Professional Documents
Culture Documents
LS 139 0103
LS 139 0103
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
Daniel Coste
École normale supérieure de Lyon, dlcoste2@wanadoo.fr
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
Jean-François de Pietro
Institut de recherche et de documentation pédagogique (IRDP)
Neuchâtel, Suisse, Jean-Francois.dePietro@irdp.ch
Danièle Moore
Simon Fraser University, Canada et Diltec, Université Paris 3
Sorbonne Nouvelle, dmoore@sfu.ca
Effeuiller le palimpseste
Dans cette quasi archéologie de ce qui peut être considéré déjà comme
un des lieux de mémoire de la didactique des langues, Hymes lui-même
se présente à nous comme un narrateur majeur. Lui qui, anthropologue
linguiste, s’est intéressé à la « performance » des légendes et autres cérémo-
nies rituelles, posées comme événements de communication à caractère
collectif où se rejouent, se modulent et se transforment tant soit peu
quelque grand récit mythique aussi bien que les routines du quotidien,
a toujours eu un mode de pensée et d’écriture où la reprise décalée, la
reformulation et la ré-interprétation (y compris au sens théâtral) tiennent
tout leur rôle. Cela relève en effet du palimpseste, à cela près que le texte
antérieur n’est jamais totalement effacé au profit du nouveau et qu’il n’y
a pas de page redevenue vierge. Tout texte a son histoire, son auto-inter-
textualité, mais, chez Hymes, cette réflexivité exhibée porte aussi sur les
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
apports intermédiaires d’autres auteurs dont il fait son miel en une forme
d’hétéro-intertextualité.
C’est pleinement le cas pour les textes relatifs à la compétence de com-
munication. Nous en distinguerons ici trois, dont deux dans le même
volume.
1. On communicative competence paraît en 1972 dans le recueil publié
par J.B. Pride et Janet Holmes, Sociolinguistics. Recueil majeur, ordon-
né en quatre parties : « Bilingualism and Multilingualism », « Standard
Language and National Language », « Dialectal and Stylistic Variation »,
« Acquisition and Proficiency » et où, au fil des parties, on retrouve entre
autres les noms de Fishman, G. Sankoff, Haugen, Ferguson, Labov,
Gumperz, Ervin-Tripp, Frake, Cazden, Lambert… Le texte de Hymes
ouvre la dernière partie et est annoncé par lui-même comme constitué
d’extraits d’un ouvrage éponyme de 1971 et comme la forme révisée
d’une communication présentée en 1966 à l’Université Yeshiva lors
d’une Research Planning Conference on Language Development Among
disadvantaged Children.2
2. Vers la compétence de communication, paru en 1984, contient, outre
un préambule de Hymes, deux textes du même : a) le premier, « Vers la
compétence linguistique », est la traduction en français d’un tapuscrit
inédit de 1973 intitulé Toward Linguistic Competence ; b) le second, rédigé
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
L’homogène et l’hétérogène
Le déclencheur est évidemment Chomsky, pour qui « l’objet premier de
la théorie linguistique est un locuteur-auditeur idéal appartenant à une
communauté complètement homogène, qui connaît parfaitement sa
langue et qui, lorsqu’il applique en une performance effective sa connais-
sance de la langue, n’est pas affecté par des conditions grammaticalement
non pertinentes telles que limitation de mémoire, distraction d’intérêt ou
d’attention, erreurs (fortuites ou caractéristiques) ». Autant Hymes admet
que des idéalisations de cet ordre sont épistémologiquement possibles,
autant il refuse, théoriquement et empiriquement, qu’une communauté
soit posée comme homogène et un locuteur-auditeur comme idéal.
L’exclusion chomskyenne des dimensions socioculturelles et le lien
établi entre performance et imperfection relèvent aux yeux de Hymes de
l’idéologie. Renvoyant à Bloomfield et à ce que ce dernier dit du jeune
Menomini White Thunder (dont la maîtrise de « sa » langue est très
incertaine, comme celle d’autres jeunes et à la différence de certains autres
membres de la même communauté, exposés par ailleurs au contact avec
l’anglais) : « there is here differential competence within a heterogenous
speech community, both undoubdetly shaped by acculturation […]
Social life has affected not merely outward performance, but inner com-
petence itself » (1972 : 274). Le caractère différentiel des compétences et
l’hétérogénéité en quelque sorte constitutive des communautés linguis-
tiques engagent une nécessaire prise en compte des facteurs sociaux, pas
seulement au niveau de la performance, mais d’abord pour la compétence
elle-même.
