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La Qualité de La Justice 5
La Qualité de La Justice 5
Résumé Les études au sujet de la qualité de la justice et de ses décisions sont relati-
vement récentes : elles portent sur une notion qu’il nous paraît essentiel
d’examiner de façon approfondie. Cet article se propose donc d’étudier deux
types de réflexions portant sur la qualité des décisions de justice. La première
analyse le discours de la doctrine, qui s’est attachée à déterminer un certain
nombre de critères. La seconde adopte une approche critique sur ceux qui
sont mis en place par l’État dans le cadre des réformes du service public de la
justice. La comparaison des deux discours révèlera l’existence d’un décalage
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Le magistrat n’est plus, aujourd’hui, entouré d’une telle aura et les critiques à
l’égard de la justice sont abondantes. Nombreux sont les reproches à l’encontre de
sa lenteur, son coût, son manque de transparence, son éloignement, sa distance par
rapport aux individus… Des sondages ont révélé qu’elle avait, dans l’opinion pu-
blique, une image « rébarbative et incertaine » 2, au point qu’une rupture semble se
former entre les attentes des justiciables et la réalité de la justice 3.
La notion de qualité n’a fait son apparition dans le domaine de la justice que vers
la fin des années 1990 4. Ce terme de qualité peut être défini comme l’« ensemble des
caractères, des propriétés qui font que quelque chose correspond bien ou mal à sa
nature, à ce qu’on en attend » 5. Le terme de qualité est associé tantôt à la justice
elle-même tantôt aux décisions qu’elle rend. La notion de qualité de la justice est
difficile à appréhender. Elle est « la synthèse complexe de facteurs nombreux, rele-
vant de plans différents et qui ne peuvent tous être saisis par les mêmes outils » 6.
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auxquels le tribunal sera d’ailleurs tenu de répondre dans son jugement » 15. Une
décision de qualité devient donc une décision qui laisse la place à la discussion
contradictoire, c’est-à-dire au contrôle du respect des droits de la défense et des
garanties du procès équitable. Ce n’est pas la seule condition pour que la décision
soit de qualité, mais il s’agit d’une condition désormais nécessaire.
Selon B. Frydman 16, plusieurs facteurs vont contribuer à la montée en puissance
d’une vision managériale de la qualité des décisions de justice, fondée sur la perfor-
mance. Cette conception de la qualité se focalise sur l’évaluation de l’administration
et du fonctionnement de l’institution judiciaire. Il faut noter en particulier l’arrivée
de la doctrine du « Nouveau management public » 17, logique de gestion conçue
comme devant améliorer la qualité du service public. De manière plus ou moins
importante et sous des formes diverses, ce processus a touché l’ensemble des pays
de l’OCDE 18 et de multiples pays en développement. Cette doctrine tranche avec
les conceptions anciennes : alors que les secondes empruntaient la voie du contrôle
de légalité ou de proportionnalité, la première emprunte les méthodes du mana-
gement avec des normes de références, des indicateurs chiffrés, des procédures
d’évaluation périodiques, une définition d’objectifs de performance et de rende-
ment… 19. En 2008, Didier Marshall s’est penché sur l’impact de cette réforme sur
les juridictions. Ce texte controversé marque une volonté de l’État de « révolution-
ner les finances publiques en substituant une logique de performance et de résul-
tats à une logique de moyens » 20.
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15. Benoît FRYDMAN, « L’évolution des critères et des modes de contrôle de la qualité des décisions de
justice », art. cité, p. 24.
16. Ibid., p. 18.
17. Voir les développements de Jonathan BOSTON, John MARTIN, June PALLOT et Pat WALSH, Public Manage-
ment: The New Zealand Model, Auckland : Oxford University Press, 1996.
18. Organisation de coopération et de développement économiques.
19. Cette démarche a également été adoptée en France, y compris dans le domaine de la justice. Nous ver-
rons, au cours d’une seconde partie, quels sont les critères et objectifs qui ont été retenus par la France.
20. Didier MARSHALL, « L’impact de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sur les juridic-
tions », Revue française d’administration publique, 125, 2008, p. 121.
