT9572

_________________________________________________________________________ LA MAINTENANCE PRÉDICTIVE INTELLIGENTE POUR L’INDUSTRIE 4.0

1. Enjeux de la maintenance 2. L’industrie 4.0


prédictive intelligente L’expression Industrie 4.0 trouve, en France et à l’étranger, de
pour l’industrie 4.0 nombreux synonymes : smart factory, « usine du futur », usine
connectée, etc. et ne possède pas de définition universelle. Une
étude réalisée par l’association allemande des entreprises digi-
Depuis plusieurs décennies et en raison de la concurrence et de tales Bitkom en 2014 relève ainsi, dans son document de présen-
la course à la compétitivité, l’industrie s’adapte de façon perma-
nente aux nouvelles technologies et techniques qui lui permettent
d’automatiser et d’optimiser de manière entièrement nouvelle les
tation de l’Industrie 4.0 [2], pas moins de 104 définitions,
caractérisations et descriptions différentes de ce concept.
Chaque pays, chaque acteur, insiste sur des priorités diffé-
1
procédés de fabrication et de production. Grâce à celles-ci, de
rentes. Ce foisonnement induit un certain flou autour de cette
nombreuses opportunités d’innovation et de développement leur
notion, que chaque acteur précise en fonction de ses enjeux. Le
sont alors offertes et permettent de tirer vers le haut leur produc-
dénominateur commun à ces définitions repose sur la transforma-
tivité dans la course à la compétitivité mondiale. Depuis moins de
tion digitale de l’outil industriel et elle se caractérise par l’inté-
deux décennies, on observe une grande révolution dans les sec-
gration des technologies numériques dans les processus de
teurs de la fabrication et de la production appelée Industrie 4.0.
fabrication. L’industrie 4.0 correspond à ce qui est qualifiée par la
L’industrie 4.0, aussi baptisée « usine du futur » ou « smart fac-
majorité des acteurs industriels de quatrième révolution indus-
tory », désigne un ensemble d’innovations technologiques qui
trielle dont la première révolution remonte à la fin du dix-huitième
modernisent les équipements de production. Elle se caractérise
siècle.
par une automatisation intelligente des procédés mécaniques et
logiciels, rendue possible par la transformation numérique (big
data, cloud computing, capteurs connectés intelligents, Internet
des objets, l’intelligence artificielle, la réalité, etc.). Le concept de 2.1 Les révolutions industrielles
l’industrie 4.0 bouleverse en particulier l’entreprise manufactu- vers l’industrie 4.0
rière en transformant les systèmes, la maintenance et les
machines. Les technologies et techniques de l’industrie 4.0 per- ■ La première véritable révolution industrielle a vu le jour vers la
mettent également d’apporter une évolution significative de la fin du XVIIIe siècle et correspond à l’industrie 1.0. Elle s’est déve-
maintenance. Même si la maintenance corrective demeure tou- loppée notamment grâce à l’invention de la machine à vapeur
jours inévitable en raison du caractère aléatoire de l’occurrence (brevet déposé en 1784 par James Watt) qui utilisait comme
des pannes, la priorité est aujourd’hui donnée à ce qui est appelée source d’énergie primaire le charbon en substituant peu à peu
dans l’industrie 4.0 la maintenance prédictive intelligente. Bien l’énergie de l’eau dans les machines hydrauliques. Puis très rapi-
que ce terme ne fasse pas l’objet d’une normalisation internatio- dement dans les industries manufacturières (textile, métallurgie)
nale, il est devenu un terme consacré par les acteurs de l’industrie où l’on installe de puissantes machines et préfigure le début du
4.0. Il est important de souligner que le terme de maintenance machinisme. L’énergie produite par le charbon a rapidement été
prédictive correspond à la traduction anglo-saxonne de la mainte- utilisée dans les transports ferroviaires et maritimes. Cette révo-
nance prévisionnelle au sens de la norme NF EN 13306. L’appella- lution a contribué à modifier le paysage et entraîné une forte pol-
tion de maintenance prédictive intelligente provient du fait qu’elle lution de l’air par les fumées produites par la combustion du
fait appel aux techniques d’intelligence artificielle et au big data charbon.
utilisées dans l’industrie 4.0. Ce type de maintenance prédictive
intelligente est implanté d’ores et déjà dans plusieurs grands ■ La deuxième révolution industrielle concerne, pour la majorité
groupes industriels et fait l’objet de nombreuses expérimentations des historiens, la période comprise entre 1870 et 1914. Caractéri-
ponctuelles. Suivant une enquête réalisée fin 2018 par l’Usine sée par de nombreuses inventions fondamentales telles que l’élec-
Nouvelle [1] auprès de 220 responsables de maintenance, l’adop- tricité (Thomas Edison), le moteur à explosion (Otto, Daimler et
tion de la maintenance prédictive est plus lente, car elle requiert Benz), la production d’acier (Bessemer)… Dans l’industrie 2.0, les
des compétences en numérique, notamment des spécialistes de la industries de production utilisent de plus en plus l’électricité au
donnée et ils sont 83 % à affirmer que leurs techniciens de main- détriment de la vapeur avec les moteurs électriques. C’est à cette
tenance sont décisionnaires ou donnent au moins leur avis sur la époque que les chaînes de montage ont vu le jour pour des pro-
digitalisation. ductions de masse fondées sur une méthode de division du travail
développée par l’américain Frederick Winslow Taylor. Cette
L’analyse des différentes applications au niveau mondial de la méthode de travail appelée « taylorisme » a pour but d’augmenter
maintenance prédictive intelligente de l’industrie 4.0 montre que la productivité. Elle a été appliquée par Henri Ford en 1909 pour la
ses domaines d’applications peuvent se ranger en deux catégo- fabrication de la Ford T. À la fin du XIXe siècle, le pétrole, l’or noir,
ries : le domaine de la fabrication de biens dans des usines robo- donne naissance à de nouvelles branches industrielles dans les
tisées comme par exemple dans l’industrie automobile et celui de secteurs de l’énergie et de la chimie.
la maintenance d’un parc d’équipements identiques répartis dans
des lieux différents (parc d’ascenseurs, d’éoliennes ou de réac- ■ La troisième révolution industrielle représente une transition entre
teurs d’avions identiques). Il est important de préciser que l’objec- l’évolution de la productivité d’Henri Ford et la première ère informa-
tif principal de la maintenance prédictive intelligente pour tique apparue dans les années 1970 où les premiers ordinateurs ont
l’industrie 4.0 est de réaliser une estimation de la prédiction du fait leur apparition. La troisième révolution industrielle est caractéri-
temps d’occurrence de la défaillance pour pouvoir entreprendre sée par la montée en puissance des ordinateurs, le développement
les actions appropriées de maintenance. de l’informatique industrielle avec les automates programmables et
la supervision, l’utilisation de plus en plus massive des réseaux infor-
La mise en œuvre de ce concept de maintenance prédictive matiques, l’utilisation croissante de la robotique dans les chaînes de
intelligente pour l’industrie 4.0 implique la maîtrise d’une part des fabrication, de la connectivité et bien évidemment des premières uti-
caractéristiques spécifiques de l’industrie 4.0 et d’autre part des lisations de l’Internet (créé en 1969 par le département de la défense
technologies et techniques indispensables de la maintenance pré- américaine – DOD). Elle a introduit davantage de systèmes automati-
dictive intelligente. Dans cet objectif, les sections suivantes décri- sés sur les chaînes de montage pour effectuer des tâches manuelles.
ront les caractéristiques de l’industrie 4.0 et les éléments Il est important cependant de souligner l’importance de l’intervention
indispensables pour élaborer un programme de maintenance pré- humaine dans les systèmes automatisés. L’émergence de ces nou-
dictive intelligente. velles technologies a entraîné une augmentation significative de la

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LA MAINTENANCE PRÉDICTIVE INTELLIGENTE POUR L’INDUSTRIE 4.0 _________________________________________________________________________

1
INDUSTRIE 4.0
Production automatisée avec
des systèmes cyber-physiques
CPS (Cyber Physical Systems)
utilisant :
INDUSTRIE 3.0
• L’internet des objets industriels
Utilisation de (IIOT)
• Calculateurs • Les capteurs connectés
INDUSTRIE 2.0 • Automates programmables • Les réseaux de communication
INDUSTRIE 1.0
• Réseaux locaux • Le Big Data
Machines à vapeur Utilisation généralisée de (WAN, LAN, MAN,…) • Le Cloud
(brevet de Watt 1782) l’électricité • Robots • L’intelligence artificielle
Machines hydrauliques Lignes d’assemblage • Début de l’internet • La simulation
Trains à vapeur (ex : Ford) • Chaînes de montage • La réalité virtuelle
Mécanisation des industries Production en série automatisées • Jumeaux numériques
manufacturières
• Etc.
XVIIIe siècle XIXe siècle Milieu du XXe siècle Depuis les années 2010

Figure 1 – Les évolutions industrielles

quantité d’éléments électroniques, informatiques et électriques rateurs supplémentaires, tels que la robotique coopérative, l’intel-
nécessaires à la fabrication de ces produits. C’est également sur cette ligence artificielle et les sciences cognitives, etc. Ces techniques
période que la maintenance préventive a vu le jour en lieu et place seront décrites plus en détail dans la suite de cet article en souli-
de l’entretien et de la réparation accompagnée de l’apparition de la gnant leurs rôles respectifs dans le cadre de la maintenance pré-
GMAO (gestion de la maintenance par ordinateur). La GMAO a tiré dictive intelligente. Cet ensemble de techniques et technologies
profit de l’utilisation des réseaux informatiques et des banques de permet à l’industrie 4.0 d’automatiser et d’optimiser de manière
données informatiques. entièrement nouvelle les procédés de fabrication, offrant ainsi de
nombreuses opportunités d’innovation et de développement. La
■ La quatrième révolution industrielle est une suite logique des figure 1 représente la chronologie de ces révolutions.
conséquences de l’introduction des ordinateurs et des technologies
développées lors de la troisième révolution. Elle repose sur le concept
de l’usine intelligente – ou industrie 4.0 – caractérisée par une inter- 2.2 L’industrie 4.0 pour les grandes
connectivité entre les machines et des systèmes dans les sites de pro-
duction. L’intelligence décentralisée aide à créer une intelligence mise et moyennes entreprises
en réseau d’objets et la gestion de processus indépendante avec
l’interaction des mondes réels et virtuels représentant un nouvel Suivant les projections réalisées par les sociétés Atos et Siemens au
aspect de la production de biens et de services et processus de pro- « digital-industry-summit » organisé en 2018 au Palais Brogniart sur
duction. Le concept d’industrie 4.0 a été présenté pour la première l’industrie 4.0 [3], en 2025, plus de 20 milliards d’appareils seront
fois lors la foire de Hanovre (Salon de la technologie industrielle) de connectés à l’Internet des objets (IoT) et les dépenses mondiales en
2011. L’objectif de cette quatrième révolution a été souligné pendant systèmes robotiques sont estimées à plus de 67 milliards de dollars.
la séance d’ouverture de la chancelière Angela Merkel ; elle indiquait Ceci signifie que le « smart data » et l’industrie du futur représentent
que : « L’Europe doit se rassembler et avancer vite, c’est la seule un enjeu de taille pour les entreprises si elles veulent rester compé-
façon de garder notre avance sur les Asiatiques » Ensuite un rapport titives. Depuis le lancement du concept « industrie 4.0 » par
décrivant l’industrie 4.0 a été publié en 2013 par le GTAI (Germany l’Allemagne en 2011, de nombreux pays industrialisés se sont dotés
Trade & Invest) qui est l’agence de développement économique de la de plans de financement publics pour aider les entreprises à réaliser
république fédérale allemande. Par la suite, ce concept a été repris au leur mutation vers l’industrie 4.0. Ces plans de financement ont pour
niveau mondial (USA, Chine, France, pays asiatiques, Inde). objectifs principaux de permettre aux établissements de taille intermé-
diaires (ETI) et aux petites et moyennes entreprises (PME) d’accéder à
La quatrième révolution industrielle est caractérisée par l’utilisa- ces nouvelles technologies car elles ont évidemment moins de
tion généralisée des environnements numériques et physiques moyens que les grosses entreprises. En France, en 2013, la « Nouvelle
appelés systèmes cyberphysiques (Cyber Physical Systems) dans France industrielle » a été lancée et comprenait 34 plans d’action de
le domaine de la fabrication. Elle réalise la convergence des tech- reconquête. En 2015, la seconde phase de la Nouvelle France Indus-
nologies de l’information, l’Internet des objets, le big data, le trielle a été lancée par les pouvoirs publics dans le cadre du projet
cloud, l’analytique des données (analytics), etc., avec des accélé- « industrie du futur ». Le projet repose sur 5 piliers et est articulé

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_________________________________________________________________________ LA MAINTENANCE PRÉDICTIVE INTELLIGENTE POUR L’INDUSTRIE 4.0

ETI/PME

Plateformes
1
Plateformes
4.0 Réseau de 4.0
plateformes
ETI/PME 4.0 ETI/PME

Startups Startups
Grandes
entreprises

Grandes Grandes
Plateformes Plateformes
entreprises entreprises
4.0 4.0

Grandes
entreprises

Startups Startups

ETI/PME ETI/PME

Plateformes Plateformes
4.0 4.0

ETI/PME

Figure 2 – Relation entre grandes entreprises, PME, ETI et Startups

autour de 9 solutions industrielles correspondant à de grands mar- des grandes entreprises et des start-up dans leur contribution au
chés. Parmi ces 5 piliers figurent le développement de l’offre technolo- développement des plateformes pilotes où les PME et ETI peuvent
gique pour l’Industrie du Futur et l’accompagnement des entreprises expérimenter en grandeur réelle leurs projets. D’ores et déjà plusieurs
vers l’Industrie du Futur. Les détails sont fournis dans le dossier de plateformes ont vu le jour en France. En 2016, le Factory Lab de
presse « Réunir la Nouvelle France industrielle de 2015 » [4]. Saclay [5] a été inauguré. Il regroupe le CEA list, le Cetim, les Arts et
Depuis 2013 environ 5 milliards d’euros de financement public sont Métiers et des grands groupes industriels (groupe PSA, Safran,
consacrés à ce projet. Le projet se donne pour objectif de coordonner DCNS, Dassault Systèmes, Actemium). Les PME et TPE font pleine-
les briques technologiques existantes et de développer celles qui ment partie de la plateforme et sont intégrées aux projets et à la gou-
manquent grâce à des projets de R&D financés par l’État. Il prévoit vernance. Également inauguré en 2016 à Saclay, l’« Innovation center
d’autre part la mise en place de lignes de production pilote dans des for operations » du Boston Consulting Group (BCG) [6] qui a installé
entreprises emblématiques. Pour le déploiement national des techno- une usine pionnière comprenant deux lignes de fabrication automati-
logies et méthodes d’excellence de ces lignes pilotes, le cœur du plan sées (scooters et bonbons). Elle permet également aux PME et TPE
consiste en un programme d’accompagnement méthodologique et d’expérimenter des projets dans les domaines de l’impression 3D, big
financier des PME et ETI sous le co-pilotage des Régions. Concrète- data, Internet industriel, robots collaboratifs, maintenance prédictive
ment en 2015, l’Alliance Industrie du Futur (AIF) a été officiellement des machines. De nombreuses plateformes sont réparties sur le terri-
créée. Elle est fondée autour d’un noyau dur d’acteurs de l’industrie et toire national : les plateformes « Mécatronique pour l’Amélioration
du numérique représentant plus de 33 000 entreprises et 1,1 million des Produits et des Procédés » (MAPP) et la « Future of Factory
d’emplois. L’AIF organise et coordonne, au niveau national, les initia- Lorraine (FFLOR) » dans le Grand Est [7]. L’analyse de la situation
tives, projets et travaux tendant à moderniser et à transformer l’indus- actuelle de l’industrie 4.0 montre que la majorité des grandes entre-
trie en France. Parmi ces actions, elle a pour mission de promouvoir prises industrielles françaises se sont dotées des compétences pour
le développement de plateformes et la mise en réseau avec les PME- entreprendre leurs mutations vers l’industrie 4.0 (automobile, énergie,
ETI. L’AIF a pour mission également d’attribuer le label « Vitrines aéronautique, transports). Avec l’aide des pouvoirs public dans le
Industrie du Futur » aux entreprises innovantes. La figure 2 schéma- cadre du projet Industrie du Futur, elles participent dans leur cadre de
tise l’esprit qui sous-tend le projet industrie du futur. Elle décrit le rôle partenariat aux développements des plateformes pilotes. De cette

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LA MAINTENANCE PRÉDICTIVE INTELLIGENTE POUR L’INDUSTRIE 4.0 _________________________________________________________________________

manière, les PME et ETI peuvent expérimenter dans ces plateformes 4.0, par conséquent les architectures associées et leurs compo-
la validité et la viabilité de leurs projets innovants en bénéficiant éga- santes différent suivant les secteurs industriels.
lement du soutien des start-up spécialisées dans les technologies et
Initialement, les architectures ont été conçues pour les industries
techniques de l’industrie 4.0.
manufacturières où la place des robots y joue un rôle prépondé-
Des concepts et projets semblables ont vu le jour dans de rant (automobile, électronique, mécanique, produits pharmaceu-
nombreux pays. Les États-Unis ont lancé en 2011, l’« Advanced tiques et produits alimentaires de grande consommation, etc.). Ces
Manufacturing Partnership – AMP » [8], un effort national rassem- architectures ont ensuite été adaptées à d’autres domaines pour la
mise en œuvre de la digitalisation de la production et de la mainte-

1
blant l’industrie, les universités et le gouvernement fédéral avec
pour ambition d’investir dans les technologies émergentes dans le nance de parcs d’équipements identiques localisés dans des sites
secteur manufacturier pour renforcer la compétitivité de l’industrie géographiquement éloignés (éoliennes, ascenseurs, avions, etc.)
américaine. Complété en 2013, l’AMP vise notamment à établir un Cette section décrit de façon succincte les principales composantes
réseau national d’instituts d’innovation dans le secteur manufactu- des différentes architectures en soulignant celles qui sont utilisées
rier et à établir des partenariats public-privé visant à créer des plate- dans le cadre de la maintenance prédictive intelligente de l’indus-
formes industrielles de haute technologie mutualisées. La Chine a trie 4.0, objet de cet article. De très nombreux ouvrages et publica-
répondu en 2015 au concept allemand Industrie 4.0 avec son plan tions sont dédiés à l’industrie 4.0 dans lesquels le lecteur trouvera
« Made in China 2025 » [9]. Celui-ci a pour objectifs de promouvoir plus d’informations [10] [11] [12] [13] [14]. Compte tenu du fait que
le lien entre les technologies de l’information et le secteur industriel, les termes employés pour décrire les éléments des architectures
d’utiliser des technologies intelligentes, d’améliorer la capacité de sont d’origine anglo-saxonne, ces termes seront utilisés dans cet
l’industrie à innover, de promouvoir une fabrication respectueuse de article et une traduction française sera également fournie.
l’environnement et d’optimiser leurs chaînes de production.
2.3.1 Architectures de l’industrie 4.0

2.3 Architectures de l’industrie 4.0 Les architectures de l’industrie 4.0 varient considérablement en
fonction des secteurs industriels et à ce jour il n’existe pas de
et ses principales composantes normalisation disponible. Chaque secteur d’activité et les entre-
prises spécialisées dans les offres de logiciels proposent des
Comme cela a été souligné dans la section précédente, il existe architectures adaptées à leurs besoins. La figure 3 représente un
de très nombreuses interprétations de la définition de l’industrie exemple d’architecture adaptée à l’industrie manufacturière robo-

INTERNET INDUSTRIEL DES OBJETS


INDUSTRIAL INTERNET OF THINGS
IIOT
INTÉGRATION
DES SYSTÈMES
BIG DATA

RÉALITÉ VIRTUELLE CLOUD COMPUTING


ET AUGMENTÉE

INDUSTRIE 4.0

CONCEPTION 3D CYBERSÉCURITÉ

ROBOTS SIMULATION

Figure 3 – Exemple d’architecture pour l’industrie manufacturière robotisée

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CONSTRUCTEUR DE PRESSE
EXPERTS SCIENTIFIQUES

DATA CENTER SURVEILLANCE

CLOUD

INDUSTRIE 4.0

PRESSE E
PRESSE B
PRESSE D
PRESSE A
PRESSE C

USINE A
USINE B

Figure 4 – Architecture utilisée pour la mutualisation des connaissances

tisée. Les éléments de cette architecture seront explicités dans la balises RFID – Identification par fréquence radio). Actuellement, de
suite de cette section. La figure 4 représente une architecture uti- plus en plus de constructeurs d’équipements industriels proposent
lisée pour mutualiser les connaissances entre le constructeur et des équipements connectés pour l’industrie 4.0. La figure 5 repré-
les utilisateurs qui exploitent un matériel identique. Dans cet sente une pompe industrielle connectée par un système radio. Dans
exemple, il s’agit de presses de formage réparties sur plusieurs cet exemple, les données sont transférées directement vers le cloud
sites industriels. du constructeur via une passerelle pour traitement de données.
Ensuite, les techniciens de maintenance, à l’aide d’une application dis-
ponible sur portable, tablette ou PC, peuvent à tout moment et où
2.3.2 Principales composantes de l’industrie 4.0 qu’ils soient, consulter les caractéristiques de fonctionnement de
toutes les pompes sous surveillance, sans devoir être présent sur site.
La mise en œuvre de la maintenance prédictive intelligente de
l’industrie 4.0 fait appel aux concepts et technologies propres à Ces objets industriels connectés sont des éléments essentiels
l’industrie 4.0. Cette section présente de façon succincte les princi- de l’industrie 4.0 mais représentent des investissements onéreux.
pales composantes de l’industrie 4.0.
2.3.2.2 L’IoT et l’IIoT
2.3.2.1 Objets connectés
■ L’IoT est le raccourci utilisé pour désigner « l’Internet of Things »
Les objets connectés captent, stockent, traitent et transmettent des ou en français « l’Internet des objets connectés ». La recommanda-
données. Ils peuvent recevoir et donner des instructions et ont ainsi la tion de l’Union internationale des communications UIT-T Y.2060 pré-
capacité à se connecter à un réseau d’information [fiche pratique cise le concept et la portée de l’IoT. Elle définit l’Internet des objets
Réf : 1509] Dans la suite de cet article, les objets connectés représen- (IoT) comme « une infrastructure mondiale pour la société de l’infor-
teront majoritairement les équipements industriels dotés de disposi- mation, qui permet de disposer de services évolués en interconnec-
tifs spécialisés pour les rendre communicants (par exemple avec des tant des objets (physiques ou virtuels) grâce aux technologies de

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1

62
Mise en œuvre de la maintenance
(Réf. Internet 42136)

1– Techniques de maintenance 2
2– Applications Réf. Internet page

Maintenance des turbines à vapeur BM4186 65

Maintenance des centrales nucléaires. Composants de la chaudière BN3296 67

Maintenance des centrales nucléaires. Composants non nucléaires, matériels BN3297 73


génériques et contrôle-commande
Maintenance des machines et des moteurs BM4188 79

Maintenance des centrales nucléaires. Dispositions générales, les hommes, les BN3295 83
organisations
Installations électriques BT. Vérifications et entretien D5048 89

Compatibilité électromagnétique en phase de maintenance E1328 93

Systèmes de surveillance de défauts pour l'aide à la maintenance prédictive de parcs MT9286 97


de turbines éoliennes
Règlements et normes à usage de la maintenance tertiaire. Patrimoines immobiliers MT9290 101

