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Le texte argumentatif

Introduction
Dès ses premières lectures, le lecteur s’habitue à retrouver dans les textes certains modèles
d’organisation constantes. Ainsi se crée une attente qui oriente la lecture, dès lors qu’un texte
est identifié, par exemple, comme narration, description ou argumentation.
Les textes d’argumentation, quelle que soit la diversité des réalisations concrètes, se
caractérisent également par des principes d’organisation qu’il est utile de connaître.
Définition
Les textes argumentatif ne sont ni des narrations ni des descriptions. Ils ne cherchent pas à
présenter pour eux-mêmes des faits ou des détails concrets. Ces textes dégagent une
interprétation abstraite de ces faits ou de ces détails. Ils ne se situent donc ni dans le temps ni
dans l’espace, mais dans le domaine de la pensée.
Comme ils ont en général pour rôle de proposer ou d’imposer cette interprétation au
récepteur, il est habituel de les définir par ce critère : ce sont des textes qui cherchent à
avancer une thèse nouvelle ou à repousser une thèse précédemment admise, de façon à
modifier la pensée du scripteur et éventuellement son comportement. Ces textes à finalité
impressive sont appelés textes argumentatifs. Cette définition, extérieure au texte, met
l’accent sur le but ; mais on peut également s’interroger sur leur organisation.
Le déroulement du texte argumentatif
De même que dans la narration on a pu distinguer un état initial et un état final, on peut
distinguer ici deux stades de pensée.
Le texte argumentatif passe de l’un à l’autre au moyen d’un processus d’argumentation.
L’agencement dynamique des trois éléments : thèse refusée, processus d’argumentation, thèse
proposée, résulte du fait que tout texte argumentatif est nécessairement orienté.
Cet agencement constitue un premier principe d’organisation du texte argumentatif, qu’il est
utile de connaitre pour pouvoir le comprendre et suppléer éventuellement à l’élément
manquant.
Le développement du texte argumentatif
Le texte argumentatif se définit par un deuxième principe d’organisation.

Pour passer de la thèse refusée à la thèse proposée, il se développe selon un circuit qui
s’apparente à celui du texte descriptif. Ce circuit présente les faits ou idées retenus par
l’émetteur pour être rattachés à l’une ou l’autre thèse, c’est-à-dire pour être constitués en
arguments.

Rien ne limite a priori le nombre des arguments employés ni ne détermine leur nature. Les
exemples peuvent être multipliés et développés, les références statistiques peuvent être

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précisées, des éléments d’information pris dans des domaines très divers peuvent être
invoqués comme arguments.
Mais il va de soi que les compétences culturelles de l’émetteur l’amènent à puiser plutôt ses
arguments dans tel ou tel champ argumentatif. En outre, des contraintes extérieures comme
le temps ou la place dont il dispose restreignent nécessairement l’ampleur du circuit
argumentatif. On peut aller jusqu’à dire qu’un circuit argumentatif est nécessairement
incomplet.
Diversité des textes argumentatifs
La coexistence des thèses opposées peut déboucher sur des organisations textuelles diverses.
Conformément à sa bipolarisation profonde, le texte argumentatif s’organise souvent comme
une sorte de dialogue avec les tenants de la thèse refusée (ou avec soi-même), qui prend en
compte les objections éventuelles d’autrui, fût-ce pour les rejeter. L’oscillation entre deux
pôles opposés fait que le texte argumentatif est un texte où peuvent se mêler plusieurs voix ;
cela donne souvent à son organisation la souplesse de la discussion orale.
Toutefois, l’émetteur peut choisir de privilégier le développement de sa propre pensée, en
ignorant ou en minimisant la pensée de l’autre. Le texte tend alors à se présenter comme une
démonstration et a reproduire le déroulement logique d’un raisonnement.
Les marques du dialogue peuvent également être effacées si l’émetteur fait le choix
stratégique de « s’effacer derrière les fait ». La progression de l’information s’organise alors
autour de référent, ce qui apparente le texte à une « description » du problème, à une
exposition.

Amener la pensée d’une thèse refusée à une thèse proposée en développant un ensemble
d’arguments, telle est la double dimension qui caractérise le texte argumentatif.
Comprendre un texte argumentatif, c’est donc se demander
 Quelle est la thèse que l’émetteur refuse ou dépasse ?
 Quelle est la thèse à laquelle il veut rallier le récepteur ?
 Quelle est la stratégie argumentative qu’il emploie ?