I. Les critères de la qualité des décisions de justice dégagés par les auteurs
L’étude de la qualité des décisions de justice ne se réduit pas à la décision telle
qu’elle est rendue par le juge à l’issue du litige. Cette étude est beaucoup plus large
et implique d’une manière générale l’ensemble des éléments qui concourent à la
production de la décision. Ainsi, l’analyse des travaux portant sur la qualité des
décisions de justice permet de constater que les auteurs consacrent au moins au-
tant d’importance à la décision en tant que telle qu’au contexte dans lequel celle-ci
a été rendue.
Dans un premier temps, il sera question d’identifier quels sont les éléments de
contexte nécessaires à la qualité des décisions de justice (I.1). Dans un second
temps, il conviendra de porter une attention particulière à la qualité du processus
juridictionnel qui conduit à la production de la décision (I.2).
21. Jean-Paul JEAN, « La qualité des décisions de justice au sens du Conseil de l’Europe », in Pascal MBON-
GO (dir.), La qualité des décisions de justice, op. cit., p. 30.
22. CCJE, avis n° 11, op. cit.
23. CEPEJ, Rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens, 2012, 4e rapport.
24. Le système judiciaire regroupe l’ensemble des tribunaux, l’aide juridictionnelle et le ministère public.
de son PIB par habitant 25. À titre de comparaison, il est intéressant de souligner
que l’État consacrant le budget annuel le plus élevé par habitant est la Suisse avec
167,10 € par habitant 26. La France se situe ainsi au 17e rang européen.
Le rapport conclut à une augmentation générale du budget consacré aux sys-
tèmes judiciaires, même si celle-ci est plus limitée que dans les périodes précé-
demment étudiées par la Commission 27. Le développement du système judiciaire
reste ainsi une priorité pour les États européens 28.
Une législation de qualité
Depuis quelques années, les critiques concernant la qualité de la législation sont
de plus en plus nombreuses. Elles sont connues : elles visent l’inflation législative, le
défaut de clarté et d’intelligibilité des lois, le manque de portée normative, l’impréci-
sion de certaines dispositions, l’existence de lois inefficaces, faute de décrets d’appli-
cation, ou supprimées avant même la date de leur entrée en vigueur 29… Toutes ces
critiques concernant la crise de la loi nous conduisent à nous interroger sur l’impact
que cette « dévaluation du droit » 30 peut avoir sur la qualité de la justice et de ses
décisions. La fonction juridictionnelle consiste essentiellement, et sous réserve des
débats sur la liberté du juge, à appliquer les lois aux affaires présentées. Une législa-
tion mal écrite, incohérente, trop changeante peut rendre le travail du juge plus diffi-
cile et, en conséquence, avoir une influence négative sur la qualité de la décision
rendue. Afin de garantir cette dernière, la loi doit être claire, accessible, intelligible et
avoir une portée normative 31.
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25. En ce sens, CEPEJ, Rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens, op. cit., p. 57 et 58. Il convient
cependant de relativiser ce dernier chiffre qui peut paraître faible. Les États les plus riches paraissent ainsi, à
tort, consacrer une faible part de leur PIB au système judiciaire en raison du niveau élevé de celui-ci.
26. Là encore, le rapport souligne la nécessité de tenir compte de la particularité des « micro-États peu
peuplés ». Plus la démographie est élevée, plus le budget par habitant est important. Il faut également tenir
compte, pour la Suisse, du taux de change qui amplifie le résultat. CEPEJ, Rapport d’évaluation des systèmes
judiciaires européens, op. cit., p. 57.
27. L’une des raisons réside dans les effets indirects de la crise sur les budgets. Les experts soulignent que
l’accroissement du contentieux causé par la détérioration de la situation économique (conflits sociaux,
faillites…) a provoqué des coûts supplémentaires pour la justice. Il en résulte que le constat de l’augmen-
tation du budget doit être relativisé.
28. CEPEJ, Rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens, op. cit., p. 63.
29. Un article dénonce les réformes stériles de la justice « Trois juges d'instruction au lieu d'un ? Parfait.
Mais le Parlement a déjà voté cette mesure en 1985 (loi Badinter) et en 1987 (loi Chalandon), par des lois qui
ont été abrogées avant même d'entrer en vigueur, parce que l'État ne voulait pas créer les emplois néces-
saires. » Valéry TURCEY, « Le juste prix de la justice », Libération, 15 février 2006.
