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Petite Anthologie Des Plus Beaux Po 232 Mes D 39 Amour
Petite Anthologie Des Plus Beaux Po 232 Mes D 39 Amour
anthologie
DES PLUS BEAUX
POÈMES
d’amour
Claire Julliard
P E T I T E
anthologie
DES PLUS BEAUX
POÈMES
d’amour
L
L’INST
TANT
CUPCAKE
8
Claire Julliard
P A R T I E 1
« J’ai rendez-vous
avec vous »
« J’AI RENDEZ-VOUS AVEC VOUS » 19
P I E R R E D E R O N S A R D
( 1 5 2 4 - 1 5 8 5 )
A L P H O N S E D E L A M A R T I N E
( 1 7 9 0 - 1 8 6 9 )
Invocation
Ô toi qui m’apparus dans ce désert du monde,
Habitante du ciel, passagère en ces lieux !
Ô toi qui fis briller dans cette nuit profonde
Un rayon d’amour à mes yeux ;
C H A R L E S B A U D E L A I R E
( 1 8 2 1 - 1 8 6 7 )
À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
G E R M A I N N O U V E A U
( 1 8 5 1 - 1 9 2 0 )
La Rencontre
Vous mîtes votre bras adroit,
Un soir d’été, sur mon bras… gauche.
J’aimerai toujours cet endroit,
Un café de la Rive-Gauche ;
J U L E S L A F O R G U E
( 1 8 6 0 - 1 8 8 7 )
Figurez-vous un peu
Oh ! qu’une, d’Elle-même, un beau soir, sût venir,
Ne voyant que boire à Mes Lèvres ! ou mourir…
« Je ne veux jamais
l’oublier »
« J E N E V E U X J A M A I S L’ O U B L I E R » 33
V I C T O R H U G O
( 1 8 0 2 - 1 8 8 5 )
T H É O P H I L E G A U T I E R
( 1 8 1 1 - 1 8 7 2 )
Plaintive tourterelle
Plaintive tourterelle,
Qui roucoules toujours,
Veux-tu prêter ton aile
Pour servir mes amours !
Évite, ô ma colombe,
La halte des palmiers
Et tous les toits où tombe
La neige des ramiers.
« J E N E V E U X J A M A I S L’ O U B L I E R » 35
A N N A D E N O A I L L E S
( 1 8 7 6 - 1 9 3 3 )
F R A N C I S J A M M E S
( 1 8 6 9 - 1 9 3 8 )
G U I L L A U M E A P O L L I N A I R E
( 1 8 8 0 - 1 9 1 8 )
La Chanson du mal-aimé
À Paul Léautaud
[…]
[…]
C A T H E R I N E P O Z Z I
( 1 8 8 2 - 1 9 3 7 )
Ave
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
P A U L É L U A R D
( 1 8 9 5 - 1 9 6 2 )
P A U L É L U A R D
( 1 8 9 5 - 1 9 6 2 )
L’Amoureuse
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre dans le ciel.
J A C Q U E S P R É V E R T
( 1 9 0 0 - 1 9 7 7 )
Chanson du geôlier
Où vas-tu beau geôlier
Avec cette clef tachée de sang
Je vais délivrer celle que j’aime
S’il en est encore temps
Et que j’ai enfermée
Tendrement cruellement
Au plus secret de mon désir
Au plus profond de mon tourment
Dans les mensonges de l’avenir
Dans les bêtises des serments
Je veux la délivrer
Je veux qu’elle soit libre
Et même de m’oublier
Et même de s’en aller
Et même de revenir
Et encore de m’aimer
Ou d’en aimer un autre
Si un autre lui plaît
Et si je reste seul
« J E N E V E U X J A M A I S L’ O U B L I E R » 53
Et elle en allée
Je garderai seulement
Je garderai toujours
Dans mes deux mains en creux
Jusqu’à la fin des jours
La douceur de ses seins modelés par l’amour.
R O B E R T D E S N O S
( 1 9 0 0 - 1 9 4 4 )
C H A R L E S D ’ O R L É A N S
( 1 3 9 4 - 1 4 6 5 )
L O U I S E L A B É
( 1 5 2 4 - 1 5 6 6 )
P I E R R E D E R O N S A R D
( 1 5 2 4 - 1 5 8 5 )
Tout l’Univers
obéit à l’Amour
« ALLONS NOUS ÉBATTRE » 65
J E A N D E L A F O N T A I N E
( 1 6 2 1 - 1 6 9 5 )
Éloge de l’Amour
Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes cœurs c’est le suprême bien.
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.
J E A N D E L A F O N T A I N E
( 1 6 2 1 - 1 6 9 5 )
J EAN D E LA F ONTAINE
( 1 6 2 1 - 1 6 9 5 )
Hymne à la Volupté
Ô douce Volupté, sans qui, dès notre enfance,
Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux ;
Aimant universel de tous les animaux
Que tu sais attirer avec que violence !