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63
2

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Référence Internet
BM4186

Maintenance des turbines à vapeur

par Henri-Pierre RAMELLA


Ingénieur, EDF

2
1. Objectifs de la maintenance ................................................................. BM 4 186 - 2
1.1 Prévention des accidents majeurs ............................................................. — 2
1.2 Limitation des indisponibilités fortuites .................................................... — 2
2. Exploitation ............................................................................................... — 2
2.1 Surveillance.................................................................................................. — 2
2.2 Essais et analyses périodiques................................................................... — 3
2.3 Maintenance préventive ............................................................................. — 3
3. Composants de la turbine ..................................................................... — 3
3.1 Parties mobiles (ou rotors) ......................................................................... — 3
3.2 Organes d’admission vapeur...................................................................... — 5
3.3 Clapets de soutirage.................................................................................... — 5
3.4 Paliers et butée de la ligne d’arbres........................................................... — 5
3.5 Parties fixes .................................................................................................. — 6
4. Conservation à l’arrêt ............................................................................. — 6
5. Conclusion ................................................................................................. — 6

L a turbine à vapeur est un des matériels stratégiques des installations de pro-


duction d’énergie électrique. Son indisponibilité entraîne la perte de la pro-
duction d’énergie, contrairement à d’autres matériels (pompes alimentaires,
pompes de circulation assistée, ventilateurs...) dont la redondance permet de
poursuivre l’exploitation des installations soit à pleine charge, soit éventuelle-
ment à charge partielle.
Par ailleurs, la turbine peut être le siège d’incidents graves, qualifiés d’acci-
dents majeurs, caractérisés par la destruction de la machine, voire l’émission de
projectiles des parties tournantes. Ces accidents, heureusement rares, présen-
tent des risques notables pour la sécurité des personnes et l’intégrité des instal-
lations.
La maintenance des turbines à vapeur revêt un caractère important qui vise les
deux objectifs suivants :
— la prévention des accidents majeurs. Il s’agit d’assurer la sécurité des per-
sonnes et des biens en prenant les dispositions pour éviter l’émission de projec-
tiles par les rotors ;
— la limitation des indisponibilités fortuites et de leurs conséquences écono-
miques.
Plus généralement, cette préoccupation d’éviter l’accident majeur est éga-
lement prise en compte dans la conduite des groupes turboalternateurs par la
mise en œuvre de moyens de surveillance et la réalisation d’essais périodiques
des systèmes de sécurité.
Parution : janvier 2002

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique BM 4 186 − 1

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Référence Internet
BM4186

MAINTENANCE DES TURBINES À VAPEUR __________________________________________________________________________________________________

1. Objectifs Ces considérations ont amené un développement particulier de la


maintenance préventive et de la surveillance dans ces domaines.
de la maintenance
2. Exploitation
1.1 Prévention des accidents majeurs
Les turbines à vapeur peuvent être classées en deux grandes caté-
L’énergie emmagasinée dans les rotors est à l’origine des consé- gories suivant qu’elles sont situées sur un cycle thermodynamique
quences potentiellement graves des accidents majeurs de turbines de type classique [B 1 250] ou nucléaire basse température (réacteur
de grande puissance (figure 1). Les précautions prises au stade de la à eau pressurisée [B 3 312] ou réacteur à eau bouillante). Les carac-

2
conception, de la fabrication, de la conduite et de la maintenance téristiques des cycles entraînent des différences d’une part dans la
des turbines visent à maintenir la probabilité d’apparition d’un acci- conception des machines, d’autre part sur les modes de dégradation
dent majeur à un niveau très faible (environ 10−4 par tranche et par et les actions de maintenance correspondantes.
an). Cependant, des destructions partielles ou totales de groupes
turboalternateurs se produisent parfois sur le parc mondial. ■ Le cycle classique se caractérise par une température élevée de la
vapeur qui nécessite que le concepteur et l’exploitant se préoccu-
Les accidents majeurs peuvent résulter de différentes causes. pent du phénomène de fluage des matériaux.
■ Éclatement brutal en survitesse de l’arbre d’un rotor sain : ce ■ Le cycle nucléaire basse température, qui se caractérise par une
mode de ruine est engendré, lors de l’emballement du groupe tur- température de vapeur plus faible, ne soumet pas les machines au
boalternateur, par les efforts centrifuges supérieurs à la limite de phénomène de fluage. Par contre, la détente de la vapeur, qui
résistance du matériau. s’effectue pour une grande partie dans le domaine humide, rend les
■ Fissuration transverse à l’axe d’un rotor sous l’effet de la fatigue machines sensibles aux phénomènes d’érosion et de corrosion sous
par flexion rotative. contrainte. En général, ces machines fonctionnent à mi-vitesse de
rotation des turbines des cycles classiques et leurs composants pré-
■ Rupture brutale de l’arbre d’un rotor en survitesse ou à vitesse sentent des dimensions plus importantes.
nominale. Ce mode de ruine, qui intervient à une vitesse inférieure
Cependant, à l’exception de quelques points spécifiques de sur-
à la survitesse d’éclatement du rotor sain, a pour origine la présence
veillance liés aux caractéristiques des cycles thermodynamiques, la
de défauts qui se développent :
maintenance des turbines à vapeur des cycles classiques et des
— sous l’action de la fatigue (en particulier lors des cycles démar- cycles nucléaires relève de la même philosophie.
rage-arrêt) ;
L’optimisation des coûts de maintenance s’appuie sur le retour
— sous l’effet de fatigue-fretting, fatigue-corrosion ;
d’expérience général du comportement des machines. Cette ana-
— sous l’effet de la corrosion sous contrainte ;
lyse conduit à l’établissement de spécifications d’exploitation dans
— sous l’effet du fluage pour les rotors « haute température ». les domaines de la surveillance, des essais et analyses périodiques,
Dans le cas de turbines ayant accumulé un grand nombre d’heu- et de la maintenance des turbines à vapeur.
res de fonctionnement, la nocivité de certains de ces phénomènes
est accrue par l’augmentation de la température de transition avec
le vieillissement du matériau en température qui conduit à des
tailles de défauts critiques inférieures. 2.1 Surveillance
Afin d’éviter l’apparition d’accidents majeurs, l’exploitant cherche
à limiter les risques d’emballement de la ligne d’arbres et à maîtriser
La surveillance en exploitation relève généralement de la
le développement des défauts pouvant affecter l’intégrité des
conduite des installations ; elle constitue la première action de
rotors. Il doit porter son attention en priorité sur :
maintenance. Elle revêt un caractère essentiel et permet de détecter,
— l’état et le fonctionnement des organes d’admission vapeur par l’évolution anormale d’un ou de plusieurs paramètres, une
(§ 3.2) ; défaillance potentielle qui pourrait compromettre à terme la dispo-
— l’état et le fonctionnement des clapets de soutirage (si la nibilité des machines.
machine est équipée de ces dispositifs) (§ 3.3) ;
Elle permet d’engager des actions d’analyse, de diagnostic et de
— le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité contre les
maintenance conditionnelle pertinentes. Les coûts de maintenance
survitesses ;
et les indisponibilités seront d’autant plus faibles que les spécifica-
— la recherche et la surveillance des défauts sur les rotors (§ 3.1).
tions auront été respectées et les anomalies détectées de façon pré-
coce.
La surveillance en exploitation s’exerce au travers de différentes
1.2 Limitation des indisponibilités actions.
fortuites
2.1.1 Ronde
En complément des actions destinées à éviter l’accident majeur,
des dispositions sont nécessaires pour limiter les indisponibilités Certaines anomalies de matériels peuvent se manifester par des
fortuites des turbines. Les défaillances correspondantes, si elles ne symptômes observables lors des rondes effectuées par l’exploitant
remettent pas en cause l’intégrité de la ligne d’arbres, entraînent sur les installations. Ces manifestations peuvent permettre de détec-
généralement des indisponibilités longues et des réparations lour- ter de façon précoce des maladies potentielles. Ce sont notamment :
des et onéreuses. Les analyses statistiques montrent que les princi- — l’apparition de fuites ;
pales causes d’indisponibilité concernent trois grands ensembles : — un niveau anormal de vibration ou de température à proximité
— les parties mobiles (rotors équipés de leurs ailettes) (§ 3.1) ; des machines ;
— les organes d’admission vapeur (§ 3.2) ; — l’évolution du niveau sonore ou l’apparition de bruits sus-
— les paliers et la butée de la ligne d’arbres (§ 3.4). pects.

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BM 4 186 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie mécanique

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BN3296

Maintenance des centrales


nucléaires
Composants de la chaudière
2
par Jean-Pierre HUTIN
Ancien directeur technique du Parc nucléaire, EDF

1. Fonctionnement général d’une tranche nucléaire ...................... BN 3 296 - 2


2. Cuve ......................................................................................................... — 2
3. Équipements internes de la cuve..................................................... — 5
4. Grappes de contrôle et leurs mécanismes de commande ........ — 7
5. Générateurs de vapeur (GV) .............................................................. — 9
6. Groupes motopompes primaires (GMPP) ...................................... — 15
7. Pressuriseur ........................................................................................... — 18
8. Circuit primaire principal (CPP) et ses tuyauteries .................... — 19
9. Bâtiment réacteur (BR)........................................................................ — 22
10. Conclusion.............................................................................................. — 24
11. Glossaire ................................................................................................. — 25
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. BN 3 296

ans le premier fascicule consacré à la maintenance des centrales


D nucléaires, nous avons rappelé les principes de conception et les modes
d’exploitation d’une tranche et nous avons décrit les dispositions générales
prises pour sa maintenance sous les aspects politiques, humains et organisa-
tionnels. Ce deuxième fascicule passe en revue les principaux composants de
la chaudière. Après un bref rappel des conditions de conception et de fabrica-
Parution : novembre 2017 - Dernière validation : avril 2021

tion, il expose, pour chacun d’eux, le retour d’expérience, les problèmes


rencontrés, les stratégies et programmes de maintenance mis en œuvre, les
perspectives sur leur espérance de vie.

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BN3296

MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES ___________________________________________________________________________________________

1. Fonctionnement général Adaptateur de traversée Couvercle

d’une tranche nucléaire Goujon et écrou Plaque support


des tubes-guides

Nous rappelons brièvement ici le fonctionnement général d’une


tranche nucléaire ; une explication plus complète et plus détaillée Tube-guide de grappe
figure dans la première partie [BN 3 295]. Plan de joint Colonne entretoise

Dans la chaudière, l’eau primaire s’échauffe en passant dans le Entrée eau Sortie eau
cœur (siège de la réaction nucléaire), va dans les générateurs de
vapeur (GV) où elle cède sa chaleur à l’eau du circuit secondaire
qui se vaporise, puis l’eau primaire retourne vers le cœur. La Enveloppe de cœur

2
vapeur ainsi produite fait tourner la turbine qui entraîne l’alterna- Plaque supérieure
teur, lequel produit l’électricité. Ramenée à l’état liquide dans le de cœur
condenseur par le circuit dit « de refroidissement », l’eau secon- Cloisonnement
daire est réchauffée (poste d’eau) et renvoyée vers les GV (figure 2
de la 1re partie [BN 3 295]). L’eau du circuit de refroidissement est Assemblage
Plaque inférieure
prise dans le milieu naturel : soit elle y est ensuite rejetée (tranche combustible
de cœur
en circuit ouvert), soit elle est refroidie dans un aéroréfrigérant et
réutilisée (tranche en circuit fermé).
Guide radial des internes
Nota : les tranches produisant 900 MWe et leurs composants sont, en abrégé,
appelés « tranche 900 » et « composant 900 ». Il en est de même pour les 1300 et les 1450
(ou N4). Plaque support de cœur Guide d’instrumentation

Pénétration de fond de cuve

2. Cuve Figure 1 – Vue en coupe d’une cuve (en bleu) avec ses équipements
internes inférieurs (en rouge) et supérieurs (en vert) dans la
configuration d’une chaudière 900

2.1 Conception et fabrication de la cuve


Le couvercle est également percé de trous dans lesquels sont
fixés des tubes en alliage de nickel (« adaptateurs ») constituant les
2.1.1 Description et fabrication « traversées » qui permettent le passage des tiges de commande
des grappes de contrôle (§ 4). Chaque traversée est prolongée par
La cuve est le composant qui contient le cœur du réacteur (les un carter abritant la partie supérieure de la tige et son mécanisme
assemblages combustible). Elle fait partie du circuit primaire prin- de commande.
cipal qui constitue la deuxième barrière de confinement des
matières radioactives. Le maintien de son intégrité est donc un Le couvercle est tenu fermé par 54 (cuves 900) ou 58 (cuves 1300
objectif essentiel, d’autant plus que la possibilité de sa rupture et N4) goujons qui sont vissés dans des trous borgnes taraudés
n’est pas prise en compte à la conception et que son remplace- dans la bride de cuve, qui traversent des alésages percés dans la
ment est difficilement imaginable. bride de couvercle et sur lesquels on vient visser autant d’écrous.
L’étanchéité est assurée par deux joints O-Ring. Pour fiabiliser
Il s’agit d’une sorte de réservoir cylindrique de 10 m de haut et l’opération d’ouverture-fermeture, celle-ci est réalisée à l’aide d’un
de 4 m de diamètre, fermé par un couvercle boulonné. L’eau pri- robot, la machine à serrer et desserrer les goujons (MSDG).
maire y pénètre à environ 285 °C par trois (cuves 900) ou quatre
(cuves 1300 et 1450) tubulures dites « froides », s’échauffe en pas- Les tubulures en acier ferritique sont prolongées par un embout
sant dans le cœur et ressort à environ 325 °C par autant de tubu- en acier austénitique soudé en usine. Cela permet de réaliser les
lures « chaudes ». La pression en fonctionnement normal est de soudures bimétalliques, toujours délicates, dans les meilleures
155 bars (pression de calcul : 172 bars). La figure 1 montre à la fois conditions et de n’avoir plus à faire, lors du montage sur site, que
la coupe d’une cuve et les structures internes qu’elle contient. des soudures homogènes entre embouts et tuyauteries en acier
austénitique.
Les parois (200 mm d’épaisseur environ) sont en acier ferritique
faiblement allié. Elles sont revêtues d’acier austénitique (8 mm
d’épaisseur) pour éviter le contact direct entre l’acide borique pré- 2.1.2 Démonstration de sûreté prenant
sent dans le fluide primaire et l’acier ferritique qui est sensible à la en compte la fragilisation de l’acier
corrosion par le bore.
La rupture complète de la cuve n’est pas prise en compte à la
La cuve (330 t pour une 900, 430 pour une 1300) est suspendue conception, tout doit donc être fait pour qu’elle soit impossible.
dans le puits de cuve (structure cylindrique en béton) en reposant Celle-ci nécessiterait la conjonction de trois éléments : un défaut
sur ses tubulures. Le plan de joint entre la cuve et son couvercle dans la paroi (par exemple du type fissure), un effort important
coïncide avec une ouverture aménagée dans le fond de la piscine appliqué à ce défaut et un matériau de faible ténacité (acier travail-
réacteur, ce qui permet d’extraire et manipuler les assemblages lant dans son domaine fragile).
combustible sous eau.
Les éventuels défauts sont bien connus du fait des contrôles réa-
Le corps de la cuve est formé par l’assemblage de six pièces for- lisés en fin de fabrication et des inspections réalisées tous les
gées et soudées entre elles dont, en partie supérieure, une bride 10 ans avec des techniques de plus en plus performantes (§ 2.3) ; il
sur laquelle vient se poser le couvercle. En face intérieure, cette s’agit de défauts d’origine que ni la fatigue ni la corrosion ne
bride comporte un ressaut soutenant les équipements internes qui viennent aggraver. Les efforts que peut avoir à supporter la paroi
sont donc « suspendus ». Le fond est percé de trous munis de sont connus par les études d’accidents (calculs, essais sur boucle,
tubes en alliage de nickel (les pénétrations de fond de cuve) qui simulation numérique), le plus sévère étant une brèche dans une
permettent le passage de l’instrumentation du cœur. tuyauterie primaire avec injection de sécurité, ce qui conduit à

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____________________________________________________________________________________________ MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES

cumuler un choc thermique (arrivée d’eau froide dans la cuve longueur de filet restante soit suffisante. Si le grippage a été très
chaude) et une pression qui reste élevée (pressurized thermal « endommageant », l’exploitant peut être obligé de procéder à un
shock ). Ces deux premiers paramètres de l’analyse sont quasiment réusinage du trou qui l’amène à une cote supérieure et nécessite
indépendants de l’âge. ensuite l’emploi d’un goujon particulier.
Il n’en est pas de même du troisième : l’acier ferritique de la La prévention de ces anomalies passe par des précautions
paroi se « fragilise » sous l’effet du flux de neutrons provenant du élémentaires : examen des pièces à chaque manipulation, mise en
cœur, ce qui se traduit, au fur et à mesure des années d’exploita- propreté avant vissage, utilisation de lubrifiants adaptés, mise en
tion, par un décalage vers le haut de sa température de transition œuvre vigilante des outillages.
(RTNDT) entre les domaines de comportement ductile et fragile (en
réalité, seule est vraiment touchée la zone qui est au niveau du
cœur). Cette évolution de la RTNDT , différente d’une cuve à l’autre, 2.2.2 Adaptateurs des traversées de couvercle
a fait l’objet de prévisions qui sont vérifiées continuellement par
un programme particulier (§ 2.3). En 1991, une légère fuite a été détectée, au cours d’une épreuve

Une partie essentielle de la démonstration de sûreté des


hydraulique réglementaire, sur un adaptateur en alliage 600 du
couvercle de la cuve de Bugey 3. Les investigations ont montré la
présence de fissures longitudinales dues à la corrosion sous
2
cuves, qui est faite à la conception et est mise à jour périodi- contrainte. Une campagne d’examens non destructifs (courants de
quement, est donc là pour vérifier qu’un défaut tel qu’il pourrait Foucault et ultrasons) a révélé que d’autres adaptateurs étaient
en exister dans la paroi et soumis aux contraintes des situa- endommagés montrant que le problème était potentiellement
tions accidentelles les plus sévères, reste stable même en fin générique.
de vie de la tranche, lorsque l’acier de la zone de cœur a vu sa
La première stratégie envisagée consistait à contrôler la totalité
température de transition décalée par l’irradiation.
des adaptateurs, réparer/remplacer ceux qui étaient fissurés et
recommencer l’opération aussi souvent que nécessaire. Une stra-
La méthode d’analyse fait appel aux concepts de la mécanique tégie difficile et coûteuse à mettre en œuvre. Par ailleurs, la convic-
de la rupture : calcul du facteur d’intensité de contraintes, pour tion fut rapidement acquise que tous les adaptateurs fabriqués
tous les défauts réels ou potentiels et à tous les instants de tous dans les mêmes conditions pouvaient tôt ou tard être affectés. En
les transitoires accidentels possibles, puis comparaison avec la conséquence, il a été décidé de remplacer carrément tous les cou-
ténacité au droit du défaut qui évolue, elle aussi, avec la tempéra- vercles, atteints ou non, par des couvercles neufs équipés d’adap-
ture au cours du transitoire. On devine aisément que la situation tateurs en alliage de nickel de type 690 insensible à la corrosion
est plus défavorable pour des défauts proches de la peau interne : sous contrainte.
irradiation et donc fragilisation plus importante, contraintes ther-
miques plus fortes. Cela explique que les inspections se focalisent
sur cette zone, en particulier sur les premiers millimètres d’acier
2.2.3 Autres problèmes
ferritique situés juste sous le revêtement dans la mesure où le – Endommagement du revêtement interne
dépôt de ce dernier (par soudage) peut conduire à la formation de
petits défauts plans sous-jacents (mécanisme de fissuration à froid Des mouvements forcés entre les équipements internes et la
ou décohésion intergranulaire due au réchauffage). paroi de la cuve peuvent entraîner une dégradation du revêtement
Pour couvrir tous les cas possibles, la démonstration de sûreté tout comme la présence inopportune de corps étrangers. La pré-
des cuves est faite, d’une part, avec les plus grands défauts effecti- vention passe par une grande rigueur lors de la manutention de
vement détectés, d’autre part en postulant la présence d’un défaut ces structures.
hypothétique qui aurait pu échapper aux examens et auquel on – Fuites au-dessus du couvercle
attribue les caractéristiques les plus pénalisantes (forme, position,
orientation). Des fuites ont parfois été observées au-dessus du couvercle, au
niveau des joints soudés des carters qui abritent les tiges et les
L’analyse du risque de rupture brutale des cuves est expliquée mécanismes de commande des grappes. Liées à des non-qualités
de façon plus détaillée dans l’article [BN 3 307]. de réalisation et/ou à de la corrosion sous contrainte, ces fuites
restent bien en-deçà des limites spécifiées, mais le risque est
d’avoir de l’eau borée sur l’extérieur du couvercle (non protégé
2.2 Retour d’expérience donc exposé à la corrosion par le bore).
– Liaisons bimétalliques
2.2.1 Endommagements Les liaisons bimétalliques sont traitées dans le paragraphe
à la jonction cuve-couvercle consacré au circuit primaire principal (§ 8.5.1).
Au niveau de l’assemblage bride de cuve/bride de couvercle, des
fuites sont parfois constatées au 1er joint. Bien qu’elles soient col-
lectées par un système de reprise avant le 2e joint, une fuite dépas- 2.3 Maintenance
sant les critères conduit à l’arrêt de la tranche pour remise en
conformité, ce qui constitue une lourde indisponibilité. La cause la En fonctionnement, la cuve bénéficie des dispositions de surveil-
plus fréquente est la présence (anormale) d’un corps étranger sur lance communes à l’ensemble des composants du circuit primaire
le plan de joint au moment de la pose du couvercle. principal (§ 8.1.2).
Des dégradations superficielles sont parfois observées sur les À l’arrêt, la maintenance de la cuve a deux objectifs :
plans de joints, elles sont facilement éliminables.
– s’assurer, par des programmes d’inspection adaptés, qu’il
Les goujons ont un diamètre important et un pas très fin. Les n’apparaît pas d’endommagement imprévu et que les défauts de
opérations de vissage-dévissage sont donc très délicates. Un fabrication connus n’évoluent pas ;
désaxage, même léger, peut conduire à un grippage avec toutes
– s’assurer que la fragilisation de l’acier ferritique ne progresse
les difficultés que l’on peut imaginer pour ressortir la partie coin-
pas plus vite que prévu.
cée. Si les filets d’un goujon sont endommagés, il est facile de le
remplacer. S’il s’agit des filets du taraudage, la zone endommagée Ces résultats alimentent l’actualisation de la démonstration de
peut être rectifiée, voire éliminée par fraisage pour autant que la sûreté.