30. Jean-Marc VARAUT, Le droit au droit. Pour un libéralisme institutionnel, Paris : PUF, 1986, p. 29.
31. Voir à ce sujet, SÉNAT, La qualité de la loi, note de synthèse du service des études juridiques, n° 3, le
1er octobre 2007, disponible en ligne <http://www.senat.fr/notice-rapport/2007/ej03-notice.html>.
32. Bien que cette étude porte essentiellement sur les décisions des juridictions judiciaires, l'ordre admi-
nistratif est aussi concerné par ces développements.
33. Jean-Paul JEAN, « La qualité des décisions de justice au sens du Conseil de l’Europe », art. cité, p. 30.
lement des magistrats du siège et du parquet mais également de la police, des gref-
fiers, des avocats, des huissiers… Chacun d’eux intervient dans la chaîne de produc-
tion de la décision de justice. Il n’est pas possible, dans le cadre de cette étude, de
s’interroger sur le rôle de chacun. Seuls le juge et l’avocat seront ainsi évoqués.
A priori, le juge occupe une place centrale puisqu’il est chargé de rendre la déci-
sion 34. Leur formation est essentielle à la qualité des décisions qu’ils rendent 35. Il
appartient à l’École nationale de la magistrature (ENM) d’assurer la formation ini-
tiale et continue des magistrats de l’ordre judiciaire français 36. Au cours de la pre-
mière, les périodes de formation à l’école et de stage s’alternent afin de permettre
aux futurs magistrats d’acquérir les compétences professionnelles nécessaires à
leur activité (mener une procédure, conduire un entretien, motiver les décisions…).
De même, une formation continue est exigée afin, notamment, d’informer les ma-
gistrats sur les changements dans la législation 37.
Les juges doivent ainsi répondre à « des qualités de sérieux et de compétence. Il
revient à chaque État de mettre en place un système de recrutement et de forma-
tion des juges qui en assure la qualité intellectuelle » 38.
Le juge n’est cependant pas le seul acteur de la procédure, il n’est que l’un des
maillons d’une chaîne qui aboutit à la production de la décision de justice. L’avocat
joue également un rôle primordial : il formalise les demandes, développe un argu-
mentaire et rédige les conclusions qui vont permettre au juge de rendre sa déci-
sion. On pourrait ainsi considérer que le rôle de l’avocat est essentiel à la qualité
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nales 41 et internationales 42. Il apparaît donc que l’importance que les textes et les
juridictions accordent au droit d’accès au juge suffit à faire de ce droit un critère de
la qualité des décisions. Cependant, garantir l’accès au juge est insuffisant, d’autres
critères, de nature procédurale, doivent être respectés.
Il sera question d’examiner les critères de qualité de la procédure ainsi que les
critères de qualité intrinsèques de la décision. Par ailleurs, il convient de souligner
que la décision de justice doit être rendue dans un délai raisonnable.
Les critères de qualité de la procédure comme fondement de la qualité des décisions
Il n’est pas possible de traiter ici de l’ensemble des dispositions de nature procé-
durale contenues dans le Code de procédure civile. Il convient de s’attacher à
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui contient les
grands principes procéduraux garantissant le caractère équitable du procès. Ils sont
évoqués par Natalie Fricéro qui propose « une nouvelle grille de lecture de l’article 6
de la Convention » 43 expliquant que les droits de l’homme étaient conçus à l’origine
comme des « droits-résistance », destinés à protéger les individus contre l’arbitraire.
De ce fait, ces éléments procéduraux sont des critères essentiels de qualité des déci-
sions de justice. En effet, l’idée est que la solution adoptée par le juge « a de fortes
probabilités d’être juste sur le fond si le processus juridictionnel et le jugement lui-
même sont soumis à des exigences de qualité » 44.
Le premier principe est le respect des droits de la défense et le droit à la contra-
diction, qui constituent des éléments nécessaires au procès équitable. Le second
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41. Civ. 1, 1er février 2005, n° 01-13742 et 02-15237, Bull.civ. I, n° 53, p. 45 ; Simon HOTTE, « Droit au juge et
arbitrage international », Recueil Dalloz, 2005, p. 2727 et Conseil constitutionnel, voir not. décis. n° 93-
325 DC, 13 août 1993 et décision n° 99-416 DC, 23 juill. 1999 dans laquelle le Conseil constitutionnel lui
accorde valeur constitutionnelle ; Conseil d’État, 11 mai 1962.