Textes supports

Texte 1
La science et le bonheur

Il est, certes, des gens qui doutent que la science puisse jamais faire le bonheur des hommes...
Et, en effet, la course au développement, qui apparaît parallèle à la progression scientifique,
induit l'hyper-consommation, la pollution, de grands risques écologiques.

Mais, à mon avis, il faudrait éviter de confondre science et développement, et dire, au contraire

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que la menace vient du trop peu de science.

Voyons les faits.

Une comparaison objective du passé et des temps modernes me paraît le démontrer aisément : la
condition humaine s'est considérablement améliorée, surtout dans les pays développés, c'est-à-
dire justement, là où on pratique la science. Cette amélioration est faite de la mise en œuvre
d'une infinité d'éléments de sécurité et de confort, de communication, d'information – lesquels,
donnant à chacun le goût d'une existence meilleure, entraînent forcément plus de justice sociale.

Je sais bien, les pays en voie de développement, les régions les plus pauvres de l'Amérique
latine, nous montrent des gens heureux et sereins. Mais leur satisfaction ne vient-elle pas de leur
ignorance des progrès matériels du reste de l'humanité ?

Des Français, il est vrai encore, trouvent une joie, constante et profonde, dans une vie simple
naturelle, en Corrèze... Mais qu'en serait-il si un médecin, armé de pénicilline, n'était prêt à leur
porter secours en cas de maladie grave, si le facteur ne leur apportait, de temps à autre, les
lettres des êtres qu'ils aiment, et que l'avion transporte en quelques heures ?

Naturellement, l'industrialisation galopante, et son corollaire, la pollution, peuvent conduire au


désastre : nos mes sont encombrées de tant d'automobiles que celles-ci ne peuvent plus rouler ;
nos aéroports sont tellement surchargés que les avions ne pourront bientôt plus s'envoler ; nos
hôpitaux sont remplis de tant de machines automatiques si coûteuses que, pour les rentabiliser,
on leur prescrit des analyses inutiles ; nos administrations sont équipées de tant d'ordinateurs
nourris de tant de questionnaires, que les citoyens, demain, risquent de passer plus de temps à
les remplir qu'à travailler ; nos villes élèvent vers le ciel un si grand nombre de tours si hautes
que les mêmes citoyens seront transformés en ludions montant et descendant sans cesse …

Mais en quoi la science est-elle responsable de tout cela ? Elle a apporté des moyens de
bonheur, et ce sont les hommes qui ont détourné ces moyens de leur objet, ne serait-ce qu'en les
multipliant d'une manière excessive... Une bouteille de champagne, de temps à autre, délicieuse
aubaine ; trois bouteilles par jour, c'est la cirrhose du foie... Il en ezv nst bien de même de la
plupart des choses qui nous détruisent aujourd'hui, et qui pourtant sont, en elles-mêmes, des
éléments de sécurité et de confort dûs à la science.

Georges Mathé, Le Temps d'y penser.

Texte 2
La mode
  La mode demeure un grand mystère. Dans les sociétés traditionnelles, il n'y a pas de mode. Les
vêtements renvoient à des rôles et chacun revêt celui qui convient à son âge, à son sexe, à son
rang, à sa fonction. Les modifications qui peuvent intervenir sont minimes et les interprétations
individuelles ne détruisent pas la pérennité de l'ensemble. Il en est ainsi de tout folklore. Ce qui
importe alors, c'est, par le moyen du vêtement signe extérieur interprété par quiconque
appartient au groupe, de perpétuer la tradition du groupe. Chez les Incas, si l'on modifiait la
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coiffure au lieu d'adopter celle de son clan et de son rang, on était passible de la peine de mort.
Le vêtement renvoyait à une structure et à une stabilité.

