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Poésie du XIXe au XXIe siècle

Parcours : Mémoires d'une âme

Analyse linéaire 1 : « Elle était déchaussée... », Les Contemplations, Livre I, Victor Hugo

Présentation
Le poète, écrivain, dramaturge et homme politique, présente Les Contemplations comme «Les mémoires d’une âme» car il y dresse le journal
poétique de son existence. Le décès de sa fille Léopoldine en 1843 déchire le recueil en deux partie «Autrefois» et «Aujourd’hui». Du
romantisme bucolique de la première partie, le recueil évolue vers un romantisme sombre et métaphysique, et s’achève par le présent de l’exil
imposé par Napoléon III après le coup d’état de 1851.
Le poème fait partie du Livre I «Aurore» de la première partie du recueil «Autrefois», 1830-1843 ; il s’inscrit donc dans l’époque heureuse
antérieure au drame du poète.

Sujet général
Ce poème de quatre strophes en alexandrins dont les rimes sont croisées évoque une rencontre amoureuse dans la nature.

Projet de lecture
Comment la rencontre entre le poète et une mystérieuse jeune fille permet-elle de célébrer la nature bucolique?

Mouvement du poème 

1er mouvement : du vers 1 au vers 8 → une proposition amoureuse

2ème mouvement : du vers 9 au vers 16 → une mystérieuse jeune fille


Analyse linéaire
Indices Procédés d'écriture Interprétations
1. Proposition amoureuse
Vers 1 Parallélisme syntaxique Grâce à ce parallélisme et la découpe à la césure dans un vers alexandrin classique, le
lecteur est plongé dans un monde harmonieux.

Elle x2 Pronom personnel Ce pronom, qui ne donne aucune indication sur l’identité de la personne, suscite le
mystère et crée un effet d’attente. Il répond au vers 3 aux pronoms «Moi» et «je» et
implique une rencontre entre les deux personnages : la figure féminine et le poète
«déchaussée» «décoiffée» Préfixe privatif Le portrait de cette figure féminine est présenté dans deux constructions identiques (Sujet
+ verbe d’état + attribut) avec un lexique privatif dans le sens de «qui enlève». Ce choix
lexical insiste sur le fait que le personnage se défait des éléments culturels (les chaussures
et la coiffure) pour rejoindre un état plus naturel avec des caractéristiques sensuelles
«pieds nus».
«parmi les joncs penchants» Indication spatiale Le décor dans lequel se déroule la scène évoque à la fois l’élément végétal et aquatique.
L’allitération en consonnes chuintantes(j / ch) restitue le murmure de l’eau

«était», «passais», «crus» Verbes aux temps passé L’emploi du passé simple et de l’imparfait entraîne le lecteur dans un monde merveilleux,
celui des récits féeriques. L’univers du conte est encore présent par le choix du terme
«fée» pour nommer la femme et l’emploi du verbe croire pour dire l’incertitude de cette
vision idyllique. La fée étant une créature merveilleuse de la littérature médiévale, elle
devient ici une allégorie d’une nature magique qui fascine le poète.

«Veux-tu t’en venir dans les Discours direct Le tutoiement manifeste le rapprochement des deux personnages pour un moment
champs?» d’intimité dans la nature «champs». Cette question posée en fin de strophe crée une attente
chez le lecteur : la réponse de la femme.
Polyptote Ce polyptote souligne la réponse sans parole à la question du poète. L’absence de parole et
l’adjectif hyperbolique «suprême» pour qualifier le regard soulignent encore une fois le
«regarda» «regard» caractère surnaturel de cette femme.

Présent de vérité générale Interruption de la narration par cette vérité générale qui marque l’inépuisable splendeur de
la nature.
«qui reste à la beauté...» => Au langage humain s’oppose le langage muet de la fée qui incarne l’inexprimable
beauté de la nature que le poète romantique cherche à atteindre.

Anaphore Cette réitération marque l’insistance du poète et la force de son désir. Cette invitation
amoureuse est justifiée par la saison printanière «le mois où l’on aime», associé à l’amour
«Veux-tu» x3 et à la fertilité. La répétition de la question crée un effet d’attente de plus en plus pressant :
le lecteur attend de connaître enfin la réponse de la femme.

Interjection Associée à la présence répétée du point d’exclamation et à l’évocation sonore du chant des
2. Une mystérieuse jeune oiseaux, elle traduit la joie du poète à la perspective du partage de ce moment d’intimité et
fille donne la réponse de la femme sans que le message soit explicite.
«Oh»
Verbe au passé simple Ce verbe qui marque l’action vient rompre l’immobilité de cette femme qui semble en
parfaite osmose avec la nature «essuya ses pieds à l’herbe». Elle reprend de suite son
immobilité («regarda» V.10 et «pensive» V.11). Cependant, cet état pensif semble être un
«essuya» badinage avec l’expression «belle folâtre» comme dans une sorte de jeu pour accroître le
désir du poète.
Reprend «sous les arbres profonds» du vers 8 et place le poète romantique dans la nature,
son havre de paix.

Elle reprend l’exclamation du vers 12. L’anaphore en «comme» amplifie la fascination du


«au fonds des bois» Indication spatiale poète pour la nature.

Cette personnification assimile la nature à une douce présence féminine. Cette douceur est
Vers 13 Tournure exclamative également restituée par l’alexandrin, harmonieusement rythmé avec par quatre groupes de
trois syllabes («Comme l’eau / caressait / doucement / le rivage!»).

«caressait doucement» Personnification Elles expriment l’amplification de l’émotion du poète qui voit ses vœux exaucés.

Cette énumération d’adjectifs soulignent l’ambivalence de la jeune fille à la fois belle et


«Je vis venir à moi, dans les Allitérations en /v/ et /r/ dangereuse («effarée» provient du latin «ferus» = farouche). Elle incarne la beauté
grands roseaux verts,» naturelle que le poète rêve de saisir mais qui peut lui échapper par sa vigueur animale.

«heureuse, effarée et sauvage» Énumération ternaire => Le dernier vers confirme la venue de la fée, cheveux déployés et riant, annonçant ainsi
le plaisir amoureux. La nature devient ici l’espace consacré à l’épanouissement des sens.

Conclusion
Dans ce poème, Hugo reprend la tradition de l’idylle pastorale où les personnages de ce genre poétique, bergers et bergères, tirent une intense proximité avec
la nature, jouent à se charmer et s’unissent dans un cadre bucolique. Nous avons ainsi montré comment la rencontre entre le poète et une mystérieuse jeune
fille, dans une forêt bucolique et enchantée, permet de célébrer la nature. Cette rencontre amoureuse symbolise l’alliance de l’humain avec la nature.
La poésie romantique poursuit cette alliance : l’union entre le poète et la fée symbolise la création poétique, œuvre humaine s’inspirant de la nature divine.

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