42. CEDH, Golder c/ Royaume Uni du 21 février 1975, n° 4451/70.
43. Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », art. cité, p. 49.
44. Ibid., p. 50.
45. CEDH, Ruiz-Mateos c/ Espagne, 23 juin 1993, série A, n° 262, § 63.
46. CEDH, Ibid.
47. Serge GUINCHARD, « Les normes européennes garantes d’un procès de qualité », art. cité, p. 89.
des parties de manière appréciable par rapport à la partie adverse 48. L’attention que
la Haute juridiction accorde à ces principes démontre l’importance qui leur est ac-
cordée pour la qualité de la procédure et en conséquence pour la qualité de la déci-
sion qui en est l’aboutissement.
D’autre part, l’indépendance et l’impartialité du tribunal sont deux principes
indispensables à la qualité des décisions de justice. Les deux notions vont souvent
de pair mais ne sont pas équivalentes. L’indépendance s’apprécie par rapport à
tout pouvoir extérieur au pouvoir judiciaire. L’impartialité, quant à elle, fait réfé-
rence à l’organisation et au fonctionnement interne des juridictions 49.
La juridiction de jugement doit être indépendante. Selon certains auteurs 50, la
Convention et la Cour européenne des droits de l’homme exigent que le tribunal soit
indépendant par rapport au pouvoir exécutif et législatif, ainsi que par rapport à tout
autre pouvoir, comme, par exemple, le pouvoir des médias ou encore celui des par-
ties. La juridiction doit également être impartiale. Cette notion comprend, d’une part,
l’impartialité subjective, c’est-à-dire « ce que tel juge pensait dans son for intérieur en
telle circonstance » 51 et, d’autre part, l’impartialité objective ou fonctionnelle, c’est-à-
dire les situations dans lesquelles le comportement du juge n’engendre plus « la con-
fiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux justiciables dans une société démo-
cratique » 52. L’auteur ajoute : « Encore convient-il que l’impartialité ne soit pas com-
prise comme un idéal de neutralité désincarnée, qui relèverait de l’utopie et déshu-
maniserait le juge » 53. Il apparaît donc, selon la CEDH, qu’un tribunal doit être im-
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48. CEDH, Delcourt c/ Belgique, 17 janv. 1970, série A n° 11 ; CEDH, Borgers c/ Belgique, 30 oct. 1991, série A,
n° 214-B.
49. Sur la distinction de ces notions, voir Serge GUINCHARD, « Les normes européennes garantes d’un
procès de qualité », art. cité, p. 63.
50. Ibid., p. 65.
51. CEDH, Piersack c/ Belgique, 1er oct. 1982, n° 8692/79, § 30.
52. Ibid.
53. Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », art. cité, p. 53.
54. Jean-Marc SAUVÉ, « Les critères de la qualité de la justice », art. cité ; CCJE, avis n° 11, op. cit. ; dans le
même sens, voir aussi, Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 49 et François MARTINEAU, « Critères et standards
rhétoriques de la bonne décision de justice », in Pascal MBONGO (dir.), La qualité des décisions de justice,
op. cit., p. 89.
décisions. Il semble cependant qu’il s’agisse d’un critère important. Une étude en
cours consacrée à la contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants 55 a mon-
tré que cette exigence permettait de retracer la procédure suivie par une affaire : les
mentions obligatoires du Code de procédure civile participent à la compréhension
de la décision. Pour cette raison, il semble nécessaire de considérer que les exigences
de forme constituent un critère de qualité des décisions de justice. Il sera donc ques-
tion de présenter ce critère avant d’évoquer la clarté et l’intelligibilité de la décision
pour enfin porter notre attention sur la motivation des décisions.