Par toi tout se meut ici-bas.
C’est pour toi, c’est pour tes appas,
Que nous courons après la peine :
Il n’est soldat, ni capitaine,
Ni ministre d’État, ni prince, ni sujet,
Qui ne t’ait pour unique objet.
Nous autres nourrissons, si pour fruit de nos veilles
Un bruit délicieux ne charmait nos oreilles,
Si nous ne nous sentions chatouillés de ce son,
Ferions-nous un mot de chanson ?
Ce qu’on appelle gloire en termes magnifiques,
Ce qui servait de prix dans les jeux olympiques,
N’est que toi proprement, divine Volupté.
Et le plaisir des sens n’est-il de rien compté ?
Pour quoi sont faits les dons de Flore,
« ALLONS NOUS ÉBATTRE » 69
É V A R I S T E D E P A R N Y
( 1 7 5 3 - 1 8 1 4 )
Nahandove,
ô belle Nahandove !
Nahandove, ô belle Nahandove ! l’oiseau nocturne a com-
mencé ses cris, la pleine lune brille sur ma tête, et la rosée
naissante humecte mes cheveux. Voici l’heure : qui peut
t’arrêter, Nahandove, ô belle Nahandove ? Le lit de feuilles
est préparé ; je l’ai parsemé de fleurs et d’herbes odorifé-
rantes, il est digne de tes charmes,
Nahandove, ô belle Nahandove !
J E A N - P I E R R E C L A R I S
D E F L O R I A N ( 1 7 5 5 - 1 7 9 4 )
Plaisir d’amour
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Chagrin d’amour dure toute la vie.
V I C T O R H U G O
( 1 8 0 2 - 1 8 8 5 )
A L F R E D D E M U S S E T
( 1 8 1 0 - 1 8 5 7 )
À Laure
Si tu ne m’aimais pas, dis-moi, fille insensée,
Que balbutiais-tu dans ces fatales nuits ?
Exerçais-tu ta langue à railler ta pensée ?
Que voulaient donc ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots et ces cris ?
Ah ! si le plaisir seul t’arrachait ces tendresses,
Si ce n’était que lui qu’en ce triste moment
Sur mes lèvres en feu tu couvrais de caresses
Comme un unique amant ;
Si l’esprit et les sens, les baisers et les larmes,
Se tiennent par la main de ta bouche à ton cœur,
Et s’il te faut ainsi, pour y trouver des charmes,
Sur l’autel du plaisir profaner le bonheur :
Ah ! Laurette ! ah ! Laurette, idole de ma vie,
Si le sombre démon de tes nuits d’insomnie
Sans ce masque de feu ne saurait faire un pas,
Pourquoi l’évoquais-tu, si tu ne m’aimais pas ?
« ALLONS NOUS ÉBATTRE » 75
É M I L E V E R H A E R E N
( 1 8 5 5 - 1 9 1 6 )
P A U L - J E A N T O U L E T
( 1 8 6 7 - 1 9 2 0 )
Boulogne
Boulogne, où nos nous querellâmes
Aux pleurs d’un soir trop chaud
Dans la boue ; et toi, le pied haut,
Foulant aussi nos âmes.
A N N A D E N O A I L L E S
( 1 8 7 6 - 1 9 3 3 )
Le Baiser
Couples fervents et doux, ô troupe printanière !
Aimez au gré des jours.
– Tout, l’ombre, la chanson, le parfum, la lumière
Noue et dénoue l’amour.
VI C TOR SE G ALEN
( 1 8 7 8 - 1 9 1 9 )
Mon amante
a les vertus de l’eau
Mon amante a les vertus de l’eau : un sourire clair, des gestes
coulants, une voix pure et chantant goutte à goutte.
Et quand parfois, — malgré moi — du feu passe dans mon
regard, elle sait comment on l’attise en frémissant : eau
jetée sur les charbons rouges.
« La Folie et l’Amour
jouaient un jour ensemble »
84 « L A F O L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E »
« L A FO L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E » 85
F R A N Ç O I S V I L L O N
( 1 4 3 1 - 1 4 6 3 )
Ballade à s’amie
Fausse beauté qui tant me coûte cher
Rude en effet hypocrite douceur,
Amour dure plus que fer à mâcher,
Nommer que puis, de ma défaçon seur,
Cherme felon, la mort d’un pauvre cœur,
Orgueil mussé qui gens met au mourir,
Yeux sans pitié, ne veut Droit de Rigueur,
Sans empirer, un pauvre secourir ?
P I E R R E D E R O N S A R D
( 1 5 2 4 - 1 5 8 5 )
Amour me tue
Amour me tue, et si je ne veux dire
Le plaisant mal que ce m’est de mourir :
Tant j’ai grand peur, qu’on veuille secourir
Le mal, par qui doucement je soupire.