Compétence et performance
Hymes retient le couple compétence/performance, mais il en déplace les
définitions. La compétence de communication ne se ramène pas à une
compétence linguistique (même différentielle), elle inclut aussi des règles
d’usage. Et cela vaut pour toute compétence. Selon la formule qui sera
souvent reprise dans le domaine de l’apprentissage des langues étrangères :
« There are rules of use without which the rules of grammar would be
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
useless » (1972 : 278). En outre, la compétence est caractérisée comme
« dependent upon both (tacit) knowledge and (ability for) use » (1972 :
282). Et cette disposition à l’usage inclut non seulement des composantes
cognitives, mais aussi des facteurs affectifs et volitifs, qu’il convient de
ne pas perdre de vue, aussi bien sur le plan théorique que s’agissant de ce
qui intéresse le domaine éducationnel.
Quant à la performance, sa caractérisation se trouve considérablement
enrichie au regard de la conception chomskyenne et des modèles psycho-
linguistiques. La conception retenue « takes into account the interaction
between competence (knowledge, ability for use), the competence of
others, and the cybernetic and emergent properties of events themselves. »
(1972 : 283). La performance ne se réduit donc pas à la mise en œuvre
d’une compétence individuelle ; c’est un événement qui, pour Hymes,
est aussi à envisager, sous un autre angle, en termes d’ethnographie des
formes symboliques, à savoir l’étude de la variété des genres qui sont en
usage dans une communauté. Compétence et performance individuelles
s’articulent avec des genres sociaux, plus ou moins codifiés et ritualisés,
mais que tout événement de performance, au sens collectif du terme,
réactualise et peut contribuer à faire évoluer4.
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
D’une certaine manière, la compétence de communication est aussi
posée ici comme mobilisant des catégorisations tout aussi pertinentes
pour une compétence (inter)culturelle, dès lors que ces quatre modes
complémentaires d’appréciation appartiennent à la compétence et sont
donc à penser comme « (tacit) knowledge and (ability for) use », aussi
bien pour ce qui touche à la mise en œuvre de la compétence comme
capacité à réaliser des comportements culturels en performance qu’en
termes de réception/interprétation/évaluation de comportements cultu-
rels autres, toujours en performance. Il s’agit bien d’intégrer une théorie
linguistique à une théorie de la communication et de la culture ; ce que
la didactique des langues, là encore, ne semble pas avoir creusé plus
avant dans la reprise qu’elle a opérée de la notion de communicative
competence.
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
l’habitude de considérer comme une grammaire nous semblera alors un
mode d’organisation parmi d’autres – et non le plus fondamental – mais
fort relatif, produit d’un héritage culturel et décidément bien normatif.
(1984 : 20)
6. Notamment des usages en didactique des langues : les travaux de Savignon, Rivers,
Paulston, Roulet et Holec, Spolsky, Canale et Swain et d’autres auteurs sont mention-
nés.
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 109
les regroupe sous trois entrées principales7 mais maintient que la notion
de compétence de communication garde toute sa pertinence intégratrice.
– Il souligne l’intérêt mais aussi les limites d’une « compétence pragma-
tique » qui s’en tiendrait aux maximes de Grice à prétention universaliste
et se rapproche plus de conceptions herméneutiques comme celle de
Gadamer que de celle, de bien autre origine, de Habermas.
– Il reconnaît l’apport de Labov, mais marque de fortes restrictions :
Ce qui semble tout particulièrement faire défaut dans les recherches de cer-
tains sociolinguistes qui travaillent sur l’anglais, c’est un sens aigu du réper-
toire verbal, rassemblant aussi une multiplicité de genres, comme principe
organisateur des ressources d’un groupe, principe que l’on ne peut réduire
à la stratification de différentes variétés. (1984 : 147)
– Il salue les recherches de Leslie Milroy et son usage du concept de
réseau, propre à rendre compte de l’organisation différenciée des com-
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
munautés et des compétences individuelles et, par ailleurs, il revient dans
plusieurs passages sur les notions d’identité et d’identification, comme ici :
Identité implique identification, une croyance ou un désir d’être comme
ce à quoi l’on s’identifie. L’un des intérêts d’une sociolinguistique ancrée
sur les problèmes et les besoins des individus pourrait bien être de déter-
miner jusqu’à quel point se réalisent les identifications qu’ils cherchent ou
qu’ils assument. Des éclairages sur la seule compétence individuelle n’y
suffiraient pas. On aurait aussi besoin de savoir quelle valeur des individus
attribuent aux compétences d’autres individus. Repérer ce qui constitue
ces normes de groupes serait, est, en fait, essentiel pour l’orientation des
apprenants et des enseignants de langues. (1984 : 154-155).