D’abord, un certain nombre de mentions doivent obligatoirement figurer dans
la décision de justice. L’article 454 du Code de procédure civile dispose que le ju-
gement doit comporter l’indication de la juridiction dont il émane, le nom des juges
qui en ont délibéré, de sa date, du nom du représentant du ministère public s’il a
assisté aux débats, le nom du secrétaire, les nom, prénom ou dénomination des
parties ainsi que leur domicile ou siège social, et le cas échéant, le nom des avocats
ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties et, en matière gra-
cieuse, le nom des personnes auxquelles il doit être notifié. La Cour de cassation a
mis en ligne plusieurs fiches méthodologiques concernant la rédaction des déci-
sions dans lesquelles elle rappelle l’importance des éléments précités. Ces informa-
tions permettent à la Cour de vérifier « la régularité de la procédure » 56 et partici-
pent en ce sens à la qualité des décisions de justice.
Ensuite, l’exigence de clarté et d’intelligibilité des décisions se retrouve chez
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55. Cécile BOURREAU-DUBOIS et Isabelle SAYN, « Évaluation de la mise en place d’une table de référence pour
le calcul de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants », Dossier d’études (CAF), 141, 2011
(journée d’étude organisée par le CERCRID).
56. COUR DE CASSATION, « Fiche méthodologique. La rédaction des arrêts », Bulletin d’information, 613,
15 février 2005.
57. Jean-Marc SAUVÉ, « Les critères de la qualité de la justice », art. cité ; CCJE, avis n° 11, op. cit.; Natalie
FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits
de l’homme », art. cité, p. 49 et François MARTINEAU, « Critères et standards rhétoriques de la bonne décision
de justice », art. cité, p. 89.
58. ASSOCIATION SYNDICALE DES MAGISTRATS, Dire le droit et être compris. Comment rendre le langage judiciaire
plus accessible ?, Bruxelles : Bruylant, 2003. Cet ouvrage propose de simplifier le langage judiciaire, placer le
dispositif au début du jugement, renforcer l’information les justiciables.
59. CONSEIL D’ÉTAT, Rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la justice administrative,
2012, p. 6.
60. Ibid., p. 9.
61. Ibid., p. 38.
62. Ibid., p. 39 et suiv. Proposition n° 14.
63. CCJE, avis n° 11, op. cit.
64. Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », art. cité, p. 56. Dans le même sens, un auteur relève que la motivation est « une
garantie essentielle pour le justiciable, car elle est destinée à le protéger contre l’arbitraire du juge », Jean-
Pierre ANCEL, « La rédaction de la décision de justice en France », Revue internationale de droit comparé
(RIDC), 1998, p. 852.
65. La loi des 16 et 24 août 1790 est une loi française, belge et luxembourgeoise sur l'organisation judi-
ciaire, adoptée par l'Assemblée nationale constituante le 16 août 1790 et sanctionnée le 24 août.
66. Pascal TEXIER, « Jalons pour une histoire de la motivation des sentences », in ASSOCIATION HENRI CAPITANT (dir.),
La motivation, Paris : LGDJ, 2000, p. 5, spéc. p. 15.
doit « répondre aux prétentions des parties » 67. Cet élément permet aux justiciables
de constater que leurs prétentions ont été entendues et donc qu’elles ont obtenu une
réponse. Par ailleurs, le juge doit expliquer clairement la solution qu’il a retenue. La
clarté de l’argumentation permet de convaincre le justiciable que, même s’il n’a pas
eu gain de cause, la position adoptée par le juge est juste 68. S’il n’est pas convaincu
de la justesse du raisonnement, la motivation des décisions lui permet « d’apprécier
les chances d’un éventuel recours et de l’exercer » 69. Certains auteurs vont plus loin
et considèrent même que : « La motivation doit porter sur chaque chef du dispositif.
Elle doit s’appliquer à tous les moyens invoqués. Rien n’est pire que de voir le client
revenir, après avoir lu le jugement et constater que le magistrat n’a pas répondu à
certains moyens auxquels il tenait 70. » La dernière fonction est d’expliquer la solution
à la société. Les décisions de justice participent à la compréhension du droit 71 et ont,
en ce sens, un « intérêt public » 72. La motivation des décisions « est indispensable à la
clarté du droit et à son progrès » 73. Son analyse par la doctrine permet d’obtenir des
informations sur la façon dont le droit est appliqué par les juridictions. Ainsi, la moti-
vation des décisions doit être suffisamment développée pour permettre cette analyse
et assurer la stabilité et la prévisibilité du droit 74. Certains auteurs se montrent très
critiques vis-à-vis des « attendus » lapidaires de la Cour de cassation dont la portée
reste souvent incertaine. Ils demandent au contraire que la motivation permette « au
juge de livrer le fond de sa pensée, d’expliquer vraiment pourquoi il statue dans un
certain sens, sans rien cacher des éléments qu’il prend en considération » 75. Le but
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67. Ibid. Dans le même sens, Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de
la Convention européenne des droits de l’homme », art. cité.