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2.3.1 Inspection en service ayant des défauts de fabrication pour vérifier leur absence d’évolu-
tion, examen par courants de Foucault et ultrasons des adapta-
■ Examens généraux constituant la « visite complète » teurs de couvercles en alliage 600 qui n’auraient pas été
standard remplacés, examen par ultrasons des pénétrations de fond de
cuve.
Tous les dix ans, la cuve fait l’objet d’une visite complète qui
constitue un des principaux éléments de sa « requalification
décennale » requise par la réglementation. 2.3.2 Suivi de la fragilisation due à l’irradiation
La visite complète consiste d’abord en un examen télévisuel
général de la paroi interne de la cuve (déchargée du combustible L’évolution réelle des propriétés de l’acier des cuves est suivie
et des structures internes mais pleine d’eau), du couvercle, des au travers du programme de surveillance de l’irradiation (PSI).
carters des mécanismes de commande de grappe, du raccorde- Lors de la fabrication, des échantillons d’acier de chaque cuve ont
ment des pénétrations de fond de cuve avec les tubes-guides été prélevés et utilisés pour fabriquer des éprouvettes. Placées

2 d’instrumentation.
Vient ensuite un contrôle par ultrasons de toutes les soudures
dans des conteneurs accrochés à l’intérieur des cuves, les éprou-
vettes reçoivent un flux de neutrons supérieur à ce que reçoit la
paroi. Elles se fragilisent donc plus vite, avec un facteur d’accéléra-
principales auquel s’ajoute une gammagraphie des soudures tubu- tion connu. Extraites selon un échéancier préétabli, elles sont sou-
lure-embout-tuyauterie. mises à des essais de rupture qui donnent une évaluation de ce
La plupart de ces examens sont réalisés avec un équipement que seront les propriétés du matériau de la cuve N années plus
robotisé, la machine d’inspection en service (MIS) qui opère sous tard et en particulier le décalage de la température de transition
eau (figure 2). Cette machine est une sorte de tripode géant qui RTNDT . On peut ainsi valider les prévisions faites à l’origine.
vient se poser sur la bride de cuve et qui est muni d’un mat central
À ce jour, les résultats du PSI des cuves françaises montrent des
pouvant monter, descendre et tourner. Sur ce mat, sont fixés des
décalages de RTNDT inférieurs aux prévisions [BN 3 307]. En inté-
bras articulés qui portent les dispositifs de contrôle de façon à
grant des marges de sécurité, on peut dire que la température de
atteindre les zones à inspecter avec une précision de positionne-
transition des aciers des cuves françaises ne dépassera pas 85 °C
ment extrême (voir figure 3 de [BN 3 307]).
après 40 années d’exploitation, la grande majorité des cas se
Au niveau de la fermeture de cuve, les goujons et les écrous font situant entre 40 et 60 °C.
l’objet d’examens par ressuage et par courants de Foucault (éven-
tuellement renouvelés entre deux décennales) et les taraudages de Cela est dû au choix d’aciers contenant peu de cuivre mais aussi
la bride de cuve sont soumis à un examen par ultrasons. Étant au fait que, depuis les années 1990, EDF adopte systématiquement
donné les indisponibilités considérables que pourrait entraîner un un positionnement des assemblages combustible qui minimise le
grippage lors de la refermeture de la cuve, l’exploitant procède à flux neutronique reçu par la cuve.
un examen visuel et à un nettoyage soigné des goujons, des À noter que des prélèvements réalisés directement dans la paroi
écrous et des taraudages à chaque arrêt. de la cuve de la centrale déclassée de Chooz A ont également
confirmé le caractère pessimiste des prévisions.
■ Recherche de défauts sous revêtement dans la zone de
cœur
Des capteurs spéciaux à ultrasons focalisés ont été développés 2.3.3 Actualisation périodique
pour détecter et caractériser des défauts, même petits, qui se trou- de la démonstration de sûreté
veraient juste sous le revêtement, en particulier dans la zone de
cœur. Cette technique est mise en œuvre lors des visites com- Tous les 10 ans, la démonstration de sûreté de chaque cuve est
plètes, permettant ainsi d’établir une cartographie très précise des actualisée à la lumière des résultats du programme de surveillance
défauts présents et de s’assurer de leur absence d’évolution. et, le cas échéant, des connaissances nouvelles.

■ Examens spécifiques Les défauts pris en compte sont ceux détectés par les inspec-
tions ainsi que les défauts hypothétiques qui auraient pu échapper
À l’ensemble des contrôles standards décrits ci-dessus, viennent aux examens (en fonction des performances sans cesse amélio-
s’ajouter des examens destinés à suivre une zone ou un problème rées de ces derniers). Les prévisions relatives au décalage de la
particulier, lorsque ce problème est avéré ou soupçonné : ressuage température de transition sont enrichies avec les résultats du PSI.
des parois externes des liaisons bimétalliques pour recherche de Enfin, les travaux d’études se poursuivent un peu partout dans le
décohésions intergranulaires, examen par ultrasons de tubulures monde – et à EDF en particulier – pour mieux cerner les transi-
toires accidentels possibles et affiner l’évaluation des contraintes
engendrées.
Les résultats de cette mise à jour des dossiers viennent étayer la
possibilité de poursuivre l’exploitation des tranches.

2.3.4 Épreuve hydraulique

Tous les 10 ans, le circuit primaire principal est soumis à une


épreuve hydraulique réglementaire (§ 8.1.3). Or, la situation de la
cuve peut imposer quelques contraintes quant à la réalisation de
cette épreuve. En effet, le réacteur est à l’arrêt et la température de
l’eau primaire peut être assez basse pour que l’acier ait un
comportement fragile compte tenu du décalage de sa température
de transition. Pour éviter d’endommager la cuve à cette occasion,
on peut donc être amené à chauffer un peu l’eau de façon à être
Figure 2 – Machine d’inspection en service (MIS) en position sûr que, sollicité par la pression d’épreuve, l’acier travaille dans
opérationnelle son domaine ductile.

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2.4 Situation à l’étranger Les internes inférieurs sont suspendus (et le cœur avec) à un
ressaut de la cuve (le « plan de pose »). Les internes supérieurs
En ce qui concerne l’inspection en service des cuves, le contrôle sont posés dessus, leur partie basse s’insérant dans les internes
des soudures tous les dix ans est la règle dans quasiment tous les inférieurs et leur partie haute occupant le volume sous le couvercle
pays, avec quelques différences minimes quant aux méthodes uti- (figure 1). Un anneau de calage est placé entre les deux et le main-
lisées. Mais la principale différence tient au fait que seule la France tien de l’ensemble est assuré par le serrage du couvercle.
réalise systématiquement un contrôle ultrasonore de grande préci-
sion dans l’acier ferritique juste sous le revêtement, et cela sur
3.1.2 Équipements internes inférieurs
toute la surface des viroles en face du cœur.
Dans tous les pays, il y a eu des études faites à la conception L’enveloppe de cœur est un cylindre suspendu dont le fond
pour démontrer que le risque de rupture de la cuve resterait suffi- est constitué d’une plaque épaisse, soudée et percée de nombreux
samment faible malgré la fragilisation de l’acier due à l’irradiation, trous, la plaque support de cœur, sur laquelle reposent les assem-
blages combustible dont le positionnement est assuré par des

2
études qui n’utilisent pas toutes les mêmes méthodes ni les
mêmes hypothèses. pions de centrage. En haut de l’enveloppe est fixée une bride qui
En ce qui concerne les températures de transition en fin de vie, s’appuie sur le plan de pose. L’eau « froide » arrive par les tubu-
elles sont très variables d’un pays à l’autre, d’une tranche à l’autre. lures d’entrée dans l’espace annulaire formé par la paroi de la cuve
Sur les cuves américaines les plus anciennes, cette température et l’enveloppe de cœur, et se trouve ainsi guidée jusqu’au fond de
pourrait dépasser les 130 °C du fait de la teneur élevée des aciers la cuve. Elle remonte ensuite, traverse la plaque support de cœur
en cuivre et/ou phosphore. Il en est de même pour certaines cuves et les assemblages combustible au contact desquels elle se
des pays de l’ex-bloc soviétique. Les cuves allemandes sont dans réchauffe, puis ressort par des ouvertures latérales ménagées dans
une situation beaucoup plus confortable dans la mesure où le l’enveloppe, en face des tubulures de sortie.
constructeur a mis une distance plus grande entre le cœur et la En partie basse de l’enveloppe, des clavettes stellitées contri-
paroi, réduisant ainsi le flux neutronique reçu par cette dernière. buent au maintien radial des internes en coulissant dans des glis-
Pour conforter les prévisions de fragilisation, tous les pays sières soudées à la paroi de la cuve.
exploitant ce type de réacteur ont mis en place un programme de Le cloisonnement du cœur est un ensemble de « planches »
surveillance de l’irradiation (même si, dans certains cas, il y a des métalliques, longues et étroites (les « baffles ») montées verticale-
doutes sur la provenance des éprouvettes utilisées...). ment à l’intérieur de l’enveloppe de cœur et assemblées de façon à
Pour ce qui est des défauts à prendre en compte dans l’analyse, former un pourtour polygonal épousant la forme carrée des
la France est la seule à mettre en œuvre une méthode permettant assemblages. Ces plaques sont fixées à l’enveloppe de cœur par
d’avoir une cartographie complète des défauts effectivement pré- des entretoises horizontales.
sents juste sous le revêtement. Faute d’avoir cette information, les Sur certaines tranches, une virole cylindrique épaisse, l’écran
autres pays font la démonstration de sûreté en prenant en compte thermique, est fixée autour de l’enveloppe de cœur pour limiter le
un défaut hypothétique supposé enveloppe de tout ce qui peut flux neutronique reçu par l’acier de la cuve.
être rencontré...
En partie basse, divers éléments permettent, d’une part, d’amor-
Plusieurs pays ayant des cuves relativement fragilisées se sont tir la chute en cas de rupture de l’enveloppe de cœur et, d’autre
intéressés aux possibilités de restaurer, au moins partiellement, la part, de guider les doigts de gant de l’instrumentation neutronique
ténacité originelle de l’acier de cuve en lui faisant subir, in situ, un qui peuvent s’insérer dans le cœur ou en ressortir.
traitement thermique dit « de recuit ».
En ce qui concerne la corrosion sous contrainte des adaptateurs 3.1.3 Équipements internes supérieurs
de couvercles en alliage 600, de nombreux exploitants ayant des
couvercles identiques considéraient que le problème était spécifi- Les équipements internes supérieurs comportent :
quement français... jusqu’à ce qu’un incident (Davis Besse, États-
– en partie basse, la plaque supérieure de cœur qui est percée de
Unis) leur prouve le contraire et les oblige à se lancer dans des
nombreux trous pour permettre le passage de l’eau et des grappes
programmes d’investigation et de remplacements de couvercles
et qui vient coiffer les têtes des assemblages combustible dont le
plus volontaristes.
bon positionnement est assuré par des pions de centrage ;
– en partie haute, la plaque support des tubes-guides qui y sont
vissés.
3. Équipements internes Entre ces deux plaques, se trouvent des colonnes entretoises et
les tubes-guides qui assurent le guidage des grappes de contrôle
de la cuve lors de leurs mouvements ascendants et descendants. Chaque
tube-guide est constitué d’un carter ajouré, à l’intérieur duquel se
trouvent des dispositifs de guidage des crayons des grappes.
L’extrémité inférieure de chaque tube-guide comporte deux bro-
3.1 Conception et fabrication ches à lamelles qui viennent s’insérer dans des trous de la plaque
supérieure de cœur, garantissant ainsi le parfait alignement des
3.1.1 Dispositions générales et fonctions grappes avec les assemblages.
Au-dessus de la plaque support, on trouve quatre colonnes qui
Les équipements internes de la cuve comprennent deux sous-
traversent le couvercle et dans lesquelles passent les câbles des
ensembles : les équipements internes inférieurs (EII) qui sup-
thermocouples mesurant les températures en sortie du cœur.
portent les assemblages combustible (le cœur) et les équipements
internes supérieurs (EIS) qui maintiennent les assemblages à leur
extrémité supérieure et assurent le guidage des grappes de 3.1.4 Positionnement respectif des différents
contrôle. Ils sont constitués d’un grand nombre d’éléments assem- éléments
blés par soudage ou vissage, avec une précision dimensionnelle
exceptionnelle. La plupart sont en acier austénitique de type 304L Il est nécessaire de garantir, en toutes circonstances, un parfait
en état hypertrempé ; d’autres sont en acier de type 316 ou 316L positionnement des composants des internes et du cœur, avec
écroui (vis, pions de maintien) ou en alliage de nickel (broches des juste ce qu’il faut de jeux pour permettre les dilatations. Pour ce
tubes-guides, vis). faire, des broches d’alignement ou de guidage, des encoches

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stellitées, des clavettes, des pions de centrage sont judicieusement


placés sur les différents éléments.
La masse de ces structures est considérable (entre 45 et 70 t Bride
du tube-guide Écrou
pour les internes supérieurs, entre 110 et 160 pour les supérieurs)
mais les ajustements doivent quand même être d’une très grande
précision. On devine aisément les difficultés associées à leur
manutention.
Fut

3.2 Retour d’expérience Plaque


supérieure

2
de cœur
3.2.1 Relâchement du calage des internes
Les structures internes sont maintenues en place par la ferme- Lamelles
ture du couvercle qui vient comprimer la plaque support des
tubes-guides, la bride de l’enveloppe de cœur et l’anneau de
calage qui est placé entre les deux et présente une certaine élasti-
cité. Sur certaines tranches étrangères, le relâchement de la pré-
charge assurée par cet anneau a conduit à des mouvements Figure 3 – Schéma d’une broche de tube-guide : fissuration
anormaux des internes et des endommagements. Ces événements au niveau d’une lamelle
ont amené EDF à changer les anneaux de calage pour bénéficier
de meilleures caractéristiques mécaniques.
3.2.5 Fissuration des vis du cloisonnement

3.2.2 Vibrations et usure Sur les premières tranches, les examens par ultrasons ont révélé
que, sur les mille vis servant à fixer le cloisonnement du cœur,
Des jeux étant indispensables pour permettre les libres dilata- quelques-unes étaient fissurées. Les études ont montré que l’on
tions, certains composants des internes ne sont pas totalement bri- pouvait tolérer l’absence d’un certain nombre de ces vis mais il a
dés et peuvent entrer en vibration sous l’effet de l’écoulement du quand même été décidé de remplacer celles jugées sensibles. Sur
fluide primaire. De ce fait, des traces d’usure ont parfois été obser- les tranches suivantes, des améliorations notables ont été appor-
vées à l’interface des dispositifs de positionnement et, de façon tées. À ce jour, aucun autre cas n’a été détecté mais une surveil-
plus importante, sur les doigts de gant de l’instrumentation du lance par échantillonnage est maintenue.
cœur, en partie basse, ce qui a conduit à la modification de leur
guidage.
3.2.6 Usure des tubes-guides
3.2.3 Incidents de manutention Sur les pièces qui guident les grappes de contrôle à l’intérieur
des tubes-guides, les premiers cas d’usure ont été observés après
Les internes supérieurs sont retirés à chaque arrêt pour rechar- une vingtaine d’années de fonctionnement : usure longitudinale
gement à l’aide du pont polaire et déposés sur un stand de due aux montées et descentes des grappes mais aussi usure de
stockage. Cette manutention est délicate et on compte de nom- contact par petits débattements due aux vibrations des crayons. Le
breux incidents liés à des coincements intempestifs ou des ren- problème semble limité et ne remet pas en cause la sûreté : les
contres malencontreuses avec un obstacle. Les dégradations sont essais périodiques de temps de chute des grappes permettent de
toujours réparables mais l’impact sur la durée de l’arrêt de tranche s’assurer que leur fonctionnement n’est pas perturbé. De toute
peut être important si le pont polaire se trouve temporairement façon, les tubes-guides peuvent toujours être remplacés.
paralysé avec une charge suspendue.

3.2.4 Corrosion sous contrainte des broches 3.3 Surveillance en fonctionnement


de tubes-guides
Pour surveiller les équipements internes de la cuve pendant le
Les premières fissures et ruptures de broches de tubes-guides fonctionnement, le premier moyen disponible est la surveillance
ont été rencontrées au Japon en 1978 puis en France à partir de acoustique pour la détection des corps migrants (système KIR).
1982 (figure 3). Fabriquées en alliage de nickel X750, elles se sont L’expérience montre en effet qu’une pièce cassée venant des
fissurées par corrosion sous contrainte. La rupture d’une broche internes se retrouve souvent piégée en fond de cuve ou dans une
ne remet pas en cause les fonctions de sûreté mais toutes les bro- boîte à eau de GV où les capteurs de ce système peuvent détecter
ches étant a priori sensibles au phénomène, il a été décidé de les les chocs contre la paroi.
remplacer toutes par des modèles « améliorés ». Mais en 1987,
l’effort considérable que ces remplacements avaient représenté Par ailleurs, le flux neutronique mesuré à l’extérieur de la cuve
s’est trouvé remis en cause par la rupture d’une broche « nouveau peut être comparé aux valeurs calculées par simulation numé-
modèle » ! Il fallut alors des investigations très poussées pour rique, tout écart pouvant être le signe de vibrations ou de déplace-
comprendre pourquoi certaines broches restaient sensibles, puis ments anormaux de l’enveloppe de cœur.
concevoir un nouveau « nouveau modèle » et remplacer une
seconde fois les broches concernées. Les essais périodiques de temps de chute des grappes et la réa-
lisation des cartes de flux renseignent utilement sur le bon état et
Compte tenu de la sensibilité intrinsèque du matériau, il est pro- le bon positionnement des tubes-guides et des doigts de gant de
bable que les améliorations successives ne permettront jamais l’instrumentation du cœur. Plus généralement, le bon comporte-
d’éliminer complètement le risque, des mesures de surveillance et ment du combustible dans les différentes manœuvres d’exploita-
des programmes d’inspection restent donc en place. tion montre que les structures internes sont globalement intègres.

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Maintenance des centrales


nucléaires
Composants non nucléaires, matériels
génériques et contrôle-commande
par Jean-Pierre HUTIN
2
ancien directeur technique du Parc nucléaire, EDF

1. La turbine..................................................................................................... BN 3 297 - 2
1.1 Conception, fabrication, exploitation ........................................................ — 2
1.2 Retour d’expérience.................................................................................... — 3
1.3 Surveillance en fonctionnement................................................................ — 4
1.4 Maintenance à l’arrêt .................................................................................. — 4
1.5 Réparation, rénovation, remplacement .................................................... — 5
2. L’alternateur ................................................................................................ — 5
2.1 Conception et construction ........................................................................ — 5
2.2 Retour d’expérience.................................................................................... — 6
2.3 Surveillance en fonctionnement................................................................ — 7
2.4 Maintenance à l’arrêt .................................................................................. — 7
2.5 Maintenance exceptionnelle et rénovation............................................... — 7
3. Le condenseur et autres échangeurs ........................................................ — 8
3.1 Le condenseur ............................................................................................. — 8
3.2 Les sécheurs-surchauffeurs ....................................................................... — 10
3.3 Les réchauffeurs du poste d’eau................................................................ — 11
3.4 Les aéroréfrigérants.................................................................................... — 11
4. Les transformateurs de puissance ............................................................ — 12
4.1 Conception et fabrication ........................................................................... — 12
4.2 Retour d’expérience.................................................................................... — 12
4.3 Maintenance des transformateurs............................................................. — 13
5. Les matériels génériques ........................................................................... — 14
5.1 Tuyauteries et supports.............................................................................. — 14
5.2 Appareils de robinetterie............................................................................ — 16
5.3 Les câbles .................................................................................................... — 17
Parution : janvier 2018 - Dernière validation : avril 2021

6. Instrumentation et contrôle-commande .................................................. — 18


6.1 Architecture générale ................................................................................. — 18
6.2 Les composants et les technologies.......................................................... — 19
6.3 Retour d’expérience et maintenance......................................................... — 20
7. Conclusion ................................................................................................... — 21
8. Glossaire ...................................................................................................... — 21
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. BN 3 297

ans le premier article consacré à la maintenance des centrales nucléaires


D [BN3295], nous avons rappelé les principes de conception et les modes
d’exploitation d’une tranche et nous avons décrit les dispositions générales

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BN 3 297 – 1

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prises pour sa maintenance sous les aspects politiques, humains et organisa-


tionnels. Le deuxième article [BN3296] traitait des principaux composants de la
chaudière. Ce troisième article passe en revue les principaux composants des
systèmes non nucléaires, certains matériels génériques présents sur tous les
systèmes (nucléaires ou non) ainsi que le contrôle-commande de l’ensemble
de la tranche. Après un bref rappel des conditions de conception et de fabrica-
tion, il expose pour chacun d’eux le retour d’expérience, les problèmes
rencontrés, les stratégies et programmes de maintenance mis en œuvre, les
perspectives sur leur espérance de vie.

2 avant d’être envoyée à l’admission des corps BP ; à l’échappe-


Rappel du fonctionnement général d’une tranche ment, la pression se situe entre 50 et 70 mbar.
nucléaire
Les matériaux utilisés sont le plus souvent des aciers alliés (Cr-
Dans la chaudière, l’eau primaire s’échauffe en passant dans Ni-Va).
le cœur (siège de la réaction nucléaire), va dans les généra- L’ensemble du groupe turbo-alternateur est posé sur un massif
teurs de vapeur (GV) où elle cède sa chaleur à l’eau du circuit en béton dont la dalle supérieure constitue la « table de groupe »
secondaire qui se vaporise, puis l’eau primaire retourne vers (le poids d’une machine et l’effet de vide peuvent conduire à un
le cœur. La vapeur ainsi produite fait tourner la turbine qui chargement total de l’ordre de 6 000 tonnes !).
entraîne l’alternateur, lequel produit l’électricité. Ramenée à
l’état liquide par le circuit dit « de refroidissement », l’eau
secondaire est réchauffée (poste d’eau) et renvoyée vers le GV 1.1.2 Les rotors
(figure 2 de la [BN3295]). L’eau du circuit de refroidissement
est prise dans le milieu naturel : soit elle y est ensuite rejetée Il existe trois grandes technologies :
(tranche en circuit ouvert), soit elle est refroidie dans un aéro- – les rotors forgés monobloc ;
réfrigérant et réutilisée (tranche en circuit fermé). – les rotors à disques frettés : les roues sont des disques alésés
Nota : les tranches produisant 900 MWe et leurs composants sont, en abrégé, et frettés sur l’arbre, les ailettes y sont attachées par différents dis-
appelés « tranches 900 » et « composants 900 ». Il en est de même pour les 1 300 et positifs mécaniques ;
les 1 450 (ou N4). – les rotors à disques soudés : chaque roue est un disque forgé
sur lequel sont fixées les ailettes et comportant à sa périphérie une
sorte de jante qui permet de souder les roues entre elles (pas
d’arbre à proprement parler dans la section des roues).
1. La turbine Les corps BP des premières tranches 900 étaient équipés de
rotors frettés, les tranches suivantes de rotors soudés.

1.1 Conception, fabrication, exploitation


1.1.3 Les paliers et les étanchéités
1.1.1 Disposition générale Les arbres des rotors sont soutenus par des paliers équipés de
coussinets sur lesquels est déposée une couche de régule (coussi-
La turbine transforme l’énergie thermique de la vapeur venant nets elliptiques ou à trois patins dissymétriques). L’arbre est
des GV en énergie mécanique. Elle est scindée en plusieurs corps maintenu au centre des paliers, sans contact avec les coussinets,
dans lesquels la vapeur se détend progressivement : un corps par un film d’huile qui s’établit avec sa rotation. À basse vitesse,
haute et moyenne pression (corps HP) et deux ou trois corps l’huile est injectée sous haute pression (circuit de soulèvement).
basse pression comportant des soutirages. La longueur totale
d’une machine se situe entre 40 et 60 mètres, sa masse entre L’étanchéité entre rotor et carter du stator est assurée par des
2 000 et 3 500 tonnes (figure 1). dispositifs sans contact de type labyrinthes provoquant une chute
Mis à part la taille, la technologie est assez classique. Chaque progressive de la pression entre l’intérieur et l’extérieur.
corps est constitué de :
– un rotor muni de roues sur lesquelles sont fixées des ailettes 1.1.4 Les organes d’admission et les auxiliaires
de plus en plus longues tout au long du parcours de la vapeur ;
– un stator constitué d’un carter sur lequel sont fixés des dia- L’admission de la vapeur est commandée par des vannes
phragmes ou des porte-aubages portant des aubes fixes entre les- d’arrêt et des soupapes de réglage. Ces organes sont des maté-
quelles tournent les roues du rotor ; le stator est fabriqué en deux riels complexes soumis à de très fortes sollicitations mécaniques
parties avec un plan de joint horizontal. lors de leur fermeture brutale (en cas de déclenchement) et, dans
Les corps sont symétriques avec alimentation centrale (forme de le cas des soupapes de réglage HP, à une excitation permanente
diabolo). Les ailettes de dernières rangées des corps BP sont très des structures par l’écoulement perturbé de la vapeur. Les dom-
hautes (jusqu’à 1,5 m) ce qui impose une vitesse de rotation plus mages causés par ces sollicitations imposent des révisions pério-
faible que dans une installation classique (1 500 tours/minute). diques approfondies.
Le débit de vapeur est de l’ordre de 5 000 t/h pour une Un certain nombre de dispositifs viennent compléter la
tranche 900, 7 000 t/h pour une 1 300. Il existe un système de machine : circuit de graissage et de soulèvement, circuit des
contournement de la turbine qui peut absorber une grande partie boîtes étanches, système de régulation, vireurs, etc. Le système
de ce débit. À l’entrée du corps HP, la vapeur est saturée ; à la sor- de lubrification permet de refroidir l’huile et de la rendre aussi
tie, elle est séchée et surchauffée dans les sécheurs-surchauffeurs propre que possible, avant de l’injecter dans les paliers.