      La mode ne s'introduit réellement que dans les sociétés qui croient au changement, qui se
sont engagées dans la voie du changement. Elle est alors liée étroitement à l'économie d'une part
et à la structure sociale d'autre part, mais de manière justement mouvante. Pendant très
longtemps la mode a été un phénomène qui n'intéressait qu'une très faible partie de la
population, celle-là même à qui il n'était pas interdit de changer. Réservée à l'élite, elle servait à
faire le départ entre une population simple qui se vêtait, et une population riche qui s'habillait. Il
n'y a pas si longtemps que ces différences s'estompent. On m'a souvent raconté l'histoire d'une
petite fille de ma famille dont on admirait la précocité, car, à quatre ans, elle répondit à sa mère
qui lui disait : « Tu vois la dame, là-bas ? » – « Ce n'est pas une dame, c'est une femme, elle n'a
pas de chapeau ». Ceci se passait, je crois vers 1930. Les déterminations sociales par la mode
perdent, depuis, chaque année de leur éloquence. Nous allons certainement de plus en plus vers
une démocratisation des modes, tant féminines que masculines. De moins en moins la mode
demeure un phénomène de classe, de plus en plus, elle devient un phénomène de masse avec
variations individuelles importantes, relevant du seul goût ou de la seule fantaisie et ne
renvoyant à aucun système semi-obligatoire.

      Les liens avec l'économie sont d'autant plus intéressants : la mode agit comme un
renouvellement nécessaire des goûts qui permet une fabrication, une distribution et une
consommation très accrue d'objets qui, sans elle, pourraient faire à chacun un usage beaucoup
plus long. Il est donc logique que cette incitation au renouvellement s'accélère lorsque les
techniques s'améliorent : à l'heure actuelle, la mode doit se renouveler entièrement tous les cinq
ans, avec d'innombrables petits paliers intermédiaires pour les différents articles, afin que tous
ceux qui vivent de la confection et des industries annexes aient toujours du travail (...)
Évelyne Sullerot, Droit de regard.

Texte 3
Dans l'alimentaire, ceux qui marquent des points jouent le charbon
Béghin Say, chocolat Poulain, Bridel, Nestlé, Vittel, l’une après l’autre les entreprises
dynamiques du secteur agroalimentaire choisissent l’énergie-charbon.
Une bonne raison : l’utilisation de l’énergie-charbon entraîne une baisse sensible du prix
de revient des produits grâce à la réduction importante de leur facture énergétique. Quand on se
bat pour quelques points sur des marchés compétitifs, c’est vital !
Dans l’alimentaire, comme dans la papeterie et la chimie ou le textile, de nombreux
décideurs choisissent le charbon. Ils connaissent ses avantages, ils savent que le charbon est
l’énergie la mieux répartie dans le monde, la plus abondante et que la loi de l’offre et la
demande garantit des prix très bas. Conclusion : l’énergie-charbon est un investissement sûr
pour très longtemps et rentable rapidement.
Son utilisation est très moderne : manutention, stockage et régulation automatiques en
font une énergie souple et propre qui bénéficie des progrès des techniques de pointe.
Avec CdF Energie, la filiale de commercialisation des Charbonnages de France,
l’énergie-charbon est facile à maîtriser, études, ingiénerie, exploitation, financement.
Pour connaître votre interlocuteur-charbon appelez très vite le 42.97.41.19.
CdF Energie vous branche sur le nouveau charbon.

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Texte 4
Faute de pouvoir nettoyer le monde de ses hontes bien réelles, nous évacuons du moins de notre
vocabulaire les idiots, déshérités, misérables et miséreux, bonnes à tout faire et bons à rien qui,
hier encore, y exhibaient les plaies de l'inférieur, du faible, du taré (jusqu'à présent les malades
et les morts ont l'air de résister, il est vrai qu'il n'est pas si facile de s'en débarrasser). En somme,
poussés par notre délicatesse, nous travaillons à étouffer le scandale d'être en condamnant les
mots qui le disent trop clairement à s'effacer devant des mots décents, mais cette substitution ne
traduit pas seulement les bonnes et les mauvaises raisons couvertes par le respect humain, elle
force aussi à constater que le mot, investi magiquement du même pouvoir que son contenu, reste
pour nous l'objet d'un culte superstitieux : nous le croyons toujours capable de déchaîner, ou, s'il
est invoqué spécialement à cet effet, de conjurer les forces actives dont il est le signe indifférent.
Contrairement à la leçon des linguistes, que nous ne songeons d'ailleurs pas à discuter, nous
sommes toujours convaincus intimement que le mot « chien « mord et qu'il peut même devenir
enragé. Parler de « pauvre « expose donc à un double danger : c'est invoquer imprudemment les
puissances liées à l'argent, contre lesquelles le démuni pourrait fort bien se dresser; mais c'est
aussi attaquer le « riche « en lui lançant à la tête le symbole explosif de sa situation privilégiée
— de là « économiquement faible «, un composé lui-même trop faible et trop mou pour qu'il y
ait lieu de le redouter.