– Dans ses conclusions, Hymes revient sur les limites d’un modèle dicho-
tomique de type compétence/performance, qu’il avait d’abord adopté.
Il réordonne les dimensions qui lui importent sous le chapeau général
des Ways of Speaking (« façons, manières de parler ») et les catégorise en
quatre secteurs : Moyens de la parole, Économie de la parole, Attitudes,
valeurs et croyances, Voix. Loin que ces compartiments soient considérés
comme étanches, c’est justement la compétence qui assure leur mise en
relation dans l’action. Ce dernier terme prenant une importance parti-
culière dans cet état de la réflexion de Hymes : « on privilégie une pers-
pective centrée sur l’action parce que c’est celle qui autorise l’approche
la plus globale » (1984 : 195).
7. Les trois tendances distinguées par Hymes sont le fait d’auteurs qui s’intéressent res-
pectivement (1) à la littérature et à l’art verbal d’un point de vue linguistique, (2) à
l’usage interpersonnel du langage, (3) aux différences entre individus et entre rôles
individuels (1984 : 126-127).
110 DANIEL COSTE, JEAN-FRANÇOIS DE PIETRO ET DANIÈLE MOORE
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
la section « Acquisition and Proficiency » du Pride & Holmes que le
texte se trouve placé. Autant dire que, dans sa visée initiale, la notion de
compétence de communication est posée en regard de questionnements
relatifs à l’éducation langagière et au rôle du langage dans l’éducation.
Une quinzaine d’années plus tard, la Postface de 1982 s’inscrit bien,
toujours en prospective, dans cette continuité.
Et ce, donc, malgré le succès apparent de la notion de compétence
communicative – qu’on retrouve alors dans un nombre impressionnant
d’ouvrages de didactique, essentiellement pour les langues étrangères8.
C’est bien évidemment parce qu’il percevait certaines distorsions que
la notion de compétence de communication était en train de subir et,
surtout, que bien des facettes de cette notion étaient laissées de côté qu’il
en appelait alors à une rénovation bien plus radicale de l’enseignement,
une rénovation qui ferait une véritable place aux dimensions socio-
culturelles de la compétence et aux autres notions qu’avec insistance il
associait à celle-ci : la communauté linguistique, l’identité, le répertoire,
le style, la voix…
8. Il est symptomatique, en effet, de constater que les écrits de Hymes, dans le monde
francophone en tout cas, ont rencontré un écho bien plus faible dans le monde de la
didactique de la langue de scolarisation (parfois encore dénommée « langue mater-
nelle »). Nous y reviendrons.
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 111
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
qui soit susceptible de prendre des significations aussi variées et ceci consti-
tue évidemment en soi un sérieux problème ». Par exemple, bien loin du
schéma final de Hymes (1991 : 194) qui fait de la compétence l’élément
intégratif, holistique, qui articule et unit les quatre composantes que sont
les moyens de la parole, les attitudes, croyances et valeurs, l’économie de
la parole et la voix, les capacités d’action ont bien souvent été ramenées à
des listes de savoirs et de savoir-faire (et parfois des savoir-être), considérés
(dans le meilleur des cas) comme des ressources dont disposent ou non
les acteurs qui les mobilisent en situation, s’ils sont compétents, voire
qui sont traitées elles-mêmes comme des compétences, multipliant alors
« les niveaux auxquels on situe les compétences » (Bronckart, à paraître)9.
Quant à la communication, elle a trop souvent été réduite à ses dimensions
immédiatement pragmatiques (compréhensibilité du message, efficacité
perlocutoire…), certes en distinguant quelques « niveaux de langues » mais
en négligeant ses aspects véritablement culturels (cf. infra : les genres, les
événements de communication), l’interaction qui en fait un événement
collectif et social, les styles qui font les « ways of speaking » en intégrant
– grâce à la compétence – les quatre composantes déjà mentionnées pour
aboutir, dans son sens plein, à la performance.