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BN 3 297 – 2

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De gauche à droite : l’alternateur, un corps basse pression ouvert pour maintenance, deux autres corps BP (capots verts) ; le corps HP est masqué par le corps BP
le plus à droite – En insert, un rotor BP sorti pour maintenance.

Figure 1 – Groupe turbo-alternateur en cours de visite (© Alstom, Lamperti)

1.2 Retour d’expérience

1.2.1 Comportement global des turbines


Sur le parc de production nucléaire français, les turbines appa-
raissent comme des matériels relativement fiables et les pro-
blèmes rencontrés sont maintenant bien gérés. Les indisponibilités
associées varient entre 10 et 20 jours par an et les prolongations
d’arrêt se situent autour d’une dizaine de jours par an (pour
l’ensemble des tranches). Les rotors haute pression ne sont l’objet
d’aucune dégradation importante. Les endommagements les plus
préoccupants concernent les rotors basse pression sachant que le
risque ultime est la destruction de la machine.

1.2.2 Rotors BP à disques frettés


■ Les ailettes
Les pieds de certaines ailettes, dans les rangées situées vers le
milieu de chaque demi-rotor, ont été affectés par un phénomène
de fissuration qui s’amorce par corrosion et se propage par fatigue Dans l’insert, ailette manquante suite à une rupture du pied.
(figure 2). Statistiquement, le nombre de cas reste faible. Une rup-
ture d’ailette n’est pas dramatique en soi mais peut conduire à de
Figure 2 – Fissuration et rupture de pieds d’ailette
très gros dégâts si elle n’est pas détectée à temps.

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Des mesures ont été prises en fabrication pour éviter la pré- 1.3 Surveillance en fonctionnement
sence d’éléments chimiquement agressifs et des contrôles par
ultrasons sont réalisés avec une périodicité adaptée à la sensibi- Le principal indicateur de l’intégrité d’une machine est son
lité de l’ailettage. Les ailettes trop dégradées sont remplacées. niveau de vibrations. Celles-ci sont mesurées en continu au
■ Les disques niveau des paliers et les seuils d’alarme sont très bas (typique-
ment 150 μm). Une variation brutale peut être due à un transitoire
Des fissures de corrosion sous contrainte ont été observées en de fonctionnement (problème de vide au condenseur), à la perte
différents points sur des disques frettés. De telles fissures, si elles d’un morceau de rotor (départ d’ailette), à un glissement relatif
se développaient de trop, pourraient provoquer l’éclatement des des plateaux d’accouplement ou encore à une fissuration trans-
disques en rotation et des dégâts majeurs pour la ligne d’arbre. verse de l’arbre.
Des défauts initiés par corrosion de frottement (ou fretting corro-
sion) ont également été observés. Des systèmes experts ont été développés et mis en place pour
traiter les données de la surveillance vibratoire de façon beaucoup

2
Pour gérer ce problème, on réalise des contrôles périodiques plus fine et pour donner un diagnostic – voire un pronostic – sur
par ultrasons et par magnétoscopie, éventuellement suivis de la
l’intégrité de la machine et sur les défauts qui pourraient la mena-
rénovation des rotors trop affectés. Plus d’une vingtaine de
cer. Cette analyse sera bientôt faite en continu. De ce point de
rotors ont ainsi été rénovés et le problème semble maintenant
vue, l’intérêt d’exploiter un grand nombre de machines identiques
maîtrisé.
est considérable.
■ Les arbres La surveillance de l’homogénéité des températures sur les cous-
Un phénomène de fissuration transverse affecte ou peut affec- sinets d’un même palier permet d’apprécier le bon alignement de
ter les arbres des rotors à disques frettés. Les fissures semblent l’arbre.
s’initier par un mécanisme de « fretting » puis se propagent par Les rondes sont autant d’occasions de détecter les manifesta-
fatigue en flexion alternée (particulièrement en phase de virage, tions externes d’anomalies internes : bruits suspects, fuite de
c’est-à-dire en rotation lente à froid). fluide, vibration de tuyauteries, détérioration de supports, etc.
Des méthodes de détection et de caractérisation des défauts ont Enfin, des essais spécifiques permettent de vérifier le bon fonc-
été qualifiées et leur mise en œuvre a fourni un état complet des
tionnement de certains organes : chaînes de mesure et alarmes,
turbines concernées. Les études ont montré qu’au-delà d’une cer-
dispositifs de protection, organes d’admission, analyse des
taine dimension, une fissure induit un changement détectable du
fluides.
comportement vibratoire de la turbine. Les machines affectées
sont donc surveillées avec un soin particulier.
Les études mécaniques ont permis de déterminer un critère au- 1.4 Maintenance à l’arrêt
delà duquel un rotor doit être remplacé (ce qui, in fine, arrivera
probablement à tous les rotors concernés). À l’origine, la maintenance incluait de nombreuses révisions qui
se sont souvent avérées inutiles, voire défiabilisantes. D’où le
1.2.3 Rotors à disques soudés développement d’une maintenance plus « conditionnelle ».
Aujourd’hui, le programme standard de maintenance à l’arrêt des
■ Fissuration des ailettes terminales turbines comporte principalement :
Des fissures ont été trouvées dans le pied des ailettes termi- – des visites complètes qui ont lieu avec une périodicité
nales (les plus grandes). Ces fissures sont attribuées à un méca- moyenne de douze ans ;
nisme de fatigue (fatigue de contact puis fatigue vibratoire). Bien – des visites intermédiaires qui permettent, en particulier, de
que peu fréquent, le phénomène est à fort enjeu étant donné les suivre de façon plus rapprochée le développement de certains
risques qu’un départ d’ailette fait courir à tout le groupe turbo- endommagements, visites dont la périodicité est en moyenne de
alternateur. Des examens par magnétoscopie ou par courants de 6 ans ;
Foucault sont donc réalisés avec une périodicité adaptée sur les – des contrôles et des travaux de petit entretien réalisés à
rotors de ce type. Les ailettes fissurées sont remplacées. chaque arrêt ou avec une périodicité adaptée.
■ Fissuration des disques au niveau des attaches des ailettes ter- Pour les machines déjà affectées ou susceptibles d’être affec-
minales tées par un problème particulier, des actions de maintenance spé-
Des fissures affectent les disques au niveau des attaches des cifiques sont ajoutées avec une périodicité adaptée (généralement
ailettes terminales. Elles sont imputables à de la fatigue oligocy- des examens non destructifs).
clique consécutive au chargement centrifuge dans des zones de À l’approche d’un arrêt, un certain nombre d’actions sont réali-
forte concentration de contraintes. Les défauts sont petits et sées : analyse de l’historique de la machine et du retour d’expé-
évoluent peu. Ils sont détectables par ultrasons et peuvent être rience des machines identiques, analyse des données de
éliminés. surveillance et d’essai, relevé topographique à chaud de la table
de groupe et de la ligne d’arbre pour évaluer le besoin d’une
1.2.4 Problèmes rencontrés sur les autres reprise de lignage, etc. Ces actions permettent d’établir un bilan
composants de santé et de définir précisément le programme de maintenance
qui sera mis en œuvre lors de l’arrêt.
Dans les premières années, les organes d’admission ont été Nous ne pouvons décrire de façon détaillée toutes les actions
l’objet de différentes avaries, ces « maladies de jeunesse » ont de maintenance réalisées pendant une visite complète sur des
toutes trouvé leur solution. Plusieurs problèmes ont été rencon- machines aussi complexes : contrôle des jeux, de la position des
trés sur les stators : rupture de goujons, fuite au plan de joint, différents éléments, du serrage des assemblages, nombreux exa-
frottements aux étanchéités, affaissement des séparateurs de flux.
mens (visuels, ressuage, ultrasons, magnétoscopie – figure 3) en
Quelques difficultés ont aussi été rencontrées sur les paliers :
particulier dans les zones où un dommage est suspecté (au vu des
décollements du régule, rayures, mauvais réglages. Et sur les cir-
analyses ou du retour d’expérience), vérifications de propreté, etc.
cuits auxiliaires, des fuites et des ruptures par fatigue de tuyaute-
ries ont entraîné la perte de pression de soulèvement et des Les visites intermédiaires sont plus légères (les diaphragmes
incidents de coussinets. inférieurs ne sont pas démontés) mais incluent nécessairement

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BN 3 297 – 4

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BN3297

____________________________________________________________________________________________ MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES

Figure 3 – Examen par ultrasons des aubes d’un stator (© Alstom, Figure 4 – Dépose d’un rotor BP (© Alstom, Lamperti)
Lamperti)

électrique au bobinage du stator par l’intermédiaire d’un champ


les contrôles liés à une dégradation présentant des risques (avec électromagnétique tournant dans l’entrefer et canalisé par le cir-
une périodicité éventuellement resserrée comme pour la fissura- cuit magnétique (figure 5).
tion transverse d’arbre). Les pièces présentant des anomalies hors
critères sont évidemment remplacées. ■ Le stator
La visite d’un corps inclut la visite des paliers. Les organes d’admis- Il est constitué principalement d’une carcasse, d’un circuit
sion sont soumis à une surveillance très rapprochée (contrôle de bon magnétique et du bobinage induit. Le circuit magnétique est
fonctionnement hebdomadaire par exemple) et à des révisions com- formé d’un empilement de tôles isolées et entaillées pour former
plètes tous les 10 ans. L’ensemble des circuits et matériels auxiliaires des encoches. La carcasse est formée d’une virole, de voiles
font l’objet d’une maintenance assez classique. Sans oublier le res- entretoises et de dispositifs permettant le maintien des tôles.
pect des exigences réglementaires pour les nombreux composants L’enroulement (ou bobinage) a pour fonction de conduire le cou-
qui sont des « équipements sous pression ». rant induit correspondant à chaque phase. Il y a donc trois enrou-
lements indépendants, chacun étant constitué de barres placées
dans les encoches du circuit magnétique et reliées entre elles.
1.5 Réparation, rénovation, Chaque encoche comporte deux barres constituées de conduc-
teurs pleins ou creux, ces derniers permettant la circulation de
remplacement l’eau de refroidissement. Chaque barre comporte une isolation et
est tenue en place par des pièces de calage.
Dans de nombreux cas, les réparations sont possibles sur site et
peuvent se faire pendant un arrêt de tranche sans en allonger la À leurs extrémités, les barres sont connectées l’une à l’autre
durée (y compris le remplacement d’ailette). Mais dès que les travaux selon une forme bien particulière (les « développantes »).
deviennent importants, il est plus intéressant de procéder à un
échange standard. D’où l’intérêt d’avoir un ou plusieurs rotors de ■ Le rotor
rechange, chaque rotor rénové devenant pièce de rechange (figure 4). Il est principalement constitué d’un arbre, du bobinage induc-
Globalement, les rotors à disques soudés ont un meilleur com- teur et des frettes. L’arbre peut être monobloc ou polybloc (avec
portement que les rotors à disques frettés. On peut donc imaginer un tirant central). L’enroulement est constitué de barres placées
que, soit par choix, soit par obligation, tous les rotors de cette dans les encoches fraisées dans l’arbre, il est alimenté en courant
seconde catégorie seront à terme remplacés par des machines de par l’excitatrice (la turbine tournant à 1 500 tours/minute, les
technologie « soudée ». Confrontés à ce genre de situation, beau- rotors comportent quatre pôles).
coup d’exploitants en profitent pour augmenter la puissance pro- Les frettes sont des anneaux montés aux deux extrémités du
duite par leur tranche grâce aux progrès réalisés dans la fût du rotor, pour maintenir en place les extrémités de l’enroule-
conception des turbines (un gain d’une trentaine de MWe sur une ment.
puissance d’origine de 900 est tout à fait envisageable).
■ Les équipements auxiliaires
Nota : les groupes sécheurs-surchauffeurs (GSS) situés entre le corps HP et les corps
BP de la turbine sont traités à la section 3. Sur la plupart des tranches françaises, l’excitatrice est un alter-
nateur inversé : la partie productrice de courant est accouplée à
l’arbre et le courant produit est redressé par un système de diodes
tournantes pour alimenter le rotor. Quelques tranches sont équi-
2. L’alternateur pées d’un dispositif d’excitation statique par soutirage, utilisant
des thyristors de grande puissance.
Le rotor repose sur deux paliers qui peuvent être du type lisse à
2.1 Conception et construction demi-coquilles ou à trois patins dissymétriques. Une injection
d’huile assure d’une part le soulèvement de l’arbre avant la mise
■ Principe en virage, d’autre part la lubrification permanente lors de la
Le principe de fonctionnement d’un alternateur de centrale marche.
nucléaire est similaire à celui de n’importe quel alternateur dont L’enroulement du stator est refroidi par circulation d’eau démi-
l’objet est de transformer l’énergie mécanique du rotor en énergie néralisée à l’intérieur des conducteurs creux. Le rotor et le circuit

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2

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Référence Internet
BM4188

Maintenance des machines


et des moteurs
par Gilles DUCHEMIN
Professeur de l’enseignement maritime, École Nationale Supérieure Maritime
Référent propulsion site du HAVRE, France

1. Définitions............................................................................................... BM 4 188v2 - 2
2
1.1 Maintenance .............................................................................................. — 2
1.2 Défaillances ............................................................................................... — 2
1.3 Temps ........................................................................................................ — 2
1.4 Niveaux de maintenance.......................................................................... — 3
2. Types de maintenance ......................................................................... — 3
2.1 Maintenance corrective ............................................................................ — 4
2.2 Maintenance préventive ........................................................................... — 4
2.3 Maintenance prédictive ou prévisionnelle.............................................. — 7
2.4 Éléments de comparaison........................................................................ — 7
3. Choix d’une politique de maintenance ........................................... — 7
4. Gestion de la maintenance ................................................................. — 8
4.1 Classement des items............................................................................... — 8
4.2 Suivi des opérations ................................................................................. — 9
4.3 Suivi des stocks......................................................................................... — 9
4.4 Analyse des coûts ..................................................................................... — 10
4.5 Gestion de la maintenance assistée par ordinateur (GMAO)................ — 11
5. Organisation des travaux lourds....................................................... — 11
6. Techniques d’entretien des moteurs industriels .......................... — 12
6.1 Distribution ................................................................................................ — 12
6.2 Système d’injection .................................................................................. — 13
6.3 Éléments constitutifs du cylindre ............................................................ — 14
7. Conclusion............................................................................................... — 18
8. Glossaire .................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BM 4 188v2

istoriquement, on peut supposer que la notion d’entretien d’un matériel


H date de l’apparition des premiers outils et des premières machines. Cepen-
dant, il faut attendre la première moitié du XXe siècle, après le développement
de l’industrialisation, pour voir se structurer les méthodes d’intervention. C’est à
la suite de la seconde guerre mondiale que de nouveaux besoins apparaissent,
traduisant la nécessité d’une approche économique, et non plus seulement tech-
nique, de l’entretien des machines. Des notions nouvelles sont alors mises en
forme pour servir d’outils efficaces permettant une gestion globale du fonction-
nement des machines, notamment lorsque ces dernières sont regroupées en
chaînes et ensembles complexes interagissant entre eux.
L’objectif principal d’une politique de maintenance est l’efficacité écono-
mique souvent doublée d’impératifs de sécurité et de contraintes
réglementaires. Ces contraintes étant identifiées, le choix de la politique de
maintenance est déterminé par le calcul du coût global de durée de vie.
Après quelques définitions et la description des différents types de mainte-
nance, nous proposons de détailler les outils de gestion de la maintenance,
puis les techniques d’entretien des moteurs industriels.
Parution : juillet 2017

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MAINTENANCE DES MACHINES ET DES MOTEURS ________________________________________________________________________________________

1. Définitions – défaillance précoce : défaillance dont le taux décroît dans


le temps ;
– défaillance aléatoire : défaillance dont le taux est
Que recouvre le terme « maintenance » et quels sont les para- constant dans le temps ;
mètres choisis comme outils d’optimisation de sa gestion ? – défaillance d’usure : défaillance dont le taux est croissant
dans le temps.

1.1 Maintenance
L’objectif de la maintenance peut consister, entre autres, à dimi-
nuer le nombre de défaillances touchant une machine. On s’inté-
resse donc plus particulièrement à la probabilité d’apparition de
La maintenance est définie dans la norme NF EN 13306 ces défaillances sur la durée de vie de la machine.
comme étant : « l’ensemble de toutes les actions techniques,

2 administratives et de gestion, durant le cycle de vie d’un bien,


destinées à le maintenir ou le rétablir dans un état dans lequel
il peut accomplir une fonction requise ».
Cette probabilité, ou taux de défaillance, évolue souvent sui-
vant une courbe en « baignoire » (figure 1) principalement pour les
équipements électromécaniques.
On remarque que cette courbe est la somme des taux de défail-
Cette définition appelle plusieurs remarques. lances précoces, aléatoires et d’usure. Elle comporte trois périodes
caractérisées par l’évolution du taux de défaillance.
■ Par « ensemble des toutes les actions », elle nous précise que la
maintenance ne se limite pas aux seules interventions d’entretien,
mais se doit d’englober aussi toutes les opérations de conduite et Exemple : pour un moteur Diesel industriel, on considère que la
de surveillance pendant la marche. Par extension, les opérations jeunesse couvre 1 à 2 ans, la maturité 10 à 15 ans.
de gestion des pièces de rechange, du personnel et des interven-
tions font elles aussi partie de la maintenance.

■ L’autre point primordial est donné par l’expression « état dans


lequel il peut accomplir une fonction requise ». Cela implique que,
Taux de défaillance

pour chaque machine ou groupe de machines dans un ensemble


complexe, on ait clairement identifié les points suivants :
– l’objectif de la machine prise individuellement ;
– l’appartenance de la machine à une chaîne ou un ensemble ;
– l’emplacement de la machine dans la chaîne ;
– les interactions de la machine avec les portions de chaîne en Défaillances
amont et en aval ; Défaillances d’usure
– les conséquences d’une non-conformité du premier point sur précoces
la chaîne amont et sur la chaîne aval. Défaillances
aléatoires
L’identification de la mission globale de la machine servira de
base à la mise au point d’un type de maintenance approprié. Jeunesse Maturité Vieillesse Temps
■ Enfin, « maintenir » et « rétablir » sous-entendent d’avoir la
connaissance, si possible permanente, du niveau de performance
de la machine par rapport au niveau de performance optimale Figure 1 – Courbe d’évolution du taux de défaillance
désiré dans la définition des objectifs.

1.2 Défaillances 1.3 Temps


On choisit tout d’abord une période de référence pour l’analyse
des temps. Elle peut être l’année calendaire mais aussi être adap-
Il ne suffit pas de s’intéresser aux conséquences d’un défaut tée à l’utilisation du matériel, par exemple, la durée d’un voyage
de fonctionnement il faut aussi s’intéresser à sa cause. Les dif- aller-retour pour un navire de ligne (environ 100 jours), ou encore
férents défauts se manifestant de manières variées, les défail- la durée entre deux contrôles réglementaires d’une société de clas-
lances suivantes ont été définies dans le norme NF EN 13306 : sification ou d’un organisme d’État (10 ans).
– défaillance complète : cessation du fonctionnement ;
– défaillance partielle : altération du fonctionnement ;
– défaillance progressive : prévisible par une vérification
préalable ; La figure 2 donne l’architecture des différents temps dont
– défaillance soudaine : imprévisible ; voici quelques définitions :
– défaillance intrinsèque : due à une faiblesse inhérente au – temps total : période de référence ;
matériel concerné ; – temps requis : période pendant laquelle l’utilisateur exige
– défaillance extrinsèque : due à des contraintes supé- que la machine soit en mesure d’assurer la mission définie ;
rieures aux capacités du matériel ; – temps effectif d’indisponibilité : partie du temps requis
– défaillance mineure : mission globale du matériel non pendant laquelle la machine est incapable d’accomplir sa mis-
affectée ; sion pour une cause quelconque ;
– défaillance majeure : mission globale du matériel non – temps effectif de disponibilité : partie du temps requis
assurée ; pendant laquelle la machine est apte à accomplir sa mission, la
– défaillance cataleptique : défaillance soudaine et fourniture des moyens extérieurs éventuellement nécessaires
complète ; étant assurée.

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Temps total
Module cylindre

Temps requis Temps non requis

Filtre
Temps Temps Temps
effectif de potentiel de potentiel Échangeurs
disponibilité disponibilité d’indisponibilité

Temps effectif
d’indisponibilité

Filtre
2
Temps de Temps Temps propre
fonctionnement d’attente d’indisponibilité
Temps Pompes à eau
propre Temps
de d’indisponibilité
disponibilité pour cause externe
Pompe à huile

Pour cause Pour


fonctionnelle maintenance
préventive Figure 3 – Moteur à maintenance « conviviale » (doc. MAN AG)

Suite à
défaillance Le MTBO n’a de sens que lors de l’application de la mainte-
nance systématique, nous développerons ce point au
paragraphe 3.
Figure 2 – Définition des temps (d’après [1])

Pour faciliter la gestion des temps, on peut aussi effectuer une 1.4 Niveaux de maintenance
autre approche. Cette approche, très prisée par les anglo-saxons,
nécessite la définition de nouveaux temps :
Pour faciliter principalement la gestion des personnels affectés à
– le MTBF (mean time beetween failure, moyenne des temps de la maintenance, on définit plusieurs niveaux d’intervention :
bon fonctionnement) caractérise la fiabilité du matériel dans les
conditions prescrites d’utilisation ; – niveau 1 : réglages simples sans démontage, rondes et surveil-
– le MTTR (mean time to repair, moyenne des temps des tâches lances pendant la marche ;
de réparation) caractérise la maintenabilité du matériel ;
– niveau 2 : dépannage par échange standard d’éléments prévus
– le MTBO (mean time beetween overhaul , moyenne des temps
à cet effet et opérations mineures ;
entre révisions).
Le MTBF est généralement déterminé par une loi de fiabilité – niveau 3 : identification et diagnostic de pannes, réparation ou
issue du calcul statistique, mais peut aussi faire appel à l’expé- remplacement d’éléments fonctionnels ;
rience obtenue lors des premiers mois de fonctionnement d’une – niveau 4 : travaux de maintenance corrective ou préventive
machine. Nous y reviendrons au paragraphe 3. nécessitant des démontages importants ;
Le MTTR dépend essentiellement de la conception de la
– niveau 5 : rénovation, reconstruction, modifications impor-
machine, mais doit être aussi exprimé à partir de données de
tantes faisant appel à une main-d’œuvre qualifiée.
départ précises telles que le nombre et la qualification du person-
nel, l’application de procédures adaptées et la disponibilité de
Il faut noter que la qualification ou la formation du personnel
l’approvisionnement prescrit.
doit être élevée à partir du niveau 3, le diagnostic de pannes repo-
sant sur une connaissance approfondie des principes de fonction-
nement des machines.
La disponibilité d’un appareil est déterminée par le rap-
port entre le temps moyen de bon fonctionnement (MTBF) et le
temps moyen nécessaire aux opérations de maintenance
(MTTR).
2. Types de maintenance
La figure 3 montre un moteur Diesel industriel récent, conçu
pour des MTTR réduits. On constate que les éléments nécessitant Il existe plusieurs façons d’organiser les actions de maintenance
le plus d’interventions de maintenance (filtres, échangeurs, pour obtenir la disponibilité maximale du matériel au coût mini-
pompes de circulation) sont regroupés à une extrémité du moteur mum. Il en ressort les types de maintenance suivants :
et d’un accès facile, tandis que chaque cylindre est traité comme
un module comprenant collecteurs, culasse, chemise, piston, – maintenance corrective (§ 2.1) ;
bielle.
– maintenance préventive (§ 2.2) ;
Ce type de conception permet une réduction des MTTR dans un
rapport de 4 comparé aux moteurs de la génération précédente. – maintenance prédictive (§ 2.3).