 Cela dit, nous n'avons peut-être pas tellement tort de nous en tenir aux lois de cette magie
primitive, en dépit de la logique et des remontrances de la théorie. S'ils sont mieux faits pour
masquer les réalités gênantes que pour aider à les supprimer, nos euphémismes disgracieux ont
cependant le mérite d'épargner aux défavorisés le surcroît d'humiliation que leur valait leur nom.
Ne serait-ce qu'en cela ils représentent bien plus que des vœux pieux, car s'ils n'abolissent pas le
passé rien qu'en le déclarant périmé, ils montrent du moins la direction que la vie veut prendre
pour changer. Aussi, bien que leur rôle dans l'évolution des mœurs et des idées soit difficile,
voire impossible à apprécier, la morale sociale y gagnera peut-être à la longue ce que le langage
et l'esthétique y ont déjà sûrement perdu.
Marthe Robert, Le livre de lectures, 1977.

Texte 5

On prétend que les enfants en liberté pourraient prendre de mauvaises situations, et se donner des
mouvements capables de nuire à la bonne conformation de leurs membres. C’est là un de ces vains
raisonnements de notre fausse sagesse, et que jamais aucune expérience n’a confirmés. De cette
multitude d’enfants qui, chez des peuples plus sensés que nous, sont nourris dans toute la liberté de leurs
membres, on n’en voit pas un seul qui se blesse ni s’estropie ; ils ne sauraient donner à leurs
mouvements la force qui peut les rendre dangereux ; et quand ils prennent une situation violente, la
douleur les avertit bientôt d’en changer. Nous ne nous sommes pas encore avisés de mettre au maillot les
petits des chiens ni des chats ; voit-on qu’il résulte pour eux quelque inconvénient de cette négligence ?
Les enfants sont plus lourds ; d’accord : mais à proportion ils sont aussi plus faibles. À peine peuvent-ils
se mouvoir ; comment s’estropieraient-ils ? Si on les étendait sur le dos, ils mourraient dans cette
situation, comme la tortue, sans pouvoir jamais se retourner.

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Jean-Jacques Rousseau, Emile, Livre 1.

Lire et Comprendre un texte argumentatif


Lire un texte consiste à formuler puis à vérifier des hypothèses de lecture, en s’aidant des
indices qu’il propose, par ajustements et retours en arrière successifs, ce qui suppose une
approche globale du texte.
Or un texte bien encodé fournit au lecteur un certain nombre d’indices, dont la présence
assure sa cohérence et sa dynamique.

Comprendre un texte argumentatif, c’est :


 Partir du texte tel qu’il est et rassembler les indices en réseaux ;
 Analyser à partir de là son fonctionnement d’ensemble et identifier les différents
arguments.

Le lecteur est guidé dans sa démarche par sa connaissance des caractéristiques générales du
texte argumentatif : dans une certaine mesure, il sait à quoi s’attendre.

1-Relever et classer les indices


La compréhension du texte peut être facilitée par des éléments extérieurs :
 Références : nom et qualité de l’auteur, date et lieu de publication ;
 Titre : quand il y en a un, il oriente la lecture en signalant le thème du passage.
Mais ‘est à l’intérieur du texte que se trouvent les indices qui guident la compréhension.

On distingue trois types d’indices1 :


 Indices d’énonciation
 Indices d’organisation
 Indices lexicaux

1-1-Les indices d’énonciation


On appelle indices d’énonciation les différentes marques qui renseignent sur la position de
l’émetteur par rapport à son énoncé. L’émetteur peut s’impliquer plus ou moins : de moi, je
pense que jusqu’à on peut penser que … Il peut exprimer son adhésion ou prendre ses
distances de façon plus ou moins directe.

1
S’il est commode de les définir séparément, ils fonctionnent simultanément dans le texte : un indice isolé
n’est pas signifiant ; c’est la convergence des différents types d’indices qui éclaire la compréhension. De plus, la
lecture doit prendre en compte leur répartition dans le texte.

