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37. a. Yes; there is a relative minimum point
between the two relative maximum points.
b. Yes; there is an inflection point between
the two relative extreme points.
38. No
8.
[0, 4] by [−15, 15]
Vertical asymptote: x = 2
40.
10.
[−6, 6] by [−6, 6] 11.
The line y = x is the asymptote of the first
1
function, y x x.
7.
13.
14.
PEPE REY.
Il convient de dire, avant d’aller plus loin, qui était Pepe Rey et ce
qui l’appelait à Orbajosa!
Lorsque le «brigadier[15]» Rey mourut, en 1841, ses deux enfants,
Juan et Perfecta venaient de se marier; cette dernière avec le plus riche
propriétaire d’Orbajosa, le premier avec une jeune fille de la même ville.
Le mari de Perfecta se nommait D. Manuel Maria José de Polentinos, et
la femme de Juan, Maria Polentinos; mais malgré la similitude des noms,
leur parenté était un peu éloignée et du nombre de celles dont on ne tient
guère plus compte. Jurisconsulte distingué, Juan Rey exerça pendant
trente ans à Séville, où il avait pris ses grades, la profession d’avocat
avec non moins d’honneur que de profit. En 1845, il était déjà veuf et
avait un fils qui commençait à se distinguer. Celui-ci occupait ses loisirs
à construire, avec de la terre dans la cour de la maison paternelle, des
viaducs, des digues, des étangs, des barrages, des canaux, puis il
s’amusait à laisser courir l’eau à travers ces ouvrages fragiles. Son père
le laissait faire et disait: «tu seras ingénieur».
Juan et Perfecta cessèrent de se voir dès qu’ils furent l’un et l’autre
mariés, parce que celle-ci alla vivre à Madrid avec le richissime
Polentinos dont la fortune égalait les goûts dispendieux.
La passion du jeu et les femmes avaient pris un tel empire sur
Manuel Maria José que, pour peu que la mort eût tardé à l’enlever, il ne
lui serait plus rien resté. Sucé jusqu’à la moëlle des os par les sangsues
de la cour et par l’insatiable vampire du jeu, ce riche provincial mourut
subitement dans une nuit d’orgie. Son unique héritier était une enfant
âgée de quelques mois. Avec la mort du mari de Perfecta, finirent pour la
famille les chagrins qu’il lui causait, mais commença la souffrance
morale. La maison de Polentinos était ruinée; les propriétés risquaient
d’être saisies par les créanciers; tout était en désordre: dettes énormes,
déplorable administration à Orbajosa, discrédit et misère à Madrid, telle
était la situation.
Perfecta écrivit à son frère. Celui-ci s’empressa de venir au secours
de la pauvre veuve et déploya tant d’adresse et d’activité que peu de
temps après la plupart des dangers étaient conjurés. Il commença par
obliger sa sœur à résider à Orbajosa pour s’occuper elle-même de
l’administration de ses vastes domaines, tandis qu’il soutenait à Madrid
le formidable assaut des créanciers. Plus apte que n’importe qui à ces
sortes d’affaires, le brave D. Juan Rey, pour délivrer peu à peu la maison
de l’énorme fardeau de ses dettes, plaida devant les tribunaux, conclut
des arrangements avec les personnes à qui étaient dues les plus fortes
sommes, obtint des délais pour les paiements et procéda enfin avec tant
d’habileté que le riche patrimoine de Polentinos échappé au naufrage fut
mis à même de soutenir pour de longues années la gloire et la splendeur
de l’illustre famille.
La reconnaissance de Perfecta était si vive que, d’Orbajosa, où elle
avait résolu de se fixer jusqu’à la majorité de sa fille, elle écrivait à son
frère entre autre choses affectueuses: «Tu as été pour moi plus qu’un
frère et tu as fait pour mon enfant ce que son père n’aurait pas fait.
Comment, elle et moi, pourrons-nous jamais nous acquitter envers toi?
Ah! mon cher frère, dès que ma fille commencera à bégayer et pourra
prononcer un nom, c’est le tien que je l’apprendrai à bénir. Ma
reconnaissance ne finira qu’avec ma vie. Ta sœur déplore de ne pouvoir
trouver une occasion de te prouver combien elle t’aime, et de te
récompenser d’une façon digne de ta grande âme et de l’immense bonté
de ton cœur de tout ce que tu as fait pour elle.»
A l’époque où sa mère écrivait ce qui précède, Rosarito était âgée de
deux ans. Enfermé dans un collège de Séville, Pepe Rey traçait des
lignes sur le papier et s’ingéniait à prouver que la somme des angles
intérieurs d’un polygone est égale à autant de fois deux angles droits que
ce polygone a de côtés moins deux.
La démonstration de ces ennuyeux théorèmes l’intéressait au plus
haut point. Les années se succédèrent. L’enfant grandissait et ne cessait
de tracer des lignes. Il finit par en faire une qui s’appelle la ligne de
Tarragona à Montblanch. Son premier projet fut le pont de 120 mètres
jeté sur le Francoli.