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2.1 Maintenance correcive Si l’on établit un arbre des causes possibles, on obtient le schéma
de la figure 4.
L’analyse consiste à valider des branches possibles, à commencer
2.1.1 Définitions par les plus importantes, par vérification de paramètres significatifs.
L’opération de maintenance intervient après défaillance. C’est Il faut choisir un paramètre de fonctionnement facilement mesu-
l’attitude qui consiste à attendre la panne pour procéder à une rable, qui permette de valider le choix entre les différentes branches.
intervention. Elle peut se décomposer en deux branches : la main- Dans l’exemple retenu, le premier paramètre significatif est donné par
tenance palliative et la maintenance curative. l’évolution de la pression dans la chambre rapportée à l’angle d’arbre
manivelle (diagramme décalé). La pression de compression, fournie
■ Maintenance palliative : l’action de dépannage permet de par ce diagramme, permet de choisir parmi les trois branches pos-
remettre provisoirement le matériel à un niveau de performance sibles (faible : branche 3 ; normale : branche 1 ou branche 2).
acceptable mais inférieur au niveau optimal. Le déroulement de l’analyse est donné par le diagramme de la

2 ■ Maintenance curative : l’intervention qui suit la défaillance


permet le rétablissement du niveau de performance optimal du
matériel.
figure 5.
Dans notre exemple, l’opérateur mesurera la pression de compres-
sion qu’il constate anormalement faible.
L’un des outils de la maintenance corrective doit permettre une Bien souvent, il est impossible d’obtenir un paramètre significatif
identification fiable du défaut de fonctionnement, ce qui permettra permettant d’effectuer un choix (par exemple, entre le défaut d’étan-
de réduire le MTTR en intervenant uniquement sur le ou les chéité et d’alimentation) ; on doit alors tester les deux branches l’une
organes concernés. L’intervention « au hasard » sur les organes après l’autre. En revanche, un paramètre peut être validant dans plu-
est à proscrire. sieurs branches et permet parfois de lever une ambiguïté.
C’est le cas ici et la réparation devra s’orienter en priorité vers le
remplacement de la soupape d’échappement.
2.1.2 Méthode d’identification d’un défaut
Il n’est pas rare que plusieurs causes restent probables et seuls les
Le principe de la méthode consiste à faire une analyse arbores- démontages peuvent venir les confirmer.
cente des causes à partir du symptôme.
La capacité d’identification d’un défaut par un opérateur de
machine ou un agent de maintenance est liée à deux facteurs
La limite de la méthode tient dans la capacité de l’opéra-
principaux :
teur à choisir un paramètre validant parmi ceux qui sont dispo-
– de quels paramètres de fonctionnement fiables dispose-t-on nibles, capacité qui dépend principalement de sa connaissance
pour assurer une analyse ? du fonctionnement de la machine.
– connaît-on les principes de fonctionnement de la machine ?

Exemple : pour illustrer la méthode, prenons le cas d’un opéra- 2.2 Maintenance préventive
teur assurant le suivi du fonctionnement d’un moteur industriel Diesel
lent, 2 temps, de grande puissance (40 à 50 MW), utilisé dans une
centrale de production d’énergie électrique. 2.2.1 Définitions
Le moteur étant instrumenté avec des sondes de température des Les interventions de maintenance sont déclenchées avant les
gaz d’échappement pour chaque cylindre, on suppose que l’on défaillances et en fonction d’un paramètre. On cherche alors à
constate une température anormalement élevée à l’échappement tendre vers un taux de défaillance nul en effectuant les interven-
d’un des cylindres (cylindre n° 4 : 480 °C au lieu de 390 °C). tions permettant le maintien du niveau de performance requis
Après la prise des mesures élémentaires de sécurité consistant à avant l’apparition du défaut. Elle se décompose en deux branches :
transférer la charge de l’alternateur puis à découpler celui-ci, le la maintenance systématique et la maintenance conditionnelle.
moteur reste en fonctionnement à charge partielle afin d’analyser le • Maintenance systématique : le paramètre déclencheur est
défaut. le temps, que ce soit le temps réel (quel que soit le temps de fonc-

Température
haute
d’échappement
Branche 1 Branche 3
Branche 2

Combustion Surcroît de Déficit en


retardée combustible air

Tringlerie de
Pulvérisation Distribution Injecteur Défaut Défaut
commande de
défectueuse décalée non étanche d’étanchéité d’alimentation
pompe décalée

Étanchéité Fêlure Lumières de


Nez Profil Calage Segmentation
de soupape de chemise balayage
d’injecteur de came de came défectueuse
d'échappement ou culasse obstruées

Figure 4 – Arbre des causes d’apparition d’un défaut

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BN3295

Maintenance des centrales


nucléaires
Dispositions générales, les hommes,
les organisations
2
par Jean-Pierre HUTIN
Ancien directeur technique du Parc nucléaire, EDF, France

1. Objet à entretenir ................................................................................. BN 3 295v2 - 2


2. Politique de maintenance .................................................................. — 6
3. Acteurs de la maintenance en France ............................................ — 8
4. Organisation d’une intervention de maintenance ...................... — 12
5. Radioprotection .................................................................................... — 14
6. Importance de la logistique............................................................... — 16
7. Maintenance tranche en marche ..................................................... — 17
8. Arrêt de tranche ................................................................................... — 19
9. Activités amont et aval ...................................................................... — 22
10. Relations avec les fournisseurs........................................................ — 26
11. Conclusion.............................................................................................. — 29
12. Glossaire ................................................................................................. — 29
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. BN 3 295v2

a maintenance contribue de façon importante aux enjeux auxquels est


L confrontée l’industrie nucléaire : sûreté et compétitivité de la production,
durée de vie des installations, confiance du public. Si les techniques sont
souvent assez « classiques », ce sont surtout les conditions de leur mise en
œuvre qui sont particulières, du fait des spécificités du nucléaire : haut niveau
de fiabilité requis, nécessité de faire presque toute la maintenance pendant les
arrêts pour rechargement, risques liés aux rayonnements ionisants, exigences
fortes en matière de qualité, surveillance par les « autorités de contrôle », etc.
De ce fait, les hommes et leurs organisations jouent un rôle primordial, qu’il
s’agisse des salariés de l’entreprise exploitante ou des fournisseurs de pro-
duits et de service.
L’expérience montre que les clés de la réussite sont autant dans les activités
qui doivent être réalisées en amont et en aval que dans l’intervention de main-
tenance proprement dite : qualité de la formation, soin apporté à la
préparation, dispositions prises en radioprotection, professionnalisation de la
logistique, gestion optimisée des pièces de rechange, partenariats noués dans
la durée avec les prestataires, documentation, système d’information, etc. Tout
doit être prêt quand arrive l’arrêt de tranche qui concentre d’innombrables
Parution : juillet 2017

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BN 3 295v2 – 1

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MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES ___________________________________________________________________________________________

activités interdépendantes, réalisées par un grand nombre de personnes tra-


vaillant simultanément. Et la boucle du retour d’expérience vient alimenter le
processus d’amélioration continue.
Deux autres articles passent en revue les principaux composants et leur
maintenance.

Conceptuellement, une tranche est divisée en systèmes ayant


1. Objet à entretenir
2 1.1 Quelques précisions de vocabulaire
chacun une ou plusieurs fonctions. Pour une tranche 900, il y en a
environ 200. Mais ces systèmes ne sont pas indépendants, ils sont
souvent interconnectés et peuvent même avoir des parties com-
munes.
L’objet à entretenir est une « tranche » (unit). Ce mot désigne Chaque système est un assemblage de matériels ou compo-
une installation de production d’électricité quasi autonome. Une sants (tuyauteries, pompes, échangeurs, robinets, etc.) le tout
tranche nucléaire comporte : associé à un contrôle-commande (capteurs, relais, actionneurs,
– une partie nucléaire, appelée « réacteur » ou « chaudière », automates...) permettant de piloter et réguler le fonctionnement du
dont la principale fonction est de fournir de la vapeur ; système.
– une partie conventionnelle (ou non nucléaire ou classique) qui
produit l’électricité avec une turbine et un alternateur.
Le Parc nucléaire français comporte 58 tranches réparties sur 19
1.2 Description succincte d’une tranche
sites (figure 1). Sur chacune d’entre elles, la partie nucléaire est de nucléaire
type REP (réacteur à eau sous pression ; en anglais PWR, Pressu-
Nota : une description plus détaillée des principaux composants figure dans les deux
rized Water Reactor). 34 tranches délivrent une puissance de articles consacrés aux matériels [BN 3 296] et [BN 3 297].
900 MWe, 20 délivrent 1 300 MWe et 4 délivrent 1 450 MWe. Les
tranches d’une même puissance sont conçues et construites à peu
près sur le même modèle, avec des composants quasi identiques : 1.2.1 Principe
elles forment un palier standardisé.
Le principe consiste à utiliser l’énergie libérée par une réaction
Nota : nous adopterons l’usage des professionnels qui parlent de tranche ou de nucléaire contrôlée pour échauffer de l’eau (fluide primaire) qui
palier 900, 1300, 1450 (ou N4) en omettant l’unité MWe. Et le mot Parc avec une majus- reste liquide car elle est sous pression. Cette eau cède sa chaleur à
cule désignera le parc nucléaire français.
un fluide secondaire (également de l’eau) qui se vaporise. La
Le terme exploitation couvre toutes les activités qui concourent vapeur actionne une turbine et celle-ci entraîne un alternateur qui
au bon fonctionnement de l’installation : la conduite, la mainte- produit de l’électricité (figure 2).
nance mais aussi la radioprotection, la logistique, l’ingénierie, La réaction nucléaire est une succession de fissions de noyaux
l’administration, le gardiennage, etc. d’uranium frappés par des neutrons, libérant de la chaleur et de
nouveaux neutrons. Elle se produit dans le cœur qui est constitué
d’oxyde d’uranium enrichi, placé dans des tubes (ou « crayons »)
regroupés en faisceaux, les assemblages combustible (157, 193 ou
Gravelines 205 selon les paliers). Elle est entretenue par les neutrons qu’elle
produit elle-même et pour la maîtriser, on en absorbe une partie soit
Penly en diluant de l’acide borique dans l’eau du circuit primaire (le bore
Paluel Chooz est neutrophage), soit en insérant ou extrayant du cœur les grappes
Cattenom de contrôle qui contiennent un matériau également neutrophage.
Flamanville Lorsque le réacteur est « à l’arrêt », il subsiste encore des fis-
Nogent sions produisant de la chaleur qu’il faut continuer à évacuer : c’est
la « chaleur résiduelle ». On peut donc dire que, tant qu’il y a du
Fessenheim combustible quelque part, la tranche n’est jamais complètement
St-Laurent
Dampierre arrêtée.
Chinon Belleville
900 MWe
Civaux 1.2.2 Chaudière
1 300 MWe Bugey
La chaudière, qui utilise la chaleur dégagée par la réaction
nucléaire pour produire de la vapeur, comporte le circuit primaire,
1 450 MWe Blayais St Alban
les circuits auxiliaires et les circuits de secours et de sauvegarde.
Tranche en Cruas ■ Le circuit primaire
circuit fermé
Tranche en
Golfech Tricastin Il est principalement composé de la cuve (qui contient le cœur)
circuit ouvert et de trois ou quatre générateurs de vapeur (GV), chacun étant
relié à la cuve par une tuyauterie d’arrivée (dite « chaude ») et une
tuyauterie de départ (dite « froide ») sur laquelle se trouve une
pompe à moteur électrique. Chaque ensemble formé par un GV,
une pompe et les tuyauteries associées constitue une « boucle ». Il
y en a 3 sur les tranches 900 et 4 sur les tranches 1300 et 1450
Figure 1 – Centrales nucléaires françaises en exploitation (figure 3).

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BN 3 295v2 – 2

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____________________________________________________________________________________________ MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES

Bâtiment réacteur
Salle des machines
Turbine Alternateur
Générateur
de vapeur

Pressuriseur
Aéroréfrigérant

Cuve Condenseur

Pompe

Fleuve
2
Circuit primaire Circuit secondaire Circuit de refroidissement

Figure 2 – Schéma de fonctionnement d’une tranche nucléaire de type REP (en circuit fermé)

primaire qui sont non isolables du cœur (la cuve, les fonds et les
Pressuriseur tubes des GV, les volutes des pompes, le pressuriseur et les tuyau-
Générateur de vapeur teries qui relient ces composants).

■ Les circuits auxiliaires


Les circuits auxiliaires permettent de réguler les paramètres de
Mécanismes de fonctionnement de la chaudière et de réaliser les opérations indis-
commande des pensables à son exploitation. Citons en particulier :
grappes de contrôle
– le circuit RCV qui régule la composition chimique et la masse
du fluide primaire ;
– le circuit RRA qui évacue la chaleur résiduelle du cœur quand
la tranche est à l’arrêt ;
– le circuit RRI qui refroidit les autres circuits auxiliaires et qui
est lui-même refroidi par le circuit SEC qui prend et rejette son eau
dans le milieu naturel.

■ Les circuits de secours et de sauvegarde


Ils sont destinés à remplacer les circuits normaux qui seraient
défaillants et à limiter les conséquences d’un éventuel accident, en
assurant le maintien des fonctions essentielles (refroidissement du
cœur, confinement des matières radioactives). Ils ne fonctionnent
pas en situation normale mais doivent entrer en action de façon
sûre en cas d’incident. Leur bon entretien constitue donc un
challenge particulier. Parmi les plus importants, citons les sys-
Groupe motopompe
tèmes d’injection de sécurité (RIS) qui enverraient des quantités
primaire
importantes d’eau dans le cœur pour le refroidir si une rupture de
Cuve
tuyauterie empêchait le fluide primaire de remplir cette fonction.
Figure 3 – Vue en perspective d’une chaudière à quatre boucles
1.2.3 Circuit secondaire et production
d’électricité
Typiquement, l’eau primaire sous pression (155 bars, débit entre
65 000 et 95 000 m3/h) arrive dans la cuve à 285 °C, elle se Côté non nucléaire de la tranche, l’eau secondaire entre dans les
réchauffe en passant dans le cœur et elle ressort à 325 °C pour GV à environ 220 °C, elle y prend la chaleur cédée par l’eau pri-
aller dans les GV où elle cède une partie de sa chaleur au fluide maire à travers la paroi des tubes et en ressort sous forme de
secondaire qui se vaporise. Le transfert de chaleur se fait à travers vapeur saturée à 280 °C (pression 60 à 70 bars). Cette vapeur est
la paroi des tubes d’échange du GV, l’eau primaire circulant à envoyée sur une turbine qui tourne à 1 500 tours/minute et qui
l’intérieur et l’eau secondaire à l’extérieur. Sa température étant entraîne un alternateur. Elle repasse ensuite à l’état liquide dans le
redescendue à 285 °C, le fluide primaire retourne ensuite dans la condenseur et l’eau peut alors repartir vers les GV. Le rendement
cuve. du cycle est optimisé par le passage de la vapeur dans des
La pression du circuit est régulée par le pressuriseur, réservoir sécheurs-surchauffeurs entre les étages haute et basse pression de
relié à l’une des boucles dans lequel le fluide primaire est dipha- la turbine, et par un réchauffage de l’eau condensée avant retour
sique, à la température de saturation (345 °C). Il est muni de sou- aux GV.
papes protégeant l’ensemble contre les surpressions. Le courant produit par l’alternateur passe par un poste de trans-
D’un point de vue réglementaire, on appelle circuit primaire formation pour ajuster sa tension avant de partir sur le réseau de
principal (CPP) l’ensemble des parties supportant la pression transport électrique.

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BN 3 295v2 – 3

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1.2.4 Circuit tertiaire 1.3 Principes de conception


Dans le condenseur (qui est maintenu en dépression), la vapeur Nous nous focalisons sur les principes de conception qui
se refroidit et se condense en passant entre des tubes à l’intérieur entraînent des exigences pour la maintenance.
desquels circule l’eau du circuit dit « de refroidissement » (ou
« d’eau brute »). Ce circuit est :
– soit ouvert : il prend son eau dans la « source froide », mer ou 1.3.1 Objectifs de la sûreté nucléaire
rivière, et la rejette après passage dans le condenseur ;
En matière de sûreté nucléaire, l’objectif est de protéger
– soit fermé : après passage dans le condenseur, son eau est l’homme et son environnement contre les risques induits par l’ins-
refroidie par air dans les aéroréfrigérants puis réutilisée. tallation et en particulier contre les rayonnements et la dispersion
des produits radioactifs. Pour ce faire, quatre grandes fonctions

2 1.2.5 Contrôle-commande
et alimentations électriques
doivent être assurées en toutes circonstances : maîtriser la réacti-
vité dans le cœur ; refroidir le combustible ; confiner les produits
radioactifs ; protéger les personnes et l’environnement.

L’installation est pilotée et surveillée par un contrôle-commande


assurant des fonctions de commande, de régulation et de protec- Le grand principe de la sûreté nucléaire est la défense en
tion. La structuration est assez classique : au niveau 0, l’interface profondeur. Ce concept consiste à prendre systématiquement
avec le procédé (instrumentation, actionneurs) ; au niveau 1, des en compte la défaillance des dispositions techniques, humaines
automates et des régulateurs qui traitent les données du niveau 0 ou organisationnelles et à s’en prémunir par des lignes de
et lui renvoient des ordres ; au niveau 2, l’interface homme- défense successives. La défense en profondeur conduit à se
machine (salle de commande). C’est aux niveaux 1 et 2 que les fixer deux objectifs de façon indépendante :
technologies ont le plus évolué (systèmes numériques et program- – tout faire pour que la défaillance (d’un équipement, d’un
mables), révolutionnant le métier d’automaticien [BN 3 297]. système, d’une personne) n’arrive pas ;
Par ailleurs, de très nombreux matériels ont besoin d’électricité – si la défaillance survient quand même, la détecter le plus
pour fonctionner ce qui suppose des sources (soutirage de l’alter- tôt possible et en limiter les conséquences.
nateur, réseau extérieur, diesels, etc.), des circuits d’alimentation L’un ET l’autre, et non pas l’un ou l’autre.
(doublés pour les équipements importants) et des centaines de
kilomètres de câbles.
1.3.2 Les trois barrières
1.2.6 Infrastructures de génie civil Dans les chaudières nucléaires de type REP, trois barrières indé-
pendantes sont interposées entre les produits radioactifs et
Le bâtiment réacteur (BR ou enceinte de confinement) abrite le l’environnement : la gaine du combustible, l’enveloppe sous pres-
circuit primaire et une partie des systèmes auxiliaires, de secours sion du circuit primaire et l’enceinte de confinement. L’intégrité de
et de sauvegarde. Il constitue la troisième barrière contre la dissé- ces trois barrières doit être préservée pour qu’elles puissent assu-
mination des matières radioactives (§ 1.3.2). Ce bâtiment cylin- rer leur fonction indépendamment l’une de l’autre : elles doivent
drique d’environ 50 m de diamètre est en béton précontraint, à donc être surveillées, contrôlées et entretenues dans ce sens.
simple paroi avec un revêtement métallique interne pour les
tranches 900 ; à double paroi, avec reprise des fuites de la paroi
interne dans l’espace annulaire, pour les tranches 1300 et 1450. 1.3.3 Redondances
À l’intérieur, on trouve un plancher de service à peu près à mi-
Si un système doit assurer une fonction, il doit le faire avec une
hauteur. La quasi-totalité des équipements se trouvent en dessous,
fiabilité suffisante. S’il y a un risque que cela ne soit pas le cas, le
dans des espaces très cloisonnés (donc difficiles d’accès). Au
concepteur a prévu un second système qui prendra automatique-
centre s’ouvre la piscine réacteur qui est située au-dessus de la
ment le relais du premier si celui-ci est défaillant (redondance
cuve, ce qui permet de manutentionner le combustible sous eau et
d’ordre 2).
de l’envoyer, par un tube de transfert, dans la piscine du bâtiment
voisin. Les systèmes redondants doivent être indépendants, de telle
façon que la panne du premier n’induise pas la panne du second. Il
Les systèmes nucléaires qui ne sont pas dans le BR sont regrou-
faut donc éviter les modes communs de défaillance, c’est-à-
pés dans le bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN). La partie
dire les causes qui rendraient simultanément inopérants deux
conventionnelle de l’installation (turbine, alternateur, condenseur)
matériels ou deux systèmes réputés redondants. Pour cela, le
est abritée dans une salle des machines relativement standard.
concepteur a prévu des dispositions particulières : ils sont physi-
Enfin, parmi les infrastructures notables, il faut noter les ouvrages
quement séparés, ils sont alimentés par des circuits électriques dif-
de prise d’eau et de rejet avec leurs filtres et, le cas échéant, les
férents, éventuellement ils font appel à des technologies
aéroréfrigérants avec leur coque en béton qui dépasse souvent les
différentes.
150 m.
Mais la maintenance peut elle-même être à l’origine de modes
communs de défaillance. Par exemple, si un composant est mal
1.2.7 Le « reste » remonté parce que l’intervenant n’utilise pas la bonne procédure,
on peut craindre qu’il ne fasse la même chose sur le système
Un site nucléaire comporte de nombreux équipements qui « jumeau », pourtant indépendant du premier... Lorsque l’exploi-
n’interviennent pas directement dans le process mais qui sont tant met en œuvre les programmes de maintenance, il doit donc
néanmoins nécessaires à l’activité : ateliers, laboratoires, magasins veiller à organiser le travail, voire à adopter des mesures de
pour outillages et pièces de rechange, engins de levage et de contrôle supplémentaires, pour éviter qu’un geste malencontreux
manutention, installation de traitement des effluents, structures de ne diminue simultanément la fiabilité de deux circuits réputés
protection du site, vestiaires, laverie, bureaux, etc. redondants.

