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Introduction

Emmanuel Diet
Dans Connexions 2018/2 (n° 110), pages 9 à 10
Éditions Érès
ISSN 0337-3126
ISBN 9782749262017
DOI 10.3917/cnx.110.0009
© Érès | Téléchargé le 07/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 188.81.216.69)

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Emmanuel Diet 1

Introduction

Coordonné par Cécile Corre et Anne-lise Diet, ce nouveau numéro


de Connexions questionne les changements anthropologiques à l’œuvre
dans l’hypermodernité. Ceux-ci s’imposent désormais à nous dans notre
relation au corps selon des modalités qui ne peuvent que nous inter-
peller. Ils semblent aujourd’hui se développer, moins sur un patient
mouvement de la culture, car pour cela il faut du temps, que par l’action
d’organisations structurées utilisant un lobbying politique avec des
moyens qui semblent considérables. La centration sur le corps et ses
destins s’impose dans ce nouveau contexte. Le corps semble en effet le
nouveau territoire d’investissement du capitalisme postmoderne, passant
par des officines qui en attendent quelques gains et de très probléma-
tiques idéologies qui s’imposent comme d’inquestionnables évidences.
Anthropologues, sociologues, psychosociologues et psychanalystes,
juristes, philosophes et historiens, du moins ceux qui s’efforcent encore
de penser dans l’anomie générale, s’interrogent sur la violence des trans-
formations à l’œuvre, leur sens et leurs conséquences. Derrière « cette
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main basse sur le vivant », selon la formulation de M. Vacquin, question-
nant les technologies de la fécondation, se perçoit une volonté de faire
sauter les verrous, d’anéantir les tabous qui constituaient les bornes du
possible, et ce, au nom du « progrès » et de la « liberté ». Le biopouvoir
(M. Foucault) remet en cause l’organisation du symbolique, déplaçant
du même coup les contours de notre imaginaire. Les progrès apportés à
la santé sont, dans un même élan, passés de la réparation à la transfor-
mation, dans une conception bouchère de la filiation (P. Legendre) et
une définition charcutière de l’identité contournant les butées éthiques
dont s’était jusque-là munie l’humanité. C’est un défi à la mort qui se
construit, dans une logique narcissique sans limite, tel le projet utopique
de la Transhumanité, théorie réactivée, programmée et instrumentali-
sée par les gafam. Nous avions appris à nous méfier de ceux qui nous
veulent du bien, comme de la tyrannie du bien-être. En creux de cette

Emmanuel Diet, psychanalyste, analyste de groupe et d’institution ; emmanueldiet@wanadoo.fr


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nouvelle promesse gît un eugénisme qui ne s’avoue pas, puisque la


stérilisation sera la contrepartie de l’immortalité. Certains, d’ailleurs,
préconisent l’anéantissement de l’humanité comme but ultime…
Ce que nous considérions comme délirant s’expose désormais
comme modernité et progrès, rejetant, dans la ringardise, les nuances,
la protestation éthique, la pensée dialectique, la réflexion historique et
philosophique et finalement les mises en garde faites aux apprentis
sorciers au nom des acquis de l’expérience.
Le corps de chacun d’entre nous est devenu propriété de la science
sauf à s’y être opposé de son vivant. Sauver des vies humaines, lutter
contre la maladie et la souffrance ne saurait se refuser et vient empêcher
la nécessaire discussion critique de ce qui est à l’œuvre ! La conception
moniste corps-identité, qui avait été définie par le droit, est mise à mal
par la séparation du corps, de ses organes et de ses fluides, devenus
objets d’un commerce direct ou indirect, ou d’indemnisations. Le droit
est à la peine sur une ligne de crête fragilisée entre le droit singulier et
collectif, tandis qu’à nouveau s’opposent le corps du riche et le corps
du pauvre et se redoublent brutalement les dominations symboliques et
sociales, singulièrement dans le monde du travail.
Le corps se doit d’être jeune, mince, bronzé, musclé, nourri par les
préconisations dites scientifiques, mais pourtant constamment chan-
geantes, et, sans surprise, les corps des vieux souffrent maltraités dans
des mouroirs. Reste la solution de la chirurgie esthétique qui pousse
ses possibilités du côté de Frankenstein, et Prométhée. La sexualité se
technicise dans l’activisme pornographique et le culte de la performance
s’impose comme une évidence. L’archaïque de la structure mentale
et donc l’émotion sont constamment sollicités, comme le recomman-
dait E. Bernays dans Propaganda. Il s’agit d’influencer les foules,
au détriment de la réflexion et de la secondarité. C’est donc bien une
guerre idéologique qui est menée contre l’humanisme et l’humanité, les
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Lumières et la rationalité.
Les rites d’initiation en déshérence, faute d’un cadre et de récits
qui les institueraient, induisent des transcriptions identitaires dont le
corps serait le support, et dont la caractéristique est qu’elles se situent
dans l’horizontalité des liens et non plus dans la verticalité. Le fraternel
sera-t-il un appui suffisant pour transmettre une identité ? Une certaine
violence – et une violence certaine – rôde dans les pratiques sur le corps,
même quand il est magnifié, notamment dans le sport. L’abolition des
tabous structurants qui avaient prévalu jusque-là, met sans doute à mal
jusqu’à l’interdit cannibalique, comme J. Lacan l’avait pressenti.
C’est à explorer ces différentes questions et dimensions de l’exis-
tence et des représentations du corps dans l’hypermodernité que les
différents auteurs s’attachent dans leurs contributions pour rouvrir à
la pensée les espaces de questionnement critique et de réflexion que
l’idéologie dominante souhaiterait forclore.

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