68. Michel BÉNICHOU, « La formation de l’avocat et la qualité des décisions de justice », in Pascal MBONGO (dir.),
La qualité des décisions de justice, op. cit.
69. Frédéric ZENATI-CASTAING, « La motivation des décisions de justice », Recueil Dalloz, 2007, p. 1553.
70. Michel BÉNICHOU, « La formation de l’avocat et la qualité des décisions de justice », art. cité, p. 119.
71. En ce sens, Christian ATIAS, « Une enquête nécessaire : les arrêts de non-admission du pourvoi en
cassation », Recueil Dalloz, 2010, p. 1374.
72. Henry SOLUS et Roger PERROT, Droit judiciaire privé, tome 1, 1961,§ 678.
73. Adolphe TOUFFAIT et André TUNC, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, no-
tamment celle de la Cour de cassation », Revue trimestrielle de droit civil (RTD. civ.), 1974, p. 488.
74. Jean-Marc SAUVÉ, « Les critères de la qualité de la justice », art. cité.
75. Adolphe TOUFFAIT et André TUNC, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, no-
tamment celle de la Cour de cassation », art. cité, p. 502.
76. Voir par ex. MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Célérité et qualité de la justice. La gestion du temps dans le procès,
rapport de Jean-Claude Magendie, 2004 ; Voir les travaux du CEPEJ sur la gestion du temps judiciaire.
77. CEPEJ, Analyse des délais judiciaires dans les États membres du Conseil de l’Europe à partir de la juris-
prudence de la Cour européenne des droits de l’homme, rapport, décembre 2006.
78. Ibid.
79. Ibid.
80. Jean-Marc SAUVÉ, « Les critères de la qualité de la justice », art. cité.
81. Séverine ARNAULT, « La durée des affaires civiles dans les tribunaux de grande instance en 2001 »,
Infostat justice, 71, décembre 2003.
82. Jean-Marc SAUVÉ, « Les critères de la qualité de la justice », art. cité.
83. Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », art. cité, p. 55.
84. Alain LAMBERT et Didier MIGAUD, « D'une logique de moyens à une logique de résultats »,
<http://www.performance-publique.gouv.fr>, dernière mise à jour le 23 juillet 2012.
85. Voir Léonard BERNARD DE LA GATINAIS, « Présentation stratégique du projet annuel de perfor-
mance 2007 », <http://www.performance-publique.gouv.fr>.
86. C'est une loi organique, qu'on peut assimiler à une nouvelle constitution financière. Elle remplace le
précédent cadre, datant de 1959, et vise à moderniser la gestion de l'État.
87. Le responsable de programme est désigné par le ministre compétent pour assurer le pilotage du pro-
gramme.
88. Ce terme désigne usuellement le fascicule annexé au projet de loi de finances contenant une analyse
détaillée des crédits demandés par le gouvernement pour un ministère.
89. Alain LAMBERT et Didier MIGAUD, « D'une logique de moyens à une logique de résultats », art. cité.
90. Léonard BERNARD DE LA GATINAIS, « Présentation stratégique du projet annuel de performance 2007 »,
op. cit.
91. Ibid.
92. Cf. première partie de cet article.
93. Natalie FRICERO, « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », art. cité, p. 55.
94. Léonard BERNARD DE LA GATINAIS, « Présentation stratégique du projet annuel de performance 2007 »,
op. cit.
Le projet de loi de finances pour 2008 concernant la justice comporte huit indi-
cateurs retenus pour rendre compte de l’objectif numéro 1 : « rendre des décisions
de qualité dans des délais raisonnables en matière civile » :
— (1) le délai moyen de traitement des procédures par type de juridiction ;
— (2) le délai théorique d’écoulement des stocks des affaires civiles terminées par
type de juridiction ;
— (3) l’ancienneté moyenne du stock par type de juridiction ;
— (4) le délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire ;
— (5) le taux de requête en interprétation, en rectification d’erreurs matérielles et
en omission de statuer ;
— (6) le taux de cassation des affaires civiles ;
— (7) le nombre d’affaires traitées par magistrat du siège ou par conseiller rapporteur ;
— (8) le nombre d’affaires traitées par fonctionnaire.