Doña Perfecta continua à résider à Orbajosa. Comme son frère ne
sortait pas de Séville, ils passèrent de longues années sans se voir. Une
lettre trimestrielle, à laquelle il était trimestriellement répondu, mettait
seule en communication ces deux cœurs dont ni le temps ni la distance
ne pouvaient diminuer l’affection. Lorsque, en 1870, D. Juan Rey,
satisfait d’avoir consciencieusement rempli sa tâche dans la société, se
retira dans sa magnifique résidence de Puerto-Real, Pepe, qui avait
durant quelques années, travaillé pour le compte de puissantes
compagnies de construction, entreprit un voyage d’étude en Allemagne
et en Angleterre. La fortune de son père (aussi considérable que peut
l’être en Espagne celle qui n’est due qu’à une charge honorablement
remplie) lui permettait de se délivrer de temps à autre d’un travail
assujetissant. Ayant des idées élevées et professant un immense amour
pour la science, la plus pure de ses jouissances consistait dans
l’observation et l’étude des prodiges réalisés par l’esprit moderne pour
coopérer à la culture et au bien-être physique, en même temps qu’au
développement moral de l’homme.
Dès qu’il fut de retour de son voyage, son père lui annonça qu’il
avait à lui faire part d’un important projet. Pepe crut tout d’abord qu’il
s’agissait d’un pont, d’un bassin maritime ou tout au moins de
l’assainissement d’un pays marécageux, mais D. Juan le tira bientôt de
son erreur en ces termes:
—Nous voici en mars; la lettre trimestrielle de Perfecta ne pouvait se
faire attendre. Lis-la, mon cher fils, et si tu approuves le projet dont
m’entretient l’exemplaire et sainte femme qui est ma sœur, tu me
donneras le plus grand bonheur qu’il soit donné à ma vieillesse de
goûter. Dans le cas où ce projet ne te plairait pas, n’hésite pas à le
repousser quelque tristesse que puisse me causer ton refus, car je ne veux
en aucune façon influencer ta détermination. Il serait indigne de nous
deux que la réalisation d’un pareil projet pût être due à la pression
exercée sur son fils par un père obstiné. Tu es donc parfaitement libre
d’accepter ou de refuser, et si, par suite d’une inclination antérieure ou
pour tout autre motif, le projet en question te causait la plus légère
répugnance, je ne veux absolument pas que tu y souscrives à cause de
moi.
Pepe parcourut la lettre et dit tranquillement en la posant sur la table:
—Ma tante Perfecta désire que j’épouse Rosario.
—Elle répond qu’elle accepte avec joie ma proposition, dit le père
avec une vive émotion. Car c’est moi qui ai eu la première idée de ce
mariage. Il y a longtemps, fort longtemps déjà... mais je n’avais pas
voulu t’en parler avant de savoir ce qu’en pensait ma sœur. Comme tu le
vois, Perfecta accueille avec joie mon dessein; elle dit qu’elle y avait
songé aussi; mais qu’elle n’avait pas osé m’en faire part, par la raison
que tu es..... as-tu bien lu ce qu’elle écrit? «que tu es un jeune homme du
plus grand mérite, tandis que sa fille, élevée à la campagne, ne possède
ni de brillants ni de mondains attraits...» C’est elle-même qui dit cela...
Pauvre chère sœur! Combien tu es bonne!... Je vois que tu ne repousses
pas, que tu ne trouves pas absurde ce projet quelque peu semblable à
l’officieuse prévoyance des parents d’autrefois qui mariaient leurs
enfants sans les consulter et le plus souvent prématurément sans y avoir
bien réfléchi... Dieu veuille qu’il n’en soit pas ainsi de cette union! Dieu
veuille qu’elle soit ou promette d’être des plus heureuses! Il est bien vrai
que tu ne connais pas encore ma nièce, mais nous connaissons, toi et
moi, ses vertus, son esprit, sa modestie et sa noble simplicité... Pour que
rien ne lui manque, elle est de plus jolie... Mon avis—ajouta-t-il gaîment,
c’est que tu te mettes en route, que tu ailles fouler le sol de cette ville
épiscopale, Urbs augusta, et que là tu décides, après avoir vu ma sœur et
sa charmante Rosarito, si celle-ci mérite d’être un jour quelque chose de
plus que ma nièce.
Pepe reprit la lettre et la lut cette fois avec la plus grande attention.
Sa physionomie n’exprimait ni joie ni tristesse. On eût dit qu’il
examinait un projet de croisement de deux voies ferrées.
—Ce qui est certain—ajouta D. Juan—c’est que dans cette lointaine
ville d’Orbajosa, où par parenthèse, tu as des propriétés que tu vas
pouvoir visiter, la vie s’écoule avec un calme et une douceur idylliques.
Quelles mœurs patriarcales! Que de noblesse dans cette simplicité!