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1.3.4 Disponibilité des matériels et des systèmes primaire, etc. Ensuite, il appartiendra à l’exploitant de vérifier que
la réalité est conforme à toutes ces hypothèses.
À l’origine, les études probabilistes de sûreté (EPS) ont servi à
Pour le responsable de maintenance, les résultats de ces études
démontrer que la conception satisfaisait aux objectifs de sûreté. Ce
constituent une mine d’informations. La connaissance des marges
type de démonstration impose de faire des hypothèses sur la fiabi-
que présentent les matériels vis-à-vis des différents mécanismes
lité des systèmes, des matériels et des hommes. De ces hypo-
d’endommagement donnent des indications précieuses sur les
thèses d’études vont découler un certain nombre d’exigences à
zones qui doivent être surveillées en priorité. Par exemple, avoir
respecter par l’exploitant.
une estimation du risque de fissuration par fatigue en chaque
En ce qui concerne les matériels, les fiabilités prises en compte point d’un composant permet d’optimiser le programme d’inspec-
dans les études constituent des objectifs pour le responsable de tion vis-à-vis de cette forme de dommage (estimation qui peut être
maintenance. Par ailleurs, ces mêmes études concluent générale- pondérée en comparant les transitoires réels aux hypothèses de
ment que la mise hors service d’un circuit qui contribue à la sûreté conception). Et disposer de résultats d’essais mettant en évidence

2
n’est acceptable que sous certaines conditions. On pourrait penser les paramètres qui favorisent tel ou tel mécanisme de corrosion
que la présence de redondances dans les systèmes tempère cette permet d’orienter la surveillance et éventuellement d’ajuster les
limitation : mais quand l’un est arrêté et que l’autre prend le relais, conditions d’exploitation.
la redondance n’existe plus, une situation qui elle-même n’est
Les règles de construction incluent également des dispositions
acceptable que pour un temps limité.
relatives au choix des matériaux, aux procédés de fabrication, au
Ce sont les règles générales d’exploitation (RGE) qui fixent les soudage, aux contrôles à effectuer en fin de fabrication. Les résul-
exigences à respecter par l’exploitant pour que les démonstrations tats de ces contrôles, accessibles au futur propriétaire-exploitant,
de sûreté restent valides : quels matériels et quels systèmes constituent des données précieuses pour repérer des zones de fai-
doivent être en état de fonctionner dans telle ou telle situation de blesse ou comprendre l’origine d’une anomalie détectée ultérieure-
la tranche ? Et, a contrario, quels matériels ou quels systèmes ment sur un matériel.
peuvent rester hors service et pendant combien de temps ? Le plus
souvent, cette mise hors service (ou « retrait d’exploitation ») ne
sera autorisée que pendant une période courte, qu’elle soit volon- 1.4 Calendrier de l’exploitation
taire (pour faire de la maintenance préventive) ou involontaire
(pour réparer suite à défaillance). Au-delà, c’est toute la tranche
Le combustible s’use en quelques années, il faut donc le renou-
qu’il faudra arrêter. Une contrainte qui pèse lourd sur l’ordonnan-
veler périodiquement. Pour ce faire, les tranches sont arrêtées à
cement de la maintenance.
intervalles réguliers et les assemblages les plus anciens sont rem-
placés par des neufs. En France, ces arrêts ont lieu tous les 12
1.3.5 Qualification des matériels aux conditions mois pour certaines tranches (avec remplacement d’un quart du
accidentelles cœur) et tous les 18 mois pour les autres (avec remplacement d’un
tiers du cœur). Une certaine flexibilité est possible (fonctionnement
En cas d’accident, les conditions qui environnent certains circuits en « stretch ») mais avec des contraintes.
peuvent devenir hostiles : température et humidité élevées, rayon- Par ailleurs, les possibilités de faire de la maintenance quand la
nements importants, accélération violente due à un séisme, chute tranche est en fonctionnement sont très limitées : forte contrainte
de structures, etc. Malgré cela, tous les matériels nécessaires au sur la mise hors service des systèmes, accessibilité réduite, envi-
pilotage de la tranche doivent continuer à fonctionner, au moins ronnement hostile. De ce fait, la majeure partie de la maintenance
assez longtemps pour que celle-ci soit ramenée dans un état sûr. est réalisée pendant les arrêts programmés pour le renouvelle-
On dit qu’ils sont « qualifiés aux conditions accidentelles ». ment du combustible, arrêts dont la périodicité est imposée et
Pour démontrer cette qualification, on a procédé, à l’origine, à dont le placement résulte de considérations touchant principale-
des essais en plaçant un exemplaire de chaque matériel dans les ment à l’équilibre du système électrique. Obligée de s’ajuster sur
conditions qu’il rencontrerait pendant un accident. Les « cobayes » ce calendrier, la maintenance n’a donc que très peu de degrés de
étaient des composants neufs mais avant de les tester, on leur a liberté en matière de programmation.
fait subir un vieillissement accéléré pour que la démonstration soit Mais n’imaginons pas que pendant l’arrêt, le responsable de
probante. maintenance peut s’organiser comme il l’entend. Il y a toujours du
L’opérateur de maintenance doit bien connaître le sujet et veiller combustible quelque part qui doit être refroidi et de nombreux
à ce que ses activités ne remettent pas en cause cette capacité des systèmes sont encore en fonctionnement. Du coup, les exigences
matériels à fonctionner en situation accidentelle (ce qui peut arri- liées à la sûreté s’appliquent encore et pèsent lourd sur l’ordon-
ver avec un remontage non conforme ou une pièce de rechange nancement des activités (en particulier le fait que le retrait
présentant des différences qui semblent anodines). d’exploitation de certains matériels ne soit autorisé que dans des
configurations particulières de la tranche et pour un temps limité).

1.3.6 Hypothèses de dimensionnement


des matériels de la chaudière 1.5 Performances générales
Les règles de conception d’une chaudière nucléaire imposent au d’exploitation
constructeur de démontrer que les matériels mécaniques (en parti-
culier les équipements sous pression) résisteront à toutes les solli- Rappelons les principaux indicateurs relatifs aux performances
citations raisonnablement possibles, en tenant compte des de production :
différentes formes de vieillissement et d’endommagement prévi- – la disponibilité Kd est la fraction de temps pendant laquelle
sibles (fatigue, corrosion, rupture brutale, etc.). la tranche produit ;
Pour réaliser ces études, le chaudiériste doit faire des hypo- – l’indisponibilité Ki est la fraction de temps pendant laquelle
thèses sur la façon dont la tranche sera exploitée : définition de la tranche est à l’arrêt et ne produit pas.
toutes les situations normales et incidentelles que rencontreront
ou pourront rencontrer les composants, nombre et amplitude des Dans l’indisponibilité, on distingue :
transitoires de pression et de température que subiront les maté- – l’indisponibilité programmée Kip correspondant aux arrêts
riels du CPP, conditionnement chimique prévu pour le fluide qui sont prévus (en général, les arrêts pour rechargement) ;

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– l’indisponibilité fortuite Kif correspondant aux arrêts qui 2.2 Objectifs


n’étaient pas prévus mais rendus obligatoires par un incident ou la
défaillance d’un matériel ; Considérant les enjeux évoqués ci-dessus, la politique, les tech-
– l’indisponibilité Kipr due à la prolongation d’un arrêt pro- niques et l’organisation de la maintenance visent plusieurs
grammé qui ne se passe pas comme prévu. objectifs :
Pour que le bilan soit complet, il faut ajouter le coefficient – garantir une fiabilité satisfaisante des systèmes et des compo-
d’utilisation Ku , ratio du temps pendant lequel une tranche a sants pour que les fonctions de sûreté soient assurées et pour que
effectivement produit par rapport au temps pendant lequel elle l’installation de production ait la disponibilité maximale. Les taux
aurait pu produire (car le réseau peut ne pas avoir besoin de son de défaillance doivent être au moins aussi bas que les hypothèses
électricité). prises dans les études de sûreté ; au-delà, un compromis est à
Le passage d’une tranche en arrêt à froid (arrêt presque com- trouver entre le coût des arrêts fortuits et les coûts de maintenance
plet) fait perdre a minima une semaine de production. préventive ;

2
– limiter les interventions au strict nécessaire pour éviter le gas-
pillage des ressources, tant sur le plan financier que dosimétrique,
et pour réduire les risques associés aux non-qualités de
maintenance ;
2. Politique de maintenance – faire en sorte que la mise en œuvre des programmes de main-
tenance « pèse » le moins possible sur la durée des arrêts de
tranche, en particulier en minimisant le risque de prolongation de
2.1 Enjeux ces arrêts par une anticipation intelligente des aléas possibles ;
– garantir une durée de vie des composants et assurer des
modalités de remplacement cohérentes avec la politique de ges-
2.1.1 Enjeu sûreté tion du patrimoine.
La maintenance a un rôle majeur à jouer pour surveiller et main-
tenir en bon état les trois barrières qui séparent les produits
radioactifs de l’extérieur (§ 1.3.2) et pour garantir la fiabilité des 2.3 Principes
systèmes tel que prévu à la conception. Elle doit s’attacher à res-
pecter les durées de mise hors service autorisées, ne pas obérer la Malgré l’existence de redondances fonctionnelles, les exigences
qualification des matériels aux conditions accidentelles et ne pas de sûreté et de disponibilité nécessitent une fiabilité importante de
induire de mode commun de défaillance. nombreux composants. C’est donc une maintenance essentielle-
ment préventive qui est mise en œuvre.
A contrario, il faut éviter que des actions de maintenance mal
maîtrisées ne défiabilisent l’installation. Cela conduit à ne faire de Mais la maintenance préventive effectuée de façon systématique
la maintenance que quand elle est vraiment utile, voire indispen- présente certains inconvénients : elle est souvent intrusive et
sable, et à prendre des dispositions particulièrement draconiennes nécessite des démontages qui peuvent être coûteux et délicats et
en matière de prévention et détection des non-qualités. devenir eux-mêmes une cause de défiabilisation.
C’est pourquoi les exploitants nucléaires se tournent aussi sou-
2.1.2 Enjeu économique vent que possible vers une maintenance préventive
conditionnelle : on surveille le fonctionnement du composant en
Plus de la moitié des dépenses d’exploitation est consacrée à la suivant un ou plusieurs paramètres considérés comme représenta-
maintenance, soit entre 1 et 2 milliards d’euros par an pour les 58 tifs de sa « santé » ; et ce n’est que lorsque ces paramètres
tranches du parc EDF. Cela comprend des dépenses de main atteignent une limite, qu’une intervention est déclenchée pour res-
d’œuvre interne, des achats de prestations et des achats de maté- taurer un état satisfaisant. Un exemple classique : le suivi des
riels. Le budget correspondant couvre la maintenance « courante » vibrations pour juger de l’état de santé d’une pompe et n’engager
ainsi que les opérations de maintenance exceptionnelle telles que une action de maintenance intrusive que lorsque cela est indispen-
la rénovation ou le remplacement de gros composants. Quant aux sable.
non-qualités en maintenance, elles peuvent se payer très cher sous La surveillance – première étape d’une démarche de mainte-
forme de prolongation d’arrêt ou d’arrêt fortuit ultérieur. nance conditionnelle – peut utiliser les données du process dont se
Mais il ne faut pas voir dans la maintenance qu’une source de servent les opérateurs pour conduire l’installation (pressions, tem-
dépenses. Elle joue un rôle essentiel pour garantir la disponibilité pératures, débits, flux neutronique, caractéristiques des fluides,
des moyens de production. D’une part en évitant les arrêts fortuits, vibrations, etc.) mais aussi des informations fournies par une ins-
d’autre part en faisant en sorte de peser le moins possible sur la trumentation particulière ou des résultats d’essais. La surveillance
durée des arrêts programmés. peut être continue (suivi d’un indicateur en salle de commande par
Plus généralement, une fois la sûreté assurée, c’est le choix d’un exemple) ou périodique (relevés en local, inspections pendant les
couple « dépenses de maintenance – disponibilité » qui doit servir arrêts).
de boussole.
Quelques exemples de techniques de surveillance typiques :
2.1.3 Enjeu durée de fonctionnement – suivi de la teneur en Ag 110m du fluide primaire comme
indicateur de l’usure des grappes de contrôle ;
La construction d’une centrale nucléaire est un investissement – mesure de l’azote 16 dans la vapeur pour suivre la dégrada-
considérable, sa rentabilité n’est envisageable que si la durée tion des tubes de GV via la fuite primaire-secondaire que cela
d’exploitation est suffisamment longue. Les études et l’analyse du induit ;
retour d’expérience n’ont, à ce jour, pas mis en évidence d’obsta- – analyse des gaz dissous et des traceurs de la dépolymérisa-
cle technique rédhibitoire qui empêcherait d’exploiter les tranches tion des isolants dans l’huile des transformateurs pour suivre
nucléaires françaises 60 voire 80 ans en toute sûreté [BN 3 307]. leur vieillissement.
Pour y parvenir, la maintenance a un rôle important à jouer en
optimisant la durée de vie des composants et en gérant au mieux
les stratégies de rénovation. Elle doit aussi veiller à ne pas mettre Avec une démarche de maintenance conditionnelle, il y a un
en péril le support industriel indispensable. risque de voir les paramètres suivis atteindre leur valeur limite

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Installations électr ues BT


Vérifications et entretien

par Dominique SERRE


2
Ingénieur, membre de la délégation technique de la FFIE
Président de la commission U 15 de l’UnionTechnique de l’Électricité (UTE).

1. Vérifications .............................................................................................. D 5 048 - 2


1.1 Vérifications lors de la mise en service ..................................................... — 2
1.1.1 Examen visuel..................................................................................... — 2
1.1.2 Essais. Mesures .................................................................................. — 2
1.2 Vérifications périodiques ............................................................................ — 3
2. Entretien ..................................................................................................... — 4
2.1 Choix du matériel en vue de faciliter l’entretien ....................................... — 4
2.2 Dispositions à prendre en vue de faciliter l’entretien
et l’exploitation ............................................................................................ — 4
2.3 Façons de procéder ..................................................................................... — 5
2.4 Schémas et fiches ........................................................................................ — 5
2.5 Appareils de mesure ................................................................................... — 5
3. Annexes ...................................................................................................... — 6
3.1 Vérifications dans les installations de bâtiments d’habitation ................ — 6
3.2 Vérifications dans les installations relevant de la protection
des travailleurs ............................................................................................ — 7
3.2.1 Prises de terre ..................................................................................... — 7
3.2.2 Conditions générales d’installation................................................... — 7
3.2.3 Installations de sécurité ..................................................................... — 7
3.2.4 Protection contre les contacts directs et indirects parTBTS ........... — 7
3.2.5 Protection contre les contacts directs ............................................... — 7
3.2.6 Protection contre les contacts indirects ............................................ — 8
3.2.7 Protection par séparation des circuits............................................... — 8
3.2.8 Protection contre les risques de brûlures,
incendie, explosion............................................................................. — 8
3.3 Vérifications dans les installations des établissements recevant
du public....................................................................................................... — 8
3.3.1 Dispositions applicables à tous les établissements......................... — 8
3.3.2 Éclairage de sécurité .......................................................................... — 9
Parution : août 2007 - Dernière validation : mai 2022

3.3.3 Dispositions particulières applicables


à chaque établissement...................................................................... — 9
3.4 Liste type des opérations d’entretien......................................................... — 10
3.4.1 Installations à basse tension.............................................................. — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. D 5 048

e dossier traite des vérifications à la mise en service, des vérifications


C périodiques et de l’entretien des installations électriques basse tension BT.
Les vérifications sont à rapprocher de la vérification initiale des installations
électriques, lors de leur mise en service ou après qu’elles aient subi une modi-
fication de structure, et des vérifications périodiques prévues à l’article 53 du
décret du 14 novembre 1988, faisant l’objet de l’arrêté du 10 octobre 2000. Cet

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INSTALLATIONS ÉLECTRIQUES BT _________________________________________________________________________________________________________

arrêté définit, notamment, de façon détaillée l’étendue des vérifications et le


contenu de leurs rapports. Les dispositions prises pour satisfaire aux pres-
criptions du décret et des arrêtés sont appréciées par référence aux règles de
l’art correspondantes, notamment à celles relatives à la prévention des risques
de choc électrique, de brûlure, d’incendie ou d’explosion d’origine électrique
contenues dans les normes d’installations en basse tension et notamment dans
la norme NF C15-100 et ses guides d’application.

2
1. Vérifications 1.1.1 Examen visuel
Cet examen est effectué sur l’ensemble de l’installation hors
Il s’agit essentiellement de vérifier l’application des règles de tension et précède les essais et mesures ; il consiste à :
sécurité ; il est parfois difficile de dire dans quelle mesure certaines — s’assurer que les mesures de protection contre les contacts
concernent la sécurité des personnes ou celle des biens. Des règles directs sont correctes ; à cet effet, on vérifie le bon état apparent
dites d’aptitude à la fonction peuvent quelquefois être interprétées des canalisations, leurs fixations, la fermeture des enveloppes
comme faisant partie de la sécurité, si l’on considère que celle-ci d’appareillage, les distances séparant éventuellement les parties
doit rester d’un niveau acceptable jusqu’à la fin de la durée de vie actives nues des grillages, obstacles, barrières, etc. ;
prévisible d’un équipement ou d’une installation, dont la bonne — vérifier la présence et la bonne exécution des barrières et
utilisation ou l’exécution correcte peuvent influer favorablement obturations coupe-feu ;
sur le maintien de la sécurité. Il en est ainsi des règles de l’art qui — vérifier la compatibilité des mesures de protection choisies et
incluent prescriptions écrites et usages non codifiés ; si la sécurité des influences externes aux emplacements des matériels ;
n’est pas mise en cause par le manque d’esthétique ou la régul- — vérifier que rien ne s’oppose à la dissipation normale de la
arité de pose d’une canalisation, il est délicat d’en fixer la frontière chaleur dégagée par certains matériels (résistances de démarrage,
exacte, et la réception des ouvrages peut donner lieu à des inter- transformateurs, projecteurs...) ou à leur écartement convenable
prétations parfois divergentes. de matériaux combustibles, déformables ou décomposables ;
La vérification de la conformité aux spécificités du cahier des — vérifier l’identification des conducteurs de protection et
charges, juridiquement fait partie de la réception, n’est pas traité ici neutre ;
puisqu’elle n’est pas codifiée, étant chaque fois un cas d’espèce. — s’assurer de la présence des schémas, plans, notices
d’appareillages, etc. (par exemple, dans des pochettes placées
dans les contre-portes des tableaux et armoires) ;
— vérifier la concordance des identifications de circuits avec
1.1 Vérifications lors de la mise en celles figurant sur les plans et schémas ;
service — vérifier le choix des conducteurs pour les courants admis-
sibles et la chute de tension (notes de calculs) ;
— vérifier le choix des dispositifs de protections en fonction des
Ces vérifications, dites aussi initiales, consistent en examens courants d’emplois et des courants de courts-circuits (notes de
visuels, en essais et en mesures, afin de s’assurer de la calculs) ;
conformité des installations aux réglementations et aux normes. — vérifier la présence et le bon étiquetage, aux endroits
adéquats, des dispositifs de coupure d’urgence, arrêt d’urgence,
Les informations suivantes doivent être fournies lors de la sectionnement, commande, etc., ainsi que leur accessibilité ;
vérification initiale. — s’assurer que le libellé des étiquettes et plaques signalétiques
des commandes, des protections, correspondent bien à la déno-
Les schémas et/ou diagrammes doivent indiquer notamment : mination réelle des locaux ou utilisations courantes ;
— la nature et la constitution des circuits (points d’utilisations — vérifier le serrage des connexions (barres, distributeurs,
desservis, nombre et section des conducteurs, nature des bornes, etc.) ;
canalisations) ; — vérifier la bonne accessibilité des équipements et notamment
— le type et la section des conducteurs ; le respect des règles de l’article 781 de la norme NF C 15-100 relatif
aux locaux et emplacements de service électriques. Les distances
— la longueur du circuit ; minimales sont données dans le tableau 1. (0)
— la nature et le type des dispositifs de protection ;
— l’emplacement, le type, le courant assigné ou de réglage des
dispositifs de protection ; 1.1.2 Essais. Mesures
— les courants présumés de court-circuit et les pouvoirs de Les essais et mesures ci-après sont effectués (dans la mesure où
coupure des dispositifs ; ils s’appliquent), et, de préférence, dans l’ordre indiqué.
— les caractéristiques et l’emplacement des dispositifs de
sectionnement et de commande. ■ Essai de continuité des conducteurs de protection
(y compris des liaisons équipotentielles)
Ces indications doivent être mentionnées pour chaque circuit de
l’installation. Il est recommandé d’effectuer cette mesure sous une tension à
vide comprise entre 4 et 24 V en courant continu ou alternatif et
Des plans doivent indiquer, le cas échéant, l’emplacement des avec un courant d’au moins 0,2 A. Dans les circuits protégés par un
appareils non visibles. dispositif de protection contre les surcharges de courant assigné

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D 5 048 − 2 est strictement interdite. − © EditionsT.I.