Ces indicateurs serviront donc à mesurer la performance de la justice, à partir
des performances des juridictions et de leur personnel. Sur les huit indicateurs
sélectionnés pour apprécier la qualité des décisions rendues en matière civile,
quatre sont des mesures de délais et de stocks (1, 2, 3 et 4), deux mesurent la pro-
ductivité des magistrats et des fonctionnaires (7 et 8) et deux évaluent le défaut
supposé de qualité (5 et 6). On voit donc immédiatement la place prise par les dé-
lais, la performance, aux dépens de critères plus substantiels. Ces indicateurs ne
correspondent pas aux analyses sur la qualité des décisions de justice développées
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95. Le délai à partir duquel les juridictions sont estimées en difficulté et doivent bénéficier prioritairement
d’actions correctives est fixé à un mois au-delà du délai-cible 2015 ; soit les délais « critiques » suivants :
L’indicateur portant sur le taux de cassation des affaires civiles (n° 6) a également
été modifié. Il ne se fonde plus sur le nombre d’affaires civiles ayant fait l’objet d’une
cassation, rapporté au nombre de pourvois portés devant la Cour de cassation, mais
sur le rapport entre le nombre d’affaires ayant fait l’objet d’une cassation et le
nombre d’affaires civiles traitées par l’ensemble des cours d’appel. Selon un rapport
déposé le 20 novembre 2008 96, cet indicateur pourrait être encore amélioré en
prenant en compte les seules cassations traduisant une erreur procédurale ou subs-
tantielle dans la décision attaquée et en écartant celles qui fixent une interprétation
jurisprudentielle. Une autre critique peut être adressée à l’encontre de cet indica-
teur. Le nombre d’affaires ayant fait l’objet d’une cassation dépend forcément du
nombre de pourvois portés devant la Cour de cassation ; or ce dernier est subor-
donné à la volonté des justiciables. Il n’y a pas nécessairement de lien entre la qua-
lité – ou le défaut de qualité supposé – et la contestation de la décision par un re-
cours en cassation. Il est donc impossible de savoir dans quelle mesure les déci-
sions du fond qui ne font pas l’objet d’un pourvoi seraient ou non susceptibles
d’être cassées. En effet, sauf à imaginer des justiciables purement rationnels qui
agiraient uniquement contre toutes les décisions dépourvues de qualité, et seule-
ment contre celles-là, le taux de cassation dépend de la décision des parties plus
que de l’appréciation de la qualité des décisions rendues par les juges du fond.
La loi de finances pour 2010 contient un changement notable : le « taux de requête
en interprétation, en rectification d’erreurs matérielles et en omission de statuer » a
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11,5 mois pour les cours d’appels, 7,9 mois pour les tribunaux de grande instance, 6 mois pour les tribunaux
d’instance.
96. Rapport législatif du Sénat, avis n° 104 (2008-2009) de MM. Yves DETRAIGNE et Simon SUTOUR, fait au
nom de la commission des lois, déposé le 20 novembre 2008.
97. Mission ministérielle Justice, Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances
pour 2010.
98. Cécile BOURREAU-DUBOIS et Isabelle SAYN, « Évaluation de la mise en place d’une table de référence pour
le calcul de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants », art. cité.
ce qui correspondait aux objectifs des auteurs étudiés en première partie de l’étude,
contrairement aux indicateurs restants qui ont pour vocation assumée de réduire les
coûts du système judiciaire.
Enfin, le critère de « délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule
exécutoire » (n° 4) n’existe plus depuis le projet annuel de performances annexé à la
loi de finances pour 2012. Selon le rapport rendu à l’Assemblée nationale 99, cet
indicateur a été supprimé car la donnée était peu fiable. Peu de juridictions la sai-
sissaient et les résultats étaient par conséquent trop disparates.
99. Alain JOYANDET, Rapport fait au nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du
contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), annexe n° 28.