T H ÉO D ORE A G RI P P A
D ’ AUBI G NÉ ( 1 5 5 2 - 1 6 3 0 )
Au tribunal d’amour,
après mon dernier jour
Au tribunal d’amour, après mon dernier jour,
Mon cœur sera porté diffamé de brûlures,
Il sera exposé, on verra ses blessures,
Pour connaître qui fit un si étrange tour,
J E A N D E L A F O N T A I N E
( 1 6 2 1 - 1 6 9 5 )
L’Amour et la Folie
Tout est mystère dans l’Amour,
Ses flèches, ses Carquois, son Flambeau, son Enfance.
Ce n’est pas l’ouvrage d’un jour
Que d’épuiser cette Science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici.
Mon but est seulement de dire, à ma manière,
Comment l’Aveugle que voici
(C’est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J’en fais juge un Amant, et ne décide rien.
La Folie et l’Amour jouaient un jour ensemble.
Celui-ci n’était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l’Amour veut qu’on assemble
Là-dessus le Conseil des Dieux.
L’autre n’eut pas la patience ;
Elle lui donne un coup si furieux,
Qu’il en perd la clarté des Cieux.
Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
90 « L A F O L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E »
A L F R E D D E V I G N Y
( 1 7 9 7 - 1 8 6 3 )
Mais si je tremble,
Belle, ayez peur
96 « L A F O L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E »
V I C T O R H U G O
( 1 8 0 2 - 1 8 8 5 )
À la belle impérieuse
L’amour, panique
De la raison,
Se communique
Par le frisson.
Laissez-moi dire,
N’accordez rien.
Si je soupire,
Chantez, c’est bien.
Si je demeure,
Triste, à vos pieds,
Et si je pleure,
C’est bien, riez.
Un homme semble
Souvent trompeur.
Mais si je tremble,
Belle, ayez peur.
« L A FO L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E » 97
A L F R E D D E M U S S E T
( 1 8 1 0 - 1 8 5 7 )
A L F R E D D E M U S S E T
( 1 8 1 0 - 1 8 5 7 )
À Ninon
Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
L’amour, vous le savez, cause une peine extrême ;
C’est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ;
Peut-être cependant que vous m’en puniriez.
[…]
T H É O D O R E D E B A N V I L L E
( 1 8 2 3 - 1 8 9 1 )
Le Vin de l’Amour
Accablé de soif, l’Amour
Se plaignait, pâle de rage,
À tous les bois d’alentour.
Alors il vit, sous l’ombrage,
Des enfants à l’œil d’azur
Lui présenter un lait pur
Et les noirs raisins des treilles.
Mais il leur dit : Laissez-moi,
Vous qui jouez sans effroi,
Enfants aux lèvres vermeilles !
Petits enfants ingénus
Qui folâtrez demi-nus,
Ne touchez pas à mes armes.
Le lait pur et le doux vin
Pour moi ruissellent en vain :
Je bois du sang et des larmes.
102 « L A F O L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E »
A L P H O N S E A L L A I S
( 1 8 5 4 - 1 9 0 5 )
Complainte amoureuse
Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
En vain je priai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah ! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Ou que vous me désespérassiez,
« L A FO L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E » 103
G U I L L A U M E A P O L L I N A I R E
( 1 8 8 0 - 1 9 1 8 )
La Loreley
À Jean Sève
M A R I E N O Ë L
( 1 8 8 3 - 1 9 6 7 )
Chant de la muette
La Fille avait un amoureux
Qui s’en vint frapper à la porte.
– Amoureux, amoureux, que mon ange te porte ! –
La Fille avait un amoureux.
Le vent d’avril tournait la tête à tous les deux.
Sitôt que la mère le vit,
Jeune et pauvre qui se hasarde,
– Amoureux, amoureux, que mon ange te garde ! –
Sitôt que le père le vit :
« Cet effronté dit-il a trop bel appétit. »
Ils ont mis l’amoureux dehors.
« Va coucher avec la servante ! »
– Fuis, amoureux, va-t’en ! Va, fier et ne t’en vante ! –
Ils ont mis l’amoureux dehors
La Fille est sur le seuil : « Passez-moi sur le corps ! »
La mère a marché sur son cœur,
Le père a marché sur sa bouche.