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— la vérification des caractéristiques des dispositifs de coupure


Tableau 1 – Distances minimales autour des tableaux (courant de réglage des disjoncteurs, courant assigné des fusibles,
de distribution courant différentiel assigné des dispositifs différentiels) ;
— la mesure de la résistance globale de la prise de terre.
Puissance du tableau ● Schéma TT [D 5 044] : il s’agit de :
Distance — la mesure de la résistance de la prise de terre des masses ;
>60kVA >2 50kVA > 250 kVA
minimale — la vérification des caractéristiques des dispositifs de coupure
46
0kVA raccordement raccordement
42
50kVA (comme pour le schéma TN) ;
avant arrière
— la vérification de la continuité des conducteurs de protection.
Passage ● Schéma IT [D 5 044] : il s’agit de :
avant .......(mm) 700 1 000 1 500 1 500
— la mesure de la résistance de la prise de terre des masses ;
Passage — la mesure ou le calcul du courant de premier défaut ;
arrière .....(mm)
Hauteur
sous plafond
700 — suivant les conditions du second défaut, la même vérification
que pour les schémas TN ou TT ;
— la vérification du réglage du contrôleur permanent d’iso-
2
de l’empla- lement et l’essai des signalisations sonores et lumineuses, s’il y a
cement....(mm) 2 000 2 500 2 500 2 500 lieu.
■ Vérification de l’efficacité des protections contre les contacts
indirects sans coupure automatique de l’alimentation
Tableau 2 – Valeurs minimales de la résistance d’isolement ● Protection par TBTS et TBTP

Tension nominale Tension d’essai Résistance La séparation des parties actives de celles des autres circuits
du circuit en courant continu d’isolement ainsi que de la terre doit être vérifiée par une mesure de la résis-
tance d’isolement. Les valeurs de résistance d’isolement obtenues
(V ) (
V ) (
M Ω)
doivent être conformes à celles du tableau 2.
TBTS et TBTP 250 5 0,25 ● Protection par séparation électrique

U n 4 500 V à l’exception La séparation des parties actives de celles des autres circuits
500 5 0,5
des cas ci-dessus ainsi que de la terre doit être vérifiée par une mesure de la
résistance d’isolement. Les valeurs de résistance d’isolement
U n > 500 V 1 000 5 1,0
obtenues doivent être conformes à celles du tableau 2. La sépa-
TBTS très basse tension de sécurité ration requise entre circuit séparé et tout autre circuit est vérifiée
TBTP très basse tension de protection par examen. Lorsqu’un appareil comporte à la fois un circuit
séparé et un autre circuit, cette séparation est réalisée par la
construction du matériel conformément aux prescriptions de sécu-
ne dépassant pas 32 A, il est possible de mettre en œuvre des rité de la norme le concernant. Dans le cas de sources de sépara-
sources développant une intensité nominale plus faible que 0,2 A. tion fixes, il est vérifié que le circuit secondaire présente une
isolation double ou renforcée par rapport à l’enveloppe. Les sour-
■ Mesure de la résistance d’isolement des circuits ces mobiles doivent être à isolation double ou renforcée.
Elle est effectuée entre chaque conducteur actif et la terre,
appareils d’utilisation déconnectés, au moyen d’une source ■ Essais fonctionnels
débitant au moins 1 mA ; les résultats à atteindre doivent être au Tout appareil d’utilisation, tout circuit de commande d’auto-
moins ceux du tableau 2. matisme, de signalisation, etc. doivent être essayés avant mise en
Pour les câbles chauffants noyés dans le béton, les résistances service, afin de vérifier qu’ils sont en bon état de fonctionnement.
doivent être : Il en est de même des dispositifs de protection, le cas échéant, en
ce qui concerne leur installation et leur réglage.
— pour les câbles alimentés sous 230 V, 5 0,250 MΩ ;
— pour les câbles alimentés sous 400 V, 5 0,400 MΩ .
Pour l’application systématique des vérifications, on pourra
■ Mesure de la résistance des sols
s’inspirer utilement des fiches types données en Annexe (§ 3) ;
Dans le cas où elle est prescrite (blocs opératoires, par exemple), elles doivent être considérées comme des aide-mémoire des
cette mesure est réalisée à l’aide d’une électrode tripode et d’une points à vérifier pour s’assurer de la conformité des installations
source ayant une tension continue minimale à vide de 500 V. Les aux règlements et normes qui les gouvernent, auxquels, bien
mesures sont faites en au moins cinq emplacements différents du entendu, il y a lieu de se reporter.
local, situés au voisinage des quatre angles et du centre. En chacun
de ces emplacements, il est fait cinq mesures dans un cercle de
50 cm de diamètre, dont on prend la valeur moyenne. Si l’on veut
s’assurer d’une résistance minimale, on retient pour résistance du 1.2 Vérifications périodiques
local, la valeur la plus faible des moyennes de mesures effectuées,
les mesures ayant été faites sur un sol humide. Outre les vérifications initiales, il y a lieu de s’assurer pério-
diquement que les installations sont maintenues en bon état, que
■ Vérification de Q fi cacité des protections contre les contacts les modifications ou extensions sont établies conformément aux
indirects par coupure automatique de l’alimentation règlements et normes, que les installations provisoires ne sont pas
Elle comporte des opérations qui varient suivant les différents maintenues de façon permanente ; ces vérifications, outre le fait
schémas. Celles-ci doivent permettre, par application des formules qu’elles sont souvent réglementaires [D 5 041], permettent de
du dossier [D 5 044], de vérifier l’adéquation des dispositions diagnostiquer l’état, la fiabilité, le vieillissement des installations,
prises aux règles de sécurité. et de prendre en temps utile les dispositions qui s’imposent.
● Schéma TN [D 5 044] : il s’agit de : ■ Pour les installations des logements, qui font souvent l’objet de
— la mesure de l’impédance de la boucle de défaut ou de la modifications et d’adaptations par les utilisateurs, la norme expéri-
résistance des conducteurs de protection ; mentale C 16-600 a pour objet de définir le contenu, la méthodologie

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2

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Référence Internet
E1328

Compatibilité électromagnétique
en phase de maintenance
par Thomas RAYNAUD
Ingénieur d’études en CEM

2
GERAC, Longayrie 46100 GRAMAT, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article E1328 intitulé « Compatibilité électroma-
gnétique en phase de maintenance » paru en 2013, rédigé par Olivier MAURICE

1. Maintenance des protections en émissions conduites ou rayonnées...... E 1 328v2 - 3


1.1 Maintenance des filtres pour les objectifs de mutisme ........................... — 3
1.2 Maintenance des câblages pour les objectifs de mutisme...................... — 3
2. Rappel des principales techniques de protection pour l’immunité ....... — 3
2.1 Filtres............................................................................................................ — 3
2.2 Écrêteurs ...................................................................................................... — 5
2.3 Blindages ..................................................................................................... — 8
2.4 Cages de Faraday........................................................................................ — 9
3. Maintenance CEM des protections pour l’immunité conduite
ou rayonnée................................................................................................. — 11
3.1 Maintenance CEM des filtres pour l’immunité ......................................... — 11
3.2 Plan de maintenance .................................................................................. — 11
3.3 Réflexions sur la maintenance CEM des filtres ........................................ — 12
3.4 Maintenance CEM des dispositifs avec écrêteurs et éclateurs ............... — 12
3.5 Maintenance CEM en immunité des blindages........................................ — 12
3.6 Maintenance CEM en immunité des cages de Faraday........................... — 13
4. Conclusion ................................................................................................... — 14
5. Glossaire ...................................................................................................... — 15
6. Symboles ..................................................................................................... — 15
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. E 1 328v2

e métier de la compatibilité électromagnétique (CEM) est difficile : nous


L avons pu en avoir un aperçu tout au long des différents articles sur le sujet.
Parution : janvier 2017 - Dernière validation : janvier 2021

Dans les différents aspects de ce métier, un se distingue également par la


grande difficulté qu’il y a à l’aborder : il s’agit de la maintenance des perfor-
mances CEM d’un système au cours de sa vie opérationnelle. C’est ce sujet
que nous abordons dans cet article, certainement pas de façon exhaustive,
mais suffisamment couvert, nous l’espérons, pour donner des pistes de résolu-
tion aux ingénieurs qui seront confrontés à ce délicat problème.
Lorsque la fonctionnalité d’un système est mise en défaut, l’utilisateur s’en
aperçoit souvent rapidement, soit par des alertes rattachées à une fonction cri-
tique, soit parce que l’indisponibilité de la fonction est mise à jour au moment
où l’on désire l’utiliser. Par contre, une dégradation ou une perte de perfor-
mances en CEM, ne remettant pas en cause le fonctionnel, ne sera découverte
éventuellement que très tard : après une perte de fonction successive à une
agression électromagnétique contre laquelle le système n’était plus protégé,
ou parce que ce même système aura lui-même engendré une gêne dans l’utili-
sation des électroniques de son entourage.

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E1328

COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE EN PHASE DE MAINTENANCE ________________________________________________________________________

Nous allons aborder la question de la maintenance des filtres, torsadages ou


blindages (gestion de câbles) nécessaires à la conformité en émissions
conduites ou rayonnées, puis celle de la maintenance des protections en
immunité conduite ou rayonnée, après avoir brièvement rappelé les différentes
techniques de protection : par filtrage, écrêtage, torsadage ou blindage,
« stubs » et circulateurs en hyperfréquences ou encore avec les protections
logicielles. Le terme « torsadage » est du jargon métier et signifie que l’on
réalise une torsade avec deux fils électriques, ce qui a pour effet de diminuer le
couplage entre la ligne constituée de ces deux fils et des champs
électromagnétiques.
Dans chaque cas, nous posons les origines des dérives potentielles de per-

2 formances pendant la vie du système, puis nous regardons si une maintenance


est nécessaire et, si elle l’est, nous présentons différentes solutions à même de
la supprimer ou de la réduire à sa plus simple expression.
La maintenance CEM s’inscrit dans le travail de Sûreté De Fonctionnement
(SDF) attaché au système développé. Une maintenance signifie que les durées
de maintien des performances sur certains composants sont inférieures à la
durée de vie du système. C’est typiquement le filtre que l’on remplace sur les
véhicules automobiles avant que la voiture elle-même soit bonne pour la
casse ! La CEM suit cette démarche, mais se démarque de la SDF ordinaire en
ce sens que l’on considère en CEM deux notions : la perturbation et la dégra-
dation. La SDF considère usuellement la perte de fonction, l’indisponibilité –
donc la notion de dégradation. La perturbation au sens de la CEM, qui reste
très fugitive en durée, n’est pas considérée généralement par la SDF, en tout
cas pas formellement dans les calculs standards exécutés. Mais, cette pertur-
bation est à même de faire dévier le système de sa mission. D’une
indisponibilité non mesurable au niveau composant, on arrive à une défail-
lance système dans sa mission. Ce comportement est très attaché à la CEM.
Cela découle simplement de la part grandissante de l’électronique dans la
conduite des systèmes modernes. On retrouve un peu la même distinction en
médecine : entre une atteinte au système nerveux et une perte de fonctionna-
lité motrice.
Lorsque cela est possible, on essaiera d’éviter la perturbation, la situation la
plus confortable où l’électronique est insensible à l’environnement agresseur :
c’est notre peau qui lutte constamment contre des microbes et nous rend
insensible à leurs attaques.
Si on ne peut pas éviter la perturbation, on évitera la destruction. Dans ce
cas, il y a souvent indisponibilité temporaire d’une fonction, mais l’on peut
retrouver la fonctionnalité tout de suite après la fin de l’agression. Il s’agit plus
des globules blancs, des vaccins, de la fièvre. Ces processus ne nous
empêchent pas de contracter la maladie, mais ils nous en prémunissent et
l’éradiquent plus ou moins rapidement. Enfin, en dernier recours, on peut
accepter la dégradation d’une électronique pour continuer la mission en mode
dégradé ou de survie, ou bien changer d’électronique dans une architecture
redondée. Ces considérations, ainsi que les objectifs de SDF fixés, entrent en
compte dans la stratégie de maintenance mise en place. Nous ne rentrons pas
ici dans ce niveau de détail, il faut juste savoir qu’il s’agit de démarches de bon
sens et de cohérence entre les objectifs de sécurité, de coûts et les missions
assurées par le système.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes importants de
l’article, ainsi qu’un tableau des symboles utilisés.

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________________________________________________________________________ COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE EN PHASE DE MAINTENANCE

Les câbles blindés sont fragiles. En général, des gaines de pro-


1. Maintenance des tection évitent le déchirement des tresses par frottement. Elles
protections en émissions sont rendues solidaires des structures par des brides de maintien.
Cependant, il arrive que les vibrations soient telles que des frotte-
conduites ou rayonnées ments ont quand même lieu et dégradent l’état de surface des
tresses. Des fuseaux peuvent être cassés. Ces dégradations
arrivent aussi souvent sur des zones où le blindage est fortement
Pour diminuer les émissions intrinsèquement liées aux signaux courbé, courbures qui déjà diminuent ses performances. Les
fonctionnels utilisés par une électronique, on peut filtrer ces câbles blindés sont coûteux et lourds. On ne les emploie donc que
signaux ou blinder certaines des sources d’émissions rayonnées pour des signaux très polluants. On ne peut donc, sous risque de
pour en diminuer l’impact sur l’environnement. Dans tous les voir des défaillances parfois du système lui-même, se passer
exposés qui suivent, on considère la maîtrise des références et d’une action de maintenance pour ces situations. La maintenance
sources des composants acquise. Ce point majeur fait partie de la est avant tout visuelle. Les frottements sur les gaines, la mise à
qualité de gestion des dossiers de définitions des électroniques
utilisées.
jour de tresses sont des traces d’usure facilement visibles dès lors
que le câble est accessible à la vue. Notons que la procédure
d’inspection visuelle couvre aussi les dégradations de connexions
2
d’extrémités (queues de cochon, casse de fuseaux sur les acces-
1.1 Maintenance des filtres soires arrière de connecteurs, etc.).
pour les objectifs de mutisme Si des portions de câble blindé ne sont pas accessibles, et que la
criticité des signaux exige leur inspection, une solution peut
Par principe, un filtre ne doit pas être soumis à un stress élec- consister à établir en conception une procédure de fonctionnement
trique proche des limites de tenue des composants qui le consti- du système et de mesure du rayonnement des signaux incriminés
tuent. Sous cette condition, l’usage n’est pas considéré, dans la à l’aide de capteurs de champs locaux (on parle de « sniffeurs »),
vie d’un système, comme pouvant être une source de vieillisse- pour un blindage volontairement dégradé aux points où il n’est
ment. Les composants passifs des filtres, bien dimensionnés, pas visible. Cette signature pourra être réutilisée en maintenance,
maintiennent leurs performances tout au long de la vie de ce sys- en ayant veillé à ce que la dégradation volontaire du blindage sous
tème. On considère donc que des filtres bien dimensionnés ne forme d’ouvertures pratiquées sur sa surface (en écartant les
sont pas contraints par l’électronique qui les utilise et que, de fait fuseaux de la tresse par exemple) fournisse un seuil où le système
et sans autres sources de stress, leur durée de vie est garantie n’est pas encore dans un état critique et où la dégradation est
tout au long de la vie système. mesurable. Il est évident que l’on rentre déjà ici dans des opéra-
En pratique, on constate parfois des dérives de fonctionnement tions de maintenance coûteuses et qui nécessitent un matériel spé-
qui peuvent être créées par des dégradations liées à l’environne- cifique pour les agents de maintenance, même si celui-ci est
ment : surchauffe, poussière, etc. Mais ces problèmes de vieillis- encore relativement léger. Heureusement, ces cas sont assez rares
sement sont identiques pour les aspects fonctionnels ou CEM. On et, dans la majorité des situations, des maintenances diverses qui
considère donc dans ce premier cas qu’il n’y a pas de mainte- nécessitent des démontages partiels des systèmes permettent en
nance CEM particulière pour les filtrages en mutisme. même temps de scruter les câbles de ces parties usuellement inac-
cessibles. Il faut dans ce cas mettre en place la maintenance CEM
conjointement aux autres actions pour réduire les opérations par-
ticulières. En conception amont, on aura démontré que la période
1.2 Maintenance des câblages de maintenance CEM pouvait s’inscrire dans la maintenance méca-
pour les objectifs de mutisme nique ou autres. Une étude de vieillissement du câblage soumis à
des vibrations avec frottements permettra de démontrer cela.
Lorsque des signaux véhiculés par des câblages s’avèrent trop
rayonnants, on peut procéder à des préparations particulières de
ces câblages, soit par torsadage, soit par blindage. Le torsadage
des câbles présente une réduction d’efficacité liée d’une part au
pas de torsade, mais aussi à l’homogénéité de ce pas. Normale-
2. Rappel des principales
ment, en conception CEM, une incertitude sur la régularité du pas
est considérée. Par ailleurs, aux extrémités proches des connec-
techniques de protection
teurs, le pas est souvent perdu et le câble torsadé devient en pra-
tique une ligne bifilaire classique. Quelles que soient les
pour l’immunité
imperfections du câble torsadé, ce dernier répond normalement
au besoin : des tests ont démontré son efficacité et l’équipement Le choix des protections passe par la compréhension de leurs
finalisé a été qualifié pour la CEM, sa production assure la confor- performances respectives. Elles sont souvent utilisées conjointe-
mité avec la qualification. À partir de là, qu’est-ce qui pourrait ment pour profiter de qualités qui peuvent se compléter, aucune
remettre en cause cette performance ? Les vibrations principale- protection n’étant universelle vis-à-vis des agressions et environ-
ment. Les câbles sont souvent en téflon (ou dérivés) pour une nements possibles. On distingue trois types de protection :
bonne tenue au feu. Or, ce matériau est glissant. Avec des vibra- – les filtres ;
tions, les torsades peuvent se relâcher et l’on peut perdre ainsi la – les écrêteurs ;
qualité originellement visée. – les blindages.
En pratique, les liaisons sont une partie de torons plus consé- Nous n’aborderons pas ici les techniques logicielles de protection
quents dans de nombreux systèmes. Dans ce cas, c’est la struc- ni les techniques hyperfréquences comme les stubs et circulateurs.
ture même du toron, les colliers de serrage aux structures, qui
maintiendra les torsades serrées. Si l’on montre que le serrage est
suffisamment régulier et empêche des « battements » du câblage 2.1 Filtres
sous l’effet des vibrations, la maintenance n’est plus nécessaire.
Dans le cas où une paire torsadée serait seule ou dans un petit La conception d’un filtre en CEM suit exactement pour son design
toron, si les accrochages sont peu nombreux, une solution les techniques de détermination des filtres utilisés fonctionnelle-
consiste à ajouter sur la torsade une gaine de maintien qui garan- ment. Simplement, on conçoit en général des filtres passe-bande,
tira la non-dispersion des torsades. où la bande non atténuée est la bande utile de l’électronique proté-

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COMPATIBILITÉ ÉLECTROMAGNÉTIQUE EN PHASE DE MAINTENANCE ________________________________________________________________________

gée. Il en va de même en émission où l’on essaie de supprimer les Sur ce schéma, nous avons mis en place l’impédance d’entrée
harmoniques indésirables créées par l’électronique vers son envi- spécifiée : le condensateur C1 avec son schéma réel incluant l’induc-
ronnement. Dans le principe même de fonctionnement d’un filtre, il tance L1 estimée pour le routage et celle de sa technologie, les deux
faut retenir qu’il n’est efficace que si les impédances de source et de tronçons de ligne spécifiés dans l’essai BCI (Line 1, Line 2) suivant la
charge sont connues et prises en compte dans sa conception (ce norme DO-160G par exemple (section 20, Conducted susceptibility)
point est bien trop souvent négligé par des personnes confrontées à et les 50 Ω d’entrée du RSIL (Réseau Stabilisateur d’Impédance de
des problèmes de CEM, qui s’étonnent ensuite de la non-efficacité Ligne, ou LISN en anglais). Nous injectons ici, sur une alimentation
du filtre qu’elles ont mis en place) et si la réalité des schémas équi- par exemple, sinon à la charge fonctionnelle connue. La « pince
valents des composants est considérée. Ainsi un condensateur n’est BCI » est simulée par un transformateur. En effectuant une simula-
un condensateur pur qu’à l’école ! tion de 1 à 400 MHz, nous obtenons la tension aux bornes du com-
Un condensateur est avant tout un circuit bouchon et ne garde posant donnée en fonction de la fréquence : Line Impedance
ses propriétés de condensateur que dans des gammes de fré- Stabilization Network, sur la figure 2.

2
quences et d’amplitudes de tension et courant données. Il en va Cette contrainte est beaucoup trop importante – par exemple,
de même de tous les composants. Nous ne développons pas plus nous visons un objectif de tension inférieure à 5 V – et nous
ici la conception des filtres, le lecteur peut se reporter aux nom- devons donc revoir notre design. La première détermination de la
breux ouvrages sur le sujet [E115]. Par contre, nous allons déve- valeur du condensateur est souvent assez intuitive, car son calcul
lopper la méthodologie de sa conception dans le cas d’un filtre exact nécessite finalement rapidement de faire l’établissement des
réduit à sa plus simple expression. équations du circuit complet, soit par la méthode proposée dans
Dans de nombreux cas, pour des raisons de coûts, encombre- l’article [E1302] (qui pourra apporter d’autres avantages dans
ment, etc., les filtres CEM se réduisent à un composant unique. l’analyse), soit en utilisant un logiciel comme Qucs.
Nous étudions ici un cas typique : celui de l’usage d’un condensa- Pour corriger notre insuffisance de protection, un raisonnement
teur, pour présenter toute la démarche qui doit accompagner intuitif indiquerait d’augmenter la valeur du condensateur. Seule-
l’usage d’un filtre. ment, des valeurs plus élevées augmenteront aussi l’inductance

2.1.1 Méthodologie
Un filtre implémenté pour la CEM devra répondre à plusieurs V1 = 40 V
Simulation
en régime
objectifs : remplir une mission d’atténuation en immunité, ne pas + – sinusoïdal
gêner le fonctionnel et ne pas être dégradé par certaines des Start = 1 MHz
contraintes CEM appliquées pour lesquelles il n’a pas de rôle. Le Stop = 400 MHz
filtre sera ainsi analysé, dans l’ordre, pour les contextes suivants :
1/ vis-à-vis des signaux fonctionnels (entre dans sa conception) ;
2/ l’agression pour laquelle il a été identifié ; + – Pr1
3/ en émissions conduites, qui impliqueront les émissions rayon- Tr1
nées ; T T=1
4/ en immunité conduite vis-à-vis des agresseurs harmoniques
C1 = 100 nF

(Contiuous Wave (CW) et pulsés), cela inclura le comportement


C2 = 10 pF

en immunité rayonnée radiofréquence ;


5/ en immunité conduite vis-à-vis des impulsions – foudre, ESD
(ElectroStatic Discharge) ou DES en français (décharges électros-
tatiques), etc.
Cette méthodologie montre que, si le concepteur a au départ
pensé au filtre parce qu’il était utilisé sur un autre projet, ou parce L1 = 10 nF
qu’il a anticipé un risque ou bien encore parce qu’il doit résoudre
un défaut en essai de pré-qualifications, il doit de toute façon
rebalayer l’ensemble des tests qui impliqueront ce filtre pour véri-
fier son adéquation avec l’ensemble des contraintes. En effet, si le
filtre résout un problème dans un domaine donné, mais en crée
un autre par ailleurs, le gain d’utilisation devient très relatif. Figure 1 – Schéma implémenté sous Qucs pour simulation BCI

2.1.2 Condensateur comme filtre passe-bas


pour l’immunité RF (radiofréquence)
Tension Pr1 (V)

Il ne faut pas, contrairement à une idée répandue, se fixer de 30


règles ; celles-ci sont irrémédiablement désuètes quand les technolo-
gies évoluent. Il vaut mieux s’appuyer sur des approches – les plus
efficientes sont celles basées sur des considérations topologiques – 20
pour ensuite simuler les solutions envisagées puis les valider.
On désire donc réduire la contrainte vue par une entrée de 10
composant. La contrainte est en hautes fréquences comparée aux
fréquences de travail du composant.
On envisage donc un filtre passe-bas avec un condensateur 0
placé avant l’entrée. On connaît l’impédance d’entrée du compo-
sant : 1  k Ω en parallèle à 10 pF. Un travail minimum consiste à 0 100 200 300 400
simuler approximativement la contrainte au test BCI (Bulk Current Fréquence (MHz)
Injection) d’une telle structure. On peut par exemple utiliser un
logiciel open source comme Qucs pour reproduire le schéma
équivalent à notre problème donné figure 1. Figure 2 – Contrainte en fréquence sur le composant

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Référence Internet
MT9286

Systèmes de surveillance de défauts


pour la maintenance prévisionnelle
de parcs de turbines éoliennes
par Moamar SAYED MOUCHAWEH
Professeur de l’Institut Mines-Télécom
2
IMT Lille Douai, Douai, France

1. Systèmes de production d’énergie éolienne............................................ MT 9 286 - 2


1.1 Description d’une éolienne ........................................................................ — 3
1.2 Surveillance de défauts des éoliennes à partir de données SCADA ...... — 4
1.3 Défauts des éoliennes : nature et criticité ................................................. — 4
1.4 Aide à la maintenance des éoliennes........................................................ — 5
2. Diagnostic de défauts des éoliennes ........................................................ — 5
2.1 Principe général des méthodes de diagnostic des éoliennes ................. — 6
2.2 Classification générale des méthodes de diagnostic des éoliennes ...... — 6
3. Méthodes de diagnostic de défauts des éoliennes ................................. — 7
3.1 Diagnostic à partir de la surveillance/analyse de la puissance ............... — 8
3.2 Diagnostic à partir de la surveillance/analyse de la température ........... — 9
3.3 Diagnostic à partir de la surveillance/analyse de la vibration................. — 10
4. Bilan des méthodes présentées et discussion ......................................... — 11
5. Conclusion ................................................................................................... — 12
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. MT 9 286

es États membres de la Commission européenne ont pris l’engagement de


L réduire d’ici à 2020 la consommation d’énergie primaire de 20 %. Afin
d’atteindre cet objectif, il est devenu indispensable de développer et d’intégrer
des sources d’énergie renouvelable (SER), en particulier les sources éoliennes,
dans les réseaux de production usuels en veillant à garantir deux objectifs :
• accroître la production des SER, en particulier les parcs éoliens, en aug-
mentant leur disponibilité et leur fiabilité ;
• diminuer les coûts de production en réduisant les coûts de maintenance et
limitant les conséquences de défauts affectant le fonctionnement normal
des composants des SER.
Afin de pouvoir atteindre ces deux objectifs, il est indispensable d’équiper les
éoliennes d’outils de surveillance efficaces permettant de détecter de manière
précoce et fiable l’apparition de défauts et d’estimer leur criticité et durée de
vie restante afin de réaliser des ajustements ou des réparations au plus tôt et à
moindre coût.
Le diagnostic de défauts des éoliennes est une tâche très difficile à réaliser,
notamment à cause de la forte variabilité de la vitesse du vent et des tur-
bulences autour du plan du rotor, la non-linéarité de la dynamique des
éoliennes, l’apparition de certains défauts (par exemple, les défauts des action-
neurs de pivotement de l’angle de calage des pales) dans des conditions de
Parution : avril 2018

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MT 9 286 – 1

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MT9286

SYSTÈMES DE SURVEILLANCE DE DÉFAUTS POUR LA MAINTENANCE PRÉVISIONNELLE DE PARCS DE TURBINES ÉOLIENNES ____________________________

fonctionnement (région d’optimisation de la puissance) où les conséquences


de ces défauts sont cachées, les actions de la commande qui compensent les
effets de défauts et le faible volume de données décrivant les défauts par
rapport aux données de fonctionnement normal.
Il existe de nombreuses méthodes de diagnostic de défauts des éoliennes
dans la littérature. Ces méthodes sont fondées sur l’utilisation d’un modèle
caractérisant les modes ou les comportements, de fonctionnement normal et/
ou défaillant. En général, ces méthodes peuvent être classées en deux catégo-
ries principales : les méthodes à base de modèle analytique et les méthodes à
base de traitement du signal et d’intelligence artificielle. Dans la première
classe, un modèle mathématique ou analytique (quantitatif et/ou qualitatif) est
2 construit en utilisant une connaissance a priori sur la dynamique et/ou la struc-
ture du système. Dans la deuxième classe, le modèle est construit par
apprentissage en utilisant un ensemble de données sur le comportement du
système. Les approches appartenant à ces deux catégories ont leurs avantages
et inconvénients selon la connaissance disponible sur le comportement du sys-
tème, sa complexité, le mécanisme d’apparition des défauts et leur dynamique
de développement.
Dans cet article, le principe général des méthodes de diagnostic de défauts
des éoliennes sera présenté. Ensuite, les méthodes de diagnostic de défauts
des éoliennes les plus connues de la littérature seront étudiées et comparées
en utilisant plusieurs exemples. L’objectif est de montrer leur capacité à
répondre aux défis liés au développement et à l’implémentation d’un système
d’aide à la maintenance prévisionnelle de parcs éoliens.