Les causes de ces confusions sont diverses. Il y a certainement l’in-
fluence, jamais totalement absente, des notions chomskyennes de compé-
tence et de performance – dont on sait qu’elles n’avaient pas précisément
pour but de prendre en compte les dimensions socioculturelles ! – mais
9. Ce qui permet, dans la formation professionnelle surtout, mais aussi dans l’enseigne-
ment des langues, de faire des « bilans de compétences » qui reviennent trop souvent
à des tests on ne peut plus traditionnels…
112 DANIEL COSTE, JEAN-FRANÇOIS DE PIETRO ET DANIÈLE MOORE
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
fini de préparer une anguille » (1984 : 27).
Ainsi, reprenant Hymes, la didactique a négligé les interactions entre
les quatre composantes qui font les « façons de parler », qui sont au
cœur de l’identité des individus insérés dans des communautés toujours
hétérogènes. Il faut reconnaître toutefois que les modélisations proposées
par Hymes sont d’une grande complexité, d’une grande subtilité, et qu’il
n’est pas évident pour la didactique – par définition réductrice et, d’une
certaine manière, normative, homogénéisante – de les prendre totalement
en considération. Ainsi, Hymes souligne sans cesse le caractère social de
ces quatre composantes et, comme Labov, il observe que les représenta-
tions – collectives, partagées – constituent souvent la composante où se
structure, finalement, l’hétérogénéité. Mais il n’en reste pas moins qu’une
trop grande diversification des ways of speaking, même empiriquement
validée, menace les potentialités didactiques de la notion.
Les oublis les plus graves, finalement, nous paraissent être, d’une
part, la réduction de la communication à une pragmatique aux accents
parfois néolibéraux et l’atomisation des compétences lorsqu’on en arrive
à lister des compétences et sous-compétences qui finissent par ressembler
étrangement aux taxonomies d’objectifs de Bloom (Bloom & Krathwohl,
1956)11.
10. Voir toutefois des auteurs comme Pekarek (2005) ou Bulea & Bronckart (2005) qui,
dans une perspective d’analyse conversationnelle ou d’interactionisme sociodiscursif,
tentent de redonner à la notion ce caractère dynamique.
11. Critique qu’on peut adresser, rétrospectivement, aux méthodes communicatives fon-
dées sur des listes de « besoins » et d’actes de parole qui permettent de les satisfaire.
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 113
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
souvent oubliée dans les travaux didactiques qui peu ou prou se réclament
de lui. Cette notion, c’est celle de genre, que Hymes a incluse comme une
des 16 composantes de son fameux modèle SPEAKING, élaboré pour saisir
l’interaction du langage et de la vie sociale (Hymes, 1980).
Cette notion de genre, empruntée cette fois à Bakhtine (1984),
nous intéresse, notamment parce qu’elle se trouve placée au cœur de
la conception didactique développée en Suisse francophone pour l’en-
seignement/apprentissage de la langue de scolarisation12. Et dans les
moyens d’enseignement en usage (Dolz et al., 2001) et dans les nou-
veaux Plans d’études (PER ; CIIP, 2010), les objectifs langagiers et com-
municationnels à atteindre sont essentiellement décrits au travers des
genres textuels dans lesquels ils se réalisent. Or, ce qui est particulière-
ment intéressant ici, c’est de constater les similitudes et les convergences
entre la notion bakhtinienne de genre – reprise dans une perspective
didactique chez Schneuwly (1994) et Dolz & Schneuwly (1998) – et les
conceptions que Hymes développe à propos de la compétence de com-
munication, des styles et des genres. Afin de mettre cela en évidence,
nous décrirons brièvement la conception de Bakhtine en indiquant,
entre crochets, les notions de Hymes que cela évoque selon nous.
Pour Bakhtine, aucune activité langagière n’est inventée, créée de
manière totalement originale à partir d’une compétence qui serait
12. Le fait qu’il s’agisse ici de didactique de la langue de scolarisation explique peut-être
en partie l’absence de référence à Hymes dans la mesure où, nous l’avons vu, c’est
plutôt la didactique des langues étrangères qui s’est saisie de la notion de compétence
de communication. Ceci ne rend le rapprochement que plus intéressant.