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On peut relever comme indice d’énonciation des procédés très divers :
 Utilisation de termes ou d’expressions exprimant directement un jugement de valeur
(abusivement, certains prétendent à tort que, on peut affirmer à juste titre que, etc.).
 Utilisation de termes ou expressions exprimant indirectement un jugement de valeur
parce qu’ils sont porteurs de sème valorisants ou dévalorisants : parler de
« prolifération des moyens d’information » introduit un sème négatif que n’aurait pas
le « développement des moyens d’information ».
Ces deux types de marques renseignent sur la position de l’émetteur par rapport aux thèses en
présence et aux arguments employés.

1-2-Les indices d’organisation


On relèvera comme indice d’organisation : les connecteurs grammaticaux, conjonctions ou
adverbes ; les termes à valeur sémantique équivalente : il en découle que, on peut conclure
que ; les phrases ou expressions qui soulignent les articulations du raisonnement ;
l’organisation de l’information dans le texte et la disposition typographique.

1-3-Les indices lexicaux


Comme dans tout texte, la lecture d’ensemble amène à relever des termes appartenant à un
même champ lexical. Dans un texte argumentatif, l’opposition des deux thèses en présence se
manifeste souvent par la coexistence de champs lexicaux opposés ; il est donc utile de les
mettre en évidence et de les rattacher à l’une des thèses en présence.
Il est d’ailleurs fréquent qu’un champ lexical –neutre en lui-même- soit valorisé ou dévalorisé
au long d’un texte argumentatif par des marques énonciatives.
Le lecteur construit une première hypothèse de lecture à partir du rapprochement de ces trois
types d’indices.

En s’appuyant sur sa connaissance des caractéristiques générales du texte argumentatif et des


modèles de plans traditionnels, le lecteur identifie facilement dans ces trois étapes
 L’exposé de la thèse refusée ;
 La réfutation de cette thèse ;
 Le développement de la thèse proposée.

2-Identifier les arguments


Une lecture plus fine permet :
 D’analyser à l’intérieur de chaque partie le fonctionnement de l’argumentation ;
 D’identifier les différents arguments
 De schématiser leur agencement.

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2-1-Les arguments

On relève comme argument tout fragment du texte que l’on peut rapporter directement à l’une
ou l’autre des thèses en présence.

Ces fragments sont de longueur variable car un argument est rarement présenté à l’état brut.
L’émetteur choisit le plus souvent de lui donner une force plus grande en le développant. Il
dispose à cette fin de deux procédés de base :
 Reprendre le même argument avec des formulations différentes, lus générales, plus
concrètes, voire équivalentes.
Illustrer un argument présenté sous une forme générale par des faits qui servent
d’exemples ou l’appuyer par des preuves sont deux variantes usuelles de ce procédé.
 Appuyer un argument sur une micro-argumentation en explicitant le raisonnement qui
le sous-tend.
2-2-L’agencement des arguments : le circuit argumentatif
En fonction de l’orientation du texte argumentatif, les arguments sont agencés à l’intérieur
d’un circuit qu’il est possible de schématiser, notamment en mettant en évidence les liens
logiques explicites ou implicites.
Tous les connecteurs logiques n’ont pas le même rôle, puisqu’ils peuvent aussi bien
fonctionner à l’intérieur d’un argument que marquer les grandes étapes du circuit
argumentatif.

Conclusion
La lecture analytique d’un texte argumentatif suppose qu’on mette en œuvre à la fois
plusieurs types de questions ; leur ensemble constitue une grille dont les éléments sont
interdépendants.
Suivant la stratégie utilisée par l’auteur, l’une ou l’autre de ces questions permet d’identifier
un réseau d’indices plus ou moins riche. Mais l’absence de marques d’un certain type peut
être en elle-même un indice. Par exemple, l’effacement complet de l’émetteur est souvent le
signe d’une stratégie argumentative qui consiste à imiter la neutralité du discours scientifique.
Ce procédé s’accompagne fréquemment d’un recours insistant aux connexions logiques, qui
apparaîtront comme indice d’organisation.