1. Systèmes de production Le rendement effectif d’une éolienne (capacity factor) est


l’énergie effective produite par an divisée par l’énergie maxi-
d’énergie éolienne male que cette éolienne peut produire par an.

L’énergie éolienne est l’énergie en provenance du vent captée par À titre d’exemple, une éolienne en mer de 5 MW de puissance
des éoliennes et transformée en énergie électrique. La production maximale peut fournir 5*8760 heures = 15 GigaWattsheure (GWh/an)
d’énergie éolienne se développe rapidement grâce aux progrès tech- par an. L’énergie effectivement produite par an (8760 h) est égale à
nologiques et aux réglementations incitant à réduire les émissions 6 GWh/an avec un rendement effectif de 6/15 = 40 %. Cela signifie
de gaz à effet de serre et l’utilisation des sources d’énergie fossile. que la puissance moyenne de cette éolienne est égale à 6 000 MWh/
Les éoliennes sont le plus souvent rassemblées dans un « parc 8760 h ≈ 0,7 MW.
éolien » ou une « ferme éolienne » terrestre (onshore) ou en mer
Il y a deux mesures qui sont utilisées pour évaluer le retour
(offshore). L’éolienne terrestre est fixée dans le sol tandis que
d’investissement d’un parc éolien ; ces mesures sont les coûts
l’éolienne en mer est ancrée au fond de la mer dans des zones où la
d’investissement (CAPEX : Capital Expenditure) et les coûts opéra-
profondeur ne dépasse pas 40 m. Cependant, les éoliennes en mer tionnels (OPEX : Operational Expenditure).
peuvent être installées loin des côtes (farshore) sur des bases flot-
tantes. Ces éoliennes flottantes sont encore en phase de développe-
ment. Elles peuvent avoir deux modes d’exploitation : mode Les coûts d’investissement (CAPEX) sont les investissements
d’exploitation industrielle et mode d’exploitation domestique. Le (charges, immobilisations) nécessaires pour la mise au point
mode d’exploitation industrielle correspond à l’utilisation des (installation) d’un parc éolien.
éoliennes de puissance importante (supérieure à 2 MW pour Les coûts opérationnels (OPEX) sont les charges, ou
l’éolienne terrestre et supérieure à 5 MW pour l’éolienne en mer) et dépenses, courantes nécessaires pour faire fonctionner un parc
de grande hauteur de mât (supérieure à 120 m) reliée au réseau éolien.
électrique. Le mode d’exploitation domestique, quant à lui, corres-
pond à l’utilisation des éoliennes de faible puissance (jusqu’à 50 kW)
et hauteur du mât inférieure à 35 m. Les éoliennes domestiques (ins- Les CAPEX moyens pour les parcs éoliens français en 2016 se
tallées sur les toits d’immeubles) peuvent alimenter des bâtiments situent autour de 1,4 €/MW installés. Ces coûts correspondent princi-
isolés non reliés au réseau afin de diminuer la dépendance des palement à l’achat et au montage des éoliennes, le génie civil et les
autres infrastructures, et le raccordement au réseau électrique. Les
consommateurs à ce réseau ou bien être raccordées au réseau afin
OPEX moyens pour un parc éolien français en 2016 se situent autour
de revendre la production.
de 21 €/MWh. Ces coûts couvrent la maintenance des éoliennes, les
Les éoliennes en mer se développent beaucoup plus vite que assurances et les frais de gestion.
les éoliennes terrestres parce qu’elles permettent d’obtenir une
production plus régulière et plus importante. Cela est dû au fait Afin d’augmenter la part de l’électricité produite par les fermes
que les vents sont beaucoup plus puissants au large des côtes éoliennes, il faut, d’une part, diminuer les CAPEX et les OPEX, et
que sur les côtes. C’est pourquoi le rendement effectif des parcs d’autre part, améliorer la pénétration de l’énergie éolienne dans la
en mer est bien supérieur (environ deux fois supérieur) à celui des production électrique. La dernière est définie comme la fraction de
parcs terrestres. l’énergie produite par les éoliennes par rapport à l’énergie électrique

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MT 9 286 – 2

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MT9286

____________________________ SYSTÈMES DE SURVEILLANCE DE DÉFAUTS POUR LA MAINTENANCE PRÉVISIONNELLE DE PARCS DE TURBINES ÉOLIENNES

totale produite par an. La production éolienne est fortement variable à tion. L’arbre principal tourne à des vitesses lentes, de l’ordre de 10 à
cause de la variation du vent. Cette variabilité affecte la pénétration de 20 tr/min. La vitesse de rotation de l’arbre principal ou lent est adap-
l’énergie électrique dans la production/consommation électrique. Afin tée aux vitesses de fonctionnement des génératrices par l’intermé-
de diminuer l’effet négatif de cette variabilité, il faut avoir recours à diaire de la boîte de vitesses à engrenages appelée multiplicatrice
des moyens de stockage (par exemple, l’air comprimé, le stockage (Figure 1). La boîte de vitesses augmente la vitesse de rotation d’un
thermique, stockage hydraulique, etc.) de cette énergie afin de la stoc- facteur proche de 100. La génératrice produit de l’électricité triphasée
ker quand la production est importante et la demande est faible, et qui est ensuite envoyée dans le transformateur pour l’adapter au
l’utiliser quand la production est faible et la demande est forte. Cela réseau inter-éolien puis au réseau électrique. La nacelle peut pivoter
permettrait d’améliorer l’équilibre ou l’ajustement production/ sur elle-même pour suivre la direction du vent. La direction, la vitesse
consommation et par conséquent d’améliorer la stabilité du réseau
du vent et la température extérieure sont mesurées par la station
électrique en cas de forte demande ou de coupure (outages). Dimi-
météorologique installée à l’arrière de la nacelle.
nuer les CAPEX et les OPEX nécessite d’une part d’améliorer la tech-
nologie des éoliennes (la durée de vie, le rendement et l’efficacité des Une éolienne est caractérisée par la relation qui lie la vitesse du
composants éoliens comme la génératrice, la boîte de vitesse ou les
pales, leur prix, etc.) et de réduire les couts de maintenance. Cet
article se concentre sur les méthodes de diagnostic de défauts per-
vent et la puissance délivrée. La courbe qui représente cette rela-
tion est appelée la courbe de puissance (Figure 2). Une vitesse
minimale est nécessaire pour produire de l’énergie. Une fois cette
2
mettant de réduire les coûts de maintenance des éoliennes par une valeur atteinte, la production d’énergie augmente avec la vitesse
détection précoce et fiable de défauts et une isolation précise de ses de vent, jusqu’à atteindre une puissance maximale qui sera main-
sources. tenue si la vitesse du vent reste dans une certaine gamme. Si le
vent devient trop fort, la machine est arrêtée pour des raisons de
Le meilleur taux de pénétration de l’énergie éolienne en 2015 est sécurité afin qu’elle ne soit pas endommagée. En se basant sur
attribué au Danemark avec 39,1 % [1]. Cela signifie que parmi les cette courbe de puissance, le fonctionnement d’une éolienne est
8 760 heures de l’année 2015, l’énergie éolienne a été utilisée pour représenté par quatre modes principaux (Figure 2) :
répondre à la demande de consommation électrique pendant
1 460 heures. • mode 1 (vitesse de vent inférieure à une certaine valeur,
généralement 5 m/s) ; dans ce mode, la machine est en
attente d’une vitesse de vent suffisante pour démarrer ; les
1.1 Description d’une éolienne pales de l’éolienne ont une prise au vent maximale, et le rotor
tourne de manière libre ;
La forme la plus courante d’éolienne, surtout terrestre, est • mode 2 ; une fois la vitesse minimale atteinte, la génératrice
l’éolienne à axe horizontal (Figure 1). Elle se compose généralement est couplée au réseau et commence à produire ; la puissance
de 3 pales orientables en matière d’angle (pitch angle) de 0° à 90°. produite augmente en fonction de la vitesse de vent ; dans
L’angle de chaque pale peut varier en fonction de la vitesse et l’orien- cette phase, l’angle des pales est constant ;
tation du vent afin de maximiser la production d’énergie et assurer sa
sécurité. L’angle de chaque pale est changé par un moteur de pivote- • mode 3 ; la puissance produite est à sa valeur maximale tandis
ment. Les pales sont liées à un rotor fixé sur une nacelle qui abrite que la vitesse de vent augmente mais reste en dessous de sa
une génératrice électrique. Les pales entraînent le retour en rotation valeur maximale autorisée (généralement autour de 25 m/s) ;
qui va à son tour entraîner l’arbre principal de la génératrice en rota- afin de conserver la puissance produite à sa valeur maximale,

Station météorologique

Réseau
Boîte de vitesse
Vent Arbre rapide électrique
ou multiplicatrice Génératrice Transformateur
triphasée

Rotor

Pales

Nacelle

Mât Arbre lent


ou principal

Figure 1 – Composants d’une éolienne

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MT 9 286 – 3

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2

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MT9290

Règlements et normes à usage


de la maintenance tertiaire
Patrimoines immobiliers

par Daniel HOSTALIER


2
Auto-entrepreneur
HD Conseil – 78560 LE PORT-MARLY, France – Adhérent à l’AFNOR et au SYPEMI

1. Normes, règlements, contrôles réglementaires, maintenance


réglementée et recommandations professionnelles ..................... MT 9 290 - 2
1.1 Normes ........................................................................................................ — 2
1.2 Règlements.................................................................................................. — 3
1.3 Contrôles périodiques réglementaires...................................................... — 4
1.4 Maintenance réglementaire et recommandations professionnelles ...... — 5
2. Définitions................................................................................................. — 7
2.1 Les différents types de maintenance (voir EN 13306, § 2.1).................... — 7
2.2 Les différents niveaux de maintenance .................................................... — 10
2.3 Méthodes associées.................................................................................... — 11
3. Conclusion................................................................................................. — 14
4. Glossaire .................................................................................................... — 14
5. Sigles .......................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. MT 9 290

e présent document concerne uniquement la maintenance et l’exploitation


L multitechnique d’un patrimoine immobilier à usage de :
1/ bureaux et locaux divers assimilables ;
2/ magasins et lieux de vente;
3/ usines, ateliers et autres locaux assimilables ;
4/ lieux de dépôt ou de stockage ;
5/ logements, hôtels et locaux assimilables ;
6/ établissements de spectacles, de sports et de loisirs ;
7/ établissements d’enseignement et locaux assimilables ;
8/ établissements de santé (hôpitaux, cliniques et établissements du secteur
sanitaire et social).
Un patrimoine immobilier, c’est pour commencer un bâtiment, généralement
constitué d’une sous-structure (partie du bâtiment construite sous le niveau du
sol), d’une superstructure (partie du bâtiment construite au-dessus du niveau
du sol), protégé par une couverture (toit, terrasse) ainsi que par une enveloppe
(partie extérieure qui isole la superstructure des intempéries comme des varia-
tions de température), complétées de murs, de cloisons, et d’ouvrants divers
(fenêtres, portes, etc.).
Cette première partie du patrimoine immobilier est concernée par la mainte-
Parution : février 2023

nance dite du bâtiment, qui comprend l’ensemble des actions de surveillance,

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RÈGLEMENTS ET NORMES À USAGE DE LA MAINTENANCE TERTIAIRE ________________________________________________________________________

d’entretien courant et de renouvellement survenant pendant la durée de vie


d’un bâtiment.
Un patrimoine immobilier, c’est ensuite un ensemble d’équipements de pro-
duction d’énergie et de fluides (chaudières, groupes froid, compresseurs d’air,
transformateurs électriques HT/BT, surpresseurs eau de ville...), les divers
réseaux de distribution correspondants (hydraulique, aéraulique, filaire…), les
équipements intermédiaires de transformation (échangeurs, centrales de traite-
ment d’air…), les éléments terminaux (convecteurs, ventilo-convecteurs, éjecto-
convecteurs, boîtes de mélanges, bouches de soufflage…), les moyens de levage
(ascenseurs, escalators, nacelles de lavage des vitres…).
Cette seconde partie du patrimoine immobilier est concernée par la mainte-
2 nance dite multitechnique, qui comprend l’ensemble des actions techniques de
contrôle, de maintenance programmée et non programmée, destinées à main-
tenir chaque équipement dans un état d’accomplir sa fonction requise, avec un
rendement optimal et le plus longtemps possible, en consommant le moins
d’énergie possible.
Un patrimoine immobilier, c’est pour finir toutes les installations électriques en
BT (tableaux de distribution, éclairage fixe, interrupteurs, prises de courant…), de
plomberie sanitaire (robinetterie, vasques de lavabos, receveurs de douches, WC,
urinoirs…), auxquelles peuvent parfois venir s’ajouter tous les matériels mobiles
raccordés aux divers réseaux (éclairages individuels, fontaines à eau réfrigérée,
distributeurs de boissons…), le mobilier et les équipements pour la signalisation
ou la décoration présente sur le site.
Cette dernière partie du patrimoine immobilier est concernée par la mainte-
nance dite de second œuvre, qui comprend : des actions de maintenance
préventive pour les équipements majeurs (tableaux de distribution électrique…),
des rondes de contrôle de bon fonctionnement pour les autres équipements
concernés (éclairage, interrupteurs, prises de courant, sanitaires…) et des actions
correctives sur demande chaque fois que nécessaire.
Le présent document ne concerne toutefois pas la maintenance des outils de pro-
duction propres aux clients (exemple : les machines-outils), ni les multiservices.
Il fait notamment référence aux normes AFNOR en vigueur que nous avons
identifiées comme les plus pertinentes, s’agissant de la maintenance d’un patri-
moine immobilier, aux règlements divers en vigueur et aux nombreux guides et
documents élaborés par le SYPEMI (Syndicat des professionnels du facility
management), qui rassemble la grande majorité des entreprises travaillant sur
l’exploitation technique et servicielle des bâtiments. Il concerne à la fois le patri-
moine immobilier public et privé.
Il vise à aider les mainteneurs à identifier toutes les contraintes et les règles
à connaître pour assurer la maintenance d’un patrimoine immobilier.

1. Normes, règlements, Sont également considérés comme nécessaires, pour organiser la


maintenance en général et pour la maintenance d’un patrimoine immo-
contrôles réglementaires, bilier en particulier, les documents normatifs NF X60-000 d’avril 2016,
FD X60-025 de décembre 2019, GA X60-026 de novembre 2010 et NF
maintenance réglementée X60-301 d’avril 2022. Certains devraient être prochainement révisés.
Tous ces documents normatifs sont listés et explicités ci-après.
et recommandations De nombreux autres documents vous seront également utiles,
professionnelles comme par exemple la norme EN 15331 – Critères pour la concep-
tion, la gestion et le contrôle des services de maintenance dans la
construction, ainsi que la CN TS 17385 – Méthode pour l’évalua-
tion de l’état des biens immeubles construits, mais elles ne seront
1.1 Normes pas reprises et explicitées ci-après.

Pour la bonne compréhension du présent document par tous les 1.1.1 NF EN 13306
professionnels de la maintenance, la terminologie utilisée sera celle
définie par le document normatif NF EN 13306 de janvier 2018, La norme NF EN 13306 – Maintenance – Terminologie de la
complété par celui du NF X60-012 d’août 2006. maintenance, a pour objet de définir les termes généraux et leurs

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MT9290

_________________________________________________________________________ RÈGLEMENTS ET NORMES À USAGE DE LA MAINTENANCE TERTIAIRE

définitions pour les aspects techniques et administratifs ainsi que bureaux, de locaux industriels, d’établissements scolaires, de locaux
l’aspect management de la maintenance. Elle ne s’applique pas commerciaux, d’hôpitaux, d’immeubles à usage de logement (parties
aux termes utilisés pour la maintenance des seuls logiciels. communes et privatives), etc.
Les trois définitions suivantes sont particulièrement à retenir. • Ce document a été initialisé par le SYPEMI, syndicat profession-
Maintenance : ensemble de toutes les actions techniques, admi- nel qui rassemble la grande majorité des entreprises travaillant
nistratives et de management durant le cycle de vie d’un bien, sur l’exploitation technique et servicielle des bâtiments.
destinées à le maintenir ou à le rétablir dans un état dans lequel il • Il a toutefois été complété, adapté et révisé pour devenir un
peut accomplir la fonction requise. document normatif.
Exploitation : combinaison de toutes les actions techniques, • Il a été rédigé sous la forme d’un guide d’application de la main-
administratives et de management, autres que les actions de tenance d’un patrimoine immobilier de bureaux, locaux indus-
maintenance, qui a pour résultat l’utilisation du bien. triels, établissements scolaires, locaux commerciaux, hôpitaux,
immeubles à usage de logement, etc.

2
Entretien courant : activités de maintenance préventive simples,
régulières ou répétées, réalisées sur des petits équipement/instal-
lations (tableaux électriques divisionnaires…), ou de maintenance 1.1.5 GA X60-026
corrective réalisées lors de rondes régulières de contrôle de bon
fonctionnement (éclairage, interrupteurs, prises de courant, sani- Le guide GA X60-026 – Guide de gestion de la maintenance
taires…) et d’actions correctives sur demande, chaque fois que d’un patrimoine immobilier (GMAO) est conçu pour être principa-
nécessaire. lement appliqué aux immeubles d’activités tertiaires et il a pour
objectifs principaux :
1.1.2 NF X60-012 • de proposer une décomposition arborescente et fonctionnelle
du bien à maintenir ;
La norme NF X60-012 – Maintenance – Termes et définitions des • d’établir les règles qui permettent de fixer le niveau de sub-
éléments constitutifs des biens et de leur approvisionnement, division d’un bien du point de vue des actions de maintenance ;
donne une liste de termes et définitions utilisées pour décrire les
éléments constitutifs d’un bien. • d’harmoniser le vocabulaire utilisé pour désigner chaque
niveau d’arborescence ;
Ce document normatif vient compléter celui du NF EN 13306 ci-
dessus. • de présenter les lignes directrices à prendre en compte pour
élaborer un échéancier de maintenance ;
Les nouveaux termes définis par l’AFNOR permettent de statuer :
• de préconiser la généralisation de cette méthodologie aux
• sur la façon de désigner un bien fractionné, considéré indivi-
prestations de service des contrats de facilities management,
duellement et qui assure une, voire plusieurs fonctions requises
pour tout ce qui concerne les biens matériels et les presta-
élémentaires, à savoir un équipement ;
tions associées, de nature technique ou services ; à ce titre,
• sur la façon de désigner un ensemble d’équipements associés, une GMAO fournit des éléments nécessaires à l’exploitation
destinés à remplir une, voire plusieurs fonctions requises, à d’un contrat de facility management ; elle contiendra, ou pas,
savoir une installation ; la planification des prestations de nature servicielle, selon
• sur la façon de désigner les différentes parties d’un équipe- l’organisation du prestataire de FM.
ment, à savoir une pièce détachée, qui peut être d’usure, de
fonctionnement, de rechange, ou de structure, mais égale- 1.1.6 NF X60-301
ment désignée comme un article en tant que tel, constituant
un élément de nomenclature ou de catalogue, ou plus géné- La norme NF X60-0301 – Maintenance – Maintenabilité des biens
ralement maintenu en stock sous une référence du fabricant, durables à usage professionnel, définit et caractérise la maintenabilité
du fournisseur ou propre au mainteneur. des biens durables en décrivant ses différents facteurs et en donnant
Ces termes sont essentiels pour décomposer un bien immobilier des recommandations pour spécifier les exigences à satisfaire, pour
en installations et en équipements à maintenir, et pour identifier les les évaluer et pour développer un programme de maintenabilité.
pièces détachées à remplacer dans le temps, en fonction du nombre
d’unités d’usage (pluriannuel, calendaire, heures, cycles, pression,
température, etc.). 1.2 Règlements
En fonction du patrimoine immobilier concerné, la réglementa-
1.1.3 NF X60-000 tion est plus ou moins contraignante. Les opérations de mainte-
nance à réaliser sont relativement complexes et fréquentes. Le
La norme NF X60-000 – Maintenance industrielle – Fonction
parfait état de fonctionnement doit être constaté, plus ou moins
maintenance, est conçue sous forme de guide, et présente les
fréquemment, par des organismes de contrôle agréés.
lignes directrices à prendre en compte pour concevoir, évaluer ou
réviser le processus de maintenance d’une entreprise industrielle Nous pouvons citer par exemple les immeubles de grande
ou de service, en vue de satisfaire ses enjeux techniques et écono- hauteur (IGH), les établissements recevant du public (ERP) ou les
miques. installations classées protection de l’environnement (ICPE), et plus
généralement les établissements recevant des travailleurs (ERT).
Ce document normatif est très général et s’applique donc à tous
les types de maintenance (machines-outils, biens de production,
électroménager, etc.), ce qui a justifié l’élaboration d’un document 1.2.1 Règlement relatif aux immeubles
normatif spécifique pour la maintenance des patrimoines immobi- de grande hauteur (IGH)
liers (voir le FD X60-025 évoqué ci-après qui précise la NF X60-000).
Un immeuble de grande hauteur est ainsi qualifié (cf. article
R. 122-2 du Code de la construction et de l’habitation) lorsque le
1.1.4 FD X60-025 plancher bas du dernier niveau est situé par rapport au niveau du
Le guide FD X60-025 – Guide d’application de la norme NF X60-000 sol du plus haut utilisable par les engins de services publics de
Maintenance industrielle – Fonction maintenance aux patrimoines secours et de lutte contre l’incendie :
immobiliers, concerne la maintenance d’un patrimoine immobilier de • à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation ;

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