100. Maya BACACHE-BEAUVALLET, « Incitations et désincitations : les effets pervers des indicateurs », La vie des
idées, 22 août 2008, <http://www.laviedesidees.fr/Incitations-et-desincitations-les.html>.
101. Anne PEZET et Samuel SPONEM, « Des indicateurs pour les Ministres au risque de l’illusion du contrôle »,
La vie des idées, 22 février 2008, <http://www.laviedesidees.fr/Des-indicateurs-pour-les-Ministres.html>.
102. Ibid ; voir aussi Peter F. DRUCKER, The Essential Drucker: Selections from the Management Works of Peter
F. Drucker, Oxford : Butterworth-Heinemann, 2001.
103. Les affaires civiles sont souvent coûteuses et fastidieuses. En août 1990, le Congrès des États-Unis
d’Amérique a adopté le Civil Justice Reform Act (CJRA) dans l’objectif de remédier à ces problèmes.
104. Maya BACACHE-BEAUVALLET, « Incitations et désincitations : les effets pervers des indicateurs », art. cité.
105. Didier MARSHALL, « L’impact de la LOLF sur les juridictions », art. cité, p. 121.
tout de même à relever. En effet, pour savoir si une décision de justice est motivée et
bien motivée, il faut la lire et connaître l’affaire en question. Cela n’est évidemment
pas possible concrètement, au regard du nombre de décisions de justice rendues en
France, ne serait-ce que dans la matière civile.
De la même façon, comment est-il envisageable de créer ces indicateurs sans
concertation avec les juristes ? La participation de certains magistrats à l’élaboration
des critères peut ne pas avoir été suffisante. Ainsi, une concertation avec un plus
grand nombre de professionnels aurait pu amener à soulever le problème de la « diffi-
culté différenciée des procédures » 106. Selon la juridiction, la structure du conten-
tieux sera différente, unique, et cette information ne peut que relativiser la portée des
indicateurs choisis. Didier Marshall cite l’exemple des juridictions corses, qui con-
naissent un contentieux successoral très important, alors que les juridictions de la
côte d’Azur ont un contentieux de la construction très pesant.
Certaines juridictions françaises ont fait le choix d’élaborer leurs propres cri-
tères, leurs propres indicateurs, au regard de leurs besoins, de leurs capacités et de
leurs objectifs. En se basant sur le travail réalisé par la cour d’appel de Paris, qui fait
partie des juridictions ayant engagé ce type de recherche, on peut constater que les
indicateurs choisis sont bien plus tournés vers les justiciables : « La décision statue-
t-elle sur les dépens ? Les modalités d’exécution sont-elles clairement définies 107 ? »
Il faut noter cependant qu’une telle recherche est envisageable au sein d’une juri-
diction alors que l’ampleur du travail est bien plus importante au niveau national.
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109. Ibid.
110. Intervention d’Éric Woerth, Assemblée nationale, 29 juin 2009.
111. Anne-Lise SIBONY, « Les éclairages des expériences étrangères », in Marie-Luce CAVROIS, Hubert DALLE et
Jean-Paul JEAN (dir.), La qualité de la justice, op cit, p. 149.
112. Ibid., p. 149. Voir aussi l’ouvrage sous la direction d’Emmanuel BREEN (dir.), Évaluer la justice, Paris :
PUF, coll. « Droit et Justice », 2002 ; l’article de Joël FICET, « Trajectoires de réforme de la carte judiciaire et
managérialisation de l’État. Analyse comparée des politiques de territorialisation de la justice en France et
en Belgique », Revue internationale de politique comparée, 4, 2011, p. 91 et l’article de Jean-Marc SAUVÉ, « Le
juge administratif face au défi de l’efficacité. Retour sur les pertinents propos d’un Huron au Palais-Royal et
sur la “critique managériale” », Revue française de droit administratif (RFDA), 4, 2012, p. 613.
Les auteurs
Hélène Colombet est doctorante contractuelle à l’Université Jean Monnet (Saint
Étienne) et allocataire de la région Rhône-Alpes (CLUSTER 12, devenu ARC 8). Elle est
membre du Centre de recherches critiques sur le droit (CERCRID). Ses recherches por-
tent sur l’obligation d’information sur la situation juridique des sujets de droit.