Lire un texte argumentatif, ce sera, en s’aidant d’une grille de questions, passer de l’approche
la plus extérieure à une compréhension en profondeur de son fonctionnement.

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Grille de lecture
 Fiche signalétique du texte
- Thème
- Auteur (à quelle époque, quels pays, quelle culture appartient-il)
- Provenance du texte
Indices Enonciation Lexique Organisation
Lecture  Qui est  A quel  Quels sont les
statique l’émetteur ? domaine de éléments qui
 Quelles sont connaissance permettent de faire
les marques se rattache le des hypothèses sur
directes ou vocabulaire l’organisation du
indirectes de employé. texte ?
son opinion ?  Peut-on relever - Disposition
 En des termes qui typographique ?
particulier, y appartiennent - Progression de
a-t-il des au même l’information ?
marques qui champ lexical ? - Connexions
permettent de  Y a-t-il des diverses :
repérer les champs qu’on  Connecteu
arguments peut rattacher à rs
que la thèse grammatic
l’émetteur ne proposée ou à aux ou
prend pas à la thèse équivalents 
son compte ? refusée ? ?
 Y a-t-il des  Phrases de
réseaux liaison ?
sémantiques
valorisant ou
dévalorisants 
?
 Le récepteur
est-il
présent ?
Lecture  Les marques  Cette
dynamiqu respectives organisation
e de l’émetteur reste-t-elle
et du constante d’un
récepteur bout à l’autre
sont-elles du texte ? en
modifiées au cas de
cours du transformation,
texte ? comment
 Les réseaux s’effectue-t-

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sémantiques elle ?
évoluent-ils ?

 Circuit argumentatif :
- Quelles sont les thèses en présence ?
- Quelles sont les grandes étapes du circuit argumentatif ?
A quelle thèse se rattachent-elles ?
Comment passe-t-on de l’une à l’autre ?
- A chaque étape du circuit argumentatif, quels sont les différents arguments ?
Comment passe-t-on de l’une à l’autre ?

Texte 01 (support cours)


La violence est un phénomène propre au 20ème siècle ; telle est l’impression qui pourrait
ressortir de l’abondance des discours et des écrits. Surgie de la société de grande
consommation et des frustrations qu’elle a engendrées, elle s’étendait avec son corollaire la
peur. Avec le 20ème siècle seraient nés les plaisirs de la violence gratuite, symbolisés au début
des années 70 par le film Orange Mécanique, les attentats, les attaques nocturnes pour
quelques francs, les enfants assassinés, et les violences contre les biens. Le 20ème siècle,
période de violence, trouverait son symbole avec New York, le mythe New York, sommet de
cette pyramide d’horreur. Un monstre urbain où 10 millions de verrous et de portes blindées
claquent des 4h de l’après-midi, New York au métro sanglant, aux poignards de Harlem ;
New York fascinant de violence.

Peut-on donner à ces peurs un fondement scientifique ? … En additionnant les attaques à


main armée, les actes de terrorisme, les vols de sac à main, les viols-sortis du silence- sans
doute peut-on momentanément soutenir que la violence a augmenté depuis 10 ans ou 25
ans ? Mais en examinant une plus longue période –un siècle et plus- on constate que la
violence a diminué. Les rues de paris sont, de jour comme de nuit, beaucoup plus sûres qu’au
début du siècle. Sur les routes on redoute plus les collisions que les rencontres de brigands.
L’examen statistique montre également que la peur, la psychose de la violence, apparaît et
disparaît à intervalles réguliers, sans rapport avec la courbe de la violence.

La caractéristique de la violence ne résiderait elle pas donc davantage dans la perception sans

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précédent qu’a chacun du 20eme siècle des phénomènes de violence ? Par le développement
des moyens d’information, les images de violence sont devenues proches, repoussoir ou
modèle. Toute violence individuelle est désormais publique grâce à l’extraordinaire
prolifération des moyens d’information. Connue, commentée, imaginée, la violence est
perçue comme intolérable. Mais plus que jamais elle fascine. Ceux qui, Etats ou individus, la
dénoncent le plus fort ne proposent contre elle qu’un recours : une autre violence. Sans
même la comprendre, si cela se peut, ils veulent faire cesser la violence, qu’ils croient voir
partout, plus fréquente, mais aussi plus terrible dans les formes que prend son expression.
Une fois encore la réalité les contredit. La violence s’exprime aujourd’hui de façon moins
cruelle que par le passé, où tortures et mutilations accompagnaient couramment les actes de
violence.