114 DANIEL COSTE, JEAN-FRANÇOIS DE PIETRO ET DANIÈLE MOORE
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
apprenons à mouler notre parole dans les formes du genre et, enten-
dant la parole d’autrui, nous savons d’emblée, aux tout premiers mots,
en pressentir le genre, en deviner le volume (la longueur approximative
d’un tout discursif ), la structure compositionnelle donnée, en prévoir
la fin, autrement dit, dès le début, nous sommes sensibles au tout dis-
cursif [événement de communication] qui, ensuite, dans le processus
de la parole, dévidera ses différenciations [styles, voix (performance ?)].
Si les genres du discours n’existaient pas et si nous n’en avions pas la
maîtrise [maîtrise], et qu’il nous faille les créer pour la première fois
dans le processus de la parole, qu’il nous faille construire chacun de nos
énoncés, l’échange verbal serait quasiment impossible » (1984 : 284).
Les convergences sont frappantes. Pour Bakhtine, et apparemment
aussi pour Hymes, chaque genre se définit ainsi selon quelques dimen-
sions essentielles :
– les contenus qu’il permet d’exprimer ;
– une structure compositionnelle spécifique ;
– les moyens langagiers auxquels le genre recourt de façon privilégiée
pour accomplir sa structure et exprimer ses contenus ; sur ce dernier
point, Hymes affirme : « la notion de genre suppose qu’il est possible
d’identifier des caractéristiques formelles qui sont traditionnellement
reconnues » (1980 : 145 ; voir aussi Hymes, 1984 : 61).
On soulignera cependant que Bakhtine – et, a fortiori, la didac-
tique suisse que nous prenons ici à titre illustratif – accorde moins
d’importance à l’insertion sociale du genre dans un événement de
13. « Sous un certain angle, analyser la parole dans des actes, c’est l’analyser dans des
exemples de genre » (Hymes, 1980 : 145).
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 115
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
large part de manœuvre à la voix14 pour se déployer. Paraphrasant Hymes,
nous pourrions dire que l’objet du développement langagier, finalement,
dans quelque langue que ce soit, c’est maîtriser les genres, des plus simples
aux plus complexes, qui y ont historiquement émergé, en en adoptant le
style et en leur donnant une voix qui, ensemble, fondent une identité à
la fois sociale et individuelle.
Il nous semble ainsi qu’une telle orientation – pour autant toutefois
qu’elle intègre encore davantage l’inscription sociale des genres [l’écono-
mie de la parole] – serait de nature à rendre plus claire et plus opératoire
la notion de compétence de communication.
14. Notons que, à côté des genres – qu’il rapproche de structures stylistiques définissant
des formes récurrentes – Hymes distingue des modes stylistiques « dont on peut dire
qu’ils modulent ou accompagnent ce qui se passe » (Hymes, 1984 : 61). Cette notion
mériterait elle aussi qu’on s’y intéresse de plus près dans une perspective didactique.
116 DANIEL COSTE, JEAN-FRANÇOIS DE PIETRO ET DANIÈLE MOORE
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
dans les interactions entre bilingues et dans les interactions d’apprentis-
sage, construction de l’interlangue, etc.) qui inspirent les auteurs (on voit
ainsi cités, parmi d’autres, les travaux de L. Dabène, J. Billiez, C. Deprez,
V. Edwards, S. Romaine, H. Widdowson, F. Grosjean, B. Py, ou bien
encore ceux de B. Charlot, E. Bautier et J.-Y. Rochex et de F. Ouellet et
M. Pagé).
Appuyées sur des études de terrain et des théories alternatives du
développement bi-/plurilingue et de l’acquisition, les recherches mettent
alors en avant l’originalité et la complexité des dynamiques développe-
mentales et interactionnelles. Surtout, ces différents travaux font basculer
les modèles de la didactique des langues, en amenant à considérer la com-
pétence des locuteurs plurilingues non comme le cumul de compétences
ajoutées dans des langues qui se côtoient sans se joindre, mais selon des
reconfigurations beaucoup plus souples, dynamiques et complexes qui
leur permettent, en situation, de circuler entre différents espaces linguis-
tico-culturels.