– C’est femelle de chien qui par terre se couche. –
108 « L A F O L I E E T L’A M O U R J O U A I E N T U N J O U R E N S E M B L E »
J A C Q U E S P R É V E R T
( 1 9 0 0 - 1 9 7 7 )
G É R A R D D E N E R V A L
( 1 8 0 5 - 1 8 5 5 )
Artémis
La Treizième revient c’est encor la première ;
Et c’est toujours la Seule, – ou c’est le seul moment :
Car es-tu Reine, ô Toi ! la première et dernière ?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ?…
F É L I X D ’ A R V E R S
( 1 8 0 6 - 1 8 8 0 )
Un secret
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère ;
Un amour éternel en un instant conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
A L F R E D D E M U S S E T
( 1 8 1 0 - 1 8 5 7 )
À George Sand
Te voilà revenu, dans mes nuits étoilées,
Bel ange aux yeux d’azur, aux paupières voilées,
Amour, mon bien suprême, et que j’avais perdu !
J’ai cru, pendant trois ans, te vaincre et te maudire,
Et toi, les yeux en pleurs, avec ton doux sourire,
Au chevet de mon lit, te voilà revenu.
T H É O P H I L E G A U T I E R
( 1 8 1 1 - 1 8 7 2 )
P A U L V E R L A I N E
( 1 8 4 4 - 1 8 9 6 )
L O U I S A R A G O N
( 1 8 9 7 - 1 9 8 2 )
G E O R G E S S C H É H A D É
( 1 9 0 5 - 1 9 8 9 )
C L É M E N T M A R O T
( 1 4 9 6 - 1 5 4 4 )
Du départ de s’amie
Elle s’en va de moi la mieux aimée,
Elle s’en va (certes) et si demeure
Dedans mon cœur tellement imprimée,
Qu’elle y sera jusques à ce qu’il meure.
Voise où vouldra, d’elle mon cœur s’assure :
Et s’assurant n’est mélancolieux :
Mais l’œil veut mal à l’espace des lieux,
De rendre ainsi sa liesse lointaine :
Or Adieu donc le plaisir de mes yeux,
Et de mon cœur l’assurance certaine.
130 « ELLE S’EN VA DE MOI LA MIEUX AIMÉE »
P I E R R E C O R N E I L L E
( 1 6 0 6 - 1 6 8 4 )
Chagrin
Usez moins avec moi du droit de tout charmer ;
Vous me perdrez bientôt si vous n’y prenez garde.
J’aime bien à vous voir, quoi qu’enfin j’y hasarde ;
Mais je n’aime pas bien qu’on me force d’aimer.
J EAN RA C INE
( 1 6 3 9 - 1 7 1 1 )
Bérénice
Eh bien, régnez, cruel, contentez votre gloire :
Je ne dispute plus. J’attendais, pour vous croire,
Que cette même bouche, après mille serments
D’un amour qui devait unir tous nos moments,
Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle,
M’ordonnât elle-même une absence éternelle.
Moi-même j’ai voulu vous entendre en ce lieu.
Je n’écoute plus rien ; et, pour jamais, adieu…
Pour jamais ! Ah ! Seigneur ! Songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ;
Que le jour recommence, et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que, de tout le jour, je puisse voir Titus ?
Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus !
L’ingrat, de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?
Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.
« E l l e s ’ e n v a d e m o i l a m i e u x a i m é e » 133
P A U L V E R L A I N E
( 1 8 4 4 - 1 8 9 6 )
A R T H U R R I M B A U D
( 1 8 5 4 - 1 8 9 1 )
Ainsi la Prairie
À l’oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D’encens et d’ivraies
Au bourdon farouche
De cent sales mille mouches.
Ah ! Mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n’a que l’image
De la Notre-Dame !
Est-ce que l’on prie
La Vierge Marie ?
Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les cœurs s’éprennent.
Mai 1872
« ELLE S’EN VA DE MOI LA MIEUX AIMÉE » 139
G U I L L A U M E A P O L L I N A I R E
( 1 8 8 0 - 1 9 1 8 )
Le Pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
B L A I S E C E N D R A R S
( 1 8 8 7 - 1 9 7 6 )
Tu es plus belle
que le ciel et la mer
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
Il y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
142 « ELLE S’EN VA DE MOI LA MIEUX AIMÉE »
Poésies complètes
© 1947, 1963, 2001, 2005, Éditions Denoël
Extraits tirés du volume 1 de « Tout autour d’aujourd’hui »,
nouvelle édition des œuvres complètes de Blaise Cendrars
dirigée par Claude Leroy.
« ELLE S’EN VA DE MOI LA MIEUX AIMÉE » 143
J A C Q U E S P R É V E R T
( 1 9 0 0 - 1 9 7 7 )
Et nous vivions
Tous deux ensemble,
Toi, qui m’aimais,
Moi qui t’aimais
C L A U D E R O Y
( 1 9 1 5 - 1 9 8 4 )
La Poursuivie
Je te poursuis encore sur le versant des songes
mais tu glisses de moi comme sable en la main
et comme un coquillage invente son mensonge
la courbe de ton corps esquive ton dessein
AVANT-PRPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
« La Folie et l’Amour
jouaient un jour ensemble »
« Ballade » François Villon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85