Le rappel du passé reste toutefois sans effet. La perception de la violence ne tient pas compte
de la réalité historique de ce phénomène. Les membres arrachés, les yeux crevés du 17eme
siècle ne représentent rien. A partir du récit qu’on peut en lire, on n’imagine rien. Des
attaques sans gravité dans les couloirs du métro, ou dans les parcs de stationnement,
prennent, au contraire, chaque jour, une existence renouvelée pour tous ceux qui acceptent de
se laisser gagner par la peur. Ainsi les images de la violence se développent elles, reflets
incertains de l’actualité, sans rapport avec la violence réelle, mais abusivement tenues pour la
réalité même.
Josiane SAVIGNEAU.
Le Monde, Dossiers et documents.

A vous de jouer !

Texte 02
Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la
beauté jusqu’ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au
nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire français menacés, contre
l’érection, en plein cœur de notre capitale, de l’inutile et monstrueuse tour Eiffel, que la
malignité publique, souvent empreinte de bon sens et d’esprit de justice, a déjà baptisée du
nom de « tour de Babel ».

Sans tomber dans l’exaltation du chauvinisme, nous avons le droit de proclamer bien

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haut que Paris est la ville sans rivale dans le monde. Au-dessus de ses rues, de ses boulevards
élargis, le long de ses quais admirables, du milieu de ses magnifiques promenades, surgissent
les plus nobles monuments que le génie humain ait enfantés. L’âme de la France, créatrice de
chefs-d’œuvre, resplendit parmi cette floraison auguste de pierre. L’Italie, l’Allemagne, les
Flandres, si fières à juste titre de leur héritage artistique, ne possèdent rien qui soit
comparable au nôtre, et de tous les coins de l’univers Paris attire les curiosités et les
admirations.

Allons-nous donc laisser profaner tout cela ? La ville de Paris va-t-elle donc s’associer
plus longtemps aux baroques, aux mercantiles imaginations d’un constructeur de machines,
pour s’enlaidir irréparablement et se déshonorer ?

Car la tour Eiffel, dont la commerciale Amérique elle-même ne voudrait pas, c’est, n’en
doutez point, le déshonneur de Paris. Chacun sent, chacun le dit, chacun s’en afflige
profondément, et nous ne sommes qu’un faible écho de l’opinion universelle, si légitimement
alarmée. Enfin, lorsque les étrangers viendront visiter notre Exposition, ils s’écrieront,
étonnés : « Quoi ? C’est cette horreur que les Français ont trouvée pour nous donner une idée
de leur goût si fort vanté ? » Et ils auront raison de se moquer de nous, parce que le Paris des
gothiques sublimes, le Paris de Jean Goujon, de Germain Pilon, de Puget, de Rude, de Barye,
etc., sera devenu le Paris de Monsieur Eiffel.

Il suffit, d’ailleurs, pour se rendre compte de ce que nous avançons, de se figurer un


instant une tour vertigineusement ridicule, dominant Paris, ainsi qu’une gigantesque et noire
cheminée d’usine, écrasant de sa masse barbare Notre-Dame, la Sainte Chapelle, la tour
Saint-Jacques, le Louvre, le dôme des Invalides, l’Arc de Triomphe, tous nos monuments
humiliés, toutes nos architectures rapetissées, qui disparaîtront dans ce rêve stupéfiant. Et
pendant vingt ans nous verrons s’allonger sur la ville entière, frémissante encore du génie de
tant de siècles, nous verrons s’allonger comme une tache d’encre l’ombre odieuse de
l’odieuse colonne de tôle boulonnée.

Les artistes contre la tour Eiffel,


Journal Le Temps, 14 février
1887.

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Résumer un texte argumentatif

Le résumé est un des exercices fondamentaux de l’enseignement du français à


tous les niveaux.
Même si les conditions de l’épreuve et en particulier la longueur, la nature et la
difficulté des textes varient, les principes fondamentaux de l’exercice restent les
mêmes.