Ce sont bien ainsi la conception intégrée et située de la langue, de
même que l’inscription centrale de l’action en contexte, que souligne
Hymes, qui influencent la théorisation de la compétence plurilingue, plu-
tôt que les feuilletés technicistes de sa mise en œuvre dans les approches
atomisées de la compétence de communication ; autrement dit, le point
15. La notion de « compétence plurilingue » apparaît, sauf erreur, pour la première fois
sous la plume de Coste dans un article daté de 1991 paru dans le Français dans le
Monde, Recherches et applications (Coste, 1991 : 174).
16. L’étude fait toutefois référence plusieurs fois à ses travaux dès la note liminaire des
premières pages.
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 117
de vue focalisé est bien celui que Hymes lui-même met en avant dans sa
postface de 1982 : « En somme, l’option communicative ne consiste pas
en une simple mise en œuvre de compétences ou de structures connues
séparément et a priori, mais plutôt en une intégration de ces compé-
tences et de ces structures dans l’action » (Hymes, 1984 : 190). Il s’agit
bien encore, comme Hymes en soulignait l’importance, de dépasser et
« subvertir la linguistique ordinaire » (1984 : 20) pour investir une théo-
rie sociale des phénomènes langagiers conçus « comme situés, comme
radicalement sociaux et personnels » (p. 20). Tout comme l’ambition
de Hymes est de construire une « linguistique utile » (p. 22), appuyée
sur l’étude des répertoires de communication de vrais locuteurs dans des
situations réelles d’interaction17, l’effort de théorisation de la compétence
plurilingue cherche à mettre en avant des principes de description et des
objectifs d’apprentissage qui reflètent de manière réaliste les comporte-
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
ments communicatifs de locuteurs qui « utilisent les langues à leur dis-
position pour des besoins de communication spécifiques et différenciés »
et pour qui il est « peu fréquent, et rarement nécessaire, de développer
des compétences équivalentes pour chaque langue » (Coste, Moore &
Zarate, 1997 : 26). On y affirme ainsi, du point de vue de l’apprentissage
des langues, une logique socio-identitaire (ibidem : 13), fondée sur une
expérience du contact et de l’altérité ancrée dans les trajectoires familiales,
communautaires et sociales (ibidem : 29) d’individus dont les expériences
et les parcours de vie sont uniques et singuliers, comme le mettent en
avant les biographies langagières de locuteurs plurilingues présentés en
annexe de l’étude de 1997 par G. Zarate (« Mathias, Wolfgang, Maria,
Albert, Martine et les autres », ibidem : 51-66).
L’intérêt porté sur des interactions authentiques comme modèles de
référence pour la description des composantes de la compétence plurilin-
gue amène à en discuter alors plusieurs niveaux de complexité. Ainsi, la
CPP est définie comme plurielle et partielle, comme entière et inachevée,
comme stratégique et déséquilibrée, en même temps qu’on la considère
17. Hymes parle du locuteur comme d’« […] une personne réelle existant dans un monde
social » (1984 : 26). Dans une note de bas de la même page, Hymes signale que
cette position « s’appuie bien entendu sur la conception générale de l’interdépendance
entre l’individu et la vie sociale, exprimée pleinement pour la première fois par Marx
dans son analyse de la contradiction qui clive la théorie d’Hegel sur l’état » (ibidem,
note de bas de page). L’ouvrage de 1984 débute d’ailleurs sur une citation de Marx
en épigraphe : « … il s’en tient au domaine de la théorie et ne perçoit pas les hommes
dans leurs réseaux sociaux, dans les conditions de vie réelles qui les ont faits ce qu’ils
sont. Il ne parvient jamais aux hommes véritables, vivants et actifs ; il en reste à l’abs-
traction « L’Homme »… » (extrait de Easton & Guddat, 1967 : 418-419)
118 DANIEL COSTE, JEAN-FRANÇOIS DE PIETRO ET DANIÈLE MOORE
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
sur le cloisonnement et la séparation des différentes composantes de la
compétence ;
– elle développe une vision de la compétence qui inclut la mobilisation
située des composantes linguistiques et culturelles du répertoire, ainsi que
la possibilité de son évolution et de sa reconfiguration dans le temps et
en fonction des circonstances ;
– elle inclut des habiletés de médiation, liées aux circulations et aux pas-
sages entre les langues (telles que les traductions ou les parlers bilingues) et
entre les cultures (le locuteur est aussi un interprète des situations sociales
dans lesquelles il évolue) ;
– elle considère la compétence comme individuelle, largement dépen-
dante des trajectoires singulières et de l’histoire personnelle du locuteur,
et de la sorte, toujours sujette à l’évolution et au changement (voir, entre
autres, Coste, 2002 et 2004 ; Castellotti & Moore, 2011 ; Moore &
Castellotti, 2008 ; Moore & Gajo, 2009 ; Moore, 2006 et 2011).