Quelle rustique paix virgilienne! Si, au lieu d’être un mathématicien tu
étais un latiniste, tu répéterais en entrant dans ce pays le ergo tua rura
manebunt. Quel lieu admirable pour se vouer à la contemplation de notre
propre nature et se préparer à l’accomplissement de bonnes œuvres! Là,
tout est bonté, loyauté; on n’y connaît ni le mensonge, ni l’ostentation si
communs dans nos grandes villes; là naissent et vivent les saintes
affections qu’étouffe le bruit de la civilisation moderne; là se rallume la
foi éteinte et le cœur entend plus fortement résonner la voix
indéfinissable qui, avec une enfantine inquiétude, crie au fond de l’âme
de chacun de nous: «Je veux vivre!»
Peu de jours après cet entretien, Pepe quittait Puerto-Real. Il y avait à
peine quelques mois qu’il avait refusé du gouvernement la mission
d’aller explorer, au point de vue minier, le bassin d’une rivière, la
Nahara, dans la vallée d’Orbajosa. Mis en présence des projets que nous
venons de faire connaître, il se dit:—«Il convient de mettre le temps à
profit, car Dieu seul sait combien durera cette épreuve et quels ennuis
peuvent en résulter.» Il se rendit donc à Madrid, sollicita de nouveau la
mission d’explorer le bassin de la Nahara, mission qu’il obtint sans
difficulté, bien que ne faisant pas officiellement partie du corps des
mines, se mit immédiatement en route, et, après avoir deux ou trois fois
changé de ligne, tomba, comme on l’a vu, du train mixte no 65, dans les
bras du tendre Licurgo.
Cet excellent jeune homme touchait à ses trente-quatre ans. Il était de
forte complexion, de taille quelque peu herculéenne, admirablement bâti,
et si fier que s’il eût porté l’uniforme, il aurait été difficile d’imaginer un
militaire de meilleure mine et de plus martial aspect. Bien qu’ayant la
barbe et les cheveux blonds, sa physionomie ne respirait pas
l’imperturbable impassibilité des Allemands, mais, au contraire, une telle
vivacité que, quoique ne l’étant pas, ses yeux paraissaient noirs. Il
pouvait passer pour un type accompli de beauté masculine, et sur le
piédestal de sa statue, un sculpteur aurait certainement gravé ces mots:
intelligence et force. A défaut de s’y trouver écrits en caractères visibles,
ils étaient au moins vaguement exprimés par le feu de son regard, par le
puissant attrait de toute sa personne et par les sympathies que lui gagnait
son affabilité.
Il n’était pas des plus causeurs:—les organisations à idées mobiles et
jugements incertains sont seules portées à la verbosité. La profonde
pénétration de ce remarquable jeune homme, le rendait très sobre de
paroles dans les diverses discussions que soutenaient, sur différents
sujets, les hommes du jour; mais il savait montrer dans la conversation
une éloquence fine et spirituelle, toujours marquée au coin du bon sens et
d’une juste et calme appréciation des choses du monde. Il n’admettait
pas plus l’hypocrisie et les mauvaises plaisanteries que les insipides
subtilités chères à quelques esprits infestés de pindarisme, et pour
ramener ceux qui s’en écartaient au sentiment de la réalité, Pepe Rey
employait souvent, et pas toujours avec mesure, les armes de la raillerie.
C’était presque un défaut aux yeux d’un certain nombre de gens qui
l’estimaient, parce que notre jeune homme se montrait peu disposé à
approuver une foule de faits se produisant journellement dans la société
et que tout le monde admettait. Il faut bien le dire, bien que cela puisse
diminuer son prestige: Rey ne connaissait pas la facile tolérance du
siècle complaisant qui a inventé de singuliers euphémismes de mots et de
faits, pour voiler ce qui pourrait paraître désagréable aux yeux du
vulgaire.
Tel était, quoi qu’en puissent dire les mauvaises langues, l’homme
que le tio Licurgo introduisit dans Orbajosa juste au moment où la cloche
de la cathédrale sonnait pour la grand’messe.
Dès que, en regardant par-dessus le mur de clôture, ils eurent aperçu
Rosario avec le Penitenciaro et vu la jeune fille courir ensuite vers la
maison, ils éperonnèrent l’un et l’autre leurs montures, puis entrèrent
dans la rue Royale où un grand nombre de passants s’arrêtaient pour
examiner l’étrange voyageur qui pénétrait comme un intrus dans la ville
patriarcale. Tournant alors à droite dans la direction de la cathédrale,
dont le monumental édifice dominait tout le pays, ils enfilèrent l’étroite
rue du Connétable sur le pavé de laquelle les sabots ferrés des chevaux
retombant bruyamment en cadence, alarmaient tout le voisinage qui se
mettait aux fenêtres et aux balcons pour voir ce qui se passait. Les
jalousies s’ouvraient avec un bruit particulier et de nombreux visages
presque tous féminins, apparaissaient du haut en bas de la rue. Lorsque
Pepe Rey franchit la porte monumentale de la maison de Polentinos, les
commentaires sur son compte allaient déjà bon train.
IV.
L’ARRIVÉE DU COUSIN.
Y AURA-T-IL MÉSINTELLIGENCE?
LA MÉSINTELLIGENCE AUGMENTE.