 Les principes d’un résumé


Trois principes sont à respecter :

 Respecter le système d’énonciation :


 Garder le point de vue de l’auteur.
 Eviter tout commentaire personnel.
 Réduire au quart :
 Conserver l’ordre du texte.
 Préserver les différentes étapes du circuit argumentatif.
 Reformuler le texte :
 Ne pas citer le texte.
 Trouver une rédaction autonome.
Un bon résumé doit donc rendre compte fidèlement du texte de départ et constituer en lui-
même un texte clair et compréhensible même pour quelqu’un qui ne connaîtrait pas le texte de
départ.

 Quelle démarche suivre ?

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Préalablement à toute tentative de réduction d’un texte se situe un stade de compréhension
globale qui, seul, permettra de saisir les temps forts de son argumentation : on ne résume
bien que ce qu’on a compris. Il est dangereux de résumer paragraphe par paragraphe et
encore plus phrase par phrase ! Il est exclu de se contenter de remplacer un mot par un
synonyme. C‘est l’ensemble de l’argumentation qu’il s’agit de reproduire, avec sa progression
et ses articulations.
Le deuxième stade va consister à mettre en œuvre un certain nombre de techniques pour
réduire le texte en fonction des contraintes imposées. Ce travail de contraction s’accomplit à
travers l’indispensable reformulation.

Comprendre le fonctionnement du texte (voir le cours « Lire et comprendre


un texte argumentatif »)
 Au niveau énonciatif
 Au niveau lexical
 Au niveau organisationnel

Résumer le texte
Le résumé doit reproduire fidèlement, mais en réduction, l’agencement du texte et conserver
le système énonciatif.
On se fixe donc comme objectif de rendre compte de chaque argument et de la progression de
l’argumentation.
Trois procédés permettent de parvenir à une formulation économique et autonome :
- La suppression,
- L’intégration lexicale,
- Le réagencement syntaxique.

 La suppression
La suppression est une technique qui élimine sans laisser de traces certains éléments du texte ;
elle ne peut donc être utilisée qu’à l’intérieur d’un argument car, on l’a vu, on ne peut pas
supprimer d’argument à l’intérieur du circuit argumentatif si on veut faire un résumé fidèle.
On supprime tout passage du texte qui n’appartient pas au circuit argumentatif parce qu’il ne
se rattache pas directement aux thèses en présence ou qu’il n’est pas indispensable à
l’efficacité de l’argument.
On peut supprimer la reprise d’une même idée. Quand une idée est exprimée plusieurs fois
pour développer un argument, on garde plutôt trace de sa formulation la plus générale. C’est
notamment le cas quand la reprise s’effectue sous la forme anecdotique de l’exemple, destiné
à rendre l’argumentation plus concrète.

 L’intégration

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La stratégie argumentative amène souvent l’auteur du texte proposé à choisir des formulations
insistantes et développées pour étoffer ses arguments. Résumer, c’est inversement réduire des
arguments à une expression plus brève. Le plus souvent, cela implique un travail de
généralisation et d’abstraction sur le vocabulaire qui peut prendre plusieurs formes :
- Passer de l’énumération au générique 
- Reprendre un champ lexical par un terme englobant 
- Resserrer un réseau sémantique diffus en une expression dense 

 Le réagencement
Le texte de départ suit une progression de l’information qui lui impose une certaine cohérence
syntaxique. Il n’est pas question de reproduire telles quelles l’une et l’autre « en miniature »
dans le résumé. Reformuler implique de réagencer un texte neuf dont la syntaxe soit en
elle-même correcte.
Divers procédés d’enchâssement –recours à des nominalisations, glissement de catégories
grammaticales, compléments circonstanciels, gérondifs, subordonnées relatives- présentent de
la même façon l’avantage d’une reformulation ^lus dense et plus économique.

Les procédés d’intégration lexicale et de réagencement syntaxique, qui visent tous deux à
trouver une reformulation économique, fonctionnent le plus souvent simultanément.

 Rédiger un résumé clair et cohérent


Il reste maintenant à s’assurer que le produit des opérations précédentes :
- Reproduise la dynamique du circuit argumentatif du texte de départ,
- Corresponde bien au nombre de mots requis,
- Forme un texte cohérent.

 Résumer, ce ne doit pas être ‘’juxtaposer’’ des arguments sous leur forme
minimale. Il faut absolument veiller à rendre la progression de l’argumentation
avec beaucoup de netteté.

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