On peut au final s’interroger sur les options terminologiques qui
18. La notion de « langue maternelle » s’y trouve alors aussi remise en question, les indivi-
dus plurilingues pouvant développer des compétences précoces en plus d’une langue,
comme ils peuvent émotionnellement s’identifier à un groupe de locuteurs d’une
langue qu’ils ne parlent eux-mêmes presque pas.
19. Hymes souligne aussi que, d’un point de vue ethnographique, l’étude des opinions
ou attitudes des individus sur les langues (par exemple, l’idée qu’ils parlent une « lan-
gue » ou un « dialecte ») présente « certaines propriétés » et que « [de telles notions]
affectent ce que font les individus et la façon dont changent les langues » (Hymes,
1984 : 154). Citant des auteurs comme Fasold, Romaine, J. Milroy et Le Page, il
défend l’idée de comprendre ce que les individus savent de leurs langues et comment
ils utilisent ces savoirs pour signifier symboliquement « leur identité sociale » (ibidem,
p. 154).
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 119
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
tence ne devrait pas être « jetée aux orties » car elle « permet d’articuler
fonctionnements cognitifs et domaines d’action, savoirs de divers ordres
et activités en contexte ». La notion de compétence plurilingue, tout en
jouant son rôle de passerelle conceptuelle avec celle de compétence de
communication et en lui fournissant un contenu concret, redonne aussi
à l’individu apprenant son potentiel de créativité et sa capacité d’action,
car susceptible de réajustements permanents, pouvant aussi bien donner
lieu à des affichages emblématiques qu’à des renonciations symboliques
et à différentes « manières d’être aux langues » (Coste, 2010).
En ce sens, la notion de compétence plurilingue et interculturelle peut
ainsi, comme celle de genre, donner de la substance à celle – trop souvent
galvaudée – de compétence de communication. Dans cette perspective, il
importe aussi qu’elle intègre, dans son « pluri », la variation intralinguistique,
rapprochant ainsi les didactiques des langues étrangères et de la langue de
scolarisation dans une conception holistique du répertoire. Un tel mouve-
ment est aujourd’hui amorcé dans la plateforme récemment proposée par
le Conseil de l’Europe (2011) ainsi que dans le projet CARAP (Cadre de
référence pour les approches plurielles des langues et des cultures, 201122).
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
– des communautés langagières, quelles qu’elles soient.
Enfin, le regard scrupuleux et attentif d’ethnographe de Hymes sur
les situations d’appropriation des langues, son intérêt pour des locuteurs
souvent marginalisés, sa lecture ouverte de la compétence, le situent
comme un auteur engagé, pour qui l’ethnographie intègre des objectifs et
des enjeux à la fois « scientifiques et sociaux » (Hymes, 1996 : 26). De la
même manière, les développements plus récents qui entourent la notion
de compétence de communication, plurilingue et pluriculturelle, insistent
sur les aspects politiques et critiques que sa théorisation implique. On
y reconnaît alors la complexité, la pluralité et l’hétérogène comme une
valeur dans les processus d’apprentissage et de constructions identitaires,
un droit pour les locuteurs, une « voix légitime » que l’école a le devoir
d’entendre et faire entendre (Van der AA & Blommaert, 2011).
Références bibliographiques
Bronckart J.P., & Dolz, J. (1999), « La notion de compétence : quelle per-
tinence pour l’étude de l’apprentissage des actions langagières ? » dans
J. Dolz, & E. Ollagnier, L’énigme de la compétence en éducation,
Bruxelles, De Boeck (p. 27-44).
Bulea E. & Bronckart, J.-P. (2005), Pour une approche dynamique des
compétences (langagières), dans Bronckart, J.-P., Bulea, E. & Pouliot,
M. (éds), Repenser l’enseignement des langues : comment identifier et ex-
ploiter les compétences, pp. 193-227.
Candelier M. (2008). « Approches plurielles, didactiques du plurilin-
guisme : le même et l’autre », Cahiers de l’ACEDLE, 5, pp. 65-90.
[http://acedle.org]
CARAP (2011). Un cadre de référence pour les approches plurielles. Centre
européen pour les langues vivantes (CELV). [http://carap.ecml.at/
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
Projectdescription/tabid/406/language/fr-FR/Default.aspx]
Castellotti V. & Moore D. (2011), « La compétence plurilingue et pluricul-
turelle. Genèses et évolutions », dans P. Blanchet & P. Chardenet (éds),
Guide pour la recherche en didactique des langues et cultures. Approches
contextualisées, Paris, Éditions des archives contemporaines (p. 241-252).
Castellotti V. & Py B. (éds) (2002), La notion de compétence en langue,
Notions en Questions, 6, numéro entier.
Conférence intercantonale de l’Instruction publique (CIIP) (2010), Plan
d’études romand (PER). Neuchâtel, CIIP : (http://www.plandetudes.
ch/web/guest/per ;jsessionid=E69071E50B72EBB471D8BB0E12
D47BAA)
Conseil de l’Europe (2011), Plateforme de ressources et de références pour une
éducation plurilingue et interculturelle, http://www.coe.int/t/dg4/lin-
guistic/default_FR.asp ?
Coste D. (1991), « Diversifier, certes… », Le Français dans le Monde.
Recherches et appli- cations, Numéro thématique : Vers le plurilinguisme :
école et politique linguistique, D. Coste et J. Hébrard (dir.), février-
mars 1991, p. 170–176.
— (2002), « Compétence à communiquer et compétence plurilingue »,
Notions en Questions, 6, p. 115-123.
— (2004). « De quelques déplacements opérés en didactique des
langues par la notion de compétence plurilingue », dans A. Auchlin,
M. Burger, L. Filliettaz, A. Grobet, J. Moeschler, L. Perrin, C. Rossari
et L. de Saussure (dir.), Structures et discours : mélanges offerts à Eddy
Roulet. Québec, Nota Bene (p. 67-85).
122 DANIEL COSTE, JEAN-FRANÇOIS DE PIETRO ET DANIÈLE MOORE
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
aux genres formels à l’école, Paris, ESF éditeur.
Easton L. D. & Guddat K. H. (éds) (1967), Writings of the young Marx on
philosophy and society, Ganden City, N. Y., Doubleday.
Hymes D. (1972), « On Communicative Competence », dans J. B. Pride &
J. Holmes J. [Eds], Sociolinguistics. Harmondsworth, Penguin Books
(p. 269-293).
— (1980), « Modèles pour l’interaction du langage et de la vie sociale »
ELA, 1, p. 127-153 (version originale : 1972).
— (1984), Vers la compétence de communication. Paris, Crédif-Hatier,
Collection LAL (Langues et Apprentissage des Langues).
— (1996), Ethnography, Linguistics, Narrative Inequality : Towards
an Understanding of Voice. London, Taylor & Francis.
Lörincz I. & de Pietro J.-F. (2011), Valoriser toutes les langues à l’école…
par des approches plurielles : le projet CARAP. Babylonia 1, 49-56.
Moore D. (2011), « Plurilinguismes, territoires, trajectoires : Des compé-
tences aux identités plurilingues », Cahiers de l’ILOB, 2, p. 19-34.
— (2006), Plurilinguismes et école, Paris, Crédif-Didier, Collection LAL
(Langues et Apprentissage des Langues).
Moore D. et Castellotti V. (éds) (2008), La compétence plurilingue. Regards
francophones, Berne, Peter Lang.
Moore D. et Gajo L. (2009). ������������������������������������������
« Introduction. French Voices on Plurilin-
gualism and Pluriculturalism. Theory, Significance and Perspective »,
International Journal of Multilingualism, 6 (2), p. 137-153.
HYMES ET LE PALIMPSESTE DE LA COMPÉTENCE DE COMMUNICATION 123
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 16/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.109.226.255)
ban Language and Literacies, 69, 1-17. Consulté en ligne le 15 sep-
tembre 2011 à http://www.kcl.ac.uk/projects/ldc/LDCPublications/
workingpapers/69.pdf